Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 9 - Témoignages du 9 novembre 2006
OTTAWA, le jeudi 9 novembre 2006
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 12 pour examiner la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999, chap. 33) conformément à l'article 343(1) de ladite loi.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
Le président : La séance est ouverte. J'ai le plaisir de vous accueillir au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Au cours des derniers mois, le comité a tenu un certain nombre de réunions d'établissement de la portée des incidences relativement à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999) avant de choisir la meilleure procédure pour l'examiner.
Le comité a décidé d'examiner cette loi en analysant trois études de cas afin d'établir dans quelle mesure la LCPE protège les Canadiens contre les effets nocifs attribués à l'exposition aux substances toxiques. La première étude de cas porte sur le mercure.
Le groupe de témoins qui comparaissent devant nous ce matin est composé du Dr David Bennett, qui est membre du Comité national sur les expositions environnementales et professionnelles de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer, du Dre Victoria Lee, membre du conseil de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement et de M. Timothy Lambert, qui travaille comme bénévole pour l'Association canadienne de santé publique.
Avant de commencer, je voudrais vous présenter rapidement les membres de notre comité qui sont présents aujourd'hui.
À ma droite immédiate se trouve le sénateur Angus. Il vient de Montréal. C'est un avocat qui a été très actif au niveau communautaire et qui est actuellement associé principal du cabinet Stikeman Elliott, à Montréal. Il est aussi le vice-président du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.
À mon extrême gauche se trouve le sénateur Tardif qui est reconnue depuis longtemps comme l'une des principales championnes des droits linguistiques et culturels des minorités au Canada. Elle est aussi connue pour son importante contribution dans le domaine de l'éducation secondaire et postsecondaire. Elle a été nommée au Sénat en 2005 et est actuellement membre du Comité sénatorial permanent des langues officielles et du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement.
Le sénateur Milne vient de l'Ontario et elle est la vice-présidente du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Par le passé, elle s'est intéressée à la légalisation du chanvre comme culture industrielle et elle s'est opposée à l'utilisation des hormones de croissance bovine pour stimuler la production laitière. Plus récemment, le sénateur Milne s'est intéressée à la publication des dossiers du recensement postérieurs à 1901 et aux aliments génétiquement modifiés, ce qui n'est pas directement relié.
Je suppose que vous désirez nous parler pendant quelques minutes. Je vous suggère de le faire à tour de rôle, après quoi nous vous poserons des questions.
Dre Victoria Lee, membre du conseil, Association canadienne des médecins pour l'environnement : Honorables sénateurs, je vous remercie de cette occasion de parler avec vous aujourd'hui. Je suis médecin et membre du conseil de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement. Notre association est l'organe national des médecins pour l'environnement et la santé. Nous croyons que la santé devrait être considérée comme un état de bien-être physique, mental, social et écologique. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement, de 1999, est le principal instrument qui confère le pouvoir d'évaluer et de gérer les contaminants de l'environnement et qui dirige donc les décisions politiques au Canada. Malheureusement, la LCPE ne s'est pas vraiment acquittée de sa mission qui consiste à protéger la santé, le bien-être et l'environnement de tous les Canadiens contre la production et les substances toxiques, surtout dans le cas des enfants. Nous continuons d'être exposés quotidiennement à des substances persistantes et toxiques qui s'accumulent dans notre organisme et nous causent des problèmes de santé.
Le mercure est une de ces substances toxiques. Le mercure menace notre santé, car il n'est pas possible de l'éliminer une fois qu'il a été libéré dans l'environnement. En fait, il est rapidement absorbé par des micro-organismes et il a tendance à se bio-accumuler et à se bio-intensifier chez l'animal. Il est bien établi que le méthyle mercure et les vapeurs de mercure traversent le placenta dans l'utérus des femmes enceintes et que même des niveaux modérés de mercure dans l'utérus ont des effets néfastes sur la mémoire, l'attention et l'habileté d'expression verbale.
Le programme de tests sanguins qui a eu lieu aux États-Unis en 1999-2000 a révélé qu'environ 8 p. 100 des femmes en âge de procréer avaient un taux de mercure sanguin supérieur au niveau considéré sûr par l'Environmental Protection Agency. Ces tests ont permis de conclure que 375 000 enfants nés chaque année aux États-Unis risquent de souffrir de troubles neurologiques à cause du taux de mercure présent dans l'organisme de leur mère. Selon des études récentes, l'augmentation des taux de mercure et la baisse du QI qui y est associée entraînent une diminution de la productivité économique, et cela pendant toute la vie de ces enfants. Aux États-Unis, la perte de productivité associée à la toxicité du méthyle mercure est évaluée à 8,7 milliards de dollars par année. Au Canada, 79 p. 100 des femmes du Nunavik et 68 p. 100 de celles de la région de Baffin ont des taux de mercure sanguins supérieurs aux normes de l'EPA.
Il faut mettre un terme à l'inaction dont on a fait preuve à l'égard du mercure dans le cadre de la LCPE. Environnement Canada a déclaré que peu importe si nous utilisons la LCPE pour lutter contre les émissions de mercure alors qu'en réalité il s'agit d'une considération importante. Nous sommes ici pour parler des dispositions de la LCPE qui empêchent de l'utiliser efficacement.
Peu de mesures positives ont été prises contre le mercure au Canada. Les réductions ont généralement résulté d'autres règlements. Nous continuons à contaminer l'environnement et notre organisme avec le mercure et la LCPE ne fait pas grand-chose pour l'empêcher. Même les représentants de l'industrie qui ont témoigné devant vous ont déclaré que la LCPE n'avait aucun effet sur le mercure.
Environnement Canada veut vous faire croire que la LCPE atteint ses objectifs. Si la LCPE protège la santé des Canadiens, je vous demande alors pourquoi aucune substance n'est inscrite dans la Liste de quasi-élimination? Pourquoi les produits de consommation continuent-ils de libérer des substances toxiques? Pourquoi la pollution atmosphérique continue-t-elle de miner notre santé?
Les substances dangereuses comme le mercure restent très répandues dans les produits médicaux et les produits de consommation même si elles figurent dans la liste des substances toxiques de la LCPE. Par exemple, les entreprises sont encore autorisées à vendre des thermomètres au mercure alors qu'il existe d'autres dispositifs tout à fait satisfaisants. Le système de contrôle des poisons des États-Unis a constaté, en 2001, que 20 000 personnes avaient été exposées au mercure par des thermomètres cassés. Plus de 1 700 personnes ont eu besoin d'un traitement et 20 p. 100 d'entre elles ont eu des réactions néfastes, dont un décès. La situation est similaire au Canada.
La LCPE doit être plus efficace pour éliminer la présence de substances toxiques dans les produits. Il faut renforcer la loi afin que les substances dangereuses comme le mercure soient éliminées des produits qui sont importés ou fabriqués ici, au Canada.
De nombreux groupes sont venus vous expliquer les lacunes de la LCPE. Nous sommes ici aujourd'hui, en tant que médecins qui travaillent en première ligne, pour bien faire comprendre que la LCPE doit être améliorée.
Les faiblesses de la LCPE sont particulièrement évidentes dans nos régions particulièrement touchées par la pollution, qui sont les régions géographiques vulnérables comme le Nord, les provinces de l'Atlantique, les Grands Lacs et le bassin du Saint-Laurent. Toutes ces régions présentent un taux élevé de mercure et d'autres polluants toxiques et une loi environnementale nationale efficace nous obligerait à les nettoyer et, ce faisant, à protéger la population et l'environnement.
Examinons en détail la région des Grands Lacs. Cette région est une ressource naturelle extraordinaire qui contient 18 p. 100 des eaux douces de surface de la planète. Les Grands Lacs ont aussi une importance vitale pour un grand nombre d'espèces de poissons et d'autres espèces fauniques d'Amérique du Nord. Cette région doit depuis longtemps sa vigueur économique à la richesse de ses ressources naturelles.
En 1991-1995, les gouvernements du Canada et des États-Unis ont mis au point la Stratégie binationale sur les produits toxiques dans les Grands Lacs pour restaurer les zones contaminées et éliminer totalement les émissions de certaines substances toxiques rémanentes et biocumulatives. Les deux pays ont accepté d'éliminer pratiquement toutes les substances toxiques rémanentes. Le mercure a été désigné comme la première substance à éliminer en vertu de cet accord et le Canada s'est engagé à réduire de 90 p. 100 les émissions de mercure d'ici l'an 2000.
En raison de l'absence de coordination nationale pour le contrôle du mercure, les dépôts atmosphériques de cette substance n'ont pas diminué dans la région. En fait, une étude réalisée en 2004 a révélé que la totalité des personnes qui mangent du poisson dans cette région avaient un taux de mercure sanguin supérieur au niveau décelable.
La LCPE devrait assurer le nettoyage du bassin des Grands Lacs afin de protéger le gagne-pain des 33 millions d'habitants de cette région. Le Canada doit respecter ses engagements internationaux.
Nous recommandons énergiquement d'élargir les dispositions de la LCPE concernant la quasi-élimination afin que nous puissions nous protéger entièrement contre les pires substances toxiques, y compris le mercure.
Pour terminer, l'émission continue de mercure pose des risques importants et évidents pour l'écologie, la santé humaine et l'économie. Les conséquences de l'inaction sont beaucoup trop coûteuses pour être compensées par les avantages de la réglementation extérieure à la LCPE. Nous exhortons les membres du Sénat à prendre les mesures nécessaires, aujourd'hui même, pour protéger nos enfants contre la pollution atmosphérique et les femmes enceintes contre la consommation d'aliments contaminés. Nous vous exhortons à saisir l'occasion de protéger la santé des Canadiens en renforçant la LCPE de la façon suivante : en éliminant les substances toxiques de nos produits; en rendant plus efficaces les dispositions de la LCPE concernant la quasi-élimination des substances dangereuses et en protégeant les régions géographiques vulnérables et précieuses comme celle des Grands Lacs, de même qu'en respectant nos accords internationaux.
Timothy Lambert, bénévole, Association canadienne de santé publique : Je vous remercie de m'avoir invité à venir ici aujourd'hui, monsieur le président. Je représente l'Association canadienne de santé publique. Depuis huit ou neuf ans que je travaille comme bénévole pour l'Association, j'ai participé à plusieurs processus de normalisation pancanadiens pour le benzène, les particules, l'ozone, le mercure ainsi qu'aux consultations sur la liste intérieure des substances et aux communiqués récemment publiés au nom de l'Association.
De plus, dans le cadre de mon doctorat sur la santé publique, j'ai évalué l'historique de la santé publique au Canada et le contexte éthique du contrôle et de la gestion des substances et de la protection de la santé publique.
L'ACSP considère la LCPE comme une loi essentielle pour protéger la santé publique et reconnaît l'environnement comme un déterminant de la santé. Par conséquent, la santé de l'environnement se répercute sur la santé des Canadiens; de la même façon, les activités humaines se répercutent à la fois sur la santé de l'environnement et sur la santé des Canadiens. C'est dans cet esprit que nous avons formulé un certain nombre de recommandations concernant la LCPE.
D'abord et avant tout, l'ACSP exhorte le comité à examiner attentivement la déclaration de l'objectif principal de la LCPE. Pour le moment, cet objectif se limite au développement durable et plus particulièrement à la prévention de la pollution. Ce faisant, la loi établit un précédent pour le traitement des émissions futures, sans se pencher sur les effets des activités humaines antérieures.
Le mercure est un bon exemple montrant pourquoi c'est une limitation étant donné que la plupart des dépôts actuels de cette substance sont le résultat d'activités humaines antérieures. L'environnement est contaminé et, plus que tout autre contaminant, le mercure est responsable d'un certain nombre d'avis aux consommateurs de poisson de pêche sportive qui ont été émis un peu partout au Canada. Pourtant, tout cela résulte d'activités antérieures et, telle qu'elle est formulée actuellement, la LCPE n'aborde pas ce problème.
La deuxième grande question sur laquelle l'Association canadienne de santé publique aimerait que le comité porte son attention est la signification et la définition du principe de prudence. Si vous examinez attentivement la définition donnée dans la LCPE, elle ne mentionne pas la santé publique. Même si la loi parle de l'environnement comme d'un déterminant de la santé et du lien entre l'environnement et la santé humaine, le principe de prudence ne mentionne pas expressément la santé publique.
Nous avons fourni au comité le libellé de la recommandation que nous lui demandons d'examiner. Nous vous suggérons de définir le principe de prudence de la façon suivante :
En cas de risques de dommages graves ou irréversibles à l'environnement, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement et à protéger la santé humaine. En vue de favoriser le développement durable, il doit être démontré que les procédés, produits et substances n'exposent pas la santé humaine ou l'environnement à des dommages graves ou irréversibles.
L'autre grand concept général que l'Association canadienne de la santé publique recommande au comité d'inclure dans la LCPE est le respect de la justice environnementale. Pour le moment, ce concept est entièrement absent de la LCPE alors qu'il occupe maintenant une place fondamentale dans la théorie et la philosophie de la santé publique et de l'environnement. C'est un concept reconnu dans les autres pays et nous croyons que le Canada doit l'adopter à son tour.
Le mercure est un bon exemple permettant de comprendre le concept de justice environnementale étant donné l'iniquité sur le plan de l'exposition au mercure et de ses effets sur la santé. Le mercure se dépose dans le nord du pays et c'est une région qui est maintenant victime d'une iniquité sur le plan de la santé humaine et des conséquences environnementales du fait que les phénomènes atmosphériques déposent cette substance dans le Nord. Lorsque nous pensons aux normes et lignes directrices nationales, nous devons reconnaître cette situation particulière qui entraîne une augmentation des risques par rapport à la moyenne nationale. Également, en ce qui concerne les collectivités locales situées au voisinage de sources importantes de mercure, par exemple en Alberta, où il y a plusieurs centrales électriques autour du lac Wabamun, le mercure se dépose localement en plus d'augmenter la pollution mondiale. On ne parle pas beaucoup de ce mercure et nous avons donc une collectivité locale dont les risques sanitaires et environnementaux sont accrus en raison des dépôts qui se produisent dans le voisinage des fonderies.
Aux États-Unis, de nombreuses études révèlent des dépôts locaux à proximité de ce genre d'endroits. Pourtant, nous n'avons pas cherché à recueillir cette information au Canada de façon à pouvoir bien faire comprendre aux Canadiens ce qui se passe.
Nous avons formulé des recommandations concernant la justice environnementale qui se rapportent à l'article 2. Nous suggérons que, dans le cadre de sa mission, le gouvernement fédéral doit respecter le principe de la justice environnementale lors de l'établissement de normes nationales et lors de la prise de décisions en matière de santé publique et de salubrité de l'environnement, le respect de la justice environnementale devant être entendu comme assurant aux groupes identifiables, aux collectivités locales, aux personnes défavorisées sur le plan socioéconomique, et aux écosystèmes vulnérables qu'ils ne sont pas exposés en matière de santé à des risques plus importants du fait de ces caractéristiques.
Le sénateur Milne : Excusez-moi, monsieur Lambert, je ne veux pas vous interrompre, mais vous parlez de recommandations précises. J'ai vos trois documents sous les yeux, mais je ne peux pas y trouver ces recommandations.
M. Lambert : J'ai fourni un document qui contient des recommandations précises et les changements que nous proposons d'apporter à la LCPE. J'ai fourni deux séries de documents que j'ai publiés dans ce domaine, dont l'un est davantage un cadre d'éthique général pour la santé publique et la santé environnementale. Ce document décrit dans les grandes lignes le principe de prudence et le concept de justice environnementale en ce qui concerne le mercure. C'est la pièce A qui s'intitule « Broadly Ethical Perspectives ».
Les sénateurs devraient avoir reçu trois documents. L'un d'eux s'intitule « Ethical Perspectives for Public Environmental Health ». Dans ce document, nous faisons valoir la nécessité de tenir compte de la justice environnementale en ce qui concerne le mercure et l'existence de ces problèmes dans le Nord qui est particulièrement touché. Lorsque nous négocions des traités internationaux, nous avons besoin d'une législation pour guider nos discussions avec les États-Unis ou la Chine où il va y avoir une expansion massive des centrales au charbon et une forte augmentation du mercure qui sera déposé au Canada suite à ces activités. C'est là un exemple de la nécessité de tenir compte de la justice environnementale.
Un autre domaine dans lequel nous avons proposé des recommandations est celui de la collecte des renseignements. Dre Lee a souligné qu'aux États-Unis les données révèlent qu'un nombre important de femmes sont exposées à des risques en raison de leur charge corporelle de mercure. Nous n'avons pas de base de données similaire au Canada pour savoir ce qui se passe chez nous. La LCPE présente des lacunes à cet égard, car elle devrait fournir ces renseignements. En ce qui concerne la collecte de renseignements, nous recommandons :
Un programme national de surveillance des produits chimiques toxiques en matière de santé humaine doit être mis en place et les renseignements recueillis concernant les risques pour le public doivent être rendus publics.
Conformément au thème précédent, pour respecter la justice environnementale, nous recommandons que « le programme national de surveillance doit comprendre spécifiquement les populations des zones qui pourraient être davantage exposées à ces risques que la moyenne nationale ». Les recherches réalisées au Canada en 1997 ont démontré que nous avons dans le Nord, même au Québec, des populations indigènes dont la charge corporelle de mercure est supérieure à la moyenne nationale. Il y a des preuves physiques qui confirment la nécessité des recommandations que nous adressons au comité.
Nous recommandons : « Les ministres doivent recueillir et prendre en compte les informations et les évaluations scientifiques provenant d'autres instances. » Les États-Unis et l'Europe ont accumulé beaucoup de connaissances sur les substances chimiques toxiques et la charge corporelle et il faudrait donc profiter des ressources que possèdent les autres en précisant dans la LCPE que nous devons recueillir et utiliser ces renseignements pour améliorer nos prises de décisions.
La troisième grande question qui nous intéresse est la quasi-élimination. Les normes pancanadiennes ne nous conduisent pas vraiment à la quasi-élimination. À cet égard, nous souhaitons une disposition d'amélioration permanente. Dans la législation de l'Alberta réglementant les émissions de mercure des centrales alimentées au charbon, nous avons inclus un examen quinquennal afin d'assurer une amélioration permanente. Nous suggérons d'inclure également cette disposition dans la LCPE et de l'appliquer à l'échelle nationale pour ces centrales.
Nous formulons des recommandations générales concernant la réglementation pour combler les lacunes des règlements actuels qui ne répondent pas aux besoins d'information qui représentent le principal problème que nous avons constaté en examinant la LCPE. En ce qui concerne les limitations des règlements et leur contribution à la prévention de la pollution, nous recommandons d'inclure dans la réglementation des mesures d'atténuation et de rétablissement.
Le dernier thème sur lequel portent nos recommandations est la consultation publique que la LCPE recommande dans un certain nombre de domaines. Compte tenu de notre expérience des normes pancanadiennes, nous recommandons que la LCPE prévoie un processus de consultation publique clair et précis afin que les avis divers soient entendus et qu'un consensus soit favorisé, ou du moins que la gamme de solutions acceptables soit expliquée.
Nous sommes certainement prêts à répondre à vos questions et à fournir au comité tout renseignement complémentaire dont il aura besoin.
David Bennett, membre du Comité national sur les expositions environnementales et professionnelles, Stratégie canadienne de lutte contre le cancer : J'aimerais d'abord remercier le comité sénatorial de se pencher sur cette importante loi, la pierre angulaire de la législation environnementale du Canada, et d'avoir invité le CNEPE à témoigner. Le CNEPE est le Comité national sur les expositions environnementales et professionnelles de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer. Je viens de terminer mon mandat à titre de directeur de la santé, de la sécurité et de l'environnement au Congrès canadien du travail et je représente le CTC au comité national.
En premier lieu, je voudrais faire une distinction entre la prévention de la pollution et le contrôle des substances polluantes au moment de leur rejet au bout de la conduite d'évacuation. La LCPE de 1999 est, de toute évidence, une loi axée sur la prévention de la pollution qu'elle définit comme
L'utilisation de procédés, pratiques, matériaux, produits, substances ou formes d'énergie qui, d'une part, empêchent ou réduisent au minimum la production de polluants ou de déchets, et d'autre part, réduisent les risques d'atteinte à l'environnement ou à la santé humaine.
Par prévention de la pollution, on entend donc l'élimination ou la minimisation des apports toxiques dans les procédés industriels et de leur utilisation dans ces procédés. Cela permet d'éviter la création de polluants, tandis que les mesures de contrôle permettent seulement d'atténuer les effets des polluants créés.
Cette distinction rigide entre la prévention et le contrôle entre en jeu dans le cas du mercure et des ses composés, des substances qui préoccupent particulièrement le comité sénatorial. Il est facile de mettre en place des mesures de prévention dans le cas du mercure métallique : vous pouvez carrément l'interdire, ordonner son retrait progressif ou en restreindre l'utilisation, par exemple, dans la fabrication de produits dentaires, d'équipement médical et de certains interrupteurs comme les thermostats. Le problème se complique lorsque les composés de mercure sont présents dans les procédés industriels, mais il est néanmoins possible de mettre en place un programme de prévention comme pour le mercure métallique : retrait progressif des composés de mercure et imposition de restrictions provisoires relativement à leur utilisation.
Cependant, lorsque les composés de mercure sont présents dans les charges d'alimentation des industries, notamment des centrales électriques au charbon, des incinérateurs et des fonderies, le programme de prévention devient extrêmement difficile, voire impossible, à exécuter. La seule façon de prévenir la pollution par le mercure consiste à réduire les activités. Même la technique de prévention de la pollution consistant à augmenter le rapport production-déchets ne peut empêcher le rejet d'émissions de mercure. Dès que les composés de mercure sont présents dans la charge d'alimentation, il devient impossible de prévenir la création de polluants de mercure.
C'est ici que nous nous heurtons, par inadvertance peut-être, à l'une des lacunes des dispositions sur la prévention de la pollution de la LCPE de 1999. Dans l'Avis requérant l'élaboration et l'exécution d'un plan de prévention de pollution à l'égard de substances toxiques émises par les fonderies et affineries de métaux communs et les usines de traitement du zinc (2004), nous constatons que des mesures de contrôle sont autorisées au mépris de la définition de la prévention de la pollution énoncée dans la loi même. Dans la mesure où le mercure est visé, cela est inévitable, il s'agit là d'un très mauvais précédent pour les plans de prévention de pollution en général : dès que les mesures de contrôle seront autorisées, les entreprises chercheront à appliquer des solutions traditionnelles de contrôle des émissions aux dépens des méthodes nouvelles et plus efficaces de prévention de la pollution.
En ce qui concerne les substances cancérogènes, le CNEPE recommande que toutes les substances inscrites dans les groupes 1 et 2A du Centre international de recherche sur le cancer de l'Organisation mondiale de la santé soient également inscrites à l'Annexe 1 de la LCPE dans le but de réglementer, d'interdire ou de restreindre leur utilisation.
Le groupe 1 du CIRC comprend des substances, des procédés et des sources d'énergie cancérogènes pour les humains, tandis que le groupe 2A comprend des substances, des procédés et des sources énergétiques qui sont probablement cancérogènes pour les humains. Il s'agit donc de sources très dangereuses de cancer. Il n'existe pas de seuil ou de limite sûre d'exposition à aucune de ces substances et il est impossible de les gérer au moyen des méthodes traditionnelles de contrôle des émissions. La seule façon de calculer le risque minimal est de recourir à une méthode hautement partiale d'évaluation quantitative du risque. Une véritable approche de précaution serait donc d'interdire ces substances ou d'ordonner leur retrait progressif, ce qui constitue la principale méthode de prévention de la pollution. Voilà pourquoi nous demandons que les substances des groupes 1 et 2A du CIRC soient inscrites à l'Annexe 1 de la LCPE.
En deuxième lieu, nous soutenons, et c'est une opinion partagée par le Comité national et le Congrès du travail du Canada, qu'il faudrait exiger l'établissement de plans de prévention de la pollution à l'égard de toutes les substances toxiques et la formulation de dispositions spéciales et rigoureuses visant l'élimination des substances classées par le CIRC dans les groupes 1 et 2A. Je signale en passant que le CIRC a classé le mercure et ses composés dans le groupe 3 des substances non classifiables quant à leur cancérigénéité pour les humains. Cela pourrait se faire au moyen de la partie IX de la LCPE qui s'applique aux entreprises fédérales des secteurs public et privé. En ce qui concerne les lieux de travail de compétence provinciale, il devrait y avoir un règlement équivalent conforme à la norme fédérale établie à la partie IX.
Pourquoi a-t-on restreint cette partie de la LCPE au seul secteur fédéral, au lieu d'imposer un standard national visant l'établissement de plans de prévention de la pollution? Le problème, c'est que le gouvernement fédéral n'a pas compétence à l'intérieur de la plupart des lieux de travail au Canada. La planification de la prévention de la pollution est quelque chose qui se passe, comme tout le monde le sait, sur les lieux de travail et non pas là où les substances sont rejetées dans l'air. C'est ce qui explique les dispositions complexes et inefficaces des Avis de plan de prévention de la pollution prévus à la LCPE de 1999 dont le but est d'empêcher les inspecteurs fédéraux de pénétrer sur les lieux de travail de compétence provinciale pour vérifier si l'Avis est respecté. Quatre avis seulement ont été émis depuis 2003, un nombre tout à fait absurde, d'autant plus que la LCPE est une loi visant à prévenir la pollution.
Je signale en passant que, dans le mémoire qu'il a présenté au Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes, au sujet de la LCPE, le projet de loi C-32, en mai 1999, le CTC commentait les exigences en matière de prévention de la pollution et expliquait pourquoi elles sont peu efficaces. J'espère que votre comité se penchera sur cette question. J'espère surtout avoir convaincu les membres du comité que les dispositions relatives aux plans de prévention de la pollution de la LCPE de 1999 sont tout à fait inadéquates. La solution exige l'adoption d'une nouvelle approche prévoyant l'établissement d'un standard national par le biais de la partie IX de la LCPE de 1999, au lieu de continuer de prétendre, comme c'est actuellement le cas, que la loi vise vraiment la prévention de la pollution.
Quant à la demande du Comité national d'inscrire les substances cancérogènes à l'Annexe 1 de la LCPE, il nous faudra attendre encore longtemps. Nous sommes également inquiets de voir que même lorsqu'une substance est inscrite à l'Annexe 1, rien ne nous garantit que quelque chose de grave ne se produira pas. En ce qui concerne les substances cancérogènes désignées par le CIRC, notre position est claire : elles doivent être éliminées ou retirées progressivement afin d'éviter l'empoisonnement de travailleurs, de collectivités ou de l'environnement. Ce mémoire vous est respectueusement soumis au nom du Comité national de la Stratégie canadienne de lutte contre le cancer.
Le sénateur Angus : Docteurs, merci beaucoup. Comme je l'ai dit à voix basse au président, vous nous avez fourni matière à établir un merveilleux rapport. Je dirais sans hésiter que vous vous êtes extrêmement bien préparés. Je suis avocat de formation et vous avez, de toute évidence, procédé dans les formes en exposant le problème et en vous donnant la peine de nous proposer des solutions. C'est ce que vous avez fait et cela nous est très utile. Vous êtes certainement d'accord, monsieur le président.
Le président : En effet.
Le sénateur Angus : Je serais bien prêt à discuter de ces questions avec vous toute la journée, si vous en aviez le temps.
Docteure Lee, vous avez parlé d'une région géographique précise. Votre déclaration ou votre exposé au sujet de la stratégie binationale et de la réunion qui a eu lieu à la fin des années 90 m'ont intrigué.
Dre Lee : Je crois que c'était en 1995.
Le sénateur Angus : Le Canada a participé à cette initiative avec nos voisins du Sud et s'agissait-il du gouvernement fédéral?
Dre Lee : D'après les documents que j'ai lus, il semble que les gouvernements locaux, provinciaux et fédéral y aient participé. Pour ce qui est des accords et des défis dont il est fait mention, le Canada s'est engagé à réduire les niveaux de mercure de 90 p. 100 avant l'an 2000. Ce sont des ententes fédérales et il est question également des progrès réalisés par l'Ontario sur le plan des dépôts de mercure et ce genre de choses. Il semble que différents niveaux de gouvernement y aient participé.
Le sénateur Angus : D'après ce que vous avez dit, j'ai l'impression qu'il y a peut-être un groupe municipal de Windsor ou de Toronto et ensuite quelques groupes provinciaux et après, le gouvernement fédéral. Vous concluez en disant que l'absence de coordination nationale explique sans doute pourquoi cela n'a rien donné de concret.
Dre Lee : D'après les documents de février 2006 que j'ai lus, d'après le rapport sur l'accord et l'engagement binational, l'Ontario a fait des progrès sur le plan de l'élimination du mercure. Cependant, les choses n'ont pas beaucoup changé en ce qui concerne les dépôts de mercure ou le rythme auquel le mercure se dépose. Dans le document en question, on dit que c'est peut-être attribuable à l'absence de stratégie nationale. On fait également valoir que les États-Unis n'ont pas de stratégie nationale ou que la stratégie ou la politique actuelle sont contestées devant les tribunaux. On souligne également que le Canada n'a pas de politique nationale à l'égard du mercure.
Le sénateur Angus : Comme vous l'avez tous laissé entendre, il s'agit là d'un défaut majeur de notre législation cadre.
Dre Lee : Oui.
Le sénateur Angus : Ce qui ressort clairement de toutes vos observations, surtout de celles de M. Bennett, c'est qu'un de nos obstacles est notre fédération ou le fait que nous ayons des champs de compétence concurrents ou exclusifs, ce qui pose un problème pour tout législateur fédéral. Il pourrait arriver que les travailleurs d'une usine signalent un problème, mais que les inspecteurs fédéraux ne puissent pas se rendre sur place pour surveiller la situation. Le programme de surveillance national que vous suggérez est tout à fait logique. Je me demande si nous pouvons aller plus loin. Je suppose qu'une de vos recommandations consiste à trouver un moyen de contourner les obstacles constitutionnels, n'est-ce pas? C'est à vous tous que j'adresse cette question.
M. Lambert : Un programme national de surveillance pourrait certainement être facilité par Santé Canada, ou peut- être l'Agence de santé publique du Canada. Nous faisons, au début, une recommandation générale qui pourrait peut- être jouer un rôle à cet égard et, s'il y a une nouvelle structure, cela permettra de faire ce genre de choses.
Le sénateur Angus : Au cours de cette étude, nous avons constaté, non seulement, qu'il y a des problèmes constitutionnels entre les provinces, les municipalités et le gouvernement fédéral, mais également au sein du gouvernement fédéral. Nous constatons ce que j'appellerais, non pas des « guerres de territoire », mais des « obstacles intergouvernementaux » entre le ministère de la Santé, le ministère de l'Environnement, ÉnerCan et ainsi de suite. Ce sont de sérieux problèmes. Nous sommes en 2006. J'aurais espéré, comme vous j'en suis sûr, que nous puissions trouver un moyen de les résoudre.
Je sais que mes collègues veulent aussi vous poser des questions. Permettez-moi de vous poser une autre question générale. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Vous pouvez comprendre que des gens du gouvernement fédéral suivent nos audiences, ou du moins je l'espère.
Vous êtes très précis lorsque vous citez des statistiques indiquant que 79 p. 100 des femmes du Nunavik et 68 p. 100 des femmes de la région de Baffin ont ces taux de mercure sanguin. C'est le résultat de certaines données que vous avez recueillies vous-mêmes. C'est très impressionnant.
Avez-vous porté les arguments mentionnés dans ces différents documents à l'attention du ministère de la Santé, d'Environnement Canada ou d'un autre organisme fédéral? Je veux dire, avant de communiquer ces renseignements à notre comité sénatorial.
M. Lambert : J'ai participé à l'élaboration des normes pancanadiennes sur le mercure. Il s'agit certainement du genre d'argument que nous avons avancé. Voilà pourquoi j'ai également soumis au comité deux publications pour lui montrer que nous en avons parlé publiquement. Nous essayons de promouvoir ces idées.
D'après ce que j'ai constaté, même s'il y a des gens extrêmement compétents à Environnement Canada et Santé Canada, ils sont limités par ce que la loi leur permet de faire et ils ne proposeront donc pas les changements nécessaires. C'est comme l'oeuf et la poule. Ils sont peut-être d'accord avec nos arguments, mais ils sont limités par la loi. Le principe de prudence est en est un bon exemple. Ils diront qu'ils veulent que la santé publique soit incluse dans le principe de prudence, mais elle n'y figure pas et ils ne peuvent pas soumettre la question à un comité sur le mercure pour qu'il redéfinisse le principe de prudence dans le contexte des normes pancanadiennes.
Si nous modifions la loi, je pense que cela leur permettra de se prévaloir de leurs compétences, ce qui permettra au gouvernement de mieux fonctionner.
Le sénateur Angus : Je suppose que la bonne nouvelle est que la loi prévoit un réexamen, même si ces lois et règlements accessoires sont encombrants. C'est ce que nous faisons ici et cet examen vise à mettre en lumière ce genre de problème afin que l'on puisse modifier la loi. Nous pouvons recommander ce changement.
Le mot « bipartisan » est davantage à la mode depuis quelques jours suite aux élections aux États-Unis. J'espère, et je crois, que notre comité est un excellent exemple de comité bipartisan. Nous ne sommes pas animés d'un esprit de parti. Nous sommes ici pour essayer d'améliorer l'environnement, tout comme vous. Dans cet esprit, nous n'essayons pas de rejeter la faute sur les gouvernements précédents. Nous avons entendu des témoignages au sujet des millions de dollars qui ont été dépensés. La Commissaire à l'environnement est venue ici et a cité un gros chiffre, mais cela n'a donné aucun résultat concret pour résoudre ce genre de problèmes.
Savez-vous pourquoi? À part les questions constitutionnelles ou la dernière réponse que vous avez donnée quant au fait que la loi ne permet pas d'appliquer le principe de prudence, j'ai l'impression que c'est davantage comme le principe de Peter : pourquoi pensez-vous que ces défauts existent?
Vous les avez clairement énoncés dans votre document, monsieur Lambert. Vous soulevez six questions à ce sujet. J'ai trouvé particulièrement intéressant le concept de justice environnementale qui semble avoir cours dans tous les autres pays commerçants modernes, mais que nous ne semblons pas avoir adopté. Je sais que c'est une question générale, mais chacun de vous pourrait-il dire ce qu'il en pense?
M. Bennett : Je pense que votre question est la suivante : Pourquoi le principe de prudence n'est-il pas utilisé et appliqué davantage dans le domaine de la santé environnementale?
Le sénateur Angus : C'est une bonne façon de canaliser mon long discours, mais cela va au-delà de ce principe.
Certaines des autres lacunes que vous avez soulignées dans chacun de vos exposés sont le résultat de certaines choses et je me demandais quelles étaient ces choses. Comme vous avez insisté sur le principe de prudence, j'aimerais entendre ce que vous avez à dire.
M. Bennett : Je pense que nous avons la solution et qu'elle provient d'un projet du gouvernement fédéral auquel Santé Canada a participé. Ce projet visait à institutionnaliser le principe de prudence dans les pratiques, les lois et les règlements canadiens.
C'est là un très bon exemple de la façon dont le gouvernement opérait. En fin de compte, le principe de prudence a été intégré dans la politique de gestion des risques du gouvernement canadien. La gestion des risques comportait trois éléments : l'évaluation des risques, la communication des risques, et je ne me souviens plus du troisième.
Le sénateur Angus : Est-ce le contrôle ou la gestion du risque résultant des deux premiers points?
M. Bennett : C'était le concept global de la gestion des risques. Au lieu de présenter le principe de prudence par opposition à la procédure de gestion des risques, le gouvernement a décidé, comme on peut le voir dans ses sites Web, que le principe de prudence serait intégré dans la gestion des risques si son objectif l'emportait sur la notion d'évaluation et de gestion des risques.
Cela donne pour résultat le concept de la gestion des risques. Le principe de prudence devient alors une petite particularité de la façon dont on assure la gestion des risques. Dans certaines lois canadiennes qui touchent particulièrement le développement des ressources dans le Nord, le principe de prudence intervient directement sans référence à la gestion des risques. Néanmoins, pour ce qui est d'intervenir au niveau national ou à partir d'Ottawa pour la protection de l'environnement et la santé environnementale, le gouvernement ne peut pas faire grand-chose au sujet du principe de prudence étant donné qu'il s'est lié les mains à cause de cette manoeuvre perceptuelle qui intègre le principe de prudence dans sa politique de gestion des risques.
Le sénateur Angus : Cela revient-il à dire : pardonnez-moi mes erreurs parce que je ne sais pas ce que je fais? L'a-t-on fait sciemment?
M. Bennett : Oui.
Le sénateur Angus : Vous avez parlé de « manoeuvre perceptuelle ».
M. Bennett : C'est sans doute une opinion politique et je le reconnais.
En fait, le gouvernement a présenté une ébauche de politique qui consistait à intégrer le principe de précaution dans la gestion des risques. Il a ensuite tenu des consultations au sujet de l'avenir de ce document, puis le processus de consultation a été interrompu et la politique a été adoptée conformément au projet initial.
Quant à savoir si l'on a vraiment tenu compte des autres solutions, j'ai bien peur que non. Le gouvernement n'a pas voulu s'éloigner de sa politique très conservatrice et réactionnaire de gestion des risques.
Le sénateur Angus : Merci, cela nous éclaire beaucoup.
Le président : Vous venez de dire que le principe de prudence avait été intégré dans d'autres considérations dans un site Web. Dans quel site Web pouvons-nous trouver ces renseignements?
M. Bennett : Vous pouvez les trouver dans le site Web de Santé Canada.
Le président : Merci. Nous allons y jeter un coup d'oeil.
Le sénateur Angus : Monsieur Lambert ou docteur Lee, voudriez-vous répondre à ma question générale qui était « pourquoi »?
M. Lambert : Je ne pourrais probablement pas vous fournir de preuves, mais je pense que l'examen quinquennal de la LCPE nous permet d'examiner ce genre de choses et de voir où nous allons. Les concepts mêmes de principe de prudence et de justice environnementale sont en train de se développer au fur et à mesure que nous comprenons ce qui se passe sur le plan de l'environnement et de la santé humaine. Ce ne sont pas des choses que nous aurions pu nécessairement prédire il y a 25 ans. Au fur et à mesure que nous comprenons ce qui se passe et comment les choses évoluent, nous devons certainement changer et améliorer nos politiques.
Le principe de prudence a été évoqué pour la première fois à Rio de Janeiro, en 1992, dans le contexte du développement durable et il s'est infiltré dans la LCPE à peu près à ce moment-là. On ne s'était certainement pas donné la peine de s'intéresser au développement durable et de voir où aller à partir de là, et toute la loi porte donc sur l'avenir. Nous avons eu tendance à laisser de côté les mesures à prendre pour faire face aux problèmes existants et c'est pourquoi il y a ces lacunes dans la LCPE. Par conséquent, il y a eu un changement d'attitude et nous proposons de compléter l'introduction de ces idées modernes dans la LCPE. Je ne pense pas que c'était délibéré. C'est comme pour le concept de risque proprement dit, qui a été introduit dans les années 20 lorsqu'on a fait valoir que le risque consiste à créer des problèmes malgré nos bonnes intentions.
Le mercure en est un bon exemple, de même que l'électricité. Personne ne veut fermer l'électricité parce que nous mourrions tous de froid, mais en même temps, nous comprenons ses conséquences négatives, ce qui nous amène à dire que nous devons changer la façon dont nous produisons de l'électricité. Cela prendra du temps, mais les nouvelles technologies que nous adoptons vont certainement apporter des nouveaux risques que nous comprendrons et c'est pourquoi nous essayons de nous fonder sur la justice. Comme nous reconnaissons l'injustice qui résulte de ces décisions, nous devons y remédier. La justice environnementale accompagne la technologie scientifique, car il y a 25 ans, nous n'avions pas les données voulues pour savoir quelles étaient les conséquences de ces dépôts de mercure sur la population du Nord, en particulier. Grâce à ces connaissances scientifiques, nous pouvons nous servir d'instruments éthiques et juridiques pour ajuster la LCPE en conséquence et nous orienter dans cette direction.
C'est un processus de développement qui se produit actuellement et si nous y souscrivons, nous développerons nos idées en conséquence. Le Canada peut jouer un rôle de premier plan en présentant ces concepts au reste du monde.
Le sénateur Angus : C'est un point de vue positif. Je me réjouis également de l'entendre. Nous avons pris tellement de retard et vous avez expliqué pourquoi à bien des égards. Je me demande ce qui a conduit un pays aussi avancé et développé que le Canada à accuser un tel retard.
Dre Lee : Je voudrais souligner le manque de coordination des directives nationales comme la LCPE. La LCPE est l'instrument qui permet aux gouvernements locaux et provinciaux de travailler. Lorsque la LCPE ne donne pas de directives concernant les niveaux de mercure, par exemple, il est difficile aux gouvernements locaux et provinciaux de faire appliquer une réglementation efficace et de coordonner leurs efforts.
Si vous prenez le chiffre de 69 p. 100 de la population dans certaines régions, il s'agit de populations très limitées. Aux États-Unis, par exemple, il y a des données nationales sur la biosurveillance, sur les niveaux de mercure et d'autres substances toxiques. Notre association essaie de travailler avec d'autres organisations de la santé pour réunir des données nationales de biosurveillance qui seraient importantes. Il est toutefois difficile d'obtenir des résultats significatifs sans une coordination nationale.
Le sénateur Tardif : Je voudrais également vous féliciter pour avoir préparé des mémoires aussi bien documentés. J'ai hâte de lire les articles que vous nous avez distribués, monsieur Lambert. Je remarque que vous venez de l'Université de Calgary.
M. Lambert : Oui, dans la journée, je travaille comme directeur de l'évaluation des risques de santé environnementale pour la région sanitaire de Calgary et je suis aussi professeur à l'Université de Calgary où les sables bitumineux de Sydney ont été au centre de mes recherches de ces dernières années. Je m'intéresse également à l'éthique en santé publique. Ce sont mes deux domaines de recherche.
Le sénateur Tardif : J'ai hâte de lire vos documents.
J'ai remarqué que les exposés d'aujourd'hui ne faisaient pas expressément mention de la protection des enfants. Pourtant, dans un des documents qui m'ont été remis, vous dites que nous devons faire beaucoup plus pour protéger les enfants et que la LCPE n'a pas de dispositions précises concernant la protection des enfants et des autres populations vulnérables. Vous avez mentionné la population autochtone et les populations vulnérables du Nord, de l'Atlantique et de la région des Grands Lacs.
Je me demande toutefois comment le libellé devrait être modifié. Serait-il possible de modifier le libellé de la LCPE pour y inclure la protection des enfants?
M. Lambert : À la page 13 de mon mémoire, j'ai recommandé que lorsque nous évaluons des substances chimiques et que nous déterminons les quantités que nous allons libérer, nous établissions des facteurs d'incertitude spécifiques aux enfants. J'ai apporté avec moi un document de 1997 intitulé What on Earth : A National Symposium on Environmental Contaminants and Implications for Child Health.
À partir de ces recherches qui ont été réalisées il y a 10 ans au Canada, nous avons recommandé de suivre l'EPA. Dans leur processus d'évaluation des risques, les Américains ont adopté des facteurs d'incertitude spécifiques aux enfants étant donné que ces derniers ne sont pas des petits adultes, mais des êtres complètement différents. Le mercure a des effets sur le cerveau. À un certain stade de développement, la masse corporelle de l'enfant équivaut à la masse de son cerveau et ce rapport diminue au fur et à mesure nous vieillissons, ce qui veut dire que le mercure a un effet particulier sur le cerveau de l'enfant.
Nous avons constaté qu'il fallait en tenir compte dans la façon dont nous procédons à l'évaluation des risques et c'est pourquoi nous avons recommandé de tenir compte de facteurs d'incertitude spécifiques aux enfants. Je pourrais vous parler longuement des enfants, mais si cela répond à votre question, je m'arrêterai là.
Le président : Monsieur Lambert, vous avez mentionné la page 13 d'un document. De quel document s'agit-il?
M. Lambert : C'est le document contenant nos recommandations dans la partie intitulée Quasi-élimination.
Dre Lee : Si vous le permettez, j'ajouterais que nous vous avons distribué un document intitulé « Une nouvelle LCPE améliorée » et qu'à la page 7, au paragraphe 1, sous le titre « Catégorisation des substances en tenant compte des populations vulnérables », nous recommandons d'améliorer la LCPE en y incluant des dispositions semblables à celles prévues dans la version révisée de la Loi sur les produits antiparasitaires pour la protection des populations vulnérables.
Le sénateur Tardif : Oui, merci. C'est là que je l'ai trouvé. Vous n'en avez pas parlé aujourd'hui.
M Bennett : Pourrais-je vous répondre en essayant d'établir le lien entre la recherche, ce qui comprend la recherche sur les effets des composés de mercure sur la santé des enfants, et la planification de la prévention de la pollution.
Pourrais-je dire aussi qu'en ce qui concerne le concept de gestion des risques du gouvernement canadien, le troisième élément manquant à considérer est la réduction des risques. Par conséquent, cela nous ramène à la gestion des risques dont les trois composantes sont la réduction des risques, la communication des risques et l'évaluation des risques.
Je ne veux pas dire que tous les efforts déployés pour essayer de déterminer les effets sur la santé de certaines populations sont vains. Il n'en est rien. Il est absolument nécessaire de prendre des mesures nationales efficaces pour réduire les effets des polluants sur la population canadienne.
Ce que je veux dire c'est que lorsque nous parlons de la prévention de la pollution et des exigences qui en découlent sur le plan de la planification, il ne s'agit pas d'examiner l'ampleur des effets sur la santé, de calculer les risques et de prendre des mesures de prévention de la pollution suite à nos calculs, à nos recherches et à nos enquêtes. Ce n'est pas ce que nous faisons lorsque nous planifions la prévention de la pollution. Il s'agit plutôt de considérer la totalité des substances chimiques présentes dans un milieu de travail, ce qui comprend le mercure et ses composés, et d'utiliser ensuite toute une série de techniques pour réduire l'utilisation de ces substances toxiques ou des composés toxiques qui entraînent une pollution toxique. Vous prenez alors des mesures de réduction afin que la quantité de composés de mercure émis dans l'environnement, par exemple, soit nettement réduite.
Nous ne demandons pas si nous avons un problème ou de quel genre de problème il s'agit, quel est son ampleur ou ce que nous allons faire pour y remédier. Ce n'est pas ce que nous faisons. Nous disons simplement que nous avons une estimation de la toxicité relative. Il s'agit des substances chimiques dont nous nous occupons. Ce sont les substances dont nous voulons réduire l'utilisation et l'apport et c'est ce que nous faisons. Nous utilisons la science pour planifier la prévention de la pollution, mais d'une façon très différente de celle que vous proposez d'appliquer à la législation nationale sur la réduction de la pollution, le contrôle de la pollution et même la prévention de la pollution.
Cela ne veut pas dire que les recherches ne servent à rien. Malheureusement, plus nous exigeons de recherches et de calculs dans le domaine de la prévention de la pollution, moins la planification de la prévention de la pollution est efficace. Vous avez des exemples concrets dans les principaux États américains comme le Massachusetts, le New Jersey et l'Oregon qui ont mis ce programme en place, qui ont des critères scientifiques et techniques très rigoureux pour dire ce que les entreprises et les employeurs doivent faire. Pour ce qui est de la planification de la prévention de la pollution, il s'agit simplement d'agir. Cela donne des résultats concrets. Cela a fonctionné dans certains États américains et nous pouvons en faire autant au Canada. Nous nous demandons alors pourquoi nous ne le faisons pas comme il faut.
Le sénateur Tardif : Est-ce parce que le principe de prudence n'inclut pas la dimension de la santé publique?
M. Bennett : Non, pas tout à fait, sénateur.
Le sénateur Tardif : Vous dites que la recherche est utilisée pour mettre en lumière la toxicité.
M. Bennett : Je ne pense pas que ce soit le cas. Cependant, ça l'est presque dans un certain nombre de domaines. Tout d'abord, la LCPE doit être une loi nationale couvrant toutes les formes d'activité sociale et économique dans tous les secteurs du pays. Tel est le principe sur lequel reposent les normes nationales pour la protection de l'environnement. Pour ce qui est de la planification de la prévention de la pollution, nous disons que vous ne pouvez pas procéder ainsi pour diverses raisons complexes mais claires. Concentrez-vous sur le secteur fédéral; utilisez les dispositions en vigueur dans le secteur fédéral comme norme pour les provinces. Vous obtenez vos normes nationales grâce à des mesures complémentaires de la part du gouvernement fédéral et des provinces. C'est parce que nous avons cette conception des normes nationales ou d'une législation nationale que les praticiens et les décideurs politiques sont incapables de voir qu'on ne peut pas planifier la prévention de la pollution comme on le fait actuellement. Si vous le faites, ce sera à très petite échelle et très faible.
Deuxièmement, c'est parce qu'on a créé, dans le cadre de la LCPE, toute une architecture disant que vous pouvez agir à l'égard des substances chimiques toxiques uniquement après avoir déclaré une substance toxique en vertu de la LCPE. Si vous examinez la façon dont on planifie la prévention de la pollution, vous ne désignez pas des substances comme étant toxiques et vous n'entamez pas une procédure longue et coûteuse pour décider qu'une substance est toxique. Vous prenez plutôt une liste des substances toxiques et vous dites que votre milieu de travail en utilise une ou plusieurs, que vous devez donc planifier la prévention de la pollution pour tenir compte de toutes les substances toxiques présentes dans votre milieu de travail et pas seulement de celles que la LCPE déclare toxiques. La façon dont on conçoit la LCPE à l'échelle du pays a empêché les gens de réfléchir sérieusement aux moyens de planifier efficacement la prévention de la pollution.
Le sénateur Tardif : Merci pour cette explication. Je vais passer aux produits de consommation qui contiennent du mercure tels que les jouets pour enfants, les cosmétiques, les thermomètres, les appareils électriques, les ampoules électriques, et cetera.
M. Lambert : Les bijoux de fantaisie sont un produit important en ce qui concerne les enfants.
Le sénateur Tardif : Suggérez-vous d'interdire tous les produits de consommation contenant du mercure au lieu d'essayer de les contrôler et de les gérer une fois qu'ils sont sur le marché?
M. Lambert : Certainement pour ce qui est des jouets pour enfants et des bijoux de fantaisie qui sont deux exemples catastrophiques. Un autre exemple est le plomb présent dans les bijoux de fantaisie. Le problème est que les enfants mettent ces objets dans leur bouche et les sucent. Nous avons des accords volontaires pour essayer de remédier à ce problème. Une femme de Calgary a campé devant le magasin qui a vendu le bijou de fantaisie à cause duquel sa fille a eu des trous dans la tête. Nous avons des lignes directrices en place, mais le fait est que les frontières sont poreuses et que ces marchandises arrivent au Canada. Nous avons des directives qui interdisent le mercure ou le plomb dans les bijoux de fantaisie, mais les consommateurs peuvent rencontrer des gens qui vendent tous ces articles dans n'importe quelle foire. Comme ils sont brillants et scintillants, tous les enfants veulent les acheter. Pourtant, il n'y a pas de programme de surveillance pour assurer l'innocuité de ces produits, pour savoir où ils sont fabriqués et comment ils sont importés au Canada. Il nous faut un moyen de combler cette lacune.
Si nous avions des règlements et des lois précises à cet égard, cela améliorerait peut-être la situation. C'est comme lorsqu'on attend un cinquième ou sixième décès d'enfant pour le comprendre qu'il faut installer un panneau d'arrêt. Nous avons pris des mesures positives, notamment en supprimant le mercure des chaussures qui scintillent lorsque vous marchez. C'est le mercure qui causait cette réaction. Les bijoux de fantaisie sont un autre exemple. Nous nous orientons dans cette direction, mais nous avons certainement besoin de règlements précis et nous devons travailler avec nos partenaires internationaux pour qu'ils surveillent le marché dans leur propre pays. D'autre part, un grand nombre d'enfants font sans doute une utilisation importante des fournitures vendues dans les magasins pour créer des bijoux de fantaisie.
Le sénateur Tardif : Je vais examiner mes bijoux de fantaisie quand je rentrerai chez moi et je vais les mettre à la poubelle.
Le sénateur Milne : Je vais poursuivre sur le sujet des bijoux de fantaisie, car cela touche les femmes et les enfants, surtout quand les enfants les mettent dans leur bouche et les sucent. Je suppose que le mercure est utilisé dans certains composés de métal blanc dans lesquels on insère des morceaux de verre. C'est ce que vous voulez dire quand vous parlez de « bijoux de fantaisie »?
M. Lambert : Oui, et cela fait longtemps que j'essaie de m'attaquer à ce problème. La jeune fille qui est morte au Minnesota, il y a environ un an et demi, à cause de la présence de plomb dans des bijoux de fantaisie en est un bon exemple. Nous avons toutes les dispositions en place pour nous attaquer à ce genre de problèmes, mais nous n'avons pas les renseignements et les données nous permettant de savoir si cela fonctionne. Cela se rapporte un peu à ce que nous recommandons en ce qui concerne la collecte de renseignements pour la LCPE. Nous mesurons les émissions qui sortent d'une cheminée d'usine, mais il n'a pas de véritable programme de surveillance pour s'assurer que les mesures que nous croyons prises le sont vraiment.
Le sénateur Milne : Je vous demande d'être précis, car cette séance est télédiffusée et sera vue par les Canadiens de tout le pays. Je vous demande d'essayer de fournir des renseignements précis à ce sujet. Cette femme campe devant un magasin de Calgary parce que sa fillette a des trous dans la tête.
M. Lambert : C'est arrivé il y a un certain temps. Si vous faites une recherche sur Internet, vous trouverez l'histoire au sujet de cette femme de Calgary. C'est un exemple de ce qui se passe en réalité. Il y a certainement des accords qui ont été mis en place pour essayer de limiter ce genre de problème, mais je crois que nous n'avons pas vraiment les renseignements et les programmes de tests voulus pour nous assurer que des mesures sont prises. Personne n'est certainement d'accord pour que ces substances se retrouvent dans les bijoux de fantaisie, mais comment pouvons-nous le savoir?
Le sénateur Milne : Autrement dit, si les mères qui nous écoutent veulent mettre quelque chose autour du cou, du doigt ou du poignet de leur enfant, elles doivent veiller à ce que ce soit de l'or, une substance inerte.
Pour revenir à la question qui nous intéresse, je vous félicite tous, car vous avez été les témoins les plus précis qui aient comparu devant notre comité et vous nous avez fait des suggestions précises.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec le sénateur Angus lorsqu'il dit que nous avons pris énormément de retard, au Canada, en ce qui concerne les émissions de mercure et les mesures à prendre pour y remédier. En fait, ce n'est pas le cas. Les émissions de mercure ont diminué d'environ 90 p. 100. Quelqu'un a parlé, je crois de 70 p. 100, mais c'est malgré la LCPE et non pas grâce à la LCPE. Que pouvons-nous faire pour rendre la LCPE plus efficace? J'apprécie vraiment ces recommandations précises.
Le président : Je pense qu'il y a eu une réduction de plus de 70 p. 100. L'industrie nous a dit que c'était près de 90 p. 100 ou plus. Nous avons vu des graphiques qui le démontrent. Si les émissions de mercure de sources industrielles ont effectivement diminué de 90 p. 100 au Canada, qui se soucie de savoir grâce à quel règlement ou quelle disposition nous avons obtenu ce résultat? Si les émissions ont diminué, elles ont diminué. Si c'est grâce à la LCPE, quelle différence cela fait-il?
M. Lambert : Si vous le permettez, la différence c'est que nous sommes ici pour examiner la LCPE et que nous considérons la LCPE comme un instrument. Si la LCPE est un instrument qui ne fonctionne pas parce qu'il ne réduit pas les émissions de mercure et si de nombreux Canadiens vont frapper à la porte de l'industrie en disant : « Cela pose un problème et vous devez réduire vos émissions de mercure », si des ententes sont conclues entre le public et l'industrie pour commencer à faire quelque chose, cela laisse clairement entendre que la LCPE présente des lacunes.
Le président : Vous avez raison, et c'est la question que nous vous avons demandé d'aborder. Cependant, l'industrie a dit que la LCPE ne fonctionne peut-être pas bien, mais que sans elle et sans son application, elle a réduit les émissions de mercure de 90 p. 100. N'est-ce pas une bonne chose?
M. Lambert : Si nous examinons la question dans une perspective historique, nous savons depuis longtemps que le mercure pose un problème. J'ai participé à l'élaboration des normes pancanadiennes pour le mercure provenant du charbon. Les choses ont été constamment retardées et c'est seulement après être parvenus à un consensus en Alberta et nous être entendus nous-mêmes avec l'industrie que les choses ont débloqué. Le public a passé de nombreuses heures à essayer de persuader l'industrie et à l'amener à comprendre les conséquences pour la santé publique. Si la LCPE fonctionnait comme il faut, nous aurions pu obtenir ces réductions dans les années 1990 et nous serions beaucoup plus avancés. Nous aurions également développé la technologie permettant de réduire les émissions de mercure dès les années 1990 et nous pourrions maintenant exporter cette technologie vers la Chine et l'Inde ainsi que tous les pays qui vont construire des centaines de centrales au charbon. Nous essayons toujours de trouver un moyen d'éliminer le mercure des émissions des centrales au charbon. Ces centrales sont construites sans aucun contrôle des émissions de mercure. Si la LCPE avait été efficace et si nous avions mis en place une stratégie de contrôle de la pollution pour les centrales au charbon dans les années 1990 ou même les années 1980, nous serions sans doute en train de dire à la Chine : « Nous allons venir chez vous. Nous avons mis au point une bonne législation environnementale que le public a approuvée et que nous croyons bonne. Voici une série de moyens technologiques qui soutiendront cette législation afin que vous ne vous trouviez pas avec une loi, mais sans rien pour l'appliquer. » Nous pourrions être un chef de file mondial alors que nous ne sommes pas dans cette situation. Malheureusement, c'est le Canada qui va recevoir ces émissions de mercure. Ce mercure va se déposer chez nous. La LCPE aurait dû jouer un rôle depuis longtemps à cet égard et cela aurait facilité les changements à l'échelle mondiale. Voilà la différence.
Le président : Merci.
Le sénateur Milne : Monsieur Lambert, vous avez parlé de toutes les nouvelles centrales au charbon qu'il y a en Alberta.
M. Lambert : Non, sénateur, je parlais des centrales au charbon de Chine.
Le sénateur Milne : Oui, mais qu'en est-il du projet de gazéification du charbon en Alberta? Dans quelle mesure le mercure en sera-t-il absent?
M. Lambert : Je ne pense pas pouvoir répondre à cette question. Je dirais qu'il est difficile pour le public d'être au courant des diverses étapes de certains de ces processus industriels. Rien qu'en ce qui concerne la réduction du mercure grâce à du charbon activé, nous avons de la difficulté à obtenir des données et à savoir comment progresse cette technologie. C'est très difficile à suivre pour le public.
Le sénateur Milne : Un des gros défis actuels pour l'Alberta est de trouver le meilleur moyen d'utiliser le charbon et de le rendre le plus propre possible. La gazéification est l'un des procédés auxquels on travaille actuellement. Si vous pouvez obtenir des renseignements à ce sujet, ce serait intéressant.
M. Lambert : Je me suis fait un bon nombre d'amis dans l'industrie et si je peux obtenir ces renseignements, je vous les communiquerai.
Le sénateur Milne : Merci.
Le sénateur Angus vous a demandé pourquoi. Je vous demande maintenant comment faire certaines des choses que vous avez suggérées et comment rendre la LCPE plus efficace. M. Bennett a dit que nous devrions simplement agir et légiférer, après quoi les provinces nous emboîteront le pas. Il y a tout un chemin à parcourir entre le moment où une loi fédérale est adoptée et celui où les provinces emboîtent le pas. Cela semble une excellente chose, mais j'ai de sérieux doutes que cela se produise dans bien des cas.
M. Bennett : Si nous prenons l'histoire du fédéralisme canadien et du fédéralisme coopératif, vous avez le droit d'être pessimiste. D'un autre côté, selon la façon dont le Congrès du travail du Canada envisage le processus, les dispositions fédérales de la partie IX de la LCPE représentent seulement la première étape d'une norme nationale de planification de la prévention de la pollution.
Le sénateur Milne : Si un inspecteur va dans une usine, comme vous le savez, les premiers à s'en plaindre seront les travailleurs syndiqués.
M. Bennett : Nous ne prétendons pas que les inspecteurs fédéraux doivent intervenir dans les milieux de travail du ressort du gouvernement fédéral. Nous avons nos propres mécanismes, comme le Conseil canadien des ministres de l'environnement, pour dire aux provinces : « Telle est la norme fédérale, telle doit être la pierre angulaire de la planification de la prévention de la pollution et nous voulons discuter avec vous afin qu'il y ait une législation et une réglementation similaire, non pas identique, mais similaire, dans les provinces et dans les territoires. »
Que ferons-nous à part parler de coopération? Que ferons-nous d'autre? Le Congrès du travail du Canada a proposé ce que l'on pourrait appeler une « taxation environnementale », mais il s'agit en fait de permis. Si vous utilisez certaines substances chimiques, vous devez payer des droits au gouvernement fédéral. Ces droits constitueront une source de revenu qui servira à aider les provinces à mettre en oeuvre une législation et une réglementation qui s'aligneront sur la norme fédérale établie en vertu de la partie IX de la LCPE.
À l'heure actuelle, cette question ne fait absolument pas partie des priorités politiques. Néanmoins, elle figurait certainement à l'ordre du jour, en 1999, lorsque le ministère des Ressources naturelles et Environnement Canada se sont penchés sur toute la question des droits, des taxes et des prélèvements se rapportant à la LCPE. Ils ont mis au point un système qui permettait de mettre en oeuvre un échange d'émissions ou une taxe sur le carbone en vertu de la LCPE.
Une proposition similaire à celle qu'a faite le CTC a été examinée, mais elle a été rejetée parce que ce n'était pas une priorité pour le gouvernement. Je crois que l'on avait aussi certains doutes quant à savoir si Environnement Canada pouvait se charger d'une responsabilité qui relevait peut-être davantage de Revenu Canada.
Nous avons mis au point une proposition assez convaincante pour essayer d'amener les provinces à adopter la norme fédérale et nous avons formulé cette proposition. Nous nous sommes servis des exemples américains et danois pour indiquer comment y donner suite. Il ne suffit pas de dire que c'est ce que nous allons faire et que les ministères fédéraux doivent en faire autant. Nous avons été beaucoup plus précis.
Le sénateur Milne : Docteure Lee, vous avez parlé de nettoyer le bassin de Grands Lacs, l'Arctique et les provinces des Maritimes. Sydney est un excellent exemple. Comment comptez-vous terminer ce nettoyage?
Dre Lee : Voici comment nous envisageons des changements à la LCPE : Premièrement, il faudrait renforcer les dispositions concernant la quasi-élimination afin qu'elles s'appliquent non seulement au mercure, mais aussi aux autres substances dangereuses qui ont déjà été définies comme des substances de niveau 1. Le renforcement de ces dispositions de la LCPE contribuerait largement à l'élimination de ces substances. Deuxièmement, nous devrions examiner les régions géographiques vulnérables et faire plus dans ces régions. Troisièmement, il faudrait mettre l'accent sur les populations vulnérables que nous avons mentionnées, soit les enfants et les femmes enceintes, qui sont vulnérables au mercure, de même qu'aux autres substances dangereuses. Quatrièmement, il s'agit d'éliminer les substances dangereuses comme le mercure des produits qui sont fabriqués au Canada ou qui sont importés dans notre pays.
Ce sont là certains des changements que nous voudrions voir apporter à la LCPE.
Le sénateur Milne : Je ne vois toujours pas comment ces changements à la LCPE contribueraient beaucoup au nettoyage du bassin des Grands Lacs. Le mercure s'y trouve déjà.
Dre Lee : Les dispositions concernant la quasi-élimination ne visent pas seulement le mercure qui se trouve déjà là, mais visent aussi à réduire énormément le mercure qui sera déposé maintenant et à l'avenir.
En inscrivant le mercure dans la liste de quasi-élimination de la LCPE, on réduirait certainement les émissions futures de l'industrie, du secteur de la fabrication, et cetera. Par conséquent, cela réduira l'impact futur du mercure.
Le sénateur Milne : Par conséquent, les émissions continueraient d'augmenter, mais à un rythme moins rapide?
Dre Lee : En ce qui concerne le mercure atmosphérique, ce n'est pas seulement le Canada qui contribue au dépôt de mercure dans les Grands Lacs. Notre contribution est quand même importante.
Une autre chose qui a été mentionnée est que nous voulons donner l'exemple, sur la scène internationale, afin que d'autres pays nous imitent. C'est un autre domaine dans lequel nous pouvons changer largement les choses.
Le président : Monsieur Bennett, vous avez parlé de l'élimination d'un certain nombre de choses, y compris de l'amalgame dentaire, qui figure sur la liste que vous avez mentionnée.
Nous avons entendu le témoignage de l'Association dentaire canadienne. Elle affirme, tout d'abord, que le mercure présent dans l'amalgame dentaire y est pratiquement piégé et qu'il ne se répand pratiquement pas dans l'organisme. L'association a mis en place une procédure, à l'intention de tous ses membres, pour que lorsque l'amalgame dentaire est enlevé, lorsqu'un plombage est enlevé et changé et lorsque nous le recrachons, le mercure est récupéré et traité d'une façon rigoureusement contrôlée. Il ne peut pas être rejeté, mais il est traité selon une procédure rigoureuse. Je me demande si vous êtes d'accord avec moi.
Je me demande si vous avez des raisons de contester les affirmations de l'Association dentaire canadienne qui dit que c'est la substance la plus pratique à utiliser pour réparer les dents.
L'Association dit clairement que l'or est une solution préférable, mais qu'un grand nombre de gens n'ont pas les moyens de payer de l'or et que les amalgames dentaires au mercure sont acceptables.
M. Bennett : Disons plutôt que des millions de gens ont de l'amalgame au mercure dans la bouche et que lorsque cet amalgame est enlevé, il faut récupérer le mercure pour s'assurer qu'il ne polluera pas l'environnement et ne causera pas de tort pour la santé humaine après avoir été rejeté.
Le président : C'est également vrai lorsqu'une personne qui a des obturations à l'amalgame dentaire meurt. Nous en avons discuté également.
M. Bennett : Si vous prenons ce scénario limité, c'est le mieux que nous puissions faire. Si les dentistes et les membres de la profession suivent cette procédure, c'est tout ce qu'il est possible de faire. Le problème que posent les méthodes de contrôle de la pollution, c'est qu'une fois que le polluant a été créé, il faut se contenter de le capter et de l'isoler de l'environnement humain.
Dans certains cas, vous pouvez détruire effectivement le polluant. Un bon exemple est celui des PCB. Dans le cas des composés au mercure, vous ne pouvez pas le faire. Une fois que ces déchets ont été extraits, vous pouvez seulement les mettre dans un pot et veiller à ce qu'ils ne s'en échappent pas. Je ne vois pas d'objection à cet égard.
D'autre part, il s'agit de voir comment empêcher le mercure d'entrer dans les obturations dentaires et c'est aux législateurs de déterminer s'il existe des solutions moins dangereuses que le mercure, à savoir la céramique et l'or.
Une fois que vous êtes convaincu qu'il y a des solutions moins dangereuses, il suffit d'empêcher les dentistes d'utiliser le mercure pour faire des obturations. Je ne sais pas si cela a été fait. Si l'on continue de faire des obturations au mercure, cela ne représente qu'une petite partie du problème.
Il s'agit, là encore, de faire la distinction entre la prévention et les méthodes de contrôle. La méthode la plus efficace consiste à interdire la production ou l'utilisation du mercure. Une fois que la substance est là, et elle est malheureusement là, nous pouvons seulement faire le meilleur usage possible des méthodes de contrôle. D'après ce que vous dites, sénateur Banks, c'est ce que font les dentistes.
Le président : Nous nous réjouissons de l'apprendre.
Monsieur Lambert, vous avez parlé du contexte éthique de toutes ces questions. C'est la première fois que j'en entends parler.
Les membres de notre comité en ont sans doute assez d'être submergés sous la paperasse. Nous essayons de tenir tout le monde au courant de tous les dossiers et cela représente une paperasse volumineuse. Je m'en excuse.
Un article et un rapport publiés la semaine dernière par la Harvard School of Public Health parlaient de l'existence des substances neurotoxiques dans le monde, notamment en Amérique du Nord, où elles causeraient une pandémie silencieuse. Vous en avez tous parlé dans une certaine mesure en signalant la différence entre les effets neurotoxiques du mercure sur les adultes d'une part, et sur les enfants d'autre part, pour ce qui est du développement de leurs capacités mentales. Nous avons l'habitude d'entendre parfois des discours alarmistes.
Seriez-vous d'accord pour dire qu'il s'agit effectivement d'une pandémie silencieuse et qu'elle a des effets visibles et émergents sur les capacités mentales et le développement de nos enfants?
M. Lambert : Sauf erreur, je crois que vous parlez du nouveau rapport de Philip Landrigan. Le Dr Landrigan est très respecté...
Le président : Le nom dont je me souviens est Philippe Grandjean.
M. Lambert : C'est l'autre auteur.
Le président : C'était publié par Harvard.
M. Lambert : Il y avait deux auteurs et j'ai mentionné le Dr Landrigan, car c'est surtout lui qui a fait valoir la neurotoxicité du plomb. Le plomb et le mercure sont les deux principales substances reconnues pour leur neurotoxicité.
Je crois important de dire que ce dont nous parlons ne cause pas la mort immédiate des enfants. Le Dr Landrigan examine les effets néfastes du plomb et du mercure sur le QI de la population, les énormes conséquences que cela représente sur le plan de la santé et du coût, non seulement financier étant donné que nous sommes moins productifs, mais aussi, à cause de la réduction de nos capacités intellectuelles. C'est un phénomène subtil, mais qui touche l'ensemble de la population. Cela touche tous les enfants, quel que soit leur statut socioéconomique et leur QI, si bien que les gens intelligents ne sont pas aussi intelligents qu'ils pourraient l'être. Cela change la distribution de la courbe. Voilà pourquoi je crois qu'il parle là de pandémie.
Dans mon mémoire, j'ai dit que les enfants étaient les cibles involontaires de la justice environnementale. C'est dans ce contexte que j'utilise cette expression. Les enfants n'ont pas la possibilité d'apporter des changements et ne sont donc pas protégés. Ils n'ont pas voix au chapitre. Cela pose un problème. Nous savons maintenant qu'ils sont particulièrement vulnérables aux substances neurotoxiques. Pour cette raison, nous avons recommandé d'inscrire les substances neurotoxiques sur la liste de quasi-élimination et nous devrions nous orienter dans cette direction.
Le président : Pour la gouverne des membres du comité et des personnes qui nous regardent à la télévision, lorsque vous parlez de bijoux de fantaisie et d'objets de ce genre qui contiennent du mercure et d'autres substances neurotoxiques, ces substances se trouvent-elles dans les fausses pierres ou le métal dans lequel elles sont enchâssées? Les parents aimeraient le savoir. Tout cela est-il contaminé ou savons-nous ce qu'il en est?
M. Lambert : Je ne pense pas que nous le savons. C'est un problème sur lequel nous nous penchons depuis des années. Nous avons peut-être fait des progrès dans ce domaine. J'ai mentionné cette question comme exemple dans lequel la LCPE pourrait servir à recueillir des renseignements. Si nous avions ce genre de programmes de surveillance, nous pourrions comprendre ce genre de problèmes. Il y a des lacunes à cet égard. Dans quelle mesure le problème est-il répandu? Est-il intermittent et avons-nous seulement quelques lots de produits dans lesquels ces métaux toxiques sont présents? Cela dépend peut-être du raffinage. Certains procédés sont utilisés avant même que le fabricant ne reçoive la matière première. Nous ne comprenons pas ces procédés. J'en ai parlé parce qu'il faut essayer de combler les lacunes de la LCPE à cet égard.
Le président : Docteur Lee, vous avez parlé des thermomètres. Nous en avons déjà entendu parler. Si vous demandez à la plupart des Canadiens comment ils sont entrés en contact avec le mercure, ils vous répondront que c'est à cause des thermomètres. Nous pourrions sans doute en conclure que s'il y a 20 000 décès aux États-Unis qui sont attribuables à l'utilisation de thermomètres au mercure, il y en a probablement environ 2 000 au Canada. C'est une approximation démographique. Les thermomètres au mercure sont-ils interdits aux États-Unis?
Dre Lee : Je n'ai pas de renseignements précis concernant la réglementation des thermomètres au mercure aux États- Unis.
D'après nos renseignements, d'importantes quantités de mercure sont présentes dans différents produits de consommation, comme l'a souligné M. Lambert, ainsi que dans le secteur énergétique. Par exemple, les incinérateurs médicaux utilisent aussi le mercure. Une grande variété de produits de consommation et d'autres produits contiennent du mercure. L'examen de la LCPE est une bonne occasion d'essayer d'éliminer le mercure, particulièrement des produits de consommation, si c'est possible.
Je voudrais répondre à ce que vous venez de dire au sujet de la pandémie. J'ai une des études de l'auteur que vous avez mentionné. Lorsque l'incidence d'une maladie est nettement plus grande qu'on ne s'y attendrait, il s'agit d'une épidémie. Une pandémie est une épidémie qui se répand à l'échelle mondiale. Si vous prenez le mercure et les autres polluants, il s'agit d'un problème mondial. Les dépôts de mercure qui proviennent de Chine ou du Canada ne polluent pas seulement les Grands Lacs ou le Canada, mais la population mondiale et les enfants du monde entier. Lorsque les auteurs de l'étude ont examiné les populations de la Nouvelle-Zélande, de l'Inde et de différentes régions du monde, ils ont constaté des problèmes similaires sur le plan de la diminution du QI et du langage, ce qui est relié à une baisse de productivité et des capacités de gain. Ce phénomène peut être défini comme une pandémie étant donné que son incidence est beaucoup plus élevée qu'on aurait pu l'imaginer il y a 10 ou 20 ans, et que c'est un phénomène mondial.
Le sénateur Angus : Monsieur le président, vous avez posé une partie de la question que j'allais explorer avec le Dre Lee. Je vais essayer d'en savoir plus au sujet des thermomètres. Je suppose que votre concept de quasi-élimination se traduirait par une interdiction légale. Est-ce bien ce que vous entendez par quasi-élimination?
Dre Lee : Certains d'entre nous auront peut-être une définition meilleure que la mienne. Pour ce qui est de la façon dont je conçois une quasi-élimination, il y a certaines substances qui existent à l'état naturel. Par exemple, pour le mercure, je crois qu'il provient à 30 p. 100 de sources naturelles et à 70 p. 100 de sources anthropogéniques. Une quasi- élimination vise à nous débarrasser de la partie anthropogénique ou créée par l'homme.
Le sénateur Angus : Cela ne signifie pas l'interdiction de certains produits de consommation?
Dre Lee : Pour éliminer la production anthropogénique de mercure, il faudrait des règlements et des politiques interdisant de poursuivre la fabrication de certains produits.
Le président : S'agit-il d'interdire d'utiliser sciemment du mercure pour fabriquer quelque chose? Est-ce bien ce que vous voulez dire par « anthropogénique »?
Dre Lee : L'expression « anthropogénique », au sens général du terme, se rapporte au mercure libéré par l'homme et non pas de façon naturelle.
Le président : Lorsque vous parlez d'une interdiction, il s'agit de dire aux fabricants d'interrupteurs électriques, de lampes électriques, de thermomètres ou peu importe, qu'ils ne doivent pas utiliser sciemment du mercure pour la fabrication de leurs produits. C'est bien cela?
Dre Lee : Oui, lorsqu'il y a des solutions de rechange. Par exemple, si vous prenez les thermomètres, il y a des thermomètres aussi bon marché et aussi efficaces qui ne contiennent aucun mercure. Pourquoi autoriser les thermomètres au mercure alors qu'il y a de bons produits de remplacement que les consommateurs peuvent acheter sans se heurter à des obstacles économiques ou géographiques?
Le sénateur Angus : Certains témoins qui ont parlé des thermomètres ont laissé entendre que nous ne fabriquons probablement pas des thermomètres au mercure au Canada, mais que nous continuons d'en importer un grand nombre. Ils constituent donc toujours un risque potentiel.
Un problème se pose lorsque ces thermomètres sont cassés ou jetés. Avez-vous des lignes directrices à nous proposer à cet égard? Les sénateurs ont peut-être deux ou trois de ces thermomètres dans leur armoire à pharmacie. Comment pouvons-nous nous en débarrasser?
Dre Lee : Comme l'a dit M. Bennett, dans ce cas, nous devrions peut-être être plus proactifs et avoir des programmes pour échanger nos thermomètres au mercure au lieu d'attendre que les gens les cassent pour les jeter. Le comité pourrait recommander la mise en place de programmes efficaces permettant aux gens d'échanger leur ancien thermomètre au mercure contre un nouveau thermomètre sans mercure.
Le sénateur Angus : Je suppose que lorsque les gens font le ménage, ils se contentent de jeter leurs vieux thermomètres à la poubelle, ce qui est une mauvaise chose. Une meilleure solution serait de les apporter dans un centre spécialisé. Avons-nous ce genre d'endroits pour nous débarrasser des thermomètres? Cette question entre-t-elle dans vos recommandations générales?
Dre Lee : Me demandez-vous s'il y a des sites d'élimination des déchets dangereux pour les thermomètres?
Le sénateur Angus : Les Canadiens ont-ils des solutions à leur disposition pour se débarrasser de ce genre de produits?
Dre Lee : Non, sénateur, pas à ma connaissance.
Le président : Cela varie d'une ville à l'autre. Certaines villes ont ce genre d'installation, mais d'autres pas.
Le sénateur Angus : Lorsque j'ai dit que le Canada était en retard, c'était à propos de vos observations, non pas sur la réduction de nos émissions de mercure, mais de façon générale en ce qui concerne le principe de prudence et les autres domaines dans lesquels nous semblons être à la traîne. Je pense que tous les membres du comité souhaitent que le Canada ne reste pas à la traîne. Le sénateur Milne et moi-même voulons certainement que le Canada occupe la première place au lieu de tomber du 4e rang au 28e rang, comme nous l'avons fait dans certains domaines.
M. Bennett : Pourrais-je profiter de l'occasion pour parler un peu du processus de quasi-élimination? La LCPE prévoit une procédure très longue et très compliquée pour l'inscription d'une substance chimique sur la liste de quasi- élimination. On entreprend un grand projet de recherche baptisé « évaluation environnementale » qui consiste à évaluer la substance chimique en question pour établir si elle répond à la définition technique de « toxique », aux termes de la LCPE. Si c'est le cas, elle est déclarée toxique aux termes de la LCPE. Plusieurs choses peuvent ensuite se produire. La substance peut être inscrite sur la liste de quasi-élimination. Malheureusement, à ma connaissance, une seule substance chimique figure sur la liste de quasi-élimination de la LCPE de 1999, si bien que nous avons environ sept ans de retard. Aucune mesure d'élimination n'a été proposée pour cette substance chimique.
Le sénateur Angus : De quelle substance s'agit-il?
M. Bennett : Je l'ignore.
Le président : Ce n'est pas le mercure.
M. Bennett : C'est un produit chimique extrêmement dangereux qui est utilisé en très petites quantités. Cela pourrait être l'hexachlorobenzène qui est également, je crois, un gaz à effet de serre. L'idée de soumettre le mercure à ce processus pour qu'il se retrouve sur la liste de quasi-élimination ne nous conduira pas bien loin. Si le comité veut des mesures concrètes, je lui conseillerais de ne pas chercher à le faire inscrire sur la liste de quasi-élimination. Par exemple, vous pourriez vous lancer dans de longs débats quant à savoir si le mercure contenu dans l'amalgame dentaire a véritablement un effet sur la santé des gens. À mon avis, peu importe. Nous savons que le mercure est un poison, nous savons qu'il s'échappe graduellement et il faut donc agir. Le mercure est déjà inscrit à l'Annexe 1 de la LCPE pour le genre de mesures dont le comité a discuté aujourd'hui et lors de séances antérieures. Nous n'avons pas besoin de toute cette procédure pour nous amener là où nous voulons aller. Comme cela figure déjà à l'Annexe 1, il suffit d'émettre les règlements. Qu'allons-nous faire? Examinez les applications du mercure; voyez quels sont les progrès qui ont été réalisés et servez-vous ensuite des règlements en faisant appel à la technologie pour obliger les entreprises à adopter les pratiques exemplaires existant déjà dans l'industrie. Par exemple, ce sont seulement les usines désuètes utilisant une technologie périmée qui continuent d'installer des interrupteurs au mercure dans les automobiles. De nombreuses pressions ont été exercées, y compris par le mouvement syndical, pour éliminer le mercure des automobiles, et cela avec succès. Un règlement à cet effet amènerait l'industrie à comprendre qu'il est possible de le faire et que cela se fait déjà. Cela ferait savoir à l'industrie qu'elle dispose d'un certain délai pour installer des interrupteurs sans mercure dans les automobiles, par exemple. La question qui se pose ensuite est celle de savoir ce qu'on doit faire du mercure déjà utilisé? La LCPE pourrait fournir la réponse à cette question.
Le sénateur Milne : J'ai lu rapidement le mémoire préparé par Mme Tara Zupancic. Je vais vous lire un bref paragraphe concernant la toxicité du mercure et du plomb :
Les émissions toxiques sont de plus en plus liées à des maladies graves : plusieurs formes de cancer, problèmes de reproduction, anomalies congénitales, faible poids à la naissance, déficits intellectuels, autisme, troubles d'apprentissage et hyperactivité avec déficit de l'attention. La hausse rapide et inquiétante du nombre de cancers de la thyroïde, de lymphomes non hodgkiniens, de cancers du testicule, de la prostate et du sein sont probablement causés, en partie, par l'augmentation de la pollution de l'environnement, notamment les expositions aux premiers stades de la vie.
Ce sont des choses dont les Canadiens devraient être informés.
Je vous remercie de l'exposé que vous nous avez présenté aujourd'hui sur ce sujet. Je ne vais pas poser de questions, mais plutôt formuler une observation. S'il est quelque chose que nous pouvons faire par l'entremise de la LCPE et peut-être en favorisant une réglementation plus rigoureuse, monsieur Bennett, je pense que notre comité ne devrait pas hésiter.
Le président : Cela fait partie de notre objectif. Je vous suis particulièrement reconnaissant de nous avoir montré ce que nous aurions dû constater avant : nous devons examiner de plus près le concept des normes pancanadiennes qui sont de très bonnes normes, sauf que les résultats ne sont pas pancanadiens. Comme vous l'avez souligné, certaines concentrations ne sont pas réparties équitablement dans l'environnement. Vous avez raison de dire que le principe de prudence est un principe que le gouvernement précédent s'est engagé à appliquer, pas seulement à ces questions, mais de façon générale. C'était un des principes fondamentaux du gouvernement. Il semble qu'il ait été mis de côté, à certains égards, sauf dans les lois du Parlement où il est clairement énoncé. Un élément qui m'a toujours ennuyé, de même que d'autres, c'est l'expression « rentabilité », car cela peut être une porte de sortie.
La rentabilité n'est pas définie et il est toujours facile de faire valoir, lorsqu'on doit faire certaines choses dans l'intérêt public, que ce n'est pas rentable parce que cela va coûter de l'argent. La rentabilité est une dimension du principe de prudence qui revient à dire qu'en cas de doute il vaut mieux s'abstenir ou, pour être proactif, si l'utilisation d'un produit suscite des doutes, éliminez-le et ne l'utilisez pas avant d'être raisonnablement certain qu'il n'a pas d'effets néfastes.
L'un d'entre vous a-t-il quelque chose à dire quant à savoir si la rentabilité peut continuer à être associée au principe de prudence si l'on veut que ce principe puisse être vraiment appliqué?
M. Lambert : Je pourrais sans doute répondre à cette question. Premièrement, dans notre définition, nous avons séparé l'application administrative des mesures de prudence visant à atténuer les effets néfastes de la notion de rentabilité; nous les avons séparés par un point virgule. Je n'entrerai pas trop dans les détails concernant le libellé. D'après ce que nous constatons, l'application administrative vise à protéger le public et l'environnement et à éviter les effets néfastes.
Le président : Je vais être très précis. Cet argument nous a déjà été présenté. Le principe essentiel est que « l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives ». Avons-nous besoin de cette définition?
M. Lambert : C'est pour insister. Nous commençons par dire que nous allons prendre des mesures. Nous disons ensuite que lorsque nous prenons ces mesures, nous devons faire en sorte de ne pas retrancher le premier principe en le faisant dépendre de la rentabilité. C'est ainsi que je vois les choses.
Nous avons le devoir de prendre des mesures. Lorsque nous décidons de ce qu'il y a lieu de faire, nous voyons quelles sont les mesures rentables. C'est un principe secondaire qui n'enlève rien à la nécessité d'agir, mais qui consiste à voir quelles sont les mesures à prendre. Si nous devons choisir entre cinq ou six options, choisissons l'option la plus rentable au lieu de nous demander s'il y a lieu d'agir ou non. C'est la première chose à considérer.
En général, lorsqu'on parle de rentabilité, on se demande combien une technologie coûtera en oubliant ce que le problème coûte à la société, les millions et les milliards de dollars que cela coûte sur le plan de la santé. Si l'on cherche seulement à établir s'il vaut mieux utiliser l'option A, B ou C et quelle est la plus rentable, c'est très bien. Il ne faut pas tout remettre en question en prétextant l'absence de certitude scientifique absolue et en invoquant la rentabilité pour ne pas agir.
Le président : Je crois que nous sommes tout à fait d'accord. Par le passé, notre comité a pris bien soin de dire au gouvernement précédent que nous devions internaliser et non pas externaliser les coûts dans tous ces domaines. Ce qui m'inquiète c'est que la dimension rentabilité du principe de prudence ne pose aucun problème à la condition que les coûts réels soient internalisés. Dans le cas contraire, cela empêche de prendre des mesures dans l'intérêt public. Désolé. Ce n'était pas une question, mais plutôt un discours.
Le sénateur Milne : Je vais faire un discours moi aussi.
Le sénateur Banks vient de me rappeler une chose concernant le principe de prudence. En quittant le comité, je vais me rendre directement au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Une des choses auxquelles ce comité s'oppose énergiquement c'est l'inversion du fardeau de la preuve, et cela dans tous les domaines. Dans la dernière phrase vous dites « En vue de favoriser le développement durable, il doit être démontré que les procédés, produits et substances n'exposent pas la santé humaine ou l'environnement à des dommages graves ou irréversibles ».
Il s'agit là d'une inversion du fardeau de la preuve qui oblige les responsables de ces procédés à prouver, à leurs frais, qu'ils ne sont pas dangereux. De nombreux fabricants n'ont absolument pas les moyens de le faire, car ils n'ont pas à leur disposition les chercheurs qui pourraient réaliser ce genre de tests.
M. Lambert : Je vais faire une analogie que je crois tout à fait pertinente. Disons que vous ne vous sentez pas bien. Vous allez chez votre médecin qui vous dit : « Je vais vous donner ce médicament. Je n'ai pas la certitude qu'il ne vous tuera pas. Ce n'est pas mon problème. Nous verrons s'il vous tue ou non. Nous allons simplement vous le prescrire et, si vous vous sentez mieux, nous serons très satisfaits ».
En fait, nous disons la même chose pour l'environnement. Pourquoi? Je vis dans une collectivité et certaines installations se trouvent dans mon voisinage. Dois-je habiter là sans savoir si quelque chose va me tuer ou n'est-ce pas la responsabilité de celui qui libère toute cette pollution de se demander si cela va me tuer? Voilà ce qu'il en est.
L'inversion du fardeau de la preuve existe déjà pour les médicaments, les ceintures de sécurité, les coussins gonflables, et cetera. De nombreux tests sont faits pour s'assurer qu'un coussin gonflable ne va pas se déployer et tuer le passager, ce qui irait à l'encontre de son objectif.
Ce sont des dispositions qui existent déjà. Rien, dans le concept de l'inversion du fardeau de la preuve, ne dit que l'industrie doit en assumer entièrement le coût. La société pourrait également en assumer une partie. Il peut y avoir une collaboration, dans le domaine de la recherche, avec les universités et le gouvernement pour voir comment mieux faire les choses afin de protéger la population. Une fois que nous serons rassurés au sujet d'un produit, nous l'introduirons dans la société. Il n'est pas logique de dire qu'on est libre de faire ce que l'on veut, même si cela cause des torts et que c'est aux gens de prouver que l'absorption de ces substances leur est néfaste.
Le sénateur Milne : Je suis d'accord, sauf qu'un grand nombre des sources de cette pollution environnementale sont des petites et moyennes entreprises qui représentent les principaux employeurs de notre pays. Ce sont elles qui emploient le plus de travailleurs, mais elles n'ont tout simplement pas les moyens ou la possibilité de faire ce genre de choses.
M. Lambert : Au paragraphe 2.1k) de la LCPE où il est question de la mission du gouvernement, on peut lire ceci :
k) s'efforcer d'agir avec diligence pour déterminer si des substances présentes ou nouvelles au Canada sont toxiques ou susceptibles de le devenir et pour évaluer le risque qu'elles présentent pour l'environnement et la vie et la santé humaines;
Cela fait partie d'une relation plus vaste. En général, les petits fabricants n'adoptent pas des nouveaux procédés qui peuvent libérer des nuages de pollution qui tueront les gens. Ils font partie d'associations de l'industrie plus importantes et ils peuvent faire partie d'un réseau. La façon de faire a changé.
Nous parlons d'une collaboration entre le gouvernement, les universités et l'industrie. Cela ne peut pas marcher si tout le monde ne travaille pas ensemble. Nous ne disons pas qu'il faut nécessairement laisser les petites entreprises assumer tous ces coûts. Nous disons qu'il faut y réfléchir comme il faut. Nous avons besoin d'une collaboration pour pouvoir apporter ces changements.
Nous changeons la façon dont nous faisons les choses dans la société. Nous l'avons fait pour les soins de santé. Nous ne pouvons pas simplement donner à quelqu'un un médicament sur lequel nous n'avons pas fait de recherche. Cela a créé toute une industrie et fournit de nombreux emplois aux chercheurs.
C'est la même chose pour les produits chimiques qui se retrouvent dans l'environnement. Il va y avoir d'énormes retombées dans cette nouvelle industrie si l'on cherche à mieux faire, en collaborant avec les universités et le gouvernement pour s'assurer que les nouveaux procédés que nous voulons adopter ne causent pas de problèmes.
Le sénateur Milne : Vous n'avez pas à me convaincre. C'est le Comité sénatorial des affaires étrangères et constitutionnelles que je voudrais convaincre, mais vous ne me fournissez pas beaucoup de munitions.
M. Lambert : Je vous suggère de prendre l'analogie de la médecine où c'est exactement ce que nous faisons.
M. Bennett : Je voudrais faire suite à ce qu'a dit M. Lambert. Si vous prenez la LCPE en tant que loi, elle contient très peu de considérations de coûts-avantages ou des risques-avantages. Pour ce qui est de la réglementation découlant de la LCPE, une analyse d'impact de la réglementation est prévue, mais ce n'est pas une analyse des coûts-avantages. Par exemple, l'activité de réglementation n'est pas guidée par le principe que si elle coûte trop cher, elle n'aura pas lieu. Si vous regardez ce qui a été fait du côté de la planification de la prévention de la pollution, une organisation non gouvernementale de New York appelée INFORM a fait quelques études de cas intéressantes. Cette organisation a favorisé des dizaines d'activités de prévention de la pollution dans diverses industries. Dans pratiquement tous les cas, elle a constaté que les mesures prises étaient rentables. Cela veut dire que les avantages financiers dépassent toujours les coûts, mais qu'il y avait également des avantages environnementaux durables ainsi qu'un avantage économique à investir dans la prévention de la pollution. Les seules différences se situaient au niveau de la taille de l'investissement initial et de la durée de la période nécessaire pour récupérer cet investissement.
En ce qui concerne la prévention de la pollution, les coûts-avantages n'ont pas à entrer en considération étant donné que ce n'est tout simplement pas pertinent. Si vous examinez les coûts-avantages, vous constaterez que rien ne permet de dire que c'est au détriment économique de l'industrie en question.
Pour l'examen des coûts-avantages dans le contexte du principe de prudence, je crois que le comité sénatorial devrait tenir compte de la politique officielle que le gouvernement canadien a adoptée à cet égard pour voir si les considérations des coûts-avantages que contient cette politique compromettent l'application du principe de prudence. Si c'est le cas, le gouvernement sera doublement en tort, premièrement pour avoir limité le principe de prudence au cadre existant de la gestion des risques et, deuxièmement, en imposant de nouvelles considérations des coûts et avantages.
Le président : Merci beaucoup. Vous avez utilisé notre temps de façon très rentable. Je crois parler en notre nom à tous en vous disant que nous avons été très impressionnés par votre travail et la précision avec laquelle vous avez répondu à nos questions. Nous vous en sommes très reconnaissants. Je peux également vous assurer que nous aurons probablement de nouvelles questions à vous poser.
La séance est levée.