Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 13 - Témoignages du 20 février 2007
OTTAWA, le mardi 20 février 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 18 h 10 pour examiner la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999, chap. 33), conformément au paragraphe 343(1) de ladite loi.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir, mesdames et messieurs. C'est avec plaisir que je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Au cours des derniers mois, le comité a effectué, à l'occasion d'un certain nombre de rencontres relatives à l'examen de la Loi canadienne de 1999 sur la protection de l'environnement, des études de cas visant à déterminer à quel point cette loi protège les Canadiens. La première étude de cas portait sur le mercure. Aujourd'hui, nous poursuivons la deuxième phase de notre étude en examinant les composés perfluorés, ou CPF : le sulfonate de perfluorooctane, ou SPFO, les acides perfluorooctanoïques, ou APFO, et autres composés de ce genre.
Nous accueillons aujourd'hui Kapil Khatter et Kathleen Cooper, qui témoignent au nom de Pollution Watch. Nous allons également entendre le témoignage de Sheila Cole et de Sandra Madray, représentantes du Réseau canadien de l'environnement, et de Richard Purdy, qui témoignera à titre personnel.
Je vous invite maintenant à présenter vos exposés et à prévoir du temps pour des questions à la fin.
Sheila Cole, éducatrice en matière d'environnement et de santé, membre, conseil d'administration, Environmental Health Association of Nova Scotia; coprésidente, Caucus de la santé, Réseau canadien de l'environnement : Bonsoir. La Environmental Health Association of Nova Scotia — je suis membre de son conseil d'administration — et Chemical Sensitivities Manitoba tiennent à remercier le comité de l'occasion qui leur est offerte de présenter publiquement leurs commentaires dans le cadre de cet examen de la LCPE.
En 2002, j'ai eu le privilège de prendre part à deux rencontres de consultation sur la réduction des acides carboxyliques perfluorés résiduels et leurs précurseurs dans des substances offertes dans le commerce au Canada. Évidemment, c'est une question qui suscite un vif intérêt chez moi.
Aujourd'hui, ma collègue et moi-même allons également attirer l'attention du comité sur le problème des expositions chimiques multiples et sur le fardeau qu'impose la totalité des expositions quotidiennes à l'organisme. Le processus de catégorisation de 23 000 produits chimiques récemment terminé par le Canada est un exploit d'envergure. Le Canada est le chef de file mondial de la catégorisation de produits chimiques. Nous pouvons nous féliciter d'une telle réalisation, mais nous ne devons pas perdre de vue le fait que des milliers d'autres produits chimiques sont actuellement disponibles dans le commerce, et que de nouveaux produits font leur apparition chaque année. Au Canada, de 700 à 900 nouvelles substances sont déclarées chaque année, et on estime que la fabrication de produits chimiques à l'échelle mondiale double à peu près tous les 25 ans.
Par conséquent, il faut réduire de façon considérable la charge globale de CPF et d'autres produits chimiques. Il faut réduire rapidement le nombre de substances chimiques disponibles dans le commerce. Je serai heureuse de parler plus tard des façons d'y parvenir.
Les CPF sont omniprésents dans notre société, on peut les trouver à de nombreux autres endroits que dans le foie d'ours polaire. On les trouve dans les textiles, les meubles, les tissus qui bloquent les rayons du soleil, les emballages alimentaires, la mousse extinctrice, les produits de nettoyage, la peinture, les additifs pour carburants, les fixatifs, les cosmétiques, les inhalateurs contre l'asthme, les tapis, les pesticides, les produits médicaux et les articles électroniques.
C'est bien connu, on sait que quelque 70 000 produits chimiques sont présents dans les produits de tous les jours. Devant l'inaction du gouvernement et de l'industrie, des personnes et des groupes de citoyens ont dû prendre des mesures pour réduire ce fardeau chimique global dans leurs propres collectivités. Dans la ville de Halifax, d'où je suis originaire, un certain nombre de groupes communautaires ont fait beaucoup de choses tout seuls pour réduire notre charge chimique.
Les Canadiens ne sont ni suffisamment informés du contenu chimique des produits ni sensibilisés à ces choses, et on ne saurait s'attendre à ce que tout le monde comprenne l'impact de ces substances.
Il n'est d'aucune façon efficace, efficient ou acceptable de laisser à chacun la responsabilité de déterminer ce qu'on peut consommer en toute sécurité. Les Canadiens s'appuient sur leur gouvernement lorsque vient le temps de déterminer si ce qu'ils consomment est sécuritaire, et c'est une attente raisonnable. L'une des activités prioritaires qu'on devrait mener en vertu de la LCPE consisterait à veiller à ce que tout les nouveaux produits qui entrent sur le marché soient naturels et non toxiques.
Jusqu'à maintenant, une part importante du contenu des produits a été protégée sous prétexte qu'il s'agissait de renseignements exclusifs, et le public n'en prendra peut-être jamais connaissance. Cette situation doit changer. Pour vraiment faire en sorte que la santé des Canadiens soit protégée, il faut que le droit de savoir du public soit un principe fondamental de la LCPE.
En ce qui concerne les CPF et leurs effets sur la santé, à part les données de recherche sur le sulfonate de perfluorooctane, ou SPFO, le sulfonate de perfluorobutane, ou SPFB et l'acide perfluorooctanoïque, ou APFO, on dispose de bien peu d'information sur l'impact de la catégorie des CPF, qui englobe au moins 255 composés, sur la santé et sur l'environnement. Le Canada a identifié environ 185 de ces produits chimiques dans sa Liste intérieure de substances, mais le nombre de CPF à l'égard desquels nous n'avons pratiquement aucune donnée est source de préoccupations considérables.
À part l'exposition professionnelle aux CPF, on avance que le niveau de ces composés dans le sang humain demeure bas, mais au moins une étude fait état d'une tendance à la hausse.
À l'occasion de leur témoignage devant votre comité le 1er février, les représentants de Santé Canada ont déclaré que la voie de pénétration chez les humains est inconnue, mais que les modèles d'exposition illustrent clairement que l'ingestion liée aux emballages de produits alimentaires, par exemple, semble évidente. L'expression « dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » devient de plus en plus incontestable. Une autre voie de pénétration évidente est l'inhalation de choses comme des produits nettoyants, des carburants, des fixatifs pour les cheveux, des cosmétiques, des tapis et de nombreuses autres sources dont nous avons déjà parlé.
On s'étonnera donc du fait que le gouvernement canadien semble croire, malgré l'omniprésence de ces composés, qu'il n'y a pas vraiment lieu de s'inquiéter pour la population humaine, parce que les niveaux sont bas. Pourtant, à la lumière des effets négatifs observés lors d'études scientifiques, comment pouvons-nous tenir pour acquis que ces faibles niveaux ne vont pas finir par se révéler dangereux pour notre santé? Les effets négatifs sur la faune sont déjà évidents et prouvés. Devons-nous attendre qu'il y ait des preuves de danger pour l'humain, par exemple, sous forme de liens manifestes avec le cancer, avant de réagir? Nous croyons qu'il ne faut pas attendre.
Je vous invite à prendre connaissance des travaux de la Dre Claudia Miller, experte de la médecine environnementale, et de son partenaire de recherche, Nicholas Ashford, Ph.D. Leur livre, Chemical Exposures : Low Levels and High Stakes, met de l'avant des preuves convaincantes qui mettent en rapport l'exposition de faible intensité et de nombreuses maladies chroniques — y compris l'asthme —, les troubles d'apprentissage et la sensibilité chimique. Les experts de la médecine environnementale peuvent contribuer énormément à cette discussion, et ils devraient être mis à contribution, surtout à Santé Canada.
À l'instar de la Dre Miller, un autre médecin qui a effectué des travaux exemplaires dans le domaine de l'exposition chimique est le Dr Samuel Epstein. Dans son livre intitulé, The Politics of Cancer, il fait la lumière sur le rôle de l'exposition chimique et sur les nombreux cancers qui s'attaquent maintenant aux Canadiens, même dans le Nord, que l'on croyait vierge.
Tout le monde reconnaît et accepte le fait que les populations vulnérables, y compris les enfants, les femmes enceintes, les aînés et les personnes aux prises avec des problèmes de sensibilité chimique, courent le plus grand risque de problèmes de santé découlant d'une exposition chimique, mais ce n'est pas tout à fait cela. À vrai dire, tout le monde est vulnérable, comme en témoignent les analyses sanguines effectuées par Environmental Defence et présentées en détail dans le rapport Toxic Nation.
Il convient de noter que la deuxième étude, visant les parents et les enfants de cinq familles canadiennes, a révélé la présence de SPFO et d'APFO dans l'organisme de chaque participant; on a également remarqué que les enfants affichaient des niveaux de concentration supérieurs à ceux de leurs parents. Il est évident que le fardeau des produits chimiques synthétiques dans notre sang n'épargne personne, pas même les nourrissons. Nous savons que les CPF et d'autres produits chimiques ont été trouvés dans le lait maternel et dans le cordon ombilical des bébés.
En raison de cette exposition poussée, des millions de personnes en Amérique du Nord et partout dans le monde deviennent sensibles aux produits chimiques. Un sondage mené en 2004 aux États-Unis révèle que 11 p. 100 des membres de la population ont fait état d'une hypersensibilité inhabituelle aux produits chimiques. Cette hypersensibilité précoce va bien souvent s'aggraver et mener à cette maladie débilitante qu'on appelle « maladie environnementale » ou « polysensibilité chimique », et il semble que ces chiffres soient en hausse, ce qui nous laisse présager rien de bon.
Le fait que nous soyons exposés continuellement aux CPF et à d'autres toxines exige qu'on prenne dès maintenant des mesures définitives en vertu des dispositions de la LCPE. Il est facile de se laisser bercer par l'apparente innocuité de certains produits chimiques, en particulier lorsqu'il y a une longue période de latence avant que les effets néfastes se manifestent, comme c'est le cas pour les CPF.
Aujourd'hui, nous demandons instamment au gouvernement de prendre sur-le-champ des mesures de précaution axées sur la prévention. Pour donner suite à nos préoccupations concernant les CPF et l'exposition multiple à des produits chimiques, il faut renforcer et appliquer, sous le régime de la LCPE, des principes pertinents, comme la précaution, l'évaluation en temps opportun, le remplacement, l'adoption de solutions de rechange plus sûres et l'inversion du fardeau de la preuve.
Bien qu'il ne s'agisse d'aucune façon d'une liste exhaustive, nous recommandons au comité de s'intéresser aux aspects prioritaires suivants dans le cadre de son examen de la LCPE : l'accroissement de la précaution et la prise de mesures de précaution dans l'utilisation de produits chimiques; l'évaluation en temps opportun des produits chimiques; l'inversion du fardeau de la preuve; l'adoption et l'utilisation accrues de solutions de rechange plus sûres, tant à la maison qu'en milieu de travail; et les investissements gouvernementaux liés à la recherche et au développement de produits non toxiques.
J'espère pouvoir approfondir ces questions avec vous plus tard, mais, pour l'instant, je cède la parole à ma collègue, Mme Madray.
Sandra Madray, Recherche et sensibilisation, Chemical Sensitivities, membre du caucus du Manitoba, Réseau canadien de l'environnement : En ce qui concerne le principe de prudence, même si les niveaux de CPF chez les humains sont considérés comme faibles, comment pouvons-nous déterminer avec certitude que ces faibles niveaux sont sûrs? À l'heure actuelle, dispose-t-on de preuves probantes permettant de conclure que ces niveaux ne sont pas dangereux?
Il n'est pas nécessaire d'attendre l'apparition de problèmes de santé évidents avant de prendre des mesures plus dynamiques pour réduire l'exposition aux CPF. Nous devons envisager la possibilité d'éliminer complètement du marché cette catégorie de produits chimiques.
La Suède a lancé un appel à l'interdiction mondiale du SPFO et des composés connexes sous le régime de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants. Des données relatives aux réactions sont disponibles dans le cas de certains produits chimiques toxiques. Toutefois, nous croyons fermement que d'autres facteurs influent sur notre réaction aux produits chimiques, notamment le moment de l'exposition et la prédisposition génétique.
Certaines études montrent que l'exposition à des produits chimiques peut produire des effets inattendus, y compris des répercussions imprévues sur les organes. Dans certains cas, les répercussions sont beaucoup plus lourdes que prévu.
Or, on ne saurait passer sous silence les effets nocifs observés à l'égard non pas d'un seul produit chimique, mais bien de la combinaison de faibles concentrations de toxines chimiques. On a observé cet effet en examinant certaines grappes de cas de cancer inexpliqués.
On pourrait essayer de nous amener à croire que l'exposition chronique à de faibles quantités de toxines chimiques, seules ou en combinaison, n'a aucun effet néfaste sur notre santé. Il faut appliquer plus souvent le principe de prudence et adopter des mesures mieux définies aux fins de l'application de ce principe. Or, dans la version anglaise de la LCPE, le passage relatif à ce principe prévoit que les mesures prises doivent être « cost-effective » : cette condition est inacceptable et devrait être supprimée.
Cette notion d'efficience protège les intérêts financiers de l'industrie. Comment pouvons-nous comparer la rentabilité à la santé humaine et à la pérennité de l'environnement?
Il faudrait appliquer le principe de prudence lorsque nous avons affaire à des substances toxiques à l'égard desquelles les données d'évaluation sont insuffisantes ou inexactes et les lignes directrices ou les normes de gestion, inadéquates. La LCPE doit protéger les populations vulnérables, y compris les enfants, les bébés, les femmes enceintes, les aînés et les personnes sensibles aux produits chimiques.
Concernant les CPF, je vous cite le témoignage qu'a livré Environnement Canada à votre comité, le 1er février 2007 :
Nous disposons de beaucoup d'informations sur certaines substances comme l'APFO et le SPFO. Il s'agit des substances les plus couramment utilisées des catégories en question, pour lesquelles on a effectué beaucoup d'essais et sur lesquelles on dispose des renseignements substantiels sur le plan de la toxicologie. Pour d'autres substances, nous n'en sommes qu'à l'étape de la collecte de renseignements. Pour de nombreuses substances, nous avons même de la difficulté à déterminer clairement ce qu'elles sont et à les décrire, sur le plan chimique, de manière à nous permettre d'effectuer des analyses et des essais adéquats.
Nous estimons qu'il est tout à fait approprié d'appliquer le principe de prudence dans ce cas.
En ce qui concerne l'évaluation des risques, le système actuellement prévu dans la LCPE n'a pas permis de régler en temps opportun les problèmes liés au risque et à l'innocuité des substances. Les échéanciers ne sont pas bien définis, et l'ensemble du processus, y compris les mesures de gestion des risques, peut prendre trop de temps. Il faut assortir la loi de dispositions ou de mécanismes permettant d'alléger ce lourd processus.
Aux fins de l'évaluation prévue dans la LCPE, il faut accorder la priorité aux substances réputées persistantes, intrinsèquement toxiques et bioaccumulables, comme c'est le cas pour les CPF. Même si on dispose de données scientifiques suffisantes pour procéder à l'évaluation, on reconnaît qu'il peut y avoir un certain degré d'incertitude; la science n'est pas infaillible.
Le Canada se doit d'être non pas réactif, mais bien proactif. Il doit prendre des mesures à l'égard de toute la famille des CPF, y compris l'acide perfluorooctanoïque, ou APFO, et ne pas s'attacher uniquement à l'APFC, à ses précurseurs et aux SPFO.
En regroupant les substances dans les catégories chimiques appropriées, nous pourrons repérer les lacunes au chapitre des données et, du coup, réduire énormément le délai d'évaluation.
Dans certains cas, il faudra plus de 90 jours pour évaluer le risque. Les mécanismes enchâssés dans la LCPE devraient permettre de prolonger le délai d'évaluation au besoin.
Pour ce qui est de l'inversion du fardeau de la preuve, la question est fort simple : le gouvernement canadien doit produire des preuves de danger à l'égard des substances utilisées, qui sont toujours plus nombreuses. Il faut imposer ce fardeau à l'industrie. Il faut inverser le fardeau de la preuve.
Pour ce qui est de l'adoption de solutions de rechange plus sûres, nous continuons, à titre de consommateurs, d'utiliser des produits qui contiennent des CPF et d'autres ingrédients toxiques. Nous supposons qu'ils ne posent aucun danger pour la santé humaine et pour l'environnement parce qu'on les trouve dans le commerce et qu'ils jouissent de l'approbation du gouvernement. Cette hypothèse est erronée.
Il faut prendre des règlements pour réduire et éliminer les substances toxiques dans ces produits. Nous avons accès à ces produits en raison de l'absence de lois permettant de contrôler, d'étiqueter ou d'interdire adéquatement ces produits, ou d'en limiter l'utilisation. Il faut assortir la LCPE de dispositions relatives à la fourniture d'information claire et facile à comprendre concernant les produits chimiques toxiques ou dangereux contenus dans des produits de consommation jusqu'à ce que des solutions de rechange non toxiques soient mises au point.
La LCPE devrait jouer un rôle de premier plan à l'égard de cette substitution. Il faut insister sur l'adoption de solutions de rechange sécuritaires aux produits chimiques, et il faut encourager les Canadiens à utiliser des produits plus sécuritaires à la maison et au travail.
Les produits de la maison qui contiennent des CPF contribuent généralement à l'exposition humaine. On a déjà démontré que l'air intérieur peut parfois se révéler bien pire que l'air extérieur. Ces produits devraient être remplacés par d'autres produits plus sécuritaires, et on devrait établir une période d'élimination progressive pour les produits essentiels.
En ce qui a trait aux investissements gouvernementaux, lorsque l'on prendra des règlements pour éliminer ou réduire les substances toxiques, il sera nécessaire de mener des activités de recherche et de développement pour rendre la conversion faisable et sécuritaire.
Pour ce qui est de la recherche et du développement pour la conception de produits de rechange sécuritaires, la petite entreprise aura peut-être besoin d'aide. Le gouvernement devrait offrir des incitatifs pour veiller à ce que ce genre de recherches soit réalisable et à ce que nous puissions nous doter d'un environnement plus propre et plus sain.
C'est la fin de mon exposé. Au nom de l'Environmental Health Association of Nova Scotia, de Chemical Sensitivities Manitoba et de nos collègues, je vous remercie de l'occasion qui nous est offerte de présenter publiquement nos commentaires dans le cadre de l'examen de la LCPE 1999.
Le président : Merci. Je crois savoir que vous devez nous quitter, monsieur le sénateur Angus. Nous vous tiendrons au courant de ce qui se passe pendant les audiences. Je sais que vous avez une liste de questions à poser.
Le sénateur Angus : Je me les suis posées à moi-même. Je suis ici depuis 17 h 30.
Le président : Devrions-nous convenir, mesdames et messieurs les sénateurs, du fait que nous devrions entendre tous les témoins avant de poser des questions?
Des voix : D'accord.
Richard Purdy, toxicologue, à titre personnel : Merci de m'avoir invité. Je suis préoccupé par cette catégorie de produits chimiques depuis la première fois que je l'ai vue, il y a environ 25 ans, et mon inquiétude s'est accrue au fil de toutes ces années.
Je suis un scientifique. J'ai consacré toute ma carrière à l'évaluation des risques et à la catégorisation des produits chimiques. Nombre de vos questions portaient sur la LCPE, et je serais bien en peine de vous dire directement quoi faire avec la LCPE, mais je peux vous faire part de mon expérience du rendement de la LCPE à l'égard des substances chimiques perfluorées, du point de vue de la toxicologie et de l'évaluation des risques.
Le président : C'est précisément ce que nous voulons savoir.
M. Purdy : L'un de vos témoins, M. Scott Mabury, de l'Université de Toronto, a été interrogé au sujet de la LCPE, et je partage son point de vue selon lequel la LCPE est rapide comparativement à la Toxic Substances Control Act américaine et à la législation de l'Union européenne en la matière. Mais la rapidité, ce n'est pas la perfection, et on dit que certaines mises au point pourraient être apportées.
La première question que je vais aborder concerne l'évaluation du risque pour la santé humaine.
Le sénateur Spivak a demandé, à l'occasion d'une audience antérieure, comment le SPFO peut se révéler dangereux pour l'environnement sans l'être nécessairement pour la santé humaine. La réponse qu'on lui a donnée n'était pas satisfaisante, car ce n'était pas le domaine d'expertise du témoin. En général, ils n'ont pas à contrôler les effets à la fois sur l'environnement et sur la santé humaine — mais je crois qu'ils doivent, dans le cas du SPFO —, et la raison pour laquelle ils ne le font pas, en vertu du règlement, c'est que l'évaluation effectuée par Santé Canada n'était pas aussi bonne qu'elle aurait pu l'être. Je crois que Santé Canada a utilisé les bonnes études, et je crois que sa méthode générale était bonne, mais je crois aussi que, dans le cadre des études, il a choisi les mauvaises données et n'a pas tenu compte du principe de la prudence au moment de sélectionner les données ou de calculer l'incertitude. Il y a une certaine incertitude lorsqu'on évalue les risques, car il y a des populations que nous ne connaissons pas. Il y a des lacunes dans les études.
Dans le cadre d'une étude qui a duré six mois, on a administré du SPFO à des singes. Tous les singes ont montré des effets. Même ceux qui ont reçu la plus faible dose ont montré des effets. Ces singes avaient environ 14 parties par million de SPFO dans leur sang.
Quant aux concentrations de cette substance dans le sang humain, Santé Canada a choisi une étude menée par la Croix-Rouge aux États-Unis, auprès d'environ 600 adultes et 600 enfants. Dans le cadre de cette évaluation des risques, on a comparé les niveaux auxquels la substance a eu un effet dans le sang des singes et le niveau qu'on a trouvé dans le sang de la population humaine. Il s'agit d'une façon raisonnable de mener l'étude. Toutefois, lorsqu'ils ont choisi le niveau dans le sang qu'ils allaient examiner, ils ont fixé la limite au 95e percentile. Cela veut dire que 5 p. 100 des gens affichaient un niveau supérieur à cela, et que 95 p. 100 affichaient un taux inférieur. En choisissant ce chiffre, ils avaient déjà porté un jugement de valeur sur ceux qu'ils protégeraient. Je choisirais les plus fortes concentrations dans ces populations, car je chercherais à protéger tout le monde au lieu de risquer de laisser 5 p. 100 des gens sans protection.
Quand Santé Canada a comparé ces chiffres, le niveau de SPFO dans le sang des singes était 149 fois plus élevé que celui des membres du groupe témoin. Si on avait comparé la personne affichant le niveau le plus élevé de SPFO à celui des singes, le niveau des singes est neuf fois supérieur. Or, un facteur de neuf ne laisse pas beaucoup de place à l'erreur. Il n'y a pas trop de sécurité là-dedans. N'oubliez pas que, dans le cadre de l'étude sur les singes, on a des effets même à faible dose. Toutes les doses administrées ont eu un effet. Nous ignorons à quel niveau cessent les effets. Nous ignorons s'il y a des effets à un niveau inférieur. Il y a donc une certaine incertitude.
L'étude portait sur des enfants et des adultes, mais excluait les petits enfants et les nourrissons, qui constituent probablement le groupe où l'impact est le plus élevé, pour deux raisons. La première est l'exposition, et la deuxième, la possibilité d'effets. Premièrement, les membres de ce groupe sont exposés in utero, comme on vous l'a déjà dit. Ils sont exposés par l'entremise de leur mère. Lorsqu'ils sont nés, ils sont exposés à la substance par le lait maternel, et on la retrouve également dans leurs vêtements de nuit, qu'ils portent à leur bouche. Nous avons tous vu ce genre d'exposition. Elle a lieu sur le tapis, lorsqu'ils rampent. Ils placent leurs mains sur le tapis, et les portent ensuite à leur bouche, et ainsi de suite. On trouve du SPFO dans la poussière et dans la cire à plancher. Ainsi, ce groupe est probablement la sous-population la plus exposée.
En outre, ce groupe traverse une période de vulnérabilité. En effet, au cours de la première année de notre vie, nous mettons au point nos réactions immunitaires. Le thymus — une glande — est touché. Dans le cadre de l'étude sur les singes, tous les animaux qui avaient reçu une faible dose avaient le thymus atrophié. Vous et moi n'avons que faire de notre glande thymus, car elle est atrophiée. Nous sommes trop vieux. Elle est grosse quand nous sommes jeunes, quand nous en avons besoin, car c'est à ce moment-là que s'établissent nos réponses immunitaires, la façon dont nous réagirons à l'égard d'un grand nombre de choses au cours du reste de notre vie. Une personne qui n'affiche pas le bon ratio de cellules thymiques à cet âge sera prédisposée à l'asthme. Le thymus peut faire une erreur et ne pas détruire les anticorps naturels qui s'attaqueront au pancréas. Diverses parties du corps produisent des anticorps, et ces anticorps disent : « je ne détruirai pas cela, cela fait partie du corps » ou « oui, je vais détruire cela ». Apparemment, ce processus n'a pas lieu lorsqu'une personne souffre de diabète de type 1 ou de diabète à début précoce. Le pancréas est détruit, et le diabète se développe. Ces choses se produisent au cours de la première année. Le thymus est à son plus gros à ce moment-là, et il s'atrophie pendant le reste de notre vie.
Le deuxième sujet que j'aimerais aborder concerne la question que le sénateur Milne a posée à l'occasion d'une audience antérieure concernant les effets sur la santé au XXIe siècle. Encore une fois, la réponse n'était pas bonne. Nous avons entendu parler de l'hypothèse de Scott Mabury relative au transport vers l'Arctique. On ne peut prouver la validité d'une hypothèse ou d'une théorie; on ne peut que la réfuter. On continue d'accumuler des preuves qui appuient l'hypothèse jusqu'à ce que nous nous sentions de plus en plus convaincus. Il y a effectivement une hypothèse selon laquelle les produits chimiques fluorés occasionneraient peut-être un accroissement du nombre de cas d'asthme et d'autres maladies du système immunitaire et de diabète. Je crois que cette hypothèse faisait partie de la question. Nous constatons un accroissement de l'utilisation de produits chimiques fluorés, et nous voyons également un accroissement de ces types de maladies. Cela ne prouve pas l'hypothèse, mais c'est une observation compatible avec la théorie, c'est une observation qui l'appuie.
Ensuite, nous voyons la destruction de la glande thymus. Ces maladies se manifestent dans un nombre grandissant de modèles animaux. Si le thymus est détruit, que ce soit mécaniquement — par son extraction — ou chimiquement — les produits chimiques mènent à l'atrophie du thymus —, cette destruction cause ces maladies chez les animaux qui y sont prédisposés. Il est parfois difficile de décrire le modèle exactement. Ce que j'ai vu jusqu'à maintenant est compatible avec la théorie des effets sur la santé au XXIe siècle.
Je passe maintenant à mon troisième sujet, c'est-à-dire l'évaluation du risque cumulatif. Si Santé Canada avait effectué une évaluation du risque cumulatif, même avec les chiffres qu'il a utilisés, il aurait conclu que le SPFO est problématique. Avec l'évaluation du risque cumulatif, nous envisageons tous les produits chimiques d'une catégorie donnée, et nous identifions les substances chimiques qui se ressemblent. Tous ces composés fluorés se ressemblent. Ce sont des acides auxquels sont agglomérées une foule de molécules de fluor. Ils fonctionnent de la même façon, et c'est ce que nous avons constaté jusqu'à maintenant, même si la plupart d'entre eux n'ont pas fait l'objet d'essais. Cependant, dans le cas des composés que nous avons mis à l'essai, les tissus attaqués sont les mêmes.
Par conséquent, lorsque nous effectuons une évaluation du risque cumulatif, ces toxicités s'additionnent. On voit cet effet cumulatif sur le terrain, avec les cas d'empoisonnement aux composés organophosphorés. On a établi des normes à l'égard de tous les composés organophosphorés, et c'est tout ce qu'on a fait. Ces normes ont été respectées, mais on a repéré par la suite des personnes qui avaient des tics oculaires, signe caractéristique d'une intoxication aux composés organophosphorés. Cela tenait au fait qu'on utilisait 10 composés organophosphorés dans le respect des normes établies, mais que leur effet cumulatif était supérieur à la limite établie pour la catégorie.
Je crois que cette catégorie aurait dû faire l'objet d'une évaluation du risque cumulatif. D'autres catégories figurant sur la Liste intérieure des substances, ou LIS, dans la LCPE devraient faire l'objet d'une telle évaluation. L'évaluation du risque cumulatif comporte deux avantages : premièrement, elle protège davantage, et deuxièmement, elle est plus efficiente. Au moment d'examiner la catégorie complète — et nous avons relevé 185 acides fluorés ou précurseurs — nous pourrions les examiner de façon globale au lieu de les étudier un à un, comme on le fait à l'heure actuelle.
Mon quatrième sujet concerne les APF à courte chaîne, qu'on a mentionnés à titre de remplacement possible. Encore une fois, la justification a été fournie par Scott Mabury. Scott Mabury est l'expert mondial en ce qui concerne le « devenir », c'est-à-dire le mouvement de ces substances dans l'environnement, et leurs manifestations dans la faune. Scott Mabury a expliqué pourquoi les chaînes courtes ne sont probablement pas problématiques dans le cas de la faune. Il a raison, mais son explication ne s'applique pas nécessairement aux humains.
Comme vous l'avez appris à l'occasion de témoignages antérieurs, on ignorait que les composés fluorés posaient problème, car on ne les voyait pas. Ils étaient là, mais nous devons dire à la machine ce qu'elle doit chercher exactement. Dans le passé, on faisait des recherches et on trouvait de nouvelles choses, mais il faut chercher spécifiquement ces substances. Si nous voulons chercher la chaîne C8 et la chaîne C7, nous allons manquer la chaîne C7 lorsque nous chercherons la chaîne C8, à moins que nous ne disions à la machine où regarder. De façon générale, on n'a pas cherché les chaînes courtes.
Si nous ne les cherchons pas, cela devient une prophétie qui s'exauce. Au Minnesota, on a cherché des chaînes courtes et du sang humain dans la nappe phréatique, et on a trouvé les deux : pas le sang de tout le monde, mais on a en trouvé. Il s'agissait d'acide carboxylique C4. D'après ce qu'on nous a dit au sujet du taux d'élimination, il n'aurait pas dû être là.
Il y a un problème à l'égard de la façon dont on a établi le taux d'élimination. On a effectué des recherches sur des animaux. Si on revient aux SPFO, on a mené des recherches sur des rats et des singes, et on a examiné le sang d'humains. Quels sont les horizons temporels et les demi-vies? Pour le rat, il s'agit de jours, pour le singe, de semaines et pour l'humain, d'années. Même si les horizons temporels et les demi-vies pour les rats sont beaucoup plus courts, ils sont maintenant beaucoup plus courts également pour les humains, et il pourrait maintenant s'agir de mois, ce qui demeure une longue demi-vie pour un produit chimique.
Même si elles sont moins problématiques que le SPFO, les chaînes C4 pourraient néanmoins causer des problèmes. Je vois des parties émergées d'icebergs; parfois, il ne s'agit pas d'icebergs. Pour ce qui est des composés fluorés dans leur ensemble, je croyais avoir vu la partie émergée de l'iceberg il y a 25 ans, et, au bout du compte, j'avais raison. J'ignore si c'est la même chose dans le cas qui nous occupe, ou s'il s'agit seulement d'avertissements dont nous devons prendre connaissance. Je crois que nous devons examiner les chaînes C4 de façon approfondie avant de les considérer comme des solutions de rechange sécuritaires.
J'ai deux autres sujets à aborder. Un collègue voulait que je parle d'incinération. Lorsque les ménages jettent des produits qui contiennent des composés fluorés par l'entremise du service municipal de collecte des déchets, les incinérateurs utilisés n'atteignent peut-être pas les températures nécessaires pour dégrader les composés fluorés. Ces substances chimiques se dégradent à température élevée. Ils sont résistants. C'est pourquoi on les utilise dans les bains galvanoplastiques. C'est pourquoi on les utilise dans l'industrie de l'électronique. Ils résistent à la dégradation. Il est possible qu'en utilisant ce mode d'élimination nous en émettions davantage dans l'environnement.
L'autre question concerne le ciblage et la destruction des stocks, par exemple, les stocks de mousse extinctrice. Quelqu'un doit détruire les stocks de mousse extinctrice. Cela constitue un type de problème différent, et 3M, qui était au courant du problème, a pris les mesures nécessaires au moment d'envoyer ses déchets aux fins de l'élimination : lorsqu'on est en présence d'une quantité importante, le problème de la dégradation des produits devient évident. Le principal produit de dégradation à craindre est l'acide hydrofluorique. Lorsque ces composés fluorés deviennent de l'acide hydrofluorique, HF, ce dernier fait fondre le verre et la céramique, de sorte qu'il gruge l'intérieur des incinérateurs, dont l'intérieur est habituellement tapissé de tuiles de céramique. Il faut les envoyer là où on peut les manipuler et les diluer suffisamment pour qu'ils ne causent pas de tels problèmes. Il y a des problèmes à l'égard de l'incinération de ces substances.
Mon dernier sujet a trait au changement climatique, qui a fait l'objet d'une question à l'occasion de la dernière audience. Je n'ai ajouté cette question qu'aujourd'hui. On reconnaît généralement que ces substances ne jouent pas un rôle important au chapitre du changement climatique, mais cela ne veut pas dire qu'elles n'y contribuent pas. Un groupe de recherche anglais a découvert dans l'atmosphère un sous-produit du SPFO, et c'est le plus dangereux des gaz à effet de serre. Il est plus fort que toute autre substance. Sa puissance est 10 000 fois supérieure à celle du CO2.
Cette étude a été publiée dans la revue Science, et 3M a écrit une lettre pour dire que cette substance était émise par son usine, et que son usine émettait cette substance depuis qu'elle fabriquait du SPFO et de l'APFO. Par conséquent, même si la concentration estimée de ce sous-produit est faible au point de nous permettre de conclure qu'elle ne contribue pas de façon importante au réchauffement de la planète, il n'en demeure pas moins que ces substances ont un fort potentiel en matière de réchauffement de la planète.
À ma connaissance, on n'a pas tenté de mesurer la présence de SPFO et d'APFO. Du moins, je ne me souviens pas en avoir vu. Il y a en a peut-être maintenant. Un collègue voulait faire cela. Néanmoins, à la lumière de ce que nous savons sur des substances similaires, leur puissance serait presque 10 000 fois supérieure à celle du CO2. Ce sont de gros chiffres aussi. Toutefois, ces substances devraient être évacuées avec la pluie et ne devraient pas rester dans l'atmosphère, et c'est pourquoi elles ne nous préoccupent pas outre mesure.
Cependant, il y a d'autres sous-produits inconnus de la fabrication de ces composés fluorés. La plupart des sous- produits sont connus. Le rendement au chapitre de la production de SPFO est inférieur à 50 p 100. Il y a davantage de sous-produits et de déchets que de produits.
Kapil Khatter, directeur, Santé et de l'environnement, Pollution Watch : Merci de me donner l'occasion de vous parler de nouveau de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et des produits chimiques perfluorés. Pollution Watch est un projet de l'Association canadienne du droit de l'environnement et d'Environmental Defence. Je suis accompagné de Kathy Cooper, chercheure principale à l'Association canadienne du droit de l'environnement.
Au point où nous en sommes, toutes les personnes ici présentes ont entendu parler des substances perfluorées, savent ce qu'elles sont et connaissent les problèmes connexes. Nous voulons examiner les aspects problématiques de la LCPE, parler des correctifs qui s'imposent et montrer comment les composés perfluorés peuvent mettre en lumière ces problèmes.
Le premier élément de notre exposé concerne l'inversion du fardeau de la preuve. Cet enjeu concerne le fardeau de la preuve pour ce qui est de produire des preuves de l'innocuité d'un produit chimique ou des dangers qu'il comporte. Au cours de la première séance sur les composés perfluorés, les représentants d'Environnement Canada vous ont dit qu'ils ignorent tellement de choses au sujet de ces substances chimiques qu'ils ne savent même pas combien il y en a. Or, c'est au gouvernement qu'il incombe de découvrir tout ce qu'il peut au sujet de ces substances chimiques et de prouver qu'il y a un problème, le cas échéant. D'ici là, ces produits chimiques peuvent être rejetés par les cheminées industrielles et utilisés dans la fabrication de produits sans qu'aucune étude ne soit menée à l'égard des effets éventuels.
Selon nous, il va de soi que l'industrie est responsable de veiller à ce que les ingrédients qu'elle intègre à un produit ménager ou relâche dans l'air ne soient pas nocifs. C'est du gros bon sens. Or, à l'heure actuelle, pour plus de 20 000 substances chimiques au Canada, ce n'est pas le cas.
Vous pourriez peut-être demander au témoin de DuPont, lorsqu'il comparaîtra jeudi, pourquoi sa société déchargeait annuellement 60 000 livres d'APFO dans la rivière Ohio jusqu'en 2000, sans savoir où l'APFO se retrouverait, pendant combien de temps il resterait, à quel point il s'accumulerait dans l'organisme humain ou ce que ses effets sur la santé peuvent bien être. C'est de ce genre de responsabilité qu'il est question quand nous parlons du fardeau de la preuve — la gestion responsable des substances chimiques et des produits qui les contiennent. La LCPE devrait clairement imposer ce fardeau au fabricant.
Les deuxième et troisième points de notre témoignage concernent la protection des enfants et l'évaluation du risque cumulatif. Le gouvernement mise sur l'évaluation des risques pour déterminer si une substance est susceptible de faire du mal, mais ces évaluations comportent deux grandes lacunes, et M. Purdy les a mentionnées toutes les deux. Premièrement, la LCPE ne s'assortit d'aucune disposition spécifique selon laquelle l'évaluation des risques doit tenir compte de la vulnérabilité accrue de l'enfant et du fœtus comparativement à l'adulte. Nous avons entendu M. Purdy déclarer que Santé Canada n'a pas protégé les enfants de façon adéquate dans le cadre de son évaluation des SPFO.
Deuxièmement, on tend à évaluer une à une les substances, de sorte que, même si deux produits chimiques distincts ont un impact comparable, on ne tient pas nécessairement compte de l'exposition combinée à ces substances. En général, on les évalue séparément. Encore une fois, M. Purdy a signalé qu'une évaluation du risque cumulatif aurait amené Santé Canada à tirer une conclusion différente.
La Loi sur les produits antiparasitaires, considérée comme la plus récente et la meilleure de nos lois relatives aux produits chimiques, prévoit que des pesticides à effet similaire doivent être évalués ensemble. Il doit y avoir évaluation du risque cumulatif. La loi exige également qu'on applique un facteur de sécurité additionnelle pour protéger les enfants.
Si nous devons faire ce genre de choses pour les pesticides, il y a sûrement lieu de le faire également pour les produits chimiques qui composent nos produits ou qui sont intégrés à nos aliments. Nous croyons que ces dispositions de la Loi sur les produits antiparasitaires devraient être enchâssées dans la LCPE.
Notre quatrième point concerne les échéanciers. Les échéanciers sont importants, car ils permettent de veiller à ce que des mesures soient prises rapidement pour protéger notre santé et l'environnement contre les substances dangereuses. Il y a au Canada de nombreux produits chimiques qui, après avoir été déclarés toxiques il y a quelques années, ont continué d'être utilisés et relâchés à des niveaux susceptibles de faire du mal, car il n'y avait ni exigence ni échéancier pour la prise de mesures.
Le cas du SPFO illustre bien toute la lenteur du système canadien. Il suffit de se demander pourquoi, en 2007, nous arrivons enfin à l'étape du projet réglementaire relatif au SPFO, substance interdite par les États-Unis depuis 2000. Et je puis vous assurer que nous en sommes arrivés là grâce à d'énormes pressions exercées par le public.
Dans le cas des aspects de la LCPE soumis à des échéanciers, comme le processus de catégorisation auquel le gouvernement a récemment mis la dernière main, le travail se fait; mais les étapes d'évaluation et de gestion prévues dans la LCPE ne sont soumises à aucun échéancier ou sont soumises à des échéanciers trop longs. À l'heure actuelle, le gouvernement dispose de cinq ans, plus une extension possible de deux ans, juste pour évaluer une substance.
Vous devriez avoir reçu avec notre mémoire une diapositive qui décrit les échéanciers que nous proposons. Je pourrai vous les expliquer plus en détail pendant la période de questions.
Nous sommes également d'avis que l'obligation de consulter le Cabinet à trois reprises, dans le cadre de l'évaluation et de la gestion d'une substance, est trop lourde et occasionne des retards inutiles. Il n'est pas nécessaire, par exemple, de demander au Cabinet de confirmer la décision des chercheurs selon laquelle un produit chimique donné est toxique.
Notre sixième point concerne la confidentialité. Les représentants d'Environnement Canada ont déclaré, à l'occasion de la première séance sur les composés perfluorés, que le manque de clarté de la LCPE à l'égard de la confidentialité les gêne dans leur travail. Ils ont dit qu'une telle clarté leur permettrait de diffuser l'information scientifique de façon plus rapide et efficace afin d'exercer une influence plus marquée sur les substances existantes.
Encore une fois, je cite en exemple la Loi sur les produits antiparasitaires et les progrès qu'on a réalisés dans le cadre de cette loi pour ce qui est de définir clairement la notion de « renseignements commerciaux confidentiels ». Cette loi établit une distinction entre les renseignements commerciaux confidentiels et les données d'essai relatives à la santé et à la sécurité. La loi prévoit que les données d'essai sont accessibles au public. Les membres du public doivent signer un document selon lequel ils s'engagent à ne pas utiliser l'information à des fins commerciales, et ils doivent consulter l'information sur place, de sorte qu'ils ne peuvent montrer le document à d'autres personnes. On a enchâssé dans la loi un principe important auquel le Canada a adhéré dans le cadre de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants et l'Approche stratégique de la gestion internationale des produits chimiques, la Déclaration de Dubai : ce principe, c'est que les études permettant de déterminer si une substance chimique est sécuritaire ou dangereuse doivent être rendues publiques. C'est la seule façon d'assurer la responsabilisation à l'égard des décisions touchant le risque. Nous recommandons que la LCPE soit au moins aussi claire et transparente que la Loi sur les produits antiparasitaires.
Notre septième point concerne les produits de consommation, et c'est à cet égard que j'ai quelque chose de gentil à dire. Même si le processus de réglementation du SPFO a pris trop de temps — et le règlement contient peut-être trop de restrictions — le règlement constitue néanmoins un bon exemple de la façon dont nous devrions nous attaquer au problème des substances toxiques contenues dans les produits. L'approche d'évaluation substance par substance que privilégie Santé Canada, en vertu de la Loi sur les produits dangereux, se révèle lente et inefficace. Lorsqu'un produit chimique est déclaré toxique au sens où l'entend la LCPE, la LCPE devrait être utilisée pour limiter l'utilisation de cette substance dans les produits, de façon à protéger notre santé et l'environnement.
Comme c'est le cas du SPFO, on peut faire des exceptions lorsqu'il n'y a aucune solution de rechange raisonnable, comme pour le fluide hydraulique pour aéronef, mais on devrait partir du principe selon lequel un produit chimique toxique ne doit être utilisé dans des produits que dans de telles situations exceptionnelles. Si nous appliquons une telle démarche au plomb, au mercure, le phtalate de di(2-éthylhexyle), ou DEHP, et d'autres produits chimiques dangereux, nous serions beaucoup plus efficaces pour ce qui est de protéger les Canadiens et leur environnement.
Quelques autres recommandations énoncées dans le mémoire concernent les composés perfluorés. L'une d'elles concerne la nécessité de remanier les dispositions de la loi relatives à la quasi-élimination pour veiller à ce que les substances hautement toxiques, en particulier celles qui sont persistantes, bioaccumulables et intrinsèquement toxiques, puissent être éliminées. Nous recommandons également l'élimination de la disposition prévoyant le calcul du niveau mesurable minimum, ou « limites de dosage », et l'adoption d'une disposition permettant d'établir une interdiction, comme on le fait avec le SPFO.
De plus, il y a des régions qui courent un risque plus marqué à l'égard de produits chimiques comme les composés perfluorés — songez seulement au transport à grande distance dans le Nord —, et la LCPE devrait permettre de désigner des zones qui exigent une protection supplémentaire, comme le Nord et le bassin des Grands Lacs et du Saint- Laurent.
Mme Cooper va présenter la fin de notre exposé.
Kathleen Cooper, chercheure principale, ACDE, Pollution Watch : Aujourd'hui, j'ai remis à la greffière un exemplaire du document Ce qu'il faut savoir sur la santé des enfants et de l'environnement, produit par le Partenariat canadien pour la santé des enfants et de l'environnement. Ce livre offre un aperçu d'une question fort complexe. On l'a produit en vue de donner à des gens comme vous, aux médias, aux chercheurs et aux artisans des politiques, une idée de l'étendue et de la profondeur de ce vaste domaine qui ne continue de croître et dont vous avez beaucoup entendu parler aujourd'hui, afin de décrire le contexte dans lequel s'inscrivent les discussions sur le mercure et les composés perfluorés.
La conclusion fondamentale que les partenaires ont tirée relativement au contexte de l'exposition multiple des enfants à des produits chimiques, c'est que les enfants sont plus vulnérables et qu'il y a énormément d'incertitude, de considérations complexes et de risques élevés qui sont sources de vives préoccupations quant aux effets sur la santé. Nous avons conclu qu'il est prudent d'adopter une approche préventive, et une telle intervention peut prendre de nombreuses formes, y compris celles que nous mettons de l'avant dans nos diverses recommandations.
Vous avez probablement entendu dire que certaines substances chimiques ne sont pas admissibles à titre de substances bioaccumulables en vertu des règlements d'application de la LCPE. Je soulève la question parce que j'estime que vous êtes habilité, dans le cadre de votre examen de la LCPE, à vous pencher sur cette lacune de la réglementation. Si ces substances chimiques reconnues comme bioaccumulables et persistantes ne correspondent pas à la définition de bioaccumulation, alors il y a un problème avec la définition, et il serait tout à fait raisonnable de votre part de recommander que la définition soit corrigée. Ces produits chimiques échappent à la définition parce qu'ils s'accumulent non pas dans les matières grasses, mais bien dans la chair.
Autres exemples qui appuient notre position. On reconnaît de plus en plus que les produits ignifuges décabromés sont bioaccumulables. D'autres produits chimiques sont dans la même catégorie. Le problème tient non pas à l'innocuité de ces substances, mais bien à la définition.
Alors, vous savez que nous suivons de près les ordonnances relatives à la quasi-élimination : nous mentionnons, dans notre mémoire, que ce mécanisme n'a été utilisé qu'à l'égard d'une seule substance. Comme vous le savez peut- être, grâce au nouveau Plan de gestion des produits chimiques proposé en décembre, deux ou trois produits chimiques de plus se retrouveront sur la Liste de quasi-élimination au cours du mois. On fait des progrès, et c'est une bonne chose. Toutefois, sur 22 000 substances, c'est bien modeste.
Ces progrès sont d'autant plus modestes que ces produits chimiques ont, en grande partie, été abandonnés — on ne les utilise pas —, et la base d'information scientifique à l'égard de ces produits est irréfutable. Ce sont des dangers connus. Nous n'avons pas besoin de pousser nos recherches ou de recueillir des preuves supplémentaires pour nous en convaincre.
Je me plais à comparer ces progrès au fait d'interdire les allumettes dans une garderie. C'est la bonne chose à faire, mais cela ne donne pas grand-chose sur le plan de la réglementation. On pourrait dire la même chose des produits ignifuges décabromés. Il y a eu une certaine réaction à leur omission de l'interdiction, mais la démarche vise à réglementer le statu quo. L'interdiction donne l'impression que les choses avancent un peu, mais cela n'est absolument pas suffisant.
Histoire d'étayer encore davantage notre propos sur la quasi-élimination, je vous signale que le Programme de gestion des produits chimiques, en plus d'offrir une telle clarté supplémentaire, soutient également l'idée selon laquelle il faut l'interpréter de façon plus étendue. Il faut l'utiliser plus efficacement que par le passé.
On ne saurait trop insister sur l'importance des progrès réalisés à l'égard de la Loi sur les produits antiparasitaires et des diverses mesures qu'elle contient. On a travaillé dur et longtemps pour accomplir cela.
Les hauts fonctionnaires de Santé Canada décrivent ces mesures comme la nouvelle norme de référence canadienne en matière de réglementation des substances toxiques. Nous devons appliquer cette norme de référence et mettre en œuvre les recommandations formulées à l'égard de la modification de la LCPE. Si les modifications apportées à la Loi sur les produits antiparasitaires constituent la nouvelle référence, alors j'ai bien l'impression que vous devez recommander, à l'égard de la LCPE, les divers changements que nous avons suggérés.
Le président : Madame Cole, je tiens à m'assurer que nous savons à quoi nous en tenir. À l'occasion des séances précédentes, plusieurs témoins, y compris M. Mabury, qu'on nous a décrit comme le Wayne Gretzky du SPFO, ont convenu du fait qu'il faut prendre les mesures qui s'imposent si on arrive à la conclusion que les composés perfluorés constituent un risque pour la santé. Or, on n'a pas conclu qu'ils constituent un risque pour la santé. Quelqu'un peut-il nous dire si ces produits constituent un risque pour la santé ou non?
Mme Cole : Nous avons fait beaucoup de chemin grâce à la science, elle nous a aidés de nombreuses façons. Toutefois, je crois que nous en sommes au point où notre volonté de vouloir tout prouver par la science est parfois douteuse. Nous avons jeté le bébé avec l'eau du bain, et nous ne faisons pas preuve de prudence. Nous ne misons pas autant sur le gros bon sens qu'autrefois.
Je dois dire que cette catégorie de substances chimiques m'inquiète. Comme vous l'avez entendu dans notre exposé, mes collègues et moi-même sommes d'avis qu'il y a suffisamment de preuves des risques liés à l'ensemble de cette catégorie de produits chimiques pour chercher à l'interdire.
On utilise ces produits depuis la fin des années 1940. Or, ce n'est que maintenant que nous commençons à entrevoir des effets possibles sur la santé humaine. Ce n'est pas que ces substances ne créent pas de problème. Le problème, c'est que nous n'avons pas fait suffisamment de recherches sur la question. Nous n'avons pas mené suffisamment de recherches pour prouver qu'ils causent des problèmes aux humains.
Les études menées sur des animaux montrent qu'il y a un problème. Nous avons commencé à croire que ces substances posaient problème quand nous les avons trouvées dans le foie d'ours polaires, dans le Nord. Nous avons découvert cela parce que ces tissus sont les plus abondants. Lorsqu'on s'est mis à creuser un peu plus, on a constaté que les gens du Sud affichaient les mêmes niveaux que ceux du Nord, et c'est en raison de leur exposition quotidienne à ces substances.
Nous avons adopté un point de vue plus large afin d'envisager les produits chimiques en général, car le problème tient à l'exposition multiple à des produits chimiques. On ne saurait nier l'impact de ces CPF, mais il ne faut pas perdre de vue que c'est la totalité des expositions qui finit par nous abattre.
Le président : Nous savons qu'ils sont là. Quelles sont les répercussions de leur présence? Nous savons qu'ils ne sont pas censés être là. Nous savons qu'ils ne se trouvent pas naturellement dans notre sang, et nous savons que nous préférons ne pas les y trouver, mais quel impact ont-ils?
M. Purdy : Aux concentrations les plus faibles, dans le cadre de nos essais, et probablement à une concentration plus faible, ils occasionnent la dégradation de la glande thymus. Ils ont également un effet sur la thyroïde. Nous ignorons ce que tout cela signifie.
Oui, ils ont des effets, et ils existent. On suppose qu'ils font du mal. Pour ce qui est de convaincre les gens, c'est un peu comme la théorie du soleil qui se lève chaque jour : certains doivent voir le soleil se lever deux fois avant d'adhérer à la théorie, et d'autres devront voir le phénomène une centaine de fois avant d'être convaincus. Ce n'est jamais vraiment prouvé. Il s'agit de déterminer à quel moment vous choisissez d'accepter les données qui vous sont présentées. Certains d'entre nous avons décidé de prêter attention aux signes avant-coureurs, et d'autres veulent davantage de preuves.
Le sénateur Spivak : Si je comprends bien, nous n'avons pas vraiment étudié les aspects liés à la bioaccumulation, alors comment pouvons-nous connaître les risques pour la santé si nous n'avons pas examiné cet aspect?
M. Purdy : Dans le cadre des études sur la santé, on s'est penché sur les substances qui apparaissent lorsque les substances bioaccumulables se dégradent. Il y a des études sur les précurseurs, les alcools. Je ne pourrais vous citer les données au pied levé, mais je sais qu'il y a des données.
J'ai mentionné les acides C4 plus tôt. Il y a des études sur ces produits chimiques, et, fait surprenant, ils sont beaucoup plus toxiques que prévu. Je ne peux comparer les études sur les acides C4 aux études sur le SPFO. Les doses administrées aux animaux étaient différentes. Je crois qu'ils leur ont administré les doses de force, en la leur versant dans le fond de la gorge. Dans les autres études sur le SPFO, on administrait la dose dans les aliments, alors on pourrait difficilement comparer les deux études.
Le président : On nous a dit que les précurseurs constituent en soi un problème, car nous ignorons ce qu'il leur arrive lorsqu'ils sont réunis.
Le sénateur Cochrane : Monsieur Purdy, pourriez-vous nous parler un peu du travail que vous faites?
M. Purdy : À l'heure actuelle, je suis toxicologue à la pige. J'ai travaillé pendant trois ans au sein de la Environmental Protection Agency américaine, l'EPA, où j'effectuais des évaluations des risques, vers la fin des années 1970 et le début des années 1980, et j'ai par la suite travaillé pour 3M pendant 19 ans. Je travaille seul depuis un certain temps. Maintenant, mes études concernent principalement la documentation scientifique. J'ai cessé de travailler en laboratoire lorsque j'ai quitté mon emploi pour exercer des fonctions postdoctorales. Depuis, je mise sur la chimie computationnelle pour formuler des prédictions relatives à la base de toxicité.
Le sénateur Cochrane : Vous dites que la Loi sur les produits antiparasitaires s'assortit de dispositions spéciales visant à protéger les enfants de façon adéquate. La LPA exige qu'on applique des facteurs de sécurité additionnelle pour tenir compte de la vulnérabilité des enfants dans le cadre de l'évaluation des risques. Pouvez-vous nous fournir des précisions au sujet de ces facteurs? Qu'est-ce que cela suppose? De quelle façon envisagez-vous l'intégration d'un tel outil à la LCPE?
M. Khatter : Si vous permettez, madame le sénateur, vous parlez de questions que nous avons soulevées.
Le sénateur Cochrane : Monsieur Khatter, allez-y.
M. Khatter : La tradition qui consiste à appliquer un facteur de sécurité additionnel pour les enfants est née aux États-Unis, dans la Food Quality Protection Act, et a fait son apparition au Canada dans la Loi sur les produits antiparasitaires. Lorsque nous examinons les études sur des animaux et tentons de déterminer si les résultats sont pertinents pour les humains, on tient compte de certains facteurs d'incertitude permettant d'établir la distinction entre les rats et les humains, par exemple, et d'établir comment certaines personnes sont plus vulnérables à certaines substances. Nous savons que, dans certains cas, à l'égard de certains produits chimiques, la vulnérabilité d'un enfant ou d'un fœtus peut être 1 000 fois supérieure à celle d'un adulte, en partie parce qu'ils sont à un certain stade de leur développement, et en partie parce qu'ils ont moins de défenses. Le facteur de sécurité additionnel vise à protéger adéquatement le fœtus et l'enfant.
Le sénateur Cochrane : Connaissez-vous les produits chimiques dont il est question?
M. Khatter : Le plomb est un bon exemple de substance hautement toxique pour tout le monde, mais plus toxique pour un enfant et un fœtus. D'année en année, nous découvrons que le niveau toxique est toujours plus bas qu'on ne le croyait.
Mme Cooper : L'ajout de facteurs de sécurité additionnelle permet également de compenser d'énormes quantités d'incertitudes. Cette mesure découle du débat consistant à déterminer si l'évaluation du risque est un outil adéquat pour atténuer les préoccupations relatives à la vulnérabilité supérieure des enfants aux pesticides. C'était un compromis entre un certain nombre d'approches, et ce n'est pas une méthode parfaite. D'autres aspects de la Loi sur les produits antiparasitaires relatifs à la protection des enfants soutiennent l'approche consistant à regrouper l'exposition aux produits chimiques d'une même catégorie, comme les composés organophosphorés mentionnés par M. Purdy. Nous recommandons l'ajout d'un certain nombre d'éléments de la Loi sur les produits antiparasitaires, y compris cette approche fondée sur les facteurs de sécurité, afin qu'on puisse tenir compte de la vulnérabilité supérieure des enfants et intégrer des éléments de l'approche préventive qui existent actuellement dans la Loi sur les produits antiparasitaires.
Mme Cole : Notre discussion est anthropocentrique. Nous examinons la nature de l'impact prouvable sur la santé humaine, mais la LCPE vise à protéger la santé non seulement des êtres humains, mais aussi de l'environnement dans son ensemble. Ce n'est qu'au XXIe siècle que nous commençons à comprendre, sans l'ombre d'un doute, que toutes les choses sont interreliées. De savoir que ces choses sont problématiques, qu'on peut mesurer leur présence dans les tissus d'un si grand nombre d'animaux et dans l'environnement en général, que ces substances ont le genre d'impact dont M. Purdy nous a parlé, ne serait-ce qu'à l'égard du réchauffement de la planète, cela devrait suffire à nous convaincre d'agir. C'est sur cela que repose toute la notion de prudence. Nous sommes vraiment dans le vif du sujet, en ce qui concerne la prudence.
Le président : La prudence est un aspect important de la LCPE, comme vous l'avez signalé.
Le sénateur Cochrane : Monsieur Purdy, vous avez répondu à la question du sénateur Spivak sur la désignation du SPFO à titre de produit toxique, au sens où l'entend la LCPE, pour l'environnement, mais pas pour les humains. Vous avez déclaré que les chercheurs responsables de la LCPE ne disposaient pas de toutes les données, mais nos chercheurs affectés à la LCPE sont efficaces. Je suis surprise de vous entendre dire qu'ils ne disposaient pas de données suffisantes.
M. Purdy : Je n'ai pas dit qu'il n'y avait pas suffisamment de données. J'ai dit que les données qu'ils ont choisi d'utiliser dans le cadre des études ne sont pas celles que j'aurais choisies. Ils se sont arrêtés au 95e percentile, alors que j'aurais choisi de pousser l'étude jusqu'à la personne affichant le niveau le plus élevé. Les données sont les mêmes et elles sont toutes là, mais les chiffres qu'ils ont utilisés sont différents des chiffres que j'aurais utilisés en appliquant le principe de la prudence. Quels chiffres devrions-nous utiliser? Devrions-nous utiliser la moyenne? Devrons-nous utiliser le 95e percentile ou aller jusqu'à la personne la plus touchée? C'est un autre aspect du principe de la prudence. On l'utilise principalement dans le domaine de la gestion, mais on l'utilise aussi dans le domaine scientifique de l'évaluation des risques.
Le sénateur Milne : Vous vous entendez tous sur deux choses : premièrement, le principe de prudence; deuxièmement, vous convenez de l'importance d'examiner de nouveau la primauté du droit de savoir du public sous le régime de la LCPE. Plus particulièrement, vous avez dit que le droit de savoir du public l'emporte sur le droit d'une société de protéger ses formules secrètes. Nous devons certainement nous pencher sur cette question. Monsieur Purdy, vous qui avez déjà travaillé pour 3M, vous pourriez peut-être nous parler de cette notion.
Je suis intéressée par ce que vous avez dit au sujet de la maladie du XXIe siècle. Quand j'ai soulevé la question, les témoins qui étaient devant nous avaient rejeté cette notion d'emblée. Je suis intéressée par ce que vous avez dit au sujet de la possibilité que cette maladie tienne en partie à l'effet cumulatif de ces divers produits chimiques. Au cours des essais sur les singes, est-ce que le thymus était tout simplement atrophié ou complètement détruit?
M. Purdy : Il n'était pas complètement détruit. On a utilisé le terme « atrophié ».
Le sénateur Milne : Ces singes n'étaient pas jeunes.
M. Purdy : C'est exact. Dans le cadre de l'étude, on les comparait aux animaux témoins auxquels on n'avait pas administré de SPFO.
Le sénateur Milne : Vous avez parlé de l'évaluation du risque cumulatif. Je ne crois pas qu'on ait effectué, pour l'instant, des évaluations du risque cumulatif à l'égard des molécules à courte chaîne que 3M a mis au point et utilise dans certaines de ces substances. Mène-t-on des études à l'égard des substances à chaîne plus courte?
M. Purdy : Je ne suis au courant d'aucune étude de ce genre, mais on étudie actuellement la toxicité ajoutée, chose que j'ai suggérée il y a de cela de nombreuses années. Personne n'a mené de telles études. J'ai oublié de mentionner que l'évaluation du risque cumulatif a été appliquée à d'autres substances, comme les biphényles polychlorés, ou BPC, et les centaines de dioxines, y compris les composés organophosphorés. Leur toxicité varie, alors on les calcule en fonction d'une équivalence et on les compare à une valeur de référence. Voilà comment on procède à l'évaluation de ces risques.
Le sénateur Milne : Comme l'a signalé le président de notre comité, M. Mabury a témoigné devant nous et déclaré qu'il ne semble pas y avoir de problème à l'égard des fluorocarbures à chaîne plus courte. Je crois comprendre, d'après ce que M. Purdy nous a dit, que ces substances ne sont pas réputées bioaccumulables parce que personne n'a effectué d'essai à cet égard.
M. Purdy : M. Mabury parlait de la probabilité dans un écosystème comme celui du Nord. Il ne se penche pas sur le côté humain. Il s'attache à autre chose. Dans le contexte de son témoignage et de ses recherches, il a raison, mais tout porte à croire qu'il y a peut-être un problème pour l'humain. Je mentionne ces substances parce que nous devons les examiner avant de déclarer qu'elles sont acceptables.
Le sénateur Milne : M. Mabury a également parlé des molécules excédentaires dans les produits servant à traiter les tapis. Il était d'avis que l'élimination des molécules excédentaires écartait le danger, car les liens sont si solides que les autres sont maintenues.
M. Purdy : Je ne crois pas que cela soit vrai. J'ai lu son témoignage, et je ne me souviens pas qu'il ait dit cela. Je crois qu'il a mentionné que les liens qui unissent ces molécules aux polymères peuvent être brisés. Il s'agit de liens esters. Si vous connaissez quelque chose aux réactions chimiques, vous savez qu'il s'agit de flèches qui disent : « le lien se fait dans un sens, mais pas dans l'autre. » Les liens esters vont et viennent. Ils se nouent et se brisent. Le rythme auquel ils se brisent est accéléré par la chaleur, par des acides supplémentaires, par des bases supplémentaires, et par des enzymes. Il y a des centaines d'estérases. J'ai obtenu mon doctorat en isolant la première estérase fonctionnant sur des polymères.
M. Mabury a effectivement dit qu'il y a d'autres façons de lier solidement la molécule à la chaîne, et nombre d'entre nous disons cela depuis longtemps. D'ailleurs, je crois qu'il a mentionné les liens esters. Si elles étaient liées à la chaîne au moyen de liens esters, elles ne se détacheraient probablement pas. Il y a d'autres liens que vous pouvez utiliser.
Le sénateur Milne : Autrement dit, si ces molécules excédentaires sont éliminées et que les autres sont bien liées, il est possible que le produit soit sécuritaire?
M. Purdy : Oui : pour ce qui est des substances qui existent actuellement, nous ignorons, si nous éliminons toutes ces molécules excédentaires, à quel rythme les liens esters commenceront à se briser, car je ne crois pas que quiconque ait effectué des recherches pour déterminer cela. J'ai fait beaucoup de bruit, à l'occasion de réunions de l'EPA, pour qu'on forme l'industrie à faire cela, et j'ignore si on a commencé à le faire.
Le président : Mme Cole a quelque chose à ajouter. Je tiens à rappeler à toutes les personnes ici présentes, moi y compris, car je suis le premier coupable, et des personnes plus sages que moi m'ont ramené à l'ordre, que même si la présente discussion est intéressante, nous sommes ici pour déterminer si la LCPE nous permet d'intervenir efficacement à l'égard de ces substances. Il est hors propos de s'interroger sur leur nature et sur leurs effets.
Mme Cole : Je dirais que non, je ne crois pas que la LCPE soit suffisamment efficace. C'est un bon départ, certes. Personnellement, je crois que la loi n'est pas assez musclée, et c'est là l'intérêt de l'examen que vous menez actuellement.
Vous avez commencé par un commentaire au sujet de ma déclaration sur le droit de savoir du public. Je tiens à ce que vous sachiez à quel point mon affirmation a du poids. Le Réseau canadien de l'environnement, qui compte parmi ses membres 800 groupes environnementaux de partout au pays, s'est réuni à Toronto en janvier dernier, et la plupart des personnes présentes s'intéressent surtout à la question de la LCPE. Or, le droit de savoir du grand public était l'un des principaux sujets de discussion ce jour-là, et nous avons parlé de la façon de promouvoir le fait que les gens doivent en savoir davantage sur ce qui se passe. J'ai mentionné, dans mon exposé, que j'étais troublée par le fait qu'on impose au consommateur la responsabilité de déterminer ce qu'il doit acheter et ce qu'il ne doit pas acheter, et les membres du grand public ne se réjouissent pas vraiment de la situation non plus.
Vous avez parlé de la maladie du XXe siècle. C'est au cours de la première moitié des années 1980 qu'on a d'abord qualifié la polysensibilité chimique de « maladie du XXe siècle », et c'est parce que des gens devenaient vraiment très malades : il était question de personnes qui devaient vivre dans une bulle, et ce genre de chose. Des gens devenaient malades, et ils ignoraient comment appeler ce phénomène alors ils l'ont appelé la maladie du XXe siècle. Ensuite, on a commencé à parler de « maladie environnementale ». De nos jours, on parle surtout de la polysensibilité chimique. Le terme est certainement lié à la totalité des expositions, et les CPF, à n'en point douter, s'inscrivent dans cette perspective.
J'ai mentionné qu'à Halifax, on a pris de nombreuses mesures pour réduire la charge, notamment la construction d'écoles saines sur le plan environnemental. Ce faisant, nous avons réduit la charge de CPF en évitant, principalement, d'avoir des tapis dans ces bâtiments et d'avoir des meubles rembourrés.
J'ai également mentionné, dans mes notes d'allocution, que, parmi les lieux étranges où on trouve des CPF, il y a les inhalateurs pour le traitement de l'asthme. Lorsque les enfants viennent à l'école avec de tels inhalateurs, ils les laissent au bureau. S'ils en ont besoin, ils savent où les trouver. Dans ces écoles saines, il est rare que les enfants aient besoin de leurs inhalateurs, car ils ne sont pas exposés à des substances chimiques susceptibles de déclencher une crise d'asthme.
Mme Cooper : Histoire de ramener cette question dans le contexte du SPFO, à titre d'exemple lié à la LCPE et à l'égard des enjeux touchant son application et sa modification, j'aimerais signaler quelque chose : qu'il soit question de substances chimiques à chaîne courte, dont nous connaissons peu de chose, ou des nouvelles preuves troublantes concernant les produits chimiques dont il est question aujourd'hui, nous revenons toujours à l'idée selon laquelle il faudrait évaluer ces substances avant de les mettre sur le marché, ce qui correspond à une inversion du fardeau de la preuve. Ces produits chimiques devraient être évalués avant que nous ne procédions à un essai non contrôlé sur les enfants, et c'est ça qui se produit actuellement dans notre société, car on autorise la mise en marché de ces substances chimiques avant de les évaluer pour s'assurer de leur innocuité.
Nous devons également effectuer des évaluations cumulatives et examiner un groupe entier de produits chimiques dont le mécanisme de toxicité semble fonctionner de la même façon. De plus, parmi les problèmes liés à l'application de la LCPE, il faut mentionner les échéanciers prévus dans cette réglementation, qui sont beaucoup trop longs. Enfin, en ce qui concerne l'exposition des enfants à ces produits chimiques, n'oublions pas que les produits de consommation que nous utilisons au quotidien et à la maison sont la principale source.
Nous avons soulevé toutes ces questions dans le cadre de notre exposé visant à déterminer si la LCPE livre la marchandise, si elle a livré la marchandise, et comment on pourrait l'améliorer. Toutes ces questions sont pertinentes aux produits chimiques que nous connaissons peu, et encore plus à votre exemple concernant les substances à chaîne courte, encore une autre catégorie de produits chimiques source de préoccupations naissantes. J'aimerais revenir aux divers arguments qui ont été mis de l'avant pour ce qui est de formuler des recommandations relatives à la LCPE.
Mme Madray : Histoire d'ajouter aux recommandations de Mme Cooper et aux arguments qu'elle a mis de l'avant, ce qu'elle a dit correspond tout à fait à notre situation. Nous avons des CPF, il y a d'autres toxines auxquelles nous sommes exposés au quotidien, et ces produits chimiques doivent faire l'objet de mesures plus expéditives.
La question qui s'impose, concernant la LCPE, est la suivante : comment allons-nous surveiller l'utilisation de toutes les toxines dont nous autorisons l'autorisation depuis X nombre d'années comparativement à celles qui deviendront les nouvelles substances, c'est-à-dire les nouvelles substances qui ne figurent pas sur la liste intérieure? Comment allons-nous gérer toutes ces toxines de façon à réduire notre charge toxique le plus tôt possible? Cela englobe les CPF.
Nous estimons, comme l'a mentionné M. Purdy, qu'il y a suffisamment de preuves pour réduire ou interdire l'utilisation de certaines de ces substances. Je sais que la mesure prévue dans la loi pour retirer quelque chose du marché, la quasi-élimination, n'est pas faisable, à l'heure actuelle. La loi doit être changée.
Nous sommes préoccupés non seulement par cette catégorie particulière, mais aussi par toutes ces toxines auxquelles nous sommes confrontés tous les jours, et les questions soulevées par Mme Cooper reflètent ce que la plupart d'entre nous vivons au quotidien. Comment pouvons-nous encourager le gouvernement à réagir et à faire ces choses en temps opportun?
Le sénateur Mitchell : En réponse au commentaire de Mme Cole, si la LCPE a des lacunes et ne livre pas la marchandise, y a-t-il des dispositions, dans la loi sur la qualité de l'air, qui permettront de combler ces lacunes, ou devons-nous en faire davantage? Avez-vous étudié la loi sur la qualité de l'air?
Mme Cole : Il faut en faire plus. La loi sur la qualité de l'air est devenue l'ensemble du programme environnemental. Bien entendu, nous avons tous besoin de respirer, et il est essentiel que l'air soit pur. Qu'allons-nous faire au sujet de ce qui se passe dans les pêcheries, les forêts et toutes les autres parties de l'environnement?
Le sénateur Mitchell : Cette loi ne complète pas la LCPE?
Mme Cole : La LCPE doit avoir davantage de force à tant d'égards, et le défi qu'ont à relever les gens qui doivent la rédiger est de tenir compte de certaines de ces choses. De nouveaux produits chimiques font constamment leur entrée sur le marché. Pendant ce temps, on continue d'utiliser couramment le chiffre de 70 000 produits chimiques. En réalité, ce chiffre est plutôt conservateur. Nous entendons souvent des chiffres de l'ordre de 80 000 ou 90 000 produits. Pendant ce temps, 700 nouveaux produits font leur entrée sur le marché, au Canada seulement. Le marché canadien ne représente que 2 p. 100 du marché mondial de la fabrication des produits chimiques. Nous devons ralentir considérablement l'entrée sur le marché de nouveaux produits chimiques, le temps que nous nous occupions de ceux qui y sont déjà. Nous devons les étudier, déterminer quels sont ceux dont nous savons qu'ils sont cancérigènes, examiner ceux dont nous pensons qu'ils peuvent l'être, étudier ceux dont nous savons qu'ils sont des modulateurs endocriniens, et cetera, et organiser tous ces renseignements. Si nous voulons encourager la mise en marché de nouveaux produits, il faut choisir ceux qui ne seront pas toxiques et qui sont naturels. C'est ce que la population demande. Lorsque les gens vont dans les magasins, ils ne veulent pas passer deux heures à lire de petites étiquettes pour essayer de déterminer si le produit est bon ou non. Ils retournent ensuite chez eux pour se rendre compte que l'étiquette ne leur indique pas tout le contenu du produit.
Mme Cooper : En réponse à la question au sujet de la loi sur la qualité de l'air, le point de mire est différent. Il faut doter la loi de certains des éléments dont nous avons parlé. Cette loi va modifier la LCPE dans une certaine mesure, peut-être pour établir de véritables normes pancanadiennes qui sont des normes en matière de pollution de l'air et qui permettront de régler le problème des polluants générateurs de smog. Dans les faits, cela reste à vérifier. La loi en question ne prévoit pas les solutions que le problème exige quant aux produits de consommation. Ce que nous avons recommandé, au sujet de ce qu'il faut faire avec la LCPE, c'est de l'utiliser et de la renforcer de façon à régler ces problèmes.
C'est un exemple pour votre étude. C'est l'un des nombreux exemples de préoccupations émergentes au sujet des produits de consommation qui découlent de la présence de contaminants à l'extérieur et dans nos maisons, auxquels les enfants sont davantage exposés et vulnérables.
Le sénateur Milne : Je veux donner quelques précisions à M. Khatter. Nous avons reçu jeudi dernier un témoin qui a parlé du cinquième point que vous avez abordé, c'est-à-dire la vulnérabilité des écosystèmes et le fait d'axer la LCPE sur les écosystèmes de façon explicite, le Nord et d'autres régions étant vulnérables, notamment le bassin des Grands Lacs, d'où je viens. Vous devriez savoir que l'Accord Canada-Ontario qui concerne l'écosystème du bassin des Grands Lacs doit prendre fin en mars. Le gouvernement fédéral n'a réalisé aucun progrès dans le dossier du renouvellement ou de la prolongation de l'accord. On nous a dit que le ministère était désorganisé, et qu'il n'avait absolument rien fait. Environnement Canada est le ministère du gouvernement fédéral qui est chargé de diriger le renouvellement de cet accord. Je sais que trois ministères du gouvernement ontarien participent au processus, et qu'ils ont déjà commencé à travailler à l'accord, qu'ils sont prêts à lancer le processus, mais qu'ils n'ont aucune nouvelle du gouvernement fédéral.
M. Khatter : Nous avons volontairement rédigé un mémoire qui traite de façon succincte des différentes sections, mais ce mémoire comporte certains éléments que nous aimerions voir intégrer à la LCPE. Comme vous l'avez dit, le préambule de la LCPE parle d'une démarche axée sur les écosystèmes, mais le reste du texte n'en parle pas. Nous aimerions voir intégrer à la loi des sections à part sur les écosystèmes importants comme celui du bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent, mais nous pensons qu'on devrait préciser dans la loi que celle-ci donne effet à l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs. Elle devrait aussi être claire quant à ce qui la lie à l'Accord Canada-Ontario aussi.
Le président : Vous pensez que la LCPE devrait faire cela?
M. Khatter : Oui.
Le sénateur Milne : C'est la cinquième recommandation de son organisation.
Le sénateur Tkachuk : Il s'agit d'un sujet compliqué. Je vais éviter de parler du bassin et, bien entendu, de la question précédente. Je veux revenir à la question qui nous occupe, c'est-à-dire la LCPE elle-même. L'analyse scientifique aurait-elle pu empêcher les substances perfluorées d'entrer sur le marché dans les années 1940, puisque les chercheurs ne savaient alors rien sur celles-ci et sur leurs effets avant les années 1990? La LCPE aurait-elle empêché le produit d'entrer sur le marché?
M. Purdy : Cela n'aurait pas été le cas, parce qu'on voyait à l'époque les choses de manière différente.
Le sénateur Tkachuk : C'était une autre époque, parce que c'était une nouvelle substance et que c'était toujours de la science. Ce n'était pas la science des années 1990 ou celle du XXIe siècle, c'était la science des années 1940. La science d'aujourd'hui n'est pas la science de 2050. Je ne fais que poser la question suivante : la mise à l'essai des nouveaux produits qui sont sur le marché à l'heure actuelle peut indiquer qu'il s'agit de bons produits, mais dans 30, 50 ou 60 ans, les nouveaux essais pourront montrer que le produit pose quelques problèmes; n'est-ce pas comme ça que les choses fonctionnent, habituellement?
M. Khatter : Il ne s'agit pas seulement de savoir si les travaux de recherche scientifique sont effectués, et s'ils sont effectués comme il faut; il s'agit aussi de savoir si on fait une quelconque évaluation avant qu'un produit arrive sur le marché. Ce qui s'est produit tant pour les pesticides que pour les produits chimiques, c'est que nous avons modifié...
Le sénateur Tkachuk : Par qui?
M. Khatter : Par le gouvernement.
Le sénateur Tkachuk : Vous voulez que le gouvernement évalue chacun des produits que les entreprises nord- américaines ou que les entreprises canadiennes mettent sur le marché?
M. Khatter : C'est ce que nous faisons à l'heure actuelle. Depuis l'adoption de la LCPE en 1999, les fabricants doivent nous faire parvenir un avis concernant les nouvelles substances, et environ 800 substances entrent sur le marché au Canada chaque année. Pour chacune de ces substances, le fabricant doit présenter des données qui indiquent que le produit est sécuritaire et peut être vendu sur le marché. Nous applaudissons cela. L'ensemble de données est un peu limité, mais nous applaudissons le fait que nous nous sommes finalement réveillés et que nous avons été en mesure de modifier la culture et d'affirmer que les fabricants ne pouvaient plus mettre un produit en marché sans le faire évaluer par le gouvernement. Cependant, que faire de tous ces autres produits chimiques que nous n'avons pas encore évalués? Tant et aussi longtemps qu'il n'y aura pas de travaux de recherche sur ces produits, et que nous ne saurons pas s'ils posent problème, ils peuvent rester sur le marché. Nous pensons que cela est semblable à la réévaluation des pesticides, c'est-à-dire qu'il faut adopter une démarche pour nous occuper de tous les autres produits chimiques qui étaient déjà sur le marché avant l'adoption de la loi.
Le sénateur Tkachuk : Madame Cooper, vous avez dit plus tôt qu'on avait interdit seulement deux substances sur 23 000. Voulez-vous qu'elles soient toutes interdites?
Mme Cooper : Non.
Le sénateur Tkachuk : Pourquoi avez-vous parlé des 23 000 substances?
Mme Cooper : Je veux rétablir le fait que l'outil de quasi-élimination a déjà été utilisé une fois. On a récemment annoncé son utilisation pour deux produits chimiques supplémentaires. Ce que je disais, c'est qu'on a utilisé l'outil au moment où les produits chimiques en question avaient déjà été retirés du marché en grande partie, et que le retrait ou la décision de ne pas utiliser ces produits était attribuable au fait que la preuve scientifique d'un danger pour la santé connu ou grave était accablante. C'est la raison pour laquelle on a cessé d'utiliser ces produits chimiques.
L'outil est un bon outil, mais sa portée est réduite, et il ne s'agit pas d'une mesure de précaution dans un monde où l'on est exposé à de multiples produits chimiques, où bon nombre de produits chimiques présentent un risque élevé et où les renseignements sont insuffisants. Cependant, quelles sont les autres solutions? Devons-nous utiliser les produits chimiques en question et poursuivre ce qui, essentiellement, est une expérience dont nous ne savons pas où elle nous mènera?
Nous savons que l'idée de prendre des mesures de précaution face à des renseignements insuffisants n'a pour objectif que de prévenir plutôt que de guérir, vu que nous avons affaire à des choses qui semblent pouvoir poser problème et pour lesquelles nous ne disposons pas de renseignements complets sur les conséquences pour la santé. Nous n'obtiendrons jamais ces renseignements. Nous ne les obtiendrons pas avant d'avoir exposé une population importante à ces produits et avant d'avoir mesuré les effets sur celle-ci. C'est la démarche que nous avons adoptée en ce qui concerne le plomb et l'essence. Nous avons mesuré le danger que présente le plomb en y exposant des millions d'enfants. Nous avons ensuite tenu un débat scientifique de 30 ans pour tenter de déterminer si l'exposition à de faibles doses de plomb présentait un problème pour les enfants. Après 30 ans de débat, nous en sommes venus à la conclusion que, oui, il s'agissait d'un problème. Pendant ce temps, nous avons exposé plein d'enfants au plomb.
Notre société a l'habitude de cette démarche qui consiste à réagir après coup. Vingt-six pour cent des enfants du Canada ont un ou plusieurs problèmes d'apprentissage ou de comportement. Nous disposons de preuves claires d'un lien entre l'exposition au plomb et ce genre d'effets. Nous avons des inquiétudes au sujet de beaucoup d'autres produits chimiques qui peuvent avoir une incidence sur ces troubles d'apprentissage ou de comportement. Le nombre d'enfants au sein de la population est important, et nous ne sommes pas sûrs de la cause, mais nous disposons de renseignements troublants au sujet de produits chimiques qui peuvent être neurotoxiques et avoir une incidence sur ces troubles. Le problème est grave lorsqu'il s'agit de ce genre de chiffres.
Le sénateur Tkachuk : J'essaie d'obtenir des renseignements. Je n'essaie pas d'argumenter.
Mme Cooper : Désolée, je m'énerve un peu lorsqu'il s'agit du plomb.
Le sénateur Tkachuk : J'ai remarqué, mais nous avons tous grandi dans un environnement où il y avait du plomb, alors, de toute évidence, ce produit n'a pas tué tout le monde.
Mme Cooper : La question n'est pas de savoir si les gens en meurent. Nous ne parlons pas de mortalité, nous parlons de morbidité.
Le sénateur Tkachuk : Vous parlez des enfants d'aujourd'hui. On a interdit le plomb avant que les enfants d'aujourd'hui naissent.
Madame Cole, vous avez dit plus tôt qu'il ne s'agit pas seulement de travaux scientifiques. Nous devrions prendre des mesures de prévention. Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous demandez. Devrions-nous effectuer des estimations approximatives à partir de ce que nous savons pour empêcher les substances d'entrer sur le marché, ou devrions-nous attendre d'avoir des preuves scientifiques concluantes à l'appui de l'interdiction de vendre les produits sur le marché? Je ne suis pas sûr de savoir où vous voulez en venir. Voulez-vous que nous fassions les deux, et, le cas échéant, quelle distinction faites-vous entre les deux?
Mme Cole : Dans un sens, je veux que nous fassions les deux.
Le sénateur Tkachuk : C'est ce que je pensais.
Mme Cole : J'ai bel et bien commencé à parler du problème auquel nous faisons face à l'heure actuelle en ce qui concerne les nouvelles substances. Nous commençons à réaliser des progrès au pays. J'ai reconnu que l'exercice de catégorisation des produits chimiques que nous avons effectué récemment était excellent. Cependant, nous permettons encore à des centaines et des centaines de nouveaux produits chimiques d'entrer sur le marché, et nous allons continuer de le faire à moins que nous fassions quelque chose à ce sujet. D'après les discussions que nous avons ici aujourd'hui, nous voulons prolonger la période d'évaluation des nouveaux produits chimiques au-delà de 90 jours. Même si nous la prolongeons pour qu'elle dure 100 jours ou un an, elle demeurera courte.
Je veux revenir sur ce que j'ai dit auparavant au sujet du fait que nous devons ralentir de façon draconienne l'entrée de nouveaux produits chimiques sur le marché. Nous avons lancé une initiative relative aux pratiques exemplaires. Il nous faut une initiative relative aux meilleurs produits. Nous avons déjà tellement de produits, je pense que nous devons commencer à catégoriser ces produits et à examiner ce dont nous avons besoin et ce dont nous n'avons pas besoin. Nous devrions envisager d'une part permettre l'entrée sur le marché de nouveaux produits ou de nouvelles substances à moins d'être tout à fait sûrs qu'ils sont sécuritaires.
Le sénateur Tkachuk : Nous ne pouvons jamais être sûrs. Nous ne sommes sûrs qu'en fonction de ce que nous savons aujourd'hui.
Mme Cole : Non, mais nous pouvons avoir davantage de certitude que dans le passé.
Le sénateur Tkachuk : Nous pouvons aussi nous tromper.
Mme Cole : Il vaut mieux pécher par excès de prudence.
Le sénateur Tkachuk : Un produit peut-il être toxique sans être dangereux?
Mme Cole : Je ne sais pas.
Le sénateur Tkachuk : Vivons-nous avec des produits toxiques dans notre organisme qui ne sont pas dangereux? Il y a forcément des produits toxiques dans notre organisme.
M. Purdy : Je peux répondre à cette question. Toutes les substances sont toxiques à une certaine dose. Il y a un vieil adage qui dit que c'est la dose qui est le poison, mais il y a différents types de toxicités. Toutes les substances sont toxiques, du moins sous une forme, et c'est le principe de la narcose. C'est ce qui se produit lorsqu'on s'endort, mais qu'on peut revenir à la conscience — l'éthanol, les anesthésiants et l'éther — ce sont tous des produits chimiques qui ont ce degré de toxicité.
Certains produits chimiques ont un autre niveau de toxicité que nous ne constatons jamais. Ils sont plus toxiques : par exemple, ils sont réactifs. La question devrait consister à déterminer le type de toxicité qui nous inquiète, plutôt que de savoir si une substance est toxique ou non.
Mme Madray : Pour compléter l'observation faite par Mme Cole, il y a des produits sur le marché qui sont toxiques, et il y a de nouvelles substances qui font leur entrée sur le marché et qu'il faut évaluer. Ici, nous constatons que les entreprises industrielles et les fabricants de produits chimiques sont capables d'interagir avec le gouvernement à l'occasion de réunions d'intervenants, et de contribuer dans le domaine des risques, pas nécessairement de l'évaluation des risques, parce que ces fabricants devraient avoir fourni au gouvernement tous les renseignements dont il a besoin pour effectuer une évaluation du risque en bonne et due forme. Cependant, les fabricants pourraient jouer un rôle important dans le travail de réduction et de gestion du risque, de façon que nous puissions réduire le risque auquel fait face la population en raison de tous les produits chimiques qui sont sur le marché canadien à l'heure actuelle.
Ce que j'espère, c'est qu'on s'occupera des nouvelles substances et que les dispositions de la LCPE réduiront les risques auxquels nous faisons face dans l'ensemble. La gestion des risques est importante, mais aussi la réduction de ceux-ci, ainsi que le fait de s'assurer que la réduction des risques se fait rapidement et le mieux possible.
Il est important que l'industrie participe à l'ensemble du processus. Il faut espérer qu'elle pourra ainsi améliorer ses travaux de recherche et développement. C'est une chose qui les inciterait à mettre sur le marché de nouveaux produits beaucoup plus sécuritaires pour nous tous.
M. Khatter : Le fait qu'il y ait de nombreuses définitions du terme « toxique » crée de la confusion, mais la LCPE comporte une définition conservatrice de cette expression. La LCPE ne prévoit rien en ce qui concerne une substance qui peut être dangereuse, mais qui se trouve dans notre organisme en quantité suffisamment petite pour que nous ne pensions pas que cela peut poser problème. La LCPE ne prévoit des mesures que lorsque nous pensons que l'exposition est suffisamment élevée pour engendrer un problème. C'est la définition de l'expression « toxique » qui figure dans la LCPE. Il s'agit d'une définition formulée en fonction du risque, et nous disons « toxique » aux termes de la LCPE.
Lorsque nous demandons à l'industrie de nous fournir des données avant de mettre un produit en marché, c'est une façon de dire : si nous utilisons le produit et que nous exposons les gens à telle quantité, prouvez-nous que cela ne va pas causer un problème avant de mettre le produit en marché.
Le sénateur Tkachuk : Nous avons parlé des produits créés dans les années 1940, puis dans les années 1950 par la suite, du fait que nous constatons que ces produits posent parfois problème. Comment le fardeau de la preuve inversé fonctionnerait-il? L'industrie devrait-elle prouver quoi que ce soit lorsque les produits entrent sur le marché? C'est vous qui avez parlé de cela, monsieur Khatter, alors peut-être pourriez-vous expliquer comment cela fonctionnerait en ce qui concerne l'introduction de nouveaux produits?
M. Khatter : En ce qui concerne l'introduction de nouvelles substances, monsieur?
Le sénateur Tkachuk : J'imagine, à moins que cette mesure ne soit rétroactive.
M. Khatter : Je vais en parler dans les deux contextes, dans ce cas. Dans le contexte des nouvelles substances, dans une certaine mesure, le fardeau de la preuve est déjà inversé, à l'heure actuelle. Nous attendons des fabricants et des importateurs qu'ils nous présentent des données complètes. Encore une fois, les données comportent des lacunes, mais il s'agit de données complètes qui indiquent qu'un produit est relativement sécuritaire, qui nous permettent d'autoriser l'entrée sur le marché d'un produit.
En ce qui concerne les substances qui sont déjà sur le marché, le récent Plan de gestion des produits chimiques du gouvernement est un exemple de la manière dont on peut inverser le fardeau de la preuve. Le gouvernement dit des 200 premières substances qu'elles sont bioaccumulables, persistantes et toxiques en elles-mêmes. Il appartient maintenant à l'industrie de prouver que ces produits chimiques sont suffisamment sécuritaires pour qu'on continue de les utiliser, et, si ce n'est pas le cas, nous allons déterminer qu'ils sont toxiques et nous allons nous en occuper.
Le président : Cela résout-il le problème? Vous avez parlé d'une nouvelle politique, entrée en vigueur en décembre 2006. Fonctionne-t-elle, et, le cas échéant, est-ce que cela résout le problème?
Mme Cooper : Nous ne le savons pas encore.
M. Khatter : Nous n'en sommes qu'au début du processus. Il s'agit d'une politique qui a des limites, puisqu'elle ne s'applique qu'à un certain nombre de substances, et non à toute la liste. Nous nous occupons des premières substances en premier. Nous pensons que c'est positif dans une certaine mesure, mais nous aimerions voir cette politique intégrée à la loi. Il s'agit d'une politique, ce qui fait qu'elle pourrait être modifiée après la prochaine élection, mais si elle était intégrée à la LCPE à titre de démarche pour le traitement, un groupe à la fois, du reste des produits chimiques déjà sur le marché, alors nous penserions que la démarche donnerait des résultats positifs.
Le président : Cette politique porte-t-elle sur les substances les plus inquiétantes de la liste intérieure des substances?
M. Khatter : Dans une certaine mesure, elle porte sur les substances qu'on considère comme étant les plus inquiétantes à la lumière d'un ensemble de critères donnés — la persistance, la bioaccumulation et la toxicité de la substance en soi. Cependant, je pense que M. Purdy dirait qu'il manque pratiquement certains critères qui ne faisaient pas nécessairement partie de la catégorisation, par exemple, le fait que la substance soit cancérigène ou un modulateur endocrinien.
Le sénateur Tkachuk : J'ai deux petites questions au sujet des singes. Lorsqu'on a exposé des singes au SPFO, les a-t- on exposés rapidement à des doses importantes comme on le fait avec les rats lorsqu'on effectue des essais relatifs au cancer — on les bourre du produit très rapidement — alors qu'il faudrait beaucoup de temps pour qu'un être humain accumule la même quantité de la substance dans son organisme?
M. Purdy : C'était une dose donnée par jour. Je crois qu'on leur a donné une dose quotidienne correspondant à une quantité donnée. Je ne me souviens plus du contenu de l'étude, cependant.
Le sénateur Tkachuk : C'est important, cependant.
M. Purdy : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Cela a un rapport important avec l'information que vous nous avez communiquée, n'est-ce pas?
M. Purdy : Indépendamment de la manière dont les animaux reçoivent les doses, c'est une chose spéciale que de pouvoir étudier la quantité dans le sang et la comparer à la quantité dans le sang d'un autre sujet. La plupart des évaluations du risque sont fondées sur les doses administrées, et non sur la concentration d'une substance dans l'organisme. Ainsi, nous examinons la concentration dans l'organisme, indépendamment de la manière dont la dose a été administrée.
Le sénateur Tkachuk : Si vous avez des renseignements sur l'étude en tant que telle, pouvez-vous nous les faire parvenir ou nous indiquer comment y accéder de façon que nous connaissions les paramètres exacts de l'étude et les résultats de celle-ci?
M. Purdy : Je peux vous faire parvenir l'étude. C'est une étude de plusieurs centaines de pages.
Le sénateur Tkachuk : Qu'est-il arrivé aux singes?
M. Purdy : Certains sont morts.
Le sénateur Tkachuk : De quoi sont-ils morts, du problème de thyroïde?
M. Purdy : Non, ils ont reçu des doses élevées. Je pense que l'un des décès a été spontané, d'après ce que je me rappelle, et on a euthanasié l'autre singe, parce qu'il souffrait. C'est un vague souvenir. Je ne me souviens pas de toute l'étude. Cela fait quelques années que je l'aie lue. Lorsque j'ai fait rapport devant vous, je me souvenais des chiffres, pas des détails de l'étude.
Le président : Sénateur Tkachuk, sommes-nous sûrs de vouloir obtenir cette étude, compte tenu des questions que nous posons? Nous ne voulons pas savoir si le SPFO peut tuer des singes, nous voulons savoir, si c'est le cas, si la LCPE a la portée nécessaire pour qu'on puisse faire quelque chose à ce sujet? Est-ce une étude volumineuse? Nous pouvons l'obtenir, mais la lecture en sera éreintante.
Le sénateur Tkachuk : Je n'ai fait que demander des renseignements appuyant ce que M. Purdy disait, et il n'a pu me répondre parce qu'il ne se rappelle pas certains aspects de l'étude. Qu'il nous fasse parvenir une note dans laquelle figureront ces renseignements ou que nous trouvions un moyen de les obtenir, il me semble que si nous ne savons pas exactement de quelle manière on a obtenu des renseignements, alors nous ne savons pas s'ils sont valables ou non.
Le président : Ce que nous voulons connaître, c'est la réponse à la question relative aux doses, plutôt que le contenu de l'étude, n'est-ce pas?
Le sénateur Tkachuk : Oui, j'aimerais avoir une bonne idée de la manière exacte dont on a administré les doses, de la période pendant laquelle on l'a fait et de la manière dont cela se compare à la dose qu'un être humain inhalerait avec le temps.
Le président : Est-ce qu'il s'agit de renseignements faciles à obtenir, monsieur Purdy?
M. Purdy : Cela va prendre du temps, mais je peux le faire.
Le président : Nous vous serions redevables si vous pouviez le faire et communiquer les renseignements à la greffière, de façon que les membres du comité puissent les obtenir.
Le sénateur Spivak : Les renseignements que vous nous avez fournis m'ont éclairée, et je vous en remercie. Cependant, j'ai un commentaire à faire avant d'aborder la question de la LCPE.
L'une des choses que vous avez soulignées, c'est que nous ne parlons pas de produit toxique. La chaux est un produit toxique, et on en a besoin. Ce dont nous parlons ici, c'est de produits de consommation, que les êtres humains utilisent quotidiennement. Cette question est différente, parce que nous n'avons pas besoin d'interdire tout. C'est une question d'utilisation. N'est-ce pas le cas?
Dans son livre intitulé Du berceau au berceau, un éminent architecte et chimiste a écrit que si nous avions dû concocter le plan d'une société toxique, nous n'aurions pas été en mesure d'en concevoir une aussi bien réussie que celle dans laquelle nous vivons.
Je veux savoir quelque chose au sujet du fardeau de la preuve inversé. D'abord, il me semble que, si on présente 800 substances par année au gouvernement, il n'est probablement pas facile pour le gouvernement de les évaluer. Il y a dans votre mémoire, mais vous ne nous en avez pas parlé, le libellé exact de l'amendement que nous pourrions apporter à la LCPE pour renforcer le fardeau de la preuve inversé. Quel serait le libellé, et quel serait l'article? Avez-vous cette information à portée de la main?
Mme Cooper : Nous pouvons assurément vous fournir cette information. Je ne l'ai pas à portée de la main. Il y a deux façons de répondre à votre question. D'abord, nous sommes déjà en train de passer la LCPE au peigne fin et de rédiger des propositions d'amendements visant tous les objectifs dont nous avons parlé.
Le président : Je vous interromps, parce que nous ne nous attendons pas à ce que vous jouiez le rôle de rédacteur de lois.
Mme Cooper : Nous voulons jouer ce rôle.
Le président : D'accord, désolé.
Le sénateur Spivak : Je comprends cela. Je veux avoir une idée plus précise, parce que c'est compliqué.
Mme Cooper : Ça l'est, mais la Loi sur les produits antiparasitaires peut déjà servir de modèle. Les pesticides fournissent un certain nombre d'exemples. D'abord, nous ne pouvons pas utiliser un pesticide avant qu'on l'ait évalué, ce qui est autre chose que pouvoir mettre des produits sur le marché comme dans le passé. Nous réévaluons par ailleurs les pesticides dont on a autorisé l'entrée sur le marché dans les années 1940 et 1950 ou à d'autres moments, dans d'autres circonstances. On a modernisé toute la batterie d'essais obligatoires.
En ce qui concerne les pesticides, on a modernisé les essais pour tenir compte des préoccupations pour la santé des enfants, des effets d'accumulation et de toutes ces choses que nous avons proposées. En ce qui concerne la LCPE, nous proposons de la moderniser de la même manière que la LCPE, à l'aide du concept de point de repère.
Il faut inscrire dans la loi l'idée que nous faisons les choses avec la plus grande intégrité que nous avons réussi à atteindre, dont le fardeau de la preuve inversé fait partie. Le processus, dans ce cas, c'est que l'industrie doit appliquer une batterie de tests pour faire inscrire un pesticide ou une nouvelle substance. Oui, le produit chimique est présenté au gouvernement, qui l'évalue, ce qui est vraiment une tâche éreintante lorsqu'on parle du nombre de substances dont il est question ici. Encore une fois, cependant, il est possible de faire une comparaison utile entre les pesticides et les produits chimiques en question. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire emploie près de 300 chercheurs pour les évaluations. À Santé Canada et à Environnement Canada, nous n'avons pas ce genre de contingent, mais nous devons nous occuper d'un nombre beaucoup plus important de produits chimiques.
On affecte davantage de fonds à cette évaluation, ce qui est l'un des éléments valables du Plan de gestion des produits chimiques, mais cela fait certainement partie de la modernisation de toute la démarche.
L'autre chose importante au sujet du fardeau de la preuve inversé est que, oui, l'industrie devrait effectuer l'évaluation de façon conforme aux pratiques de laboratoire et à la batterie de tests nécessaires pour évaluer l'ensemble des effets sur la santé. Cependant, les évaluateurs du gouvernement doivent aussi examiner la documentation produite par des chercheurs indépendants et révisée par les pairs que des gens comme M. Purdy génèrent, pour ensuite adopter une démarche d'examen du poids de la preuve. Les évaluateurs ne font pas qu'examiner ce que l'industrie génère, mais on a replacé en grande partie le fardeau sur ceux qui veulent tirer avantage de l'introduction des produits chimiques sur le marché.
Je me suis un peu écartée de mon sujet, et je vais revenir au livre dont vous avez parlé, ainsi que du désir d'évoluer vers une situation qui soit sécuritaire en elle-même.
Le sénateur Spivak : C'est sain.
Mme Cooper : Oui, c'est sain. Un autre aspect de la prise de décisions au sujet de la réévaluation et de la réduction du risque, ou encore de la nécessité d'élaborer des produits de rechange lorsque nous reconnaissons l'existence d'un risque important, c'est l'idée de substitution et le fait d'inscrire dans la loi cette idée selon laquelle, lorsque l'industrie doit élaborer un produit différent, le produit de rechange doit être plus sécuritaire en soi.
En intégrant cette idée à la loi, la technologie force son application et fait bouger les choses, ce qui ne se produirait pas nécessairement autrement.
Le sénateur Spivak : Vous soutenez que la LCPE, même si elle a évolué, n'a pas encore assez de force dans ce domaine. Elle n'a pas encore assez de force en ce qui concerne l'inversion du fardeau de la preuve, et nous devons envisager quelque chose de mieux.
C'est aussi une question de droits. Il s'agit d'un principe conservateur fort, mais les droits individuels sont importants, probablement plus importants que ceux des fabricants, alors ceux-ci doivent prouver que les produits qu'ils vendent sont suffisamment sécuritaires.
C'est tout à fait possible pour les fabricants de le faire, et je pense aux fabricants de tapis — j'ai oublié le nom de l'entreprise, mais le nom du propriétaire est Anderson — qui a non seulement réduit ses émissions de 50 p. 100, mais a aussi fait augmenter ses profits de 50 p. 100.
Je veux poser une question au sujet de la santé et du point que M. Purdy a soulevé. Avec cette question, j'en reviens à la démarche axée sur l'écosystème. Les êtres humains mangent des animaux. Si les animaux sont contaminés, cela va de soi que les êtres humains vont l'être. Qu'est-ce que c'est cette idée de dire qu'un produit n'est pas bon pour la santé des animaux, mais qu'il est bon pour celle des humains? Vous avez effectué une analyse d'un genre différent, mais pouvez-vous commenter cette analyse de base?
M. Purdy : Vous avez raison : certains d'entre nous se nourrissent de chair animale. Les substances chimiques en question se lient à l'albumine du sang, ainsi qu'à des protéines dans le foie, mais nous ne savons pas lesquelles. Il n'y a pas beaucoup de substances chimiques dans les muscles. Ce qu'on y retrouve est probablement attribuable au sang qui reste là. Ce sont ces deux tissus qui dominent, avec un écart énorme, par rapport aux autres tissus. On retrouve les substances chimiques en question dans les muscles, mais pas en quantités aussi grandes.
Le sénateur Milne : L'un des témoins que nous avons reçus a cependant indiqué, et vous avez brièvement mentionné cela aussi, que la raison pour laquelle les produits chimiques ne se retrouvent pas en quantités aussi importantes dans l'organisme des humains que dans celui des ours polaires est que ces derniers ne mangent que de la viande, alors que nous mangeons aussi d'autres types d'aliments.
Le sénateur Spivak : Je veux aussi aborder la question de l'écosystème. Le préambule de la loi en parle, mais vous laissez entendre qu'il n'a pas la force suffisante pour envisager la LCPE et la question de l'écosystème. Ce qui me frappe, c'est que la question est très vaste. Comment utiliser la LCPE pour protéger les écosystèmes?
M. Khatter : Comme vous dites, le préambule de la loi indique que la LCPE est censée prévoir une démarche axée sur l'écosystème. Il est difficile de saisir comment la LCPE prévoit une démarche axée sur l'écosystème à la lumière du reste du texte. Pour que la LCPE puisse prévoir une démarche axée sur l'écosystème, nous recommandons qu'elle porte précisément sur des régions qui exigent davantage de soins ou d'attention.
Le sénateur Spivak : Est-ce que cela veut dire des régions comme les Grands Lacs?
M. Khatter : Oui, cela veut dire des régions comme les Grands Lacs et le Nord. La loi devrait offrir au ministre des occasions de désigner ces régions comme étant importantes et de demander une surveillance, une reddition de comptes et du financement supplémentaires pour ces régions, de façon non pas à privilégier ces régions, mais bien à leur accorder autant d'importance qu'au reste du pays.
Le sénateur Spivak : Ces régions comportent un nombre très élevé de réseaux. Protéger les Grands Lacs veut dire protéger les bateaux qui y naviguent, ainsi que les fabricants. Vous proposez donc que le gouvernement étudie ces régions particulières d'une quelconque manière et qu'il les désigne comme méritant une surveillance supplémentaire ou quelque chose du genre. Est-ce ce que vous dites?
M. Khatter : Oui, et nous pouvons vous donner des précisions, mais nous devons aussi reconnaître la manière dont l'Accord relatif à la qualité de l'eau dans les Grands Lacs et l'Accord Canada-Ontario définissent cette région importante comme une région qui exige une collaboration internationale et des soins spéciaux afin qu'on puisse régler le problème des taux de pollution qui la caractérisent.
Je ne sais pas si quelqu'un a soulevé le point au cours du présent tour de table, mais la situation de Sarnia et des collectivités autochtones de la région est un bon exemple du genre de contamination anormalement élevée et des répercussions sur la santé que nous constatons dans la région des Grands Lacs.
Le sénateur Spivak : Ce que je voulais dire, c'est qu'il y a d'autres textes législatifs qui ont le même objet, alors je voulais savoir ce à quoi vous pensiez précisément au chapitre de la LCPE.
En ce qui concerne la loi sur la qualité de l'air, j'ai demandé aux fonctionnaires de nous dire exactement ce que recommande cette loi, en rapport avec la LCPE, ainsi que de préciser les différences et les points communs entre les deux textes. Je présume qu'ils n'ont pas encore donné de réponse.
Le président : Ils n'ont pas répondu, mais nous prévoyons qu'ils vont le faire.
M. Khatter a mentionné que DuPont avait déversé 60 000 livres d'une substance délétère dans l'Ohio. Le fabricant n'a-t-il pas cessé de déverser la substance de son propre chef?
M. Khatter : Je ne pense pas que ce soit le cas. Ce que je sais à ce sujet, je l'ai appris surtout par les médias. La question que j'ai soulevée, c'est que, avant 2000, lorsque le fabricant déversait ce produit chimique dans l'Ohio, il le faisait sans assumer la responsabilité de déterminer si la substance pouvait être dangereuse. En 2000, l'EPF a déclaré que cette substance pouvait poser problème, et, lorsque des gens ont intenté des actions en justice, le fabricant a mis fin au déversement.
Le président : Avant cela, les gens n'avaient aucune idée du fait que le SPFO, en particulier, existait ou pouvait poser problème de quelque façon que ce soit, parce que le moyen d'en arriver à cette conclusion n'existait pas encore. Est-ce exact?
Le point que je soulève est celui dont le sénateur Tkachuk a parlé. Lorsque le fabricant a commencé à déverser le produit chimique, personne ne savait que cela poserait problème, parce que les moyens de détection n'avaient pas encore été mis au point. Est-ce que nous comprenons bien cela?
M. Khatter : Je ne suis pas sûr, monsieur le président. Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à la question de savoir si le fabricant savait précisément que l'APFO était l'une des choses qu'il déversait dans l'Ohio à l'époque. Cependant, pour effectuer une bonne gestion des produits et être responsable, le fabricant devrait savoir ce qu'il déverse dans le cours d'eau, où le produit aboutit, et si cela a des conséquences, avant que le gouvernement intervienne et dise au fabricant qu'il ne peut le faire.
Le président : Pour donner un exemple du fait que le gouvernement n'a pas besoin d'intervenir, c'était peut-être une façon de se protéger pour le fabricant, mais nous étions tous prêts à donner à 3M une médaille il y a deux ou trois semaines, parce que l'entreprise avait cessé de fabriquer le Scotchgard de son propre chef lorsqu'elle a découvert que ce produit était bioaccumulable. Monsieur Purdy, vous avez travaillé pour 3M. Étiez-vous là-bas à l'époque?
M. Purdy : Je suis parti environ quatre mois avant les événements dont vous parlez.
Le président : Tant pis, nous aurions pu donner une médaille à 3M.
M. Purdy : Ça faisait un moment que je souhaitais qu'on arrête de fabriquer le produit.
Le président : Il faut accorder au fabricant crédit pour ce qu'il a fait.
En 2004, le gouvernement a eu recours aux articles 80 et 89 de la LCPE pour interdire l'entrée sur le marché canadien de quatre nouveaux CPF. Est-ce que l'application de ces dispositions de la LCPE a été aussi efficace et rapide que nous l'aurions souhaité? Est-ce que c'est l'un des aspects de la LCPE de 1999 qui fonctionne à l'heure actuelle, qu'on a appliqué et auquel on a eu recours de façon efficace? Comme le Canada a déjà eu recours à ces articles de la LCPE pour interdire l'introduction de ces nouveaux CPF, devons-nous discuter de modifications à apporter à la loi, ou celle-ci fonctionne-t-elle bien?
Mme Cooper : Il faut que je consulte mes collègues, mais, d'après ce que je sais des préoccupations que nous avons soulevées à l'époque, celles-ci concernaient le fait que les dispositions en question prévoient l'exemption de certains produits. On a décidé d'inscrire les fluorotélomères à l'annexe 1, mais cela ne s'appliquait pas aux produits de consommation importés. On a corrigé cela en ce qui concerne le SPFO dans des annonces récentes au sujet du Plan de gestion des produits chimiques, et, comme M. Khatter l'a dit, c'est l'une des bonnes choses que nous avons à dire au sujet de la loi.
M. Khatter : Au sujet des bonnes choses que nous pouvons dire à propos du projet de loi, les fluorotélomères sont un bon exemple du bon fonctionnement du Programme de notification des substances nouvelles. Le fait que l'entreprise ait été obligée de présenter des données montrant que son produit était sécuritaire nous a permis d'interdire son entrée sur le marché lorsqu'il a été nécessaire pour nous de le faire. La question concernant l'exemption des produits de consommation semble revenir constamment en ce qui concerne les produits chimiques. La question relève en partie des échanges commerciaux, et le gouvernement a des réticences à s'occuper de ce genre de question lorsqu'il s'agit d'interdire l'entrée au pays de produits qu'on élabore à partir de certaines substances chimiques dans d'autres pays.
Le président : S'agit-il de substances chimiques comme le Téflon?
M. Khatter : Oui.
Mme Cooper : Les produits exclus dans le cadre du nouveau règlement ne constituent pas un obstacle aux échanges commerciaux, puisqu'on en a en grande partie cessé la fabrication de toute manière. Cependant, il y a une préoccupation au sujet de l'utilisation qui se poursuit dans d'autres pays où on ne sait pas nécessairement si cela se passe ou non, et le règlement va permettre d'interdire l'entrée de ces substances chimiques à la frontière dans des produits de consommation importés. Il s'agit d'un choix qui présente un risque faible au chapitre des obstacles aux échanges commerciaux, mais c'est un bon choix.
Le président : La LCPE de 1999 contient-elle maintenant des mécanismes permettant de faire passer des substances de la Liste intérieure des substances à la Liste des substances d'intérêt prioritaire? Si la LCPE contient ce genre de dispositions, celles-ci sont-elles applicables suffisamment rapidement et de façon efficace? Fonctionnent-elles bien? Est- ce que cela fait une différence?
Mme Cooper : Grâce aux résultats de la catégorisation, nous allons bientôt pouvoir déterminer comment cela fonctionne. Je prévois qu'il y aura des difficultés découlant du continuum d'évaluation des risques et de gestion des risques qui va s'installer. La décision prise à la lumière des preuves scientifiques dans le cadre de l'évaluation des risques doit passer par le Cabinet. Il y a des délais. Il faut négocier au cours de l'étape de la gestion des risques. Il y a des tractations et un manque de transparence dans ce processus, et c'est mon chercheur contre le vôtre. Ces débats et manœuvres prennent du temps, alors nous allons voir comment le processus fonctionne. Dans notre mémoire, nous recommandons d'assortir ce processus d'échéances claires.
M. Khatter : Mis à part la catégorisation, il existe d'autres mécanismes qui font qu'une substance se retrouve sur la Liste des substance prioritaires, comme le fait que la population décide de l'y inscrire. Si une autre administration interdit une substance, le gouvernement peut décider de l'inscrire à la Liste des substances prioritaires.
Comme Mme Cooper l'a dit, l'une de nos priorités tient à ce que, à l'heure actuelle, on dispose de cinq à sept ans pour effectuer l'évaluation et décider si une substance est toxique ou non, et nous pensons que ce délai est trop long, surtout lorsque notre pays a déjà décidé d'interdire la substance.
Mme Cooper : Il y a un autre problème lié à cela. Une fois qu'une substance se retrouve sur la liste des substances toxiques, cela ne veut pas absolument dire que quoi que ce soit va se produire, surtout en ce qui concerne les produits de consommation. Il y a encore sur le marché des tonnes de produits de consommation contenant du plomb, même si le plomb a fait l'objet d'une disposition de maintien des droits acquis de la LCPE parce qu'on a jugé qu'il s'agissait d'une substance toxique au début des années 1990, sans même avoir à en faire l'évaluation. Les produits de consommation contenant du plomb continuent d'affluer vers notre marché, et il ne s'agit pratiquement que de produits d'importation. Il faut qu'il y ait un lien entre une substance qu'on juge toxique en vertu de la LCPE et la capacité de l'utiliser dans l'élaboration d'un produit de consommation.
Le président : À quel point faut-il tenir compte des décisions prises par des administrations étrangères au sujet des substances? Si, par exemple, l'EPA dit quelque chose au sujet d'une substance, devrions-nous quand même suivre tout notre processus qui dure sept ans, ou devrions-nous plutôt tenir davantage compte de ce qu'une administration étrangère a décidé? Le faisons-nous déjà? Est-ce que cela accélère les choses?
Mme Cooper : Je pense que le partage d'information est l'un des objectifs. C'est un objectif valable à l'échelle internationale. Nous voulons nous assurer qu'il y a des vérifications de la qualité quant à la manière dont le travail est fait, que les pratiques de laboratoire sont bonnes, que les essais de toxicité sont suffisamment diversifiés, et cetera. Nous souhaitons qu'il y ait un certain contrôle de la qualité concernant les renseignements que nous utilisons. Cependant, le partage d'information est une pratique valable, que nous avons adoptée pour les pesticides.
M. Khatter : Le mécanisme est important, parce que nous constatons parfois que nous sommes en retard sur les autres administrations, particulièrement l'Union européenne, qui a choisi d'adopter une démarche préventive en interdisant certaines substances dans les suces et dans les jouets pour enfants. Nous n'avons pas fait cela, et nous avons essentiellement attendu que ces produits disparaissent du marché en raison des mesures prises par l'Union européenne.
De même on a pris beaucoup de mesures en Europe pour éliminer certaines substances chimiques des produits cosmétiques, ce dont nous avons profité sans effectuer le travail. Lorsque ce genre de chose se produit dans d'autres pays, c'est important que nous le reconnaissions et que nous effectuions notre propre travail de protection des Canadiens aussi.
Le sénateur Spivak : Est-ce que l'évaluation des risques va à l'encontre du principe de précaution? Il y a un conflit entre le principe de précaution et l'évaluation des risques, et on a parfois mal utilisé l'évaluation des risques.
Mme Cooper : Vous avez raison, c'est arrivé. Lorsque les renseignements disponibles sont limités, nous faisons toutes sortes de conjectures, et le processus d'évaluation des risques peut être entaché de toutes sortes de jugements de valeur et de problèmes. Lorsque nous intégrons des démarches préventives dès le début, et tout au long du processus, comme le fardeau de la preuve inversé et d'autres choses, nous pouvons arriver à un bon résultat grâce à l'évaluation des risques.
Nous ne voulons pas nous débarrasser complètement de l'exercice d'évaluation des risques. Nous voulons adopter une démarche préventive, examiner le poids de la preuve, et cetera, dès le début et tout au long du processus. Ce n'est pas quelque chose qu'il faut ajouter à la fin, au cours de l'étape de gestion des risques, ce qui est un peu la manière dont la démarche préventive est appliquée à l'heure actuelle.
Le président : Lorsqu'on importe une substance et qu'on la retrouve dans un bien de consommation, est-ce que le processus d'évaluation actuel que la LCPE prévoit porte sur toute la durée de vie de la poêle à frire, jusqu'à ce qu'elle aboutisse au dépotoir et qu'elle se décompose au fil du temps? Nous savons que cela se produit. Nombre de problèmes peuvent survenir lorsque des précurseurs sont mis en présence les uns des autres dans des circonstances que personne n'avait prévues.
Mme Cooper : C'est en cela que nous voulons que le processus soit transparent, pour que nous puissions savoir ce qui se passe. Je devrais répondre à cette question en parlant d'un domaine dont j'ai une connaissance directe, c'est-à- dire le plomb dans les stores de plastique à mini-lamelles. Dans les années 1990, c'était l'un des nombreux produits de consommation qui contenaient du plomb.
Dans son évaluation du potentiel d'exposition des enfants à l'intérieur, Santé Canada n'a pas envisagé correctement l'exposition, à mon avis. Les gens du ministère ont examiné les chiffres. Je ne me souviens pas des chiffres, mais le niveau d'exposition était tout à fait inexact en ce qui concerne ce à quoi un enfant serait exposé, tant au chapitre des niveaux déterminés que de la manière dont un enfant pourrait être exposé à l'intérieur.
Il faut envisager l'exposition pour toute la durée de vie. À mon avis, il y a un problème important dans ce domaine en ce qui concerne la méthode et les données utilisées dans le cadre de l'évaluation. Nous devons combler ces lacunes, mais il faut aussi reconnaître l'existence de ces produits à l'intérieur. Qu'advient-il de ces produits à l'intérieur et dans nos maisons, ou encore lorsqu'on réutilise certains objets et qu'ils aboutissent dans des magasins d'occasion? Il est important de reconnaître toute la dimension socio-économique du problème. Beaucoup de ces produits, qui existaient dans le passé, continuent d'être une source de contamination dans les maisons.
Si l'on songe au plomb dans la peinture, pour donner un autre exemple lié au plomb, le problème est encore important. On retrouve encore du plomb dans 25 p. 100 du vieux parc résidentiel du Canada.
Le président : Vous ne parlez pas de la nouvelle peinture?
Mme Cooper : Non, je parle de l'ancienne. En ce qui concerne la conscience du fait que cette peinture se décompose avec l'usure normale, et surtout lorsqu'on effectue des rénovations, le risque d'exposition est important chez les enfants et les femmes enceintes. Il faut effectuer un bon travail de sensibilisation de la population pendant encore des dizaines d'années. La Société canadienne d'hypothèques et de logement offre des documents bien faits à ce sujet, ce qui fait que nous avons toujours conscience de cela.
Pensez à cela, ainsi qu'à l'éther diphénylique polybromé ou PDPB et aux produits ignifuges. Tout le monde est exposé aux produis ignifuges à l'heure actuelle. Nos maisons et les édifices où nous avons affaire sont plein de produits qui contiennent ces substances chimiques. Ces produits se décomposent et s'usent avec le temps, de la manière que vous avez décrite. Ce genre d'exposition qui découle de cette décomposition doit faire partie de l'évaluation. À mon avis, on ne tient pas suffisamment compte de la décomposition.
Lorsque j'ajoute à cela la dimension socio-économique, je suis particulièrement inquiète. Encore une fois, le plomb dans la peinture est un problème qui touche le vieux parc résidentiel, l'incapacité d'entretenir les bâtiments, les mauvais propriétaires et l'exposition plus grande chez les enfants de familles à faible revenu. La même chose se produit lorsqu'on réutilise des matelas ou des meubles. Les enfants pauvres sont davantage vulnérables et davantage exposés aux contaminants du milieu. Ce qui existe déjà continuera d'exister dans l'avenir. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin d'un règlement plus efficace, mais cela fait aussi partie de toute la stratégie de gestion des risques. Nous devons informer et sensibiliser la population au sujet de ces risques, de façon à ce qu'on les connaisse et qu'on sache comment les éviter.
Mme Cole : Je vais faire quelques commentaires au sujet des différentes choses dont nous avons parlé au cours de la dernière demi-heure.
D'abord, la situation est un peu différente maintenant en ce qui concerne notre manière de faire des affaires. Après 60 ans passés à inonder le marché de produits chimiques et à penser que la chimie nous rend la vie plus facile, nous sommes en train de nous réveiller un peu. Nous sommes en train de prendre conscience de la situation et de commencer à agir.
À l'heure actuelle, la population offre un terreau fertile pour l'adoption de mesures progressives. La population attend des gens au pouvoir qu'ils proposent de bons projets de loi et qu'ils fassent des choses en vue de leur protection. Nous en sommes rendus au point où il n'est plus possible de continuer d'avancer péniblement. Nous devons faire un grand bond en avant. Si nous ne faisons pas attention, nous nous retrouverons sans nous en apercevoir sur la liste des espèces en voie de disparition. Nous devons nous dépêcher.
Avant de donner une médaille à 3M, il serait avisé de se pencher sur les événements tels qu'ils se sont produits. Le fait est que nous savions que les CPF pouvaient avoir des répercussions sur la santé humaine il y a plus de 30 ans, mais nous n'avions que peu de connaissances à ce sujet. On a supprimé beaucoup de renseignements à l'époque, parce que nous avions le cœur à la fête, nous fabriquions de nouveaux produits et nous nous amusions à faire de la chimie. Des renseignements ont été supprimés, parce que cela était permis.
En réalité, à la lumière des centaines de notes qui se sont échangées, surtout entre l'EPA et 3M, nous pouvons constater que le fabricant était à la veille de se voir forcer la main.
Le sénateur Tkachuk : Voulez-vous dire qu'on a acheté tous les chercheurs?
Mme Cole : Ce n'est pas ce que je dis.
Le sénateur Tkachuk : C'est ce que vous dites.
Mme Cole : Non.
Le sénateur Tkachuk : Que dites-vous, alors?
Mme Cole : Je dis ce que j'ai dit.
Le sénateur Tkachuk : Vous dites que les chercheurs concernés n'ont pas fait tous les travaux de recherche qui s'imposaient, et qu'ils savaient des choses il y a 30 ou 40 ans qu'ils n'ont pas divulgué en raison de l'argent. C'est ce que vous dites.
Le sénateur Spivak : C'est vrai.
Le sénateur Tkachuk : La question que je pose, c'est : est-ce que c'est vrai aujourd'hui?
Mme Cole : C'est votre manière de le dire. Je le formule différemment.
J'ai commencé par dire que nous faisons des affaires d'une autre manière aujourd'hui. Si nous pouvons véritablement intégrer le fardeau de la preuve inversé dans la LCPE, nous allons nous faire une grande faveur. L'industrie va pouvoir aller de l'avant et nous fournir des résultats plus favorables lorsque nous lui enverrons le signal selon lequel le fardeau de la preuve sera inversé.
Nous avons vu l'industrie prendre de bonnes mesures pour rendre ces produits meilleurs pour la santé. Par exemple, Mme Madray et moi nous occupons des composés organiques volatils, et il y a eu beaucoup d'action de ce côté en vue d'élaborer des produits exempts de COV. L'industrie de la peinture et du revêtement a fait un travail extraordinaire pour élaborer des peintures et des revêtements présentant des quantités de COV négligeables.
Je crois qu'il y a beaucoup de potentiel de mesures positives dans notre société. Nous devons faire preuve de conscience collective, et, comme je l'ai dit, faire un bond en avant et cesser de traîner la patte.
Le président : La loi dont nous nous occupons aujourd'hui a été adoptée en 1999, à un moment où le parti dont je suis membre formait le gouvernement. Depuis, je pense que personne n'a pris de mesures de protection de l'environnement contre quoi que ce soit.
Si les choses sont aussi terribles que nous le croyons, comment est-ce possible? La population exerce une pression. Il y a des gens qui connaissent les substances en question. Pourquoi ne s'est-il rien passé?
Le sénateur Spivak : J'allais dire : c'est facile. Je peux vous donner six exemples.
Le président : Je pose la question aux témoins.
Le sénateur Spivak : Je sais.
Mme Cooper : Que voulez-vous dire lorsque vous dites mesure? Parlez-vous d'une action judiciaire dans le cadre de la LCPE?
Le président : Oui, il n'y a eu aucune poursuite.
Mme Cooper : Nous n'intentons pas d'action au civil dans le cadre de la LCPE.
M. Khatter : Je sais pour avoir travaillé avec des gens du Sierra Legal Defence Fund et pour avoir lu les témoignages effectués devant le comité — je sais maintenant que c'était à l'automne — que des obstacles préviennent ce genre d'action, et qu'on a présenté des suggestions au comité au sujet de la répartition des fonds et d'autres façons de réduire les obstacles lorsqu'on intente ces actions.
Je ne dirais pas qu'il ne s'agit pas d'actions valables, mais le processus ne les a pas autorisées.
Le président : Je vous remercie tous au nom de tous les membres du comité. Vos témoignages ont été très utiles. Nous aurons probablement d'autres questions à vous poser, et j'espère que vous n'aurez pas d'objections à ce que nous vous écrivions à l'occasion pour vous les poser. J'espère que vous allez nous répondre, quand vous pourrez si vous le pouvez.
Monsieur Purdy, je sais que nous vous imposons une lourde tâche en vous demandant de nous fournir des renseignements au sujet des doses administrées aux singes et les effets connexes sur les humains, et ainsi de suite, mais nous vous remercions à l'avance de vos efforts.
La séance est levée.