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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 10 - Témoignages du 7 décembre 2006


OTTAWA, le jeudi 7 décembre 2006

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 5 pour étudier de nouvelles questions concernant son mandat et en faire rapport.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : C'est avec plaisir que je vous souhaite la bienvenue, à vous et aux téléspectateurs qui suivent les travaux du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Aujourd'hui, nous avons le plaisir d'accueillir la ministre de l'Environnement, l'honorable Rona Ambrose, qui, je suis heureux de le dire, est députée d'une circonscription située tout juste à la frontière de la ville d'Edmonton, là où j'habite.

La ministre est accompagnée de M. James Riordan, directeur exécutif du Bureau national de la prévention de la pollution, de Mme France Jacovella, directrice de la Division du secteur des produits chimiques, et de M. Gord Owen, directeur général à la Direction générale de l'air pur.

Je m'appelle Tommy Banks, je suis sénateur originaire de l'Alberta et je suis président du comité qui se réunit aujourd'hui. J'aimerais présenter les membres du comité. Tout juste à ma droite, vous voyez le sénateur Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador, vice-présidente de notre comité. À mon extrême gauche, vous apercevez le sénateur Adams, du territoire du Nunavut. À côté de lui, il y a le sénateur Tardif, qui représente l'Alberta. À mon extrême droite, vous voyez le sénateur Sibbeston, qui provient des Territoires du Nord-Ouest. À la gauche du sénateur Sibbeston, il y a le sénateur Angus, qui représente la province de Québec.

L'honorable Rona Ambrose, C.P., députée, ministre de l'Environnement : Je tiens d'abord à m'excuser de ne pouvoir m'être présentée plus tôt. Je sais que vous avez abattu beaucoup de bon travail avec l'examen de la LCPE et je suis ravie de pouvoir parler de l'importance de cet examen et de notre plan d'action en matière environnementale au gouvernement.

J'ai suivi vos travaux sur la LCPE, par la voie des trois études de cas préparées, et je sais que vous avez choisi, parmi vos sujets, la pollution de l'air, le mercure et les produits chimiques perfluorés. Je sais que vous n'êtes plus à étudier la pollution de l'air, mais je ferai une place à la pollution de l'air et au gaz à effet de serre parmi mes observations, car il s'agit, bien entendu, de graves problèmes du point de vue de l'hygiène de l'environnement.

J'aimerais exposer certaines des mesures que nous avons adoptées en rapport avec ces problèmes. En particulier, j'aimerais décrire, avec quelques détails, les mesures que le gouvernement prend et propose dans le cadre d'une approche intégrée de réglementation et de législation pour faire face aux problèmes que constituent la pollution de l'air aussi bien que la présence des gaz à effet de serre.

Je vous invite à envisager en quoi votre examen de la LCPE peut servir à raffermir la réglementation conçue pour réduire la pollution atmosphérique, protéger la santé des Canadiens et réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Permettez-moi d'aborder en premier lieu la question de la pollution de l'air et de l'émission des gaz à effet de serre. En octobre, notre gouvernement a déposé son projet de loi sur la qualité de l'air au Canada, qui modifie trois lois existantes : la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, la Loi sur l'efficacité énergétique et la Loi sur les normes de consommation de carburant des véhicules automobiles. Le projet de loi canadienne sur la qualité de l'air donne aux autorités des moyens accrus pour réglementer et recenser, d'une manière concertée et complète, les émissions de substances polluantes et de gaz à effet de serre.

Je vais insister sur cinq exemples de répercussions des modifications de la LCPE. Je veux que vous y songiez en réfléchissant au travail que vous faites dans le cadre du processus d'examen de la LCPE.

Pour la première fois, les ministres de l'Environnement et de la Santé seront tenus légalement d'établir des objectifs nationaux en matière de qualité de l'air, d'assurer le suivi de la question et de révéler annuellement dans quelle mesure les objectifs en question sont atteints. C'est une exigence très importante qui, à notre avis, permettra de s'assurer que les gouvernements accordent toujours la priorité à l'amélioration de la qualité de l'air. Grâce au projet de loi canadienne sur la qualité de l'air, les Canadiens pourront exiger de leurs gouvernements qu'ils rendent compte des progrès concrets réalisés quant à la réduction de la pollution de l'air.

Par l'entremise des modifications visant la LCPE, nous serons également en mesure de fixer des objectifs relatifs à la qualité de l'air dans les bâtiments avec les modifications des codes de pratique qui s'ensuivent, ainsi que de relever les traces de radon à l'intérieur des bâtiments, cause première du cancer du poumon chez les non-fumeurs.

Les modifications de la LCPE nous permettront d'utiliser pleinement les mécanismes d'échange propres au marché, dans un complexe nord-américain, de manière que l'industrie puisse répondre aux normes réglementaires; et nous pourrons établir le marché le plus concurrentiel possible. Cela élargira également notre capacité de réglementer les émissions de substances polluantes provenant des produits. Ce sont tous là des pouvoirs accrus passant par les modifications envisagées de la LCPE; je vous invite donc vivement à vous y attacher en réfléchissant au processus d'examen de la LCPE.

Aux côtés des provinces et des territoires, notre gouvernement s'est engagé à exiger que, d'ici 2010, le carburant renferme obligatoirement du carburant renouvelable dans une proportion de 5 p. 100. Encore une fois, vous devriez savoir qu'il s'agit d'un objectif qui est plus rigoureux que celui des États-Unis et qui concorde avec celui de nos partenaires européens. Les modifications que nous apportons à la LPCE par l'entremise du projet de loi canadienne sur la qualité de l'air nous permettront de réglementer le mélange de carburant, de manière à faire respecter avec le plus d'efficience et d'efficacité possible une norme nationale touchant le contenu des carburants renouvelables. Aux fins de votre examen de la LPCE, vous devriez savoir que, en ce moment, la LCPE ne renferme pas les pouvoirs en question. Le projet de loi sur la qualité de l'air et le processus d'examen de la LCPE sont tous deux importants pour cette raison, cela est évident.

Grâce aux modifications visant la Loi sur l'efficacité énergétique, nous allons pouvoir proposer d'appliquer à 20 nouveaux produits de consommation des exigences nouvelles en la matière, notamment pour ce qui touche l'étiquetage : laveuses, lave-vaisselles et produits électroniques, par exemple les téléviseurs et les lecteurs DVD. Les modifications de la Loi sur les normes de consommation de carburant des véhicules automobiles nous permettent d'imposer au secteur de l'automobile des normes touchant la consommation de carburant. Vous connaissez probablement la loi en question, qui, je crois, a été déposée par le gouvernement de l'ex-premier-ministre Pierre Trudeau, mais qui n'est jamais entrée en vigueur. Le projet de loi sur la qualité de l'air, s'il est adopté, aurait pour effet de faire entrer en vigueur la Loi sur les normes de consommation de carburant des véhicules automobiles et nous permettait de mettre en place les normes de rendement énergétique.

Par le passé, les gouvernements se sont fiés à des mesures volontaires, et nous croyons que cette époque est révolue. Dorénavant, tous les grands secteurs de l'industrie, y compris le secteur de l'automobile, devront vivre avec des normes obligatoires, que nous ferons respecter. Notre plan met la santé des Canadiens et l'hygiène de l'environnement au premier rang. Nous disposons déjà de pouvoirs législatifs solides pour protéger la santé des Canadiens contre la pollution de l'air. Nous utilisons les pouvoirs que nous confère la LCPE, sous sa forme actuelle, sans attendre de modifications pour entamer notre action réglementaire. L'avis d'intention a été publié dans la Gazette du Canada le 21 octobre 2006. Il y est question de plusieurs nouvelles règles que nous allons mettre en place au cours des 12 prochains mois, et au cours des années subséquentes, en appliquant les pouvoirs dont nous disposons déjà. Nous travaillons d'ores et déjà à l'élaboration de cette réglementation.

Durant les semaines et les mois à venir, nous allons présenter des règles en matière de pollution de l'air touchant le gros matériel utilisé en construction, en exploitation minière, en exploitation forestière et en agriculture; les moteurs hors bord; les motoneiges et les VTT; les camions lourds, les autobus et les chariots-élévateurs à fourche; les produits de consommation comme les peintures, articles de beauté et produits de nettoyage; sans oublier de nouvelles règles visant à réduire la pollution des industries du transport ferroviaire, maritime et aérien. Le nôtre sera le premier gouvernement fédéral à proposer d'appliquer une réglementation obligatoire à tous les secteurs de l'industrie du Canada, en vue de réduire la pollution de l'air et les gaz à effet de serre.

L'avis d'intention expose un ambitieux calendrier pour la réalisation de ce programme réglementaire sans précédent et à vaste portée, conçu pour réduire les polluants atmosphériques et les gaz à effet de serre. Nous nous sommes engagés à établir des cibles de réduction des polluants atmosphériques et des gaz à effet de serre à court, à moyen et à long termes. Nous avons commencé à consulter l'industrie canadienne et d'autres ordres de gouvernement à propos de l'approche globale de réglementation et des objectifs à court terme qui doivent entrer en vigueur pendant la période de 2010-2015. Le gouvernement en arrivera à une décision en rapport avec ces questions d'ici le printemps 2007. Dans le cas des polluants atmosphériques, nous allons égaler ou dépasser les objectifs appliqués aux États-Unis ou dans d'autres pays figurant parmi les meneurs sur le plan environnemental.

Quant à l'impact du projet de loi C-30, le projet de loi sur la qualité de l'air, sur la réduction des gaz à effet de serre en particulier, l'avis d'intention du 21 octobre est parfaitement limpide. Nous allons fixer par règlement les réductions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre. D'ici le printemps 2007, le gouvernement annoncera les règles sectorielles devant entrer en vigueur à partir de 2010. Dans le cas des gaz à effet de serre, le gouvernement a adopté une approche fondée sur la notion d'intensité des émissions. Du point de vue de l'environnement au Canada, cette approche aboutira à un meilleur résultat que le plan proposé par le gouvernement précédent le 16 juillet 2005.

À moyen terme, c'est-à-dire pour la période 2020-2025, le gouvernement instaurera des objectifs d'intensité suffisamment ambitieux pour mener à des réductions absolues, et, de ce fait, à fixer une limite aux émissions à moyen terme. Comme vous le savez, le gouvernement s'est engagé à réaliser une réduction absolue des émissions de gaz à effet de serre qui se situe entre 45 et 65 p. 100, par rapport aux niveaux de 2003, d'ici l'an 2050. Le gouvernement a demandé à la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie de le conseiller quant à l'objectif précis à fixer et aux méthodes possibles pour y arriver.

Pour ce qui est de la réduction des émissions, selon l'objectif à long terme qui est fixé, compte tenu des prévisions relatives aux émissions de gaz à effet de serre en 2050, suivant un scénario où les choses se déroulent normalement, l'objectif de réduction de 65 p. 100 se traduirait par une réduction d'émissions de l'ordre de 1 435 mégatonnes. C'est presque le double de nos émissions actuelles de gaz à effet de serre. Une réduction de 65 p. 100 par rapport au niveau de 1990 supposerait des réductions de l'ordre de 1 485 mégatonnes, toujours selon un scénario où les choses se déroulent normalement. Pour comparer, disons que certaines personnes, dont les gens au NPD, ont préconisé plutôt une réduction à long terme de l'ordre de 80 p. 100. Cela aurait pour effet de réduire les émissions de seulement 1 575 mégatonnes, soit environ 10 p. 100 de plus que le résultat obtenu si l'objectif réalisé était celui qui correspond à 65 p. 100.

Dans un rapport en date du 21 juin 2006 intitulé Conseils sur une stratégie à long terme sur l'énergie et les changements climatiques, la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie propose un scénario possible pour la réalisation de la réduction de 65 p. 100 des émissions, par rapport aux niveaux de 2003. Parmi les éléments clés du scénario en question, il faut compter l'accroissement de l'efficacité énergétique, le piégeage et le stockage du carbone, la production d'énergie au charbon et le recours accru aux formes d'énergie renouvelable. De même, vous avez peut-être pris connaissance de la récente étude de Stern sur les aspects économiques des changements climatiques, qui fait voir l'importance capitale d'une politique cohérente de réduction des gaz à effet de serre, pour que l'industrie puisse bénéficier d'un contexte certain à long terme en ce qui concerne les mesures des pouvoirs publics. Nous avons demandé à la Table ronde nationale de nous conseiller en permanence sur l'objectif à long terme précis qu'il faut viser, sur le rôle des techniques à employer et sur les réalités qui composent les cycles d'investissement du capital.

Tout cela s'ajoute à ce que nous avons déjà accompli. Notre gouvernement a déjà investi 1,3 milliard de dollars dans l'infrastructure publique, notamment les transports en commun. Le financement en question aidera à mettre sur pied l'infrastructure nécessaire pour accueillir un plus grand nombre de voyageurs. À compter de juillet, le gouvernement offrira un crédit d'impôt pour le transport en commun. Autrement dit, ceux qui achètent les cartes mensuelles des sociétés de transport en commun recevront l'équivalent de presque deux mois de transport gratuit par année. Les mesures en question — le crédit d'impôt pour le transport en commun, l'infrastructure de transport et l'obligation d'intégrer au carburant un contenu renouvelable de 5 p. 100 dont je parlais auparavant — produisent toutes des résultats concrets que les Canadiens peuvent voir. Elles serviront à favoriser le recours au transport en commun, ce qui permettra de réduire la congestion de la circulation dans les zones urbaines et de faire diminuer la pollution atmosphérique et les émissions de gaz à effet de serre. Ce sera comme si 1,5 million de voitures de moins circulaient sur les routes d'une année à l'autre.

Notre gouvernement a quelque peu insisté pour que le projet de loi sur la qualité de l'air soit adopté d'urgence. Les Canadiens doivent sentir qu'ils peuvent compter sur leur gouvernement pour mettre en place des mesures qui feront baisser les concentrations de smog et permettront aux Canadiens d'avoir une meilleure santé, c'est-à-dire de souffrir moins d'asthme, de bronchite chronique et de cancer du poumon. Nous croyons que cela fait assez longtemps que notre santé en subit les contrecoups, que notre environnement en subit les contrecoups. Il nous faut adopter un projet de loi sur la qualité de l'air pour faire des progrès à cet égard.

Je suis heureuse de constater que vous avez fait du mercure le sujet d'une étude de cas particulière. Il s'agit d'un polluant très toxique qui peut avoir de graves effets sur la santé humaine et sur l'environnement. C'est pourquoi le gouvernement propose que le mercure figure comme un polluant atmosphérique sous le régime de la loi sur la qualité de l'air qui est proposé. Le gouvernement prend au sérieux la tâche qui consiste à réduire les risques que pose le mercure pour les Canadiens; il adopte des mesures sur plusieurs fronts de ce point de vue. Aujourd'hui, les émissions au Canada même représentent quelque sept tonnes par année. Parmi les plus grandes sources de contamination au mercure qui demeurent, citons la production de l'électricité, la fusion des métaux usuels, l'incinération des déchets, la production d'acier et la production de ciment. Tous les secteurs en cause sont visés par l'avis d'intention d'octobre dont j'ai parlé plus tôt.

Mon gouvernement a déjà commencé adopter d'autres mesures encore. Mes homologues provinciaux et territoriaux du Conseil canadien des ministres de l'Environnement et moi avons, le 11 octobre 2006, adopté des normes pancanadiennes touchant les émissions de mercure provenant de centrales d'énergie au charbon. Les réductions ainsi envisagées reposent sur le recours aux meilleures techniques disponibles dans le cas des nouvelles centrales. Avec la norme pancanadienne, le gouvernement fédéral s'est engagé à continuer à réduire le bassin global de mercure avec le concours des provinces et des territoires.

Parmi les actions canadiennes d'envergure internationale, citons les initiatives bilatérales entreprises avec les États-Unis et la Chine, les projets régionaux qui se déroulent en Amérique du Nord, les ententes internationales conclues avec l'Europe et les pays dont le territoire touche à l'Arctique et, sur le plan strictement mondial, le projet de réduction du mercure du Programme des Nations Unies pour l'environnement. Si la plupart des installations au Canada même satisfont actuellement aux normes d'émissions pancanadiennes pour le secteur, il y en a une qui dépasse la norme fixée — c'est l'installation de la Hudson's Bay Mining and Smelting Company, à Flin Flon, au Manitoba.

Nous avons publié au printemps un avis relatif au plan de prévention de la pollution à l'intention du secteur sous le régime de la LCPE de 1999. Le plan en question comporte notamment de rigoureux objectifs en matière d'émission de mercure dans l'atmosphère, pour l'installation du Manitoba. Dans l'édition de samedi prochain de la Gazette du Canada, je vais publier un projet d'avis relatif au plan de prévention de la pollution, en me servant des pouvoirs que confère la LCPE, pour réduire les émissions de mercure provenant des commutateurs de véhicules automobiles mis au rebut, avant qu'ils soient recyclés. Cela empêchera que 10 tonnes de mercure soient rejetées dans l'environnement au cours des 10 prochaines années.

Durant les quelques semaines à venir, je vais aussi lancer une stratégie exposant les plans prévus pour la gestion du mercure qui se trouve dans divers produits. L'objectif de la stratégie en question, qui repose sur la gestion des risques, consistera à réduire au maximum le rejet dans l'environnement du mercure provenant de produits nouveaux ou en fin de cycle. L'instauration d'une nouvelle stratégie relative aux produits empêchera également que le Canada devienne à cet égard un dépotoir pour les autres pays, car d'autres ont adopté les mesures en vue de limiter le mercure qui se trouve dans les produits.

Je comprends aussi qu'il importe d'étudier la catégorie très vaste des composés fluorés. De plus en plus, les Canadiens s'inquiètent d'être exposés à des substances toxiques, y compris les produits chimiques qui peuvent se retrouver en faible concentration dans les aliments et dans l'eau. Notre gouvernement a déjà adopté les mesures importantes en vue de protéger la santé des Canadiens en concevant des mesures visant justement les trois groupes dans lesquels se divise cette catégorie très vaste de composés : les APFC et leurs précurseurs; l'APFO, qui est un APFC en particulier; et le SPFO, ses sels et ses précurseurs, qui représentent environ 50 produits chimiques industriels. Je n'essaierai pas de vous enterrer sous les précisions relatives à cette catégorie très complexe et très vaste de composés, qui, ensemble, sont qualifiés de composés perfluoroalkylés.

Permettez-moi de vous donner un aperçu de la façon dont la LCPE a permis au gouvernement d'agir à l'égard des composés perfluoroalkylés, qui servent largement à des procédés industriels et à la fabrication de produits commerciaux, par exemple, les agents répulsifs d'eau et de graisse destinés aux tissus, moquettes et tuiles. Dans certains cas, ils entrent aussi dans la composition d'ustensiles de cuisine non adhésifs, de vêtements imperrespirants, conçus pour toutes les saisons.

Au début de 2006, les évaluations faites des quatre substances perfluoroalkylées en question ont été mises à jour compte tenu des nouvelles données scientifiques, ce qui a conduit à la proposition formulée en juin par le gouvernement, soit d'ajouter les quatre substances à la liste des substances toxiques figurant à l'annexe 1 de la LCPE. En même temps, les dispositions réglementaires proposées sous le régime de la LCPE ont été publiées, pour que les quatre nouvelles sources d'APFC n'aboutissent pas sur le marché canadien. Les dispositions réglementaires proposées représentent la première étape d'un plan global de gestion des APFC.

En juin, le Canada est devenu le premier pays dans le monde à publier un plan d'action portant sur les APFC, qui, entre autres mesures, empêchera que des substances nouvelles du même genre entrent au Canada, pressentira l'industrie pour que celle-ci réduise l'utilisation des APFC dans les produits et comportera d'autres mesures scientifiques et « globales » visant à réduire ce genre d'APFC.

En juillet, le gouvernement a proposé que le SPFO, ses sels et ses précurseurs soient ajoutés aussi à la liste des substances toxiques figurant à l'annexe 1 de la LCPE. La stratégie de gestion des risques a été publiée en juillet, de manière à pouvoir être consultée par le public. Elle fait voir que le gouvernement entend interdire l'importation, la fabrication, la vente et l'utilisation des produits chimiques industriels en question, par l'entremise de la réglementation associée à la LCPE. Les travaux à cet égard progressent. Une évaluation des risques de l'APFO est également en cours : il s'agit de déterminer si la substance pose un risque pour les Canadiens ou pour l'environnement.

Cet ensemble de substances pose une série de difficultés très réelles. Ce ne sont pas toutes les substances de la catégorie en question qui sont dangereuses, mais celles à l'égard desquelles nous avons pris des mesures comportent des caractéristiques qui nous inquiètent. De façon générale, elles persistent dans l'environnement pendant très longtemps et, dans certains cas, elles s'accumulent dans les organismes vivants eux-mêmes. Elles peuvent aussi « monter » dans la chaîne alimentaire et devenir plus concentrées. D'après les épreuves en laboratoire, certaines d'entre elles sont à l'origine de cancer chez les rats et d'effets néfastes sur le système immunitaire des souris. À l'heure actuelle, les concentrations dans l'environnement sont faibles, mais le gouvernement agit pour s'assurer qu'elles n'atteignent pas chez les humains un niveau qui causerait du tort.

Pour conclure, je dirais que le gouvernement a commencé à montrer aux Canadiens que nous prenons très au sérieux la question de protéger leur santé. Nous progressons dans la défense de l'environnement dans lequel les Canadiens vivent, travaillent et jouent, et nous allons continuer à bien faire voir aux Canadiens que nous progressons, d'une façon concrète.

Avant d'ouvrir le champ aux questions, je tiens à remercier chacun d'entre vous d'être là aujourd'hui, ainsi que des efforts que déploie le comité dans le cadre de l'examen de la LCPE. C'est un texte de loi très important pour tous les Canadiens.

J'ose croire que je vous ai bien fait voir les améliorations notables que le projet de loi sur la qualité de l'air apporte à la LCPE et à d'autres textes de loi d'importance, de sorte que nous puissions aller de l'avant et mettre en place la réglementation que notre gouvernement envisage, qui est si importante quand il s'agit de protéger la santé des Canadiens et celle de l'environnement.

Encore une fois, merci de m'avoir invitée, monsieur le président. Je suis disposée à répondre à vos questions et à engager avec vous une discussion sur les dossiers importants dont il s'agit.

Le sénateur Cochrane : Vous avez certainement bien alimenté notre réflexion, et je suis sûr que les Canadiens attendent de connaître toutes les précisions que vous venez de nous donner. Nous sommes reconnaissants de votre présence aussi. Nous savons à quel point votre fonction comporte un horaire chargé.

Je vais d'abord dire que les gouvernements précédents étaient très portés sur les belles paroles et les dépenses en matière d'environnement, mais déficients du côté de la mise en œuvre.

Que diriez-vous aux Canadiens qui sont assis à la maison et qui regardent notre audience, et qui se demandent en quoi ce nouveau plan du gouvernement du Canada se distingue de quelque façon que ce soit des plans des gouvernements précédents?

Mme Ambrose : Merci de poser la question. Je dirais que les défis que comporte le dossier de l'environnement représentent d'énormes défis pour le Canada. Ce sont d'énormes défis pour notre gouvernement, et ils l'ont été aussi pour les gouvernements qui nous ont précédés. Cependant, la distinction qu'il faut faire, c'est que nous en sommes rendus à un moment où tous, et cela comprend tous les partis qui se trouvent à la Chambre, croient qu'il est indiqué d'aller de l'avant.

Honnêtement, je crois que l'industrie s'est révélée incapable de fixer ses propres normes. Les gouvernements précédents ont employé des approches volontaires. Là où l'approche est volontaire, il est permis à l'industrie de fixer ses propres normes, et cela ne me paraît pas acceptable. Je crois que les Canadiens n'y voient plus une pratique acceptable.

Je crois que nous arrivons à un moment où la conscience du public nous est favorable. Le public est en faveur de l'idée que nous allions de l'avant, que nous imposions un cadre réglementaire à l'industrie, et c'est ce que nous devons faire à mon avis.

Je vous encourage tous — et de même tous les partis qui se trouvent à la Chambre — à profiter de l'occasion offerte de travailler avec le gouvernement et de travailler avec le public pour aller de l'avant, pour abandonner les ententes volontaires que nous appliquions dans le passé et pour adopter une réglementation sévère. Autrement, nous ne pouvons disposer des mécanismes d'exécution qu'il nous faut pour nous assurer que les industries réduisent leur pollution et adoptent les mesures qui nous paraissent nécessaires en rapport avec les produits chimiques toxiques, en vue de protéger la santé de nos enfants. Notre gouvernement est convaincu que le chemin à emprunter est celui d'une réglementation ciblée, efficace et rigoureuse.

Le sénateur Cochrane : Certains des témoins qui sont venus comparaître devant nous dans le cadre de notre examen de la LCPE ont laissé entendre qu'une loi sur la qualité de l'air n'est pas nécessaire; ils affirment plutôt que la LCPE donne au gouvernement tous les moyens nécessaires pour agir en ce sens. Pourriez-vous commenter cette question en particulier? De même, pourriez-vous nous dire un peu pourquoi vous avez choisi d'adopter de nouvelles lois, plutôt que de travailler dans les limites du cadre existant, celui de la LCPE, et de l'améliorer au besoin.

Mme Ambrose : Le projet de loi sur la qualité de l'air vient modifier trois textes de loi différents. Je les ai mentionnés tous les trois. Il y en a un en particulier qui est le projet de loi que M. Trudeau a proposé il y a des années de cela, mais qui n'est jamais entré en vigueur. C'est l'exemple parfait : les gouvernements passés comptaient sur des approches volontaires. Ils ont permis au secteur de l'automobile de fixer ses propres normes en matière de réduction des émissions, dans le dossier du rendement du combustible. Quant à nous, nous disons qu'il faut adopter cette loi pour réglementer le secteur de l'automobile et établir à son intention des normes obligatoires en matière de rendement énergétique.

Comme c'est le cas pour tout autre secteur, il faut le réglementer pour être sûr de pouvoir dire aux Canadiens, d'une année à l'autre, que nous sommes en mesure de constater les réductions d'émissions réellement apportées. S'ils ne répondent pas aux critères fixés à cet égard, ils font face à des sanctions, comme c'est le cas pour tout autre secteur.

Quant à la LCPE, je sais que vous êtes en train de l'examiner en ce moment, et c'est pourquoi j'ai insisté sur toutes les manières dont le projet de loi sur la qualité de l'air vient modifier et renforcer la LCPE. Cependant, à certains égards, la LCPE demeure perfectible; par exemple, on peut envisager des façons de s'attaquer aux gaz à effet de serre et à la pollution atmosphérique d'une manière intégrée — c'est-à-dire en combinant la réglementation et la recherche.

De même, pour la première fois, cette loi nous astreindra à des objectifs nationaux du point de vue de la qualité de l'air. D'une manière très prescriptive, également, elle obligera le ministre de l'Environnement et le ministre de la Santé à rendre compte annuellement au Parlement des progrès réalisés sous l'effet des programmes et de la réglementation en place. Le projet de loi sur la qualité de l'air comporte un certain nombre d'éléments prescriptifs qui viennent améliorer la LCPE.

J'ai parlé du dossier des biocarburants. Je crois qu'il nous faut une stratégie nationale en la matière au pays; nous commençons à accuser un retard. Nous voyons ce que font les États-Unis pour investir dans la bioénergie, la biotechnologie et les biocombustibles. Le Canada ne peut adopter la réglementation voulue pour le mélange des carburants d'une façon qui soit efficace et efficiente à moins de modifier la LCPE; or, le projet de loi sur la qualité de l'air fait justement cela.

C'est de plusieurs façons que le projet de loi sur la qualité de l'air modifie la LCPE, qu'il la rend forte à l'égard d'un mécanisme d'échange. Il y a des années de cela, à l'époque de l'adoption de la LCPE, personne ne reconnaissait l'importance d'un système d'échange pour les polluants atmosphériques et les gaz à effet de serre. Il y a dans la LCPE des éléments rudimentaires qui autorisent peut-être un système d'échange, mais ce n'est pas la formule efficace et efficiente qu'il nous faut aujourd'hui pour nous assurer d'avoir les échanges les meilleurs possibles dans un contexte nord-américain.

C'est de plusieurs façons que le projet de loi sur la qualité de l'air vient renforcer la LCPE et nous amène à la façon moderne de le faire et à la force exécutoire qu'il nous faut, la marge de manœuvre qu'il faut imprimer à un plan d'action environnemental en 2006. Voilà pourquoi la Loi sur la qualité de l'air qui est proposée est nécessaire. Elle a aussi pour effet de modifier la Loi sur l'efficacité énergétique. Il nous faut des pouvoirs accrus pour régir l'étiquetage et les nouveaux produits, afin de nous assurer qu'ils présentent un meilleur rendement énergétique, quand il s'agit de réduire les émissions. En ce moment, par exemple, nous ne disposons d'aucun moyen de réglementer un poêle à bois. Nous pouvons bien réglementer les émissions provenant d'un poêle à bois, mais nous ne pouvons réglementer le produit de consommation lui-même. La loi qui est proposée nous permet de le faire.

Il est très important que nous puissions réglementer la qualité de l'air à l'intérieur des bâtiments. À ce moment, nous ne pouvons le faire. Comme vous le savez, c'est un problème énorme du point de vue de la santé des Canadiens. Voilà une autre façon dont le projet de loi sur la qualité de l'air améliore nos pouvoirs.

Le président : Madame la ministre, comme la Loi sur les normes de consommation de carburant des véhicules automobiles existe déjà, c'est le cas depuis un certain temps, mais elle n'a pas été mise en vigueur. Pourquoi ne pas simplement la mettre en vigueur?

Mme Ambrose : Le projet de loi C-30 aura pour effet de la faire entrer en vigueur. De même, nous modifions la loi en question pour qu'elle soit plus moderne et pour que nous puissions l'utiliser de la façon la plus efficiente possible en 2006. Nous savons qu'il nous faut cela pour bien établir la réglementation touchant le secteur de l'automobile. C'est une mesure que souhaite également le secteur de l'automobile.

Le président : Le projet de loi modifie donc certains aspects de la Loi sur les normes de consommation de carburant des véhicules automobiles.

Mme Ambrose : Oui, c'est le cas.

Le sénateur Spivak : Merci d'être venue, madame la ministre. Je suis très heureuse de vous entendre parler de règlements obligatoires, plutôt que d'une approche volontaire, car nous savons que cette dernière s'est révélée un échec.

Je suis sûre que vous le savez, il y a des personnalités tout à fait éminentes, par exemple James Hansen de la NASA, qui affirment que, dans à peine dix ans, les choses vont commencer à se précipiter. De manière générale, ma question est la suivante : quel sentiment d'urgence attribuez-vous à ce que vous faites?

Plus particulièrement, toutefois, je veux vous poser des questions sur la réglementation. Voici que la Colombie-Britannique est sur le point de construire trois centrales au charbon, et il ne semble pas qu'elle recourt au procédé technique le plus efficace qu'il soit, soit la liquéfaction. Puis, il y a l'Ontario, avec toutes les centrales au charbon qu'elle utilise, et dont elle ne peut pas se débarrasser immédiatement, sinon elle serait à court d'énergie. Voici l'occasion pour le gouvernement fédéral de dire : vous devez utiliser la plus récente technologie, pour ne pas continuer à rejeter dans l'air des gaz à effet de serre. Puis, il ne reste peut-être que dix ans.

Quant à l'industrie de l'automobile, si j'étais à votre place, je ne sais pas si j'attendrais jusqu'en 2010. Allez-vous demander que, tout au moins, nous respections des normes égales à celles de la Californie?

Il y a aux États-Unis des gens qui affirment que le rendement énergétique des voitures pourrait être maximisé dans l'absolu si elles étaient fabriquées avec de la fibre de carbone plutôt que de l'acier.

Mme Ambrose : Merci de vos questions. Tout ce que vous dites résume bien ce que ressentent bon nombre de Canadiens en ce moment; il y a un sentiment d'urgence et de préoccupation. Que font-ils lorsque de nouvelles centrales au charbon entrent en service près de chez eux et que les procédés de réduction de pollution disponibles ne sont pas appliqués? Les gens s'inquiètent. Nous comprenons ce fait et nous sommes inquiets nous aussi, et c'est pourquoi nous travaillons avec l'industrie partout au pays pour parler des meilleurs procédés techniques disponibles et pour nous assurer d'avoir en place la bonne réglementation. Les secteurs prennent en considération leurs rotations du stock de capital, pour nous assurer que nous prenons en considération le moment où ils choisissent d'investir, leurs cycles d'investissement, pour qu'ils puissent prendre rapidement et posément les décisions voulues, afin d'investir dans les meilleures technologies possibles. Il va sans dire que nous discutons avec l'industrie du fait que cela doit faire partie de notre réglementation.

En parlant de 2010, vous devez vous rappeler que c'est le moment où il faudra se conformer à la réglementation. La réglementation entre en vigueur en 2010. Croyez-moi, l'industrie est nerveuse. L'industrie sait que nous sommes en discussion avec elle en ce moment à propos des nouvelles règles obligatoires et des dispositions d'exécution à cet égard. Je dois vous dire que l'industrie souhaite bénéficier de certitude et d'une réglementation. Les gens qui sont à la tête des industries ont des petits-enfants et des enfants, des voisins aussi, et ils souhaitent réduire la pollution; ils souhaitent réduire les gaz à effet de serre. Ce sont des partenaires volontaires.

Bien entendu, il y a toujours une certaine tension à cet égard. Le gouvernement souhaite pousser l'industrie plus loin qu'elle voudrait peut-être être poussée, mais il appartient au gouvernement de s'assurer que nous protégeons la santé des Canadiens.

Réglementer tous les secteurs industriels du Canada représente une tâche énorme. Le gouvernement précédent n'a jamais eu l'intention de réglementer les polluants atmosphériques à l'échelle fédérale, de sorte que nous sommes à envisager les normes à adopter en rapport avec plusieurs polluants atmosphériques pour chacun des secteurs et chacune des installations qui se trouvent au pays. En ce moment même, il y a des travaux intensifs à Environnement Canada et Ressources naturelles Canada, de concert avec les provinces et les secteurs de l'industrie. Nous voulons être sûrs d'en arriver à la bonne décision et de ne pas handicaper notre industrie, mais, en même temps, il faut que l'industrie ait l'occasion d'investir dans des procédés techniques dont, espérons-le, nous pourrons faire la promotion partout au pays. Le Canada possède un trésor de procédés techniques que nous pouvons diffuser entre nous, entre les provinces, et également exporter dans le reste du monde.

C'est avec espoir et optimiste que je vois la situation : je crois que nous sommes à un carrefour de notre histoire, un moment où nous avons l'appui du public, un gouvernement qui souhaite agir dans le dossier de l'environnement, qui en a fait une priorité et qui bénéficie de l'appui des Canadiens. Nous avons le public de notre côté, pour nous aider à pousser l'industrie dans la bonne direction.

Le sénateur Spivak : J'abonde dans votre sens. Si nous parvenons à sauver la planète, ce sont les industries qui nous permettront d'y arriver. Nous avons dépassé le vieux rêve écologique, malheureusement; cela me désole.

Je me demande si vous pourriez répondre à ma question directement. La réglementation à l'intention de l'industrie de l'automobile va-t-elle être aussi sévère qu'elle l'est en Californie? Le gouvernement fédéral insistera-t-il pour que la Colombie-Britannique et l'Ontario, et quiconque construit une centrale au charbon, recoure aux meilleurs procédés techniques possibles, même si c'est plus coûteux?

L'investissement en amont rapporte en aval. Nous savons ce qu'il nous en coûte pour composer avec l'impact des émanations des centrales au charbon. Le gouvernement fera-t-il ces deux choses? Est-ce bien votre plan?

Mme Ambrose : J'aimerais bien que ce soit le cas, mais je serai honnête avec vous. À parler avec les représentants de l'industrie à propos des installations visées, nous voyons qu'il y a des installations établies qui peuvent polluer énormément et de nouvelles installations qui arrivent. Il faut prendre en considération le fait que, si nous faisons fermer les installations, les gens n'auront plus d'électricité. Nous devons trouver des façons de les aider à réduire la pollution qui provient de leurs installations existantes, par la voie de la réglementation, et de nous assurer que, là où ils construisent de nouvelles installations, ils recourent aux meilleurs procédés techniques possibles.

L'autre élément dont il faut tenir compte, c'est l'intégration des polluants atmosphériques et des gaz à effet de serre. Suivant le procédé technique que choisit l'industrie, le mode d'interaction peut varier, car les substances ont des effets délétères les unes sur les autres. Il faut regarder cet aspect de la question aussi. Nous discutons des effets en question avec les représentants de l'industrie. Il nous faut équilibrer les efforts déployés, nous assurer que la réduction des gaz à effet de serre ne produit pas d'effets délétères ou encore un accroissement de la pollution atmosphérique, ou inversement, en ce qui concerne le genre de procédé technique que nous imposons à l'industrie. Nous sommes donc en discussion de manière à pouvoir équilibrer les efforts déployés, pour protéger la santé des Canadiens en réduisant la pollution atmosphérique, surtout les émanations de mercure dans les centrales au charbon, qui préoccupent énormément les Canadiens, et en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Le sénateur Spivak : Avec tout le respect que je vous dois, madame la ministre, je suis consciente des efforts que vous faites, mais il existe des procédés techniques qui, dans le cas des centrales au charbon, réduiraient grandement les émissions de gaz à effet de serre. Il semble que ni l'une ni l'autre des provinces en question soit en voie d'adopter un tel procédé, en partie pour des raisons d'argent, et néanmoins, l'Ontario investira la même somme d'argent dans des centrales nucléaires qui n'entreront pas en service avant dix ans. Dans l'intervalle, l'Ontario pourrait investir la somme en question pour réaménager ses centrales au charbon. Ce n'est pas de l'astrophysique; c'est le gros bon sens. Il faut que le gouvernement soit fort pour dire ce qui doit être fait.

Mme Ambrose : Nous avons tout à fait l'intention de le faire. Notre espoir, c'est que les provinces coopèrent. Évidemment, la réglementation est la voie tout indiquée; le gouvernement peut ainsi faire respecter la loi qu'il adopte. Nous devons adopter une approche de collaboration avec les provinces à cet égard. C'est un projet énorme pour chacun d'entre nous. La réglementation doit renvoyer à des résultats qu'il est possible de réaliser et à des règles qu'il est possible de faire respecter. Nous devons travailler de concert avec les provinces. Il est question de la sécurité de l'approvisionnement énergétique et du fait de s'assurer que les Ontariens ont de l'électricité à la maison. Le premier ministre McGuinty est tout à fait conscient des défis qu'il doit relever en Ontario, tout comme les autres premiers ministres des provinces au Canada sont conscients des défis qu'ils doivent relever dans leurs provinces respectives. Le gouvernement fédéral a affirmé sans aucune équivoque qu'il va de l'avant avec sa réglementation en matière de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre. Le gouvernement fera respecter sa réglementation, et il est attendu que les provinces et l'industrie collaborent avec le gouvernement.

Le sénateur Spivak : Autrement dit, le gouvernement pourra peut-être dire à M. Campbell ou à M. McGuinty, ou à n'importe quel autre premier ministre, qu'il ne saurait recourir à tel procédé technique, car, en raison de la réglementation, une autre technique doit être employée, et le gouvernement fédéral donnera peut-être une somme d'argent pour aider à mettre cette technique en place.

Le président : Je ne sais pas si c'était là une question, mais ce pourrait être une suggestion utile.

Le sénateur Angus : Bonjour, madame la ministre, messieurs et mesdames les fonctionnaires; nous sommes ravis de vous accueillir au comité. Je vous félicite d'avoir réussi à saisir une situation hautement complexe en si peu de temps. Nous comprenons qu'il faut se mettre à jour et, comme vous l'avez dit, il s'agit d'une entreprise vaste et compliquée sous tous ses aspects.

Votre excellent discours d'introduction et votre réponse aux questions du sénateur Cochrane et du sénateur Spivak ont fait voir que le gouvernement essaie d'appliquer une approche tout à fait nouvelle au dossier de l'environnement. Si vous me permettez de paraphraser, je dirais que nous passons d'un contexte d'autoréglementation à un système fondé sur des règles plus sévères. L'expérience a servi à démontrer que cela s'impose maintenant. De même, votre message aux Canadiens, c'est qu'il faut une approche de collaboration des trois ordres de gouvernement, des ministères, de l'industrie, des autorités chargées de l'exécution de la loi et des divers intérêts politiques. Si nous sommes toujours en guerre les uns contre les autres, rien n'aboutira jamais. Il importe que les Canadiens comprennent les questions en jeu et les solutions possibles et, à cette fin, les travaux de notre comité sont diffusés sur le web.

Vous avez affirmé à quel point la situation est urgente, et notre comité est d'accord. D'abord, le projet de loi C-30 est le projet de loi sur la qualité de l'air — l'approche qu'adopte le gouvernement en place face au dossier de l'environnement. Je crois que le projet de loi a été renvoyé au comité législatif de la Chambre, ce qui me porte à croire que, selon les apparences, le cheval de bataille est passé du galop au trot.

Pouvez-vous nous expliquer, à nous et aux autres Canadiens, la démarche qui a marqué l'avènement de ce projet de loi et ce qu'il advient au juste du projet de loi C-30?

Mme Ambrose : D'abord, je dirais qu'il serait dommage de perdre l'occasion qui nous est ainsi offerte d'apporter toutes sortes de modifications importantes à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et à deux autres textes de loi par l'entremise du projet de loi sur la qualité de l'air. Je l'ai dit maintes fois : les membres de l'opposition adorent critiquer le projet de loi C-30, mais il n'y en a pas qui ait mentionné l'article particulier qui lui pose des difficultés. Je suis heureuse de savoir que le projet de loi a été renvoyé au comité.

Je sais qu'il s'agit d'une question extrêmement émotive et politique, mais j'ai demandé aux partis de l'opposition de travailler avec le gouvernement à ce projet de loi. D'importantes modifications de nos pouvoirs actuels y sont proposées. Il en va de la capacité du gouvernement d'aller de l'avant pour lutter contre la pollution atmosphérique et les émissions de gaz à effet de serre; et j'ai nommé et exposé certains des pouvoirs en question au profit du comité.

C'est une grande occasion pour la Chambre des communes de montrer aux Canadiens que nous pouvons travailler ensemble au dossier de l'environnement. Nous sommes ouverts aux modifications, nous l'avons dit maintes fois. Bien entendu, je tiens à ce que certaines parties du projet de loi soient protégées, particulièrement les articles portant sur la qualité de l'air dans les bâtiments et les biocombustibles. Nous devons faire avancer ces aspects clés de la question.

Le projet de loi propose des méthodes rigoureuses de relevé et de réglementation des gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique. Ce serait beaucoup plus efficace et nettement mieux intégré. Nous avons appris des erreurs commises par le passé : on ne saurait s'attaquer à une question en oubliant l'autre. Nous devons intégrer les deux solutions en allant de l'avant et en réglementant l'activité de l'industrie. Sinon, un aspect peut avoir un effet délétère sur un autre.

Oui, nous avons besoin de la coopération des partis d'opposition; et, oui, nous avons besoin de la coopération des provinces et des territoires. Partout au pays, il y a à cet égard un bon leadership. J'ai reçu des appels des premiers ministres et des ministres de l'Environnement des provinces, qui déclarent vouloir collaborer au dossier de l'environnement. Cependant, nous devons aussi avoir la coopération des Canadiens.

L'aspect consommation de la question a une énorme portée, et, à elle seule, l'industrie ne pourra résoudre le problème. Les Canadiens doivent faire des choix à domicile, soit de fermer les lumières davantage, d'utiliser moins d'eau, d'acheter des véhicules dont le rendement énergétique est meilleur et d'emprunter les transports en commun. Nous avons besoin de la coopération des Canadiens avec le gouvernement. À titre de citoyenne individuelle, j'essaie de faire des changements dans ma vie — des petits et des grands — par exemple acheter une voiture dont le rendement énergétique est plus grand, utiliser des ampoules électriques moins énergivores et adopter d'autres mesures à la maison, mesures que nous pouvons appliquer, mon mari et moi, pour essayer de changer les choses. Il faut que chaque Canadien fasse cela. Le gouvernement ne peut y arriver à lui seul. J'entends cela de mes collègues et de l'industrie. Les représentants de l'industrie affirment qu'ils accepteront une réglementation sévère et qu'ils feront leur part, mais que les consommateurs doivent aussi faire leur part. Comment s'y prend le gouvernement pour mobilier les consommateurs à cet égard? Nous avons des programmes de communication, mais même le défi d'une tonne a eu peu d'effets sur les Canadiens.

Chaque parlementaire — tous les membres du gouvernement, et puis les membres de l'opposition — doit s'adresser aux gens dans sa collectivité et parler aux Canadiens de l'idée pour chacun de faire sa part. Ce doit être un effort de collaboration du public et du gouvernement et des partis de l'opposition.

Le sénateur Angus : Madame Ambrose, voilà qui est intéressant. Pour que nous saisissions bien la démarche de ce comité législatif, disons que votre projet de loi a été déposé, mais qu'il n'a pas été accueilli par des tonnerres d'applaudissements. Je ne crois pas que le beau message que vous êtes venue nous livrer aujourd'hui, qui semble être très logique, se rende aux destinataires. Que pouvons-nous attendre de l'avenir? Le comité siège-t-il? Tient-il des audiences sur le projet de loi? Comment cela fonctionne-t-il? Nous serions ravis d'avoir le projet de loi à l'étude au sein de notre comité; nous l'adopterions pour vous en deux temps trois mouvements.

Mme Ambrose : Les membres du comité législatif proviennent de tous les partis. Ils sauront étudier le projet de loi et y apporter les modifications voulues pour qu'il continue de cheminer. À l'exemple de tout autre comité, le comité législatif fera avancer le projet de loi dans la filière; le texte reviendra à la Chambre, puis retournera au Sénat. Je suis certaine que vous l'aurez devant les yeux à un moment donné.

Il est très important pour nous de faire adopter ce projet de loi; il est donc entendu que nous sommes prêts à coopérer avec les autres partis, dans un souci de collaboration. Je ne saurais trop insister sur l'importance de faire cheminer ce projet de loi en raison de questions comme la santé des Canadiens — lutter contre les polluants atmosphériques, mais aussi régler les questions concernant les biocombustibles, pour s'assurer d'avoir une industrie des biocombustibles au pays.

La qualité de l'air à l'intérieur des bâtiments est extrêmement importante du point de vue de la santé des Canadiens — 1 900 Canadiens meurent de problèmes à cet égard tous les ans. C'est une forme de pollution de l'air que, souvent, les gens ne comprennent pas — ils n'y pensent pas ou n'en parlent pas parce que c'est une pollution de l'air à l'intérieur. Il est extrêmement important de régler cette question, pour nous assurer d'apporter aux pouvoirs existants les modifications importantes dont il est question et de donner au gouvernement tout pouvoir voulu pour aller de l'avant.

Le sénateur Angus : Obtenez-vous la coopération que vous espériez de la part des partis de l'opposition au Parlement, pour que cela se fasse?

Mme Ambrose : Jusqu'à maintenant, oui, particulièrement de la part du NPD. Le NPD a très bien collaboré. Il a présenté un projet de loi d'intérêt privé qui comporte certaines idées intéressantes à propos desquelles nous pourrions collaborer. Notre position n'est pas très loin de la sienne en rapport avec certaines questions. Encore une fois, il y a des éléments de notre projet de loi que nous aimerions protéger; il y a d'autres éléments qu'il aimerait voir se concrétiser, de son côté. Nous sommes là pour coopérer et collaborer avec tous les partis de l'opposition.

Le sénateur Angus : Vous avez parlé de mécanismes propres au marché, terme qui, évidemment, nous intéresse. Cela évoque la notion d'échange de crédits d'émissions de gaz à effet de serre. À notre comité, nous nous en faisons une idée très négative, surtout là où il est question d'un pays riche comme le Canada. On se demande ce que cela suppose. Je ne sais pas si c'est ce que vous entendiez par mécanismes propres au marché, car c'est un sujet que vous avez à peine effleuré. Pourriez-vous nous donner des précisions là-dessus?

Mme Ambrose : Il y a une différence entre le fait d'acheter des crédits sur la scène internationale, ce à quoi notre gouvernement s'oppose depuis longtemps... nous sommes à concevoir un cadre réglementaire qui permettra de s'assurer que les investissements canadiens demeurent ici au Canada. C'est là que nous voulons que l'industrie investisse : au Canada. Cependant, les mécanismes d'échange sur le marché peuvent se révéler très efficients et très efficaces pour réduire globalement les émissions de gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques. Aux États-Unis, par exemple, dans le secteur de l'électricité, on applique un système dit de « limites et échanges » très efficace aux émissions d'oxydes d'azote et de soufre. Cela s'est révélé très efficace pour réduire la pollution atmosphérique à un très faible coût du point de vue de l'industrie. L'accord sur les pluies acides est un autre exemple de ce genre de mécanisme.

Ce sont là des exemples du mode de fonctionnement de mécanismes du marché. Nous envisageons un système d'échange. Nous aimerions voir naître au Canada un système d'échange qui serait lié à d'autres systèmes d'échange, et c'est l'une des questions dont nous discutons.

Nous allons participer la semaine prochaine à une table ronde nationale qui fera appel à plusieurs intervenants de tout le Canada, et aussi à des gens venus d'Europe. M. Stern déléguera quelqu'un du Royaume-Uni; l'Union européenne déléguera des représentants, s'ils peuvent se rendre. Il y a des gens de la communauté internationale et de toutes les provinces qui viendront discuter de ce à quoi pourrait ressembler un système d'échange, pour que nous puissions nous assurer que ce soit efficient et efficace, et que cela mène à de véritables réductions et non pas à l'achat de crédits plus ou moins valables. C'est la conception du système de marché qui compte.

Le sénateur Angus : Monsieur le président, je sais que d'autres personnes aimeraient poser des questions à la ministre. J'espère qu'il y aura un deuxième tour de table. Je voudrais m'arrêter ici. C'est très exaltant. Comme vous pouvez le voir, le gouvernement agit vraiment à propos de l'environnement.

Le sénateur Adams : Ma question est peut-être un peu difficile. Là où nous habitons, dans l'Arctique, la pollution provenant du Sud a des effets sur notre alimentation, surtout la pollution au mercure.

Pour commencer, les responsables de la LCPE ont travaillé avec les ministres à l'époque — Allan Rock et David Anderson — pour veiller à tester davantage les aliments traditionnels pour y déceler des traces de mercure ou de toute substance polluante pouvant avoir un effet sur l'organisme des gens au sein de la communauté. Nous avons étudié les effets du mercure au sein de notre comité. Nous avons découvert que, surtout dans la région du Nunavut, 68 p. 100 des gens avaient des concentrations de mercure atteignant un niveau inacceptable. Au Canada, globalement, ce n'est que de 7 ou 8 p. 100.

Ceux parmi nous qui vivent dans la région connaissent les mouvements des mammifères des eaux, les zones qui leur servent à mettre bas tous les ans. Par exemple, dans la baie d'Hudson, les bélugas se rassemblent dans le coin de Churchill. Tous les étés, les baleines gagnent des eaux relativement plus chaudes. À l'instar de tout autre animal, par exemple l'oie, ils obéissent à des schèmes de migration réguliers. Les baleines se rendent dans des eaux moins froides pour mettre bas. Elles quittent la mer de Beaufort pour se rendre dans le delta du Mackenzie. Je sais que le ministère a déjà étiqueté les poissons pour connaître les zones de frai tous les ans. C'est ce que fait le ministère des Pêches et des Océans dans le cas des poissons d'eau douce.

Maintenant, nouvelle technologie oblige, je crois que le MPO surveille aussi certaines des baleines à bosse qui se trouvent autour de l'île de Baffin. L'été dernier, ils ont prélevé des échantillons de peau des baleines, pour essayer d'y détecter des polluants.

La même chose s'applique à notre nourriture. Nous avons quatre ou cinq grands troupeaux de caribous au Canada. Il y a un grand troupeau dans la région de Keewatin, et il y en a un au Labrador aussi. Essentiellement, au sein de la communauté, nous ne nous soucions pas de ces grands troupeaux. Nous nous contentons de chasser localement, là où le caribou vient.

Je crois qu'il vaudrait mieux dire aux gens de l'endroit quels sont les résultats des tests du gouvernement en ce qui concerne nos aliments et notre environnement. Parfois, des scientifiques viennent y faire un tour, et la moitié du temps, nous ne savons pas ce qu'ils font. Même là-haut, parfois, ils attendent un an ou plus avant de nous dire ce qu'ils ont trouvé.

Nous avons rencontré le MPO en août dernier, près de la rive de la mer de Beaufort; les gens sont venus du Nunavut, du delta du Mackenzie, de partout. Nous nous soucions vraiment de la pollution dans le Nord. La communauté aimerait travailler de concert avec le gouvernement pour surveiller la situation. Si je chasse le caribou, je peux avoir sur moi une petite bouteille dans laquelle je mettrais un échantillon de sang pour l'envoyer à un laboratoire. Nous pourrions aider à prélever les échantillons des baleines et des phoques aussi. Nous pourrions prendre un morceau du foie ou de je ne sais quel organe pour faire faire des tests pour le mercure.

Il y a du mercure qui se retrouve dans le sol et dans l'eau et partout. Si 68 p. 100 d'entre nous font voir les effets du mercure dans notre sang, nous devons savoir d'où cela vient — que ce soit du Canada ou d'ailleurs.

Les responsables du ministère nous ont dit que, parmi les signataires, nous sommes les grands perdants. Nous perdons peut-être au Canada, mais qu'en est-il des autres pays? La question est longue, mais peut-être que quelqu'un pourrait y répondre.

Mme Ambrose : Les concentrations de mercure dans l'eau des communautés du Nord est une préoccupation majeure. C'est une préoccupation parce que le mercure finit par se retrouver dans le lait maternel et chez les enfants. Cela est à l'origine de nombreux problèmes de développement chez les enfants des communautés du Nord. Pour ce qui est du cas des poissons, je crois savoir que cela a mené à bien des mises en garde contre la pêche.

M. Owen me disait qu'une bonne part du mercure qui se trouve dans le Nord provient d'Asie du Sud. D'où l'importance de travailler de concert avec nos partenaires internationaux, car c'est comme pour la question des gaz à effet de serre.

Le Canada peut bien faire son possible pour mettre de la pression sur son industrie, mais il n'est qu'un joueur parmi d'autres. Nous devons montrer l'exemple chez nous en indiquant que nous sommes prêts à y réduire les émissions. Nous devons faire pression sur nos partenaires internationaux, dans le bon sens, et collaborer avec eux.

Gord Owen, directeur général, Direction générale de l'air pur, Environnement Canada : Une grande quantité de mercure qui arrive au Canada vient du Sud. Par « Sud », j'entends la Chine, l'Inde et d'autres endroits. Étant donné le degré auquel leurs économies dépendent du charbon — le charbon contient des traces infimes de mercure —, nous voyons qu'il y a là pour nous une préoccupation. C'est un problème dans le nord du Canada, car le mercure, transporté par les alizés et les vents tout autour, frappe l'air froid et tombe. La présence de mercure est beaucoup plus évidente dans le Nord, comme vous l'avez dit.

Pour cette raison-là, en recourant à plusieurs démarches internationales, par exemple en nous adressant aux Nations Unies, nous avons tenté de faire des percées auprès d'autres pays comme la Chine et l'Inde. Nous essayons de transférer des technologies, des procédés et des informations, pour que la Chine, l'Inde et d'autres pays puissent réduire la quantité de mercure qui provient de leurs centrales au charbon.

Le sénateur Adams : Surtout qu'en ce moment, c'est très habituel, étant donné ce qui cause les changements climatiques. Il y a de nouveaux projets de loi qui portent sur les changements climatiques. Bon nombre de gens se soucient de certains des mammifères, surtout les ours polaires. Je suis à la maison depuis un mois environ, et j'ai parlé à des gens du Nord. Cette année, ils ont vu de nombreux ours polaires venir dans leurs collectivités. Chaque collectivité est maintenant touchée. Ce n'était pas comme cela auparavant. Au début de l'automne, les ours gagnent le continent à la recherche de nourriture — tout ce qui a été laissé par les caribous. C'est quelque chose. Je ne sais pas comment nous allons faire. Ce n'est pas votre ministère; c'est un autre ministère qui est responsable. Vous parlez de la qualité de l'air et ainsi de suite.

En 1999, il a été dit à la chaîne parlementaire que cinq ministères devaient travailler ensemble à ce dossier, soit Santé Canada, le ministère des Transports, la Garde côtière, Pêches et Océans, et le ministère responsable de la Loi sur la qualité de l'air. Pour tester un bien ou un terrain dans le Nord, vous devez passer par les cinq ministères en question. C'est frustrant pour les gens du Nord. Si vous travaillez en construction, où commencer? Je ne sais pas dans quelle mesure vous allez réduire les changements climatiques. Nous parlons de souveraineté de l'Arctique, mais je ne sais pas ce qui va se produire si cela se poursuit. Peut-être que certains des ministères savent ce qui se passe dans d'autres pays; je ne sais pas.

Mme Ambrose : Au moment où nous sommes arrivés au pouvoir, une des préoccupations entretenues à propos du rapport du commissaire à l'environnement, c'était cette idée dont vous parliez : que plusieurs ministères entrent en jeu, mais qu'il n'y en a pas un qui soit le premier responsable. Cela a mené à de nombreuses difficultés, pour déterminer qui est responsable de quoi. Ce n'était pas une approche cohérente ou complète du dossier des changements climatiques.

J'ai été heureuse d'apprendre que le premier ministre a nommé le ministère de l'Environnement du Canada responsable du dossier. Il nous a aussi demandé de travailler avec les autres ministères à la création d'un cadre de responsabilisation et à la création d'un cadre stratégique global sur lequel fonder l'approche du gouvernement du Canada; cela, plutôt que ce soit chacun des ministères qui ait sa propre façon de faire. Il y a maintenant un élément de cohérence, ce qui est très important. Nous avons accepté toutes les recommandations du commissaire à l'environnement. C'était l'une d'entre elles. Je crois que le ministère de l'Environnement devrait être le premier responsable de ce dossier. Nous devrions alors travailler de concert avec l'ACDI, avec les Affaires étrangères, avec Industrie Canada et avec Ressources naturelles en particulier.

Je me réjouis de l'engagement d'autres ministres à cet égard. Lorsque nous avons consulté des présidents-directeurs généraux, personnellement, directement, j'avais l'appui du ministre Flaherty, du ministre Bernier, du ministre Cannon et du ministre Lunn. Tous se sont engagés dans le dossier de l'environnement. Nous avons créé un nouveau comité du Cabinet qui s'occupe de la seule question de l'environnement, pour nous assurer que tous les ministères participants se concentrent bien sur la tâche en question et vont de l'avant, en s'appuyant mutuellement.

Il fallait du leadership. Nous en sommes à un carrefour au Canada : il faut cibler les efforts, car la question est devenue urgente. Le Canada finit par accuser un retard sur les autres pays, surtout en ce qui concerne nos engagements sous le régime du protocole de Kyoto. Honnêtement, nous n'avons pas fait grand-chose à ce jour. Nous devons travailler davantage pour montrer à nos partenaires internationaux que nous faisons le ménage chez nous et que nous mettons en place un solide plan national de lutte aux gaz à effet de serre. De ce fait, nous allons pouvoir faire en sorte que le Canada gagne à nouveau la place qui lui revient à titre de chef de file en matière environnementale sur la scène mondiale. Je crois que cela n'a pas été le cas depuis que Brian Mulroney était premier ministre.

Le sénateur Sibbeston : Bienvenue, madame la ministre. Je vais donner suite à ce que le sénateur Adams a affirmé en ce qui concerne le Nord.

Nous aimons le Nord, nous aimons le pays, nous aimons que ce soit une nature pure et nous aimons le fait que nous sommes peu nombreux à y habiter. Avec le réchauffement climatique qui nous marque dans le Nord, nous disons : « Il est à espérer que ça ne se réchauffera pas trop. » Nous ne voulons pas que des gens du Sud viennent habiter dans le Nord. Nous voulons garder ça pour nous.

Nous avons remarqué les effets du réchauffement planétaire. Les hivers sont moins rigoureux. Il y a tout juste assez de signes pour vous faire croire que, oui, il y a un changement lent, graduel. Le Nord ressent les effets du réchauffement planétaire.

Depuis que je siège au comité, j'en suis venu à mesurer la portée de la pollution dans le Nord. Nous croyons que la nature y est pure. Il n'y a pas de développement industriel tout près, de sorte qu'elle devrait être pure. Cependant, nous apprenons qu'il y a de nombreux polluants qui se retrouvent dans le Nord, transportés par les vents d'Asie, et, parfois, de l'Ontario, le cœur industriel de notre pays. Le sénateur Adams a fait allusion au fait que 70 p. 100 des femmes qui mangent des aliments traditionnels dans l'Arctique présentent des concentrations relativement plus élevées de substances polluantes dans leur organisme. Cela nous préoccupe grandement.

Dans la mer de Beaufort, des scientifiques ont détecté chez les baleines des concentrations de mercure plus élevées qu'à l'habitude. On croit qu'une certaine pollution survient de façon naturelle avec la fonte de la calotte glaciaire et le dégel du pergélisol, ce qui libère du mercure. Le fleuve Mackenzie se jette dans la mer de Beaufort, et on croit que les sables bitumineux d'Alberta pourraient être à l'origine d'une partie de la pollution qui se trouve dans la région ouest de l'Arctique, par le chemin en question. Il faut faire quelque chose.

Madame Ambrose, vous être ministre de l'Environnement. Les gens du Nord comptent sur le fait que le gouvernement fédéral agisse pour que la nature dans le Nord demeure pure et libre de toute pollution. Je vous invite vivement à faire tout ce que vous pouvez en la matière et à vous rendre dans des pays étrangers, par exemple en Asie, source de pollution du Nord avec son mercure.

De même, si, justement, des polluants provenant des sables bitumineux de l'Alberta se retrouvaient dans le Nord, vous devriez pouvoir agir. Un rapport particulier traitait du cas d'orignaux contaminés découverts dans le nord de l'Alberta. Est-ce le signe d'une pollution accrue? Je ne sais pas. Auriez-vous l'obligeance d'agir? Pouvez-vous rassurer les gens du Nord et leur dire que vous allez faire de votre mieux en leur nom?

Mme Ambrose : Récemment, dans les Territoires du Nord-Ouest, j'ai rencontré certains chefs, qui m'ont parlé des questions que vous êtes en train de décrire et de la manière dont cela influe sur les schèmes migratoires du caribou que l'on y chasse traditionnellement pour la viande. Il ne fait aucun doute que les problèmes environnementaux en question ont un impact dans le Nord. Le mercure représente un problème énorme de ce fait, la majeure partie provenant d'Asie du Sud. Le problème du mercure, c'est qu'il ne se décompose pas. Il perdure dans l'environnement, et c'est pourquoi nous avons adopté plusieurs mesures à son égard et que nous ciblons des polluants particuliers, en raison des effets néfastes qu'ils ont sur la santé de tous les Canadiens.

À propos des autres pays, j'ai soulevé la question plusieurs fois dans le contexte des gaz à effet de serre et de la pollution atmosphérique. La situation est difficile : au moment où le Canada adopte plusieurs mesures énergiques en la matière, des pays comme la Chine inaugurent tous les mois des centrales au charbon qui vont dégager de plus grandes quantités de mercure, lesquelles finiront par se retrouver au Canada. Nous devons les engager dans le dossier, faire pression sur eux, les encourager à adopter des cibles non seulement en matière de gaz à effet de serre, dans le contexte d'accords comme celui de Kyoto, mais aussi dans le cadre du partenariat Asie-Pacifique. Ils font voir certains progrès au sens où ils envisagent des procédés nouveaux et notamment des sources de bioénergie. Lorsqu'ils adoptent des mesures de ce genre, nous devons les encourager à en faire plus, étant donné que leurs actions ont une incidence directe sur nous.

L'Inde en est un autre exemple. Le Canada subit les effets des actes posés en Inde. En dernière analyse, comme vous le savez tous, c'est un problème mondial. Nous allons continuer à exercer des pressions sur nos homologues internationaux, mais nous sommes tout à fait convaincus qu'il importe que le Canada fasse le ménage chez lui. Nous collaborons avec nos partenaires internationaux, par l'entremise des Nations Unies et du protocole de Kyoto, à nous assurer de respecter nos obligations sous le régime du protocole de Kyoto. Quant à la cible, nous avons dit clairement à nos partenaires internationaux et aux Canadiens que nous ne pouvons atteindre la cible, soit moins 6 p. 100. Il nous faut de nouvelles cibles, ce que le commissaire à l'Environnement et au Développement durable a fait valoir. Il faut que les Canadiens comprennent qu'il importe pour le Canada d'aller de l'avant, de faire cesser les querelles et le débat sur la cible de -6 p. 100 : les économistes, les environnementalistes et les gens dans tous les ministères nous le font voir clairement, cela n'est pas réalisable.

Nous devons aller de l'avant; nous demandons à tous les partis de l'opposition de travailler avec nous à l'établissement de nouvelles cibles à cet égard. Nous négocions avec l'industrie et sommes en voie de fixer les cibles d'ici janvier, espérons-le. À ce moment-là, le Canada pourra commencer à réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques. Les polluants atmosphériques sont tout aussi importants. Dans toute l'histoire du Canada, le gouvernement fédéral n'a jamais réglementé la pollution atmosphérique. Dans le cas du mercure, il importe d'établir des règles strictes à l'échelle fédérale, pour nous assurer qu'il y a des normes nationales à cet égard.

J'encouragerais les sénateurs à s'entretenir avec leurs collègues de la Chambre, et en particulier ceux qui siègent au comité législatif, à travailler avec le gouvernement à faire adopter le projet de loi C-30 et à rassurer les Canadiens sur le fait que nous prenons le dossier au sérieux. Nous voulons des résultats.

Le sénateur Sibbeston : J'ai une autre question sur les gaz à effet de serre. Vous vous donnez comme cible une réduction d'au moins 45 p. 100 par rapport aux niveaux de 2003 d'ici 2050. Or, le Protocole de Kyoto utilise l'année 1991 comme année de référence. Comment votre cible se compare-t-elle à celle du Protocole de Kyoto en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre?

Mme Ambrose : Je crois avoir décrit cet aspect dans mon exposé. Je vais donc revenir sur l'impact des cibles à long terme que nous avons fixées. Il importe de reconnaître que cette cible a été recommandée par la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie. L'étude a été commandée par le gouvernement précédent, qui a chargé la TRNEE de déterminer ce qui peut être accompli, vu la situation particulière du Canada, qui dispose d'une base de ressources le mettant dans une situation particulière. Nous misons sur d'énormes quantités de combustibles fossiles, mais nous aimerions passer à une source d'énergie renouvelable, pour des raisons évidentes. La TRNEE a mené une étude approfondie et produit un rapport exhaustif sur ce qu'il est possible d'accomplir au Canada, à la lumière de certaines hypothèses.

C'est la cible adoptée par notre gouvernement, parce que nous croyons qu'il ne faut pas choisir une cible de façon arbitraire, comme l'a fait le gouvernement précédent, et ensuite forcer la main à l'industrie et lui imposer une cible qui n'est fondée ni sur une évaluation ni sur des données scientifiques probantes. Et c'est justement le cas de la cible de -6 p. 100. L'actuel chef du Parti libéral, Stéphane Dion, ex-ministre de l'Environnement, a reconnu, à l'occasion d'une entrevue consentie au National Post, que la cible avait été fixée parce que l'ex-premier ministre Chrétien voulait surpasser les Américains. C'est ni une politique avisée ni le résultat d'une évaluation scientifique; je dirais, plutôt, que c'est de la politique pure. Nous avons adopté une cible qui a fait l'objet de consultations et de recherches étendues par la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie. Nous croyons que c'est la bonne façon de procéder.

La réduction de 65 p. 100 par rapport aux niveaux de 2003 correspondrait à une réduction de 1 435 mégatonnes, selon un scénario où tout se déroule normalement, scénario que vous connaissez, j'en suis sûre. Une réduction de 65 p. 100 par rapport au niveau des émissions de 1990, puisque c'est de cela que vous vous informez, correspondrait à une réduction de 1 485 mégatonnes, si tout se déroule normalement. Ces prévisions ont été préparées par mon ministère. Dans le projet de loi qu'il a parrainé, Jack Layton, chef du NPD, demande une réduction de 80 p. 100, ce qui réduirait les émissions de 1 575 mégatonnes. Je suppose que la réduction est fondée sur les niveaux de 1999, car c'est ce qu'il a demandé dans son projet de loi d'initiative parlementaire.

Le ministère a préparé cette information et peut la fournir au comité. Ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est que la cible que nous avons adoptée a fait l'objet de consultations étendues et de recherches. Les membres de la TRNEE, qui ont établi cette cible, sont des chefs de file du domaine de l'environnement et de l'industrie. La cible est fondée sur la base de ressources uniques du Canada, sur la répartition de sa population urbaine et rurale, et sur le caractère particulier de sa géographie. Nous avons adopté cette cible parce que nous savons qu'elle est scientifiquement fondée et qu'il s'agit d'un objectif réalisable pour l'industrie canadienne.

Le sénateur Tardif : J'ai remarqué que vos observations préliminaires sont très similaires à celles que vous avez lues à la Chambre des communes il y a quelques mois, sauf pour vos commentaires sur le mercure. Pourriez-vous nous dire de quelle façon votre vision des choses et votre ministère ont changé depuis?

Nous savons que notre gouvernement actuel a essuyé de nombreuses critiques sur la scène internationale, on lui a reproché de se dérober à ses obligations internationales sous Kyoto.

En votre qualité de présidente du comité de Kyoto, pourriez-vous nous dire quels progrès nous avons fait à Nairobi?

Mme Ambrose : Avec plaisir, sénateur Tardif. Cette rencontre s'est révélée productive. À l'heure actuelle, la grande famille du Protocole de Kyoto regroupe des pays responsables d'environ 30 p. 100 des émissions mondiales, y compris le Canada. Contrairement à ce que vous avez peut-être vu dans les médias, la rencontre s'est révélée très productive, et le Canada a joué un rôle clé. C'était pour moi une expérience très intéressante de travailler avec d'autres ministres de partout dans le monde. J'ai pris part à des travaux entre petits groupes et à des négociations intensives avec des ministres clés à l'égard de quatre domaines de négociation clés.

Nous avons réussi à accomplir tout ce que le Canada cherchait à faire en vue de la conférence de Nairobi, laquelle, selon moi, devrait contribuer à ouvrir la voie à un engagement plus productif de la part du Canada après 2012.

Je vais vous décrire les enjeux clés sur lesquels nous avons travaillé. Il s'agit de questions techniques pour ceux d'entre vous qui suivent le Protocole de Kyoto. Il y a quatre grandes questions : le groupe de travail spécial sur les engagements des pays industrialisés après 2012; l'examen du Protocole de Kyoto; le dialogue sur la coopération à long terme sous le régime de la convention; et l'examen des procédures relatives aux engagements volontaires, aux pays non industrialisés, aux pays non visés par les annexes. Nos négociateurs ont assuré une participation active et constructive à l'égard de chaque enjeu.

Toutes les positions que nous avons adoptées ont été versées, au début du printemps, dans le site web des Nations Unies. Nous avons toujours présenté de façon transparente notre position à l'égard du protocole. J'ai présidé quatre réunions, à titre de présidente de la conférence des parties, et j'ai beaucoup appris. Je crois que nous avons placé le Canada dans une position qui nous donnera l'occasion de participer à la prochaine série de discussions relatives à Kyoto.

Au sein du groupe de travail spécial, on a exécuté un programme de travail étendu en vue d'étayer les engagements pour la période postérieure à 2012, chose importante pour le Canada. Nous savons que nous sommes incapables d'atteindre notre cible de -6 p. 100 d'ici 2012, et nous en avons informé la communauté internationale. Nous avons tenu des rencontres et mené des négociations fructueuses concernant l'établissement d'un plan de travail qui permettra au Canada d'aller de l'avant. Ces travaux commenceront l'an prochain.

Pour ce qui est de l'examen du Protocole de Kyoto, il y a eu consensus parmi tous les pays, plus de 160 pays, y compris le Canada, sur tous ces enjeux. C'est très important.

On s'est entendu pour examiner le Protocole de Kyoto en décembre 2008. C'est important, car notre gouvernement a déclaré à maintes reprises qu'il est préoccupé par la façon dont le protocole fonctionne. Tous les autres pays ont convenu du fait qu'il y a de bonnes choses et des choses qui n'ont pas donné le résultat escompté. Il s'agit du premier examen complet. Il était d'autant plus important d'établir ce consensus que nous envisagions l'élaboration d'un plan de travail pour la prochaine phase. Le Canada attachait énormément d'importance à un tel consensus.

En ce qui concerne les procédures relatives aux engagements volontaires, c'était très important. C'est une négociation qui a été dirigée par le Canada.

Nous avons appuyé une motion de la Russie visant à encourager ou à autoriser la tenue d'une sorte de discussion qui permettrait à des pays souhaitant adhérer au protocole et adopter volontairement des cibles de le faire. Il n'y a actuellement aucun mécanisme permettant de faire cela.

Nous avons déclaré à maintes reprises que les parties au protocole qui ont des cibles ne peuvent y arriver seules. Elles ne peuvent assumer ce fardeau sans aide. On ne va pas régler le problème du réchauffement de la planète si seulement 34 pays établissent des cibles. Il faut que d'autres pays fassent de même. Nous devons faire en sorte que ce protocole soit plus englobant. Nous devons étendre le débat à tous les pays signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Dans l'ensemble, cette démarche s'est révélée très productive pour le Canada. Elle nous a mis dans une position qui nous permettra de continuer de travailler avec nos partenaires internationaux. Le consensus auquel nous sommes arrivés à Nairobi nous a permis de conclure que la position du Canada est très similaire à celle d'un grand nombre de ses partenaires internationaux.

Il y a 15 autres pays qui accusent un retard pour ce qui est de remplir leurs engagements pris dans le cadre du protocole. Le Canada est en voie de remplir toutes les obligations que lui confère le Protocole de Kyoto, sauf la cible relative aux émissions. La démarche visant à régler cette question avec des partenaires internationaux afin que nous puissions aller de l'avant s'est révélée productive.

Nous avons tenu des rencontres bilatérales très productives avec la Chine, l'Inde et la Corée du Sud. Nous avons également rencontré des pays de l'Union européenne, l'Allemagne en particulier, et la Finlande. Il est productif de pouvoir expliquer à tous les pays, y compris à la Grande-Bretagne, la réglementation que nous allons mettre en vigueur sous peu. Ils sont heureux de voir que le Canada va de l'avant au chapitre de la réduction obligatoire des émissions.

La réunion s'est révélée productive pour nous.

Le sénateur Tardif : Merci madame la ministre, de nous avoir fourni ces précisions. Comme tout le monde, nous nous préoccupons toujours beaucoup de notre réputation internationale. Or, nous n'avons impressionné personne à l'occasion de la rencontre tenue à Nairobi. Je crois plutôt que notre réputation internationale a été passablement ternie. Les gens se demandent quel est le rôle du Canada, et quelle est notre position à l'égard de Kyoto. Je suis heureuse que vous ayez mentionné le mot « Kyoto » car c'est un mot qu'on n'utilise plus. Je crois que c'est une source de confusion pour le grand public.

Vous dites que nous n'atteignons pas nos cibles, mais que nos autres obligations seront respectées. Nous avons besoin de précisions à cet égard. Nous vous remercions de nous faire part de vos commentaires aujourd'hui.

Vous avez mentionné que la cible pour 2050 que vous avez adoptée est fondée non pas sur des considérations arbitraires, mais bien sur des résultats de recherche. Je me demande à quel point cela est pertinent, si nous sommes près du point de non-retour.

Mme Ambrose : Vous vous demandez à quel point les données scientifiques sont importantes?

Le sénateur Tardif : À quel point une cible pour 2050, à une date si éloignée, est importante. C'est si loin. Nous ne disposons que de très peu de temps pour agir.

Mme Ambrose : Et c'est pourquoi nous fixons des cibles à court terme qui entreront en vigueur au cours des quatre prochaines années. Nous allons fixer des cibles pour 2010 d'ici un mois. Le mois de janvier arrive à grands pas. Il s'agira de négociations intensives. Ce sera la première fois que le Canada prend des mesures pour réglementer à l'échelle nationale tous ces secteurs industriels au chapitre des gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques. Notre ministère et le ministère des Ressources naturelles remuent ciel et terre pour que cela se produise. Il faut que cela se produise, c'est urgent.

Comme l'a signalé M. Stern dans son rapport, l'un des grands enjeux à Nairobi concernait l'établissement de cibles à long terme. Il a encouragé tous les pays à Nairobi à songer à une cible pour 2050. Il a dit que c'est un projet à long terme. Nous devons établir des cibles à long terme. Dans nombre de cas, le cycle de vie des immobilisations de la plupart des industries est de 20 à 25 ans. Nous ne pouvons nous contenter d'établir des cibles à court terme pour 2010 ou 2012; l'industrie a besoin de savoir quelle est notre orientation pour 2050 et par la suite.

Il est crucial de faire cela afin de veiller à ce que les gains ne se fassent pas seulement à court terme. Il faut que le projet du Canada soit à long terme. Nous devons voir au-delà de la situation actuelle. Cela comprend également l'établissement d'une cible à long terme, pour 2050.

Il y a des pays qui ont adopté une telle orientation. Le Canada est un chef de file à cet égard. Nous devrions avoir une cible pour 2050. Il est crucial pour nous d'en avoir une. Il est également crucial de veiller à ce que cette cible soit bien étayée et à ce qu'elle soit adaptée à la situation particulière du Canada, en ce qui concerne surtout notre base de ressources, afin que la cible soit réaliste.

L'industrie veut prendre connaissance des chiffres, des études et des évaluations qu'on a produits. Nous misons sur l'appui d'un tel rapport et de la table ronde nationale.

Le sénateur Tardif : Je conviens du fait qu'il faut établir des cibles à court et à long termes. Nous devons envisager une telle chose.

Le sénateur Mitchell : Je crois que c'est le principal enjeu de notre génération du XXIe siècle. Je crois qu'on vous a investi de l'une des plus grandes responsabilités jamais confiées à un ministre. Vous avez une occasion incroyable de faire quelque chose d'important pour le monde.

Je crois fermement qu'à l'égard de ce dossier dont vous êtes responsable, le gouvernement n'a pas réussi à prendre cet enjeu en main et à exercer, tant au Canada qu'à l'échelle internationale, le genre de leadership qu'il aurait pu exercer. Plus précisément, vous avez annulé — de façon arbitraire, selon moi — les programmes relatifs aux changements climatiques mis sur pied par un gouvernement antérieur. Vous aviez fait valoir que ces programmes n'étaient pas efficients, argument repris par le leader du gouvernement au Sénat.

Le 31 mai dernier, j'ai soumis une question écrite visant à prendre connaissance de la documentation — les études, les recherches — sur laquelle repose votre position. Je n'ai reçu ni information ni documentation ni aucune sorte de justification.

Le sénateur Angus : J'invoque le Règlement, monsieur le président. Nous attendions que la ministre nous rende visite depuis plusieurs mois. Les gens qui prennent part à toutes les réunions de notre comité, qui sont des membres en règle du comité, qui sont prêts et qui ont suivi notre étude, ont de nombreuses questions à poser à la ministre. Maintenant, vous accordez la parole à un sénateur qui vient ici, sans avoir jamais assisté à une réunion du comité — et je crois savoir, d'après ce que dit le greffier, qu'il n'est même pas membre du comité.

Vous nous dites qu'il ne reste que cinq minutes. Pourtant, vous le laissez poser des questions à la ministre, et il l'interroge de façon agressive et partisane. C'est pour cette raison que j'invoque le Règlement. Si vous écartez des membres en règle du comité, dont les questions sont directement reliées au sujet que nous examinons, pour permettre à ce sénateur de s'adresser de cette façon à la ministre, je proteste. Je vous demande instamment de l'écarter et de céder la parole aux membres du comité qui veulent poser des questions.

Le président : Je ne crois pas que cela soit contraire au Règlement. Je me suis également exclu du débat.

Le sénateur Angus : C'est tout à fait contraire au Règlement.

Le président : Je ne suis pas d'accord avec vous.

Le sénateur Mitchell : Le sénateur Angus a pris part aux rencontres de comités au sein desquels je siège régulièrement...

Le président : Excusez-moi, mais j'ai la parole. Je ne crois pas qu'il soit contraire au Règlement pour un sénateur de poser une question qu'il a soulevée au Sénat. C'est la dernière question. Nous avions promis à la ministre qu'elle pourrait nous quitter au plus tard à 9 h 30, et cette heure est déjà passée. C'est la dernière question.

Le sénateur Mitchell : Merci. La première partie de ma dernière question est la suivante : pourquoi n'ai-je reçu aucune réponse à ma question écrite? Deuxièmement, en l'absence d'une telle documentation, pourquoi est-ce que la seule documentation que j'ai obtenue, grâce à une demande d'accès à l'information, est un document d'information destiné au ministre des Ressources naturelles, responsable d'un grand nombre de ces programmes?

On peut y lire ce qui suit :

Tous les programmes de RNCan ont été considérés comme satisfaisant les objectifs ou même les surpassant. L'économie d'énergie et les programmes renouvelables ont été jugés efficaces pour stimuler la réduction des émissions et permettront des réductions de plus de 20 mégatonnes d'ici 2010, en grande partie à un coût inférieur à 10 $ la tonne, ce qui est très rentable.

Ce document a été produit par votre gouvernement, et vous continuez de dire que ces programmes sont inefficients. Pourriez-vous nous expliquer en quoi ils sont inefficients, ou produire la documentation qui le prouverait? En l'absence d'une telle documentation, nous ne pouvons que conclure que votre information est erronée et que vous avez pris une décision cruciale d'annuler ces programmes à la lumière de renseignements erronés. Ces programmes étaient efficients.

Pourriez-vous également faire un effort et me fournir tout document susceptible de répondre à ma question écrite qui a figuré au Feuilleton?

Le président : Madame la ministre, je présume que vous n'êtes pas en mesure de répondre à cette question pour l'instant, que vous prenez acte de cette question et que vous tenterez, dans la mesure du possible, de répondre à la question du sénateur Mitchell.

Mme Ambrose : Je serai heureuse de tenter de répondre à sa question. Je vous encourage à lire le rapport du commissaire à l'environnement, selon lequel le gouvernement précédent n'a ni exercé un leadership clair ni adopté une politique étendue relative aux changements climatiques. C'est une grave préoccupation. Personne n'a pris le dossier en main. Il s'agissait de programmes dispersés ça et là parmi les ministères.

Vous devriez également savoir qu'on n'a jamais effectué une vérification ou un examen exhaustif à l'égard des programmes relatifs aux changements climatiques à l'échelle du gouvernement. On n'a jamais fait cela.

Le sénateur Mitchell : Comment pouvez-vous dire qu'ils sont inefficients si on n'a jamais effectué un examen exhaustif? Vous venez de répondre à ma question.

Mme Ambrose : Je serais heureuse de vous fournir de nombreux exemples.

Le président : Nous n'allons pas tenir un débat ici aujourd'hui. Le sénateur a posé une question. Il n'est pas raisonnable de s'attendre à ce qu'une réponse soit fournie sur-le-champ. Silence, sénateur Mitchell.

Mme Ambrose : On n'a jamais fait cela. Nous avons effectué un examen complet...

Le président : Madame la ministre, je m'excuse de vous interrompre, mais...

Mme Ambrose : ... un examen interne par le BCP de tous ces programmes. On les a évalués en fonction d'une norme, et on a déterminé s'ils étaient efficaces ou non. Tous les programmes considérés comme inefficaces ou non rentables ont été annulés. C'est pour cette raison que nous n'arrivons pas à faire des progrès au chapitre de l'environnement, car les libéraux ne cessent de vouloir politiser la question au lieu d'essayer d'aller de l'avant.

Le président : La question a été posée, et je suis certain que la ministre fera parvenir une réponse écrite au greffier du comité ou directement au sénateur Mitchell lorsqu'elle en aura l'occasion. Ce n'était pas la réponse à la question.

Merci, madame la ministre, d'avoir témoigné devant notre comité. Merci, mesdames et messieurs, d'être ici aujourd'hui.

La séance est levée.


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