Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 13 - Témoignages du 22 février 2007
OTTAWA, le jeudi 22 février 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 37, pour l'examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999, ch. 33) conformément au paragraphe 343(1) de ladite loi.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles poursuit son examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999. Nous avons décidé de procéder à deux études de cas, la première portant sur le mercure, l'autre, sur les composés perfluorés ou CPF.
Nous recevrons aujourd'hui M. Gordon Lloyd, de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques, ainsi que M. Paul Marriott, de la Compagnie E.I. DuPont du Canada.
Veuillez nous présenter votre exposé, M. Lloyd.
Gordon Lloyd, vice-président, Questions techniques, Association canadienne des fabricants de produits chimiques : Bonjour. Avant que M. Marriott ne parle plus précisément de la question des CPF, je vais parler de la façon générale dont la LCPE s'applique aux substances toxiques, y compris les composés perfluorés. Le comité examine la question en faisant une étude de cas, mais je pense que vous voulez également savoir ce que nous en pensons et de quelle façon cette étude de cas est pertinente par rapport à l'application de la LCPE dans son ensemble.
L'application de la LCPE est très large par rapport à la gestion des produits chimiques. Cela s'applique à l'ensemble des substances toxiques, mais il y a également des dispositions spécifiques qui s'appliquent aux substances qui peuvent avoir certaines caractéristiques. La quasi-élimination visée s'applique aux substances toxiques les plus persistantes, qui sont bioaccumulables et qui ont une toxicité intrinsèque, si elles sont également jugées toxiques au sens de la LCPE.
La structure de la loi prévoit deux démarches générales, comme c'est le cas dans d'autres pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques. L'une concerne les nouvelles substances, l'autre, les substances qu'on dit existantes ou faisant l'objet d'une disposition de maintien des droits acquis.
Les dispositions spécifiques de la LCPE qui portent sur les nouvelles substances s'appliqueraient à toutes les substances de la famille des composés perfluorés qui ont déjà été introduites au Canada au même titre que toutes autres nouvelles substances. Il faudrait qu'elles soient soumises à une évaluation des risques, et les entreprises devraient fournir certains renseignements à Environnement Canada et à Santé Canada selon le niveau de disponibilité de chaque substance dans le commerce. Le gouvernement pourrait aussi demander des renseignements supplémentaires.
Les dispositions du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles que le Canada a adoptées sont semblables à celles en vigueur dans les autres pays de l'OCDE, comme les États-Unis, les pays d'Europe, le Japon et l'Australie. Il y a des détails différents, mais, dans tous ces pays, les dispositions concernant les renseignements sur les substances nouvelles ont donné d'assez bons résultats. Le fait que le gouvernement offre une sorte de sceau d'approbation de bonne gestion des produits chimiques mis en marché a aidé à améliorer la confiance du public envers la gestion des produits chimiques. M. Marriott peut décrire l'expérience vécue, dans le domaine des renseignements sur les substances nouvelles, dans le cas du fluorotélomère. Cependant, même si le processus a assez bien fonctionné, il y a des améliorations à apporter en ce qui a trait à la clarté et à la prévisibilité.
Le Canada est un chef de file quant à la démarche qu'il utilise pour améliorer la confiance du public envers la gestion des produits chimiques qui étaient sur le marché avant l'adoption du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles. De même, les exigences relatives aux renseignements concernant les substances nouvelles ont contribué à l'amélioration de la confiance du public. Le processus a commencé avec la LCPE de 1999, et s'est terminé en septembre dernier.
Le gouvernement, à partir des critères établis par le Parlement à l'occasion de l'adoption de la LCPE en 1999, a répertorié quelque 23 000 produits chimiques commerciaux qui figurent maintenant dans la Liste intérieure des substances ou LIS. Il a repéré environ 4 000 substances exigeant une évaluation. Compte tenu des connaissances qu'il possède déjà sur ces produits, le gouvernement n'a pas jugé nécessaire de procéder à une évaluation supplémentaire des 19 000 autres produits chimiques commerciaux. Si le gouvernement en apprend davantage sur ces produits, la situation peut changer, mais, en ce qui concerne ces 19 000 substances, cela devrait permettre d'améliorer la confiance du public au chapitre de leur innocuité.
D'après ce que nous savons, au cours des prochains mois, Environnement Canada et Santé Canada vont mettre de côté 1 000 des 4 000 substances en concluant que, comme dans le cas des 19 000 autres, il n'est pas nécessaire d'effectuer davantage d'évaluations, compte tenu des renseignements recueillis au cours du processus de catégorisation des substances chimiques.
Ces ministères ont par ailleurs déterminé qu'environ 200 produits chimiques étaient très préoccupants, et ils ont demandé à l'industrie de fournir au gouvernement des renseignements sur ceux-ci au cours des trois années qui viennent. Le gouvernement va utiliser ces renseignements pour évaluer s'il s'agit de substances toxiques ou non et prendre une décision à ce sujet. S'il juge les substances toxiques, elles seront ajoutées à l'annexe 1, et elles seront régies par la LCPE.
Plusieurs centaines de substances qui auraient dû être jugées hautement prioritaires pour ce qui est de l'évaluation ne sont plus disponibles dans le commerce, selon les résultats d'une enquête d'Environnement Canada et de Santé Canada. Elles étaient hautement prioritaires lorsqu'on a créé l'inventaire, mais cela reflétait l'utilisation qu'on en faisait en 1985, et les choses ont évolué au sein de l'industrie du commerce des produits chimiques depuis. Elles font l'objet d'un avis de nouvelles activités, ce qui veut dire qu'on signale ces substances. Si on les utilise comme s'il s'agissait de substances nouvelles — dans le cas présent, on ne les utilise pas du tout — elles seraient soumises aux dispositions du Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles. On n'effectue pas l'évaluation de ces substances, parce qu'elles ne sont pas utilisées, mais si on recommençait à les utiliser, il faudrait effectuer une évaluation comme s'il s'agissait de substances nouvelles.
Le Canada va collaborer avec d'autres administrations, les États-Unis et l'Union européenne, pour l'évaluation d'environ 800 à 1 000 substances, parce que ces substances figurent sur la liste des substances à évaluer, et nous souhaitons collaborer, ainsi que partager les ressources et le travail le plus possible. Cette évaluation va faire l'objet d'une coordination bilatérale, et on en discute aussi à l'OCDE.
On s'attend aussi à ce que le Canada adopte une règle de mise à jour de l'inventaire, comme les États-Unis l'ont fait. C'est comme ça qu'on appelle cela aux États-Unis; je ne sais pas comment notre gouvernement l'appelle. L'idée de travailler à partir d'une base de données qui date de 1985 n'a pas beaucoup de sens en 2007. L'industrie va devoir mettre son inventaire à jour; ce qu'il utilise et ce qu'il n'utilise pas. Il y a probablement beaucoup de substances qu'on utilisait en 1985 et qu'on n'utilise plus aujourd'hui. À la lumière de l'enquête que le gouvernement a effectuée, environ 1 000 autres substances vont probablement être classées comme n'étant plus utilisées et elles seront probablement assujetties à l'obligation de publier un avis de nouvelles activités, ce qui fait que, si on les réintroduit sur le marché, il faudrait effectuer une évaluation comme dans le cas d'une nouvelle substance. Le Canada devra donc évaluer de 1 000 à 1 200 produits chimiques de plus. Cela se fera d'ici 2020, conformément au calendrier établi en Europe.
Il y a d'autres mécanismes de repérage des substances préoccupantes. La population peut formuler des suggestions d'évaluation, et le ministre peut exiger l'évaluation à partir de ces suggestions. C'était autrefois de cette façon qu'on évaluait la plupart des produits chimiques, mais cette méthode ne s'est pas révélée très efficace. C'était le processus de ce qu'on appelait la liste des substances prioritaires ou LSP, et il est clair que la démarche systématique que j'ai décrite va être plus efficace. Dans le cas où des substances sont interdites dans d'autres pays de l'OCDE, le Canada a l'obligation, en vertu de la LCPE, de les évaluer. Si on a raté quelque chose dans le processus de catégorisation par lequel on a déterminé les substances à évaluer, il s'agit là de quelques mécanismes de sécurité qu'on peut utiliser pour s'assurer de s'être occupé de toutes les substances.
Si l'on détermine qu'une substance est toxique, il y a une vaste gamme d'options de gestion des risques, notamment des plans de prévention de la population, le contrôle des émissions et un échange des droits d'émission. Ces options vont jusqu'à l'interdiction et à l'élimination progressive ou à la prohibition, mesure qu'on applique normalement lorsque des substances présentent des risques excessifs et qu'il n'est pas possible autrement d'en assurer la gestion. Il y a aussi des dispositions spéciales dans la LCPE qui prévoient la quasi-élimination des substances persistantes par accumulation, qui ont une toxicité intrinsèque ou dont on conclut qu'elles comportent un risque pour la santé humaine de par leur présence dans l'environnement, en vertu de la LCPE.
Nous n'avons pas beaucoup d'expérience du fonctionnement du processus de quasi-élimination. Nous allons probablement en acquérir au fur et à mesure de l'évaluation des 200 substances hautement prioritaires pour l'évaluation, mais, jusqu'à maintenant, il n'y a vraiment pas eu beaucoup d'occasions de constater la manière dont la loi s'applique. Selon notre interprétation de la loi, il faudra fixer des limites strictes concernant le rejet de substances visées par le processus de quasi-élimination, et il faudra que ces limites soient fondées sur des facteurs socioéconomiques et techniques, sur la santé humaine et sur les risques environnementaux. L'objectif serait de réduire au maximum les quantités des substances en question, de façon qu'elles ne soient plus mesurables. Il s'agit d'une démarche semblable à celle de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants.
L'ACFPC est d'avis que, avec toutes les dispositions qui sont prévues dans la LCPE, il devrait être possible d'assurer une gestion adéquate de l'ensemble des produits chimiques. Cela inclut des cas précis, et M. Marriott va parler des substances connexes.
Paul Marriott, directeur technique, Compagnie E.I. DuPont du Canada : J'aimerais remercier le comité de m'avoir demandé de lui faire part de mes idées au sujet de la LCPE 1999, en particulier au sujet des liens entre cette loi et les produits chimiques perfluorés.
Les produits fluorés existent depuis des dizaines d'années, et ils ont diverses utilités pour la société. Du point de vue de la LCPE, on s'intéresse aux produits fluorés depuis plusieurs années, depuis qu'on a détecté la présence d'APFC dans l'environnement. Fait intéressant au sujet des APFC, ce ne sont habituellement pas des produits commerciaux; cependant, il s'agit de résidus de certains des produits, des résidus de l'ordre de quelques PPM ou parties par millions. Les versions de l'acide comportant huit atomes de carbone, soit l'APFO, ainsi que les matières semblables comportant de nombreux atomes de carbone ont joui d'une attention particulière. L'intérêt pour ces substances est attribuable à leur stabilité inhérente, qui a pour conséquence leur longue durée de vie dans l'environnement.
De manière générale, notre expérience du règlement découlant de la LCPE et des processus connexes, élaboré avec la participation des intervenants, montre que le processus de la LCPE fonctionne bien. DuPont a participé à ces processus de façon volontaire et active.
En ce qui concerne les APFC, Environnement Canada a publié un plan d'action pour l'évaluation et la gestion de ces substances et de leurs précurseurs, dans la Gazette du Canada en juin 2006. Parmi les principaux éléments de ce plan, on compte l'interdiction d'introduire de nouvelles substances, qui peuvent contribuer à l'augmentation de la quantité observée dans l'environnement de ces molécules à longue chaîne, comportant huit atomes de carbone ou plus, les APFC. On a notamment prohibé quatre nouvelles matières à base de télomère, et le ministère a envisagé de prohiber tout nouveau précurseur d'APFC à longue chaîne.
En ce qui concerne les matières qu'on trouve déjà sur le marché canadien, le plan d'action prévoit entre autres la collaboration avec l'industrie afin de réduire de façon significative le contenu résiduel, conformément au programme d'intendance mondiale de l'EPA des États-Unis, auquel DuPont a été le premier fabricant à s'inscrire. Le plan d'action prévoit aussi la poursuite de l'évaluation des APFC sur le marché, et l'acquisition de nouvelles connaissances par l'intermédiaire d'activités de R-D visant à mobiliser les partenaires internationaux et à les pousser à prendre des mesures à l'échelle mondiale.
Le volet international de la question est particulièrement important, parce qu'on ne fabrique pas les matières perfluorées au Canada; les substances des catégories en question sont toutes fabriquées ailleurs dans le monde. Les objectifs du plan d'action sont conformes à l'engagement qu'a publiquement pris DuPont récemment, et dont vous avez un exemplaire devant vous.
Le plan d'action prévoit notamment la prohibition de nouveaux télomères en vertu des dispositions de la LCPE portant sur les renseignements concernant les substances nouvelles. Je veux porter certains des problèmes à l'attention du comité.
Selon DuPont, les travaux de recherche scientifiques à l'appui de la prohibition comportaient une interprétation sélective des données scientifiques. Nous avons constaté que la LCPE ne prévoit aucun mécanisme d'appel pour les cas où il y a un débat important entourant la façon d'interpréter les résultats des recherches. À la lumière de certains témoignages que le comité a déjà entendus, je crois que vous avez une idée de l'état de la science. Les travaux de recherche sur les matières en question comportent de nombreuses hypothèses et interprétations.
Le processus de la LCPE ne prévoit pas de mécanisme d'appel. Le fabricant qui veut exprimer son désaccord avec une interprétation ne dispose que d'un recours légal, soit le mécanisme de confrontation qu'est l'avis d'opposition et la demande d'examen par une commission d'examen.
Les détails du processus de la commission d'examen sont eux-mêmes nébuleux. D'après ce que nous savons, il n'est jamais arrivé qu'une commission d'examen soit saisie d'une affaire et qu'elle ait réglé cette affaire. Nous croyons que, dans les cas où il y a un débat important quant à l'interprétation des résultats scientifiques, plutôt que de prévoir un recours officiel et légaliste, on devrait prévoir un mécanisme d'examen exhaustif par les pairs qu'effectuerait une tierce partie indépendante.
L'EPA des États-Unis dispose de ce genre de processus d'examen par les pairs, et elle a défini des lignes directrices claires au sujet de ce qui constitue un examen par les pairs, par opposition à un processus de consultation. Je crois que Santé Canada aussi utilise, à certains égards, un processus d'examen par les pairs effectué par une tierce partie pour l'évaluation de certaines matières. Lorsqu'on se met en position de décider, il est particulièrement important de s'assurer que le fondement des travaux de recherche scientifiques est solide.
Pour conclure, nous pensons que la LCPE offre les outils permettant d'effectuer une gestion appropriée des risques liés aux produits chimiques. Cependant, nous pensons aussi qu'il est nécessaire de prévoir un processus d'appel comportant un examen par les pairs effectué par une tierce partie, pour les cas où il y a un débat important au sujet de l'interprétation du fondement scientifique des mesures proposées.
Le président : Avant que nous passions à la période de questions, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez au sujet du dernier point que vous avez abordé, le processus d'appel et la confrontation, et nous dire en quoi cela respecte le principe de précaution ou est contraire à celui-ci, qui est la politique du gouvernement du Canada depuis des dizaines d'années. Les deux éléments sont contradictoires. Il faut que l'un ou l'autre soit en place; ils ne peuvent l'être tous les deux.
M. Marriott : Je comprends l'idée de précaution. Je pense qu'elle vient du fait que, dans des cas comme celui qui nous occupe, il est impossible d'obtenir tous les renseignements au sujet d'une substance avant de prendre une décision. Cela est vrai de nombreuses choses que nous faisons et cela est vrai en sciences. Les gens sont toujours choqués lorsqu'ils découvrent que la science se construit non pas sur des certitudes, mais bien sur des probabilités. Lorsqu'on aborde des choses complexes comme l'environnement, il est très difficile d'obtenir des certitudes absolues.
De manière générale, l'industrie comprend que la démarche de précaution est nécessaire, mais qu'elle doit être appliquée en fonction des résultats scientifiques disponibles, qu'il faut peser le pour et le contre. Dans le cas qui nous occupe, ce qui pose problème, pour nous, c'est la manière dont on a examiné les travaux de recherche scientifiques, en tout cas, en ce qui concerne DuPont et le point de vue de l'industrie. On nous a interdit de fabriquer deux substances; nous ne contestons pas cette interdiction, mais nous avons l'impression de ne pas tout à fait comprendre le fondement scientifique de cette décision.
M. Lloyd : Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec l'idée que les deux points de vue sont conflictuels. Le principe de précaution nous dicte de pécher par excès de prudence. Il y a de nombreuses façons possibles de le dire. Je ne pense pas que l'idée de maintenir ce point de vue tout en disposant d'une commission d'examen officielle ou d'un processus davantage informel de conseils scientifiques et d'examens par les pairs est incohérente. En réalité, je crois que le document du Conseil privé que le gouvernement a publié il y a environ un an, qui porte sur la démarche de précaution et la manière de l'appliquer dans l'ensemble du gouvernement, parle de la nécessité d'obtenir des points de vue extérieurs. Je ne crois pas qu'il y a incohérence. La LCPE prévoit un mécanisme pour régler le genre de problème dont nous parlons, soit un avis d'opposition officiel et la procédure de la commission d'examen, mais ce mécanisme est-il efficace? C'est ça la question. Je pense que le fait qu'on ne l'a jamais utilisé est probablement un indice de ce qu'il n'est pas aussi efficace qu'il pourrait l'être.
On y a peut-être eu recours il y a longtemps, avant que j'obtienne le poste que j'occupe à l'heure actuelle. Quelqu'un a mentionné qu'on a utilisé le mécanisme dans le passé. On ne l'a certainement pas beaucoup utilisé. Il s'agit d'un recours à caractère très légaliste et officiel.
Ce que nous proposons, c'est que le ministère prévoie un processus d'examen par les pairs des résultats scientifiques qu'on pourrait lancer — et, encore une fois, je pense que cela est cohérent avec le point de vue du Bureau du Conseil privé et avec son principe de précaution — et auquel on pourrait avoir recours lorsqu'une incertitude dans les résultats scientifiques pose problème. Il serait possible de demander à cette commission scientifique d'examiner la question ou d'avoir recours au genre de processus d'examen par les pairs dont M. Marriott a parlé. Je ne crois pas que cela contredise l'idée d'adopter une démarche de précaution. C'est une façon de faire les choses différente du mécanisme existant, dont l'efficacité n'est pas démontrée en ce qui concerne la commission d'examen officielle.
Le président : Le principe de précaution, dans sa version actuelle, a trait à la certitude scientifique, et il précise que l'absence de certitude scientifique à l'égard d'une substance ne doit pas empêcher qu'on l'évite, qu'on l'interdise, qu'on s'en occupe, qu'on en réduise l'utilisation ou qu'on prenne quelque autre mesure que ce soit, parce que, comme vous l'avez dit, l'idée est de pécher par excès de prudence. S'il subsiste une question au sujet de la substance et que nous nous demandons si nous devons la déverser dans l'eau, nous ne le ferons pas. L'absence de preuve que la substance est néfaste ne va pas nous empêcher de décider de ne pas la déverser dans l'eau. C'est ainsi que je comprends le principe de précaution. En ce sens, les deux éléments sont mutuellement exclusifs.
M. Lloyd : Le principe de précaution comporte l'expression « l'absence de certitude scientifique absolue ». On utilise le terme « absolue » pour fixer un seuil. Voici une certitude scientifique absolue et voici une question pour laquelle on ne dispose pas d'une certitude scientifique absolue, ce qui veut dire que la plausibilité n'est pas aussi grande que si on avait une certitude scientifique absolue. Elle est peut-être de 80 p. 100. À 40 p. 100 ou moins, il y a aussi une incertitude scientifique, et on ne peut même pas parler de plausibilité. Dans ce cas, on soulève d'importantes questions scientifiques. Ces questions n'atteignent pas le seuil de la certitude scientifique absolue, et on est loin de pouvoir les régler. On utilise le terme « absolue » pour indiquer qu'il y a possibilité de discussion.
La perspective d'avoir recours à un conseil consultatif ou à un groupe de collègues chercheurs permettrait les discussions dans ces domaines d'incertitude et serait conforme au principe de précaution.
Le sénateur Milne : Malheureusement, je n'ai pas avec moi les documents que nous ont laissés les derniers témoins que nous avons reçus. Ces derniers étaient tout à fait en faveur de l'idée d'effectuer davantage de tests et d'appliquer davantage des démarches de précaution à l'utilisation de l'ensemble des produits chimiques à longue chaîne qu'on fabrique.
L'une des choses que les témoins ont dites, c'est que la bioaccumulation ne pose pas problème. La LCPE parle de la bioaccumulation, mais elle prévoit une méthode de mesure des substances qui s'accumulent dans les graisses seulement. On ne mesure pas l'accumulation des produits chimiques en question dans les muscles des êtres humains. Les témoins ont aussi parlé de leurs inquiétudes au sujet de la bioaccumulation de multiples substances semblables. On mesure l'accumulation d'une seule substance, mais les témoins étaient inquiets du fait qu'on ne mesure pas les effets de la présence de multiples produits chimiques dans les tissus.
M. Scott Mabury nous a aussi présenté un excellent exposé, et il a parlé précisément de l'accumulation des produits chimiques utilisés dans le traitement des tapis, ainsi que des méthodes d'élimination des résidus. Il nous a dit être convaincu que, si l'on éliminait les résidus, le risque accru d'accumulation dans l'organisme des êtres humains et d'autres animaux diminuerait partout dans le monde. Est-ce que DuPont fait quoi que ce soit au sujet de l'élimination des résidus en question?
M. Marriott : Comme vous pouvez le voir dans le document de l'annonce récente faite par DuPont, nous allons progressivement cesser d'utiliser l'APFO, l'acide perfluorocarboxylique à huit atomes de carbone, d'ici 2015, moment où nous cesserons complètement d'utiliser la substance. DuPont élabore de nouveaux processus d'élimination des résidus. Nous évoluons vers des produits fondés sur des matières à chaîne courte, qui sont moins persistants. Nous pensons qu'Environnement Canada envisage d'évoluer dans cette direction. Nous combinons l'élimination des résidus, la substitution de l'APFO par d'autres matières moins persistantes et des nouveaux processus d'élimination des résidus. Il s'agit d'une combinaison de substitution de matières et de nouveaux processus visant à régler le problème des résidus.
Ces questions ont fait l'objet d'un important programme de R-D et d'un investissement majeur. Il y a quelques années, nous ne disposions pas des outils technologiques que nous pensons adopter et terminer d'ici 2015. Des personnes ayant témoigné devant le comité ont certainement fait des observations au sujet de la nécessité, pour les grandes entreprises, de travailler à cela et à d'autres priorités. Nous avons certainement fait de ce travail une priorité, en reconnaissant le fait que l'APFO soulevait des inquiétudes, même si je dois insister sur le fait qu'il n'y a aucune preuve que l'APFO a des effets sur la santé humaine.
Nous respectons notre engagement au chapitre des répercussions sur l'environnement, et nous reconnaissons le fait que nous devons les réduire et adopter ces outils technologiques. DuPont travaille assurément à cela.
Le sénateur Milne : C'est digne d'admiration, mais 2015, c'est dans de nombreuses années. Avez-vous envisagé d'adopter la même démarche que 3M et de retirer du marché certains des produits en question pendant un temps, jusqu'à ce que vous soyez prêts à utiliser les substances à chaîne plus courte?
M. Marriott : Encore une fois, nous parlons de résidus, et les produits dans lesquels on trouve des résidus ont une valeur importante pour la société. Les produits chimiques perfluorés ont toutes sortes d'applications, des mousses extinctrices à des applications médicales, en passant par les applications liées à l'automobile. Il ne serait pas possible, à court terme, de modifier les pratiques des multiples industries qui utilisent ces matières à des fins commerciales depuis des dizaines d'années. Nous allons avoir besoin de beaucoup de temps pour nous assurer que les outils techniques et les industries ne sont pas trop chambardés.
Parallèlement, puisque les nouvelles matières remplissant la même fonction mais dont la chaîne est plus courte sont des nouveaux produits chimiques, ils doivent faire l'objet du processus de renseignement concernant les substances nouvelles. Nous devons nous plier à bon nombre de processus de type réglementaire dans ces délais.
Le sénateur Milne : On nous a dit que, parce que ces molécules sont si étroites et si petites, si on effectue des essais pour détecter un polymère dont la chaîne comporte huit atomes, on est incapable de détecter la présence de polymères dont la chaîne comporte 10 ou 12 atomes. Est-ce que DuPont tente de détecter ces molécules à chaîne longue lorsque le fabricant élabore un produit? Effectuez-vous des essais pour voir si le produit comporte des molécules à chaîne longue?
M. Marriott : En examinant le processus d'adoption de matières à chaîne courte et d'élimination des résidus, nous avons constaté que si nous mettons en place un processus d'élimination des résidus de la substance dont la chaîne comporte huit atomes de carbone, ce processus permet aussi d'éliminer les substances semblables dont la chaîne est plus longue.
Lorsque nous avons élaboré les processus, nous n'avons pas envisagé d'éliminer seulement une substance; nous avons plutôt tenté d'éliminer toute la gamme des substances semblables à chaîne longue, et nous avons constaté que la technologie qui permet d'éliminer la substance qui comporte huit atomes de carbone permet aussi d'éliminer les substances qui comportent davantage de ces atomes.
Le sénateur Milne : C'est encourageant. Avez-vous effectué des essais concernant la bioaccumulation dans l'organisme humain?
M. Marriott : DuPont participe à un éventail de programmes, notamment des évaluations et des programmes médicaux auxquels participent les travailleurs de nos usines. DuPont participe à un éventail d'études et de programmes. Certains d'entre eux sont très officiels et encadrés par une loi. D'autres sont des collaborations avec les universités. DuPont envisage une vaste gamme de programmes pour l'étude de ces matières.
Le sénateur Milne : Savez-vous si l'un ou l'autre de ces programmes touche l'étude de la bioaccumulation de substances multiples plutôt que l'accumulation d'une seule substance précise?
M. Marriott : Je ne sais pas si l'étude de l'action de multiples mélanges fait partie de ces programmes, non.
Le sénateur Milne : Pouvez-vous obtenir ce renseignement pour le comité?
M. Marriott : Je peux le faire, oui.
Le sénateur Milne : Cela serait utile pour le comité, vu les préoccupations soulevées par les témoins que nous avons reçus à notre dernière réunion.
Je pense encore à l'an 2015, et cela me préoccupe assez, mais vous allez effectuer des réductions de 97 p. 100 d'ici la fin de l'année?
M. Marriott : Oui, dans le cadre du programme de réduction volontaire de l'EPA des États-Unis, l'objectif était 2010. Nous sommes donc en avance de trois ans. Nous allons réaliser les objectifs de ce programme d'ici la fin 2007, plutôt que d'ici 2010.
Le sénateur Milne : Téflon est l'une de vos marques de commerce, n'est-ce pas?
M. Marriott : Oui, le Téflon est l'un de nos produits.
Le sénateur Milne : Quel genre d'avertissements mettez-vous sur les produits de Téflon que vous vendez? Quel genre de processus d'éducation suivez-vous? Dites-vous aux gens comment utiliser vos produits de façon adéquate et comment s'en débarrasser? Faites-vous ces choses?
Je ne me rappelle pas avoir vu un quelconque avertissement sur ma nouvelle poêle à frire en Téflon. Je ne me souviens pas d'avoir lu qu'il ne fallait pas que je la fasse chauffer à feu moyen.
M. Marriott : Le Téflon et l'utilisation de la marque Téflon fait l'objet de beaucoup de désinformation. La marque Téflon est bel et bien une marque de DuPont. C'est la marque qui désigne le PTFE, soit le polytétrafluoroéthylène, qui est un polymère. Ce n'est pas un APFC. C'est un polymère à longue chaîne. Cette matière, l'APFO, est utilisée dans la fabrication de certaines versions du Téflon, mais pas toutes. On l'enlève au cours du processus de fabrication. Il y en a de très, très petites quantités dans certaines des sortes de Téflon. De nombreuses études l'ont montré. L'utilisation d'ustensiles de cuisine en Téflon ne présente aucun danger pour la santé humaine. Il n'y a aucune indication concernant le fait de faire chauffer ces ustensiles à feu moyen plutôt qu'à feu élevé. Des études extrêmes, au cours desquelles on a soumis une casserole vide à une chaleur extrême à quelques reprises n'ont permis de détecter que des traces d'APFO.
Le sénateur Milne : Le canari est mort, n'est-ce pas?
M. Marriott : Je ne sais pas si on a utilisé un canari dans ce test précis, mais l'idée est bien acceptée qu'il n'y a aucun risque pour les êtres humains, compte tenu des niveaux d'exposition qui existent, même dans ces situations d'utilisation extrême des ustensiles, et cela a fait l'objet d'un commentaire de l'EPA.
Le sénateur Spivak : Monsieur Lloyd, comme vous le savez, on a parlé ici du fardeau de la preuve inversé. On nous a dit que de 700 à 800 nouveaux produits chimiques entrent sur le marché chaque année et font l'objet des dispositions relatives aux renseignements concernant les substances nouvelles. Pouvez-vous nous donner un peu plus de détails sur la manière dont les fabricants examinent les données qu'ils doivent fournir au gouvernement aux fins d'évaluation? Dites-vous qu'à 97 p. 100, c'est sécuritaire? Je m'intéresse beaucoup à la question de la bioaccumulation aussi. Faites- vous des tests? Quel est le point de vue général?
M. Lloyd : Au fur et à mesure que les fabricants élaborent des produits, ils effectuent leurs propres tests et définissent leur propre degré de confiance envers la sécurité d'un produit. Si l'on doit découvrir qu'un produit n'est pas sécuritaire, il faut le découvrir le plus rapidement possible, avant d'avoir dépensé beaucoup d'argent. Les fabricants font eux-mêmes ces tests. Le gouvernement exige par ailleurs qu'on lui fournisse des données précises au sujet des nouvelles substances, et il y a des données concernant les effets sur l'environnement et sur la santé humaine. Il y a un ensemble de données qui fait consensus à l'échelle internationale, avec quelques petites variations dans différents pays. Il faut fournir un ensemble de données de base défini par l'OCDE, et les fabricants fournissent ces données. Santé Canada et Environnement Canada examinent ensuite ces données et peuvent demander davantage de renseignements. Ces ministères le font lorsqu'ils en sentent le besoin. Ils prennent ensuite une décision. Ils déterminent ensuite si la substance est sécuritaire, et, s'ils pensent qu'elle l'est, ils l'ajoutent sur la liste intérieure des substances. Les Américains font la même chose. Ils ajoutent la substance à leur liste, la liste TOSCA, qui découle du Toxic Substance Control Act. Par ailleurs, avant REACH, les Européens avaient une démarche semblable. Ils ont toujours cette démarche. REACH n'est pas encore une réalité. Le fabricant effectue sa propre batterie de tests, dont l'ampleur varie d'une entreprise à l'autre. Je pense que l'OCDE a conclu que ce n'était vraiment pas suffisant. Il fallait qu'un gouvernement puisse apposer un sceau d'approbation de la bonne gestion des produits en évaluant les renseignements fournis par l'industrie et fondés sur les données résultant des tests. À la dernière étape du processus, le gouvernement tire une conclusion quant au fait d'inscrire la substance dans la LIS.
En réalité, je ne sais jamais exactement ce que « le fardeau de la preuve inversé » signifie. Je pense que ce que j'ai décrit correspond à cette idée. Le fabricant doit fournir au gouvernement les renseignements qui le convaincront de conclure que la substance peut être inscrite à la liste intérieure des substances et commercialisée. Je pense que c'est cela, le fardeau de la preuve inversé. Parallèlement, dans le cadre du programme des substances existantes, le gouvernement a indiqué que, pour les 200 substances les plus préoccupantes, à la lumière des renseignements obtenus dans le processus de catégorisation, elle présumera, à moins que le fabricant prouve le contraire, que ces substances sont toxiques. C'est parce que ces substances, du point de vue de l'environnement, se sont révélées persistantes. Elles sont bioaccumulables et ont une toxicité inhérente.
Santé Canada a eu recours à un ensemble de critères plus compliqués. Le fabricant doit fournir des renseignements. Pour la vérification qu'Environnement Canada a effectuée de la persistance relative à la bioaccumulation, la plupart des renseignements ne sont pas des données précises résultant de tests; la vérification a été effectuée à l'aide de modèles. Si le fabricant disposait des données résultant de tests et montrant que la substance n'est pas bioaccumulable dans les faits, alors le modèle n'était pas bon, et les modèles ne sont pas toujours bons. Ils sont très conservateurs. Ils sont souvent de bons outils pour prendre des décisions, mais il est plus utile d'examiner des données réelles et précises. Par exemple, un fabricant peut prouver qu'une substance n'est pas bioaccumulable ni persistante, et il peut prouver qu'il la gère de façon sécuritaire. C'est le genre d'information que le gouvernement recherche. Il faut que ce soit les fabricants qui fournissent ces renseignements. S'ils ne le font pas, le gouvernement présume, comme il l'a indiqué, que ces substances sont toxiques.
Il se peut qu'aucun de ces processus ne corresponde à la définition juridique du « fardeau de la preuve inversé », mais je ne suis jamais sûr de bien comprendre cette définition juridique. Dans les deux cas, en ce qui concerne les nouvelles substances chimiques et celles qui existent déjà, c'est le fabricant qui a le fardeau de la preuve, pour ces 200 substances hautement prioritaires pour l'évaluation, et qui doit fournir au gouvernement les renseignements qui le convaincront de conclure que le produit est sécuritaire. Personne n'utilise le mot « sécuritaire ». La LCPE parle du risque pour les humains et pour l'environnement.
Le sénateur Spivak : J'essaie de comprendre les données, combien de temps vous mettez à faire des tests, si vous faites des tests en ce qui concerne la bioaccumulation ou des traces de produits chimiques qui ont des répercussions sur le régime hormonal. Le fardeau de la preuve inversé, exprimé de manière générale, consiste en l'obligation que vous avez de prouver hors de tout doute qu'un produit est sécuritaire.
Vous dites, si je comprends bien, que nous n'avons pas besoin d'examiner la question du fardeau de la preuve inversé dans la LCPE, puisque la loi prévoit déjà cette mesure. Est-ce ce que vous dites? Par conséquent, vous n'avez rien à changer dans vos méthodes ou dans les données que vous fournissez au gouvernement aux fins d'évaluation.
J'espère que vous allez me dire combien de temps cela prend, en moyenne. Certains fabricants prennent des années pour examiner leur produit. Il doit être difficile pour le gouvernement d'évaluer de façon aussi approfondie les 700 ou 800 produits ou substances chimiques qui entrent sur le marché chaque année.
M. Lloyd : Je suis d'accord avec ce que vous avez dit, et c'est essentiellement la même chose que j'ai moi-même dite. Il y a inversion du fardeau de la preuve. Même si on n'utilise pas ces mots, en pratique, il y a inversion du fardeau de la preuve dans la LCPE en ce qui concerne les nouveaux produits chimiques, ainsi que dans la manière dont on a effectué la catégorisation des 200 substances chimiques prioritaires. Je crois que le fardeau de la preuve inversé est déjà en place.
La question véritablement intéressante, c'est de savoir si la population fait davantage confiance à l'entreprise qui effectue l'évaluation ou au gouvernement qui appose son sceau d'approbation de bonne gestion des produits. La différence entre la démarche que nous avons adoptée au Canada et REACH dans l'Union européenne, c'est que nous avons décidé que le gouvernement aurait un rôle à jouer quant à la conclusion de l'évaluation.
REACH exige du fabricant qu'il procède à ce qu'on appelle une inscription, après quoi les gouvernements peuvent faire une évaluation. Ils le font plus tard, pas nécessairement avant que la substance entre sur le marché. Au Canada, c'est à ce moment que le gouvernement effectue l'évaluation.
Le sénateur Spivak : La population aurait davantage confiance si elle comprenait plus clairement ce que les fabricants font pour déterminer qu'une substance est sécuritaire ou qu'elle n'est pas dangereuse. Si vous envisagez les produits médicaux qui sont entrés sur le marché récemment, tout indique que les fabricants ont totalement fait fi des effets secondaires, ce qui a eu pour conséquence qu'on a retiré certains produits du marché. Vous savez de quoi je parle. Y a-t-il des normes différentes pour différents produits? Nous serions intéressés à comprendre les critères. Ce que vous faites pour déterminer si un produit est bioaccumulable ou dangereux dans l'environnement. Quelle est la différence entre un produit de consommation et quelque chose qu'on utilise seulement dans les processus industriels? Nous devons obtenir des réponses à ce genre de questions.
M. Lloyd : Différentes entreprises vont avoir différentes pratiques internes.
Le sénateur Spivak : Pardon. Et les données devraient être transparentes.
M. Lloyd : On fournit les renseignements au gouvernement conformément aux dispositions de la LCPE, et cela se fait généralement dans la transparence. Il y a évidemment certains renseignements commerciaux confidentiels qui sont protégés, mais je pense que le genre de résumé solide qu'on rédige, ainsi que les renseignements relatifs aux effets sur la santé et sur l'environnement, sont disponibles. Je ne pense pas que ce genre d'information est protégée. Je ne pense pas que cela pose problème.
Le fait que le fabricant dépense des sommes très importantes pour effectuer tous les tests pose un peu problème. Le fabricant ne se préoccupe pas tant du fait que le public obtient des renseignements; il est plutôt inquiet de ce que ses concurrents obtiennent ces renseignements gratuitement. Ça n'a pas vraiment posé problème au Canada, mais ça a été le cas en Europe, dans le cadre de la loi REACH.
Le sénateur Spivak : Monsieur Marriott, l'EPA a-t-elle prévu l'élimination complète du Téflon dans un certain délai?
M. Marriott : Non.
Le sénateur Spivak : Quelle est la situation, aux États-Unis, en ce qui concerne le Téflon?
M. Marriott : Le nom Téflon désigne un ensemble de produits, dont l'utilisation par la population est jugée sécuritaire. Le fait qu'on utilise le mot Téflon pour parler du produit, mais aussi parfois de l'APFO, crée de la confusion. L'APFO, l'acide octanoïque à courte chaîne, n'est pas le Téflon. L'APFO est une matière qu'on utilise pour toutes sortes d'applications dans l'industrie, dont l'une est la fabrication de certaines qualités de Téflon, mais pas le Téflon lui-même.
Le sénateur Spivak : Y a-t-il des types de Téflon précis dont l'élaboration exige l'utilisation des APFO et dont on a décidé qu'ils devraient être retirés du marché?
M. Marriott : Cela dépend de la qualité et du processus de fabrication. Comme je l'ai dit, la marque Téflon désigne toute une gamme de produits. Les matières en question font l'objet de notre engagement de cesser progressivement d'utiliser l'APFO. Nous avons pris cet engagement. L'utilisation des produits en question est jugée sécuritaire. Il n'y a pas de preuves que l'APFO ait des effets sur la santé humaine. Encore une fois, nous cessons progressivement d'utiliser cette substance. Cela n'a aucune incidence sur le fait que le Téflon est un produit sécuritaire. Les produits de Téflon sont parfaitement sécuritaires, et l'EPA le reconnaît.
Le sénateur Spivak : Certains secteurs industriels ont critiqué l'utilisation du terme « toxique ». Que pensez-vous de l'utilisation du terme « toxique » dans la LCPE?
M. Lloyd : L'utilisation du terme « toxique » dans la LCPE cause probablement une certaine confusion.
Le terme « toxique » figure dans la LCPE dans le contexte de l'évaluation des risques, tant des propriétés dangereuses que de l'exposition. L'article 64 précise qu'une substance doit avoir des propriétés dangereuses et il doit y avoir un risque d'exposition pour qu'on puisse dire qu'elle est « toxique » et l'inscrire à l'annexe 1. C'est ce que le terme « toxique » veut dire dans tout le texte, sauf à un endroit.
Lorsque nous avons effectué la catégorisation, nous n'étions pas intéressés à effectuer une évaluation des risques. Nous voulions mettre au point un test simple permettant de vérifier la toxicité intrinsèque : la substance est-elle mortelle pour les poissons? Nous souhaitions disposer de ce genre de test, et nous avons dû inventer le terme « toxicité intrinsèque », puisque nous ne pouvions pas utiliser « toxique », le terme étant déjà utilisé dans le cadre de l'évaluation des risques. « Toxicité intrinsèque liée à la persistance ou à la bioaccumulation » ne veut pas dire toxique dans le contexte de l'évaluation des risques. Cela désigne un contrôle permettant de déterminer s'il vaut la peine d'effectuer une évaluation des risques. Nous avons donc dû inventer cette nouvelle expression : « toxicité intrinsèque ».
Dans le cadre de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, les pays d'Europe et d'autres pays n'ont pas ce problème. Ils utilisent le terme « toxique » dans le même contexte d'évaluation du danger que celui dans lequel nous utilisons « toxicité intrinsèque ». La manière dont nous utilisons le terme « toxique » dans la loi est à l'origine d'une certaine confusion. Le mot « toxique » signifie que la substance a fait l'objet d'une évaluation des risques, et que, dans certaines conditions, il y a des risques d'exposition et un danger qu'il faut gérer et maîtriser. Le terme s'applique à un vaste éventail de substances. Il s'applique aux dioxines, qui sont intrinsèquement toxiques et qu'il est très difficile de rendre moins dangereuses. Il s'applique à un vaste éventail de substances, notamment à l'ammoniac, qui est parfaitement sécuritaire dans les produits de nettoyage, par exemple, le Windex. L'éventail est large. Il est souhaitable que les dioxines aient cette mauvaise réputation, mais je ne sais pas s'il est souhaitable que le Windex l'ait. Certaines industries se sont inquiétées à ce sujet.
Le simple fait qu'il peut y avoir confusion entre « intrinsèquement toxique » et « toxique » pose problème.
Le sénateur Spivak : Vous avez entendu parler, bien sûr, de l'affaire judiciaire portant sur le terme « toxique » et la LCPE.
M. Lloyd : À mon avis, les groupes environnementalistes ont présenté un bon argument. Dans tous les mémoires présentés par l'ACFPC, nous avons clairement dit que nous ne voulions pas nuire au gouvernement fédéral dans l'exercice de ses pouvoirs. Je l'ai probablement dit la dernière fois que vous m'avez reçu.
Vous devriez poser cette question aux avocats du gouvernement fédéral. Ils ont proposé une solution, il y a quelques années, qui aurait permis de régler le problème dans le cadre d'un projet de loi sur le budget, lié aux changements climatiques et à d'autres enjeux. Ce n'est pas la meilleure tribune pour aborder ces questions. Ils ont probablement conclu que le libellé qu'ils ont choisi était toujours valable à la lumière de la décision d'Hydro-Québec.
L'argument des groupes environnementalistes selon lequel il y a un risque est probablement valable. Si vous souhaitez approfondir cette question, vous devriez demander aux avocats du ministère de la Justice de vous expliquer leurs conclusions. Je ne pense pas que mon opinion soit très instructive à ce sujet. Les environnementalistes ont fourni un bon argument. Il faut s'assurer que le changement n'empêcherait pas le gouvernement fédéral d'agir. Nous sommes tout à fait d'accord avec cela. La question de savoir si la formulation choisie par les gens du ministère de la Justice nuit ou non est une question intéressante, et vous souhaiterez peut-être la leur poser.
Le président : Le sénateur Spivak a parlé du fait que certains fabricants ont pris des années et dépensé des centaines de millions de dollars pour élaborer de nouveaux produits et que les gouvernements ou les autres organisations chargées d'examiner la toxicité de ces produits et de les catégoriser n'ont ni le temps ni les ressources nécessaires pour le faire.
Qu'est-ce qui se produit lorsqu'une très grande entreprise, qui a consacré du temps et de l'argent à une étude, détermine qu'une substance est sans danger, alors qu'un petit groupe n'est pas d'accord?
La grande entreprise est-elle passée à côté du problème ou a-t-elle plutôt décidé que le problème n'est pas si grand? N'a-t-elle pas cru à un risque pour la santé? Est-il possible que les scientifiques puissent tenir des opinions différentes sur une même substance?
M. Lloyd : Il faudrait poser la question à quelqu'un d'Environnement Canada ou de Santé Canada pour obtenir les statistiques exactes, mais pour la plupart des nouveaux produits chimiques qui sont proposés, les entreprises ont déjà éliminé les trucs qui ne passeraient pas. La plupart des substances soumises à l'évaluation de Santé Canada ou d'Environnement Canada sont autorisées.
Le président : Il y a deux cents substances qui n'ont pas été autorisées.
M. Lloyd : Ce sont des produits chimiques qui étaient déjà là, avant l'adoption du nouveau programme. Encore là, ce sont 200 substances sur un total de 23 000. Si vous posez en hypothèse la fréquence à laquelle les gens sont habituellement en désaccord et que le résultat est 200 sur 23 000, il n'y a probablement pas lieu de s'étonner. C'était sous l'ancien régime, dont l'approche n'était pas aussi systématique que celle qui est appliquée aujourd'hui aux nouveaux produits chimiques. Le pourcentage serait encore moins élevé.
Lorsqu'on aborde la question de cette façon, de manière générale, il y a entente. Il y a quelques cas où entre en jeu un niveau supplémentaire de vérification et de sécurité, ce qui nous paraît être une bonne chose.
Le sénateur Tkachuk : Il y a une démarche décrite dans la LCPE, mais il y a d'autres démarches encore, par exemple ce qui est prévu dans la Loi sur les pêches et dans la Loi sur les produits dangereux. Lorsque vous voulez commercialiser un produit, devez-vous vous adresser à un seul organisme gouvernemental ou à plusieurs?
M. Marriott : Ça dépend du domaine. S'il s'agit de substances antiparasitaires, de produits médicaux ou de produits pharmaceutiques, il y a des protocoles précis à respecter. En règle générale, dans le cas des produits chimiques, de notre point de vue, la référence principale est le Règlement sur les renseignements concernant les substances nouvelles, qui relève de la LCPE.
Le sénateur Tkachuk : Traitez-vous aussi avec des organismes provinciaux de réglementation ou traitez-vous uniquement avec les organismes fédéraux?
M. Marriott : Celui que je connais le plus relève de la LCPE.
Le sénateur Tkachuk : Tout à l'heure, vous avez dit que vous souhaiteriez qu'il y ait un examen par les pairs ou une autre option prévue en cas de désaccord, plutôt qu'une approche axée sur l'affrontement.
Vous avez mentionné le fait que l'EPA applique une telle démarche. Comment cela fonctionne-t-il? Pouvez-vous nous dire comment les autres scientifiques sont choisis? Est-ce l'affaire de deux groupes différents ou d'un comité qui existe déjà, d'un comité tiers? Comment cela se fait-il?
M. Marriott : Il existe diverses démarches différentes. L'EPA recourt à un comité consultatif scientifique. Je ne sais pas très bien comment on en choisit les membres. Il y a un protocole distinct qui régit l'examen par les pairs. Il y a des organismes qui fournissent le service en question. Je sais que Santé Canada recourt à un processus d'examen par les pairs qui est confié à un tiers. L'application et la coordination du processus en question sont confiées à un organisme sans but lucratif.
Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il d'autres modifications que vous aimeriez voir apporter à la loi?
M. Marriott : Comme je l'ai dit au début, de notre point de vue, la loi est bonne. Il n'y a eu qu'un cas où, à notre avis, le passage à un affrontement légaliste et intrinsèquement antagoniste est excessif. Nous sommes d'avis qu'un processus d'examen par les pairs, prévu pour les rares cas où cela se produira, serait mieux avisé. À ce moment-là, vous pouvez vous entendre sur la composition de la commission d'examen par les pairs et la marche à suivre. L'approche relève davantage d'une forme de coopération. Dès que vous adoptez une approche qui repose sur le recours à une commission d'examen, c'est un processus légaliste et antagoniste qui entre en jeu.
Le sénateur Milne : Il a dit qu'on n'a jamais eu recours à la commission d'examen.
M. Marriott : À ma connaissance, on n'y a jamais eu recours.
Le président : Pour ce qui est des quatre polymères qui, à votre avis, ont été interdits de manière injuste, je ne sais pas si c'était votre entreprise à vous, mais pourquoi l'entreprise ne s'est-elle pas adressée à la commission d'examen?
M. Marriott : Deux des substances en question provenaient de DuPont. Nous ne contestons pas la capacité pour le gouvernement fédéral de décider d'interdire une substance; plutôt, nous contestons l'assise scientifique de la décision et ne comprenons pas pourquoi certaines données et certains arguments scientifiques ont été exclus ni pourquoi certains éléments ont été inclus. Nous contestons la valeur scientifique de la décision.
Nous avons déposé un avis d'opposition et avons demandé le recours à une commission d'examen. C'est le seul moyen qui nous reste de faire valoir notre opposition; nous le faisons avec réticence. Selon nous, il serait nettement mieux de confier à une tierce partie l'examen des éléments scientifiques invoqués et aussi des éléments scientifiques qui n'ont pas été invoqués, mais qui auraient peut-être dû l'être. C'est la démarche que nous aurions préconisée dans des cas comme celui-là, plutôt que de devoir déposer officiellement cet avis d'opposition.
Le président : Vous allez maintenant demander d'aller devant une commission d'examen?
M. Marriott : Oui, et nous avons eu des discussions avec Environnement Canada pour demander s'il y a la possibilité de recourir à un processus d'examen par les pairs.
M. Lloyd : Je ne crois pas qu'ils puissent obtenir d'aller à une commission d'examen : la décision est celle du ministre. Ils demandent au ministre, qui a pris lui-même la décision : « acceptez-vous qu'une commission d'examen révise votre décision? » Le ministre dira probablement « non ». C'est probablement pourquoi, hormis le cas unique où cela a peut-être été appliqué dans un passé lointain, la démarche ne s'applique pas. Ce n'est pas une démarche très utile. Comme M. Marriott l'a dit, c'est une demande de recours à une commission d'examen; vous n'avez aucun droit à cet égard.
Pour ce qui est des autres modifications relatives à l'examen de la LCPE, nous n'avons pas fait beaucoup de pressions à cet égard, car, même si cela se faisait, nous n'y voyons pas la bonne solution. Cela nous mènerait à une approche légaliste axée sur l'affrontement. C'est difficile à dire parce que nous n'en avons pas vu le fonctionnement, mais une approche du type de celle de l'EPA nous paraît nettement plus sensée.
Quant à savoir s'il y a autre chose que nous aimerions voir modifier dans la LCPE, comme vous l'avez demandé, je dirais que cela n'a rien à voir avec ce dont vous parlez en ce moment. Pour cet aspect de la gestion des produits chimiques, les provinces s'en sont essentiellement remises au gouvernement fédéral. Dans ses lois en matière de travail, l'Ontario avait certaines dispositions prévoyant l'évaluation des produits chimiques, mais je ne crois pas que la province ne les ait jamais invoquées. Elle s'en remettait au fait que le gouvernement fédéral se chargeait de la tâche et voyait la LCPE comme l'instrument privilégié.
À d'autres égards, les provinces balisent le champ d'action des entreprises par la réglementation ou la délivrance de permis, de certificats d'approbation et ainsi de suite. Différentes provinces appellent différemment ce que nous qualifions familièrement de « réglementation ». Un des points où nous souhaitons voir une amélioration dans la LCPE touche les dispositions dites d'équivalence. Le genre d'amélioration qui me paraîtrait sensée correspond à ce qui a été intégré au projet de loi C-30. Je ne sais pas ce qu'il va advenir de ce projet de loi, qui est lié à toute une controverse au sujet des changements climatiques, mais il s'agit ici d'un point technique précis qui, à notre avis, devrait être amélioré dans la LCPE. Il faut établir des normes ou des règles fédérales. Si une province peut instaurer de telles règles, il faut qu'il puisse y avoir un accord entre le gouvernement fédéral et la province.
En ce moment, c'est admis sous le régime de la LCPE dans la mesure où le gouvernement provincial applique une réglementation, mais les provinces ont tendance à recourir aux permis et aux certificats d'approbation et non pas à réglementer. Si nous avons bien saisi la question, les avocats fédéraux affirment que ce n'est pas suffisant; il doit y avoir une réglementation : même s'il y a un permis ou un certificat d'approbation, cela ne répond pas aux critères d'une entente en matière d'équivalence.
Le libellé du projet de loi C-30 a pour effet d'élargir celui de la LCPE et parle d'un règlement équivalent et d'un effet équivalent. Le passage est prévu pour que la province et le gouvernement fédéral puissent conclure un accord si la province a non pas réglementé, mais plutôt opté pour un permis ou un certificat d'approbation. C'est la modification qui, à notre avis, devrait être apportée à la LCPE dans le cadre de l'examen de la LCPE ou dans le projet de loi C-30, comme vous voulez. C'est une modification importante.
Dans le passé, ce n'était pas si important. C'est qu'il n'y a pas eu une si grande présence fédérale qu'il y en aura dans l'avenir dans des domaines où il existe déjà une réglementation provinciale. Nous pouvons voir que le champ d'intervention fédéral dans des domaines qui relèvent traditionnellement des provinces ira en s'élargissant, au-delà de ce dont nous parlons aujourd'hui, en incluant la pollution atmosphérique et tout le reste. C'est une modification très importante de la LCPE.
Le sénateur Tkachuk : Si la décision est soumise à un examen, par les pairs ou autrement, au gouvernement fédéral, la décision prise par l'autre instance sera-t-elle exécutoire? Est-ce que ce serait la fin de l'histoire? Y aurait-il alors la possibilité d'en appeler devant les tribunaux? Comment cela fonctionnerait-il? Est-ce que cela prendrait seulement la forme d'une recommandation à envoyer à l'auteur de la décision initiale?
M. Marriott : Dans ce cas particulier, il pourrait y avoir un examen par les pairs. Nous examinerions l'ensemble des données scientifiques et donnerions notre avis sur ce qui a été inclus et exclu.
Au terme du processus, le gouvernement fédéral pourrait encore dire « oui ». Le gouvernement peut affirmer que, selon lui, la substance devrait être interdite. Nous admettons tout à fait que c'est un résultat possible et même probable. Tout de même, le bilan scientifique qui est à l'origine de la décision pourrait être amélioré. Dans ce cas particulier, c'est ce qui nous préoccupe. Les éléments scientifiques qui figurent dans le relevé de la décision ont été sélectionnés. Ce n'est pas complet. Nous sommes d'avis qu'il serait possible d'améliorer le côté scientifique des choses.
Nous ne chercherions pas à miner la responsabilité qu'a le gouvernement de décider d'interdire une substance par prudence. Tout de même, si cela devient la norme à laquelle se fient d'autres administrations pour fonder leurs décisions, nous croyons que le dossier des éléments scientifiques devrait être complet et non pas partiel.
M. Lloyd : Il vous faut regarder comment fonctionne le processus décisionnel prévu dans la LCPE et déterminer comment l'intégrer à l'ensemble. Nous n'envisageons pas qu'un tel groupe d'examen par les pairs prenne la décision. Il s'agit seulement d'améliorer la compréhension scientifique des choses.
Premièrement, de la manière dont le processus décisionnel se déroule, les deux ministres en arrivent à une conclusion. Puis, ils formulent une recommandation à l'intention du Cabinet; c'est le Cabinet qui détermine s'il faut ajouter la substance à la liste des substances toxiques qui figurent à l'annexe 1. Le Cabinet est presque toujours d'accord. Il y a eu des cas où le Cabinet ne l'était pas, par exemple celui du sel de voirie. Cependant, si les ministres demandaient au Cabinet d'ajouter une substance à la liste et que le groupe d'examen par les pairs affirmait que les éléments scientifiques invoqués par Environnement Canada et Santé Canada n'avaient aucun sens, disons qu'ils auraient dû en arriver à une conclusion différente, qui constituerait des informations utiles pour le Cabinet.
Je ne crois pas que, en temps normal, le ministre proposerait quelque chose au Cabinet si le groupe scientifique consultatif consulté par ses responsables en conteste les fondements. Le groupe laisserait au gouvernement le soin de décider, mais il donnerait des informations supplémentaires qui seraient utiles aux ministres de l'Environnement et de la Santé au moment de décider ce qu'il faut recommander au Cabinet. Si ces derniers devaient recommander quelque chose de différent, le Cabinet disposerait de renseignements susceptibles de l'aider à tirer une conclusion, car la décision finale appartient au Cabinet.
Le sénateur Tkachuk : Des témoins nous ont dit que, après l'adoption de la LCPE, les produits chimiques en question sont demeurés du fait d'avoir un droit acquis. En même temps, vous nous dites aujourd'hui que, en raison de l'évolution des données scientifiques, bon nombre de ces substances sont examinées à nouveau. Certaines d'entre elles avaient été mises de côté, mais on dit qu'elles ne posent aucun problème; ce sont celles que nous étudions. Nous avons discuté des 23 000 substances en question.
Lorsqu'un produit chimique particulier est approuvé sous le régime de LCPE, est-ce que l'histoire s'arrête là? Si les données scientifiques évoluent, ce qui se produit — il y a de nouveaux procédés, de nouvelles informations et ainsi de suite —, y a-t-il une façon de remettre les informations en question à l'ordre du jour? Avez-vous l'obligation de continuer à faire des tests? Comment cela fonctionne-t-il? Y a-t-il un permis qui dit : « d'après ce que nous savons pour l'instant? » Comment devrions-nous exercer notre surveillance sur un tel produit chimique?
M. Lloyd : Il y a quelques choses qui s'appliquent. Premièrement, il y a l'obligation — et le Canada et comme d'autres pays à cet égard... si l'entreprise découvre qu'une substance est toxique, elle est tenue de faire part des renseignements en question au gouvernement. C'est l'article 70 ou l'article 71 de la loi.
De même, si une autre instance étudie le produit chimique en question et décide d'en restreindre sévèrement l'usage, le Canada doit l'étudier lui aussi. C'est la marche à suivre pour ce qui est de se pencher une deuxième fois sur une substance.
Par la marche à suivre qui était déjà prévue — c'est la liste des substances d'intérêt prioritaire —, le public peut encore inviter le ministre à étudier une substance particulière. Il existe plusieurs options dans le cas où une nouvelle information scientifique ou autre vient à être connue, pour qu'elle soit prise en considération et que les choses puissent être modifiées.
Le sénateur Tkachuk : Quel est le processus? On vous rappelle? On recommence? Disons que l'EPA affirme qu'une certaine substance est peut-être dangereuse. Que fait le Canada? Quel est le processus, ou encore avons-nous eu des situations où cela s'est produit?
M. Lloyd : Je ne sais pas très bien. Prenons l'exemple de l'usage sévèrement restreint et disons que l'EPA le détermine. La substance est alors soumise à une évaluation. L'entreprise serait certainement au courant : elle serait appelée à donner des renseignements.
Pour être franc, je ne sais pas comment répondre à votre question. Je ne sais pas s'il n'y a jamais eu un cas où un nouveau produit chimique a été inclus dans la liste.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que c'est parce que la LCPE est bien actualisée?
M. Lloyd : Oui, il y a deux raisons. Premièrement, la loi est actualisée; et, deuxièmement, comme vous l'aviez dit tout à l'heure, il y a la dernière étape de vérification du processus, soit la déclaration de substance nouvelle — l'entreprise a déjà franchi l'étape de l'évaluation. Je suis sûr que cela se produira parfois, mais ce ne sera pas fréquent. Je ne sais pas comment cela fonctionnerait concrètement; je suis désolé.
Le sénateur Tkachuk : J'aimerais poser une question sur un point qui m'intéresse. Par contre, nous allons peut-être pouvoir en tirer une recommandation. Je préconise tout à fait l'idée d'harmoniser les mesures, chaque fois qu'il est possible de le faire. Au Canada, nous n'arrivons même pas à harmoniser nos lois sur les valeurs mobilières, alors la collaboration avec un autre pays, oubliez ça.
L'Europe, les États-Unis et le Canada devraient s'efforcer de créer des gains d'efficience par la voie de l'harmonisation, autant que possible. On a beau avoir Kyoto et le CO2, si l'EPA examine la substance et décide d'en autoriser l'usage aux États-Unis — ou que cela se fait au Canada, sous le régime de la LCPE —, quelle est la part de l'information en question qui sert à votre exposé devant l'EPA? L'information en question est-elle prise en considération? Dit-on : « Cela nous suffit »? Comment cela fonctionne-t-il? Est-ce qu'il existe des façons de prévoir ce qui va se passer, pour que nous puissions en arriver à une démarche qui fonctionne?
M. Lloyd : Il y a un autre point sur lequel j'aimerais voir des modifications à la LCPE. Le plus important serait probablement celui dont j'ai parlé plus tôt en ce qui concerne l'équivalence avec les provinces. Au deuxième rang, il y aurait l'idée d'essayer de faire avancer un peu le dossier dont vous parlez.
Le Canada a bien fait son travail en rapport avec certains éléments de ce dossier. Dans la LCPE de 1999, il y a une disposition selon laquelle notre gouvernement peut conclure un accord avec d'autres gouvernements et leur communiquer des informations qu'il a reçues au sujet de l'évaluation, dans la mesure où les éléments confidentiels de l'information sont protégés et que l'autre gouvernement a adopté des lois à cet égard. C'est une bonne mesure. Malheureusement, les États-Unis n'ont pas de dispositions semblables dans leur loi.
Les Européens ont repris la formulation canadienne quand ils ont conçu le REACH, de façon à pouvoir s'entendre avec nous. Ils ont appelé cela l'« article du Canada », et l'Australie a une disposition semblable. Cette capacité pour les gouvernements d'échanger les informations est importante. Le Canada a ouvert la voie, et d'autres pays emboîtent le pas.
Certes, lorsque les entreprises arrivent dans un autre pays, par exemple les États-Unis ou l'Australie, elles remettent aux autorités l'information qu'elles avaient fournie au Canada, pour que le gouvernement là-bas soit conscient de la décision prise à la suite de l'évaluation. À titre de projet pilote à l'OCDE, on essaie d'organiser le processus de déclaration des entreprises dans un contexte multinational. Il s'agit de savoir comment les entreprises en question peuvent travailler ensemble sur ce plan.
Quant à la LCPE et aux modifications touchant la loi, nous aimerions que le Canada puisse imiter l'Australie, qui applique une disposition législative visant à reconnaître les autres instances, reconnaissant ainsi ses évaluations. Certes, il serait utile que le Canada adopte cette mesure et prévoie une telle reconnaissance dans sa loi. Certains responsables d'Environnement Canada nous ont dit qu'il n'est peut-être pas nécessaire de prévoir une modification législative : ils sont peut-être en mesure d'y arriver par voie administrative. Tout de même, ce serait utile d'avoir ça dans la loi. Ce serait l'autre côté de la médaille que j'ai évoqué plus tôt, la disposition qui dit que là où une autre instance a décidé de soumettre la substance à des restrictions importantes, il faudrait que le Canada en tienne compte. Il serait utile de prévoir une disposition reconnaissant que, là où une autre instance a autorisé l'utilisation d'un produit chimique, nous devrions nous aussi envisager de le faire. Cela ne veut pas dire que nous ajouterions toujours la substance en question à LIS, car il y a au Canada des facteurs d'exposition auxquels il faudrait accorder une attention particulière. Lorsqu'il en a été question à l'OCDE, les Australiens ont parlé du « facteur koala ». Cela veut peut-être dire qu'une décision ne serait donc pas bêtement transposée d'un pays à l'autre sans vérifications supplémentaires — au Canada, on pourrait peut-être appeler cela le « facteur castor ».
Le président : Le « facteur froid ».
M. Lloyd : D'accord. Il serait utile que le libellé de la LCPE le précise, même si la reconnaissance en question peut se faire par voie administrative. Il serait avantageux de prévoir dans la loi que la reconnaissance des autres administrations est une bonne idée. Il y a un mouvement en ce sens, et il y a des pays qui travaillent à ce dossier à l'OCDE et dans le cadre des discussions canado-américaines. On pourrait modifier la LCPE de manière à favoriser cela.
Le président : Monsieur Marriott, le sénateur Tkachuk vous a posé une question sur le processus, et je vous ai entendu décrire ce qui, selon vous, se produirait. Pour les besoins de la cause, présumons qu'une commission d'examen ou qu'un groupe d'examen par les pairs serait établi objectivement et exercerait essentiellement la même fonction. Cela permettrait-il d'atteindre l'objectif que vous vous êtes fixé : le fait d'avoir le droit de recourir à une commission d'examen, plutôt que de présenter une demande à une commission d'examen? Ai-je bien compris?
M. Marriott : Il est difficile de répondre à cette question, puisque nous ne savons pas vraiment ce à quoi ressemblerait une commission d'examen ni comment une telle commission fonctionnerait.
Le président : Nous ne savons pas non plus à quoi ressemblerait un groupe d'examen par les pairs. On présume que les deux se composeraient de personnes capables de donner un avis scientifique qui soit objectif.
M. Marriott : La documentation décrit davantage les comités d'examen par les pairs et leur mode de fonctionnement que les commissions d'examen dont il est question ici. Oui, il est difficile de dire comment cela fonctionnerait. Certes, notre préférence va à une mesure qui n'est pas centrée sur une approche légaliste et antagoniste. Nous préférons la collaboration. Un groupe d'examen par les pairs est une façon d'y arriver, par opposition à une commission d'examen. C'est l'un des côtés de l'approche d'examen par les pairs que nous préférons.
Le président : Croyez-vous qu'il faudrait que ce soit obligatoire dans les cas où c'est l'entreprise qui a un droit de propriété sur la substance en question qui en fait la demande?
M. Marriott : Je me demande si le terme « obligatoire » est trop fort.
Le président : Vous demandez cela, vous l'obtenez.
M. Marriott : Il faudrait que cette responsabilité s'applique dans de rares cas et, par conséquent, si on en fait la demande, il faut qu'il y ait de très solides raisons pour lesquelles il peut y avoir un refus.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Marriott, vous avez dit qu'il n'y a pas de processus d'appel sous le régime de la LCPE. Vous parlez d'une commission d'examen ou d'un processus d'examen par les pairs; il me semble que le processus d'appel est là. Envisagez-vous une autre forme d'appel?
M. Marriott : Eh bien, la seule façon de faire connaître son désaccord avec les résultats obtenus, c'est de déposer un avis d'opposition; ensuite, on peut demander le recours à une commission d'examen. Comme l'a dit M. Lloyd, il appartient alors au ministre de déterminer s'il y a lieu de recourir à la commission d'examen.
Le sénateur Mitchell : Vous dites donc que la LCPE ne comporte pas de processus d'appel adéquat.
M. Marriott : Oui, c'est cela.
Le sénateur Mitchell : Deux des éléments de la vision que vous vous faites d'un processus d'appel seraient, premièrement, l'examen par les pairs, et, deuxièmement, le fait qu'il n'appartienne pas seulement au ministre d'agir ou de décider. C'est bien cela?
M. Marriott : C'est cela.
Le sénateur Mitchell : Il me semble que l'autre aspect de cela, pour ce qui est de l'inversion du fardeau de la preuve, c'est que le consommateur assume lui-même une grande part de la responsabilité de sa propre protection. Selon des témoins qui se sont déjà exprimés là-dessus, il devient difficile d'y arriver car le champ d'action est si complexe, que la diffusion des connaissances se fait de manière fragmentaire et que le Canadien moyen aurait de la difficulté à jauger toute l'information en question. En conséquence de ce que vous dites, le fait de diffuser trop d'informations posera un problème du point de vue de la compétitivité dans un contexte industriel. Sous le régime de la Loi sur les produits antiparasitaires, il y a une initiative particulière qui permet de distinguer les données tirées des tests des informations commerciales confidentielles, et ce sont les premières qui sont diffusées.
Croyez-vous que cela pourrait s'appliquer à vos types de produits chimiques et de procédés industriels sous le régime de la LCPE? Croyez-vous qu'il y ait un lieu où on pourrait protéger vos informations tout en diffusant plus de renseignements au public?
Le président : Pour plus de précisions sur la question, sénateur Mitchell, voulez-vous dire que les résultats des tests seraient révélés au public?
Le sénateur Mitchell : Oui, on dissocierait les données tirées des tests des autres informations confidentielles, et les données des tests seraient accessibles au public.
M. Lloyd : Cela ne pose pas de difficulté fondamentale. Nous n'avons pas abordé la question des substances chimiques produites en grande quantité, comme on les appelle. L'OCDE, à l'instigation des États-Unis, s'est bien engagée dans ce dossier. Les entreprises et les associations du domaine de la chimie partout dans le monde ont collaboré en vue de combler les lacunes relevées du point de vue des données et de diffuser au grand public des renseignements sur les substances chimiques produites en grande quantité. Les Américains se sont donné pour objectif un nombre relativement plus élevé, soit 2 000 des substances chimiques en question, et l'OCDE a mis le cap sur 1 000. Les données touchant la plupart des substances chimiques en question ont été fournies, bien qu'il en reste quelques- unes où la cible n'avait pas été atteinte. On a jugé que c'était là de bons progrès, et que c'était très utile.
De manière générale, les entreprises ont reconnu le fait que l'information devrait être accessible. Sous le régime de la LCPE, l'information est accessible parce que les dispositions empêchent les entreprises de déclarer comme confidentiels des éléments se rapportant précisément à la santé et à l'environnement. Même si l'entreprise souhaitait réclamer la confidentialité des renseignements, elle n'aurait pas le droit de le faire. Ce n'est pas cela que les entreprises souhaitent protéger. Elles souhaitent protéger l'information commerciale confidentielle sur les formulations, par exemple. L'information serait maintenant accessible sous le régime de la LCPE, si on en faisait la demande. L'industrie des produits chimiques l'a rendue accessible avec ces substances chimiques produites en grande quantité. De même, elle circule très librement, par l'entremise des fiches signalétiques. Bon, c'est un moyen de communication qui s'adresse davantage aux travailleurs qu'aux consommateurs. Dans le monde de la santé et de la sécurité au travail, l'abondance d'informations qui se trouvent dans les fiches signalétiques pose des problèmes. Il y a beaucoup d'informations, et ce n'est presque pas utile, tant il y en a. Lorsque vous achetez de la peinture chez Canadian Tire, il y a sur le pot une étiquette qui comporte des informations. Je ne veux pas trouver sur le pot une fiche signalétique. Il n'y a pas de désaccord quant à l'accessibilité de ce genre d'information, à mon avis. Je crois que c'est déjà accessible sous le régime de la LCPE. Il suffit d'en faire la demande.
Le sénateur Mitchell : Pour qu'un processus d'examen par les pairs fonctionne, il faudrait que soient divulgués entièrement les données tirées des tests et tout élément d'information qui se rapporte de près ou de loin à l'évaluation. Diriez-vous donc que le processus d'examen par les pairs serait privé, sinon pourrait-il être ouvert et public?
M. Lloyd : Voilà une bonne question. En règle générale, ce serait ouvert et public. M. Marriott hoche la tête. Je crois qu'il faudrait qu'il soit conçu de sorte que, dans les rares cas où, parce que cela met en jeu des informations relatives à la formulation du produit, de nature confidentielle, à ce moment-là, si c'est important aux yeux de l'entreprise, on puisse tenir une réunion à huis clos ou autrement que de la façon habituelle.
Le président : Monsieur Lloyd, vous représentez une association qui compte, selon cette liste, 58 membres. Des gros noms comme E.I. DuPont, Imperial Oil, Shell Canada, Dow Chemical, Domtar Inc., et cetera, qui disposent de ressources plus grandes que leurs concurrents de moindre taille.
Lorsqu'on trouve une façon de rendre une substance moins dangereuse, est-ce que votre association vient en aide aux plus petits, avec des informations utiles? Je sais que vous ne pouvez leur donner des informations qui font l'objet d'un droit de propriété, mais lorsque DuPont ou 3M trouve une façon, comme on l'a entendu dire, de rendre une substance moins dangereuse pour l'environnement, est-ce que vous diffusez l'information? Votre association cherche-t- elle à s'assurer que tous les membres ont accès à l'information et qu'ils sont en mesure d'en faire un bon usage?
M. Lloyd : Je crois que ma réponse ne sera pas très claire, car elle tient du oui et du non à la fois.
Nous formons ce que nous appelons une association horizontale. Vous pouvez subdiviser l'industrie des produits chimiques en toutes sortes de secteurs selon les produits. Nous comptons des membres qui oeuvrent dans le domaine de la peinture et des produits de consommation. Nous en comptons dans les produits chimiques qui sont très différents de ceux des autres. Nous avons tendance à ne pas nous mêler d'aspects précis des produits. Ce dont vous parlez touche davantage des aspects précis des produits. Je crois que les associations plus verticales que la nôtre s'adonnent peut-être davantage à ce dont vous parlez, dans le style qui est le leur. C'est le « non » dans ma réponse.
La gestion responsable, c'est le fait de s'assurer que nous gérons les produits chimiques avec une plus grande efficacité et que notre façon de les gérer inspire confiance au public. C'est une notion que nous avons inventée au milieu des années 1980. Elle est utilisée partout dans le monde et s'inscrit dans une gestion efficace des produits chimiques.
Dans le cadre d'une gestion responsable, il y a des livres, des codes et toutes sortes de pratiques applicables à de nombreux secteurs de gestion des produits chimiques. Aussi, nous avons des comités consultatifs où chacune de nos entreprises applique un processus consultatif communautaire. Nous avons aussi un comité consultatif national. Nous avons aussi des groupes de direction de la gestion responsable; les chefs de l'exploitation de chacune des entreprises se réunissent et discutent de la manière de faire fonctionner le principe de la gestion responsable et échangent des renseignements. C'est dans ce genre de contexte que s'échangeraient probablement des informations sur une question jugée d'intérêt général. Nous avons accentué les échanges concernant la gestion de la sécurité des procédés et la sécurité et les pratiques exemplaires. Les échanges de cette nature ont été assez nourris. C'est un domaine où nous pourrions agir. Si la question était soulevée, si cela avait du sens, il pourrait aussi y avoir des échanges en rapport avec certains des aspects dont vous parlez. Plus souvent, à mon avis, cela se ferait dans les associations plus « étroites », plus « verticales ».
Le président : Les entreprises qui fabriquent des polymères devraient se parler entre elles.
M. Lloyd : C'est probablement plus compliqué que cela.
Le président : À coup sûr, et je n'arriverai jamais, au grand jamais, à comprendre.
Le sénateur Spivak : Vous pourriez peut-être nous exposer par écrit les objectifs de votre collecte de données en ce qui concerne les tests, la persistance, la bioaccumulation, la toxicité intrinsèque et l'évaluation. Par exemple, les femmes et les enfants ont une réaction très différente de celle des hommes aux produits chimiques. Cette information-là serait utile au comité. Je ne demande pas d'obtenir des quantités effarantes de données, seulement de l'information sur le sujet.
L'approche écosystémique prise dans la LCPE est difficile, et ce n'est que dans le préambule, mais elle a des effets très pratiques. Par exemple, dans ma province, le lac Winnipeg est malade. Le gouvernement provincial envisage d'interdire les phosphates dans les savons à vaisselle. Je ne savais pas qu'ils n'étaient pas interdits, car ils sont interdits dans le cas des savons à lessive.
Dans votre première analyse d'un produit chimique, comment faites-vous pour appliquer l'approche écosystémique?
Je sais que c'est probablement très difficile... et d'autres textes de loi s'attachent à cette approche.
Vous n'êtes pas obligé de répondre à ces deux questions tout de suite. Par contre, le comité aimerait recevoir une réponse par écrit.
Le président : Il faudra peut-être répondre par écrit à la première question. Monsieur Marriott ou monsieur Lloyd, pourriez-vous répondre tout de suite à la deuxième, celle qui porte sur l'application de l'écosystème et l'approche philosophique de votre tâche?
M. Marriott : La seule chose que je dirai, c'est que lorsqu'on est à mettre au point un produit ou une substance chimique, on cherche entre autres — et il existe diverses tribunes à cet égard, par exemple l'OCDE — un ensemble de critères d'évaluation qui soit accepté.
Nous devons être efficaces et rentables. Chaque administration ne peut dire qu'elle exige tel ensemble de tests. Nous souhaitons adopter des tests uniformisés qui seront acceptés partout dans le monde par les divers organismes de réglementation. Ce sont les tests de toxicité, par exemple. Ce sont là les tests importants auxquels nous voulons que vous vous attachiez. Cette activité est importante, et il existe de nombreux tests standardisés qui sont acceptés.
Quant aux écosystèmes, c'est plus compliqué, car il s'agit d'une question régionale, comme c'est le cas pour les écosystèmes du Canada et de l'Australie. Certes, divers organismes ici et là dans le monde essaient d'adopter ce type d'approche et de dire à l'industrie : voici les grands tests que nous souhaitons que vous adoptiez. Voilà pour l'approche philosophique.
Le sénateur Spivak : Faites-vous des tests pour détecter les effluents dans les réseaux hydrographiques?
Le président : Merci, messieurs Lloyd et Marriott. Nous attendons les réponses aux questions que le sénateur Spivak vient de poser, et j'imagine que nous allons nous revoir un jour. De même, nous allons peut-être communiquer de nouveau avec vous.
La séance est levée.