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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 6 - Témoignages du 3 octobre 2006


OTTAWA, le mardi 3 octobre 2006

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 17 h 38 pour étudier de nouvelles questions concernant son mandat.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Nous recevons aujourd'hui la commissaire à l'environnement et au développement, ainsi que des membres de son personnel, afin de discuter des questions dont le comité est saisi à l'heure actuelle et de toute autre question qui pourrait découler du sixième rapport de la commissaire, qui a été publié le 28 septembre.

Je vous souhaite la bienvenue, madame la commissaire, ainsi qu'aux personnes qui vous accompagnent. Nous sommes très heureux de vous compter de nouveau parmi nous et avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire sur les sujets que vous avez abordés en détail dans votre rapport. La parole est à vous.

[Français]

Johanne Gélinas, commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui mon sixième rapport en tant que commissaire à l'environnement et au développement durable. Je suis accompagnée de David McBain, Richard Arseneault, Neil Maxwell et Kim Leach. Mon discours sera un peu plus long qu'à l'habitude, mais c'est dans le but de couvrir l'ensemble du rapport.

Ce rapport est le fruit de 18 mois de travail et porte sur les activités du gouvernement fédéral en matière de changements climatiques jusqu'à la mi-juin 2006. Lors de nos travaux de vérification, nous avons cherché à répondre à trois questions fondamentales : le gouvernement est-il en voie de respecter ses engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre? Est-il prêt à aider les Canadiens à s'adapter aux répercussions des changements climatiques? Et est-il organisé et gère-t-il bien ses activités? La réponse à ces trois questions est simple : non.

Il devient de plus en plus évident que le Canada ne pourra réduire ses émissions de gaz à effet de serre comme il s'est engagé à le faire en vertu du Protocole de Kyoto. En fait, au lieu de diminuer, les émissions ont augmenté de 27 p. 100 depuis 1990. Permettez-moi de vous présenter chacun des cinq chapitres de mon rapport.

[Traduction]

Le chapitre 1, intitulé « La gestion des activités fédérales en matière de changements climatiques », porte sur les mécanismes mis en place par le gouvernement fédéral pour gérer ses activités liées aux changements climatiques. Il traite également de la mesure dans laquelle il peut rendre compte des coûts et des résultats de ses initiatives, ainsi que des critères dont il s'est servi pour élaborer ses principales cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Nous avons aussi examiné de nouveaux moyens retenus par le gouvernement fédéral pour atteindre ses cibles en matière de changements climatiques. Il s'agit du système national d'échange de droits d'émissions de gaz à effet de serre et de la fondation Technologies du développement durable Canada, qui a été mise sur pied pour faciliter la réduction des émissions de gaz à effet de serre au moyen d'innovations technologiques.

Les interventions du gouvernement n'ont été ni bien organisées, ni bien gérées. Le gouvernement n'a pas défini son rôle comme chef de file, et n'a pas précisé les responsabilités de chaque ministère. Il n'a pas non plus réussi à se doter des outils essentiels pour mesurer ses progrès. Malgré les investissements annoncés depuis 1997, qui totalisent plus de six milliards de dollars, il n'existe toujours pas, à l'échelle du gouvernement, de système de suivi des dépenses et du rendement en matière de changements climatiques. Autrement dit, le gouvernement n'est pas en mesure de dire quels résultats il a obtenus grâce aux sommes investies.

Autre problème majeur : le gouvernement n'a pas abordé de front la question des émissions générées par le transport et les grandes industries, deux secteurs qui, ensemble, sont responsables de la majeure partie des émissions au Canada.

Pour ce qui est du secteur des transports, qui produit 25 p. 100 de toutes les émissions de gaz à effet de serre, la seule mesure bien définie est une entente volontaire avec l'industrie de l'automobile visant à réduire de 5,3 millions de tonnes, d'ici à 2010, les émissions de gaz à effet de serre. Cela ne représente que 2 p. 100 de la réduction totale nécessaire pour respecter l'engagement pris dans le cadre du Protocole de Kyoto. De plus, nous avons constaté dans cette entente l'absence de certaines mesures qui devraient figurer dans toutes les ententes volontaires, notamment la vérification par une tierce partie des données et des résultats modèles qui serviront à déterminer les progrès.

Par ailleurs, depuis 2002, le gouvernement a constamment revu à la baisse les cibles de réduction des grandes industries, qui produisent 53 p. 100 de toutes les émissions. À l'heure actuelle, le gouvernement demande à ce secteur de réduire ses émissions de 30 millions de tonnes seulement sur les 270 millions de tonnes qu'il faudrait éliminer pour respecter nos engagements dans le cadre du Protocole de Kyoto.

En d'autres mots, d'après les données disponibles au moment de notre vérification, la contribution de ces deux secteurs, qui sont responsables de 78 p. 100 de toutes les émissions au Canada, pourrait se limiter à environ 20 p. 100 de nos objectifs de réduction. Même si les mesures proposées étaient mises en œuvre, elles ne feraient, dans le meilleur des cas, que ralentir la croissance des émissions de gaz à effet de serre, et non la réduire.

Les deux principaux outils pour réduire les émissions, c'est-à-dire le Système des grands émetteurs finaux et le système national d'échange de droits d'émissions, sont toujours en chantier après plus de quatre ans. La mise en place du système est ralentie par divers problèmes, et le système national d'échange pourrait finir par coûter cher aux contribuables. Il reste encore à préciser si le gouvernement mettra en œuvre les principales mesures prévues dans son ancien plan, à savoir le Système des grands émetteurs finaux, le système national d'échange de droits d'émissions, le fonds pour le climat et le système de compensations, ainsi que les modalités de la mise en œuvre de ces mesures.

[Français]

Le chapitre 2 porte sur l'adaptation et les répercussions des changements climatiques. Le Canada s'est engagé à aider la population à affronter les répercussions des changements climatiques. Les Canadiens doivent être préparés à faire face à des phénomènes comme celui de la propagation des organismes nuisibles et des maladies, des sécheresse plus fréquentes dans les Prairies et des périodes de chaleur et de smog plus longues et plus intenses.

Malheureusement, encore plus qu'ailleurs, les efforts du gouvernement consacrés jusqu'à maintenant aux mesures d'adaptation ont été décevants. En dépit des engagements pris à cet égard depuis 1992, le gouvernement fédéral n'a aucune stratégie qui précise la manière dont il compte gérer les effets des changements climatiques. Une telle stratégie indiquerait aussi les responsabilités de chaque ministère et la manière dont les décideurs pourraient accéder aux renseignements importants sur le climat. Par exemple, la conception des égouts pluviaux pourrait devoir être modifiée en fonction de nouvelles données sur les pluies torrentielles.

L'absence de progrès importants dans la mise en œuvre des mesures d'adaptation menace le bien-être économique et social des Canadiennes et des Canadiens.

[Traduction]

Le chapitre 3, intitulé « La réduction des émissions de gaz à effet de serre attribuables à la production et à la consommation d'énergie », porte sur trois programmes de Ressources naturelles Canada qui ont chacun reçu au moins 100 millions de dollars afin de réduire les gaz à effet de serre générés par la production et la consommation d'énergie. Ces programmes sont : Encouragement à la production d'énergie éolienne, dans le secteur des énergies renouvelables; ÉnerGuide pour les maisons existantes, qui a été aboli en mai 2006 et qui visait à accroître l'efficacité énergétique; et le Programme d'expansion du marché de l'éthanol, dans le secteur des carburants renouvelables.

Bien que ces programmes aient donné des résultats, il a été difficile de déterminer dans quelle mesure ils ont contribué à réduire les émissions, car leurs objectifs n'étaient pas clairs. De plus, peu d'information a été communiquée sur l'argent dépensé et les résultats obtenus. Nous nous attendions à ce que Ressources naturelles Canada dise à la population canadienne dans quelle mesure ses programmes ont contribué à réduire les gaz à effet de serre. Or, le flou entourant les objectifs et le manque de rigueur dans la présentation de rapports publics sont tels que nous nous demandons comment les parlementaires pourraient évaluer l'efficacité de ces programmes.

Le chapitre 3 examine également les efforts déployés par le gouvernement fédéral pour réduire les émissions de gaz à effet de serre produites par le secteur pétrolier et gazier. Nous avons constaté que, dans la lutte qu'il mène contre les changements climatiques, le gouvernement fédéral n'a pas tenu compte de l'essor sans précédent de l'industrie pétrolière et gazière. Les émissions résultant de l'exploitation accrue des sables bitumineux pourraient doubler d'ici 2015. Cette augmentation pourrait annuler nos efforts visant à réduire les émissions.

[Français]

Le chapitre 4 porte sur les stratégies considérées par le gouvernement fédéral comme un outil important grâce auquel il peut faire progresser le développement durable.

Les constatations de la présente vérification sont de bon augure jusqu'à un certain point. Dans les trois quarts des cas que nous avons examinés, les ministères ont réalisé des progrès satisfaisants quant à la mise en œuvre des engagements pris dans leur stratégie.

Nous avons également constaté que les ministères qui n'avaient pas fait de progrès satisfaisants ne disposaient généralement pas de système de gestion efficace. Il est troublant de constater qu'après dix ans, certains ministères ne sont pas encore à la hauteur.

Le gouvernement n'a toujours pas honoré son engagement de longue date de définir un plan général en faveur de l'environnement et du développement durable, comme il avait récemment promis de le faire avant la fin de l'année 2006. Le comité souhaitera peut-être demander au gouvernement pourquoi il n'a pas respecté son engagement.

[Traduction]

Le chapitre 5, qui porte sur les pétitions environnementales, se divise en deux parties : le rapport annuel sur les pétitions et les conclusions d'une vérification que nous avons effectuée relativement à une promesse faite par Ressources naturelles Canada, Environnement Canada et Travaux publics et Services gouvernementaux, selon laquelle, en 2006, 20 p. 100 de leur électricité proviendrait de sources d'énergie verte.

Il convient de noter qu'il est de plus en plus souvent question des changements climatiques et de la qualité de l'air dans les pétitions environnementales présentées par les Canadiens. Les Canadiens sont informés et ils s'inquiètent des changements climatiques.

Bien que la plupart des pétitions aient reçu une réponse satisfaisante, ce ne fut pas le cas de toutes. Par exemple, la réponse du ministère des Finances à la pétition n0 158 portant sur les subventions accordées à l'industrie pétrolière et gazière et les initiatives fédérales visant à lutter contre les changements climatiques n'était pas satisfaisante. Le comité voudra peut-être demander au ministère des Finances d'expliquer clairement dans quelle mesure il subventionne ce secteur.

Nous avons constaté que le gouvernement n'a pas respecté sa promesse selon laquelle, en 2006, 20 p. 100 de son électricité proviendrait de sources d'énergie verte. C'est une promesse qu'il avait prise en 2002 en réponse à une pétition. Par conséquent, le gouvernement n'a pas contribué autant que prévu à la réduction des gaz à effet de serre au Canada.

[Français]

À l'issue de nos travaux, j'en viens à la conclusion que le gouvernement fédéral a fait trop peu et a agi trop lentement pour donner suite aux engagements du Canada en matière de changements climatiques. Le gouvernement devra redoubler d'efforts. J'ai recensé cinq secteurs qui sont, selon moi, primordiaux : exercer un leadership soutenu, intégrer les enjeux énergétiques et les changements climatiques, élaborer un plan de réduction des émissions de gaz à effet de serre, promouvoir les mesures d'adaptation et assurer la gouvernance et la reddition de comptes au sein du gouvernement.

Chacun de ces secteurs est important mais le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership dans tous ces secteurs.

Je considère que les parlementaires ont une occasion unique de prendre en compte les préoccupations que j'ai soulevées dans mon rapport. En fait, les fonctionnaires doivent répondre à diverses questions, notamment : des progrès ont-ils été réalisés en vue d'établir un système efficace pour recueillir et communiquer l'information sur les dépenses et les résultats?

Comment les rôles et les responsabilités des ministères seront-ils précisés? Et quels mécanismes seront mis en place pour coordonner les activités fédérales? Quelles leçons ont été tirées à la suite de l'examen des programmes de lutte contre les changements climatiques menés par le Conseil du Trésor? Et comment cette information sera-t-elle communiquée et utilisée? Comment les ministères arrivent-ils à préciser les résultats escomptés de leurs programmes de réduction de gaz à effet de serre? Et comment les résultats obtenus seront-ils communiqués?

[Traduction]

Pour ce faire, on pourrait organiser une série d'audiences sur des sujets précis, comme la planification, la reddition de comptes et la gouvernance, dans le cadre desquelles des représentants d'Environnement Canada, de Ressources naturelles Canada et du Secrétariat du Conseil du Trésor pourraient témoigner. On pourrait aussi convoquer des représentants d'Environnement Canada et de Ressources naturelles Canada à des audiences visant à déterminer comment améliorer les initiatives de lutte contre les changements climatiques, notamment le programme Encouragement à la production d'énergie éolienne, le protocole d'entente dans le secteur des transports et le système d'échange de droits d'émissions; comment concilier la croissance du secteur énergétique et la lutte contre les changements climatiques en faisant appel à des sources d'énergie de remplacement; et comment assurer l'adaptation aux répercussions des changements climatiques.

[Français]

Le gouvernement a accepté toutes mes recommandations. Je m'attends donc à ce que dans son nouveau plan, le gouvernement précise clairement comment mes recommandations seront considérées.

Dès que le nouveau plan de lutte contre les changements climatiques sera prêt, les parlementaires pourront évaluer comment le gouvernement a donné suite à mes recommandations précises formulées dans mon rapport, ainsi que les mesures prises relativement aux cinq secteurs qui sont, selon moi, garants de futurs progrès.

Voilà ce qui conclut, monsieur le président, ma déclaration d'ouverture. Je serai heureuse de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le sénateur Cochrane : Je vous remercie, madame Gélinas, d'avoir encore une fois produit un rapport percutant. Vous avez beaucoup retenu l'attention des médias et de divers autres groupes, et cela en dit long sur la valeur de votre travail. Tous les Canadiens bénéficient de votre travail. Les parlementaires, pour notre part, considérons vos observations et recommandations comme d'importants vecteurs de changement.

Le rapport indique que, depuis le milieu des années 90, le gouvernement fédéral a annoncé des investissements totalisant plus de six milliards de dollars pour lutter contre les changements climatiques. Toutefois, il signale que le gouvernement n'a toujours pas de système efficace pour faire le suivi de ses dépenses dans ce domaine. Nous n'avons aucun moyen de savoir comment ces six milliards de dollars ont été dépensés et s'ils l'ont été à bon ou à mauvais escient. Pour nous, les parlementaires, il est dramatique de constater que nous n'avons toujours aucun moyen de savoir ce que nous pouvons améliorer même après avoir dépensé une pareille somme d'argent.

Les Canadiens ont dit que le programme ÉnerGuide était un bon programme, mais ils ont quand même émis de nombreuses réserves à son égard. Je croyais que ce programme allait recueillir des commentaires positifs, mais, dans son cas, on ne peut pas parler d'une amélioration de 100 p. 100.

Pourriez-vous nous en dire davantage sur le programme ÉnerGuide?

Mme Gélinas : Je vous remercie de vos aimables remarques au sujet de notre rapport. Je les transmettrai à mon personnel demain.

Avant de revenir sur le programme ÉnerGuide, j'aimerais dissiper la confusion qui règne au sujet des dépenses qui ont été effectuées et de celles qui ont été annoncées. La somme de 6,3 milliards de dollars dont j'ai parlé représente le total des investissements annoncés dans les budgets qui ont été déposés entre 1997 et 2005. Nous avons appris du Conseil du Trésor qu'une somme de 1,6 million a été dépensée à ce jour. Il y a donc une nuance.

Vous avez parlé de l'absence de mécanisme de suivi à l'échelle du gouvernement. C'est ce que nous avons constaté au moment de la vérification, et cette situation n'a pas changé. Si vous ne voulez pas que je revienne dans deux pour vous dire que je n'ai pas les bons chiffres parce qu'il n'y a pas de mécanisme de suivi, alors le personnel administratif doit s'attaquer immédiatement à ce problème et voir à ce qu'un tel mécanisme soit mis en place le plus tôt possible.

Par ailleurs, l'information que nous a fournie le Conseil du Trésor, selon laquelle les dépenses totalisent 1,6 milliard de dollars, date de 2004. Nous n'avons pas pu obtenir le total des dépenses qui ont été effectuées depuis la fin de l'exercice de 2004. Pour cette raison, nous ne pouvons pas vous fournir les plus récentes données en ce qui a trait aux dépenses. Il s'agit d'un autre point important.

ÉnerGuide est l'un des trois programmes que nous avons examinés. J'ai indiqué très clairement qu'ÉnerGuide avait connu des améliorations. Lorsque le programme a été mis en place, en 1998, il visait essentiellement l'évaluation des maisons. Des experts évaluaient les maisons et les propriétaires devaient assumer le coût total des réaménagements et des rénovations nécessaires pour accroître l'efficacité énergétique de leur maison.

En 2003, on a amélioré le programme en le dotant d'un volet subvention. Ainsi, à l'issue de l'évaluation, les propriétaires pouvaient obtenir une subvention dans le cadre du programme ÉnerGuide pour effectuer les rénovations nécessaires. Le graphique qui figure dans le rapport montre que, à compter de ce moment, le programme a bénéficié d'une plus grande attention et a suscité un plus grand intérêt. On constate que les deux courbes vont dans la même direction.

L'objectif du programme était de réduire les émissions de 2,2 mégatonnes avant 2010. Nous avons déjà atteint le tiers de cet objectif, et nous disposons d'encore beaucoup de temps d'ici 2010 pour l'atteindre complètement.

Le sénateur Cochrane : Quels autres programmes avez-vous examinés? J'aimerais savoir quels sont, à la lumière de votre vérification, les autres programmes qui ont été fructueux, ne serait-ce que partiellement?

Mme Gélinas : M. McBain s'est chargé de l'évaluation du programme Encouragement à la production d'énergie éolienne, ou EPEE. Ce programme a obtenu un certain succès, tout comme le Programme d'expansion du marché de l'éthanol.

M. McBain pourrait vous donner plus de détails sur les résultats de ces programmes.

David McBain, directeur, Bureau du vérificateur général du Canada : Mme Gélinas a d'abord parlé du programme Encouragement à la production d'énergie éolienne. Ce programme pluriannuel vise à compenser le coût de la surcharge associée à la production d'électricité éolienne. L'objectif du programme est de réduire les émissions de 0,9 mégatonne par année jusqu'en 2010. Comme le signale le rapport, en mars dernier, le programme avait déjà entraîné une réduction des émissions de 0,36 mégatonne.

Au total, une somme de 21 millions de dollars a été investie dans le cadre de ce programme. Comme ce dernier s'étend sur plusieurs années et qu'il subventionne seulement l'électricité qui est produite, ces dépenses se poursuivront au cours des prochaines huit ou neuf années.

Le président : Je dois vous interrompre, monsieur McBain, car je ne comprends pas. Est-ce à dire que le programme continuera d'entraîner de telles dépenses, de sorte que, d'ici trois ans, nous y aurons investi 63 millions de dollars, ou s'agit-il de dépenses uniques qui peuvent être amorties sur la période que vous avez mentionnée?

M. McBain : Les dépenses sont amorties sur la période visée par l'accord de contribution qui est conclu avec les propriétaires de parcs éoliens. Par exemple, si un parc éolien commençait à produire de l'électricité aujourd'hui, il pourrait conclure un accord de contribution avec Ressources naturelles Canada prévoyant le versement d'un cent d'incitatif pour chaque kilowattheure produite pendant les dix prochaines années d'exploitation. Au-delà de cette période, le programme de paye plus.

Si vous examinez le chapitre d'un peu plus près, vous y remarquerez une pièce qui fait état des dépenses qui ont été effectuées à ce jour et de la somme des investissements qui ont été consentis pour les années à venir. En guise d'information, le total s'élève à 299 millions de dollars.

L'autre programme que nous avons examiné en profondeur est le Programme d'expansion du marché de l'éthanol. Ce programme vise essentiellement à accroître la capacité du Canada à produire de l'éthanol pour pouvoir en mélanger à l'essence.

L'objectif fondamental du programme est de réduire la quantité de gaz à effet de serre qui est émise durant le cycle de vie de l'éthanol, c'est-à-dire entre le moment où il est produit et celui où l'essence à laquelle il est mélangé est consommée.

Le programme date de 2003 seulement; il est donc relativement récent. Il prévoit, dans le cadre d'un accord de contribution, le versement d'une aide financière pour la construction ou l'agrandissement d'installations de production d'éthanol.

Le programme a aussi pour objectif de stimuler les investissements du secteur privé. Le ministère estime que, pour chaque tranche de 100 millions de dollars qu'il investit, le secteur privé investira entre 900 millions et 1 milliard de dollars dans ces projets. Si les projets se déroulent comme prévu, ils produiront suffisamment d'éthanol pour qu'on soit en mesure de mélanger 35 p. 100 de l'essence avec 10 p. 100 d'éthanol.

Je n'approfondirai pas trop là-dessus, car il est facile de s'empêtrer dans les chiffres et de s'y perdre.

Le rapport conclut qu'il n'y a pas eu de réduction des émissions de gaz à effet de serre, car, d'une part, la première usine est entrée en fonction au début de cette année seulement et, d'autre part, nous avions déjà achevé notre vérification lorsque Ressources naturelles Canada a obtenu les résultats de cette usine.

Le président : Où se trouve cette usine?

M. McBain : Elle est située à Weyburn, en Saskatchewan.

Mme Gélinas : Ces trois programmes, qui sont les plus importants en termes de financement, nous ont permis à ce jour de réduire nos émissions d'une mégatonne. L'objectif total pour les trois programmes est de cinq mégatonnes d'ici 2010. Comme nous le verrons plus tard, c'est un chiffre important lorsqu'il s'agit de déterminer si les objectifs de Kyoto son réalistes.

[Français]

Le sénateur Angus : Je souhaite à tous la bienvenue à notre comité. Je tiens également à vous féliciter pour votre rapport. Le changement climatique est un sujet qui me préoccupe beaucoup.

[Traduction]

Vous trouverez peut-être ma question naïve, mais le rapport présuppose l'existence de ce qu'on appelle les changements climatiques. Or, vous ne définissez pas ce phénomène au début de votre rapport. Pourriez-vous mettre les choses en perspective? Suis-je censé comprendre qu'il ne fait aucun doute dans votre esprit que les changements climatiques sont une réalité et qu'ils sont causés par les émissions de gaz à effet de serre?

Mme Gélinas : Nous ne mettons pas cela en doute. Nous ne remettons pas les études scientifiques en question. Le gouvernement reconnaît que les changements climatiques sont une réalité. Les changements climatiques s'accompagnent de conséquences, comme nous le constatons à la grandeur du pays. Nous ne remettons pas cela en question. Ce n'est pas dans notre mandat. Si le gouvernement veut remettre en question l'existence des changements climatiques, c'est une autre histoire. Or, nous avons adopté le point de vue du gouvernement et continuons de croire en l'impérativité des objectifs de l'accord de Kyoto.

Le sénateur Angus : Y en a-t-il parmi vous qui auraient des raisons de croire qu'il faudrait remettre en question l'existence des changements climatique, ou s'agit-il maintenant d'un fait incontestable? Est-ce cela que vous me dites?

Mme Gélinas : De ce côté-ci de la table, nous n'avons aucune raison de douter de l'existence des changements climatiques à la lumière de toute l'information que nous avons obtenue et des entrevues et des discussions que nous avons eues avec les représentants du gouvernement.

Richard Arseneault, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Dans notre rapport, nous avons inclus un tour d'Horizon sur les changements climatiques, qui explique aux lecteurs ce que sont les changements climatiques, pourquoi nous devons les craindre, et comment nous pouvons les combattre. Le gouvernement fédéral reconnaît que les changements climatiques sont une réalité. Les changements climatiques font l'objet d'études à l'échelle internationale. Un groupe international d'experts publie les conclusions de ses travaux de temps à autre. D'une fois à l'autre, les conclusions sont plus alarmantes en ce qui a trait à l'impact de l'activité humaine sur le climat. Il semble que le fait de prélever des substances dans le sol et de les relâcher dans l'air ait des répercussions sur certaines régions du Canada, dont le Nord, en particulier.

Le sénateur Angus : Très bien. Nous avons eu le privilège d'entendre des experts de ce groupe international essayer d'expliquer à des profanes l'important phénomène auquel sont confrontées l'humanité toute entière et la planète. Il y a toujours des experts, si récalcitrants soient-ils, qui affirment que les changements climatiques sont un phénomène cyclique et qu'il ne faut pas voir les choses sur une période de dix ans, mais plutôt sur une période d'un millénaire. Cela figure dans le tour d'horizon.

J'ai été frappé par la nature équilibrée de votre rapport. Vous n'avez pas fait beaucoup de prisonniers. Vous n'avez pas été sélective. Dans ce métier, il est honorable d'agir ainsi, sans compter que c'est beaucoup plus crédible. J'ai trouvé que vous aviez fait de l'excellent travail à cet égard.

Cela dit, j'ai trouvé particulièrement intéressant votre dernier commentaire selon lequel le gouvernement a accepté toutes vos recommandations.

Je sais que le rapport n'est sorti que depuis quelques jours. Nous attendions tous son arrivée avec impatience, mercredi ou jeudi dernier, et nous avions hâte d'y jeter un coup d'œil en fin de semaine.

Comment savez-vous que le gouvernement accepte les recommandations? Vous être capable de nous dire, en nous regardant droit dans les yeux, que le gouvernement a réagi avec enthousiasme au rapport. Je suis encouragé de l'apprendre, mais j'aimerais savoir comment vous l'avez su.

Mme Gélinas : Je vous remercie de cette importante question. La plupart des gens croient que le rapport a pris les bureaucrates par surprise, mais ce n'est pas le cas. Nous observons un processus rigoureux. Dès que nous amorçons une vérification, nous veillons à tenir de nombreuses discussions avec les fonctionnaires du ministère.

Nous présentons ensuite une première ébauche de notre rapport, après quoi les négociations peuvent débuter. Il arrive que le ministère ne soit pas d'accord sur certains points. Dans la mesure où il peut nous fournir des preuves et des faits, nous sommes disposés à modifier notre ébauche.

C'est à ce moment que le ministère voit nos recommandations pour la première fois. En fait, nous nous entretenons auparavant avec des représentants du ministère pour nous assurer que nos recommandations leur paraissent logiques, car, après tout, ce sont eux qui seront chargés de les mettre en œuvre.

Cette étape dure environ deux semaines. Huit semaines s'écoulent entre la sortie du document que nous appelons « l'ébauche du directeur principal » et la sortie de l'ébauche finale qui doit être autorisée. Le gouvernement est au courant des recommandations depuis le mois de mai, et il a eu amplement le temps de songer à la réponse qu'il allait donner à notre rapport.

Une fois que nous avons fermé les livres et envoyé le rapport chez l'imprimeur, la réponse du gouvernement est bien la dernière chose que nous attendons. Comme nous tenons compte des réactions du gouvernement dans la préparation de notre rapport, celles-ci appartiennent déjà au domaine public lorsque le rapport est déposé.

Le sénateur Angus : J'ai eu le privilège d'être ici lors du dépôt d'au moins trois de vos rapports. Est-ce la procédure normale, ou les choses ont-elles été faites différemment cette fois?

Mme Gélinas : C'est la procédure normale qui est en vigueur au Bureau du vérificateur général.

Le sénateur Angus : Lorsque vous parlez du gouvernement, voulez vous dire, comme dans le jargon d'Ottawa, le gouvernement, le Cabinet et le ministère?

Mme Gélinas : Non, nous discutons seulement avec les bureaucrates. C'est à eux qu'il incombe de transmettre l'information aux ministres. Nous ne faisons pas cela et je ne fais pas cela. J'informe seulement les ministres dans la semaine qui précède le dépôt du rapport — comme je l'ai fait la semaine dernière, deux jours avant le dépôt du rapport — par courtoisie pour les ministres qui voudraient me rencontrer, car c'est leur droit de convoquer une réunion.

Le sénateur Angus : Vous a-t-on dit, lors de cette réunion, que le gouvernement acceptait toutes vos recommandations?

Mme Gélinas : Je le savais déjà, car le gouvernement nous a fait part de ses réactions à la mi-juin.

Le sénateur Angus : S'il y a une chose que j'ai retenu de vos comparutions passées devant le comité à ce sujet — et je vais paraphraser ce que vous avez répété à maintes reprises en anglais et en français — c'est que le gouvernement fédéral du Canada a tous les outils dont il a besoin pour remédier de manière efficace aux problèmes environnementaux auxquels nous sommes confrontés. Cependant, il ne les utilise pas, et c'est pourquoi notre bilan à cet égard est désastreux. Le Canada est passé du 4e au 27e rang des pays de l'OCDE.

J'ai constaté ce soir, à la lecture de votre rapport et en vous écoutant attentivement, que le mot « outils » refait surface. Vous dites que le gouvernement n'a pas réussi à se doter des outils essentiels pour mesurer ses progrès, et vous parlez des 6 milliards de dollars.

Dans vos recommandations, vous précisez quels sont ces outils. Si j'ai bien lu, le leadership serait la clé. Est-ce exact? Pourriez-vous élaborer davantage sur ce point? Quels sont les outils dont le gouvernement devra se doter pour réussir à mettre en œuvre les recommandations qu'il a acceptées?

Mme Gélinas : Il est difficile de dire, en ce moment même, quels outils le gouvernement utilisera. Nous savons qu'il a accepté toutes mes recommandations, mais nous n'avons pas plus de détails et nous ne savons pas comment il compte les mettre en oeuvre.

Par exemple, nous attendons toujours de voir ce que le gouvernement a prévu relativement à l'échange des droits d'émissions. Je peux vous dire qu'il penchera sur cette question dans le cadre de son nouveau plan vert et qu'il tiendra compte de ma recommandation dans l'élaboration de son plan, mais je ne suis pas en mesure de vous dire ce que contiendra ce dernier. Tout ce que je peux dire, c'est que le gouvernement a accepté le principe de ma recommandation. J'ignore complètement comment il s'y prendra pour la mettre en œuvre. Je crois que personne ne le sait encore.

C'est pourquoi j'ai dit que, à mesure que nous obtiendrons des précisions sur le plan du gouvernement pour lutter contre les changements climatiques, les députés auront un rôle essentiel à jouer pour qu'on puisse comprendre davantage comment mes recommandations seront mises en œuvre dans un proche avenir.

Le sénateur Angus : Je crois que votre rapport précise quels sont ces outils. J'ai mentionné le leadership parce que vous avez beaucoup insisté sur ce point et que j'ignore ce que vous voulez dire par là.

Il faut reconnaître que, dans le gouvernement précédant, les ministres qui se sont occupés de l'environnement — je pense au ministre Anderson et au ministre Dion — sont devenus très verts. Ils m'ont semblés sincères — peut-être étaient-ils mal conseillés, je ne le sais pas — lorsqu'ils ont comparu devant nous. Ils avaient l'air de savoir où ils allaient et semblaient déterminés à faire preuve de leadership en vue de doter le Canada d'un véritable plan en matière d'environnement.

Mais, comme vous l'avez dit, ils n'ont pas bien utilisé les outils et tout ce leadership n'a rien donné — votre rapport fait clairement état d'un échec.

Mme Gélinas : Pour ma part, je ne considère pas le leadership comme un outil. Les outils sont déjà là. Ce sont les accords volontaires, les règlements, les programmes et les stratégies. J'ai dit on ne peut plus clairement au début de mon rapport que le gouvernement possède déjà les outils, le savoir-faire et l'expertise dont il a besoin. Le problème, c'est la façon dont il les utilise pour atteindre ses objectifs globaux.

Le leadership est un cas différent. C'est une notion qui peut être vue sous différents angles. Lorsque la bureaucratie met quatre ans à élaborer un régime pour les grands émetteurs finaux, alors que nous savons qu'un tel régime est essential pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous sommes en droit de nous demander où était passé le leadership au sein de la bureaucratie.

Si le pays et le gouvernement fédéral, en particulier, ne sont pas encore été prêts à s'engager et à solliciter l'aide des provinces pour trouver des solutions aux changements climatiques, c'est probablement à cause d'un manque de leadership.

On peut voir le leadership de différentes façons. Lorsque nous avons parlé avec les fonctionnaires, ils nous ont dit qu'ils voulaient aller de l'avant, mais qu'ils attendaient que leurs supérieurs leur disent quoi faire. C'est une autre façon de concevoir le leadership et d'illustrer à quel point il doit primer au sein des niveaux supérieurs non seulement de la sphère politique, mais aussi de la sphère administrative.

Le président : J'aimerais obtenir une précision. Lorsque vous avez répondu au sénateur Angus au sujet de l'acceptation des recommandations par le gouvernement, vous avez dit tout d'abord que les consultations avec le gouvernement étaient en fait des consultations avec des bureaucrates.

Mme Gélinas : C'est exact.

Le président : Lorsque vous parlez de la mise en œuvre des recommandations dans votre rapport, je suppose que vous voulez dire par le ministère. Est-ce exact?

Mme Gélinas : C'est bien cela.

Le président : J'aimerais clarifier un autre point. Les outils dont vous venez de parler sont des outils d'exécution. Or, les outils que vous avez jugés absents et dont vous parlez dans la partie cruciale de votre rapport sont les outils de mesure et d'évaluation. Ai-je bien compris?

Mme Gélinas : Oui.

Le sénateur Angus : Merci de cette clarification.

Vous avez indiqué que le secteur des transports et l'industrie lourde étaient responsables d'environ 78 p. 100 des émissions. Lorsque vous parlez de l'industrie lourde, cela englobe-t-il l'industrie pétrolière et gazière?

Mme Gélinas : Le secteur de l'industrie englobe l'industrie minière et manufacturière, l'industrie pétrolière et gazière et l'industrie de l'électricité thermique. Ces trois groupes représentent 53 p. 100 des émissions et le secteur des transports, 25 p. 100. Le secteur de l'industrie dans l'ensemble est responsable de 53 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre.

Le sénateur Angus : Au point 19 du chapitre 3 du document que vous nous avez distribué, il est question des efforts déployés par le gouvernement pour réduire les émissions produites par l'industrie pétrolière et gazière. J'ai appris entre les branches que vous vous êtes personnellement rendue en Alberta pour constater vous-même la situation des sables bitumineux. Dans votre déclaration d'ouverture, vous avez dit que le gouvernement fédéral n'avait pas tenu compte de l'essor sans précédent de l'industrie pétrolière et gazière dans sa lutte contre les changements climatiques. Vous avez dit que les émissions résultant de l'exploitation accrue des sables bitumineux pourraient doubler d'ici 2015 et que cette augmentation pourrait annuler nos efforts visant à réduire les émissions.

Pourriez-vous élaborer là-dessus? J'aimerais savoir quelle a été votre impression personnelle lorsque vous vous êtes rendue dans la région de Fort McMurray.

Mme Gélinas : Je doute que mon impression personnelle intéresse les sénateurs. Je parlerai d'abord de l'industrie pétrolière et gazière et des sables bitumineux.

Vous avez soulevé un élément crucial de ma déclaration d'ouverture. Peu importe les efforts que nous déploierons au cours des prochaines années pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ils seront anéantis si le gouvernement ne s'attaque pas sérieusement à la question des sables bitumineux. L'industrie pétrolière et gazière n'est pas différente des deux autres secteurs; elle émet environ la même quantité de gaz à effet de serre. L'exploitation des sables bitumineux s'effectue à un rythme très rapide. Il existe des moyens techniques pour réduire les émissions dans ce secteur. Le gouvernement s'attendait à pouvoir réduire les émissions de gaz à effet de serre dans ce secteur de 20 mégatonnes par année. À l'heure actuelle, l'industrie pétrolière et gazière produit 19 p. 100 des émissions et les sables bitumineux représentent une forte proportion de ce pourcentage. Tant que nous ne nous attaquerons pas précisément à cette question et que le gouvernement ne se dotera pas des moyens techniques nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous n'obtiendrons aucun résultat.

L'objectif global est de ramener la courbe vers le bas. Comme je l'ai dit, toutes les mesures que nous prendrons feront tout au plus diminuer le taux de croissance des émissions, mais elles ne feront pas diminuer les émissions.

Le sénateur Angus : Nous avons lu ce matin que la ministre Rona Ambrose a rencontré des représentants de l'industrie pétrolière et gazière au cours des derniers jours. Elle a déclaré que le problème ne pouvait pas être réglé du jour au lendemain et que, même si nous aurons bientôt les moyens techniques nécessaires, il fallait être patient — le problème sera réglé graduellement, bien que de façon urgente.

Avez-vous lu cela ce matin? Certaines personnes disaient : « Ça recommence. Toujours aucune conviction et aucune action en vue ».

J'ai trouvé la réponse de la ministre convaincante, mais, de toute évidence, elle a été conseillée par des experts. Que pensez-vous de cela?

Mme Gélinas : Nous savons tous qu'il n'existe pas de remède miracle. Notre économie est en croissance. C'est une bonne chose, mais, à cause de cela, nous devons lutter avec encore plus de conviction contre les changements climatiques. C'est pourquoi nous ne nous sommes pas limités au Protocole de Kyoto. C'est une étape importante, mais nous avons indiqué que, en plus des objectifs à court terme — soit la période visée par le Protocole de Kyoto, de 2008 et 2012 — il fallait aussi fixer des objectifs à long terme.

Nous avons effectué une vérification de Technologies du développement durable Canada, une fondation dont l'objectif est d'accélérer la commercialisation des nouvelles technologies, et il est clair que cela ne se fera pas du jour au lendemain. Cela prend du temps et c'est pourquoi nous devons établir des objectifs à court terme, en plus de ceux à long terme, c'est-à-dire pour mettre en place un système afin que le gouvernement puisse informer les Canadiens de ce qui se passe dans le dossier des changements climatiques. Le gouvernement dépense l'argent des contribuables et ces derniers ont le droit de savoir ce qui se passe. Nous devons mettre un tel système en place le plus tôt possible.

Le sénateur Adams : Vous avez mentionné l'octroi de subventions à l'industrie pétrolière et gazière. Le comité s'est rendu à Fort McMurray en mars dernier. Cette région bénéficie d'un investissement additionnel de 6 milliards de dollars dans le secteur des sables bitumineux. J'aimerais en savoir plus à ce sujet. Ces subventions visent-elles à réduire les émissions ou seulement à moderniser l'équipement? Plus d'un milliard de dollars ont été dépensés à ce jour. Est-il stipulé quelque part que les subventions du gouvernement doivent servir à améliorer l'environnement?

Mme Gélinas : Je suis allée au Nunavut pour la première fois et j'espère pouvoir y retourner. C'est une magnifique région du Canada.

Nous ne nous sommes pas penchés sur les subventions comme telles. Dans ma déclaration d'ouverture, j'ai parlé des pétitions. Les pétitions sont un moyen dont disposent les Canadiens pour poser des questions au gouvernement fédéral. Nous avons présenté une pétition sur les questions liées à l'octroi de subventions à l'industrie pétrolière et gazière.

La seule information que nous pouvons partager avec vous, ce sont les allégations qui figurent dans la pétition, car elles appartiennent au domaine public, et le genre de réponse que nous avons reçue du ministère des Finances, notamment. Mme Leach peut vous résumer la pétition très rapidement.

Le sénateur Fox : Comment cela fonctionne-t-il? S'agit-il d'un droit garanti par la loi?

Mme Gélinas : Oui. Mon mandat énonce trois responsabilités. La première est d'effectuer des vérifications relativement à d'importantes questions environnementales — c'est moi qui choisit les questions que je veux examiner. La deuxième est de présenter chaque année un rapport sur les progrès accomplis par le gouvernement fédéral dans le dossier du développement durable. La troisième est d'agir en tant que gardien du processus de pétition. Ce processus permet aux Canadiens, par mon entremise, de poser des questions à n'importe quel ministère fédéral. Les ministres sont tenus de rendre des comptes et ils disposent de 120 jours pour répondre aux pétitionnaires en passant par moi.

Le sénateur Fox : Pouvons-nous faire cela, nous aussi?

Mme Gélinas : C'est un moyen efficace d'obtenir des réponses à vos questions.

M. Arseneault : Nous soumettons aussi les réponses des ministres à des vérifications. Il leur arrive d'exagérer un peu la vérité.

Le président : Non!

M. Arseneault : C'est ce que nous a révélé notre expérience.

Le sénateur Adams : J'aimerais obtenir des précisions sur deux des sujets dont vous avez parlé. Le premier est l'accroissement de l'efficacité énergétique des maisons. Nous vivons dans un pays où il fait froid. Les maisons qui ont été construites avant l'avènement des politiques dans le domaine de l'environnement ne sont pas toutes à la fine pointe. Je crois que le gouvernement a modernisé 2 000 maisons en 1970. Au Nunavut, les fonds ont principalement servi à améliorer l'isolation des maisons. Dans les années 70, la Société canadienne d'hypothèques et de logement, ou la SCHL, a modernisé les greniers. Certains greniers doivent être aérés. Or, il arrive que les conduits d'aération passent près du sol et que la neige fine pénètre dans les greniers. Les maisons construites dans les années 70 ne sont pas toutes à la hauteur des normes actuelles. Dans quelle mesure le programme améliore-t-il l'efficacité énergétique des maisons au Nunavut? Ma maison me coûte environ 400 $ par mois en frais de chauffage.

Mme Gélinas : Laissez-moi vous dire ceci. Il a été démontré que le programme ÉnerGuide pour les maisons existantes permettait d'accroître l'efficacité énergétique des maisons d'en moyenne 27 p. 100, ce qui est significatif.

Le sénateur Adams : Oui, mais c'est pour le Canada tout entier. Le gouvernement détermine le pourcentage de la population qui possède une maison. Pour ce faire, il compte habituellement le nombre de propriétaires par région. Est- ce encore ainsi que l'on procède? Au Nunavut, il n'y a que 30 000 personnes d'enregistrées. Nous n'avons peut-être pas les moyens de cette politique gouvernementale. Combien de personnes vivent dans ces collectivités? Nous payons des taxes comme tous les Canadiens. Nous être au courant à propos des subventions. Je n'ai même pas les moyens d'habiter ma maison. Je ne peux pas obtenir de subvention parce que je travaille pour le gouvernement.

Le président : Sénateur Adams, les subventions versées dans le cadre du programme ÉnerGuide ne sont pas déterminées en fonction du nombre d'habitants. Elles dépendent de chaque maison. Tous les Canadiens, peu importe où ils habitent, sont admissibles aux mêmes avantages.

Neil Maxwell, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Nous n'avons pas examiné en profondeur le point que vous avez soulevé, mais une des choses importantes que nous avons examinées dans le rapport et qui a une incidence sur le Nord est la question de l'adaptation et des répercussions qui surviennent. Les maisons dont vous parlez risquent actuellement des dommages à cause de la perte de pergélisol. Le Nord est la région du Canada qui est le plus fortement touchée par la perte de pergélisol et le réchauffement de la planète. L'incidence de ces phénomènes est très profonde. C'est l'une des choses les plus frappantes que nous avons découvertes pendant notre vérification.

Nous avons essayé de faire valoir l'importance de toute la question de l'adaptation. Le gouvernement se concentre énormément sur la réduction des émissions. Certes, cela est très important, mais il est tout aussi important qu'il donne à tous les Canadiens les moyens pour qu'ils puissent s'adapter aux changements qui sont inévitables. En somme, notre message était que le gouvernement n'a pas réfléchi à ce qu'il allait faire. Il commence tout juste à y songer.

Le sénateur Adams : J'ai appris que la CBC menait des études sur certaines rivières au Nunavut. Je veux seulement m'assurer qu'on a le droit d'étudier les rivières au Nunavut. Depuis que la politique a été adoptée, il y a une entreprise, qui n'est pas la mienne, qui a investi plus de 300 000 $ dans de telles études depuis le début de l'été. Elle prévoit investir une somme additionnelle de 4 millions de dollars l'an prochain pour étudier le potentiel des rivières pour la construction de barrages hydroélectriques et d'autres installations de ce type. C'est de l'argent gaspillé. Les règlements environnementaux interdisent la construction d'autres barrages. À l'heure actuelle, des personnes étudient les poissons qui vivent dans ces rivières en prévision de l'adaptation éventuelle d'une centrale au Nunavut. Nous faisons les choses comme il faut, mais sommes-nous censés passer à autre chose? Nous avons 26 collectivités et une centrale qui carbure au diesel 365 jours par année. J'ignore quelle quantité de gaz nous émettons. Comprenez-vous ma question?

Mme Gélinas : Oui, je comprends la question, mais je ne peux pas y répondre. Vous pouvez présenter une pétition si vous voulez obtenir une réponse.

Le président : Sénateur Adams, il suffit de présenter votre question sous la forme d'une pétition et de la présenter à la commissaire, et vous obtiendrez une réponse. Rappelez-nous de le faire, et nous y verrons.

[Français]

Le sénateur Tardif : Merci à vous tous pour cet excellent rapport. Madame Gélinas, vous soulignez dans le rapport que la gestion des activités fédérales en matière de changements climatiques n'a pas été bien organisée ni bien coordonnée entre les divers départements et agences, car en cette matière plusieurs départements ou agences sont responsables. Alors selon vous, quel type de gestion pourrait relier efficacement ce réseau de compétences?

Mme Gélinas : Je suis certaine que tout le monde aimerait connaître la réponse à cette question. Laissez-moi vous dire tout d'abord ce qui nous a paru mal fonctionner. D'une part, il n'y a pas de surveillance au plan des instances supérieures du gouvernement. D'autre part, qu'un ministère soit responsable d'un dossier ne lui donne pas autorité en la matière sur les autres ministères, d'où l'importance de pouvoir travailler ensemble sur des enjeux horizontaux.

Cela fait deux ou trois ans que le Secrétariat du Conseil du Trésor a commencé à travailler sur le dossier du changement climatique en tant que projet pilote. Il a développé une structure de gouvernance qui vise à assurer que des mécanismes soient en place afin de définir clairement quels rôles et responsabilités incombent à chacun des ministères ainsi que les objectifs, dont la réduction des gaz à effet de serre, par exemple, de façon à pouvoir mesurer la performance de chacun par rapport à ces objectifs.

Ce n'est toujours pas terminé. J'ajouterais que toute la question de mesurer et de faire rapport est aussi absente. On l'a mentionné à plusieurs reprises ce soir.

Tant et aussi longtemps que ce problème ne sera pas réglé, nonobstant les engagements des gouvernements qui se succéderont, on se retrouvera toujours dans la même situation où l'on n'aura pas une bonne structure de gouvernance. S'il y a une chose qu'on apprend dans le domaine de la vérification, c'est qu'une bonne gestion donne de bons résultats. Ce n'est probablement pas étonnant qu'avec les résultats qu'on a aujourd'hui, qu'on n'ait pas une bonne gestion. Cela doit être résolu par le gouvernement. C'est la raison pour laquelle je mentionnais le Conseil du Trésor parce que les deux éléments manquants de son cadre de gestion, c'est précisément l'aspect qui traite de la gouvernance et de la performance. Bien que dans les réponses obtenues du Conseil du Trésor, on nous dit qu'ils sont en voie de définir des dates butoir, cela serait sûrement utile afin d'assurer que le Conseil du Trésor livre la marchandise. Donc la structure de gouvernance, de toute évidence, est déficiente.

M. Arseneault : Il faudrait mentionner qu'il y a quelques années le Secrétariat aux changements climatiques existait et qu'il avait un rôle de coordination interministériel. Ce secrétariat se rapportait directement au sous-ministre de Ressources naturelles Canada et de Environnement Canada et travaillait avec l'ensemble des ministères dans le but, si on veut, de favoriser une direction commune. Ce qui est important, c'est qu'avant d'être éliminé, ce secrétariat avait produit un rapport sur les dépenses des éléments de la performance du gouvernement. On avait annoncé qu'il serait remplacé par une autre structure. Le Conseil du Trésor s'est impliqué, comme Mme Gélinas l'a mentionné, suite à une étude pilote pour produire la carte des programmes du gouvernement fédéral.

Le gouvernement fédéral avait un ensemble de programmes en place. On ne savait pas l'ampleur. On a décidé de produire cette carte. Une fois qu'on l'avait en place, on pourrait mettre des structures, analyser et faire des évaluations des programmes. C'est ce qui a manqué dans le système. Présentement, le Conseil du Trésor joue un rôle, mais ils nous ont dit clairement que ce ne sont pas eux les propriétaires de cette fonction. Ils ne sont là que pour faciliter un processus. Il faudrait identifier qui est vraiment responsable, ultérieurement.

Mme Gélinas : Si je peux me permettre d'ajouter un point, la dernière fois que les Canadiens et les parlementaires ont eu une à mise à jour du dossier des changements climatiques, c'est en 2003.

L'engagement du gouvernement voulait qu'un prochain rapport sur la performance soit déposé en 2008. Il nous reste près de deux ans pour avoir un rapport. Si le passé est garant de l'avenir, il serait bon de se questionner sur la possibilité qu'un rapport soit rendu public en 2008, compte tenu des glissements de délai qui ont fait en sorte qu'on attend encore les résultats de performance du gouvernement.

[Traduction]

Le sénateur Cochrane : J'ai une réunion du Comité des pêches à 19 heures. Le ministre comparaîtra et je dois y être.

Je voulais seulement vous demander, madame Gélinas, ce que vous pensez de l'approche volontaire pour réduire les émissions. Croyez-vous que le terme « volontaire » soit bien choisi? Trouvez-vous que cette approche a donné de bons résultats par le passé?

Mme Gélinas : Voulez-vous parler des accords volontaires dans le secteur de l'automobile?

Le sénateur Cochrane : Oui.

Mme Gélinas : Tout d'abord, j'aimerais préciser qu'il s'agit de l'un des outils à notre disposition. Nous n'avons toujours pas déterminé si les accords volontaires sont une bonne ou une mauvaise chose, ni s'ils sont préférables aux règlements. Ce que nous maintenons depuis de nombreuses années, c'est que les accords volontaires doivent être aussi rigoureux et fermes que des règlements, si nous devons les comparer.

Or, nous constatons que les accords volontaires comportent certaines lacunes, dont la plus importante est l'absence de vérification indépendante. L'accord qui a été conclu entre le secteur de l'automobile et le ministère des Ressources naturelles ne stipule pas clairement qu'une vérification indépendante devra être effectuée en vue d'informer les Canadiens et les parlementaires des progrès survenus grâce à l'accord. Étant donné la nature volontaire de cet accord, il est plus important que jamais de garantir l'accès à ce type d'information.

Dans leur réponse, les responsables du ministère ont affirmé qu'ils discuteraient avec les représentants du secteur de l'automobile, mais il n'y a eu aucun engagement ferme à l'égard de cette vérification indépendante.

Le sénateur Cochrane : Lorsque vous êtes allée dans l'Ouest pour rendre visite aux gens de l'industrie, avez-vous eu l'impression qu'ils prenaient des mesures concrètes, qu'ils tentaient de trouver des moyens de faire face aux problèmes d'émissions atmosphériques et de s'adapter aux répercussions des changements climatiques?

Mme Gélinas : Ils m'ont dit beaucoup de choses très positives. Je devrais d'ailleurs profiter de l'occasion pour vous dire que nous nous sommes penchés sur les divers programmes, politiques et mesures du gouvernement fédéral. Nous ne savons pas exactement ce que chacun des participants de cette industrie fait pour réduire les gaz à effet de serre. Ils pourraient y avoir là de bonnes solutions — et c'est en fait ce qu'ils m'ont affirmé — mais en tant que vérificatrice, je dois en avoir des preuves tangibles. Dans ce cas, je ne peux m'avancer, mais j'ai été très bien reçue.

[Français]

Le sénateur Tardif : Je voudrais revenir à la question de la gestion de l'ancien secrétariat. J'ai d'abord trois questions à vous poser : est-ce qu'on a indiqué les raisons pour lesquelles on a aboli le Secrétariat aux changements climatiques? Est-ce que ce secrétariat fonctionnait? Actuellement, est-ce la responsabilité du Conseil du Trésor de développer un plan sur les changements climatiques?

Mme Gélinas : Je répondrai à la dernière question et laisserai Richard répondre aux deux premières. La première responsabilité de développer un plan incombe à la ministre de l'Environnement. Ce qu'on a vu dans le cadre de nos vérifications au cours de la dernière année et demie, c'est que, d'une part, dans certains secteurs, ce n'est pas clair qui est responsable de quoi, d'où l'importance de préciser les rôles et les responsabilités. Notre compréhension est que tout ce qui a trait au développement des politiques relève d'Environnement Canada et en ce qui concerne la mise en œuvre des programmes, ils sont majoritairement gérés par le ministère des Ressources naturelles Canada. Il y a tous les autres joueurs des ministères dont les rôles ne sont pas clairement définis.

Le sénateur Tardif : Et dans les zones grises, qui décide?

M. Arseneault : Dans nos recommandations faites à l'intérieur du rapport de la commissaire, nous-mêmes ne savions pas à qui adresser nos recommandations parce que ce n'était pas clair qui était vraiment en charge dans les ministères. C'est en discutant avec eux qu'ils nous ont dit que c'est Environnement Canada qui avait le leadership.

En ce qui a trait à votre question précédente sur l'élimination du Secrétariat aux changements climatiques, le gouvernement avait décidé que le secrétariat avait terminé sa fonction et que, à ce moment, les agences centrales s'impliquaient davantage dans le dossier, incluant le Conseil du Trésor qui a développé l'étude pilote. Mais on nous avait promis des mécanismes qui remplaceraient le secrétariat. Cela n'est pas arrivé. Il y a eu au niveau politique un comité du Cabinet, qui avait été créé sous l'ancien gouvernement, mais on n'avait pas accès à l'information de ces discussions. On ne pouvait pas vraiment vérifier la teneur de leurs discussions. Et, maintenant, ce comité n'existe plus. On est dans une situation où il n'y a pas vraiment de mécanisme de coordination qui fait un suivi sur la performance et les aspects financiers.

Le sénateur Tardif : Quel comité n'existe plus?

M. Arseneault : Le comité parlementaire ad hoc sur le développement durable.

Le sénateur Tardif : Les sous-ministres qui y siégeaient?

M. Arseneault : C'était les ministres. C'était sous la présidence du ministre de l'Industrie sous l'ancien gouvernement, mais le nouveau gouvernement n'a pas choisi de recréer ce comité, pour l'instant.

[Traduction]

Le président : Dans cette même optique d'évaluation, vous avez dit dans votre rapport, et vous l'avez répété aujourd'hui, que le programme ÉnerGuide et le programme d'évaluation énergétique connexe obtenaient un certain succès, qu'ils fonctionnaient bien et qu'ils donnaient des résultats.

Avez-vous compris alors pourquoi il a été annulé? Était-il si inefficace que la prudence dictait de l'annuler ou devrions-nous attendre de voir par quoi on le remplacera?

Mme Gélinas : Vous devez comprendre que nous ne nous sommes penchés que sur trois programmes. Ces programmes ne permettent pas une réduction importante. Ce n'est pas une solution miracle. Toute mesure qui pourrait contribuer à réduire les gaz à effet de serre serait probablement bien accueillie.

L'autre chose qu'il ne faut pas oublier, et sur laquelle nous ne nous sommes pas penchés nous-mêmes, c'est que pendant que nous faisions notre propre vérification, le Conseil du Trésor effectuait une vérification globale de tous les programmes portant sur les changements climatiques. C'est probablement là que vous trouverez une partie de la réponse à votre question. Si vous voulez savoir pourquoi ce programme a été annulé et non les autres, le Conseil du Trésor pourra vous répondre.

On m'a demandé encore ce matin : que penser des autres programmes? Comment peut-on parler de l'efficacité du programme? Je ne peux pas en parler parce que je me suis concentrée sur trois programmes seulement. J'ai déjà précisé combien ces programmes avaient coûté et quels en avaient été les résultats. Il y a toute une liste d'autres programmes qui ont été évalués et qui ont fait l'objet d'une analyse.

Le président : Lorsque vous avez parlé de l'usine d'éthanol, avez-vous exprimé une opinion — et dans la négative, vous ou vos collaborateurs en avez-vous une maintenant — sur la question des matières premières? Il y a deux principaux ingrédients à la base de la fabrication d'éthanol, soit le maïs et la cellulose. Je suis heureux de savoir qu'il existe une usine qui fonctionne bien en Saskatchewan. Je présume qu'on y utilise de la cellulose. Est-ce bien exact?

M. McBain : Cette usine utilise le blé comme matière première.

Le président : C'est dommage. Je présume que cela répond à ma question.

Avez-vous fait part d'une préférence en termes d'efficacité, d'un point de vue purement canadien, entre la production d'éthanol à partir de cellulose ou de maïs? Si les premiers investissements sont faits dans des usines d'éthanol utilisant le maïs comme matière première, compte tenu de l'efficience agricole du maïs par rapport à la cellulose, il serait probablement plus rentable dans certains cas pour les usines canadiennes d'acheter du maïs américain pour la transformation. Cela ne serait pas très rentable pour l'économie canadienne. Avez-vous fait des commentaires à cet égard?

Mme Gélinas : Nous ne nous sommes pas penchés sur cette question et n'avons donc fait aucun commentaire au sujet des matières premières.

Le sénateur Angus : Quand on parle de leadership et de volonté politique, on parle de politique. La politique est l'art du possible.

Certains disent qu'en général, les Canadiens ont du mal à saisir le problème des émissions de gaz à effet de serre. Ce n'est pas très concret pour eux. Ce n'est pas quelque chose qu'ils peuvent voir ou sentir ou qui provoque un écoulement nasal par exemple. Dans le domaine de l'environnement, les Canadiens s'intéressent plutôt aux questions qui ont des incidences sur leur santé, par exemple les effets du mercure sur les femmes enceintes ou la mauvaise qualité de l'eau potable, comme nous l'avons vu à Walkerton ou plus récemment au lac Massawippi au Québec. Si nous pouvons trouver une solution à ce genre de problèmes, nous aurons fait un grand pas en avant.

En tant que citoyen canadien, et je le dis sans égards à mes responsabilités de sénateur conservateur, je crains que la loi proposée sur la lutte contre la pollution atmosphérique et tout autre plan qui pourrait être déposé dans un proche avenir portent davantage sur la pureté de l'air et de l'eau et sur les questions touchant la santé que sur les changements climatiques.

Je vous remercie de vos commentaires à cet égard. Je suis certain qu'au cours des discussions que vous avez eues avec les autorités responsables par suite du dépôt de vos recommandations, vous avez dû avoir une petite idée des mesures qui seront proposées.

Mme Gélinas : À titre de vérificatrice des programmes environnementaux pour le gouvernement fédéral, je m'intéresse à tous les engagements qui ont été pris en termes de résultats escomptés. En tant qu'environnementaliste, j'aimerais que nous puissions nous occuper des grands problèmes. Les changements climatiques ne sont qu'une des nombreuses questions dont nous devons nous occuper.

Ceci dit, comme tous les autres Canadiens j'attends avec impatience de voir le nouveau plan qui sera proposé et les mesures qui seront prises à l'égard des changements climatiques. Vous savez que vous ne pourrez vous débarrasser de moi. Je reviendrai tous les ans, je vérifierai les progrès accomplis et je ferai rapport sur ce qui aura été fait.

Je me suis penchée sur plusieurs autres questions dans le passé. Je ne suis pas responsable des politiques. Ce n'est pas moi qui établis les priorités. Je me préoccupe toujours de la même chose, c'est-à-dire de voir à ce que les promesses qui ont été faites soient respectées et à ce que nous voyions des résultats concrets.

Les Canadiens veulent des résultats, quels que soient les engagements pris. Ma responsabilité consiste à vous tenir au courant de ce qui a été fait. C'est aux parlementaires qu'il revient d'exercer des pressions sur le gouvernement et de voir à ce que ce dernier rende des comptes, qu'il fasse les ajustements qui s'imposent et qu'il passe à autre chose. Nous avons tellement de problèmes à régler. Je suis persuadée que le dossier environnemental peut soutenir notre intérêt pendant très longtemps encore.

Le président : Le sénateur Angus a soulevé un point important et je l'en remercie.

Le sénateur Angus : J'essaie de bien comprendre la question moi-même. À la lecture de votre rapport, il me semble que les grands enjeux relatifs aux changements climatiques ne sont pas du ressort, pourrais-je dire, du citoyen canadien moyen. Le Défi d'une tonne par exemple était une bonne idée, mais il était difficile pour les Canadiens de se sentir concernés, même si Rick Mercer en faisait la promotion ou si on y avait consacré beaucoup d'argent. Les Canadiens avaient du mal à en comprendre les effets. Ils comprennent toutefois l'importance de la pureté de l'eau et de l'air.

En ce qui a trait aux gaz à effet de serre, lorsqu'on parle du secteur du transport, on parle de l'industrie lourde et de ses trois volets, c'est-à-dire que le gouvernement a un rôle important à jouer, qu'il doit prendre des mesures concrètes et qu'il doit adopter des lois strictes. Il doit voir à faire respecter ces lois. Il doit faire disparaître les guerres intestines et les conflits de compétence ainsi que tous les obstacles qui empêchent les choses de progresser dans ce secteur. Ai-je raison de dire que ce sont là des problèmes que le gouvernement est le seul à pouvoir régler?

Comme je l'ai déjà dit, j'ai l'impression que ce nouveau plan portera surtout sur des points que les êtres humains pourront comprendre directement, des choses qu'ils pourront voir et sentir et qui auront des répercussions sur leur santé.

Notre comité se penche sur ces questions à l'heure actuelle. Ce n'est pas facile. On nous a demandé de participer au processus d'examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la LCPE. C'est une mesure législative énorme qui regroupe 37 projets de loi. Nous avons décidé de nous concentrer sur trois secteurs en particulier. C'est très intéressant. J'ai parlé plus tôt du problème du mercure. Nous y arrivons justement, cette semaine en fait. Nous allons essayer d'apprendre quelque chose à ce sujet et de rédiger un rapport sur l'efficacité ou l'inefficacité de la LCPE à cet égard. Nous nous pencherons également sur le problème du smog, qui semble relever davantage de la question de la pureté de l'air. Madame la commissaire, vous et vos collègues nous avez aidés à préparer les grandes lignes de notre étude sur la LCPE au printemps avant que le Parlement ne fasse relâche pour l'été et cela nous a été très utile.

Nous tentons de trouver des solutions à ces problèmes, mais le dossier des changements climatiques est tellement vaste. J'ai lu ce matin ce qui était arrivé à cette pauvre ministre. Je vois d'ici les intervenants des grosses sociétés pétrolières et gazières réunis au tour d'une table qui disent « madame Ambrose, permettez-nous de vous dire de quoi il s'agit réellement. Nous voulons que vous ayez une petite idée... » Puis, ils présentent des diapositives et des transparents; ils font venir des spécialistes en chemises blanches pour lui expliquer leurs nouvelles technologies et ils lui font visiter les laboratoires pour lui montrer les progrès technologiques extraordinaires réalisés dans le domaine de l'extraction du bitume et ainsi de suite. Je peux m'imaginer qu'elle se rendra alors soudainement compte que les solutions dans ce domaine ne seront pas instantanées. Elle reviendra donc à Ottawa et poursuivra les travaux relatifs au nettoyage des Grands Lacs et ainsi de suite.

Mme Gélinas : Je dirais que le Canada n'est pas en mesure de respecter les engagements du Protocole de Kyoto ou de s'attaquer à la question des changements climatiques. Ce n'est pas parce que le défi est énorme que nous ne pouvons pas tenter de trouver des solutions. Il y a des mesures que nous pouvons prendre. Nous avons proposé certaines mesures sur lesquelles nous devrions nous pencher le plus rapidement possible et j'espère que nous ne nous lancerons pas dans un débat sur les changements climatiques ou autres, mais nous pouvons traiter des changements climatiques dans d'autres secteurs. S'il y a des recoupements avec la pureté de l'air, tant mieux. Au bout du compte, ce qui est important, ce sont les résultats obtenus.

Le sénateur Angus : Il est important que le gouvernement soit bien informé. Votre rapport, ainsi que les conseils que vous et votre équipe pouvez offrir, seront très utiles. Vous me connaissez et vous savez que je suis animé d'un fort esprit de parti. Toutefois, quelle que soit mon opinion sur Stéphane Dion, je ne crois pas qu'il ait agi de mauvaise foi. Je crois qu'il a fait ce qu'il a pu. Je ne crois pas qu'il ait fait ce qu'il aurait dû faire, puisque c'est ce que vous nous avez dit. Mais je ne crois pas non plus qu'il ait été mal intentionné et qu'il ait tenté de saboter le dossier de l'environnement, pas plus que David Anderson ou d'autres avant lui. Toutefois, les chiffres que vous rapportez, les 6 milliards de dollars et autres, nous consternent. Nous avons la responsabilité de mettre au point des politiques générales qui permettront de mieux cibler la question. Votre mandat est très vaste. Je crois qu'il s'agit là d'un des grands éléments de notre infrastructure en matière environnementale. Il est important que nous puissions compter sur vous, qui êtes indépendants du gouvernement, pour nous aider dans cet exercice.

Le président : C'est exactement pour cela que nous sommes ici, pour tenir ce genre de discussions et de dialogues. Comme vous l'avez souligné, nous devons espérer que nous serons en mesure de voir des éléments positifs et nous devons également nous souvenir qu'il n'y a rien d'incompatible dans tout cela. Ces éléments peuvent se compléter dans un certain sens. Si nous arrivons à trouver des solutions pour réduire le smog, cela ne pourra avoir que des effets bénéfiques sur les gaz à effet de serre. Est-ce plausible? Il y a certains chevauchements à prévoir.

Mme Gélinas : On peut le présumer.

M. Arseneault : C'est vrai. Toutefois, les défis que nous nous sommes imposés dans le cadre du Protocole de Kyoto sont tellement gros qu'il ne suffira évidemment pas de trouver des solutions au problème du smog pour régler le problème en entier.

Le sénateur Angus : Cela permettra toutefois d'améliorer la qualité de vie des gens qui vivent à Montréal.

M. Arseneault : Vous avez parlé de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Qu'est-ce que l'environnement? L'environnement, c'est l'air que nous respirons, l'eau que nous buvons et la terre qui permet à nos forêts de croître et à notre agriculture de se développer. C'est tout cela. En fait le gouvernement exerce déjà un certain contrôle, en vertu de la LCPE, sur des substances qui causent du smog et nous ferons des vérifications à cet égard. Je voulais vous le faire savoir.

Le sénateur Angus : C'est intéressant. Madame Gélinas, vous avez mentionné dans une de vos réponses que certaines de ces questions sont particulièrement mises en lumière en raison du Nord canadien. Nous avons la chance d'avoir parmi nous le sénateur Adams et d'autres sénateurs de cette région. Les gens du Nord connaissent bien ces sujets, beaucoup mieux que ceux qui vivent à Toronto ou à Montréal. Ils ne trouvent plus les espèces sauvages dont ils dépendaient pour leur survie. Ils se rendent compte que les délices qu'ils savouraient autrefois ne sont plus comestibles. Même le lait des mères est contaminé. Tout cela se passe devant leurs yeux. Ils voient même couler devant eux des rivières qui n'existaient pas il n'y a pas si longtemps encore. Il est fascinant de voir comment le sénateur Adams peut nous ramener rapidement à la réalité et c'est là une des choses qui m'intéressent au plus haut point. Il ne fait aucun doute que le réchauffement de la planète et ses répercussions sont bien réels. Je pense au réchauffement, à la fonte des glaciers et à l'ouverture du Passage du Nord-Ouest. Les spécialistes du droit maritime en nous prévoient déjà le passage des navires de ligne qui pourront relier Anvers à Beijing en trois jours plutôt qu'en trois semaines. Ce n'est pas là le problème. Ce sont plutôt ces horribles toxines et toutes ces autres choses que nous avons lancées dans notre environnement du même coup, comme le mercure dont j'ai parlé plus tôt. Ce produit, introduit dans nos cours d'eau par les industries frontalières, se rend jusque dans le Nord.

Que peut faire un gouvernement responsable qui dispose de toutes ces merveilleuses ressources naturelles?

Le président : Nous y viendrons. Nous devons nous pencher sur toutes ces questions bien sûr.

Votre rapport contient un commentaire très positif sur Technologies du développement durable Canada. Vous avez même utilisé à l'égard de cet organisme le terme « satisfaisant » qui est le qualificatif le plus positif utilisé par les vérificateurs. Cela mérite célébration.

Nous devrons bien sûr prévoir des mesures de réglementation ainsi que des mesures d'incitation, mais des investissements bien ciblés dans le secteur de la technologie pourraient aussi nous aider à atteindre certains résultats. Pouvez-vous nous dire ce que vous et l'organisme indépendant que vous représentez pensez à ce sujet?

Mme Gélinas : Je vais laisser la parole à M. Maxwell qui vous donnera des détails à ce sujet puisque c'est lui qui a mené la vérification. Je suis heureuse toutefois que vous ayez relevé le mot « satisfaisant » parce qu'en général les gens sont en colère contre nous lorsque nous leur accordons la cote « satisfaisant ». Ils trouvent que c'est bien peu. En ce qui nous concerne toutefois, c'est ce qu'ils peuvent espérer de mieux.

M. Maxwell : Sénateur, vous avez bien résumé notre opinion en quelques phrases, c'est-à-dire que les choses vont bien. Nous ne donnons cependant jamais de telles bonnes notes sans y ajouter une mise en garde. Notre message signifiait donc essentiellement « Jusqu'ici, ça va ». Cet organisme est relativement nouveau dans le secteur, mais nous avons été impressionnés de ce que nous avons vu. Ils font appel à de bonnes méthodes pour choisir les technologies pertinentes et ils voient à faire appel aux experts dans le domaine pour s'assurer de faire des choix éclairés.

C'est également là un programme important puisqu'il nous permet d'illustrer les répercussions à long terme que peuvent avoir les mesures que nous prendrons pour lutter contre les changements climatiques. Cet organisme n'existe que depuis 2001, mais comme les résultats des mesures technologiques ne se font sentir qu'à long terme, ce n'est que maintenant que les sept premiers projets qu'il a financés en arrivent au point de commercialisation. Et ce n'est qu'un début. Nous en sommes encore loin du marché.

C'est un point que nous avons soulevé à l'égard du plan et qui est également très important pour le nouveau plan en matière de lutte contre les changements climatiques, c'est-à-dire leur portée à long terme. Une bonne partie des commentaires qui ont été formulés aujourd'hui portent sur le fait qu'il est impossible de recycler toute cette machine productrice de gaz à effet de serre du jour au lendemain. On ne peut réduire ces émissions à court terme.

C'est la raison pour laquelle le Protocole de Kyoto est si ambitieux. La période d'engagement commence dans 14 mois. Il n'y a pas grand chose que nous pouvons faire maintenant pour enregistrer des progrès réels à l'égard de Kyoto puisque nous en sommes au point de départ. C'est ce que nous avons dit dans notre rapport. Il est mathématiquement très difficile de changer rapidement de cap.

Il faut mettre au point un plan à long terme qui sera lui-même basé sur un objectif à long terme concret et audacieux et qui permettra de réduire réellement les émissions de gaz à effet de serre, et songer ensuite aux objectifs à court terme. Lorsque nous avons parlé des objectifs à court terme dans notre rapport, nous avons souligné qu'ils étaient essentiels pour maintenir la discipline, pour permettre de réaliser les objectifs à long terme. C'est la même chose au niveau de la technologie. Ce n'est qu'un outil dans la boîte d'outils. Il ne faut pas attendre de résultats dans l'année qui vient ou la suivante. Il faudra au moins une décennie pour que des résultats que nous espérons substantiels se fassent sentir.

Le président : Une fois que ces mesures seront offertes à grande échelle et qu'elles pourront être mises en pratique.

Le sénateur Angus : Quel était ce laboratoire que nous avons visité?

Le président : C'était l'Alberta Research Council.

Le sénateur Angus : Il m'a semblé que tout était prêt.

Le président : Tout était prêt pour la réalisation d'un modèle réduit. On réalise ensuite un modèle intermédiaire avant de passer au projet global. Je crois que c'est là le programme prévu.

Mme Gélinas : C'est effectivement l'étape actuelle qui est très importante pour la commercialisation.

Le président : C'est là le problème des investisseurs. De bons résultats à cette étape ne signifient pas nécessairement de bons résultats par la suite. C'est difficile à prévoir.

À ce sujet, j'aimerais vous poser une question que vous trouverez peut-être un peu dure et qui ne porte pas tant sur votre rapport que sur votre profession.

Nous nous intéressons actuellement, et avec raison d'ailleurs, aux différents aspects de l'efficacité, de la transparence et de la reddition de comptes. Toutefois, il arrive un moment où, à mon avis, le temps, les efforts et l'argent que nous devons consacrer pour assurer cette transparence, cette efficacité et cette grande imputabilité deviennent inefficaces.

Au cours des 20 derniers mois par exemple, en tant qu'organisme, Technologies du développement durable Canada a été soumis à six vérifications différentes. Cet organisme compte maintenant 30 employés alors qu'il n'y en avait que sept ou huit autrefois. Ces derniers ont souvent dû recevoir 12 vérificateurs d'un domaine ou de l'autre dans leurs installations, et parfois même davantage. Ils considèrent que la personne du secteur privé qui a été envoyée pour assurer la liaison entre Développement durable et l'industrie doit maintenant passer tout son temps, et pas seulement une partie de son temps, à se pencher sur des questions de transparence, de responsabilité et de vérification.

Mme Sharp, la directrice exécutive, passe environ 40 p. 100 de son temps à répondre à des questions portant sur les vérifications, la transparence, la responsabilisation, la reddition de comptes, l'efficacité et autres questions du même genre. Cela cause beaucoup de frustration au sein du conseil d'administration qui est composé de dirigeants d'entreprises, des gens du secteur pétrolier qui aimeraient bien que les choses bougent. Elle a beaucoup de mal à trouver le temps de rendre visite aux responsables du secteur à cause de toutes les rencontres auxquelles elle doit assister avec les gens de KPMG et de RNCan, des évaluations qu'elle doit faire, des rencontres avec les gens de votre bureau et les vérificateurs du Conseil du Trésor et ainsi de suite.

Je vous ai dit que ma question était dure. À part ce qui vous concerne personnellement, y a-t-il un point où ce grand désir de clarté, de transparence et de responsabilisation devient en lui-même inefficace?

Mme Gélinas : Je ne considère pas cela comme une dure question. C'est une question tout à fait honnête. Nous savons très bien depuis le début que notre arrivée à TDDC alourdirait tout probablement la tâche de ces gens parce qu'ils ont déjà subi plusieurs vérifications. Toutefois, nous devons revenir en arrière un peu.

Le président : Je suis désolé de vous interrompre, mais je tiens à préciser que ces gens ne se sont pas plaints de quoi que ce soit. J'ai dû leur sortir les vers du nez.

Mme Gélinas : Pour être bien honnête, je serais étonnée que Mme Sharp se soit plainte de quoi que ce soit. Nous avons discuté avec ces gens. Nous avons tenté de nous faire le plus discrets possible bien que nous devions faire notre travail.

Toutefois, nous devons revenir un peu en arrière. Vous vous souviendrez de toutes les discussions que nous avons eues en rapport avec les fondations. Il était important pour nous, en tant qu'organe de vérification du gouvernement fédéral et compte tenu de la crédibilité de notre bureau, que nous nous rendions sur place et que nous fassions rapport aux parlementaires sur le rendement de la première fondation puisque c'était la première à avoir fait l'objet d'une vérification par le Bureau du vérificateur général. Nous ne savions pas à quoi nous attendre, ce qui est d'ailleurs toujours le cas lorsque nous faisons une vérification.

Je ne sais pas si je peux me permettre de dire qu'ils ont passé le test haut la main — ayant obtenu la note « satisfaisant ». C'est probablement une bonne nouvelle, bien que tout l'exercice ait été difficile pour eux puisque, comme vous l'avez dit, ils ont une petite équipe.

Il n'est pas nécessaire que les choses soient aussi compliquées. C'est souvent qu'il n'y a pas de structure de gouvernance et de reddition de compte dans les ministères. C'est la base même de la gestion. Il faut d'abord s'assurer de disposer d'un système de repérage et d'un système de rapport. C'est beaucoup plus que ce que nous voyons souvent dans les ministères et la situation est la même pour les stratégies de développement durable. Au moins, nous avons pu établir que TDDC disposait de ce système. Nous attendons maintenant de voir les effets de ce projet sur les gaz à effet de serre.

M. Maxwell : Comme Mme Gélinas l'a souligné, nous sommes conscients du travail supplémentaire que cela entraîne. Vous serez certainement heureux de savoir que lorsque nous savons que d'autres vérificateurs se sont penchés sur un secteur, nous ne refaisons pas le même travail. Nous commençons par nous demander si nous pouvons nous fier à ce qui a été fait. C'est ce que nous avons fait dans ce cas, et cela nous a permis de gagner beaucoup de temps, à nous comme à TDDC.

Ces préoccupations ont certes été prises en compte dans notre rapport. Nous avons dit que les deux ministères parrains doivent voir à ne pas surcharger TDDC en ce qui touche ces divers mécanismes. Individuellement, ces mécanismes peuvent sembler tout à fait logiques, mais une fois réunis, c'est parfois trop. Il y a tout de même des limites. Nous le soulignons d'ailleurs dans notre rapport.

Il y a une autre chose que je voulais ajouter. Je sais que vous avez posé une question sur TDDC. Parmi toutes ces choses que nous avons étudiées en ce qui a trait aux changements climatiques, nous n'avons pas trouvé bien des secteurs où le niveau de reddition de compte était exagéré. C'est ce que nous voulons dire. Depuis 2003, les Canadiens et les parlementaires n'ont pas été en mesure de déterminer quels ont été les résultats en matière de changements climatiques. On nous dit maintenant que ce ne sera pas avant 2008, même s'ils avaient déjà affirmé que les Canadiens et les parlementaires auraient droit à un rapport à tous les deux ans.

C'est loin d'être exagéré.

Le président : Contrairement aux autres fondations qui ont été mises sur pied par le gouvernement précédent, celle-ci ne dispose pas d'un montant énorme en capital et elle doit compter sur ses propres ressources, comme c'est le cas de la Fondation canadienne pour l'innovation par exemple qui dispose, si je ne m'abuse, d'une somme de 550 millions de dollars qui doit être dépensée d'ici 2101. Est-ce bien exact?

Mme Gélinas : La dernière entente se terminait en 2010, plus deux années supplémentaires pour dépenser les fonds.

Le président : Y arriveront-ils? Ont-ils déjà dépensé la somme prévue jusqu'à maintenant? En auront-ils suffisamment pour financer le travail qu'ils doivent faire ou encore seront-ils capables de dépenser cet argent à bon escient d'ici 2010?

M. Maxwell : C'est une de leurs grandes préoccupations. Ils n'ont dépensé que 25 millions de dollars jusqu'à maintenant, ce qui montre bien que le processus de démarrage est long et qu'il faut prendre le temps de trouver de bons projets. Puis, on se demande toujours si le mandat accordé sera prolongé.

Le président : Je pose la question d'un strict point de vue d'efficacité puisque, comme vous l'avez dit plus tôt, à venir jusqu'à présent, les gouvernements ont affirmé qu'ils comptaient dépenser environ 6 milliards de dollars dans le domaine de l'environnement. Ils n'ont en fait dépensé que 1,6 milliard jusqu'à maintenant. L'argent promis, que l'on espère être réservé et disponible, n'a pas encore été dépensé parce qu'il n'y avait pas réellement de projet raisonnable et efficace permettant de le faire.

La situation pourrait-elle être la même dans le domaine du développement durable?

M. Maxwell : Cela ne serait pas impossible. Il est très important que cette fondation assure une bonne gestion de ses programmes. Avec le temps, la fondation doit s'assurer de choisir de bons projets et elle ne doit pas en venir au point de se préoccuper davantage de dépenser l'argent que de savoir à quoi cet argent servira.

Jusqu'à présent, ça va. Ils ont fait preuve de diligence raisonnable et ont vu à dépenser l'argent de façon judicieuse. Cela sera un point important à l'avenir et ce sera probablement là un élément important sur lequel votre comité voudra se pencher dans le cadre de la surveillance de cette fondation.

Le président : Compte tenu de la description faite par le sénateur Angus, avez-vous d'autres conseils à nous donner sur la façon dont nous amorcerons l'étude approfondie de la LCPE dont nous avons été chargés. Les trois secteurs sur lesquels nous comptons nous pencher sont, dans l'ordre dans lequel nous nous proposons de le faire : le mercure en tant qu'élément, les hydrocarbures perfluorés en tant que matière polluante entièrement créée par l'homme, et enfin le smog. Nous avons placé le smog en dernier lieu parce que nous pensons que le gouvernement pourrait annoncer la mise sur pied d'un programme, le dépôt d'un projet de loi ou peut-être même l'adoption d'une loi en ce qui a trait à l'assainissement de l'air puisque nous en avons beaucoup entendu parler. Nous l'avons inscrit en troisième place pour ne pas être surpris par les événements.

Avez-vous des conseils à nous donner sur notre plan ou sur d'autres méthodes que nous devrions adopter ou encore des propositions de choses sur lesquelles nous devrions nous pencher plus particulièrement en ce qui a trait à la LCPE? Avons-nous fait des choix judicieux?

Nous prévoyons suivre ces trois pistes. Elles nous mèneront dans des directions différentes, et dans chacun des cas, nous nous proposons de nous demander si la LCPE nous permet de trouver des solutions et, le cas échéant, quelle en est l'efficacité. Nous nous pencherons donc sur un élément, une matière polluante créée par l'homme et un problème grave, à titre d'exemples microscopiques de l'efficacité de la LCPE.

Nous serons heureux d'entendre vos conseils à cet égard, maintenant ou plus tard. Nous avons déjà reçu certains conseils et nous en sommes reconnaissants. Je vous décris de quelle façon nous comptons agir pour que vous puissiez nous dire si vous trouvez que notre approche est logique.

Mme Gélinas : Vous me prenez au dépourvu et je n'ai rien à ajouter à ce moment-ci. Je vais faire une comparaison entre ce que vous avez décidé de faire et le rapport de vérification sur les changements climatiques que nous avons préparé.

Lorsque nous avons commencé nos travaux, la question des changements climatiques était tellement vaste que nous devions d'abord déterminer où nous voulions concentrer nos énergies et nos efforts. Maintenant que notre rapport a été déposé, je suis heureuse que nous ayons décidé, il y a près de deux ans, de répondre à trois questions simples.

Je crois qu'il est sage de se concentrer sur les points que l'on considère comme primordiaux plutôt que de tenter de couvrir tout le dossier et de ne toucher aucun point en profondeur. À mon avis, cette façon de faire est plus efficace parce que nous devons nous pencher sur certaines faiblesses et y trouver des solutions. Je suis persuadée que si vous décidez d'agir ainsi, même si vous ne touchez pas à tous les points, vous pourrez formuler des recommandations sur les trois principaux aspects sur lesquels vous vous serez penchés. C'est à mon avis, une approche intéressante.

Le président : Je vous remercie. Nous avons en grande partie suivi votre exemple.

M. Arseneault : Il est sage de se pencher sur une substance comme le mercure, qui existe naturellement dans la nature. Elle a été créée par Dieu. Cette substance était là avant l'apparition de l'homme sur terre et elle y sera encore quand il aura disparu. Ce sont là des substances spéciales qui n'ont pas été crées par l'homme, mais que l'homme déplace dans l'environnement. Il y a des méthodes de gestion qui peuvent aider dans des cas de ce genre. Nous sommes exposés à tellement de substances chimiques créées par l'homme et il est certes utile de se pencher sur la façon dont les choses se font dans ce domaine.

Le smog est une question qui soulève de plus en plus d'attention et c'est probablement une bonne idée de se pencher sur cette question également.

Comment comptez-vous procéder? Aux termes de la LCPE, le degré de toxicité des substances est évalué et certaines d'entre elles sont déclarées toxiques. On trouve dans la loi une définition du terme « toxique » qui n'est pas nécessairement celle que nous comprenons tous.

Une évaluation permet souvent d'établir quelles sont les sources et ce qui doit être réglementé. Vous voudrez par la suite déterminer si le gouvernement a prévu des mesures de contrôle et, dans l'affirmative, s'il s'agit de mesures volontaires, de directives, de codes de pratique ou de règlements. Il ne s'agit pas ici de déterminer ce qui est le mieux, mais vous devriez être en mesure de savoir si les mesures que vous avez mises en place donnent des résultats. Dans le cas contraire, vous devez faire des ajustements.

C'est ce que vous voulez savoir pour pouvoir déterminer si la LCPE donne les résultats escomptés. C'est exactement ce que nous essaierons de faire lorsque nous nous pencherons sur les substances composant le smog dans le cadre de la LCPE. Un certain nombre de substances ont été déclarées toxiques en vertu de la LCPE et d'autres sont contrôlées de différentes façons. Nous voulons déterminer si les choses fonctionnent bien et, dans la négative, ce que l'on fait pour régler le problème. Nous poserons ces questions au gouvernement et vous voudrez peut-être en faire autant.

Le président : Nous pourrons nous venir mutuellement en aide.

Je vous remercie, madame la commissaire. Cette rencontre a été des plus utiles. Je suis persuadé que nous vous reverrons bientôt.

La séance est levée.


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