Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 7 - Témoignages du 17 octobre 2006
OTTAWA, le mardi 17 octobre 2006
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 17 h 58, afin d'examiner la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999, chap. 33) conformément au paragraphe 343(1) de ladite loi.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui pour procéder à l'examen réglementaire de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Nous sommes aujourd'hui en compagnie de représentants des ministères de la Santé et d'Environnement Canada, M. Steve Clarkson et M. James Riordan.
James Riordan, directeur exécutif, Bureau national de la prévention de la pollution, Environnement Canada : Nous vous remercions de nous donner la possibilité de faire une brève présentation. Nous serons ensuite à votre disposition pour répondre aux autres questions que vous pourrez soulever concernant le mercure et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Santé Canada et Environnement Canada ont tous deux examiné les questions que vous aviez soulevées lors de vos travaux en comité et nous serons très heureux de répondre à ces questions selon votre convenance.
Nous allons vous présenter un bref exposé dont vous avez reçu le texte. Je vais maintenant vous le présenter en détail.
Sur la première illustration, vous remarquez que l'on parle de la gestion du mercure au Canada depuis les années 70 et vous pouvez aussi constater les progrès accomplis dans la réduction des émissions de mercure dans l'environnement au Canada. Entre 1970 et 2000, nous avons réduit de 90 p. 100 les émissions de mercure dans l'environnement. Dans les années 70, le Canada rejetait chaque année dans l'air 80 tonnes de mercure provenant de diverses sources telles que les usines de fabrication de chlore et de soude caustique et autres. Depuis, nous avons imposé une réglementation à ces sources en ciblant les ressources principales et en nous attaquant systématiquement à certaines sources de production de mercure au Canada.
Actuellement, le Canada rejette globalement environ sept tonnes de mercure chaque année dans l'atmosphère; nos émissions sont passées de 80 à sept tonnes.
Le sénateur Angus : Sept ou 70?
M. Riordan : Sept.
Le sénateur Angus : De 80 à sept?
M. Riordan : Oui. Cela représente une réduction de 90 p. 100 sur une période de 30 ans.
La troisième illustration fait état des émissions actuelles. Comme je l'ai dit, nous avons réduit nos émissions à sept tonnes par an. Des mesures réglementaires et autres sont actuellement appliquées aux plus grandes sources restantes. La semaine dernière, par exemple, notre ministre a annoncé que les provinces avaient l'intention de conclure un accord visant à réduire considérablement les rejets de mercure des centrales de cogénération électrique. Dans le cas des incinérations, il existe une norme pancanadienne qui s'applique partout au pays. Pour ce qui est de l'extraction et de la fusion des métaux de base, nous disposons d'un standard pancanadien et d'un plan de prévention de la pollution. Je sais que d'autres témoins vous ont présenté des exposés et ont évoqué ces aspects. Je serais très heureux de répondre à vos questions sur le secteur de la fusion des métaux de base.
Quant au secteur de l'acier, notre ministre a annoncé en juin qu'elle souhaitait se pencher sur la question des commutateurs au mercure qui servent à l'éclairage dans le coffre des automobiles. Nous avons travaillé tout l'été à ce dossier et la ministre annoncera avant la fin du mois des mesures législatives concernant le mercure et les commutateurs utilisés dans les automobiles.
L'autre catégorie se rapporte à des secteurs tels que les crématoriums que nous n'avons pas encore été en mesure d'examiner au chapitre des autres sources diverses.
La quatrième illustration mentionne les divers règlements mis en place périodiquement depuis les années 70 dans des domaines tels que l'exportation et l'importation de déchets dangereux, le contrôle des exportations, l'immersion en mer, les fonderies de métaux communs, les plans d'urgence environnementale, et cetera. Il s'agit de toutes les mesures réglementaires ou instruments législatifs mis en place en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la LCPE, y compris l'Inventaire national des rejets des polluants qui contraint les sources de pollution de mercure à présenter chaque année un rapport sur leurs émissions.
Il y a les standards pancanadiens dont on vous a, je crois, déjà parlé au cours de témoignages antérieurs, concernant les lampes contenant du mercure, la fusion des métaux communs, les résidus d'amalgame dentaire provenant des cabinets de dentiste et les centrales électriques alimentées au charbon. Le texte législatif qui permet au gouvernement d'adopter ces standards pancanadiens se trouve à l'article 9 de la Partie 1 de la LCPE qui confère au ministre le pouvoir de signer ces ententes fédérales- provinciales.
Il y a aussi des mesures connexes liées à la LCPE, par exemple le Protocole d'entente entre Environnement Canada et l'Association dentaire canadienne et l'Entente sur la performance environnementale entre Environnement Canada et l'Association des fabricants de pièces d'automobile. Voilà quelques mesures que nous prenons en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement pour lutter contre les rejets de mercure.
L'illustration suivante présente d'autres textes législatifs. En effet, nous ne nous limitons pas à la LCPE; cette loi est considérée comme un filet de protection. Le gouvernement peut décider de se prévaloir d'autres lois qui lui paraissent plus appropriées pour intervenir. Par exemple, la Loi sur les pêches s'attaquait, dès les années 70, aux effluents contenant du mercure, alors que la LCPE vise les émissions atmosphériques provenant des fabriques de chlore et de soude caustique. La Loi sur les pêches réglemente également les effluents des mines de métaux et le ministre de l'Environnement a le pouvoir de promulguer des règlements en vertu des dispositions de prévention de la pollution de la Loi sur les pêches. C'est pourquoi nous disposons actuellement, par exemple, d'un règlement sur les effluents des mines de métaux et d'un règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers.
Je vais maintenant céder la parole à M. Clarkson qui va nous parler d'autres lois du Parlement dont nous nous servons pour réglementer les rejets de mercure.
Steve Clarkson, directeur, Bureau d'évaluation de risque et d'impact, Santé Canada : À Santé Canada, sous les auspices, l'autorité et le champ d'application de la Loi sur les aliments et drogues, nous avons pris des mesures concernant les rejets de mercure par l'entremise de l'homologation des instruments médicaux contenant du mercure, tels que les thermomètres, les tensiomètres artériels, et nous avons imposé des degrés maximaux de concentration de mercure dans les produits de beauté et les vaccins. Nous disposons de lignes directrices relatives aux concentrations de mercure dans les poissons vendus au détail. Nous avons défini la dose quotidienne provisoire de mercure pour les adultes et pour les enfants et les femmes en âge d'avoir des enfants. Et nous avons une directive pour la consommation de poisson et de gibier dont les tissus présentent des concentrations élevées de mercure, telles que les espèces qui peuvent être prises dans les Grands Lacs et dans le Nord.
La Loi sur les produits dangereux interdit les jouets et autres produits pour enfants sur lesquels un revêtement superficiel ou une peinture contenant un quelconque composé au mercure a été appliqué. La loi restreint la quantité de mercure et de composés de mercure dans les peintures et les autres revêtements superficiels liquides.
En vertu de la Loi sur les produits antiparasitaires, les fongicides, les herbicides contenant du mercure ainsi que les agents de conservation au mercure contenus dans les peintures, ne sont plus homologués.
Avant de passer à la sixième illustration, je vais redonner la parole à mon collègue M. Riordan.
Le sénateur Angus : J'ai remarqué, monsieur Riordan, que vous avez cédé la parole à M. Clarkson juste avant la section concernant la Loi sur les aliments et drogues, la Loi sur les produits dangereux et la Loi sur les produits antiparasitaires. Est-ce que c'est parce que ces lois relèvent de Santé Canada? Parce que ce sont vos lois?
M. Clarkson : Elles relèvent en effet de mon ministre.
Le sixième tableau fait état de l'effet du Règlement sur le mercure provenant des fabriques de chlore et de soude caustique dont j'ai parlé un peu plus tôt. Comme vous pouvez le constater, la progression de ce graphique est irrégulière. En effet, la colonne de gauche progresse de 200 à 400 kilogrammes et jusqu'à 1 000 kilogrammes, avant de sauter directement à 25 000 kilogrammes puis à 65 000 kilogrammes. Le graphique n'était pas assez grand pour montrer l'ampleur de la réduction. Ce graphique révèle que le Règlement sur le mercure provenant des fabriques de chlore et de soude caustique a permis de réduire les effluents de 99 p. 100 et les émissions atmosphériques de 95 p. 100 au cours d'une période de 13 ou 14 ans. Nous avons poursuivi cette tendance à la baisse des émissions de mercure provenant des fabriques de chlore et de soude caustique. Aujourd'hui, les émissions atmosphériques figurant dans notre inventaire actuel sont inférieures à 1 p. 100. Voilà un exemple.
La septième illustration révèle qu'une grande partie du mercure déposé au Canada provient de l'étranger. Chaque année, le Canada reçoit environ 70 tonnes de mercure en provenance de sources étrangères. Quarante-sept pour cent de ces dépôts proviennent de sources asiatiques, principalement la Chine, et on prévoit que cette source va s'accroître. En effet, le Canada produit environ sept tonnes, mais il en reçoit 70 tonnes en provenance de pays étrangers. C'est pourquoi, le Canada intervient sur la scène internationale afin de réduire les dépôts de mercure transfrontaliers. Cela nous amène entre autres à traiter avec les États-Unis et la Chine dans le cadre de relations bilatérales, à prendre des initiatives régionales en Amérique du Nord, au Mexique et au Canada sous l'égide de la Commission de coopération environnementale et à collaborer avec les premiers ministres des Maritimes et les gouverneurs de Nouvelle-Angleterre, avec les pays de l'Arctique et à l'échelle mondiale avec le Programme des Nations Unies pour l'environnement, le PNUE.
Il existe un programme mondial de réduction des émissions de mercure qui relève du PNUE et qui cherche à s'attaquer au problème mondial du mercure dans l'atmosphère. Le mercure se déplace d'un pays à l'autre par voie atmosphérique.
La huitième illustration va vous intéresser, car elle situe le Canada par rapport aux autres pays. Le Canada est représenté par la colonne sombre sur le graphique qui fait état du pourcentage de réduction des émissions. Comme je l'ai dit un peu plus tôt, nous avons réduit nos émissions de 90 p. 100 entre 1970 et 2000.
Ici, la période est différente car il s'agit du pourcentage de réduction depuis 1990. Le Canada atteint presque 80 p. 100, ce qui est légèrement moins que le Royaume-Uni mais plus que les États-Unis. Par conséquent, nous sommes en bonne compagnie quand il s'agit de continuer à réduire les émissions de mercure dans l'environnement.
Le président : Avant de passer à la suite, pouvez-vous me dire s'il s'agit d'un graphique donnant le pourcentage des réductions?
M. Riordan : C'est exactement ça.
Le président : Les plus grandes réductions figurent à gauche de l'échelle.
M. Riordan : C'est exact. La Suède et les Pays-Bas sont en tête et le Canada n'est pas loin.
La neuvième illustration est une sorte de récapitulation. Nous sommes engagés dans de nombreuses initiatives aux niveaux national et international en vue de réduire les rejets de mercure. Nous continuons à surveiller les émissions, les dépôts et les impacts reliés au mercure. J'ai mentionné l'Inventaire national des rejets des polluants, mais il y a également le Réseau canadien de surveillance du mercure dans l'atmosphère, par exemple.
Le gouvernement du Canada utilise à la fois des mesures réglementaires et non réglementaires, appliquant l'instrument qui convient le mieux à chaque intervention. Comme nous l'avons vu, nous disposons de toute une gamme d'instruments législatifs fédéraux auxquels viennent s'ajouter des mesures provinciales et municipales.
J'ai parlé des standards pancanadiens du Conseil canadien des ministres de l'Environnement, mais il faut également citer les mesures prises au palier municipal. Par exemple, la Ville de Toronto a mis en œuvre, il y a trois ans, un plan de prévention de la pollution des égouts. Ce plan a permis à la municipalité de réduire de 72 p. 100 le mercure contenu dans les boues d'épuration, en grande partie grâce à son intervention auprès des personnes qui déversent du mercure dans le réseau d'égout — les dentistes principalement.
La Ville de Niagara a mis en place une politique complète de gestion du mercure dans les immeubles de la ville avec des programmes d'acquisition, d'élimination et de collecte des thermomètres et autres appareils, ainsi qu'un programme de récupération des commutateurs au mercure dont sont équipés les articles ménagers comme les réfrigérateurs.
Depuis deux ans, on nous a demandé de mettre au point une stratégie de gestion des risques concernant le mercure contenu dans certains produits — la ministre en a parlé en juin dernier et fera prochainement une annonce à ce sujet. Nous estimons qu'il s'agit là de la prochaine source importante à laquelle nous devons nous attaquer. Environ dix tonnes de mercure entrent dans la fabrication de produits de consommation utilisés au Canada. Nous avons mis au point une stratégie qui va permettre de cibler cette source.
Par exemple, nous avons préparé un protocole d'entente avec l'Agence des services frontaliers du Canada qui nous a fourni une liste de tous les produits importés au Canada qui contiennent du mercure. Cette stratégie de gestion des risques va nous permettre d'engager un dialogue public sur les meilleures mesures législatives à prendre. Il est probable que ces mesures relèveront de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
La onzième illustration présente quelques adresses de sites Web. Nous proposons par l'intermédiaire d'Environnement Canada un site Web consacré exclusivement au mercure que vous trouverez peut-être intéressant. Il y en a quelques autres qui ont l'air un peu compliqués, mais qui peuvent vous aiguiller vers certaines publications spécialisées sur le mercure qui pourront sans doute vous intéresser.
Le président : Merci pour les informations présentées à la dernière page de votre exposé. Elles seront très utiles.
Le sénateur Angus : Vous nous avez fourni des renseignements fort intéressants. Si l'on en croit ce que vous dites, vous êtes beaucoup plus efficaces qu'on nous l'avait laissé entendre. J'espère que cette impression est juste.
Ce qui m'a étonné le plus, c'est que 47 p. 100 des dépôts proviennent d'Asie. Lorsque vous nous avez dit que les émissions canadiennes étaient passées à sept tonnes par rapport à 80 tonnes en 1970, j'ai cru que cela représentait l'ensemble des émissions de mercure. Par la suite, vous nous avez présenté le graphique révélant que les émissions s'élèvent encore à 70 tonnes, mais que seulement 10 p. 100 proviennent du Canada. En passant, vous avez mentionné que 47 p. 100 de ces 70 tonnes rejetées dans l'atmosphère proviennent d'Asie.
Comment vous y prenez-vous pour mesurer ces émissions? Comment pouvez-vous dire qu'elles viennent d'Asie plutôt que d'ailleurs?
M. Riordan : Certaines de ces mesures se font par modélisation. Depuis plusieurs années, le Service de l'environnement atmosphérique d'Environnement Canada effectue d'importantes études dans ce domaine pour tenter de suivre les déplacements du mercure, en particulier au Canada, mais aussi dans le monde. Il semble que le mercure passe par les pôles. Le modèle est accepté et entériné à l'échelle internationale.
Le mercure ne provient pas de l'Arctique, puisqu'il n'y a pas de centrales au charbon dans cette région, ni aucune source de production. Il provient en fait de divers endroits du monde tels que l'Europe de l'Est et la Chine où l'économie est actuellement en pleine expansion. Voilà d'où provient ce mercure.
Le président : Le mercure provenant d'Asie, vous le mesurez à son passage vers le Canada par l'Arctique?
M. Riordan : Oui.
Le sénateur Angus : C'est bien ce qui me semblait et cela m'amène à poser une question. Je sais que vous suivez de près les délibérations de notre comité de pointe qui s'intéresse tout spécialement à ces questions. Un de nos membres vit dans l'Arctique. Beaucoup d'entre nous étaient persuadés jusqu'à présent que le mercure qui pollue les habitants de Rankin Inlet et d'autres endroits de l'Arctique canadien provenait de villes frontalières comme Detroit, Windsor et autres. Or, je pense que ce n'est pas vraiment le cas. Est-ce que ce mercure nous vient plutôt d'Asie? Est-ce qu'il est transporté par les courants atmosphériques et les vents?
M. Clarkson : Je ne suis pas un expert, mais je crois que le mercure et certains autres polluants organiques persistants se déplacent par bonds. C'est ce qu'on appelle l'effet sauterelle. Il progresse peu à peu de cette manière. Le climat du Nord est tel que les polluants finissent tous par y aboutir, car le climat froid a tendance à concentrer les polluants.
Le tableau indique qu'il y a d'autres sources que l'Asie. Il est évident que les centrales thermiques sont nombreuses dans la vallée de l'Ohio, qu'elles brûlent du charbon et que les vents ont tendance à transporter ces agents polluants au Canada. Cependant, comme vous le voyez, la plus grande partie des polluants proviennent d'Asie. La plus grande partie de nos dépôts proviennent de l'extérieur du pays.
Le sénateur Angus : Je suis impressionné par la façon dont vous pouvez mesurer la pollution. Je suis certain que ces modèles vous permettent d'étudier attentivement les niveaux de dépôt dans l'Arctique. À partir du degré de pollution au mercure dans l'Arctique canadien, êtes-vous en mesure d'indiquer sur de tels graphiques l'origine de la pollution?
M. Clarkson : Je ne peux pas répondre à votre question aujourd'hui. Nous pourrons vérifier auprès des personnes qui établissent ces modèles et ces mesures afin de voir si nous pouvons répondre à votre question.
Le sénateur Angus : Est-ce que ces polluants ont une couleur? Est-ce qu'on peut les voir?
M. Clarkson : Généralement, les particules sont petites et impossibles à voir. Elles sont dissoutes.
Le sénateur Angus : Est-ce que ces particules sont vertes, bleues ou mauves?
M. Clarkson : Il s'agit de particules extrêmement fines, monsieur le sénateur; elles ne sont pas visibles.
Le sénateur Angus : Je vous pose la question parce que nous avons reçu cet après-midi des appels en provenance du lac Memphrémagog, un lac de 33 milles de long situé à la frontière et au bord duquel j'ai une résidence, comme beaucoup de gens et de sénateurs; on nous dit que les algues bleu-vert sont de plus en plus nombreuses. Je ne sais pas si elles contiennent du mercure et c'est pourquoi je pose la question.
M. Clarkson : D'après moi, les algues bleu-vert ne contiennent pas de mercure.
Le sénateur Angus : Qu'est-ce que c'est alors?
M. Clarkson : C'est un système biologique qui prospère dans les lacs en raison de la température et des éléments nutritifs qui s'y trouvent. Il est composé de toxines organiques et non pas inorganiques comme le mercure ou le mercure méthylique.
Le président : C'est probablement des phosphates.
Le sénateur Angus : Exactement. La loi-cadre dont nous procédons à l'examen réglementaire est compliquée. Elle est associée à 37 autres lois et de nombreux règlements, avec pour objectif général de s'opposer globalement à la pollution. Cela paraît assez simple.
Certaines dispositions de la LCPE empêchent-elles le gouvernement de prendre des mesures efficaces pour réduire les émissions de certains éléments comme le mercure qui figurent déjà sur la liste des substances toxiques de la LCPE? Nous essayons de vérifier l'efficacité de la loi. Pourriez-vous nous présenter une mesure de prévention en guise d'illustration?
M. Riordan : Nous avons montré que nous utilisons régulièrement la LCPE et d'autres lois, ainsi que divers règlements pris par d'autres autorités pour lutter contre la pollution au mercure. Vous pouvez consulter vous-même la liste des mesures législatives que nous avons prises. Nous avons l'intention de continuer à nous servir de la LCPE et d'autres lois pour lutter contre la pollution par le mercure et autres produits chimiques.
Il est clair que les dispositions de la loi telle qu'elle existe en ce moment n'empêchent pas le gouvernement de prendre des mesures visant à limiter les émissions de mercure.
Le sénateur Angus : Je suis tenté de dire que nous représentons le gouvernement et que nous sommes ici pour aider. Vous faites partie du gouvernement et nous sommes ici pour vous aider. Si la loi ou les règlements que vous êtes chargés d'administrer présentent des lacunes, nous pourrions, au cours de nos délibérations, recommander de modifier la loi ou de prendre de nouveaux règlements pour vous aider dans votre mission.
Au sujet du mercure, il serait utile pour nous de savoir s'il y a des problèmes ou si tout va pour le mieux et si vous disposez de tous les instruments législatifs nécessaires pour faire votre travail. Est-ce qu'il serait possible par exemple de simplifier votre travail?
M. Riordan : La LCPE de 1999 est un texte législatif relativement récent. Nous apprenons à nous en servir tout en l'appliquant.
Vous avez entendu des témoignages concernant la planification en matière de prévention de la pollution. Cela relève de la Partie 5 de la LCPE, une disposition qui ne figure dans aucune autre législation fédérale du monde. Tout cela est nouveau et nous continuons à apprendre à utiliser ce texte législatif. Le temps et l'expérience nous seront utiles. Je pense que la plupart des secteurs de la société sont convaincus qu'il s'agit d'une bonne loi. Nous allons faire des progrès à mesure que nous utiliserons la loi et que nous apprendrons à bien nous en servir.
Le sénateur Angus : C'est encourageant. Vous avez l'air de dire qu'il est encore un peu trop tôt pour le savoir, mais je crois d'ores et déjà que la loi est très efficace.
M. Riordan : Dans le cas du mercure, je crois que nous avons montré que c'est une bonne loi.
Le sénateur Angus : Oui, la démonstration est impressionnante, mais c'était une autre loi qui s'appliquait au cours des 30 années qui ont précédé 2000. Comme je vous l'ai dit, la question que je vous pose n'est pas compliquée. Si la loi fonctionne bien, tout est parfait et nous ne recommanderons pas de la modifier.
Monsieur Clarkson, je sais que la LCPE de 1999 recoupe d'autres lois ou textes législatifs portant sur le mercure dont vous avez parlé. Puis-je vous poser la même question?
M. Clarkson : Je vais vous donner la même réponse que M. Riordan. D'après mon expérience, la LCPE semble être efficace. Elle propose un cadre que M. Riordan applique avec son équipe et notre soutien. Toutes les mesures qui ont été prises ne découlent pas de l'application de règlements. Certaines mesures sont volontaires. Nous collaborons avec M. Riordan et son groupe, et comme vous pouvez le constater, je pense que nous avons obtenu d'assez bons résultats dans les domaines où nous pouvons agir.
Le sénateur Angus : Vous avez entendu ce que j'ai dit au début. L'exposé que vous nous avez présenté a brossé un tableau encourageant que j'ai eu plaisir à découvrir. Dans ma profession, nous avons l'habitude de dire que l'erreur est humaine et qu'il est préférable d'être mis au courant lorsqu'un de nos collègues fait une erreur, car il est possible alors de gérer le problème, de gérer le risque. Il n'y a rien de mal à nous dire qu'il existe un problème; ce n'est pas votre faute. Cela nous permettrait de réclamer une rationalisation de la loi afin de la rendre plus efficace. Vous ne m'avez révélé aucun problème dans le cas du mercure. Tout est donc parfait. Je n'ai pas d'autres questions.
Le président : Un dernier point sur ce sujet. Je crois que le mercure est classé parmi les substances toxiques à l'Annexe 1 de la LCPE. Est-ce exact et est-ce bien là qu'il faudrait le classer?
M. Riordan : S'il n'était pas classé dans cette liste, nous ne pourrions pas prendre de mesures réglementaires. C'est bien à cet endroit qu'il faut le classer.
Le sénateur Sibbeston : Je vis dans les Territoires du Nord-Ouest et pas dans l'Extrême-Arctique. Nous autres, les habitants du Nord, nous avons l'impression de vivre dans un environnement sauvage et nous sommes fiers de notre pays. Nous sommes loin des centres de développement et nous avons la chance de vivre dans une région qui n'est pas très peuplée. Il est intéressant d'apprendre que malgré notre éloignement des centres industriels, nous sommes soumis à une certaine pollution, pas nécessairement du mercure provenant du Sud de notre pays, mais de l'étranger et d'autres pays.
Le mercure est-il le polluant le plus dangereux ou existe-t-il d'autres polluants tout aussi dangereux ou même pires pour le Nord?
M. Clarkson : Je crois qu'il existe d'autres polluants qui préoccupent Santé Canada, Environnement Canada ainsi que le ministère des Affaires indiennes et du Nord. Vous avez sans doute entendu parler du Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord qui existe depuis un certain nombre d'années et qui étudie les dépôts de contaminants provenant d'ailleurs. À Santé Canada, nous essayons toujours d'évaluer les impacts sur la santé.
Je suis certain également que vous connaissez la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, les POP, qui a établi une liste de 12 produits chimiques différents tels que les BPC, le DDT et un certain nombre de pesticides. Certains de ces composés se retrouvent dans nos régions nordiques et soulèvent des inquiétudes, étant donné que l'effet sauterelle dont j'ai parlé un plus tôt s'applique également dans le cas de plusieurs de ces POP.
Malheureusement, sur le plan de la santé, les risques ne sont pas tout à fait les mêmes. On a retrouvé des traces du composé de sulfonate de perfluorooctane, un produit chimique polyfluoré qui servait d'agent anti-tâche ou anti-gras et également des éthers diphényliques polybromés, mais aucun de ces deux composants ne se trouve pour le moment à des concentrations qui peuvent être dangereuses pour la santé humaine.
Environnement Canada a évalué ces deux composés sous l'angle environnemental. Des mesures ont été proposées en vertu des dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et Santé Canada a le plaisir d'appuyer ces mesures qui permettront de contrôler les émissions avant que nous ayons à nous inquiéter de voir ces composés atteindre des niveaux susceptibles d'être dangereux pour la santé humaine.
Le sénateur Sibbeston : En vous écoutant, on a l'impression que le Nord subit l'assaut d'un certain nombre de polluants par voie terrestre, aérienne et aquatique, alors que les habitants du Nord pensent que leur région est vierge, propre et pure. Quels sont les risques que courent les habitants du Nord lorsqu'ils mangent du poisson ou d'autres animaux? Ces contaminants finissent par entrer dans leur organisme. Est-ce de cette façon que se produit la pollution? Les habitants du Nord sont-ils menacés?
M. Clarkson : Le risque est surtout lié à la consommation de mammifères et de poissons entrant dans le régime alimentaire traditionnel. C'est plutôt dans l'est que dans l'ouest de l'Arctique que les habitants ont ce type de régime alimentaire traditionnel. Il est clair que les recherches effectuées dans le cadre du Programme de lutte contre les contaminants du Nord ont révélé des niveaux élevés de divers polluants. Aujourd'hui, nous parlons du mercure et ma documentation porte sur ce polluant. Nous avons constaté que certaines personnes absorbent du mercure à des niveaux plus élevés que la dose quotidienne tolérable. Cependant, ces aliments représentent un important apport nutritif, social, culturel, spirituel et économique aux habitants du Nord. Les autorités sanitaires territoriales et régionales, avec l'appui de Santé Canada, ont décidé que les avantages l'emportent sur les risques que posent les contaminants et encouragent la population à poursuivre la consommation de ces aliments de manière modérée.
Le sénateur Sibbeston : Quel est le pronostic? Quelle est la solution à cette pollution dans le Nord? Notre région sera- t-elle un jour libérée de tous ces contaminants ou bien sommes-nous condamnés à subir la pollution des autres nations? Que pouvons-nous faire pour empêcher l'Asie et les autres pays de polluer l'air?
M. Clarkson : M. Riordan a mentionné un certain nombre d'autres initiatives bilatérales, dont une avec la Chine. La Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, les POP, porte sur des substances comme les BPC et certains pesticides comme le DDT qui ne sont plus homologués au Canada. Nous avons abordé cette question dans les tribunes internationales et nous avons encouragé les autres pays à prendre conscience des impacts que ces produits ont sur notre environnement, mais ce sont des instances internationales, alors que la LCPE est une loi nationale.
Le sénateur Cochrane : Monsieur Riordan, j'aimerais un peu plus de précisions de votre part. Depuis son entrée en vigueur en 1999, comment la LCPE a-t-elle été utilisée pour s'attaquer aux risques que pose le mercure sur le plan de l'environnement et de la santé? A-t-on pris des mesures réglementaires qui ont entraîné des réductions ou imposé des restrictions dans l'utilisation du mercure? Quelles sont les mesures qui ont découlé de l'entrée en vigueur de la LCPE? J'aimerais que vous nous disiez de manière plus précise quelles sont les mesures qui ont été prises.
M. Riordan : Depuis 1999, nous avons adopté un règlement sur l'exportation et l'importation de déchets dangereux et de matières recyclables dangereuses et un règlement sur l'immersion en mer; un plan de prévention de la pollution pour les fonderies et les affineries de métaux communs et les usines de traitement du zinc; un code de pratiques écologiques pour les aciéries intégrées; et un code de pratiques écologiques pour les aciéries non intégrées. Nous allons publier ce mois-ci un guide de planification pour la prévention de la pollution par les commutateurs au mercure des véhicules automobiles. Toutes ces initiatives prennent du temps. Les fabricants d'automobiles et d'acier seront tenus désormais de retirer les commutateurs au mercure des carcasses d'automobiles qui sont usinées dans les aciéries. Nous disposons de plusieurs instruments législatifs en vertu de la LCPE.
Il y avait déjà un certain nombre de standards pancanadiens portant sur les lampes à mercure et les amalgames dentaires contenant du mercure. La semaine dernière, le Conseil canadien des ministres de l'Environnement, le CCME, a annoncé l'entrée en vigueur de standards pancanadiens relatifs aux centrales électriques alimentées au charbon, qui s'en prennent à une source importante de rejets de mercure. Il faut citer également deux protocoles d'entente, le premier avec l'Association dentaire canadienne, l'ADC, qui concerne les amalgames dentaires, et le deuxième avec les fabricants de pièces d'automobile, qui porte sur les commutateurs au mercure.
Le sénateur Cochrane : Ont-ils été entérinés?
M. Riordan : Oui. Les règlements que j'ai mentionnés ont été entérinés et un ou deux sont en cours de préparation avec les protocoles d'entente existants.
Le sénateur Cochrane : De quels protocoles s'agit-il?
M. Riordan : Le premier protocole a été conclu avec l'ADC et le deuxième avec l'Association des fabricants de pièces d'automobile du Canada.
Le sénateur Cochrane : À quel moment pensez-vous qu'ils seront finalisés?
M. Riordan : Ils sont finalisés dans le sens qu'ils sont déjà mis en œuvre et que les progrès accomplis font l'objet de comptes rendus réguliers.
Le sénateur Cochrane : Est-ce que ces mesures s'appliquent à l'échelle de tout le pays?
M. Riordan : Oui, à l'exception du protocole avec les fabricants de pièces d'automobile qui s'applique essentiellement en Ontario.
Le sénateur Cochrane : Je pensais à l'ADC.
M. Riordan : Le protocole relatif au secteur dentaire s'applique dans tout le pays. Environnement Canada a élaboré le Protocole d'entente avec l'Association dentaire canadienne après avoir souscrit aux standards pancanadiens pour le mercure adoptés par le Conseil canadien des ministres de l'Environnement. Le gouvernement fédéral a accepté de conclure ce protocole d'entente avec l'ADC. Nous sommes actuellement en train d'évaluer les résultats de ce protocole d'entente. Beaucoup de dentistes, mais pas tous, contribuent à réduire les rejets de mercure dans l'atmosphère. Nous évaluons les résultats de cette activité en collaboration avec le CCME.
Le sénateur Cochrane : Mais tous les dentistes ne participent pas à ce programme.
M. Riordan : La plupart des dentistes participent, mais nous allons confirmer ce point et s'il s'avère que nous devons passer d'un protocole d'entente à un règlement officiel en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, nous recommanderons au gouvernement d'intervenir en ce sens. Nous l'avons déjà fait, par exemple pour les commutateurs d'automobiles. Le CCME avait tenté sans succès de régler le problème causé par le mercure contenu dans les commutateurs. Le CCME avait demandé au ministère de l'Environnement d'agir dans ce dossier. Au mois de juin, le ministère a annoncé qu'il se préparait à présenter un instrument législatif relatif au mercure contenu dans les commutateurs d'automobiles qui serait publié dans la Gazette du Canada ce mois-ci.
Le président : J'aimerais vous demander une précision à ce sujet. Vous avez dit un peu plus tôt que les aciéries qui refondent les carcasses d'automobiles sont tenues d'en extraire le mercure.
M. Riordan : C'est exact.
Le président : Il me semble que cette opération est difficile une fois que le véhicule a été écrasé et qu'il serait plus facile d'enlever le mercure avant que la carcasse soit aplatie.
M. Riordan : C'est l'entreprise de recyclage automobile qui prélève le mercure.
Le président : Ce n'est pas encore le cas. Est-ce une nouvelle mesure qui sera bientôt obligatoire?
M. Riordan : Oui. C'est un projet pilote que nous appliquons depuis trois ou quatre ans. On utilise un instrument grand comme une balle. Il y avait un programme qui s'appliquait sur une base volontaire en attendant le renforcement des standards pancanadiens. Étant donné que ce programme n'a pas donné de bons résultats, nous nous sommes tournés vers la LCPE pour adopter d'autres mesures en remplacement des standards pancanadiens.
Le président : Le commutateur au mercure qui se trouve dans le coffre arrière d'une carcasse d'automobile destinée à être écrasée à Victoria sera démonté avant que la carcasse soit emportée par l'entreprise de compactage.
M. Riordan : Oui, c'est ce qu'exigera la nouvelle norme.
Le sénateur Cochrane : Le mercure sera prélevé afin d'éviter qu'il soit rejeté dans le système aquatique.
M. Riordan : Dans ce cas, ce serait plutôt dans l'air, puisque les carcasses sont soumises à un procédé de fusion à l'arc électrique, un excellent procédé qui permet de recycler l'acier. Cependant, si la carcasse contient du mercure, cette substance est libérée dans l'environnement. Ce plan de prévention de la pollution permet aux fabricants d'automobiles de financer le coût de récupération des commutateurs au mercure dans les carcasses d'automobiles et exige que les fabricants d'acier mettent en place un programme d'approvisionnement sans mercure qui encourage les recycleurs d'automobiles qui interviennent avant la refonte, à retirer les commutateurs des carcasses d'automobiles.
Le président : Est-ce que le plan encourage ou exige le démontage des commutateurs?
M. Riordan : C'est là que cela devient un peu compliqué. Selon le plan, les fabricants d'automobiles doivent mettre en place un programme de récupération des commutateurs, tandis que les producteurs d'acier doivent fournir des produits réformés ne contenant pas de mercure. Certains efforts de persuasion seront peut-être nécessaires pour convaincre les intermédiaires de respecter les exigences. Certains d'entre eux s'y conforment déjà, mais il faudra un peu de temps pour obtenir la collaboration de l'ensemble d'entre eux.
Il semblait injuste d'imposer cette obligation aux recycleurs de voitures, alors que ce sont les fabricants d'automobiles qui avaient installé les commutateurs. C'est contraire au principe du pollueur payeur ou à la responsabilité étendue du producteur. L'instrument législatif est conçu de manière à imposer l'obligation aux fabricants d'automobiles. En vertu de la LCPE et du principe du pollueur payeur, c'est à eux que devrait incomber cette responsabilité.
Le sénateur Cochrane : Et ce sera fait.
M. Riordan : Oui.
Le sénateur Cochrane : Certains pays du monde ont-ils interdit l'utilisation de commutateurs au mercure dans les automobiles?
M. Riordan : Ces commutateurs sont interdits en Europe depuis une quinzaine d'années. Les constructeurs d'automobiles nord-américains étaient les seuls à les utiliser, mais ils ont cessé il y a trois ans environ. Ces commutateurs ne sont plus installés dans les automobiles.
Le sénateur Cochrane : Nulle part dans le monde?
M. Riordan : Je crois que non. On peut remplacer ce type de commutateur par un dispositif de la taille d'une balle qui contient un roulement à bille. La plupart des constructeurs d'automobiles européens ont cessé d'utiliser les commutateurs au mercure il y a quelques années. Les constructeurs nord-américains ont été plus lents. Il a fallu imposer des règlements ou des lois pour les contraindre à le faire.
Le sénateur Cochrane : La semaine dernière, nous avons entendu des témoignages convaincants de la part de groupes environnementaux. Au cours de la réunion, les témoins ont signalé certains obstacles inhérents à la LCPE qui, selon eux, s'opposent à l'application prompte de certaines mesures.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de certains arguments qui ont été avancés. L'environnementaliste Bruce Lourie a déclaré ceci :
En tolérant une échappatoire pour les substances d'origine naturelle, le gouvernement a souligné que la LCPE ne pouvait pas régir l'utilisation ou les émissions, mais seulement « gérer le mercure tout au long de sa vie utile » et pourtant, malgré ces dispositions, les mesures de gestion qui ont été prises sont rares ou même inexistantes.
J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
M. Riordan : Au cours de l'exposé que nous avons présenté cet après-midi, j'ai indiqué que des mesures collectives de gestion avaient été prises en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et d'autres lois dans d'autres régions pour s'attaquer à ce problème.
Je crois que M. Lourie évoque la question générale de l'élimination d'une substance d'origine naturelle. Le mercure est un élément que l'on trouve à l'état naturel dans l'environnement. Par exemple, les incendies de forêt et les volcans produisent du mercure et nous n'avons aucun contrôle là-dessus.
Quant aux sources anthropiques, nous faisons tout notre possible pour lutter systématiquement contre les sources principales de mercure au Canada. D'autre part, nous profitons des tribunes et ententes internationales, et cetera, pour encourager la réduction des émissions de mercure qui se déposent au Canada.
Permettez-moi de rappeler aux fins du compte rendu que notre gouvernement est actif dans ce domaine comme il l'a été au cours des 30 dernières années. Nous continuons à surveiller les sources anthropiques de mercure. Par contre, nous ne pouvons rien faire au sujet des émissions naturelles.
M. Clarkson : En tant qu'élément entrant dans la constitution de composés, le mercure n'est pas un polluant organique persistant susceptible d'être détruit et transformé. Il y aura toujours du mercure dans sa forme élémentaire ou sous forme de composé. En cas de destruction du composé, le mercure retournera probablement à l'état élémentaire. C'est le problème que posent les éléments inorganiques qui sont des métaux. Il est tout simplement impossible de les faire disparaître. Ils réapparaissent sous une forme ou une autre. Il y aura toujours du mercure dans notre environnement.
Comme M. Riordan l'a dit, il y a les émissions anthropiques d'une part, et d'autre part de nombreuses sources naturelles. Comme nous l'avons déjà dit, la majorité du mercure déposé au Canada échappe à notre contrôle.
Le sénateur Cochrane : J'aimerais vous poser une question au sujet de cette échappatoire mentionnée par certains de nos témoins. Prenons l'exemple des thermomètres. Si Santé Canada décidait qu'il s'agit d'un produit dangereux, il se pourrait bien que l'Environmental Protection Agency soit d'un avis contraire. Il y a contradiction entre le produit lui- même et les composants chimiques qu'il contient. Santé Canada et Environnement Canada peuvent-ils émettre des points de vue aussi divergents sur ce sujet?
M. Clarkson : Un thermomètre est un instrument médical. La Loi sur les instruments et drogues autorise l'utilisation des thermomètres au mercure. Ils sont utiles pour prendre la température. De nos jours, il existe d'autres appareils pour prendre la température et mesurer la tension.
Notre ministère n'empêche pas la substitution. De fait, je crois qu'il a homologué certains appareils de substitution aux dispositifs au mercure. Aucune mesure n'a été adoptée pour encourager ce changement.
M. Riordan a fait allusion au fait que sa ministre a réclamé l'élaboration d'une approche concernant le mercure dans les produits en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Avec lui, nous allons vérifier si la LCPE pourrait être un instrument efficace pour encourager l'adoption des appareils sans mercure que l'on trouve actuellement sur le marché.
Le sénateur Cochrane : À votre avis, combien de temps cela prendra-il?
M. Riordan : La stratégie doit être présentée en décembre.
L'adoption par les gouvernements de règlements, de lignes directrices ou de codes de pratiques est toujours précédée d'un débat public auquel peuvent participer des gens comme M. Lourie et d'autres représentants d'organisations non gouvernementales et de l'industrie. Ce débat durerait probablement quelques mois. Nous pourrions ensuite envisager d'élaborer des règlements visant certains de ces produits qui contiennent du mercure.
Dès lors qu'il existe des produits de substitution ne contenant pas de mercure, il faudrait encourager les consommateurs — certains pensent même qu'il faudrait les contraindre — à choisir ces produits de substitution. C'est un débat que doit avoir la société canadienne.
Le sénateur Cochrane : Dans le cas des thermomètres, ce débat n'a pas encore été fait.
M. Riordan : On en parle, mais le moment est venu de tirer les conclusions. Si l'on peut obtenir les mêmes résultats avec des produits de substitution aux appareils qui contiennent du mercure, pourquoi ne pas adopter ces nouveaux produits? Je pense que c'est dans cette direction que nous nous dirigeons.
Le sénateur Cochrane : Pensez-vous que la LCPE pourra permettre l'élaboration d'un règlement à cet effet?
M. Riordan : Je pense que c'est possible. C'est aux ministres du Cabinet de décider s'ils souhaitent que la LCPE réglemente le mercure dans les thermomètres.
Notre ministre nous a demandé d'élaborer une stratégie au sujet de l'élimination du mercure de certains produits. Nous y travaillons actuellement.
Le président : Ce que nous avons du mal à accepter — et je suis certain que vous connaissez bien le problème —, c'est que d'autres pays interdisent l'utilisation de mercure dans la fabrication des thermomètres par exemple et des appareils de mesure de la tension artérielle. Les fabricants sont donc tenus d'utiliser d'autres dispositifs qui sont apparemment tout aussi efficaces.
Nous avons parfois du mal à comprendre pourquoi le mercure n'est pas encore interdit dans notre pays, alors qu'il est reconnu comme une substance toxique. Voilà un sujet que nous aborderons d'une autre manière.
On me rappelle, monsieur Clarkson, que vous avez promis de nous fournir des renseignements concernant le pourcentage des diverses sources en provenance de l'Asie vers le Canada en passant par l'Arctique. Dans la mesure du possible, pourriez-vous répondre à la question du sénateur Angus lorsque vous ferez parvenir ces renseignements à la greffière?
M. Clarkson : Je me suis engagé au nom de mes collègues d'Environnement Canada.
Le président : Pouvez-vous vous occuper de cela?
Le sénateur Tardif : J'aimerais revenir à un point soulevé par le sénateur Cochrane concernant les produits contenant du mercure.
La semaine dernière ou peut-être la semaine d'avant, notre comité a entendu un exposé dans lequel le témoin affirmait qu'il serait beaucoup plus préférable d'interdire les produits contenant du mercure plutôt que de tenter de gérer les émissions de mercure entrant dans la constitution de certains produits. Il existe une stratégie de gestion du risque pour les produits contenant du mercure. À l'exception des lampes fluorescentes, je crois qu'il existe d'autres substances qui pourraient entrer dans la composition de certains produits énumérés ici.
Pourquoi n'envisage-t-on pas tout simplement d'interdire ces produits plutôt que de tenter de les gérer? Il me semble qu'il serait moins coûteux et plus efficace d'interdire ces produits.
M. Riordan : C'est peut-être une distinction sémantique, mais la Loi canadienne sur la protection de l'environnement nous autorise à prohiber certaines substances. Nos avocats nous ont avisés de ne pas utiliser le mot « interdire », puisque la loi permet plutôt de prohiber que d'interdire. La distinction est subtile, mais je devais la mentionner.
La stratégie consiste à examiner l'utilisation du mercure dans certains produits et éventuellement d'en prohiber l'usage. Nous ne voulons pas prohiber les thermomètres. Nous n'avons jamais invoqué la Loi canadienne sur la protection de l'environnement pour intervenir de la sorte, sauf peut-être dans le cas des composés organiques volatiles contenus dans la peinture et pour le plomb dans l'essence. Il s'agit d'un effort collectif visant à examiner tous les produits déposés au Canada ou produits au Canada qui contiennent du mercure, afin de déterminer ce que l'on peut faire à ce sujet.
En fin de compte, nous serons peut-être amenés à prohiber l'utilisation du mercure dans certains produits pour lesquels il existe des éléments de substitution. Voilà l'orientation que nous semblons prendre, mais nous ne sommes pas encore au bout de nos peines.
La loi nous donne les moyens d'agir. Nous pouvons prohiber l'utilisation de mercure dans certains produits. Au cours des mois prochains ou dans un an peut-être, nous connaîtrons la décision qui aura été prise à ce sujet.
Ainsi que le précisait l'auteur de ce témoignage, la première chose à faire est de mettre en place une stratégie exposant le problème, les enjeux et les produits qui nous paraissent dangereux, afin de déterminer quelles sont les mesures à prendre.
Le sénateur Tardif : Environnement Canada examine-t-il en ce moment les différentes façons de prohiber des produits contenant du mercure?
M. Riordan : Oui. Nous avons un projet de stratégie qui envisage de prohiber l'usage de mercure dans certains produits.
Le sénateur Tardif : Allez-vous procéder par voie de règlement?
M. Riordan : Oui. Nous pouvons nous servir d'un règlement déjà existant après l'avoir modifié, ou nous pouvons promulguer un règlement visant expressément le mercure. La loi nous permet de prendre des mesures relativement au contenu en mercure de certains produits.
Le président : Avant de passer à une autre question, permettez-moi de résumer. Vous avez dit que nous utilisons 10 tonnes de mercure dans des produits fabriqués au Canada et que nous rejetons sept tonnes dans l'atmosphère, dans le sol, dans l'eau ou ailleurs. Plutôt que de prohiber le produit, nous tentons de gérer les risques que présente le mercure lorsqu'il est mis au rebut.
M. Riordan : Ou, dans le cas d'un thermomètre, lorsque l'appareil se brise en cours d'utilisation.
Le président : Si l'on veut vraiment éliminer le mercure, je pense qu'il serait beaucoup plus efficace de le prohiber.
M. Riordan : En effet. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement commence par les mots « loi visant la prévention de la pollution ». L'intention du législateur est claire.
Le sénateur Peterson : La LCPE est-elle la loi déterminante pour toutes ces questions?
M. Clarkson : M. Riordan a dit un peu plus tôt que c'était un filet de protection. La LCPE intervient lorsque les autres lois ne suffisent pas pour régler un problème. Il s'agit de réglementer certains produits. J'ai dit un peu plus tôt que la Loi sur les aliments et drogues exige que certains instruments médicaux comme les thermomètres contenant du mercure soient homologués, sans pour autant les interdire. Il serait possible de prendre des mesures en vertu de la LCPE, en raison des risques de pollution.
Le sénateur Peterson : Qui administre le Règlement sur les effluents des mines de métaux relevant de la Loi sur les pêches?
M. Riordan : C'est le ministre des Pêches et des Océans, mais la Loi sur les pêches donne au ministre de l'Environnement le pouvoir d'élaborer le règlement en vertu des dispositions concernant la prévention de la pollution.
Le président : En consultation?
M. Riordan : Oui.
Le sénateur Peterson : Est-ce que vous fixez la quantité ou est-ce que vous vous contentez de présenter des lignes directrices?
M. Riordan : Il y a des lignes directrices réglementaires, ainsi qu'un programme de surveillance des effets environnementaux, une section nouvelle du Règlement sur les effluents des mines de métaux.
Le président : Vous avez dit « lignes directrices réglementaires ». Pour moi, c'est un oxymoron.
M. Riordan : D'après moi, un règlement peut contenir des lignes directrices qui prescrivent des limites. Le règlement impose des limites aux émissions de certaines substances différentes. Il existe un programme de surveillance des effets sur l'environnement qui exige la surveillance de l'impact des mines sur les plans d'eau récepteurs, en vertu de la Loi sur les pêches.
Le règlement est administré par Environnement Canada. La réglementation des effluents est l'élément moteur du Règlement sur les effluents des mines de métaux ainsi que du Règlement sur les effluents des fabriques de pâtes et papiers.
Le sénateur Peterson : C'est à ce ministère que l'industrie doit répondre?
M. Riordan : C'est exact.
Le sénateur Peterson : C'est le ministère qui centralise.
M. Riordan : C'est exact. La ministre de l'Environnement est chargée d'administrer l'article de la Loi sur les pêches concernant la réglementation des effluents des mines de métaux et des effluents des fabriques de pâtes et papiers.
Le sénateur Peterson : Est-ce que les fonctionnaires chargés d'administrer la Loi sur les pêches acceptent cela?
M. Riordan : Oui. Je crois qu'ils préfèrent nous laisser faire le travail.
Le président : J'ai poursuivi cette réunion le plus longtemps possible. Le sénateur Fox, le sénateur Kenny et moi- même n'avons pas eu l'occasion de poser des questions aux témoins.
Je demande à M. Clarkson et M. Riordan de confirmer qu'ils pourront nous retrouver jeudi matin à 9 heures.
Nous allons donc poursuivre la présente réunion avec ces témoins jeudi matin à 9 heures, dans la pièce 257 de l'édifice de l'Est.
La séance est levée.