Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 10 - Témoignages du 14 décembre 2006
OTTAWA, le jeudi 14 décembre 2006
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (eau potable saine), se réunit aujourd'hui à 8 h 5 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur Ethel Cochrane (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Bonjour. C'est pour moi un honneur de vous accueillir aujourd'hui.
Ce matin, nous examinerons le projet de loi S-205, visant à modifier la Loi sur les aliments et drogues afin que l'agence fédérale déjà chargée de réglementer l'eau potable embouteillée, les cubes de glace et les boissons gazeuses puisse réglementer également l'eau potable des réseaux de distribution d'eau.
Nous recevons aujourd'hui M. John Cooper, de Santé Canada, et Elin O'Shea, de Justice Canada.
Je m'appelle Ethel Cochrane. Je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador. Je préside ce matin parce que le sénateur Banks a dû s'absenter. Permettez-moi de vous présenter les membres du comité. Voici le sénateur Milne, de l'Ontario, le sénateur Adams, du Nunavut, puis le parrain de notre projet de loi, le sénateur Grafstein, de l'Ontario, et enfin le sénateur Spivak, du Manitoba.
John Cooper, directeur, Bureau de l'eau, de l'air et des changements climatiques, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Santé Canada : Je remercie le comité d'avoir invité Santé Canada à comparaître aujourd'hui. Il est important que nous ayons cette occasion. Je suis là pour tenter de répondre à vos questions de mon mieux et de façon aussi franche et directe que possible.
Nous estimons que les efforts que nous faisons actuellement pour protéger l'eau potable est la meilleure façon de procéder; cependant, nous reconnaissons que la fourniture d'une eau potable saine aux Canadiens et Canadiennes nous pose des défis. En clair, la situation n'est pas parfaite.
Comme le sénateur Grafstein, le gouvernement reconnaît que la salubrité de l'eau potable ne relève pas seulement de la mise en œuvre de lignes directrices et de normes, mais qu'elle comprend également la protection de nos sources d'eau potable contre la pollution. C'est très important. La situation récente dans le district régional de Vancouver attire clairement notre attention sur l'importance de la sûreté de l'eau potable et mérite une bonne discussion et une analyse des faits.
La question qui nous concerne est de déterminer si la qualité de l'eau potable serait mieux protégée en établissant un nouveau régime fédéral de réglementation, tel que proposé dans le projet de loi S-205, ou en améliorant et en appuyant l'approche de collaboration actuelle selon laquelle la responsabilité principale de l'eau potable revient aux provinces et aux territoires.
D'un point de vue historique, la collaboration, le respect des rôles traditionnels des paliers de compétence fédéral, provinciaux et territoriaux, et l'approche pratique consistant à s'assurer que ceux qui sont les plus aptes à agir sont ceux qui sont responsables de le faire, sont à la base des efforts du Canada en matière de protection de l'eau potable.
Le gouvernement fédéral joue un rôle unique en ce qui concerne la salubrité de l'eau potable, notamment en ce qui a trait à la science et la recherche, et à l'élaboration de lignes directrices qui sont ensuite utilisées par les provinces comme base pour établir leurs propres exigences réglementaires.
Les provinces ont la responsabilité d'établir des régimes réglementaires et d'attribution de permis opérationnels et de mettre en œuvre des normes basées sur ces lignes directrices, pour la qualité de l'eau potable. Les lignes directrices sont élaborées en collaboration avec les représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux et elles sont adoptées et appliquées dans toutes les provinces et territoires, par l'intermédiaire d'un régime réglementaire ou d'un régime d'attribution de permis. Les municipalités, quant à elles, gèrent l'infrastructure qui sert à acheminer l'eau potable. Cette approche assure une cohérence nationale, tout en permettant aux instances provinciales et territoriales de tenir compte des priorités régionales et locales. C'est une approche qui nous aide, selon laquelle les responsabilités sont clairement définies et les dédoublements sont évités.
Le projet de loi S-205 propose une réglementation fédérale pour l'eau potable, qui inclurait l'application d'exigences nationales pour la qualité de l'eau, l'inspection des installations d'eau potable par le gouvernement fédéral et l'application des dispositions législatives et réglementaires.
En ce qui concerne l'avenir du projet de loi S-205, il est important de prendre note des points suivants. Chaque province et territoire a établi des exigences pour la qualité de l'eau potable, donc un régime réglementaire, qui protège la santé humaine. Chaque province et territoire a établi des systèmes pour évaluer, approuver, inspecter et vérifier la conformité des installations de traitement et des réseaux de distribution d'eau potable. Chaque province et territoire est informé directement de résultats négatifs de qualité d'eau et a des procédures pour répondre à ces situations. Le projet de loi serait essentiellement un simple dédoublement des efforts des provinces et des territoires pour gérer efficacement l'eau potable.
Nous ne sommes pas dans la même situation qu'il y a cinq ou six ans, après Walkerton. Des progrès considérables ont été réalisés et il est essentiel d'en tenir compte dans les discussions que nous aurons aujourd'hui.
Ce même projet de loi a été introduit initialement en 2001, principalement en réaction à la tragédie de Walkerton, et aux constatations et recommandations ultérieures du juge O'Connor. Dans son rapport de l'enquête sur Walkerton, celui-ci a formulé des recommandations précieuses concernant tous les aspects de l'eau potable et de la protection des sources d'eau, ce qui est capital, notamment la surveillance et les responsabilités gouvernementales. Il est important de signaler que le juge O'Connor a spécifiquement recommandé que le gouvernement provincial continue d'être le gouvernement responsable de l'établissement de normes exécutoires concernant la qualité de l'eau potable.
Au cours des cinq dernières années, tous les paliers de gouvernement ont reconnu l'importance des conclusions des commissions d'enquête sur Walkerton et sur North Battleford, et ont agi afin de s'assurer que de tels incidents ne puissent pas se reproduire. Ils ont établi des mesures de protection exhaustives qui ne seraient que dédoublées par celles prévues dans le projet de loi S-205. C'est une justification pour continuer d'appuyer l'approche fédérale-provinciale-territoriale actuelle fondée sur la collaboration, qui respecte les rôles traditionnels et tient compte des priorités et des capacités locales et régionales. Depuis 2001, tous les gouvernements provinciaux ont renforcé leurs régimes législatifs, réglementaires ou politiques pour la protection de l'eau potable.
Ces mesures prises par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ne se limitent pas aux normes de qualité de l'eau potable qui, comme nous le savons, ne sont pas suffisantes pour assurer sa salubrité. Tous les gouvernements, qu'ils soient à l'échelle nationale ou internationale, adoptent maintenant des approches à barrières multiples ou approches de la source au robinet. Cette approche globale cible, comme première étape, la protection des sources d'eau potable et l'importance de la protection des sources d'eau est mise en évidence dans le projet de loi S-205.
C'est pourquoi les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux adoptent des approches axées sur les bassins versants pour prévenir la pollution des sources d'eau — une recommandation clé de la commission d'enquête sur Walkerton. Les décisions et les politiques concernant l'utilisation des terres sont établies en fonction de la protection des rivières, des lacs et des réservoirs aquifères qui constituent des sources d'approvisionnement en eau potable. Il est important de signaler que si nous prenons des mesures pour protéger les sources d'eau potable, nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Il reste beaucoup à faire, car un pourcentage important de la pollution est lié à ces sources principales d'eau potable.
Une distinction importante doit être établie entre ce que font les provinces et les territoires et ce que propose le projet de loi S-205. Santé Canada est d'avis que les décisions sur la protection des bassins versants et des sources d'eau ne devraient pas être prises à l'échelle nationale à Ottawa. Elles doivent être prises plutôt à l'échelle locale par les communautés et les intervenants, avec la supervision et l'appui des gouvernements provinciaux et territoriaux. Les autorités sur place sont plus en mesure de comprendre l'équilibre entre les priorités sur les plans de l'environnement, de l'économie et de la santé et, par conséquent, de prendre les décisions qui contribueront à assurer le bien-être des résidents, à savoir l'adoption d'une approche axée sur la population pour assurer la protection de sa santé.
Évidemment, l'approche à barrières multiples ou de la source au robinet ne comprend pas seulement la protection des sources d'eau. D'autres composantes clés comprennent le traitement efficace de l'eau et le maintien de sa qualité dans le système de distribution, grâce notamment à l'analyse régulière de l'eau, à la formation des opérateurs, au renouvellement de l'infrastructure ainsi qu'à la série de lignes directrices scientifiques qui servent de normes exécutoires pour protéger l'eau potable des contaminants environnementaux et autres. C'est un système complexe mais, grâce à de nombreuses barrières, si une barrière échoue, il y en a une autre pour assurer la sûreté de l'eau. C'est un processus coûteux pour s'assurer que la série complète de barrières soit en place. Ces étapes importantes continueront de protéger la santé des Canadiens et des Canadiennes contre l'eau potable insalubre.
Sans minimiser l'importance de la salubrité de l'eau potable et celle des événements de Walkerton, il faut aussi comprendre que les éclosions de maladies causées par de l'eau contaminée sont extrêmement rares au Canada. Un système d'alerte en temps réel, qui recueille de l'information sur les éclosions ou incidents entériques au Canada a été mis en place il y a deux ans; il est administré par l'Agence de santé publique du Canada. Au cours de cette période de deux ans, aucune éclosion ou aucun cas de maladie entérique lié à la contamination de l'eau potable n'a été enregistrée.
C'est un tableau assez optimiste de la situation en ce qui concerne notre eau potable, mais il ne tient probablement pas compte des quelques cas de maladies entériques ou gastro-intestinales qui ne sont pas déclarés et qui ne sont par conséquent pas relevés par le système. Il est clair que le nombre de cas de maladies liées à l'eau potable n'est pas considérable. Cependant, il est essentiel de faire davantage, de faire attention et de s'efforcer d'assurer la sûreté de l'eau potable à l'avenir, car il existe de nombreux défis.
Comme les membres du comité le savent probablement, on émet toujours des avis d'ébullition de l'eau dans toutes les régions du pays. Le cas le plus connu fut l'avis émis dans le district régional de Vancouver, qui a affecté de un à deux millions de personnes pendant deux semaines. C'est un incident sérieux et malheureux, mais qui n'aurait pas pu être évité si les dispositions du projet de loi S-205 avaient été en vigueur. Une nouvelle usine de traitement était déjà en cours d'élaboration et entrera en fonction en 2009. Ceci démontre que les gouvernements provinciaux et les administrations municipales attribuent beaucoup plus d'importance à la salubrité de l'eau potable maintenant qu'ils ne le faisaient avant la tragédie de Walkerton. Ils prennent les décisions nécessaires pour protéger la sûreté des approvisionnements en eau potable.
Il est important de comprendre les avis d'ébullition de l'eau, car il y en a beaucoup à l'échelle nationale. Le sénateur Grafstein et le sénateur Adams ainsi que d'autres personnes ont signalé le problème à Terre-Neuve-et-Labrador et dans d'autres régions du Nord. Il est possible que 1 500 avis d'ébullition de l'eau soient en vigueur à un moment donné. Ces avis ont généralement une connotation négative et c'est bien ainsi, car ils signalent un problème de contamination de l'eau potable. Nous devons toutefois les examiner en termes de leur efficacité — ce sont des mesures préventives puisqu'elles avertissent les gens que l'eau potable pourrait être insalubre et contenir un contaminant en raison d'un problème de traitement ou d'un problème lié à l'opérateur. Les avis d'ébullition de l'eau sont émis pour protéger la santé des Canadiens et sont un outil efficace, mais ils ne devraient pas être aussi nombreux.
Il est en outre important de signaler que la majorité de ces avis sont émis dans de petites communautés de moins de 5 000 habitants concernant lesquelles il convient d'être au courant d'une série de préoccupations différentes. Les petites communautés dont le nombre d'habitants est différent, ont besoin de solutions et d'options différentes. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des avis d'ébullition de l'eau concernent de petites communautés de 5 000 habitants ou moins, notamment des collectivités des Premières nations.
Une des initiatives essentielles à laquelle Santé Canada participe est l'élaboration d'un système national d'alerte et de communication pour les avis d'ébullition de l'eau potable. Le système d'alerte en temps réel que nous mettons en place avec l'Agence de santé publique du Canada permettra de détecter instantanément les maladies entériques, les déversements ou les fuites de produits chimiques et les éclosions de maladies d'origine hydrique et de les signaler aux agents de santé publique pour pouvoir intervenir immédiatement. Un système national d'alerte et de communication nous permettra de mieux comprendre les questions liées à la salubrité de l'eau potable à travers le pays et la portée des avis d'ébullition de l'eau. Ces avis peuvent être émis pour de nombreuses raisons. Si nous connaissons celles-ci, nous serons en mesure de cibler nos interventions avec la collaboration des provinces et des territoires pour régler ces problèmes. Je reconnais que c'est un défi difficile à relever.
On a tenu de longues discussions sur les difficultés concernant la salubrité de l'eau potable dans de nombreuses localités, que ce soit dans le Nord, dans des réserves des Premières nations ou dans d'autres communautés rurales et isolées. Santé Canada s'applique actuellement à apporter des solutions et à faire adopter des pratiques de gestion exemplaires. Le sénateur Grafstein a mentionné il y a deux semaines les options en matière de salubrité de l'eau potable dans les petites collectivités du Nord que l'on pourrait trouver en Finlande, en Norvège et dans d'autres pays.
Nous avons formé un consortium d'organismes de réglementation — provinciaux, territoriaux et fédéraux — avec le milieu universitaire et l'industrie, qu'il est très important de faire participer. C'est très important pour déterminer quelles sont les meilleures solutions, les pratiques de gestion exemplaires à faire adopter par ces petites collectivités. Nous collaborons avec ces partenaires pour élaborer des pratiques de gestion exemplaires applicables à de petits réseaux, en collaboration avec les collectivités concernées.
Nous collaborons en outre avec l'Organisation mondiale de la santé pour l'établissement d'un réseau ayant pour objet d'assurer la salubrité de l'eau potable et des approvisionnements d'eau des petites collectivités. Cette organisation a tendance à s'intéresser plus particulièrement aux pays en développement mais dans les pays développés, il existe également certains cas et certains problèmes de salubrité de l'eau potable. Nous collaborons à l'échelle nationale et internationale dans ce domaine. Nous estimons qu'il est important de cibler des ressources pour résoudre ces problèmes et de ne pas se contenter d'adopter des règlements.
Comme vous le savez, le ministre Prentice a déposé le rapport du groupe d'experts sur les régimes réglementaires et les options en matière de gestion de l'eau potable sur les terres des Premières nations. Le gouvernement est déterminé à régler rapidement ces questions qui suscitent de graves préoccupations pour tous les Canadiens.
Je voulais soulever deux points importants aujourd'hui. D'abord, les défis du passé sont en voie d'être résolus — peut-être pas aussi rapidement que nous l'aurions souhaité —, mais nous devons reconnaître les initiatives, les actions et les efforts qui ont été déployés depuis Walkerton pour assurer la salubrité de l'eau potable. Ensuite, l'approche de collaboration actuelle est la meilleure façon d'aborder les nouveaux défis. Nous devons compter sur les provinces et les territoires pour nous donner l'information que nous pouvons utiliser pour localiser les problèmes, savoir qui y a été exposé et identifier les contaminants. C'est un système très efficace.
Selon cette approche, les partenaires fédéraux, provinciaux, territoriaux et autochtones ont agi — et continuent d'agir — sans soulever de questions d'autorité constitutionnelle et sans s'exposer aux coûts importants associés à un rôle fédéral accru en termes d'inspection et de mise en application, et qui dédoublerait les régimes provinciaux et territoriaux existants.
Il reste la question de la mise en application du projet de loi S-205. Il permettrait au gouvernement fédéral de surveiller les décisions relatives à la gestion des bassins versants et à l'utilisation des terres qui pourraient avoir des conséquences sur la qualité des sources d'eau, alors que les provinces et les territoires sont déjà actifs dans ce domaine. La mise en œuvre du projet de loi S-205 serait un dédoublement qui perturberait sérieusement le système coopératif actuel qui est efficace et s'adapte aux besoins. Le projet de loi S-205 créerait un dédoublement et compromettrait l'approche actuelle, laquelle est basée sur la coopération et la collaboration et où les responsabilités sont attribuées à ceux qui sont les mieux placés pour agir.
La vice-présidente : J'avais suggéré que le sénateur Grafstein parle le premier, mais il m'a dit qu'il préférait attendre, ce qui est parfait.
Le sénateur Grafstein : La tradition veut que les membres du comité permanent prennent la parole les premiers. Je ne veux pas modifier cette convention. La convention veut que les membres supplémentaires parlent après d'autres membres. C'est la pratique que nous adoptons. Je voudrais déroger à la convention et demander à mes collègues qui voudraient intervenir de prendre la parole.
Le sénateur Milne : J'estime que lorsque quelqu'un présente un projet de loi d'initiative parlementaire, il doit normalement le défendre.
Le sénateur Grafstein : Je m'en remets au comité. Je suis prêt à prendre la parole.
Le sénateur Angus : Sénateur Milne, le sénateur Grafstein a déjà défendu son projet de loi avec beaucoup d'éloquence la semaine dernière. Nous sommes également prêts à le mettre sur la sellette à nouveau. Il a promis à la télévision nationale de me payer un repas avec une bonne bouteille de vin.
Le sénateur Milne : Pas une bouteille d'eau salubre?
Le sénateur Grafstein : Le prix total ne doit pas dépasser 100 $.
La vice-présidente : Monsieur Cooper, vous savez maintenant exactement à quel type de comité vous avez affaire.
Je signale que le sénateur Angus est arrivé. Il n'était pas là quand j'ai fait les présentations. Il vient de Montréal et est membre du comité.
Je donne la parole au sénateur Spivak.
Le sénateur Spivak : À la page 4, vous signalez que les décisions et les politiques concernant l'utilisation des terres sont établies en fonction de la protection des rivières, des lacs et des réservoirs aquifères qui constituent des sources d'approvisionnement en eau potable. En raison des frontières provinciales, on n'a toutefois certainement pas assez de contrôle ou de pouvoir pour vérifier cela de près.
En fait, dans ma province, à savoir au Manitoba, on a autorisé l'exploitation forestière sur un territoire d'une très grande superficie situé dans une zone vierge, en ne faisant pratiquement aucune recommandation et en n'imposant pratiquement aucun contrôle. Par conséquent, je me demande quelle preuve vous avez que ce que vous dites là est vrai.
M. Cooper : Vous avez tout à fait raison. De nombreuses pratiques actuelles menacent la qualité de nos eaux dans les réservoirs aquifères, les lacs et les rivières. La preuve que je donnerais est que la protection de la source d'eau est considérée maintenant comme une des barrières les plus importantes pour assurer la salubrité de l'eau potable.
L'Alberta, par exemple, a mis en place sa stratégie intitulée Water for Life qui porte sur la protection des sources d'approvisionnement en eau. Le gouvernement provincial compte établir des comités de gestion des bassins versants pour les principaux bassins versants de la province afin que les décisions concernant l'utilisation des terres soient prises collectivement, et avec la participation de tous les intervenants.
Le Québec a mis en œuvre une politique d'établissement de conseils de gestion des bassins versants. L'Ontario a adopté des dispositions législatives concernant la mise en place de plans de protection des bassins versants dans toute la province. Toutes les provinces doivent avoir mis en place des plans de protection des bassins versants d'ici cinq à sept ans.
Ce n'est pas une idée nouvelle, mais elle est relativement réfléchie. C'est une approche très complexe en matière de protection de l'eau potable, compte tenu de tous les types d'utilisation possibles des terres — la mise en valeur, les pratiques forestières, l'agriculture — et du nombre d'intervenants différents dans un bassin versant. Par exemple, la rivière Saskatchewan traverse les Prairies et tous les riverains contribuent à la pollution éventuelle.
Le sénateur Spivak : Le lac Winnipeg.
M. Cooper : C'est un autre bon exemple. Les bassins versants sont vastes. Les incidences sont variées et nombreuses. La protection des bassins versants ne sera pas facile. L'approche consiste généralement à établir des conseils locaux de protection des bassins versants pour que les décisions soient prises à l'échelle locale, mais aussi pour appuyer ces décisions par des règlements fédéraux — comme les dispositions de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement concernant les eaux usées municipales et la pollution et celles de la Loi sur les pêches — ou provinciaux. Un des plus grands défis auquel sont confrontés tous les gouvernements du Canada est la protection des sources d'approvisionnement en eau. Tout type d'utilisation des terres peut contribuer à la contamination des sources d'eau.
Le sénateur Spivak : Vous reconnaissez qu'on prend souvent des décisions d'aménagement des terres qui ne tiennent pas compte de ce facteur; il en a toujours été ainsi et cela continuera. Le méthane des bancs de houille en Alberta pourrait menacer tout le réseau hydrographique, mais on va de l'avant avec ce projet. On dirait qu'on adopte une approche schizophrène.
Quelles sont les dispositions législatives qui ont assez de mordant pour enrayer le développement lorsqu'il menace les sources d'approvisionnement en eau? En toute franchise, je ne pense pas que le régime actuel soit très robuste.
Je sais qu'il est nécessaire d'avoir des personnes de la région sur le terrain, car elles connaissent les bassins versants locaux. Cependant, il est plus efficace de mettre en œuvre des lois fédérales permettant d'intenter des poursuites contre les contrevenants que de laisser l'aménagement se poursuivre tout en tentant de protéger les sources d'eau.
M. Cooper : C'est une excellente remarque. Nous avons des leviers fédéraux à notre disposition, comme la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et la Loi sur les pêches, et les provinces aussi.
Le sénateur Spivak : Dans ma province, on enfreint davantage ces lois qu'on ne les observe.
M. Cooper : Il y a aussi la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et les lois provinciales équivalentes, dans lesquelles on s'attend à ce que les impacts sur les sources et la qualité de l'eau potable soient pris en considération. On procède actuellement à de nombreuses évaluations environnementales de projets d'aménagement, à l'échelle nationale, axées sur la salubrité de l'eau potable et nous faisons des études pour examiner les risques potentiels associés à ces projets.
Les gouvernements ne prennent pas pour autant des décisions qui vont à l'encontre de la protection des lacs, des rivières et des réservoirs aquifères. Je pense que nous avons une possibilité d'aller plus loin dans ce domaine. La protection des sources d'approvisionnement en eau pose un défi d'envergure. Je ne pense pas qu'il soit possible d'assurer cette protection par le biais d'une seule loi qui englobe tout, compte tenu des nombreux facteurs qui interviennent, depuis le transport à distance des polluants atmosphériques jusqu'au dépôt de mercure ou d'autres contaminants dans les Grands Lacs. Les sources de pollution de nos cours d'eau sont très nombreuses.
Le sénateur Spivak : Oui, les eaux d'égout brutes qui se déversent dans les Grands Lacs.
M. Cooper : Oui.
Le sénateur Angus : Monsieur Cooper, je ne peux pas m'empêcher de penser que vous n'êtes pas en faveur de ce projet de loi.
M. Cooper : C'est exact.
Le sénateur Angus : Les raisons que vous avez données sont relativement convaincantes. Sans vouloir trop généraliser, pensez-vous que le projet de loi constituerait un dédoublement du régime déjà en vigueur? Est-ce bien cela?
M. Cooper : C'est un des facteurs principaux. L'autre est que nous trouvons le système actuel très efficace. Contrairement à l'eau embouteillée, l'eau potable est locale de nature. La diversité de l'eau potable à l'échelle nationale est très grande. Nous n'avons pas la même eau potable partout. Pour les différents éléments qui se trouvent dans l'eau potable et la pollution potentielle, nous avons des systèmes de traitement très différents qui doivent être appliqués dans des situations différentes. C'est une question de coût et de capacité. Des défis énormes se posent. Nous pouvons nous adapter aux défis associés à l'eau potable de façon beaucoup plus efficace si nous collaborons avec les provinces, les territoires et les municipalités.
Le sénateur Angus : Est-ce que d'après vous, certains motifs d'ordre constitutionnel ou juridictionnel justifieraient le rejet de ce projet de loi ou reconnaissez-vous, comme l'affirme le sénateur Grafstein, que l'adoption d'une loi comme celle-ci serait conforme aux pouvoirs du gouvernement fédéral?
Elin O'Shea, avocate, Section du droit administratif et constitutionnel, Justice Canada : Bien qu'on puisse invoquer des arguments qui vont à l'encontre de cette proposition, le Parlement a probablement, en vertu du partage des pouvoirs et de son pouvoir en matière de droit pénal, le pouvoir de promulguer une loi de ce type.
Le sénateur Angus : Comme l'a signalé le sénateur Grafstein, c'est important.
Avez-vous eu l'occasion de lire la transcription du témoignage du sénateur Grafstein, surtout du plus récent?
M. Cooper : J'étais ici.
Le sénateur Angus : Vous étiez dans la pièce?
M. Cooper : Oui.
Le sénateur Angus : Le sénateur Grafstein est un homme économe; nous nous appliquons d'ailleurs tous à l'être ces temps-ci, car les pressions sur le trésor public sont nombreuses. Nous ne voudrions pas faire du dédoublement.
J'ai trouvé un de ses arguments très convaincants. Quelques années se sont écoulées et il a travaillé assidûment. Je ne veux pas employer le terme « harceler », mais il s'est occupé de cette affaire de façon très assidue, car il estime qu'il y a une lacune dans ce domaine. En outre, une certaine surveillance fédérale est essentielle, dans le but d'harmoniser les régimes malgré les différences. Il se base sur la prémisse que le gouvernement fédéral est déjà de la partie en raison de son mandat en matière d'approvisionnement en eau des collectivités autochtones. Je pense que c'est un de ses arguments.
Vous avez fait référence à l'eau embouteillée. Les sources d'approvisionnement naturelles mises à part, vous intervenez déjà dans le domaine. Est-ce bien cela?
M. Cooper : C'est exact.
Le sénateur Angus : Êtes-vous en mesure de mettre un chiffre sur le coût supplémentaire de l'infrastructure qui serait nécessaire? Avez-vous calculé ce qu'il en coûterait pour réaliser ce que le sénateur Grafstein tente d'accomplir par le biais de ce projet de loi?
M. Cooper : Nous n'en avons pas calculé le coût, mais nous pourrions faire état de certaines de nos préoccupations générales. Le sénateur Grafstein a signalé au cours des audiences de la semaine dernière que c'était une question de surveillance et de vérifications ponctuelles. Si nous réglementions l'eau potable aux termes de la Loi sur les aliments et drogues, cela nous imposerait des responsabilités supplémentaires liées à la reddition de comptes, à la transparence et à la démonstration de l'efficacité de notre travail.
La gestion et la réglementation des aliments et la réglementation de l'eau potable sont des domaines totalement différents. La réglementation de l'eau potable est associée à un traitement, à des paramètres et à des préoccupations différents. La diversité des questions liées à la qualité de l'eau et des types de traitements d'une région à l'autre du pays est telle que des compétences considérables seraient essentielles pour mettre la loi en application ou pour contrôler la conformité à la Loi sur les aliments et drogues. Il y a donc cette responsabilité. Si l'on prend la responsabilité en ce qui concerne l'eau potable, on ne peut pas se contenter de faire des vérifications occasionnelles pour voir si tout va bien. On a, en vertu de la loi, la responsabilité de faire un contrôle plus rigoureux.
En ce qui concerne les coûts d'infrastructure, d'après certaines estimations, le remplacement ou la mise à niveau des stations de traitement de l'eau du Canada et des réseaux de distribution coûterait de 40 à 80 milliards de dollars au cours des 20 prochaines années. C'est une somme considérable. Montréal est une candidate de choix en ce qui concerne le réseau de distribution.
Le sénateur Grafstein a mentionné que, alors que nous réglementons les aliments, nous ne donnons pas de subventions à Kellogg's ou à d'autres fabricants pour moderniser leurs usines. Je signale que le cas de l'eau potable n'est pas le même que celui d'une entreprise qui fabrique des produits pour les vendre sur les marchés internationaux ou sur le marché national. Ces produits passent par des réseaux de distribution, ils sont étiquetés, entreposés et distribués à une très grande échelle. L'eau potable, par contre, est locale. Tous les coûts associés à l'eau potable sont généralement associés à sa livraison et à son traitement. En d'autres termes, les consommateurs paient pour les services, mais l'eau n'est pas un secteur d'activité axé sur le profit. Les approches en ce qui concerne l'eau et en ce qui concerne les produits alimentaires sont différentes.
Si le gouvernement fédéral voulait assumer un rôle de surveillance, il serait peut-être en grande partie responsable de veiller à ce que l'infrastructure soit à niveau.
Le sénateur Angus : C'est l'objectif suprême, n'est-ce pas?
M. Cooper : Oui. Le gouvernement fédéral devrait participer au soutien de l'infrastructure; je ne dis pas qu'il ne devrait pas le faire. Actuellement, les responsabilités sont partagées en trois lorsqu'il s'agit de programmes d'infrastructure. Nous n'avons pas fait le calcul des coûts, mais nous estimons qu'ils seraient considérables, surtout dans le domaine de l'application de la loi et dans celui de la conformité.
Le sénateur Angus : Si des coûts élevés y sont associés, cela me convaincrait du fait que votre surveillance est nécessaire, mais nous y reviendrons plus tard.
Je vous félicite. Vos notes étaient excellentes et vous avez ajouté de l'information très utile en faisant votre exposé.
Ce qui se dégage de votre document, c'est que dans un monde où tout serait parfait, le projet de loi d'initiative parlementaire de notre collègue ne serait pas nécessaire. Ce dernier a fait valoir, en faisant preuve d'une grande sagesse, que notre recherche de la perfection a la conséquence improductive ou dilatoire d'écarter des approches intéressantes. Nous ne vivons pas dans un monde parfait. La situation est différente dans chaque province, mais nous avons appris que dans certaines régions, l'infrastructure nécessitait des travaux de rénovation ou de modernisation, ou qu'elle devait être remplacée.
Le sénateur Spivak : À Winnipeg.
Le sénateur Angus : Nous avons entendu parler du Manitoba. Nous venons d'entendre parler de Montréal, dans la province du Québec. J'hésite. Votre explication est très pertinente. Vous avez mis l'accent sur les améliorations qui ont été apportées depuis la tragédie de Walkerton, mais il reste que celle-ci a bien eu lieu. La situation récente en Colombie-Britannique est une réalité, malgré les plans les mieux calculés des souris et des hommes.
Vous m'avez convaincu l'un et l'autre, mais l'argument qui pourrait l'emporter pour le bon sénateur, c'est que mieux vaut prévenir que guérir. Vous surveilleriez les responsables locaux qui ont en fait le pouvoir; vous auriez le contrôle et ne devriez pas investir les fonds, sauf en cas de graves lacunes dans la livraison d'eau salubre; par conséquent, en vertu des dispositions de ce projet de loi, vous auriez le pouvoir d'intervenir et de les mettre au pas.
Ce n'est pas une question, en fait, mais je vous invite à faire des commentaires. C'est actuellement mon dilemme. J'ai entendu parler de ce projet de loi il y a six mois. Je suis influencé par ma collègue, le sénateur Spivak qui présente parfois des projets de loi d'initiative parlementaire pour combler certaines lacunes. J'ai été persuadé que ce n'est pas un exercice futile. Nous avons fait une étude sur l'eau au Canada, de l'Est à l'Ouest. Nous avons été étonnés par les différences régionales. J'apprécierais que vous expliquiez quelles seraient les conséquences néfastes de ce projet de loi.
M. Cooper : J'insiste sur le fait que nous reconnaissons tous que ce n'est pas un exercice futile. Le sénateur Grafstein a attiré l'attention sur l'importance de l'eau potable. Le sénateur Banks est un membre actif du circuit des politiques de Pollution Probe en ce qui concerne une politique relative à l'eau. Il est important de continuer à attirer l'attention sur l'eau.
Vous avez évoqué le rôle de surveillant, le marteau et le fait de regarder par-dessus l'épaule. Ce n'est peut-être pas la meilleure comparaison, mais je préférerais marcher main dans la main avec les provinces et les territoires que de les surveiller, car nous avons un système qui est très axé sur la collaboration. Nous devons compter sur eux pour obtenir de l'information sur ce que contient l'eau et sur la nature des problèmes qui se posent. Nous collaborons constamment; nous nous réunissons pour trois jours deux fois par an.
Le sénateur Angus : Faites-vous cela avec toutes les provinces?
M. Cooper : Nous le faisons avec toutes les provinces et territoires. Nous passons en revue les priorités pour élaborer les lignes directrices qui sont nécessaires et mettre les autres à jour. D'un commun accord, les participants appuient celles-ci et rentrent dans leur province ou territoire où ils les mettent en application.
On peut toujours instaurer un autre système pour la surveillance et on peut toujours dire qu'il est utile d'avoir certains contrepoids. Cependant, s'il s'agit d'investir des ressources à un endroit, nous savons que nous pouvons examiner ensemble des difficultés considérables pour trouver des solutions qui ne soient pas de nature réglementaire. Quand la quantité de contaminants chimiques est excessive, il faut examiner les risques corrélatifs. Il ne faut pas nécessairement couper l'eau si l'exposition pendant toute une vie ne représente qu'un risque marginal.
Nous collaborons avec les provinces, car elles ont une expérience directe. Elles ont les compétences associées à leurs systèmes de traitement et gèrent de nombreux systèmes à l'échelle locale.
Notre modèle est axé sur la collaboration. Au cours des dix dernières années, le nombre de cas d'éclosion de maladies d'origine hydrique et de décès causés par l'eau a été aussi élevé aux États-Unis et au Royaume-Uni que chez nous. À Milwaukee, par exemple, 400 000 personnes ont été atteintes de cryptosporidie en 1993. Comme l'a signalé le sénateur Grafstein, ces pays ont pourtant établi un système fédéral de surveillance.
Le régime réglementaire ou le régime réglementaire de secours ne protégeront pas la population; c'est au niveau des interventions au sujet desquelles nous prenons des décisions collectives au Canada qu'il faut agir, qu'il s'agisse du fait que nous devons utiliser des camions-citernes dans le Nord pour approvisionner les collectivités du Nunavut et les autres collectivités des territoires en eau ou de certains impacts sur les sources d'approvisionnement en eau. Il faudrait que nous concentrions notre attention sur la protection des sources d'approvisionnement en eau, dans les petites collectivités. Je ne préconise pas des discussions dans le cadre de conférences; ce que je suggère, c'est de mettre à l'essai les pratiques de gestion exemplaires dans les collectivités et d'amener l'industrie à axer ses efforts sur le marché canadien plutôt que sur le marché international et à apporter des solutions.
On peut mettre en place les renforts, mais les ressources sont limitées. La collaboration fédérale-provinciale-territoriale est excellente. Nous n'avons pas encore réussi à garantir la salubrité de l'eau potable pour tous les Canadiens, mais c'est l'objectif de tous les gouvernements et une priorité de tous les citoyens de s'assurer que leur eau potable est salubre. Nous pensons être sur la bonne voie en détectant et réglant les problèmes au lieu d'établir un régime réglementaire de plus qui serait en fait un dédoublement du régime actuel.
Le sénateur Angus : Est-ce que des normes nationales efficaces sont déjà en place sous le régime que vous administrez?
M. Cooper : Oui. On a déjà signalé que les lignes directrices en ce qui concerne la qualité de l'eau potable canadienne sont volontaires, mais le comité fédéral-provincial-territorial a établi un comité principal de la santé et de l'environnement qui adopte officiellement les lignes directrices. Ces lignes directrices sont communiquées aux provinces; elles ont d'ailleurs été intégrées à des dispositions législatives ou réglementaires et sont devenues des normes exécutoires dans sept provinces. Les autres provinces et territoires ont recours à des permis et des licences ponctuels en ce qui concerne les stations de traitement de l'eau. Dans les provinces où l'on applique les mêmes lignes directrices à titre de normes, celles-ci doivent être respectées. Les lignes directrices sont élaborées à l'échelle nationale. Elles sont mises en application à l'échelle provinciale et territoriale.
Le sénateur Angus : Comme il convient.
M. Cooper : Bien sûr.
Le sénateur Angus : Je comprends.
M. Cooper : Ce n'est pas toujours approprié aux États-Unis, où des niveaux maximum de contaminants ont été établis. S'il y a 80 contaminants chimiques, les Américains doivent faire des mesures pour ces 80 contaminants, même si on ne les retrouve pas particulièrement dans leur source d'approvisionnement en eau potable. Au Canada, on se base sur la source d'approvisionnement et on applique les normes à l'eau potable pour pouvoir maintenir les coûts de surveillance à un niveau raisonnable.
Le sénateur Angus : Si le ministre Clement vous appelait lundi matin pour vous présenter un nouveau projet de loi en disant qu'il veut que vous vous assuriez qu'il soit mis en œuvre de façon appropriée, vous lui répondriez que cela aurait un effet négatif sur ce que vous faites déjà et sur le bon travail que vous faites actuellement.
M. Cooper : Oui. La Confédération est extraordinaire, mais seulement lorsqu'elle fonctionne bien. Je reconnais qu'avant Walkerton, ça ne fonctionnait pas bien. Walkerton a été un réveil. North Battleford en a été un autre. L'incident de Vancouver nous a ouvert les yeux davantage.
Le sénateur Angus : J'habite dans North Hatley, à Magog, et nous devons faire bouillir l'eau du lac Massawippi et celle du lac Memphrémagog à cause des algues bleues. Des causes encore plus profondes sont liées à des questions auxquelles le sénateur Spivak et moi-même sommes particulièrement intéressés; ce sont d'autres types de dégradation de l'environnement qui ont causé la propagation de ces algues. La plupart des habitants de la ville de Sherbrooke tirent leur eau de ces lacs; en hiver, les personnes qui habitent en bordure des lacs tirent directement leur eau de ces lacs. On nous a déconseillé de le faire cet hiver et, par conséquent, beaucoup de gens manqueront d'eau.
M. Cooper : Je comprends ces préoccupations; c'est effectivement une situation inacceptable. Il est préférable que le problème soit réglé à l'échelle locale en raison des décisions concernant l'utilisation des terres, en ce qui concerne l'épandage d'engrais ou les eaux usées. Ces bactéries sont le résultat de la conjugaison de plusieurs facteurs.
Le sénateur Angus : Ces questions sont complexes. Nous ne voulons pas tout gâcher. Si ce projet de loi est raisonnable, comme le prétend le sénateur Grafstein, et que vous pouvez vous y adapter, je voterai probablement finalement en sa faveur mais, pour l'instant, j'hésite encore. J'apprécie votre témoignage. Je l'examinerai et l'écouterai attentivement.
Le sénateur Milne : Monsieur Cooper, d'après vous, le régime actuel est efficace, mais avez-vous bien dit que 1 500 villes sont actuellement visées par une ordonnance d'ébullition de l'eau?
M. Cooper : L'année dernière, à peu près à la même période que celle-ci, nous avons fait une enquête auprès des provinces et des territoires pour évaluer le nombre d'avis d'ébullition de l'eau qui étaient en vigueur. Je pense que nous en avons relevé 1 765 dans sept provinces. La plupart de ces avis concernaient des terrains de camping saisonniers ou des cas de petite envergure; dans tous les cas, il s'agissait de petites collectivités. Bien sûr, nous trouvons cela inacceptable, et c'est pourquoi nous nous appliquons non seulement à recueillir de l'information sur les avis d'ébullition de l'eau potable — et la raison pour laquelle ils sont émis est qu'on a mis en place un système en temps réel et un contrôle —, mais nous nous efforçons en outre de résoudre certains des problèmes. Nous ne voulons pas que ces avis persistent.
Le sénateur Milne : C'est précisément là que je voulais en venir. De toute évidence, le système n'est pas efficace; si on a relevé 1 700 avis dans sept provinces, la moyenne actuelle est probablement d'environ 2 000 avis pour l'ensemble du Canada.
M. Cooper : Oui, le nombre pourrait être aussi élevé.
Le sénateur Milne : Donc, le système n'est pas efficace. A-t-on pris des initiatives au niveau fédéral pour s'assurer que les provinces mettent en œuvre les recommandations du juge O'Connor?
M. Cooper : Comme je l'ai signalé, nous examinons toutes les recommandations avec la collaboration des provinces et des territoires pour pouvoir communiquer l'information concernant les pratiques de gestion exemplaires entre les différents paliers de gouvernement.
Je signale que la réglementation ne résoudra pas le problème des avis d'ébullition de l'eau. Ceux-ci sont des mesures de protection mises en place parce qu'un problème a été détecté. De nombreuses petites collectivités peuvent se contenter de chlorer leur eau potable pour la désinfecter. Si le degré de turbidité de l'eau est élevé, elles peuvent être amenées à émettre un avis d'ébullition.
Le système faisant intervenir des opérateurs pose un défi d'envergure. Lorsqu'il s'agit d'une ville de 100 ou 200 habitants, les opérateurs ont généralement plusieurs tâches différentes. Ils ne se consacrent pas entièrement à cette responsabilité. On ne résoudra pas le problème uniquement par la réglementation. Il est essentiel d'apporter des solutions. Ce n'est pas en imposant une amende à certaines personnes ni en les jetant en prison parce que les niveaux limites sont dépassés ou en émettant un avis d'ébullition de l'eau qu'on réglera le problème du besoin de ressources pour aménager l'infrastructure nécessaire et pour traiter l'eau de façon appropriée, ainsi que pour donner aux opérateurs la formation et l'accréditation qui sont nécessaires. Actuellement, toutes les provinces exigent que les opérateurs soient accrédités. Ce processus est actuellement en cours dans un territoire et une province.
Le nombre de facteurs qui interviennent est très élevé. Par exemple, un problème de réseau de distribution se pose également. Ottawa a mis en place un système de traitement élaboré à Britannia et à l'île Lemieux, basé sur la floculation, la coagulation et la sédimentation. On ne peut pas appliquer le même système de traitement aux petites municipalités.
Le sénateur Milne : J'en suis très consciente. Je suis particulièrement préoccupée au sujet des petites collectivités. Je suis préoccupée au sujet des réserves autochtones. Combien de réserves autochtones font actuellement l'objet d'un avis d'ébullition de l'eau?
M. Cooper : Je n'ai pas ces chiffres. J'ai entendu parler de 75, mais c'était peut-être aux dernières audiences du comité. Quelqu'un a mentionné 91 et, par conséquent, le nombre a peut-être augmenté.
Monsieur Prentice, le ministre des Affaires indiennes et du Nord, a fait de la résolution de ce problème une priorité bien claire. Le rapport d'examen du groupe d'experts a été déposé et une des conditions préalables est qu'on puisse mettre en place un régime réglementaire. Le groupe a proposé diverses options. Cependant, il a précisé que les règlements ne serviront à rien si les problèmes de ressources, de capacité et de formation ne sont pas réglés. Les deux facteurs doivent être combinés.
Le sénateur Milne : C'est précisément cela. La question des ressources pose un réel problème. Vous avez mentionné les réservoirs aquifères. La plupart des petites collectivités des réserves autochtones tirent leur eau de réservoirs aquifères dont on n'a pas encore fait un relevé complet au Canada. Nous ne savons pas où ils se trouvent et nous ne connaissons pas leur tracé. Nous avons entendu des témoignages à ce sujet. Ce problème est dû au gouvernement fédéral car il a diminué les crédits des services agricoles qui faisaient le relevé des réservoirs aquifères.
C'est donc indéniablement une question de ressources, mais j'estime que le gouvernement fédéral a d'abord la responsabilité de faire un relevé des réservoirs aquifères, puis de s'assurer que l'eau de consommation de nos réserves autochtones est potable. Cela m'inquiète quand je vous entends parler de marcher main dans la main avec les provinces. C'est bien et cette approche a probablement fait l'affaire jusqu'à présent, mais ce n'est plus suffisant.
M. Cooper : Je suis d'accord avec ce que vous dites. Ce n'est plus suffisant. Nous avons effectivement besoin d'informations plus précises sur nos ressources en eau souterraine, car c'est la source d'approvisionnement en eau potable de près de 30 p. 100 des Canadiens. C'est une ressource clé. Nous sommes préoccupés au sujet de sa disponibilité et de sa qualité; il est donc nécessaire de consacrer davantage de temps et de ressources à une étude plus approfondie de cette ressource. Je ne serais pas ici si je n'estimais pas qu'il est nécessaire de faire davantage d'efforts pour protéger l'eau potable. C'est une préoccupation de tout premier plan. Le gouvernement fédéral se préoccupe de la qualité de l'eau potable. Il est essentiel d'accorder la priorité aux réserves des Premières nations. Nous estimons que notre approche fondée sur la collaboration est efficace pour réaliser des progrès; nous n'avons pas atteint tous les objectifs essentiels, mais c'est la meilleure approche pour protéger notre eau potable.
Le sénateur Milne : Vous estimez que l'approche qui consiste à travailler main dans la main que vous avez adoptée est probablement la plus efficace compte tenu des ressources dont vous disposez actuellement.
M. Cooper : Oui, mais des ressources supplémentaires aideraient malgré tout, que ce soit à l'échelon fédéral ou à l'échelon provincial, à résoudre les problèmes liés à l'eau potable. Il est impératif que nous portions surtout notre attention sur les petits réseaux et sur ceux qui font l'objet d'avis d'ébullition de l'eau. Ce n'est toutefois pas une preuve de la nécessité d'établir un régime réglementaire car tous les pays, y compris les États-Unis et les pays européens, sont confrontés à des problèmes et à des difficultés semblables. Cette situation n'est pas propre au Canada.
Le sénateur Milne : Combien de réserves autochtones relevant directement de la responsabilité du gouvernement fédéral font constamment l'objet d'un avis d'ébullition de l'eau?
M. Cooper : Il faudrait que vous demandiez cette information au ministère des Affaires indiennes et du Nord ou je pourrais peut-être l'obtenir pour vous.
Le sénateur Milne : Pourriez-vous l'obtenir pour nous?
M. Cooper : Bien sûr. Ces réserves sont considérées comme étant les plus à risque et ce sont celles dans lesquelles des mesures ont été prises.
Le sénateur Milne : Nous l'espérons.
M. Cooper : Nous sommes tous préoccupés par la situation et voulons qu'elle s'améliore. Des sommes considérables ont été dépensées depuis 2003 et avant cela. Il est essentiel de redresser la situation.
Le sénateur Adams : Un problème d'eau potable s'est posé à Rankin Inlet, au Nunavut, l'année dernière. Des bactéries se sont introduites on ne sait trop comment dans le réseau de distribution d'eau. Cela s'est produit une fois et cela se produira à nouveau.
Au Nunavut et dans les territoires, c'est Travaux publics et Services gouvernementaux Canada qui s'occupe de l'entretien du système de distribution d'eau. La municipalité nous envoie une facture d'eau tous les mois. Étant donné que nous sommes dans l'Arctique, nous pensions avoir la meilleure qualité d'eau au monde. De nos jours, tout est basé sur un réseau qui assure la livraison de l'eau à partir du réservoir. Un problème se pose toutefois actuellement.
J'expliquais au comité qu'en raison surtout de la présence d'anciens dans toutes les collectivités du Nord, nous ne voulons pas que l'eau potable vienne d'un réseau de distribution d'eau ni qu'on installe un réseau d'eau et d'égouts dans la collectivité, d'autant plus que nous n'avons plus confiance dans l'eau. Elle contient trop de chlore.
Au Nunavut, 26 collectivités sont raccordées au même système d'eau et d'égouts. Rankin Inlet, Iqaluit et Resolute Bay ont des réseaux d'eau et d'égouts différents.
J'ai un ami qui habite à une dizaine de kilomètres de Rankin Inlet. Tous les deux ou trois jours, il va vérifier son filet. Il emporte avec lui un bidon pour ramener de l'eau potable pour faire du thé. Quand on essaie de faire du thé ou du café avec l'eau du réseau de distribution, il est noir. La seule méthode que j'ai trouvée pour éclaircir mon thé, c'est d'y ajouter du citron. Ça l'éclaircit un peu.
À Rankin Inlet, il y a du poisson dans le lac situé à dix kilomètres de chez nous. La peau du poisson est décolorée parce que l'eau chlorée du réseau est rejetée dans le lac. La peau du poisson s'est éclaircie parce que de trop grandes quantités d'eau sont rejetées dans le lac. Voilà le type de réseau qui a été mis en place.
Nous avons souvent constaté que les poissons qui se trouvent dans les rivières remontent jusqu'au lac. Ils se retrouvent parfois captifs dans une mare dont la surface gèle. De nombreux ombles de l'Arctique ont ainsi péri à cause du manque d'oxygène dans ces mares.
Il y a un réservoir qui fournit l'eau potable aux habitants de la collectivité en hiver. Parfois, une couche de cinq à six pieds de glace s'accumule à la surface de ce réservoir. Nous envisageons alors d'émettre des avis d'ébullition de l'eau.
Nous avons un conseil consultatif sur l'eau. Quand un incident semblable se produit, les gens vont au poste de soins infirmiers d'un des deux hôpitaux, car il y en a maintenant un à Rankin Inlet. J'ignore à quelle fréquence l'eau du robinet est analysée. Les seules occasions où les habitants doivent se rendre au poste de soins infirmiers de l'hôpital sont lorsqu'ils ont la diarrhée ou vomissent.
Tout ce que je sais au sujet des personnes qui analysent l'eau de la collectivité, c'est qu'elles émettent des avis qui ne concernent pas du tout la collectivité. Les personnes auxquelles vous faites référence sont peut-être d'autres personnes que des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes.
Chez nous, le conseil responsable de l'eau a des droits de surface. Il faut obtenir un permis d'exploitation hydraulique pour pouvoir faire de l'exploitation minière, à cause des risques de pénuries d'eau. C'est tout ce que nous avons. Nous avons le conseil responsable de l'eau et les droits de surface pour l'exploitation minière, pétrolière et gazière au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest.
Les avis d'ébullition de l'eau sont-ils émis par le ministère de la Santé? Est-ce que ce sont des médecins ou des scientifiques qui déterminent le type d'eau qui convient le mieux pour la consommation humaine? J'aimerais avoir davantage d'information à ce sujet.
M. Cooper : Demandez-vous qui émet les avis d'ébullition de l'eau?
Le sénateur Adams : Oui.
M. Cooper : D'une façon générale, c'est le médecin hygiéniste ou le médecin hygiéniste en chef qui émet les avis, car c'est une question qui concerne la santé.
Les avis d'ébullition de l'eau sont émis quand on détecte la présence de E. coli ou une contamination fécale potentielle de l'eau potable, susceptible de causer une maladie entérique.
L'avertissement est donné à l'échelle locale. Il y a généralement un agent régional et un agent local des services de santé, selon la taille de la collectivité. C'est à ce niveau que sont émis les avis.
Le sénateur Adams : À propos de population, vous citez des chiffres de 5 000 ou 10 000 habitants. Dans ma région, certaines collectivités comptent moins de 200 personnes. Les avis sont-ils émis par la population?
M. Cooper : Non. Si l'on détecte la présence de contaminants microbiologiques dans l'eau potable, quelle que soit la taille de la collectivité, un avis d'ébullition de l'eau est émis en raison des risques élevés.
Il est absolument inadmissible de ne pas mieux s'adapter à la situation des petites collectivités. D'autres pays sont confrontés au même problème. Il est clair que nous devons faire davantage d'efforts dans ce domaine.
Nous sommes confrontés à des difficultés particulières dans les régions où les habitations sont construites sur le pergélisol. On a moins d'options en ce qui concerne l'approvisionnement en eau potable au cours de l'hiver. Si nous ne concentrons pas nos efforts sur la résolution de ces problèmes, ce ne sont pas des règlements qui nous aideront.
Non seulement des collectivités du Nord, mais aussi de nombreuses autres collectivités, font parfois l'objet d'un avis d'ébullition de l'eau pendant un an ou deux parce qu'elles n'ont pas investi dans le traitement de l'eau ou dans le salaire d'un opérateur ayant reçu une formation adéquate dans ce domaine.
Étant donné les coûts qu'un avis d'ébullition de l'eau entraîne pour une collectivité ou les coûts que cela entraîne pour une ville comme Vancouver d'être touchée par un avis d'ébullition pendant deux semaines, je suis sûr que les pertes s'élèvent à plusieurs millions de dollars.
Je ne cherche pas à simplifier le problème au point de dire que c'est une question de culture, mais il faut respecter la valeur de l'eau. Il ne s'agit pas simplement d'être capable de la réglementer. Dans le cas d'une petite collectivité de 3 000 à 5 000 habitants, voire de 200 habitants, si l'on peut reconnaître que l'eau potable est salubre, c'est déjà une partie de la solution. Il est important de payer la valeur de la fourniture de l'eau.
C'est un défi de taille pour les petites collectivités. C'est pourquoi il est impératif de trouver des solutions plus intéressantes.
Le sénateur Adams : Compte tenu de ce qui s'est passé à Walkerton, Affaires indiennes et du Nord Canada a un service qui est responsable des réservoirs et de toutes les installations situées dans les réserves. Nous ne vivons toutefois pas dans des réserves au Nunavut. La situation est-elle différente? Nous n'avons aucun lien avec Affaires indiennes et du Nord Canada. Y a-t-il dans ce ministère des ingénieurs qui sont responsables du réseau de distribution d'eau dans les réserves?
M. Cooper : Affaires indiennes et du Nord Canada collabore avec le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Avec les bandes, Affaires indiennes et du Nord Canada gère la conception, la construction et l'entretien des systèmes de traitement de l'eau dans les réserves. Ils collaborent avec d'autres ministères, comme Santé Canada et quelques autres.
Le sénateur Milne : Dans une petite collectivité d'environ 200 habitants, comme Rankin Inlet, au Nunavut, où l'on vit sur le pergélisol et où des écoulements des bassins de décantation peuvent contaminer le système d'approvisionnement en eau et le réservoir de la collectivité, qui est responsable des analyses de l'eau et qui est chargé de s'assurer qu'elle ne contienne pas de contaminants?
La surface gèle l'hiver. Qui, dans les petites collectivités, est chargé de faire les analyses et de déterminer si l'eau n'est pas contaminée par des bactéries, voire par des produits chimiques?
M. Cooper : C'est le ministère de la Santé ou le ministère de l'Environnement des territoires qui est chargé de faire faire les analyses et de vérifier si l'eau n'est pas contaminée par les bassins miniers et les bassins de décantation.
Je reconnais qu'il est essentiel de faire des efforts collectifs pour améliorer l'efficacité du système.
Le sénateur Adams : Combien d'entreprises productrices d'eau embouteillée y a-t-il au Canada?
M. Cooper : À peu près autant que de brasseries. Il semblerait que ce soit un secteur en pleine croissance.
Je pense que, d'après les chiffres les plus récents, le Canada importe de plus grandes quantités d'eau embouteillée en provenance de l'étranger qu'il n'en produit ou n'en exporte. Il existe de nombreuses entreprises dans ce secteur, et les plus grandes sont généralement étrangères.
Je ne suis pas expert en matière d'eau embouteillée.
Le sénateur Adams : À Rankin Inlet, l'eau embouteillée coûte autant qu'une bouteille de coca et ces entreprises font des profits. Nous devons faire bouillir l'eau parce que nous n'avons pas confiance dans les réservoirs de notre région. Nous devons parcourir des distances de deux ou trois milles pour aller chercher de l'eau.
Les entreprises qui font des profits en vendant de l'eau embouteillée ne paient pas leur eau. Ces entreprises rentables font maintenant du lobbying auprès du gouvernement pour que celui-ci ne leur refile pas la facture, sous prétexte que cela aurait une incidence néfaste pour elles. C'est pourquoi j'ai demandé quel était le nombre d'entreprises productrices d'eau embouteillée au Canada et à l'étranger.
M. Cooper : Nous préconisons de boire de l'eau du robinet plutôt que d'acheter de l'eau embouteillée. L'eau embouteillée n'est pas une solution, même s'il est nécessaire d'y avoir recours de temps à autre.
Le sénateur Spivak : Vous avez déjà établi des lignes directrices. Je ne vois pas pourquoi ce serait si contradictoire que cela d'établir des normes nationales et de collaborer.
La science et la recherche relèvent, naturellement, du gouvernement fédéral, et il devrait orienter ces activités sur les sources d'approvisionnement en eau.
Si l'eau libre est sous le régime de la Loi sur les aliments et drogues, cela aura-t-il une incidence sur l'ALENA?
M. Cooper : Le comité se souvient peut-être que la Loi du Traité des eaux limitrophes internationales avait été modifiée il y a trois ou quatre ans par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et par Environnement Canada, dans le but d'interdire le prélèvement d'eau à grande échelle dans le bassin des Grands Lacs et dans plusieurs autres bassins internationaux.
Étant donné que vous interdisez le prélèvement d'eau à grande échelle d'un bassin hydrographique à un autre, vous émettez une interdiction avant que cela ne puisse devenir un produit. Par conséquent, cette eau n'est pas sous le régime de l'ALENA.
Cette interdiction a pour but de protéger le bassin et l'eau qu'il contient.
Le sénateur Spivak : Il y a déjà de l'eau embouteillée, qui est prélevée sur des sources d'eau. Est-ce bien cela?
M. Cooper : Oui.
Le sénateur Spivak : C'est donc un produit.
M. Cooper : C'est exact.
Le sénateur Spivak : Si l'eau devient un produit au sens de la Loi sur les aliments et drogues, cela sera-t-il suffisant pour la protéger?
Mme O'Shea : Je regrette, mais je ne suis pas une experte en ce qui concerne l'ALENA.
Le sénateur Spivak : C'est bien.
M. Cooper : C'est une question intéressante, et il faudrait l'examiner. Cette eau n'est pas vendue comme un produit dans un but lucratif. Vous payez en réalité pour la livraison, le service et le traitement et pas pour l'eau comme telle. Il faudrait examiner la question dans le contexte de l'ALENA.
Le sénateur Grafstein : Monsieur Cooper, merci pour les informations que vous avez données en toute franchise; elles ont été très utiles. Je remercie également Mme O'Shea, car c'est une recherche qui dure depuis cinq ans. Nous avons enfin de l'information précise au compte rendu. Le gouvernement fédéral a le pouvoir d'exercer sa compétence en ce qui concerne ce projet de loi. Je vous en remercie.
J'ai eu trois problèmes à surmonter dans le contexte de ce projet de loi. Je voudrais les exposer l'un après l'autre.
Premièrement, il a fallu tenir compte du pouvoir constitutionnel. Je vous remercie pour cette information. Il m'a fallu cinq ans pour pouvoir faire consigner ce court énoncé au compte rendu.
Deuxièmement, il y a la question du coût. Je voudrais en discuter aujourd'hui.
Troisièmement, je voudrais examiner la question de la collaboration à laquelle M. Cooper a fait référence. Je voudrais ensuite faire des commentaires sur le pouvoir fédéral.
Je voudrais d'abord raconter une anecdote. Elle concerne la concurrence entre votre ministère et le ministère des Pêches et des Océans. Le ministère des Pêches a été confronté au même problème que vous; il a essayé de collaborer avec la province pour s'assurer que le poisson puisse nager dans des eaux non polluées et survivre.
Ce ministère en est arrivé à la conclusion qu'il devait exercer le pouvoir fédéral pour s'assurer dans toute la mesure du possible que le poisson d'eau douce soit exempt de pollution. Étant donné que le sénateur Adams vit sur la terre et se nourrit de ce qu'elle lui donne, il comprend cette question mieux que la plupart des personnes.
Harry Truman avait coutume de dire que le pouvoir fédéral peut parfois être une force constructive pour obliger les provinces à faire le travail qu'elles avaient la responsabilité de faire en vertu de la Constitution, mais qu'elles n'ont pas fait.
Je comprends la question de la collaboration. Je vous félicite pour votre collaboration avec les provinces. Cependant, comme l'a signalé le sénateur Milne, les résultats ne sont pas satisfaisants.
Que ferons-nous lorsque éclatera une tragédie nationale ou un scandale national? Je voudrais faire quelques observations sur un autre conflit, puis je poserai mes questions.
Vous avez donné de l'information peu détaillée sur les coûts. La question des coûts est ma deuxième difficulté. Vous avez mentionné des coûts d'une quarantaine de milliards de dollars sur une période de 20 ans. Les coûts ont-ils été évalués à 40 milliards de dollars?
M. Cooper : Ils devraient osciller entre 40 et 80 milliards de dollars.
Le sénateur Grafstein : Utilisons le chiffre le plus élevé de 80 milliards de dollars, sur une période de 40 ans, ce qui fait deux milliards de dollars par an. Dans quelles proportions votre ministère est-il responsable de la santé publique dans notre pays? Quel est son budget annuel?
M. Cooper : Pour être tout à fait honnête avec vous, je n'en suis pas sûr.
Le sénateur Grafstein : Reconnaissez-vous que ce budget se chiffre à plusieurs milliards de dollars?
M. Cooper : Oui.
Le sénateur Grafstein : Le gouvernement fédéral est responsable du financement de la santé publique. Par conséquent, le contribuable doit payer pour la santé de chaque individu. Votre ministère a-t-il fait une analyse du coût que représentent pour le système de santé publique les personnes qui ont été malades après avoir consommé de l'eau insalubre? Faites-vous un suivi de la situation?
Nous examinons les coûts. C'est une situation gagnant-perdant. Il faut examiner le coût de l'application de la loi et des règlements. Comme l'ont signalé le président et d'autres personnes, mieux vaut prévenir que guérir.
Je n'ai pas pu établir le total des coûts malgré les efforts que j'ai faits pendant cinq ans. Quel est le coût total annuel pour le contribuable des conséquences de la consommation d'eau insalubre? Quel est le coût sur une période plus longue car, dans certains cas — à Walkerton, par exemple —, les personnes atteintes auront des séquelles toute leur vie. Vous avez signalé que les coûts posaient un problème, et c'est exact, mais dans ce cas, il faut examiner tous les types de coûts.
M. Cooper : Nous tentons d'avoir une notion assez précise du fardeau que représentent les maladies causées par de l'eau potable insalubre. Dans de nombreux cas de maladies entériques ou gastro-intestinales, la source est inconnue. La maladie peut être causée par la consommation de certains aliments, par des contacts individuels, par l'eau potable ou elle peut être due à d'autres facteurs. Comme je l'ai signalé, l'Agence de santé publique a géré au cours des deux dernières années un système d'alerte en temps réel qui assure une surveillance des maladies entériques. Des cas de maladies entériques ont été enregistrés par le système. Certains problèmes ont été causés par exemple par des laitues et d'autres produits alimentaires en provenance des États-Unis.
Au cours des deux dernières années, cette agence a fait un suivi de 168 cas ou éclosions de maladies entériques dont aucun n'a été rattaché à une source d'eau potable. Ça ne signifie pas que l'eau potable n'est pas occasionnellement la cause de maladies, mais la plupart des données disponibles indiquent que ce n'est pas l'eau potable qui est la cause des maladies entériques. Il est davantage probable qu'elles soient causées par des aliments, par des contacts individuels, par des voyages et d'autres facteurs semblables.
Le sénateur Spivak : Les hôpitaux rendent malade.
M. Cooper : Oui.
C'est une question très importante, et notre comité fédéral-provincial-territorial axe ses efforts sur une approche fondée sur la santé de la population pour déterminer ce qui rend les gens malades. Nous concentrons notre attention sur l'ajustement de ces questions. Je ne peux toutefois pas citer un chiffre en ce qui concerne les coûts.
Le sénateur Grafstein : Le ministère, ou un de ses services, a-t-il fait une estimation de ces coûts?
Je me débats depuis plusieurs années, depuis que j'ai entamé cette longue recherche. Tout ce que j'ai pu faire, c'est demander de l'aide au professeur Schindler. Nous avons fait des estimations au verso d'une enveloppe. Vous avez entendu mon témoignage à ce sujet et vous avez peut-être entendu celui du professeur Schindler il y a quelques années, bien qu'il n'ait peut-être pas témoigné devant votre comité. Il a fait un exposé à une conférence que nous avons tenue dans une communauté autochtone du Nord il y a trois ans.
D'après ses estimations, le coût minimum oscillerait entre un et deux milliards de dollars par an. Il s'est basé sur plusieurs éclosions. Il y a eu une éclosion à Vancouver, à la suite de laquelle 17 000 personnes sont tombées malades et sont allées à l'hôpital. Je reparlerai de l'affaire de Vancouver, qui n'est pas encore terminée.
Nous avons fait quelques calculs. Nous avons présumé que le ministère de la Santé ne voulait pas établir ces chiffres, parce que, si c'était connu, le ministre fédéral de la Santé serait obligé de se charger de cette affaire.
Vous pourriez réexaminer la question. J'aurais dû vous en aviser. Certains employés de votre ministère font des estimations fondées sur des modèles très élaborés. Je vous donnerai des informations basées sur les renseignements que vous nous avez donnés ce matin, à partir desquels on peut utiliser ce modèle mathématique.
L'information nécessaire se trouve dans votre témoignage. Vous avez fait état de 1 500 à 1 780 avis d'ébullition de l'eau. Bien qu'il s'agisse de chiffres approximatifs, vous avez précisé que ces avis concernaient des collectivités de 5 000 habitants. Sans y ajouter les collectivités autochtones qui se trouvent indéniablement dans une situation encore plus déplorable, 750 000 personnes ont été touchées par un avis d'ébullition de l'eau. Il doit bien y avoir moyen de calculer combien cela coûterait au système de santé publique si ces personnes tombaient malades.
Je ne vous demande pas de répondre immédiatement.
M. Cooper : J'aimerais le faire.
Le sénateur Grafstein : Allez-y, dans ce cas.
M. Cooper : Ce sont des chiffres estimatifs. Premièrement, Santé Canada cherche toujours des données sur les coûts des soins de santé. C'est un facteur qui permet de déterminer dans quels domaines il faut investir l'argent des contribuables pour faire des dépenses judicieuses pour la protection de la santé publique.
Nous avons des données beaucoup plus précises sur les hospitalisations liées au smog, à l'asthme et à d'autres facteurs semblables. L'eau potable est une question beaucoup plus déroutante. Nous n'avons pas de données indiquant le nombre de personnes qui tombent malades. Les cas ne sont pas déclarés. La plupart des personnes ne vont pas voir le médecin ou ne vont pas à l'hôpital quand elles ont une maladie gastro-intestinale. Un très faible pourcentage seulement de ces maladies sont déclarées.
En ce qui concerne les avis d'ébullition de l'eau, vous combinez deux chiffres. J'ai dit qu'il y avait entre 1 500 et 2 000 avis d'ébullition de l'eau en vigueur à un moment donné. Ces avis concernent généralement de petites collectivités. J'ai ensuite fait des commentaires au sujet des petits réseaux de distribution d'eau potable. J'ai alors mentionné que les collectivités de moins de 5 000 habitants étaient celles qui devaient être ciblées.
Les avis d'ébullition de l'eau en ce qui concerne les petits réseaux de distribution d'eau potable ont tendance à concerner des collectivités dont la population se situe dans la fourchette inférieure de cette catégorie. Il s'agit généralement de terrains de camping ou de très petites collectivités de 100 à 200 habitants, quoiqu'elles soient parfois de plus grande importance. Nous avons émis des avis d'ébullition visant quelques collectivités de 1 000 à 1 500 habitants.
C'est une exagération de dire que 750 000 personnes sont touchées. Je ne pense pas pouvoir obtenir pour vous des données à ce sujet auprès des experts de Santé Canada.
Comme je l'ai mentionné, nous avons mis en place un système d'alerte en temps réel qui fait un suivi aussi précis que possible de la situation, mais nous n'avons encore relevé aucun cas lié à l'eau potable depuis deux ans.
En 2000, nous avons fait une étude épidémiologique sur la turbidité de l'eau potable de Vancouver, sur la source d'approvisionnement et sur les réservoirs, ainsi que sur les incidences sur le plan des maladies entériques; nous avons établi un lien clair.
Outre ce lien, il y aurait certaines hospitalisations ou visites au médecin. Il s'agissait d'une étude ponctuelle. À la suite de cette étude, la Ville de Vancouver a pris la décision d'installer une station de filtration qui sera opérationnelle dans deux ans.
Nous faisons des études individuelles, mais nous ne contrôlons pas l'eau potable partout pour savoir combien de personnes tombent malades, car un trop grand nombre de facteurs interviennent.
Aucun cas de maladie entérique associé à Kashechewan n'a été déclaré, quoiqu'on ait relevé la présence de gales, qui se sont propagées par des acariens et par des contacts par les mains. Ça ne veut pas forcément dire qu'il n'y a pas eu de maladie, mais aucun cas n'a été confirmé. C'est toutefois important.
Les avis d'ébullition de l'eau ont été émis par mesure de protection et ce système a été efficace. Ce n'est toutefois pas acceptable. Il est impératif de régler la question des avis d'ébullition.
Les chiffres que vous demandez ne sont pas disponibles. Bien qu'ils aient davantage d'argent, les États-Unis ne peuvent pas fournir ce type de chiffres non plus. Ils peuvent indiquer des cas d'éclosion, d'hospitalisation et de décès. La situation est semblable dans l'Union européenne. Nous collaborons constamment avec ces pays pour tenter d'obtenir des données afin de mieux connaître les impacts sur la santé, car cela nous aide de comprendre ce qui se passe.
Je regrette, mais nous n'avons pas l'information que vous demandez. Nous aimerions l'avoir. Ce n'est pas facile d'obtenir cette information.
Le sénateur Grafstein : Laissez-moi vous aider. Je voudrais que vous posiez la question au ministère qui a une vocation analogue à celle du vôtre, à savoir à Affaires indiennes et du Nord Canada. Or, quelles sont les données que possède ce ministère? Au cours des quatre ou cinq dernières semaines, le gouvernement a indiqué clairement que 500 collectivités avaient de l'eau potable de mauvaise qualité. D'après le calcul que j'ai fait en me basant sur une recherche anecdotique, le nombre est de 150 à 200, et j'ai fait cette recherche avec la collaboration du sénateur Watt, du sénateur Adams et d'autres personnes. Je m'applique à recueillir de l'information anecdotique, et c'est frustrant, mais mes dossiers ne cessent de gonfler.
Vérifiez auprès d'Affaires indiennes et du Nord Canada; vérifiez quels sont les coûts de santé du ministère et comment cela fonctionne. Ce projet de loi a pour objet d'appliquer un critère d'égalité à tous les Canadiens, qu'ils soient Autochtones, qu'ils habitent dans une petite collectivité ou qu'ils vivent à Toronto ou à Vancouver.
Je vais vous aider encore. Nous avons eu des accidents à Walkerton, à North Battleford, à Moncton, à Charlottetown, et nous en avons maintenant à Vancouver. Vous pourriez y réfléchir et vous renseigner auprès des ministères; je suis sûr que vous pourrez établir un nombre. Malgré tout le respect que je dois au comité, j'estime qu'il devrait faire une recherche. Si le ministère en est incapable, nous devrions nous renseigner auprès des spécialistes de la santé publique. Je pense qu'il existe deux types de santé; la santé publique et la santé applicable aux malades. Je ne veux pas confondre les deux, mais je pense qu'il existe deux régimes qui se chevauchent. Il faut régler le problème de Vancouver, celui des coûts et celui de la collaboration.
Le ministère de la Santé avait annoncé aux autorités de la santé du district régional de Vancouver en 1997 que leur eau posait un problème de turbidité. Les autorités locales avaient décidé de ne pas en tenir compte. Les autorités provinciales avaient décidé de ne pas en tenir compte non plus. Le ministère avait même fait davantage que cela. Il avait publié un rapport en 2000 indiquant que la turbidité de l'eau avait un effet chimique qui réduisait la capacité du chlore et d'autres produits chimiques d'épurer l'eau pour qu'elle soit salubre.
Le problème du ministère de la Santé, c'est-à-dire de votre ministère, est qu'il émet un autre avis et que cet avis, qui émane d'un autre de ses services, est que, pour être en bonne santé, il faut boire huit verres d'eau par jour. Le sénateur Adams a expliqué qu'il aurait des problèmes s'il buvait huit verres d'eau par jour dans sa collectivité. S'il le faisait, je ne pense pas qu'il se présenterait très souvent au Sénat.
Le sénateur Angus : Ses cheveux redeviendraient noirs, cependant.
Le sénateur Grafstein : Il aurait peut-être perdu ses dents.
Revenons à la situation à Vancouver. Le ministère a donc publié un rapport en l'an 2000. On n'a pas tenu compte de ce rapport. Il faut attendre une autre éclosion pour que les autorités locales — encore faut-il savoir dans combien de temps — en concluent que le ministère de la Santé avait raison et que la turbidité pose un problème. Ce ne fut pas le cas en 2000.
Un certain temps après l'an 2000, les autorités provinciales ou locales ont décidé d'investir dans une station. Cependant, les choses ne se sont pas passées comme vous l'avez décrit, monsieur Cooper. Ce n'est pas de moi que cela vient. Je me base sur une question différée à laquelle votre ministère a envoyé une réponse il y a quelques jours seulement. Elle est au compte rendu. Elle est au hansard. J'avais posé cette question au leader du gouvernement au Sénat. J'ai eu la réponse et elle est trouble.
Le sénateur Angus : Voulez-vous dire que vous avez obtenu une réponse?
Le sénateur Grafstein : J'ai obtenu une réponse, mais elle est aussi trouble que l'eau.
La réponse que j'ai reçue est qu'il faut examiner le rapport et vérifier les délais prévus. Vous affirmez que la collaboration donne de bons résultats, mais j'ai l'impression que ce n'est pas le cas. Certains de mes collègues ne le ressentent peut-être pas aussi fort, car je m'intéresse à la question depuis des années. J'aimerais que vous examiniez cela et que si le ministère de la Santé ne peut pas faire ce travail, qu'on se renseigne sur ce que font les États-Unis.
Je comprends la complexité du problème, monsieur Cooper. Je ne la minimise pas. J'abandonne le sujet quelques instants pour passer à deux autres questions.
Le sénateur Angus : Pourrais-je faire une observation? D'après les réponses que j'ai entendues, M. Cooper fait l'impossible pour donner des réponses complètes et pour collaborer avec nous pour trouver la bonne solution. J'éprouve un grand respect pour mon collègue, le parrain de ce projet de loi, mais je pense qu'il doit reconnaître qu'il exagère parfois en ce qui concerne les questions sur lesquelles nous demandons au témoin de se renseigner. Il a notamment demandé au témoin de téléphoner à ses collègues d'Affaires indiennes et du Nord Canada et de se renseigner auprès d'autres personnes. Je pense que le comité doit être raisonnable dans ses demandes, sinon nous perdrons notre crédibilité.
Ce n'est pas une critique, mais je pense que le sénateur Grafstein reconnaîtra que c'est une remarque pertinente.
Le sénateur Grafstein : Il y a deux façons de procéder. Le témoin peut retourner au ministère, revenir et signaler qu'il n'a pas de réponse. Nous demanderions alors à des représentants du ministère des Affaires indiennes de venir témoigner pour nous donner de l'information sur ses coûts. Nous nous adresserions alors à des témoins de l'extérieur pour voir s'ils ont une formule à proposer. Je ne suis pas injuste à l'égard de M. Cooper. Je comprends son problème. Il n'a que ce qu'il a. Il ne peut parler que de ce qu'il a. J'ai toutefois l'impression — et je citerai d'autres exemples qui renforcent cette impression — que certains renseignements sur les coûts sont disponibles. Ils sont anecdotiques et pas systémiques, mais la difficulté est due au fait que nous voulons avoir une vue d'ensemble de tous les coûts pour pouvoir répondre aux questions qu'il s'est posées quant au coût de mise en place de ce régime réglementaire pour les contribuables. Je tente seulement de démontrer qu'il ne faut pas examiner uniquement le coût du régime réglementaire, mais qu'il faut également tenir compte du coût de l'absence de contrôle anti-échec.
M. Cooper : Comme je l'ai mentionné, il est très important que nous connaissions les impacts sur la santé, les coûts sanitaires liés à l'eau potable et aux contaminants chimiques et tous les autres facteurs. C'est ce qui motive nos initiatives. La santé publique est primordiale, mais il est essentiel que nous connaissions les coûts. Comme je l'ai signalé, cette information n'est pas disponible.
En ce qui concerne le calcul des coûts liés aux services de santé dispensés aux 500 collectivités qui sont visées par des avis d'ébullition de l'eau, il est essentiel de comprendre que ces collectivités font bouillir leur eau et qu'officiellement elles ne devraient pas contracter de maladies entériques; par conséquent, elles n'encourraient pas forcément des coûts liés aux soins de santé. Ont-elles d'autres coûts? Bien sûr, elles ont des coûts considérables. C'est très mauvais d'être visé par un avis d'ébullition de l'eau, mais je ne suis pas sûr qu'on puisse établir un lien direct entre les coûts liés aux soins de santé et la situation. Quand vous faites bouillir l'eau, vous ne buvez pas de l'eau insalubre.
En ce qui concerne Vancouver, je m'excuse si j'ai induit le comité en erreur. Je pensais que l'étude qui avait été faite par Santé Canada avait été utilisée pour prendre la décision de construire la station de filtration à Capilano. L'étude a été faite pour essayer d'identifier les risques et elle a été utilisée dans le cadre du processus décisionnel qui a duré quelques années. Je m'excuse, mais je ne savais pas que ça avait duré aussi longtemps.
Le sénateur Grafstein : Le temps est un facteur important.
Le sénateur Spivak : Je voudrais poser une question relative aux coûts. Je voulais plutôt faire un bref commentaire.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de passer du temps à se tracasser au sujet des coûts car, premièrement, les coûts sont peu détaillés et, deuxièmement, cela ne devrait pas nous préoccuper. Pourquoi? Parce que c'est une question de choix pour le gouvernement. On n'a pas à se demander si les coûts sont trop élevés. Par exemple, pour récupérer 2 milliards de dollars par an, le gouvernement pourrait décider de ne pas appliquer la réduction supplémentaire de 1 p. 100 de la TPS.
La seule question que je me pose, c'est s'il s'agit de la solution appropriée, un point c'est tout. Nous avons un rapport de M. Stern, de Londres, indiquant quels pourraient être les coûts du changement climatique si nous ne faisons rien, mais la source du problème, ce sont les choix du gouvernement et pas les coûts.
Lorsque les gouvernements veulent prendre certaines mesures, ils ne se préoccupent pas des coûts et dépensent des milliards de dollars de l'argent des contribuables. Il ne faut pas se lancer dans ce type de discussion. C'est improductif.
La vice-présidente : Vous avez exprimé votre opinion. Merci, sénateur.
Le sénateur Angus : Il convient de signaler que les élections des sénateurs n'ont pas encore commencé.
Le sénateur Grafstein : J'apprécie, naturellement, les commentaires du sénateur Spivak. Si je les apprécie, c'est parce que la question des coûts a été un obstacle supplémentaire que j'ai à surmonter pour convaincre mes collègues du Sénat que c'est une médecine appropriée pour notre santé publique.
Le sénateur Spivak : Je comprends pourquoi vous le faites.
Le sénateur Grafstein : Permettez-moi d'aborder le troisième problème, puis je me résignerai. Je répète que je ne critique pas M. Cooper. C'est le système que je critique.
Je voudrais faire des commentaires sur la question de la collaboration. J'ai essayé de démontrer au moyen d'un exemple que la collaboration n'avait pas été efficace à Vancouver sans des pressions publiques. Dès que le rapport est paru, les autorités locales auraient dû agir et elles ne l'ont pas fait. C'est ce qui me préoccupe. Les efforts de collaboration n'ont pas été aussi efficaces que nous l'aurions tous souhaité dans ce cas-là.
Je voudrais toutefois faire un commentaire sur l'autre facteur auquel vous avez fait référence en ce qui concerne la collaboration, monsieur Cooper. Vous avez dit qu'un des problèmes qui se posent, et je le comprends, est lié aux différences régionales et à la diversité des sources d'eau qui nécessitent l'adoption de lignes directrices réglementaires différentes. Vous avez signalé que les sources d'approvisionnement en eau diffèrent d'une région à l'autre; par conséquent, il est essentiel que les lignes directrices soient adaptées à ces différences régionales. Est-ce bien ce que vous avez dit à ce sujet dans votre témoignage?
M. Cooper : Non. Les lignes directrices sont normalisées. Il n'existe qu'une série de lignes directrices et elles sont appliquées partout. Ce que j'ai signalé, c'est que la qualité de la source d'approvisionnement en eau varie des Prairies au Canada Atlantique et jusqu'au Nord, et que, par conséquent, il est nécessaire d'adopter des systèmes de traitement différents selon la nature des éléments qui s'introduisent dans l'eau. L'eau qui sort du robinet contient des niveaux différents de divers éléments, mais des niveaux inférieurs à ceux indiqués dans les lignes directrices. La qualité varie donc en raison de ces différences. Tous les Canadiens n'ont pas accès à une eau de qualité uniforme.
Le sénateur Grafstein : Je comprends cela. En ce qui concerne les collectivités autochtones, l'eau bouillie ne fait même pas l'affaire car elle contient des produits chimiques systémiques que l'ébullition ne fait pas disparaître. Est-ce bien cela?
M. Cooper : C'est bien cela.
Le sénateur Grafstein : Je me base sur l'information que m'ont fournie le sénateur Adams et d'autres personnes, et sur les renseignements que nous avons recueillis avec le temps. Je ne suis pas un scientifique, mais je pense qu'on aurait pu lancer tous les avis d'ébullition de l'eau que l'on voulait pour certaines collectivités autochtones, cela n'aurait pas pu supprimer les produits chimiques systémiques.
M. Cooper : C'est exact.
Le sénateur Grafstein : Les produits chimiques toxiques.
M. Cooper : Oui. Lorsqu'on est en présence d'un contaminant chimique, qui peut être cancérigène, il est essentiel de faire un traitement plus efficace de l'eau. Si c'est une source de préoccupation dans l'immédiat, il faut arrêter la distribution de l'eau. On ne peut pas tenter de se débarrasser des contaminants chimiques en faisant bouillir l'eau.
L'eau potable des Premières nations est le domaine qui n'est pas réglementé au Canada. C'est pourquoi le gouvernement propose de faire ce qu'il faut, c'est-à-dire de régler le problème. Il estime qu'on ne peut pas le faire uniquement par le biais de la réglementation. Il faut établir l'infrastructure nécessaire, donner la formation nécessaire, établir un système d'accréditation et protéger les sources d'approvisionnement en eau; il est essentiel d'avoir une vue d'ensemble.
Le sénateur Grafstein : À ce propos, je signale un document d'accompagnement du projet de loi que j'ai présenté cette année, à savoir un projet de loi sur les bassins versants. Je suis enchanté que la province de l'Ontario ait adopté des dispositions législatives parallèles. Cela ne résout pas le problème, mais s'il faut user du pouvoir fédéral pour pousser les diverses provinces à agir, ça permet d'atteindre un objectif. Ce projet de loi est au Feuilleton et j'espère que, avec le consentement de mes collègues, nous pourrons le faire renvoyer à ce comité. Nous pourrons alors examiner la question des bassins versants en dehors du contexte de l'aspect réglementaire dont nous discutons aujourd'hui. Ce sont des collègues qui m'ont incité à procéder ainsi et à recommander une solution totale, et c'est cela la réponse.
Pour conclure, je voudrais faire des commentaires au sujet de l'expérience américaine. J'ai examiné les problèmes en ce qui concerne les Autochtones en Suède, en Norvège, au Danemark et dans d'autres pays. Je dois dire qu'il serait très utile que ce comité soit au courant des travaux qui ont été faits dans d'autres pays pour purifier l'eau de leurs collectivités autochtones visant dans le Grand Nord. La plupart de ces pays sont en avance sur nous dans ce domaine.
Comme vous le savez probablement, monsieur Cooper, les Américains sont confrontés au même problème que nous. Ils ont mis en place un système fondé sur la collaboration; chaque État a son régime réglementaire. Le ministère fédéral de la Santé a tenté d'exercer ses pouvoirs. Le Congrès a tiré une conclusion en 1974 et il a adopté et mis en œuvre une loi contenant ce que je considère comme une disposition très salutaire, à savoir la possibilité pour tout citoyen américain de communiquer avec un système qui lui permet, en entrant son indicatif régional, de connaître les avis hebdomadaires concernant l'eau de sa localité.
Le ministère a-t-il envisagé une telle possibilité? Il ne manque plus grand-chose.
M. Cooper : Puis-je répondre à vos deux commentaires? Le premier concerne le Danemark, la Finlande, la Norvège et la Suède.
Le sénateur Grafstein : J'ai signalé que certains pays étaient en avance sur nous, pas tous.
M. Cooper : Certains sont en avance sur nous. Nous collaborons avec d'autres pays car nous voulons connaître les mesures qu'ils ont prises et qui pourraient être avantageuses pour le Canada. Cependant, il est essentiel de faire une distinction, car il n'y a du pergélisol qu'en Finlande, en Suède et dans très peu de régions de la Norvège. La situation n'est pas identique à la nôtre. Ces pays ne sont pas confrontés à ce problème et, par conséquent, leurs solutions ne sont pas applicables ici. Nous examinons cependant les mesures qui ont été prises dans la communauté internationale pour tenter de régler ces problèmes.
Aux États-Unis, le Safe Drinking Water Act de 1974 est une approche apparemment efficace. Les problèmes y sont les mêmes que chez nous. Vous avez raison; les Américains ont établi plusieurs systèmes très utiles, notamment un système d'information sur le bassin versant ainsi qu'un système d'information local sur la qualité de l'eau potable. Toutes les provinces et territoires donnent sur demande de l'information sur la qualité de l'eau potable à l'échelle locale. Plusieurs provinces intègrent cette information à des systèmes électroniques.
Le Canada est malheureusement en retard, mais nous allons dans cette direction. La reddition de comptes à la population et les rapports étaient des recommandations clés faites dans le rapport d'enquête sur Walkerton et également dans celui sur North Battleford. Les Canadiens s'attendent à être au courant de la qualité de leur eau potable et ils y ont droit.
Des rapports réguliers, annuels, semestriels et mensuels, sur la qualité de l'eau potable sont présentés aux ministères provinciaux. Cependant, des rapports publics sont considérés comme une priorité. Actuellement, la plupart des rapports sont donnés sur demande, mais nous mettons en place un système plus facile qui permettrait aux gens de former un numéro pour obtenir de l'information sur la qualité de l'eau potable — un peu comme nous essayons d'intégrer l'information concernant les avis d'ébullition de l'eau à l'autoroute de l'électronique. C'est une bonne pratique et un objectif que nous voulons atteindre.
Le sénateur Grafstein : Nous avons négligé Terre-Neuve, une de mes provinces favorites.
Le sénateur Angus : Voulez-vous dire Terre-Neuve-et-Labrador?
Le sénateur Grafstein : Terre-Neuve-et-Labrador. Merci pour la correction, sénateur Angus. Comme toujours, mon avisé collègue me corrige.
Pouvez-vous parler des avis d'ébullition de l'eau qui ont été faits émis en ce qui concerne cette province au cours de l'année dernière — juste pour cette province?
M. Cooper : Entre 250 et 300 avis d'ébullition de l'eau sont en vigueur. Nous traitons souvent de ces questions avec le gouvernement de Terre-Neuve, ainsi qu'avec Transports Canada et avec Infrastructure Canada. Ils ont mis en place un fonds sur l'infrastructure rurale pour aider les petites collectivités, car la plupart des avis d'ébullition de l'eau concernent les petites localités isolées qui sont désertées par la population; il s'agit de très petites villes qui sont en voie de disparition. La décision d'investir dans des options de traitement est difficile à prendre. On émet des avis d'ébullition pour de très nombreuses localités et le problème est souvent lié au fait qu'il n'existe pas d'opérateur à plein temps ou à un problème technique, comme une panne de système de filtration ou de chlorateur. Certains problèmes se posent. On considère le petit système comme le problème fondamental qu'il faut résoudre au Canada.
Le sénateur Grafstein : Avez-vous des chiffres concernant les avis d'ébullition de l'eau au Québec pour l'année dernière?
M. Cooper : Je m'excuse. Je ne peux pas citer des chiffres à brûle-pourpoint.
Le sénateur Grafstein : Pourrez-vous les communiquer au comité?
M. Cooper : Oui.
Le sénateur Angus : Il faudrait une feuille par province, avec le nombre d'avis.
La vice-présidente : Oui, pour toutes les provinces. Pourriez-vous faire cela?
Le sénateur Spivak : Pour quelle raison émet-on des avis d'ébullition de l'eau dans ces petites collectivités? Est-ce parce que la nappe d'eau souterraine a été contaminée? Je sais que des problèmes de pénurie d'opérateurs et d'absence de chlore se posent, mais si l'eau était pure, ils ne seraient pas nécessaires.
M. Cooper : S'il s'agit de la nappe d'eau souterraine et d'un réservoir aquifère protégé, aucun problème ne devrait se poser. Il n'y aurait pas d'avis d'ébullition de l'eau. La plupart de ces situations surviennent quand de l'eau de surface contamine la nappe souterraine ou contamine le réservoir aquifère. En cas de contamination par des produits chimiques, on n'émet pas un avis d'ébullition. On a recours à des dispositions qui permettent de supprimer les contaminants au point d'entrée et au point d'utilisation. Différentes causes peuvent entraîner une baisse de la qualité de l'eau potable, et c'est sur ce facteur que nous devons porter toute notre attention. Je ne pense pas que les règlements soient forcément l'approche la plus efficace.
La vice-présidente : Il faut que nous terminions car certains de nos membres doivent assister à d'autres séances de comité.
Monsieur Cooper, vous nous avez beaucoup aidés et je vous remercie, car vous avez donné beaucoup d'informations. Vous avez été très coopératif. Madame O'Shea, je regrette que vous n'ayez pas eu l'occasion de faire davantage de commentaires, mais M. Cooper avait beaucoup de renseignements à donner à mes collègues.
La séance est levée.