Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 16 - Témoignages du 24 avril 2007
OTTAWA, le mardi 24 avril 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit ce jour à 17 h 37 pour étudier le projet de loi C-288, Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto.
Le sénateur Ethel Cochrane (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Bon après-midi à tous. J'ai le plaisir de vous accueillir devant le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C- 288, Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto.
Nous accueillons cet après-midi Matthew Bramley, du Pembina Institute, et Avrim Lazar, de l'Association des produits forestiers du Canada. Ai-je bien prononcé votre nom?
Avrim Lazar, président et chef de la direction, Association des produits forestiers du Canada : Parfaitement, madame la présidente.
La vice-présidente : Parfait.
Avant de commencer, je tiens à présenter brièvement les membres du comité. Nous avons le sénateur Robichaud du Nouveau-Brunswick, qui remplace le sénateur Sibbeston; le sénateur Dawson du Québec, le sénateur Mitchell de l'Alberta, et le sénateur Spivak du Manitoba. À ma droite, il y a le sénateur Angus du Québec, le sénateur Tkachuk de la Saskatchewan, et le sénateur Adams du Nunavut.
Le sénateur Spivak souhaite faire une brève intervention concernant notre dernière réunion.
Le sénateur Spivak : Je veux juste corriger une erreur. Jeudi dernier, j'ai demandé au ministre de l'Environnement John Baird si le Canada sera capable de respecter nos engagements de Kyoto, en partie au moyen de crédits de carbone et en particulier au moyen de l'échange de crédits d'émissions. À cette occasion, j'avais mentionné le Chicago Climate Exchange, CCX. Le ministre m'a répondu en substance : « Mon rôle, comme ministre de l'Environnement, est de travailler sur du concret. Ils n'ont pas de système. » J'ai dit alors qu'il existe un système de commerce de carbone et de NOx aux États-Unis, ce à quoi il a répondu : « De NOx et de SOx mais pas de carbone. » Immédiatement après la réunion, j'ai envoyé au ministre les informations suivantes tirées du site Web du Chicago Climate Exchange : le CCX est le premier système au monde et en Amérique du Nord de réduction et de vente d'émissions de gaz volontaire, juridiquement exécutoire et fondé sur des règles. En février, les cours de l'instrument financier de vente de carbone au CCX ont augmenté de 20 p. 100 environ. Il y a beaucoup de transactions mais les cours ont retrouvé aujourd'hui leur niveau moyen de 3 $US, ce qui est très loin des 195 $US la tonne pour la taxe sur le carbone mentionnée dans le dernier rapport du gouvernement.
Je tenais à rétablir la vérité pour l'information des sénateurs participant au débat sur le projet de loi C-288 et je souhaite ajouter l'information suivante : on trouve beaucoup de noms connus parmi la foule d'entreprises, d'États, d'universités et de sociétés financières ou autres qui sont membres du Chicago Climate Exchange. En voici quelques exemples : Rolls-Royce, Eastman Kodak, Cargill Incorporated, IBM, Safeway Incorporated, DuPont et — ce qui m'intéresse particulièrement en tant que Manitobaine — Hydro Manitoba.
La vice-présidente : Le sénateur Fraser du Québec vient juste de se joindre à nous.
Voulez-vous commencer, monsieur Lazar?
M. Lazar : Certainement. Je dois d'abord vous dire que c'est un plaisir de revenir devant le comité. Merci de m'avoir invité.
Je suis sûr que la plupart d'entre vous savez que l'Association des produits forestiers du Canada représente l'industrie d'un bout à l'autre du pays — les producteurs de pâtes et papiers, de bois d'œuvre et de contreplaqué. Je sais que vous accueillez souvent des témoins et que cette procédure d'audiences est assez routinière pour vous. Toutefois, pour nous, avoir l'occasion de vous parler et de vous communiquer notre message est très important.
J'aimerais commencer en mentionnant deux choses dont nous sommes très fiers et qui méritent d'être soulignées. La première est que, si le reste du monde gérait ses forêts comme le Canada, il y aurait 20 p. 100 de gaz à effet de serre en moins dans l'atmosphère. La déforestation représente 20 p. 100. Au Canada, selon l'ONU, le taux de déforestation est zéro. Si le reste du monde assurait la régénération de ses forêts comme nous le faisons, au lieu de les détruire pour consacrer les terres à l'agriculture, tout le monde se porterait mieux. J'y reviendrai quand nous parlerons de politiques.
La deuxième chose est que, si le reste du Canada avait réussi à faire ce qu'a fait l'industrie forestière depuis 1990, nous aurions dépassé l'objectif de Kyoto par un facteur de sept.
Cela dit, permettez-moi de dire ce que serait à notre avis une saine politique sur les changements climatiques. En m'inspirant d'Al Gore, j'aimerais vous parler de trois vérités qui dérangent. Nous croyons que les trois doivent fonder notre politique sur les changements climatiques.
Premièrement, comme nous l'a clairement montré M. Gore, nous avons chargé l'atmosphère de gaz à effet de serre provenant de l'activité humaine. Ces gaz transforment le climat et continueront de le faire tant que nous n'arrêterons pas d'en envoyer dans l'atmosphère — à moins de réduire la quantité envoyée ou de cesser complètement. Le premier impératif de notre politique doit donc être de réduire les émissions de gaz à effet de serre en prenant des mesures d'atténuation, comme on dit.
Depuis 1990, l'industrie forestière du Canada a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 44 p. 100, soit sept fois plus que l'objectif de Kyoto.
Le sénateur Angus : Combien, 44 p. 100?
M. Lazar : Oui, 44 p. 100. Et nous n'avons pas fermé d'usines pour ça. En fait, nous avons augmenté de 20 p. 100 notre production globale de pâtes, de papiers et de bois d'œuvre. Par contre, nous avons transformé nos processus industriels pour les rendre plus efficients. Nous vérifions la pression des pneus de nos camions. Nous avons rehaussé notre efficience énergétique et sommes passés à des carburants renouvelables.
Nous croyons qu'il y a là une leçon pour le reste du Canada. Si nous voulons nous attaquer aux changements climatiques, si nous voulons atténuer la quantité de gaz à effet de serre, nous devons nous rééquiper. Nous devons changer la manière dont nous agissons.
Nous tenons à dire au comité que tout régime de réglementation qui sera promulgué doit tenir compte de ce qui s'est fait depuis 1990. Si l'on ne tient pas compte de ce qu'ont fait les premiers acteurs, les secteurs de la société et de l'industrie qui agissent de manière responsable sur le plan environnemental depuis 1990, on donnera le signal clair que temporiser jusqu'à ce qu'un règlement soit adopté est la bonne stratégie. Nous ne pouvons nous payer ce luxe. Nous devons tenir compte, dans notre réglementation, de ce que font les premiers acteurs afin que toutes les branches d'industrie et tous les citoyens réalisent qu'il n'est pas nécessaire d'attendre de nouveaux règlements. Nous devrions tous faire ce qu'a fait l'industrie canadienne de la forêt et agir.
Voilà la première vérité qui dérange. Nous avons beaucoup de gaz à effet de serre qui transforment le climat d'une manière que nous n'aimerons pas.
La deuxième vérité qui dérange est que ce bassin de gaz à effet de serre ne se videra pas rapidement. Il se videra très lentement et personne ne pourra de toute façon fermer complètement le robinet car personne, sur notre planète, ne va cesser de conduire des automobiles. Tout le monde commencera à se rééquiper lentement et nous continuerons à produire des gaz à effet de serre. Même si nous devons atténuer cette production, nous allons devoir accepter de vivre sous un nouveau climat.
D'aucuns parlent de s'adapter à la vie sous un nouveau climat. Ce n'est pas inconcevable mais je crois que ça révèle trop de fatalisme. Je crois qu'il faudrait plutôt parler de se préparer. Il y a un écart énorme, dans tout le Canada, entre notre volonté de nous préparer à la réalité d'un climat qui a changé et continuera de changer et la volonté d'accepter comment notre vie en sera changée. Par conséquent, nous recommandons de ne pas oublier, dans nos politiques, la nécessité de nous préparer à un nouvel avenir, élément qui devrait occuper une place importante à côté de l'atténuation dans notre réaction aux changements climatiques.
Ce n'est peut-être pas aussi intéressant, politiquement, que débattre des mesures d'atténuation à mettre en œuvre, ou de qui est le plus ferme ou qui a le régime d'atténuation le plus brillant. Ce sont aujourd'hui les thèmes de tout notre théâtre politique mais nous devons absolument nous attaquer à l'atténuation et à la préparation parce que le Canada vit déjà et vivra de plus en plus avec un climat transformé. Nous le voyons déjà dans l'industrie forestière avec le fléau du dendroctone du pin qui a déjà dévasté des forêts équivalant à la superficie du Nouveau-Brunswick. Toutefois, nous ne sommes pas les seuls à être dans cette situation et nous devons faire de la préparation notre impératif absolu, avec l'atténuation.
La troisième vérité qui dérange est que le changement climatique est un phénomène planétaire. Si nous réduisons nos gaz à effet de serre mais que le reste du monde ne le fait pas, nous aurons quand même un changement climatique. Si nous agissons sérieusement, nous devons utiliser cela comme argument moral pour exiger que le reste du monde fasse de même. Être bon et vertueux au Canada fera sans doute beaucoup de bien à notre ego national mais ne servira à rien si nous n'arrivons pas à convaincre le reste du monde de faire la même chose.
Cela veut dire aussi que, si nous instaurons un régime de réglementation qui exporte notre production vers des pays qui ne contrôlent pas leurs gaz à effet de serre, nous n'aurons rien fait de bien pour l'environnement. Par exemple, si notre production de bois et de pâtes et papiers se transporte là où l'on pratique la déforestation et où on ne régénère pas les forêts, cela aura un effet négatif net sur l'environnement. Si nos usines se transportent dans des pays comme la Chine et le Brésil, où il n'y a aucune norme sur les émissions de gaz à effet de serre, cela aura un effet négatif net sur l'environnement.
Nous tenons à conserver notre production industrielle chez nous et nous tenons à réduire notre production de gaz à effet de serre pour préserver notre activité économique, agir de manière positive et ne pas transporter notre activité économique là où les normes sont moins rigoureuses. La seule solution est de transformer nos procédés industriels. Par conséquent, et c'est un troisième impératif pour nos politiques, nous devons appuyer cette transformation. Il nous faut un régime économique permettant à nos entreprises de se rééquiper très rapidement pour pouvoir continuer à produire avec moins de pollution, pour garder nos emplois chez nous et pour ne pas envoyer notre production dans des pays qui n'ont pas les mêmes normes que nous.
Sénateurs, encore une fois, merci. J'espère que vous pourrez tenir compte de ces trois vérités qui dérangent quand vous formulerez vos recommandations.
Matthew Bramley, directeur, Changements climatiques, Pembina Institute : Je dirige le Programme des changements climatiques du Pembina Institute, l'une des plus grandes organisations non gouvernementales du Canada dans le secteur de l'environnement. L'institut est un organisme apolitique et à but non lucratif axé sur la recherche de solutions d'énergie durable.
Pendant de nombreuses années, l'institut Pembina a été un centre de premier plan d'analyse et de promotion d'une action plus vigoureuse face aux changements climatiques. Depuis 1999, je travaille à temps plein sur la réaction du Canada au problème des changements climatiques.
Comme j'ai déjà témoigné en novembre dernier devant le Comité permanent de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-288, je n'ai pas l'intention de répéter tous les détails de mon témoignage. Je veux plutôt exposer brièvement les trois raisons pour lesquelles l'institut Pembina appuie vigoureusement le projet de loi C-288.
Premièrement, respecter le Protocole de Kyoto est une obligation légale au titre du droit international. Vu sous cet angle, le projet de loi C-288 ne devrait susciter aucune controverse. Il ne fait que réitérer en droit national ce qui est déjà une obligation du Canada en droit international.
Il s'ensuit que la seule raison pour laquelle on pourrait s'opposer au projet de loi serait que le Canada devrait enfreindre le droit international, raison qui est extrêmement troublante.
Mme Jutta Brunnée, professeur de droit à l'université de Toronto, a écrit ceci dans le Toronto Star du 4 février 2007 :
Respecter les traités n'a rien de trivial et ne doit pas se faire que quand ça convient [...] Quand un pays n'a pas tenté de bonne foi de respecter ses engagements, et encore plus quand il témoigne à leur sujet d'un mépris flagrant, nous devons nous inquiéter.
Se moquer de manière flagrante de l'engagement pris dans un traité n'est pas seulement une infraction ayant des conséquences juridiques, c'est aussi une action qui mine les fondements mêmes du droit international.
Deuxièmement, le Canada est parfaitement capable de respecter son objectif de Kyoto à un prix raisonnable si nous sommes prêts à adopter les options que nous donne Kyoto de financer des projets efficients de réduction des émissions dans les pays pauvres. Tout le monde convient que nous devons faire le maximum possible à l'intérieur de nos frontières, mais il faut aussi réaliser cinq choses : réduire les émissions à l'extérieur du Canada offre exactement les mêmes avantages de prévention des changements climatiques au Canada que les réduire à l'intérieur du pays — parce que les émissions se dispersent dans le monde entier; importer des bienfaits environnementaux n'est pas différent qu'importer n'importe quel autre bien ou service — c'est cohérent quand c'est efficient; les crédits de Kyoto des pays en développement proviennent de projets spécifiques de réduction des émissions devant franchir un processus rigoureux et transparent pour démontrer que les réductions sont réelles; financer de tels projets est une forme tout à fait ciblée et absolument nécessaire d'aide étrangère et doit être envisagé sous cet angle; et de tels projets offrent beaucoup de possibilités aux exportateurs canadiens de technologie.
Si mes deux premiers arguments ne vous ont pas convaincu, je vous en propose un troisième : respecter nos obligations légales au titre de Kyoto est tout simplement notre meilleur espoir pour entreprendre une action urgente. La science du climat montre clairement que nous devons réduire d'urgence les émissions de gaz à effet de serre si nous voulons éviter des conséquences planétaires catastrophiques. Pour ce faire, les gouvernements doivent mettre en œuvre sans retard les politiques réalistes les plus fermes de réduction des émissions. Le Protocole de Kyoto — instrument juridiquement exécutoire jouissant d'un large appui — est simplement le meilleur outil que nous ayons pour maximiser l'action indispensable du gouvernement du Canada.
Avant de conclure, permettez-moi de revenir sur la question des mécanismes internationaux de Kyoto afin de souligner ce que j'estime être une grave déficience du document déposé devant vous la semaine dernière par le ministre Baird, intitulé « Coût du projet de loi C-288 pour les familles et les entreprises canadiennes ». Cette déficience est la limite artificiellement serrée retenue pour l'utilisation par le Canada du mécanisme de développement propre (MDP). Cette limite est fondée sur le postulat, énoncé dans le rapport et dont la source n'est pas clairement citée, que 85 mégatonnes seulement de crédits seront disponibles annuellement entre 2008 et 2012. Or, le Secrétariat des Nations Unies sur les changements climatiques s'attend actuellement à ce que 2 000 mégatonnes environ de crédits MDP soient disponibles d'ici la fin de 2012, soit plus de 300 mégatonnes par an. Ce chiffre a d'ailleurs rapidement augmenté avec l'élaboration de nouveaux projets. En outre, si le Canada voulait vraiment tirer le meilleur parti possible du MDP, nous serions présents sur le terrain dans plusieurs pays en développement pour contribuer à l'élaboration de projets additionnels afin d'accroître le volume de crédits disponibles.
L'hypothèse d'une limite artificiellement serrée sur l'utilisation du MDP par le Canada, énoncée dans le document du ministre Baird, débouche naturellement sur des coûts très élevés pour l'action intérieure parce qu'il reste peu de temps avant 2012. En réalité, personne ne propose d'assumer de tels coûts. Dans son document, le ministre tente de présenter le débat sur le respect de Kyoto par le Canada comme un débat sur l'acceptabilité de coûts très élevés alors que le vrai débat, à mon sens, est de savoir dans quelle mesure nous sommes prêts à embrasser les mécanismes internationaux de Kyoto en plus d'agir à l'intérieur de nos frontières.
En conclusion, il était intéressant d'entendre le ministre promettre, lors de sa comparution de la semaine dernière, que le Canada ferait « les meilleurs efforts possibles » pour respecter Kyoto. Le problème est que nous n'avons aucun moyen de le tenir redevable de cet engagement. Nous n'avons aucun moyen de définir clairement ce que seraient ces « meilleurs efforts ». Par contre, le projet de loi C-288 impose la reddition de comptes nécessaire en exigeant que les plans et résultats du gouvernement soient jugés à l'aune de Kyoto.
La vice-présidente : Merci, monsieur Bramley. Avant de passer aux questions, je veux mentionner que le sénateur Lorna Milne de l'Ontario et le sénateur McCoy de l'Alberta viennent de se joindre à nous.
Le sénateur Angus : Monsieur Lazar, je crois que vous avez déjà comparu devant notre comité.
M. Lazar : Oui, sénateur. J'ai déjà comparu, avec beaucoup de plaisir.
Le sénateur Angus : Nous parlons aujourd'hui du projet de loi C-288. Vous avez mentionné trois vérités qui dérangent que j'ai trouvé très intéressantes. Avez-vous lu le projet de loi C-288?
M. Lazar : Pas en grand détail mais j'en connais assez bien la teneur.
Le sénateur Angus : D'après vous, quel est le but du projet de loi C-288? Vous avez dit espérer que nous présenterons un rapport.
M. Lazar : C'est exact. Le projet de loi, qui appelle à la mise en œuvre du Protocole de Kyoto tel qu'il est rédigé, est destiné à vivre avec Kyoto, littéralement.
Le sénateur Angus : Avez-vous fait une analyse économique quelconque des coûts de mise en œuvre du projet de loi C-288?
M. Lazar : Je ne peux parler que pour l'industrie que je représente. Pour nous, cette question n'est quasiment plus pertinente puisque nous avons dépassé les objectifs de Kyoto il y a déjà longtemps. Notre objectif est que cela doit se faire, que ce soit avec Kyoto ou autrement. Nous en avons par-dessus la tête des débats des gouvernements — et je souligne le pluriel — sur cette question. Quand les libéraux étaient au pouvoir, nous avons signé un protocole d'entente avec le premier ministre indiquant que nous étions prêts à des réductions, que nous n'attendrions pas la réglementation et que nous réduirions nos émissions de gaz à effet de serre. Je crois que le document que nous avons signé portait sur une réduction de 15 p. 100.
Aujourd'hui, les conservateurs sont au pouvoir. Je crois comprendre que nous saurons jeudi quel est leur programme. Pour notre industrie, la politique des accords internationaux est moins intéressante que l'action concrète pour réduire les gaz à effet de serre, c'est-à-dire savoir ce qu'on attend de nous et agir concrètement. Est-ce que—j'ai une opinion ferme pour ou contre les détails du projet de loi ou même d'un accord international? Non. Nous voulons que les gaz à effet de serre soient réduits; nous attendons des objectifs clairs à ce sujet de la part du gouvernement, quel qu'il soit, afin de passer à l'action.
Le sénateur Angus : Je suis d'accord avec vous et c'est certainement ce que je pense aussi. Vous avez exprimé des opinions très fortes au sujet de votre industrie, dont je suis l'évolution. Tout ce qui a été fait est très impressionnant. Je crois que vous avez parlé de 44 p. 100 de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans votre secteur, grâce à diverses mesures. C'est bien ça?
M. Lazar : Ce chiffre représente les réductions directes. Si on mesure les réductions en fonction de l'intensité, c'est 54 p. 100.
Le sénateur Angus : C'est encore mieux. Quand votre industrie a-t-elle commencé à apporter les ajustements nécessaires pour atteindre ce merveilleux résultat?
M. Lazar : Nous suivons ça depuis 1990 — l'année de base de Kyoto. Ça fait 17 ans. Nous n'avons aucunement l'intention, qu'il y ait une réglementation ou non, de réduire nos améliorations. C'est une initiative qui continuera.
Le sénateur Angus : Ces résultats ont été atteints pendant les 17 années dont vous venez de parler. Pour votre information — puisque vous dites ne pas avoir examiné en détail le projet de loi C-288 — le projet de loi obligerait l'industrie à atteindre les objectifs de Kyoto en huit mois, ce qui est bien différent de 17 ans. Rétrospectivement, votre industrie aurait-elle pu atteindre les objectifs de Kyoto en huit mois?
M. Lazar : Ça dépend de quelle période de huit mois. C'est une question très abstraite.
Le sénateur Angus : À partir d'aujourd'hui.
M. Lazar : La seule manière d'améliorer la situation est de le faire en continu, et l'année de base de Kyoto est 1990. Ce n'est pas seulement mon industrie mais aussi l'industrie chimique, l'industrie pétrolière et l'agriculture qui améliorent continuellement leur efficience énergétique.
Le sénateur Angus : Le sénateur Mitchell aura l'occasion un peu plus tard de prouver que j'ai tort, comme d'habitude, et je l'écouterai avec joie. Je ne suis qu'un pauvre petit gars du Québec élevé dans une ferme et je ne sais pas grand-chose.
M. Lazar : Je ne suis qu'un simple bûcheron de Montréal.
Le sénateur Angus : Je suis un sénateur enthousiaste pour l'environnement, absolument déterminé à ce que ces problèmes soient réglés.
On dit avec le projet de loi C-288 que le Canada aura enfreint la loi s'il n'atteint pas ces objectifs en huit mois. J'essaye de voir comment faire. Je ne suis pas particulièrement enthousiaste à l'idée d'imposer par la loi quelque chose qu'il sera impossible ou très difficile de faire.
Vous êtes une personne respectée et vous n'hésitez pas à vous exprimer sur cette question. Je m'intéresse non seulement à votre Association mais aussi à ce que vous dites car c'est très impressionnant, et j'espère que d'autres industries vous emboîteront le pas.
Donnez-moi honnêtement votre opinion sur ceci : pensez-vous qu'il est possible pour le Canada de se conformer aux dispositions du projet de loi C-288 dans les délais fixés, raisonnablement? Si oui, très bien — je vous demande simplement votre opinion. Il y va de votre crédibilité, monsieur.
M. Lazar : Dans ce cas, je me dois de vous dire la vérité. Tout régime exigeant des réductions obligera inévitablement à faire un choix entre obtenir des réductions en transformant les procédés et en réduisant les émissions ou payer des pénalités, que ce soit dans un fonds vert ou en achetant des crédits ailleurs. Je n'ai entendu personne proposer un régime ne comportant pas cette alternative.
Est-ce faisable? Tous les régimes de réglementation contiennent exactement les mêmes dispositions : réduire ou payer. Quelle est la meilleure solution? N'importe quelle solution sera acceptable si elle nous permet de réduire nos gaz à effet de serre suffisamment pour faire notre part et pour nous donner la crédibilité requise pour garder la tête haute dans les tribunes internationales.
Je ne saurais m'exprimer pour l'ensemble de l'économie canadienne. Les autres industries sont parfaitement capables de se défendre elles-mêmes. Je peux simplement vous dire ce qu'a fait notre Association et ce qu'elle continuera de faire. C'est la bonne chose à faire. Tout ce que nous réclamons, c'est une réglementation intelligente qui nous permettra de faire ce qu'il faut au moindre coût et ne débouchera pas sur l'exportation d'emplois et d'émissions dans d'autres pays.
Le sénateur Angus : Bien. Vous m'avez répondu honnêtement et je vous en remercie.
Les pâtes et papiers et la forêt constituent l'une des plus importantes industries primaires du Canada. C'est un gros secteur dans pratiquement chaque province. Les mesures qui ont été prises pour obtenir la réduction de 44 p. 100 — qui est même peut-être, comme vous dites, 54 p. 100 — en 17 ans ont à l'évidence inclus le rééquipement et la transformation des procédés en utilisant de nouvelles technologies.
Pouvez-vous nous donner une idée de ces technologies? Existaient-elles déjà ou a-t-il fallu les concevoir à cette fin?
M. Lazar : Certainement.
Le sénateur McCoy : Puis-je demander une précision? Si je comprends bien, monsieur Lazar, vous avez commencé à prendre des mesures après 1990 mais vous avez quantifié vos résultats à partir de cette année-là. La réduction de 44 p. 100 doit-elle donc être vue par rapport aux niveaux de 1990?
M. Lazar : C'est ça.
Le sénateur McCoy : Mais c'est plus tard que vous avez rééquipé les usines.
M. Lazar : Non. Permettez-moi de décrire comment ça s'est fait.
Le sénateur Angus : J'aimerais comprendre ce qui se passe. Était-ce un rappel au Règlement? Je l'ai déjà dit, je ne suis qu'un pauvre petit gars et je ne comprends pas ce qui se passe.
Le sénateur McCoy : Je demandais un éclaircissement.
M. Lazar : C'est une question légitime et je peux vous répondre, si ça vous intéresse.
Le sénateur Angus : Certes, c'était une bonne question mais je croyais que c'était moi qui posais des questions.
Le sénateur McCoy : C'était un éclaircissement sur le même sujet.
M. Lazar : Je vais vous dire ce qu'il en est et vous pourrez faire le point plus tard sur votre procédure.
Cela s'est fait en plusieurs étapes. Il y a des choses que nous faisons depuis toujours mais nous calculons les réductions à partir de 1990 parce que c'est l'année de référence de Kyoto et c'est évidemment l'année de référence que tout le monde utilise.
La première mesure est la maximisation des processus. Nous analysons le processus du début jusqu'à la fin : coupe des arbres, rassemblement du bois, transport jusqu'à l'usine, processus dans l'usine — incluant la manière dont les déchiqueteurs et les scies sont utilisés — et, finalement, expédition au client. À chaque étape, nous nous demandons comment réduire notre consommation de carburant.
Par exemple, nous avons fait rouler les camions de transport du bois en forêt avec des pressions de pneus différentes pour trouver la meilleure pression permettant de réduire la consommation de carburant.
Le sénateur Mitchell : Ça n'a pas pris 17 ans.
M. Lazar : Non, cette étape-là n'a pas pris 17 ans. En moyenne, nous avons rehaussé notre efficience énergétique de 1 p. 100 par an au cours des 17 dernières années — ce qui fait près de 22 p. 100 — dans le cadre d'un processus d'amélioration continue. Il n'y a pas de formule magique. Il faut constamment revoir chaque étape du processus.
Nous avons également changé de paradigmes. Nous avons changé de cadre conceptuel global pour l'utilisation de l'énergie en remplaçant les combustibles fossiles par la biomasse renouvelable, ce qui n'était pas très difficile pour nous puisque nous vivons dans le cycle du carbone. L'essence de notre industrie consiste à couper des arbres et à en replanter. C'est le cycle naturel du carbone : extraire du dioxyde de carbone de l'atmosphère pour le séquestrer dans un arbre. À mesure que les arbres grandissent, le cycle se reproduit continuellement.
Nous avons commencé à utiliser la biomasse, qui est considérée neutre sur le plan du carbone dans Kyoto, ce qui nous a permis de réduire de moitié notre consommation de combustibles fossiles. Nous en sommes maintenant à 60 p. 100 d'énergie renouvelable. En même temps, grâce à ces améliorations environnementales, nous avons réduit de 40 p. 100 ce qui était jeté dans les décharges et de 70 p. 100 notre pollution atmosphérique.
Une fois qu'on commence à améliorer les méthodes, pas à pas, année après année, on ne réduit pas seulement les gaz à effet de serre, on obtient aussi des avantages concomitants qui sont des améliorations pour tout l'environnement. Il ne faut pas être grand clerc pour le comprendre, il suffit d'avoir de la détermination.
Le sénateur Angus : Merci beaucoup de cette réponse.
Le sénateur Tkachuk : Je veux d'abord vous remercier tous les deux d'être venus témoigner aujourd'hui. Le projet de loi C-288 est un projet de loi d'initiative privée extrêmement important. C'est un texte qui, en principe, de par son concept de responsabilité et d'atteinte d'objectifs, recueille probablement l'appui de nombreuses personnes, de tous les partis politiques. Toutefois, c'est aussi un texte par lequel on tente de faire en quatre ans — atteindre les objectifs de 2012 — ce qui aurait dû en prendre 10. Voilà ce qui nous inquiète.
J'ai acheté une nouvelle fournaise, à cause des prix élevés de l'énergie qui ont explosé au cours des dernières années. Avec une nouvelle fournaise, on peut économiser près de 40 p. 100 sur sa facture d'énergie par rapport à une fournaise d'avant 1993. Je ne fais donc pas seulement des économies, je suis devenu du jour au lendemain un écologiste. Ce n'est pas facile d'être écolo mais je l'ai fait. J'ai acheté une automobile à quatre cylindres, ce qui réduit les émissions de gaz à effet de serre. C'est ce que dit continuellement l'industrie, Wal-Mart et tous les autres.
Soyons francs. Si les prix de l'énergie étaient les mêmes qu'en 1990, ferait-on la même chose?
Monsieur Lazar, quand vous avez dit que l'industrie forestière a fait d'énormes progrès pour réduire ses émissions de CO2 en réduisant sa facture énergétique, quelqu'un a demandé quand vous avez commencé, exactement. En 1990, personne ne parlait de ça et on doit donc féliciter l'industrie forestière d'avoir fait ce merveilleux travail. Avez-vous le plan de l'industrie pour réduire ses émissions de CO2 conformément aux objectifs de l'accord de Kyoto? Avez-vous le plan que vous avez dressé en 1996 ou en 1995 et que vous pourriez nous remettre? Comment avez-vous fait pour ne pas trop perturber l'économie de votre industrie? Ce serait un exemple important pour d'autres secteurs, comme la chimie ou la vente au détail.
M. Lazar : Je vais vous répondre en deux volets. Premièrement, votre préambule laisse entendre qu'il y a contradiction entre la vertu environnementale et la vertu économique. Or, tous les écologistes que je connais disent que la meilleure chose à faire est d'attribuer une valeur économique à la pollution, ce qui amènera le marché à expulser les industries qui ne sont pas conformes, et c'est exactement ce qui nous est arrivé comme ça arrive dans tous les secteurs industriels. Évidemment, au début, nos changements procédaient du souci d'être plus compétitifs, et c'est encore un facteur important. Nous n'avons pas à nous en excuser. Nous sommes ravis de cette convergence entre l'efficience économique et l'efficience environnementale.
Cela dit, notre industrie souffre peut-être plus que n'importe quelle autre de l'incidence des changements climatiques. La survie de 300 collectivités canadiennes qui dépendent de notre industrie est menacée à cause des incendies de forêt et du dendroctone du pin. Nous n'avons donc aucune hésitation à réclamer une action rapide et vigoureuse contre les changements climatiques, parce que nous savons quelles peuvent en être les conséquences pour nous. Quand vous parlez de difficultés économiques, de collectivités qui disparaissent, d'emplois perdus, de dislocation sociale ou de forêts qui disparaissent, c'est notre lot quotidien. Pour nous, ça n'a rien de théorique, c'est la réalité quotidienne. Voilà pourquoi nous ne cessons de dire : « Faisons quelque chose. Voyons quel est le plan du gouvernement. » C'est ce que nous disons aux autres secteurs industriels et, soyons justes, nous ne sommes pas les seuls à le faire. Nous ne sommes pas les seuls à améliorer notre efficience énergétique.
Avions-nous en 1990 un plan de « Kyoto »? Bien sûr que non mais, dès que le Canada a signé et ratifié le protocole, nous sommes allés voir le gouvernement pour lui dire : « Nous sommes de votre côté. Voici l'engagement que nous sommes prêts à prendre. Nous n'allons pas attendre de réglementation, nous allons agir tout de suite parce que nous savons de quoi il s'agit. » Ce n'est pas parce que nous sommes plus brillants ou plus intelligents que les autres, c'est parce que c'est notre lot quotidien. Notre industrie est totalement tributaire d'écosystèmes sains. C'est notre réalité quotidienne. Les écosystèmes sont menacés, notre vie est menacée et, à cause de ça, nous sommes résolument en faveur d'une action concrète.
Le sénateur Tkachuk : En Alberta et en Saskatchewan, nous sommes préoccupés par le dendroctone du pin dont vous avez parlé. Comment les États-Unis font-ils face au problème?
M. Lazar : À ma connaissance, ils n'ont pas subi la même infestation parce que le dendroctone du pin au Canada a toujours été contrôlé par le froid.
Le sénateur Tkachuk : Pas de feux de forêt?
M. Lazar : Non, pas de feux de forêt. Le principal mécanisme de contrôle du dendroctone du pin est l'hiver, quand la température atteint moins 40. Nous avons toujours eu des dendroctones du pin, en quantité variable. Quand ils commencent à se multiplier, il suffit d'un hiver très froid pour revenir à des quantités moins élevées. Nous ne sommes pas les seuls à être affectés par les changements climatiques. On pense généralement que ces changements auront un effet sur la géographie et c'est alors qu'on parle de relèvement du niveau des mers — ce qui arrivera —, de tempêtes de grêle, de tempêtes de glace, de débordement des rivières, de fonte des icebergs, et cetera. Ces choses-là sont les plus faciles. Ce qui posera plus de problèmes, ce sont les changements biologiques car la biosphère est complètement reliée à la géographie et l'ensemble du Canada sera confronté aux phénomènes que nous connaissons dans notre secteur.
Le sénateur Tkachuk : Pour que tout soit bien clair, l'industrie forestière approuve le projet de loi C-288?
M. Lazar : L'industrie forestière n'a pas d'opinion sur le projet de loi C-288. Elle a une opinion sur l'orientation générale des politiques. Nous ne sommes pas ici pour vous dire quoi faire. Nous sommes ici pour vous dire de bien faire, c'est-à-dire de réduire les gaz à effet de serre.
Le sénateur Tkachuk : Donc, nous pensons la même chose et nous appuyons la même politique.
M. Lazar : Veuillez m'excuser, sénateur, nous n'avons pas d'opinion ferme sur le projet de loi. Je me trompe peut- être.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une opinion ferme sur le projet de loi mais c'est ce que vous dites qui m'intéresse, monsieur Lazar. Je n'essaye pas de finasser. Nous avons le projet de loi C-288. Vous êtes venu ici pour témoigner. Je vous ai posé une question; vous avez dit que vous n'avez pas d'opinion sur le projet de loi mais que vous en avez une sur la politique environnementale. J'ai dit que je suis d'accord avec vous — ça n'a rien à voir avec le projet de loi.
M. Lazar : Le projet de loi ne nous dérange pas car nous sommes déjà conformes. Nous pourrons vivre avec le régime de réglementation conservateur s'il est raisonnable et s'il tient compte de ce qui a déjà été fait. C'est implicite dans le projet de loi.
Notre position ultime est que la réglementation, quelle qu'elle soit, doit être empreinte d'intégrité, et l'essence même de l'intégrité, c'est reconnaître ceux qui ont déjà agi correctement.
Le sénateur Tkachuk : Soyons clairs : l'industrie forestière approuve-t-elle le projet de loi C-288?
M. Lazar : J'ai dit très clairement que l'industrie forestière peut vivre avec le projet de loi et qu'elle espère pouvoir vivre avec tout ce que produira le gouvernement, mais nous ne sommes pas ici pour vous dire d'adopter ou de ne pas adopter le projet de loi. Notre position est que, s'il est adopté, nous serons déjà conformes. Si quelque chose de fort vient de l'autre côté, nous applaudirons l'autre côté. Nous voulons que les gaz à effet de serre soient réduits d'une manière suffisante pour faire ce qu'il faut.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur Bramley, je crois comprendre que vous approuvez le projet de loi C-288 et l'idée de respecter les obligations de l'accord de Kyoto. Quand il a été signé, avez-vous participé avec le gouvernement du Canada à un processus pour en atteindre les objectifs?
M. Bramley : Il y a eu un processus appelé le Processus national sur le changement climatique, qui était un processus fédéral-provincial-territorial avec 16 tables thématiques portant sur les différents secteurs et sur les mesures pouvant être prises par chaque secteur. J'ai fait partie d'un comité consultatif d'experts du Groupe d'analyse et de modélisation qui était chargé d'un exercice de modélisation économique fondé sur les conclusions des 16 tables thématiques. Au milieu de l'an 2000, le groupe a effectué une modélisation économique pour mesurer les conséquences pour le Canada de se conformer au Protocole de Kyoto.
Le sénateur Tkachuk : Avez-vous recommandé au gouvernement de l'époque d'aller plus vite pour respecter ses obligations de Kyoto? Y a-t-il des lettres, des exposés, et cetera?
M. Bramley : Oui. Comme beaucoup d'autres organisations partageant nos vues, nous avons souvent invité publiquement le gouvernement à agir plus fermement et plus rapidement. Vous pouvez par exemple consulter notre réponse au plan de Kyoto d'avril 2005 de Stéphane Dion. Nous avons clairement dit alors que nous aurions souhaité que le plan soit renforcé dans plusieurs domaines. Nous avons toujours demandé au gouvernement d'agir plus vite et plus fermement parce que le changement climatique est une menace énorme, pas seulement pour l'environnement mais aussi pour les populations et les économies de la planète. Considérant les données scientifiques, nous savons que les pays industrialisés devront d'ici à 2050 réduire leurs émissions de 80 p. 100 ou plus par rapport à 1990.
Nous n'y arriverons pas si nous ne commençons pas tout de suite et c'est pourquoi nous réclamons des mesures plus rapides et plus vigoureuses.
Le sénateur Tkachuk : Qu'est-ce qui a dérapé, à votre avis? Pourquoi n'y a-t-il pas encore de réglementation?
M. Bramley : Soyons justes et reconnaissons que le gouvernement précédent avait inclus à l'automne 2005 les gaz à effet de serre dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, loi de 1999, et qu'un règlement sur les gaz à effet de serre devait sortir à l'intention des divers secteurs industriels pendant le premier semestre de 2006. Nous aurions souhaité que cela arrive plus tôt mais c'était le plan du gouvernement précédent.
Le sénateur Tkachuk : Examinons donc ça. Avant 2006, il n'y avait évidemment aucune réglementation. Qu'a-t-on fait entre 1996 et 2005?
M. Bramley : Tout d'abord, les premières négociations de Kyoto se sont tenues en décembre 1997. Le Canada a sérieusement commencé à réfléchir à ce qu'il devrait faire pour respecter Kyoto au début de 1998. Pendant deux ans, il y a eu le processus de consultation que j'ai mentionné, le Processus national sur le changement climatique, puis, à l'automne 2000, le Plan d'action de 2000 sur le changement climatique.
Le sénateur Tkachuk : Entre 1998 et 2000, il y a eu absence d'action, le processus ayant redémarré en 2000.
M. Bramley : Il y a eu un très long processus de consultation. En 2000, il y a eu un document appelé Plan d'action de 2000 sur le changement climatique, publié par le gouvernement. Des fonds importants, si je me souviens bien, figuraient dans le budget fédéral de 2000 pour les programmes relatifs aux changements climatiques. En 2001, il y a eu le Programme d'encouragement à la production d'énergie éolienne. Le Plan d'action de 2000 était présenté comme un plan permettant d'atteindre le tiers de l'objectif de Kyoto, parce que le Canada n'avait pas encore décidé s'il allait ratifier le protocole ou non. Quand il l'a ratifié, fin 2002, la décision était accompagnée d'un Plan du Canada sur les changements climatiques qui devait nous amener à atteindre les objectifs de Kyoto. Il a été publié en novembre 2002.
Ce plan a été mis en œuvre et, dans le budget fédéral de 2003 — si je me souviens bien —, d'autres crédits substantiels ont été prévus pour financer des programmes sur les changements climatiques. Par exemple, le programme EnerGuide a été annoncé en 2003. Des programmes ont été mis en œuvre mais peut-être pas aussi rapidement que nous l'aurions souhaité. Quand notre premier ministre a changé, la question a suscité un regain d'intérêt, surtout après la ratification du protocole par la Russie, ce qui lui donnait force de loi.
Ensuite, en 2005, il y a eu le plan vert de Stéphane Dion, qui était une nouvelle mouture du Plan de Kyoto. Le gouvernement commençait à le mettre en œuvre, comme j'ai dit, en adoptant des règlements, par exemple, mais le processus n'était pas achevé lorsque les dernières élections ont été déclenchées.
Le sénateur Tkachuk : Votre institut a-t-il reçu de l'argent du gouvernement précédent?
M. Bramley : Nous avons reçu de l'argent pour réaliser des projets particuliers sous le gouvernement précédent et continuerons de le faire sous le gouvernement actuel.
Je peux vous donner un exemple. Au titre du programme du Défi d'une tonne, nous avons été financés pour bâtir et entretenir une base de données sur les incitatifs financiers offerts aux particuliers et aux familles pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous entretenons toujours la base de données qui est accessible sur le site Web d'Environnement Canada. Nous recevons de l'argent fédéral pour des projets précis. Nous ne recevons aucune sorte de financement général.
Le sénateur Spivak : Monsieur Lazar, quand le ministre est venu témoigner, il a posé une question. Je lui avais dit que certaines industries avaient reçu des sommes considérables et il a dit : « Est-ce parce que tant d'usines de pâtes et papiers ont dû fermer leurs portes au Canada? »
Est-ce que ce que vous faites a réduit vos coûts?
M. Lazar : Vous avez posé deux questions et je peux répondre aux deux. Premièrement, était-ce à cause des fermetures d'usines? Absolument pas. Rien ne saurait être plus faux. En fait, nous produisons 20 p. 100 de plus. Est-ce que cela a réduit nos coûts? Bien sûr. Quand on est plus efficient dans l'utilisation de l'énergie, les coûts baissent. Nous souhaitons que les coûts environnementaux soient intégrés aux coûts généraux des entreprises afin que les choses que nous faisons soient impulsées par le marché.
Le sénateur Spivak : Avez-vous écrit au ministre pour le dire?
M. Lazar : Non.
Le sénateur Spivak : Michael Porter, de l'université Harvard, avait réalisé une étude pour le Canada sous le gouvernement Mulroney. Il avait parlé de l'avantage vert. Il avait dit que les entreprises qui ne seraient pas vertes ne seraient pas capables de résister à la concurrence. C'était à l'époque de Mulroney.
M. Lazar : Il est vrai qu'il y a des avantages économiques à être écologique, mais il ne faut pas simplifier à l'excès car, si nos concurrents ne sont pas verts, nous aurons peut-être un avantage pendant un certain temps mais, à longue échéance, nous ferons faillite. Il faut que tout le monde soit sur un pied d'égalité. Nous pouvons être plus verts que nos concurrents mais il y a une limite à ne pas dépasser. Nous pouvons être en avance sur eux mais, si nous sommes trop en avance, cela va nous nuire parce que la production sera confiée à des gens qui ne respectent pas l'environnement. C'est merveilleux d'être écologique, mais c'est aussi merveilleux de ne pas faire faillite. On peut donc dépasser les normes mondiales mais pas trop.
Le sénateur Spivak : Je suis sûre que vous avez raison. La bonne nouvelle est que beaucoup d'autres pays vont dans le même sens en faisant concurrence par la technologie.
M. Lazar : Pour terminer sur ce sujet, c'est un élément essentiel de la politique. Le taux de déforestation au niveau mondial est de 2 p. 100 par an. Ça ne paraît pas beaucoup mais ça veut dire que nous perdons 20 p. 100 des forêts mondiales en 10 ans. Il y a une exploitation forestière illégale incroyable au Brésil, en Indonésie et en Russie. À moins de réduire la consommation mondiale, nous voudrons conserver la production mondiale là où existe un régime de réglementation efficace. Si la production se transporte dans des pays où il n'y a pas de réglementation efficace, ça ne sera pas un cadeau pour l'environnement.
Le sénateur Spivak : Certes, mais ils en souffriront, et ils en souffrent déjà.
Monsieur Bramley, j'ai plusieurs questions pour vous. Quand j'ai demandé au ministre s'il était intéressé par les crédits internationaux de carbone ou par le plafonnement et l'échange de crédits, il a répondu qu'il ne voulait pas importer l'air chaud de la Russie, mais vous avez présenté un très bon argument en disant que les changements climatiques sont un phénomène planétaire et ne se limitent pas à notre coin de ciel. La revue Corporate Knights a publié un article plein de bon sens, à mon avis, en disant que deux milliards de personnes font leur cuisine au charbon dans les pays en développement alors que 40 millions seulement utilisent des fourneaux solaires. Il se trouve qu'Alcan fabrique des fourneaux solaires à 100 $ pièce. Devrions-nous subventionner Alcan? À mon avis, c'est là une méthode pratique pour éviter une quantité énorme d'émissions de gaz à effet de serre. Que devrions-nous faire à ce sujet?
M. Bramley : Dans le cadre du Mécanisme de développement propre, les promoteurs de projets, comme on les appelle, proposent des projets particuliers. Un fourneau solaire pourrait être un exemple. Le projet devrait faire l'objet d'un examen par le conseil de direction du MDP, qui est un organisme des Nations Unies avec des représentants de différents gouvernements et de nombreux experts techniques. Ce projet, s'il répondait aux critères, serait enregistré et pourrait commencer à fournir des crédits dès qu'il commencerait à produire des réductions d'émissions vérifiées.
Le sénateur Spivak : Une société rejetant du dioxyde de carbone dans l'atmosphère pourrait alors acheter ces crédits?
M. Bramley : Exactement.
Le sénateur Spivak : C'est ça qui paierait les fourneaux solaires. Je voudrais maintenant parler des échéanciers. Il semble que les gens n'aient pas intériorisé le fait que nous sommes tenus de nous conformer au Protocole de Kyoto, que nous adoptions ou non ce projet de loi, et que nous devrons payer d'énormes pénalités plus tard si nous ne le faisons pas. Nous sommes coincés.
Je sais qu'on traite dans le projet de loi C-30, que je n'ai pas vraiment lu, de la manière d'arriver là à partir d'ici, mais on ne s'attend certainement pas à ce que nous réduisions immédiatement de 30 p. 100 dès 2008. D'après vous, comment ça doit marcher? Est-ce une moyenne sur quatre ans?
M. Bramley : C'est une moyenne ou un total sur cinq ans, de 2008 à 2012. On fera le total des émissions du Canada pendant cette période de cinq ans et ce total sera ensuite conjugué au total des crédits internationaux que nous avons acquis. C'est ainsi qu'on déterminera si nous avons respecté notre obligation.
Le sénateur Spivak : C'est donc un échéancier de cinq ans et non pas de huit mois.
Le coût est l'aspect le plus important. Que pensez-vous du chiffre de 195 $ la tonne que nous a présenté le gouvernement comme coût du projet de loi C-288?
M. Bramley : Je crois comprendre que ce chiffre trouve son origine dans la décision qui a été prise, dans l'exercice de modélisation, de limiter l'accès du Canada aux crédits internationaux de Kyoto à 65 mégatonnes par an. On a alors utilisé le modèle pour savoir quel serait le niveau de la taxe sur le carbone nécessaire pour atteindre le reste des réductions uniquement au Canada. La réponse du modèle a été 195 $ la tonne.
Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, c'est relativement détaché de la réalité car je n'accepte pas la limite qui a été placée sur les mécanismes internationaux. En outre, la politique nécessaire pour atteindre les réductions d'émissions requises dans toute l'économie ne sera pas fondée uniquement sur un mécanisme de prix. Dans l'étude qu'il a déposée, le ministre a admis que le gouvernement a d'autres instruments à sa disposition pour atténuer l'impact. Il a par exemple évoqué la politique monétaire ou la politique de taux de change.
Le sénateur Spivak : Je vois. La réponse du modèle résulte des hypothèses formulées. Sans ces hypothèses, nous n'aurions pas nécessairement ces coûts.
Ma dernière question porte sur les objectifs d'intensité. Un expert économique — et pas le moindre puisque c'est Jeffrey Rubin, l'économiste en chef de la Banque royale du Canada — a dit que les objectifs d'intensité ne réduiront pas les émissions. Je peux vous remettre sa déclaration. C'est une opinion très convaincante.
Que pensez-vous des objectifs d'intensité par unité pour les émissions?
M. Bramley : Nous pensons que les objectifs d'intensité posent un certain nombre de problèmes, le plus grave étant l'honnêteté car l'expérience a montré que les gouvernements ont tendance à utiliser les objectifs d'intensité pour faire croire qu'ils font quelque chose d'impressionnant alors qu'ils font en réalité fort peu, si ce n'est rien du tout. Je vais vous donner un exemple.
En 2002, George W. Bush a annoncé une politique sur les changements climatiques pour les États-Unis dans le cadre de laquelle l'intensité des émissions de gaz à effet de serre de l'économie américaine serait réduite de 18 p. 100 pendant les 10 années suivantes, soit entre 2002 et 2010. Bien des gens ont pensé que c'était très bien de réduire l'intensité de 18 p. 100. Le problème est que, si vous analysez les 10 années précédentes, vous constatez que l'intensité avait chuté de 18 p. 100 précisément, sans aucune politique gouvernementale. Autrement dit, l'intensité baisse naturellement avec le temps grâce à une sorte de processus naturel d'amélioration de la technologie et de remplacement des équipements.
Je pourrais vous donner un exemple similaire en Alberta où le gouvernement a publié en 2002 un plan sur les changements climatiques en vertu duquel l'intensité de gaz à effet de serre de la province serait réduite de 50 p. 100 entre 1990 et 2020. Encore une fois, ça paraît très impressionnant. Le problème est que, comme l'économie connaît une croissance rapide, surtout en Alberta, l'objectif de réduction de 50 p. 100 de l'intensité peut être atteint en 2020 même si les émissions réelles de l'Alberta augmentent de 30 p. 100 par rapport à 1990. À l'époque, on avait donné aux journalistes l'impression que c'était très proche de Kyoto, même s'il y avait un petit décalage dans le temps.
Un autre problème grave que posent les objectifs d'intensité quand ils sont appliqués à l'industrie est qu'ils causeront probablement des problèmes du point de vue de la transparence et de la responsabilité car beaucoup de secteurs industriels ne tiennent pas à ce que les données de production des entreprises soient divulguées. Si celles-ci ont des objectifs d'intensité, on connaîtra leurs émissions car elles seront divulguées. Si on divulgue aussi leur performance du point de vue de l'intensité, on pourra déduire leur niveau de production car l'intensité représente les émissions divisées par la production. Par conséquent, ce qui se produira probablement, c'est qu'il sera impossible au public de savoir quelle est la performance réelle sur le plan de l'intensité car on peut s'attendre à ce que les industries fassent des pressions auprès du gouvernement pour ne pas divulguer directement leurs données de production. C'est troublant parce que nous pensons que toutes ces données devraient tomber dans le domaine public pour permettre à la population de savoir exactement ce que font les entreprises et le pays au sujet de Kyoto.
Le sénateur Milne : Monsieur Bramley, êtes-vous en train de me dire que vous voudriez que toutes les données soient publiées afin que le public puisse juger si les émissions n'ont pas augmenté au moment même où l'intensité baissait? N'y a-t-il pas un régime quelconque qui permettrait d'obtenir ces informations?
M. Bramley : En théorie, nous pourrions divulguer les objectifs d'intensité et les résultats mais j'ai déjà constaté, lors de consultations, que beaucoup de représentants des industries ne veulent pas que les données sur l'intensité soient rendues publiques car cela reviendrait à divulguer leurs données de production.
L'autre chose est qu'il faut faire un calcul pour comprendre ce que signifient vraiment les objectifs d'intensité du point de vue des émissions réelles. Ce n'est pas un calcul que tout le monde est capable de faire. Donc, cette méthode tend à souffrir d'un manque de transparence.
Un autre problème des objectifs d'intensité est que, si la production d'une entreprise ou d'un secteur est plus élevée que prévu, elle atteindra son objectif d'intensité mais ses émissions seront supérieures à ce qui était prévu. Cela créera un passif car quelqu'un devra alors compenser ces émissions supplémentaires ailleurs.
Autre problème, le fonctionnement des marchés d'émissions. En règle générale, on considère que la liquidité des marchés d'émissions est entravée par les objectifs d'intensité. Bon nombre de données montrent que les marchés d'émissions seront une bonne méthode, conviviale pour les entreprises, pour s'attaquer à ce problème. Toutefois, les commentaires des représentants de certaines entreprises souhaitant créer des bourses d'échange d'émissions ont jeté un doute sur la question de savoir si l'on devrait utiliser des objectifs d'intensité pour cette raison.
Le sénateur Milne : Les objectifs d'intensité ne sont pas une sorte de poudre aux yeux gouvernementale; c'est quelque chose qui entraverait en réalité les marchés de carbone qui réduiraient les émissions de carbone dans le monde.
M. Bramley : Oui, on estime généralement que les objectifs d'intensité entraveraient le commerce des crédits d'émissions.
Le sénateur Milne : Monsieur Lazar, vous avez dit que les gaz à effet de serre ont été réduits de 40 p. 100 dans votre industrie depuis 1990. Par conséquent, vous êtes très heureux de ce projet de loi qui permettrait de tenir compte de cette réduction. Que se passerait-il si, jeudi, le ministre disait que l'année de référence sera 2000? Quelle serait la conséquence pour votre industrie?
M. Lazar : Tout d'abord, il y a trois chiffres à prendre en considération : l'année de référence, le montant de réduction et l'échéancier. Pour nous, le plus simple est que ce soit 1990 parce que c'est l'année de référence de Kyoto mais je sais que c'est plus compliqué pour d'autres industries. Nous ne sommes pas inflexibles à cet égard mais c'était notre année de référence jusqu'à maintenant. Il y a l'année de référence, il y a le volume de réduction et il y a la date à laquelle on doit avoir réduit. Ces trois facteurs doivent être pris en considération.
Votre question est de savoir ce qui se passerait si le ministre décidait de ne pas tenir compte des réductions antérieures?
Le sénateur Milne : Non; s'il coupait vos réductions antérieures.
M. Lazar : Ce serait probablement une erreur pour la simple raison que le progrès environnemental exige de donner aux industries le signal qu'elles ne doivent pas attendre la réglementation. Par exemple, si tout le monde attendait les règlements, nous ferions encore du surplace pendant de nombreuses années. Nous voulons que le régime de réglementation tienne compte de ceux qui ont agi plus tôt afin que, lorsque le prochain problème environnemental se posera, personne n'attende de voir quelles sont les règles.
Il y aura aussi une pénalisation, ce que la plupart des gens ne comprennent pas. Revenons à la maison du sénateur. S'il voulait réduire ses émissions de gaz à effet de serre, la première chose à faire serait de calfeutrer ses fenêtres et ses portes. Il pourrait ensuite baisser son thermostat. Ce seraient les premières choses qu'il ferait. S'il y avait ensuite un règlement sur le chauffage domestique, la seule amélioration qu'il pourrait apporter consisterait à acheter une nouvelle fournaise alors que, s'il attendait la publication d'un règlement et ne faisait rien entre-temps, il pourrait simplement s'occuper des fenêtres et des portes et dire qu'il a respecté le règlement.
Quel que soit le régime adopté, en choisissant 1990 comme année de référence ou en tenant compte d'une autre manière des mesures déjà prises, il sera nécessaire, pour assurer l'intégrité de la politique, de ne pas pénaliser les industries agissant déjà de manière responsable sur le plan environnemental. Sinon, on enverra pour toute autre mesure environnementale le signal qu'il ne faut rien faire tant que le règlement n'a pas été publié. Franchement, ce serait idiot.
Le sénateur Milne : Si l'on avait envoyé ce genre de signal, personne n'aurait rien fait. On en serait encore exactement à la situation de 1990.
M. Lazar : Je précise que je ne parle pas seulement de ce projet de loi, ça peut se faire de nombreuses manières.
Le sénateur Milne : Quand votre industrie s'est-elle sérieusement attaquée à ces questions? Vous utilisez 1990 comme année de référence mais quand ces mesures ont-elles réellement commencé?
M. Lazar : Nous apportons continuellement des améliorations, comme toutes les autres industries et le reste de la société. Nous améliorons notre efficience énergétique depuis le tout début. Le passage aux carburants renouvelables s'est accéléré au cours des 10 à 15 dernières années. Au moment où le gouvernement a décidé de ratifier Kyoto, le conseil d'administration de l'Association des produits forestiers s'est réuni pour poser la question suivante : « Qu'allez vous faire? » La réponse a été : « Nous allons agir de manière proactive au sujet des changements climatiques ». À l'époque, nous avons pris contact avec M. Chrétien en lui disant : « Nous sommes prêts à signer. Que pensez-vous de 15 p. 100? » Il a accepté et c'est ce que nous avons fait.
Ce n'est pas comme si nous nous étions attendus dans les années 20 à devoir respecter le Protocole de Kyoto. Comme le reste de la société, ces questions ne nous préoccupaient pas particulièrement et, quand les changements climatiques sont devenus une menace plus évidente et que nous avons réalisé qu'il y aurait une réglementation gouvernementale, nous avons décidé de prendre les devants et de faire ce qu'il fallait.
Le sénateur Milne : À titre d'information, vous dites que votre industrie utilise actuellement la biomasse pour produire de l'énergie en forêt. Quel pourcentage de l'industrie utilise la biomasse? Combien de vos usines?
M. Lazar : À l'heure actuelle, 60 p. 100 de notre énergie vient de la biomasse, ce qui est beaucoup. C'est assez pour remplacer trois réacteurs nucléaires. Nous produisons assez d'électricité, rien que dans nos usines, pour approvisionner en permanence tout Vancouver ou toute la région d'Ottawa-Gatineau. S'il y avait un régime de politique favorable, nous aimerions devenir des exportateurs nets.
Le sénateur Milne : Vous aimeriez vous brancher au réseau?
M. Lazar : Les collectivités éloignées où nous travaillons ne devraient pas importer d'électricité sur de longues distances, provenant de centrales au charbon très éloignées. Nous devrions utiliser la biomasse locale pour leur fournir de l'électricité. Voilà ce que nous voudrions faire. Nous espérons être capables de trouver une solution assez rapide pour arriver à la neutralité en carbone — pas en achetant des crédits mais en agissant au sein même de l'industrie — et nous aimerions devenir des exportateurs nets d'énergie renouvelable. Très franchement, les taxes sur l'équipement neuf, ainsi que le régime économique global, favorisant ou non le rééquipement, seront un facteur très important dans ce contexte.
Le sénateur Milne : Monsieur Bramley, qu'est-ce qu'il faudrait améliorer dans ce projet de loi sur Kyoto?
M. Bramley : Rien ne me vient immédiatement à l'esprit. À notre avis, le projet de loi répond au besoin de réitérer dans notre droit national des obligations que nous avons en droit international. C'est aussi un important mécanisme de redevabilité puisqu'il obligerait le gouvernement à publier annuellement un plan sur les changements climatiques dressant la liste des mesures qui seront prises, avec des projections sur les réductions d'émissions devant résulter de chaque mesure. Ce serait un mécanisme de responsabilité très important. Je n'ai pas de changement particulier à recommander.
Le sénateur Milne : Quelles sont les pénalités que le Canada devra payer s'il n'atteint pas les objectifs de Kyoto?
M. Bramley : Ce ne sont pas des pénalités financières. La principale pénalité de conformité qui a été convenue à l'échelle internationale est que toute insuffisance dans la réduction des émissions par le Canada pendant la période de cinq ans allant de 2008 à 2012 devra être rattrapée pendant une deuxième période du Protocole de Kyoto en étant multipliée par 1,3 au-delà de l'objectif fixé pour cette deuxième période.
Avant de changer de sujet, je précise que, si le protocole de Kyoto n'était pas reconduit au-delà de 2012 — s'il n'y avait pas d'accord pour une deuxième phase —, la pénalité disparaîtrait. Je trouve préoccupant que ne pas respecter nos obligations au titre de Kyoto pendant la première période constituerait pour le Canada une incitation à recommander l'abandon total de Kyoto après 2012 dans les négociations internationales.
Une autre remarque importante que je tiens à faire est que j'ai toujours considéré, au-delà des pénalités techniques, qu'il y va aussi de la réputation et de l'influence internationales du Canada. Je crois que la plupart des Canadiens tiennent à ce que nous soyons un chef de file face aux grands problèmes planétaires et à ce que nous exercions dans les tribunes internationales une influence peut-être supérieure à ce que justifierait notre population. Je crois que cela serait fortement entravé si nous ne respections pas nos obligations en vertu d'un traité comme celui de Kyoto, et encore plus si nous ne faisions aucun effort pour essayer de les respecter.
La vice-présidente : Avant de donner la parole au sénateur Dawson, je voudrais continuer sur le même sujet.
En vertu du projet de loi C-288, que se passera-t-il si le gouvernement n'atteint pas les objectifs de Kyoto, monsieur Bramley?
M. Bramley : Les deux obligations du gouvernement en vertu du projet de loi sont, premièrement, de publier un plan pour atteindre l'objectif et, deuxièmement, de tenir compte de toutes les mesures à caractère non réglementaire déjà prises et d'adopter des règlements pour combler l'écart restant par rapport à l'objectif. Il y a donc l'obligation de produire des plans et l'obligation de réglementer.
Je ne suis pas avocat mais je crois comprendre que, si le gouvernement ne s'acquittait pas de l'une ou l'autre de ces obligations, quelqu'un pourrait le poursuivre en justice et obtenir une ordonnance obligeant le Cabinet à s'en acquitter.
Le sénateur Dawson : Je voulais vous poser une question en français au sujet du dendroctone du pin et de l'effet des changements climatiques mais l'expression en français est coléoptère du pin et je vais continuer en anglais.
Si je vous ai bien compris au sujet du dendroctone du pin, si le réchauffement climatique continue, c'est une superficie équivalente au Nouveau-Brunswick qui sera dévastée. Si le climat continue de se réchauffer, peut-on prédire qu'il y aura une croissance exponentielle?
M. Lazar : Non, je ne parlais pas du futur mais d'aujourd'hui. Le dendroctone du pin a déjà détruit des forêts représentant l'équivalent du Nouveau-Brunswick. Cela va-t-il continuer? Jusqu'à présent, tous les biologistes ont fait des prévisions inexactes mais les ravages s'arrêteront probablement dans trois ou quatre ans.
Quel sera le prochain fléau? Certains biologistes disent que l'augmentation de la concentration de CO2 accélérera la croissance des arbres — ce qui est probablement vrai — mais qu'il y aura peut-être aussi un champignon ou un autre insecte qui se développera plus rapidement. La modélisation des changements climatiques est raisonnablement exacte au niveau régional mais elle ne va pas jusqu'à tenir compte des effets de rétroaction et des effets dans la biosphère.
Nous savons que les choses vont changer. Nous sommes assez certains que ça ne nous plaira pas mais nous ne connaissons pas les détails. Voilà pourquoi, avec la deuxième vérité qui dérange, nous devrons vivre avec des changements climatiques même si nous les atténuons. Ça ne les fera pas disparaître, ça ne fera que les ralentir. Nous mettons l'accent sur la préparation parce que nous le savons, et je n'aimerais pas que mon pays commence à s'attaquer aux effets des changements climatiques seulement après qu'ils se soient manifestés. Qu'il s'agisse du dendroctone du pin, de problèmes de santé, de détournement des cours d'eau, de nouvelles épizooties ou de nouvelles maladies infantiles, nous devons faire une priorité nationale de la préparation à l'incidence des changements climatiques, tout comme nous devons faire une priorité nationale de la réduction des gaz à effet de serre et de l'encouragement des autres pays à faire aussi leur part.
Le sénateur Dawson : Monsieur Bramley, vous avez parlé d'un modèle environnemental et d'un modèle économique. Vous étiez peut-être ici la semaine dernière quand le ministre a dit qu'il faudrait que les prix de l'électricité augmentent de 50 p. 100. Je n'aime pas citer ce genre d'affirmation car ça semble tellement exagéré. Je n'aime pas répéter des affirmations qui semblent excessives.
Il faudrait que les prix de l'électricité augmentent de 50 p. 100. Le coût de chauffage d'une maison canadienne passerait de 90 $ par mois à près de 145 $; les prix de l'essence à la pompe augmenteraient de plus de 60 p. 100; l'essence coûterait plus de 1,60 $ le litre; et 275 000 Canadiens perdraient leur emploi.
Vous avez dit que le document est déficient. Je ne sais pas si, depuis jeudi dernier, vous avez eu l'occasion d'examiner en détail le document du ministre ou si vous avez pu savoir qui l'a rédigé. Nous savons que beaucoup de gens pensent que c'est un bon document parce que c'est ce qu'ils ont dit, mais ils ont dit aussi : « Nous n'y avons pas participé; nous aimons simplement le modèle et la manière dont il est présenté ». On cherche encore l'auteur.
Que pensez-vous des chiffres avancés par le ministre la semaine dernière? Que ce soit huit mois, huit ans ou cinq ans, que faisons-nous pour appliquer ces modèles si c'est vrai? Si ce n'est pas vrai, que peut-on penser de ces chiffres?
M. Bramley : On sait que les calculs fondés sur un mauvais point de départ ou de mauvaises hypothèses produisent de mauvaises réponses. Je crois que c'est le cas de ce modèle.
En réponse à ces chiffres alarmants et alarmistes, j'attire votre attention sur la page de l'étude où l'on reconnaît que, si cette limite artificielle appliquée aux mécanismes internationaux était levée, et je cite : « Ceci abaisserait nettement le coût global des réductions pour les émetteurs canadiens et, en conséquence, engendrerait un coût économique très inférieur pour le Canada [...] »
On admet dans le rapport lui-même que cette limite très serrée et irréaliste débouche sur ces chiffres très élevés.
Il est clair qu'il faut commencer beaucoup plus tôt et avec beaucoup plus de vigueur à mettre en œuvre les politiques nécessaires pour se conformer à Kyoto. Plus nous tarderons, plus ça coûtera cher. Des chiffres aussi élevés que ceux que vous citez résultent de ce que j'estime être des hypothèses erronées.
Le sénateur Dawson : Au cours des quatre ou cinq derniers jours, avez-vous découvert — sur le site Web d'Environnement Canada ou ailleurs — d'où venaient ces chiffres?
M. Bramley : Je n'ai pas trouvé d'information publique. Je sais qu'il y a à Environnement Canada un service interne de modélisation économique des politiques sur les changements climatiques et je suppose qu'il est à l'origine des calculs.
J'ajoute que l'appui d'économistes externes est relativement trompeur. J'ai eu l'occasion de discuter avec Mark Jacquard, qui est mentionné dans l'étude. Dans l'ensemble, ces économistes disaient que la méthodologie de modélisation économique était légitime mais je ne crois pas qu'ils approuvaient nécessairement les hypothèses. C'est une différence importante.
[Français]
Le sénateur Dawson : Une dernière question, monsieur Bramley, si vous le permettez, c'est la question de la juridiction. Il y a eu des commentaires, la semaine dernière, durant et après le comité, comme quoi le projet de loi, probablement, intervenait dans des domaines qui sont de juridiction provinciale et que, comme tel, le projet de loi C- 288 ne serait pas constitutionnel parce qu'il intervient dans des domaines qui ne sont pas de la juridiction du Parlement canadien. Avez-vous des commentaires à formuler sur cet aspect du projet de loi?
M. Bramley : De mémoire, le projet de loi reconnaît explicitement le besoin de respecter les compétences respectives provinciales, territoriales, fédérales. Le projet de loi prévoit qu'on tienne compte de l'existence d'accords ou d'ententes fédérales-provinciales dans le plan fédéral requis par le projet de loi.
On peut penser au plan qu'exige le projet de loi comme étant une liste de mesures, Certaines de ces mesures visent la quantité de réduction d'émissions et peuvent être des ententes fédérales-provinciales. Nous savons déjà, dans le cadre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, que le gouvernement fédéral a le pouvoir, soutenu par la Cour suprême, de réglementer les émissions de substances rencontrant certains critères. Clairement, les gaz à effet de serre rencontrent ces critères. Le gouvernement fédéral a aussi d'autres pouvoirs; par exemple, on a une Loi sur l'efficacité énergétique.
Encore une fois, je ne suis pas un avocat constitutionnel, mais je ne vois rien de très évident qui contreviendrait à la Constitution.
[Traduction]
Le sénateur Adams : Le Canada est un pays froid qui est plus affecté par le climat que d'autres. La semaine dernière, le ministre est venu dire qu'on ne devrait pas adopter le projet de loi C-288 car il ne veut pas devoir dépenser plus d'argent que les autres pays pour atteindre les objectifs de Kyoto.
Nous vivons dans l'Arctique où il n'y a pas de forêts. Toutefois, nous sommes affectés par les changements climatiques parce que nous vivons avec les animaux, et cetera. Vous parliez il y a un instant du dendroctone du pin. Nous n'avons pas d'arbres mais nous voyons aujourd'hui dans l'Arctique des insectes qu'on ne voyait pas autrefois.
Les changements climatiques ont-ils les mêmes effets sur d'autres pays froids, comme la Russie? On n'entend pas beaucoup parler des effets sur les autres pays ayant un climat semblable au nôtre. J'aimerais savoir s'ils sont les mêmes ailleurs.
M. Lazar : Je crois qu'on indiquait très clairement dans le rapport scientifique de l'ONU que toutes les régions seront affectées à des degrés divers et de différentes manières. Je crois comprendre que les régions plus septentrionales connaîtront des changements de température plus spectaculaires alors que les régions plus centrales seront plus touchées par des sécheresses et d'autres types de changements climatiques.
Ce qui compte, c'est qu'aucune partie du globe ne sera indemne.
Le sénateur Adams : Produisons-nous plus de CO2 que d'autres pays? Nous devons réduire nos émissions mais vous avez dit plus tôt que, si les autres pays ne réduisent pas les leurs, les gaz reviendront chez nous. Comment se protéger?
M. Lazar : En vertu du Protocole de Kyoto, seuls les pays industrialisés sont tenus de contrôler leurs émissions parce que les pays qui ne sont pas encore industrialisés affirment à juste titre que la plupart des gaz à effet de serre proviennent des premiers.
Le monde a beaucoup changé depuis la négociation du protocole et beaucoup de ces économies sont en voie d'industrialisation. Il faut espérer que les futures mesures seront tout aussi exigeantes pour les autres pays.
Ça va dans les deux sens. Bien sûr, comme l'a dit M. Bramley, si nous pouvons réduire les émissions de dioxyde de carbone en Chine, cela a le même effet sur le Canada que sur la Chine, mais l'inverse est aussi vrai. Si l'industrialisation de la Chine continue au même rythme qu'aujourd'hui et si ce pays continue d'utiliser autant de charbon, ça fera plus que compenser tout ce que nous pourrions faire.
Le résultat final est que nous n'avons pas le luxe de choisir. Nous devons réduire nos propres émissions de gaz à effet de serre non seulement parce que nous devons faire notre part mais aussi parce que cela nous donne une autorité morale à l'égard des autres. Par contre, si nous n'avons que l'autorité morale, nous aurons perdu notre temps, nos efforts et notre argent.
Le sénateur Adams : Vos organisations travaillent depuis de nombreuses années sur les changements climatiques. Nous entendons dire aux nouvelles que les glaces de l'Arctique fondent peu à peu. Quelles seront les conséquences des changements climatiques dans le sud du Canada?
Il n'y a pas d'exploitations agricoles dans le Grand Nord. Nous vivons de la terre et de la chasse. Nous n'avons pas d'autoroutes pour aller faire nos courses. Nous chassons des animaux comme le caribou et le phoque et nous pêchons du poisson. C'est comme ça que nous vivons dans l'Arctique. C'est un peu comme les gens d'ici qui vont acheter leur épicerie chez Loblaws, sauf que nous, nous ne prenons pas de voitures pour aller chez Loblaws, nous allons chercher notre épicerie dans la nature.
Nous avons constaté que les choses ont déjà changé chez nous aussi, surtout cette année depuis début avril. Une étude avait montré que, pendant deux semaines, les températures oscillaient entre moins 40 et moins 50 dans l'Arctique. Je téléphone chaque jour à Environnement Canada pour vérifier les températures au Nunavut et aujourd'hui il faisait moins 30.
Nous observons les changements climatiques et les différences qui en résultent. Aujourd'hui, nous avons plus de brouillard alors que nous n'en avions jamais en janvier dans le passé. Au Nouvel An, aucun avion n'a pu atterrir pendant une semaine parce qu'il y avait du brouillard. Nous n'avons généralement pas de brouillard entre mai et juin mais, parce que les températures sont plus élevées, tout se rafraîchit la nuit. Voilà le genre de climat que nous connaissons aujourd'hui.
Nous voyons qu'il y a aussi des changements avec la neige. Nous ne recevons quasiment pas de neige et, dans certains endroits, on ne peut même plus construire d'igloo à cause de la qualité de la neige qui tombe maintenant.
J'ai interrogé le ministre à ce sujet la semaine dernière. Il y a un mois, le premier ministre a annoncé qu'il consacrerait 250 millions de dollars au recrutement d'un autre scientifique. Nous voyons les changements dans notre vie quotidienne, nous les observons mais on ne nous juge pas encore capables de produire des rapports dans notre communauté. Vous, de votre côté, vous étudiez les changements climatiques mais je dois vous dire que, même si nous comprenons les changements climatiques, personne ne tient compte de notre avis. Comment réagissez-vous à ça?
M. Bramley : La communauté scientifique est très largement consciente que l'Arctique se trouve en première ligne en ce qui concerne les effets des changements climatiques. En fait, le rapport sur l'Évaluation de l'impact du changement climatique, publié en 2004, est particulièrement éloquent à ce sujet. On y affirme que les changements climatiques ont déjà des conséquences marquées sur les habitants de nombreuses collectivités de l'Arctique et, dans certains cas, menacent même leur survie culturelle. C'est très largement admis depuis plusieurs années.
Outre ces effets sur les régions polaires, ce que je trouve personnellement le plus troublant, ce sont les effets sur certains des pays les plus vulnérables de la planète. Le risque de manque d'eau pourrait affecter littéralement des milliards de gens d'ici la fin du siècle, à cause des changements climatiques; des centaines d'autres personnes risquent d'être affectées par des pénuries alimentaires, surtout dans des pays comme les pays africains. Des inondations côtières entraînant le déplacement de dizaines de millions de gens seront également une réalité à la fin du siècle. Voilà les effets que nous devons prévenir.
Le sénateur Mitchell : Madame la présidente, j'aimerais dire que c'est la première fois que je participe à une réunion que vous présidez, et que vous faites un travail remarquable. Merci beaucoup. Je suis particulièrement impressionné par la manière dont vous avez réussi à contrôler le sénateur Angus lorsqu'il commençait à m'attaquer.
La vice-présidente : J'aurais fait la même chose avec vous, sénateur.
Le sénateur Mitchell : Certes. Il ne s'agit pas d'essayer de convaincre le sénateur Angus qu'il a tort. Ce qui me frappe, c'est le sentiment de défaitisme que produit cette régurgitation incessante de ce qui n'est pas possible. Si nous nous attachions d'abord à parler de ce qui est possible, nous serions absolument surpris — voyez l'exemple de l'industrie forestière — par tout ce qu'on pourrait réaliser.
Un corollaire de cette approche consisterait à être focalisé sur le passé en disant qu'il ne faut rien faire parce que les autres n'ont pas fait assez. Il suffit de voir l'augmentation des émissions dans les années 1990 pour conclure qu'on doit faire plus.
Une bonne part de l'augmentation des gaz à effet de serre dans les années 1990 s'est produite en Ontario quand M. Baird était ministre de l'Énergie. En fait, il a contribué à l'argument même qu'il reproche aujourd'hui au gouvernement des années 1990 d'avoir avancé. Je tiens à le dire, en précisant que je n'ai pas de rancune, sénateur Angus.
Je suis aussi frappé de voir réapparaître l'attitude des gens qui disaient, il y a 150 ans, qu'on ne devait pas construire le chemin de fer parce que ce n'était pas faisable, ou qu'on ne devait pas participer à la Première Guerre mondiale parce qu'on ne pouvait tout simplement pas gagner, ou qu'on ne devait pas participer à la Deuxième Guerre mondiale parce que c'était beaucoup trop gros pour des Canadiens. Or, nous avons été capables de faire tout ça.
Nous avons confronté ces problèmes et avons accompli de grandes choses, et nous sommes aujourd'hui confrontés à une nouvelle grande aventure nationale que nous devons entreprendre et pour laquelle nous avons besoin de leadership pour nous guider.
Monsieur Lazar, le sénateur Angus a dit qu'il vous a fallu 17 ans pour faire ce que vous avez fait mais ce qu'il n'a pas dit, c'est que vous avez fait sept fois mieux que votre objectif de Kyoto. Autrement dit, il ne vous a pas fallu 17 ans pour atteindre votre objectif de Kyoto. Si l'on fait un simple calcul, en divisant 17 par 7, on peut dire que vous avez atteint votre objectif en deux ans et demi.
Il nous reste cinq ans jusqu'en 2012, à quelques mois après. Ça paraît éminemment faisable et nous devrions nous concentrer sur le succès extraordinaire de votre industrie en réalisant que nous pouvons fort bien faire ça très rapidement à condition de s'y attaquer sérieusement.
M. Lazar : Je n'ai pas entendu la question.
Le sénateur Mitchell : La voici : est-il vrai ou faux qu'il ne vous a pas fallu 17 ans pour atteindre les objectifs de Kyoto? Qu'il vous a fallu 17 ans pour faire sept fois mieux que Kyoto? Ça fait une grosse différence.
M. Lazar : Votre calcul est parfaitement exact.
Le sénateur Mitchell : Merci, c'était ce que je pensais.
Vous avez dit à plusieurs reprises qu'il est important d'avoir un gouvernement qui va rééquiper ou restructurer l'environnement économique. Pourriez-vous être un peu plus précis? Pourriez-vous nous dire de quoi votre industrie ou d'autres ont besoin pour atteindre les résultats que vous souhaitez?
M. Lazar : L'essence de ce que nous devons faire, c'est rendre la production industrielle — et, en fait, notre vie quotidienne — moins intensive en gaz à effet de serre. Je ne dis pas qu'il faut utiliser ça comme mesure, quelle que soit la mesure qu'on utilise.
Aujourd'hui, partout sur la planète, la plupart des indices de croissance économique et sociale sont corrélés à la production des gaz à effet de serre. C'est un problème mondial et nous avons besoin d'une solution urgente pour réduire l'intensité des gaz à effet de serre dans tous les aspects de la société. Sur le plan industriel, ça veut dire que nous devons transformer radicalement nos processus d'ingénierie en les rendant plus efficients sur le plan énergétique ou en changeant de carburants, voire en faisant les deux, afin que chaque unité de production exige et engendre moins de gaz à effet de serre.
Quelle aide serait utile? Eh bien, le gouvernement a fait une chose excellente dans le dernier budget. Il a donné aux entreprises manufacturières le droit d'amortir leurs immobilisations selon la méthode linéaire en deux ans. Ce genre de mesure devrait être étendu à tous les équipements environnementaux. Un amortissement en un an serait encore mieux mais tout ce qui pourrait réduire les investissements requis par l'industrie serait utile.
Les gens disent : pourquoi n'investissez-vous pas seulement votre argent à vous? La ressource la plus rare, au plan mondial, c'est le capital. Nos entreprises doivent faire concurrence aux autres pour trouver du capital et il est très difficile d'en trouver pour se rééquiper. Par conséquent, tout ce qui peut faciliter le rééquipement sur le plan économique sera bénéfique à l'environnement et au maintien d'emplois au Canada.
De plus, le gouvernement pourrait investir plus dans la recherche pour commercialiser les technologies. Une bonne partie de la technologie nécessaire est déjà disponible sur les marchés ou pourrait être commercialisée relativement vite. Cela dit, cette technologie n'est pas suffisante pour ce qu'il faut faire en cinq ans ou en 10 ans car, quoi qu'on fasse, la route sera longue. La recherche, la commercialisation et l'offre d'avantages financiers, quels qu'ils soient, pour accélérer le rééquipement de l'industrie seront extrêmement bénéfiques.
Je dois rendre crédit au gouvernement actuel d'avoir fait un pas dans la bonne voie avec son dernier budget mais il serait utile de faire encore plus.
Le sénateur Mitchell : Il ne l'a pas relié seulement à l'initiative environnementale, il l'a aussi relié strictement à l'investissement dans le secteur manufacturier.
M. Lazar : En effet, et comme c'est pour le secteur manufacturier, ça permettra d'accélérer le rééquipement. Il faut être juste et dire que c'était une recommandation du Comité de l'industrie qui a été appuyée par tous les partis.
Le sénateur Mitchell : Excellent. Monsieur Bramley, selon certaines études — et je vais vous demander votre avis —, il existe déjà des technologies utilisables pour la plupart des choses que nous avons à faire. Il n'y a pas beaucoup de nouvelles technologies à inventer à la marge.
M. Bramley : Oui, et je pourrais citer certaines de ces études. Il y a d'abord celle qui a été publiée l'an dernier par la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie. Il s'agissait de voir si le Canada pourrait réduire ses émissions de 60 p. 100 par rapport aux niveaux actuels en utilisant les technologies existantes ou sur le point d'être commercialisées. La réponse est oui et ce rapport, que tout le monde peut consulter, est encourageant. On y montre qu'il est toujours bon d'améliorer la technologie et de faire à l'occasion de nouvelles découvertes mais aussi que nous pouvons déjà faire beaucoup pour réduire les émissions par rapport au niveau actuel.
Il n'y a pas de mystère là-dedans. La conservation de l'énergie et l'accroissement de l'efficience énergétique sont toujours le premier choix. Nous savons comment rehausser l'efficience énergétique des immeubles existants, des véhicules, des appareils ménagers, et cetera. Une fois que nous aurons fait tout ce qui est possible sur le plan de la conservation de l'énergie et de l'efficience énergétique, il y aura tout un éventail de technologies permettant de produire l'énergie avec beaucoup moins d'émissions, voire aucune.
Nous connaissons bien les énergies renouvelables. Il y a des technologies, notamment dans l'industrie canadienne, comme la séquestration du carbone, dont on parle beaucoup de manière positive mais qui ne pourront pas être efficaces avant 10 ou 15 ans. La séquestration du carbone fait déjà l'objet de projets pilotes à grande échelle. Selon certaines études, l'industrie pourrait commencer à l'appliquer à grande échelle au Canada si les gouvernements mettaient en place un régime de réglementation fixant un prix supérieur à 30 $ la tonne pour les émissions de CO2.
Je tiens à mentionner aussi le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Son Groupe de travail III se penche sur les aspects technologiques et économiques du changement climatique. Il publiera dans les prochaines semaines un rapport sur le potentiel de réduction des émissions et le GIEC a dit dans le passé que nous pouvons déjà faire beaucoup de progrès par rapport aux niveaux d'émissions actuels avec les technologies existantes.
Le sénateur Mitchell : Le sénateur Dawson et moi-même avons rencontré aujourd'hui des représentants d'Air Liquide Canada Inc., une société qui fait des choses remarquables sur la séquestration du carbone. Elle crée des flux d'émissions qui sont presque du dioxyde de carbone pur — qui est beaucoup plus facile à capturer et à séquestrer — et elle attend un régime de réglementation qui lui donnera un minimum de certitude ou au moins une indication que le contexte est favorable pour commencer à faire ça à grande échelle.
Le Royaume-Uni a déjà atteint 12,5 p. 100 de son objectif de Kyoto pour 2012. Selon les projections, il atteindra probablement 25 p. 100 de moins que les niveaux de 1990. D'aucuns disent que sa structure d'émissions est différente de la nôtre mais, en fait, 30 p. 100 de ses émissions proviennent de l'électricité produite en amont dans des centrales au pétrole, au gaz et au charbon, proportion qui est de 35 p. 100 au Canada.
Pourriez-vous nous dire quelques mots sur le Royaume-Uni? Quels sont ses techniques? Cela a-t-il nui à son économie? Il me semble que sa croissance a été semblable à la nôtre.
M. Bramley : Nous n'avons aucune indication que l'économie britannique a été pénalisée par les efforts de réduction des émissions. Il convient cependant d'ajouter, en toute justice, que certains événements au Royaume-Uni ont contribué à réduire les émissions, notamment le remplacement du charbon par le gaz naturel pour la production d'électricité. Il n'en reste pas moins que le Royaume-Uni est à l'avant-garde de l'Europe en ce qui concerne la promotion de politiques gouvernementales vigoureuses pour réduire les émissions. Il a joué le rôle de chef de file pour l'adoption et la mise en œuvre du dispositif européen d'échanges de crédits d'émissions afin de le rendre raisonnablement exigeant pour ce qui est des réductions d'émissions souhaitées. C'est une politique fixant des objectifs sur les gaz à effet de serre de quelque 11 000 établissements industriels de l'Union européenne et de 27 pays.
Il y a aussi au Royaume-Uni l'obligation d'utiliser des énergies renouvelables, en vertu d'un quota qui est exigé pour l'énergie renouvelable à faible incidence, comme l'énergie éolienne, afin de produire de l'électricité.
Le Royaume-Uni a aussi instauré une taxe sur le carbone, appelée taxe sur les changements climatiques, en 2002. Je ne connais pas toutes ses autres politiques. Du point de vue canadien, le Royaume-Uni a été particulièrement utile grâce à l'action menée par Tony Blair dans les tribunes internationales pour faire du changement climatique une préoccupation majeure du G8, par exemple, et pendant sa présidence de l'Union européenne. Cet exemple est maintenant répété par les Allemands dans ces deux instances.
La vice-présidente : N'ont-ils pas fermé des mines de charbon?
M. Bramley : Ils ont remplacé les centrales au charbon par des centrales au gaz naturel, ce qui a évidemment été utile. Comme je l'ai dit, ils ont aussi beaucoup avancé dans la mise en œuvre des politiques requises, ce que nous n'avons pas encore fait au Canada.
Le sénateur Mitchell : L'institut Pembina a proposé un projet intitulé « Faire sa part pour un monde plus vert ». Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?
M. Bramley : Je voulais en parler pour montrer que les objectifs de Kyoto peuvent être atteints de manière économiquement raisonnable. Dans un mémoire adressé au comité législatif de la Chambre des communes saisi du projet de loi C-30, la proposition a été faite de fixer des objectifs de Kyoto pour toute l'industrie lourde du Canada. En 2004, l'industrie lourde a produit environ 47 p. 100 de toutes nos émissions, ce qui est le plus gros bloc à l'échelle nationale. Nous avons proposé de fixer les objectifs de Kyoto à 6 p. 100 en dessous des niveaux de 1990 pour les trois grands secteurs : centrales électriques, pétrole et gaz naturel en amont, et tout le reste, ce qui comprend les secteurs consommant beaucoup d'énergie comme les pâtes et papiers. Il ne s'agit pas là d'un exercice sophistiqué de modélisation économique, le calcul est très simple. Si l'on met en place un marché de crédits d'émissions, les producteurs de sables bitumineux, par exemple, pourront atteindre les objectifs de Kyoto à un coût de seulement un dollar par baril de pétrole environ.
Beaucoup de gens ont été surpris mais on peut le démontrer par un calcul très simple. Nous savons que la production la plus pointue de sables bitumineux engendre environ 1/15 de tonne de CO2 par baril. Nous savons combien coûte la mise en place des technologies telles que la séquestration du carbone et, en utilisant le marché des crédits d'émissions, on peut calculer que l'industrie pourrait atteindre ses objectifs de Kyoto à un coût d'environ un dollar par baril de pétrole.
Un dollar, ce n'est pas cher quand on voit les marges bénéficiaires de ce secteur et les fluctuations hebdomadaires des cours du pétrole. Il faut parfois se pencher sur les chiffres pour réaliser que la réalité n'est pas aussi effrayante que certains voudraient le faire croire.
[Français]
Le sénateur Robichaud : C'est plaisant de vous entendre parce que le dernier témoin qui parlait au sujet du Protocole de Kyoto disait que le ciel allait nous tomber sur la tête. Mais votre témoignage dit tout à fait le contraire et je le trouve très intéressant.
Monsieur Lazar, vous avez dit que votre industrie produit actuellement 60 p. 100 de ses besoins énergétiques provenant de sources vertes. Vous dites qu'avec peu d'efforts vous pourriez produire la totalité de vos besoins et même, vous pourriez alimenter les besoins énergétiques d'autres industries. Quel est le potentiel de cette biomasse que vous utilisez?
M. Lazar : Tout dépend des coûts de l'électricité. Il y a beaucoup de biomasse au Canada. On ne va pas détruire les forêts pour en retirer, mais on si on ne prend que les résidus commerciaux ou si on cultive la cellulose, on peut dire que dans une optique environnementale cela représenterait une solution plus économique et plus positive.
Il y a toutes sortes de possibilités. Le marché dépend aussi de la distance de la récolte et de la construction de nouvelles usines. Si on parle de notre industrie, nous pouvons doubler notre production d'électricité verte avec une utilisation de la biomasse qui est considérée comme un déchet. C'est en utilisant la biomasse que nous avons diminué nos coûts de remblai de 40 p. 100. Plutôt que de disposer de nos résidus, nous les avons utilisés pour générer de l'électricité verte.
Le sénateur Robichaud : C'est une technologie qui est assez simple. On n'a pas besoin d'inventer la roue pour faire ce que vous avez fait.
M. Lazar : C'est assez simple, mais il y a toujours de nouvelles technologies qui sont de plus en plus sophistiquées pour faire la gazification de la cellulose et pour l'utiliser dans le but d'aider d'autres industries. Ce n'est pas compliqué de le faire, mais ce n'est pas gratuit nom plus.
On doit changer la bouilloire et le coût relié à ce changement se situe entre 30 et 80 millions de dollars. Dans une industrie qui subit beaucoup de pressions économiques et où il y a des fermetures d'usines, juste le fait de trouver les fonds nécessaires pour ce changement peut s'avérer difficile et exigeant.
Le sénateur Robichaud : Mais vous avez démontré qu'il était possible de le faire.
M. Lazar : On le fait et nous voulons continuer à le faire. On s'attend à ce qu'un programme gouvernemental vienne nous aider à accélérer notre progrès.
Le sénateur Robichaud : Monsieur Bramley, comment l'énergie éolienne peut-elle alimenter le réseau électrique et quel est son potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre?
M. Bramley : Je ne suis pas expert en énergie éolienne, mais je sais qu'actuellement le Canada a une capacité de génération d'énergie éolienne d'environ 1 500 mégawatts. Le leader sur le plan mondial c'est l'Allemagne avec une capacité de 20 000 mégawatts. Et l'Allemagne n'est pas un grand pays, sa superficie est probablement 20 fois plus petite que celle du Canada.
Une capacité éolienne de 3 000 mégawatts représenterait l'équivalent d'une grosse usine de génération au charbon. Se basant sur ce fait, on peut dire qu'un pays comme l'Allemagne produit déjà l'équivalent de sept grosses usines au charbon en termes d'énergie éolienne.
On peut aller plus loin. Je sais qu'une étude rendue publique pour le Québec a examiné le potentiel éolien en installant des éoliennes près des grandes lignes de transmission dans le grand Nord et cela représente plusieurs dizaines de milliers de mégawatts.
Le sénateur Robichaud : On réussirait à fermer les stations génératrices qui emploient du charbon qui génèrent beaucoup de gaz à effet de serre. N'est-ce pas?
M. Bramley : Oui, cette possibilité existe. Bien sûr il faut faire attention aux liens, aux interconnexions entre les provinces et même à travers la frontière avec les États-Unis pour s'assurer qu'on peut remplacer une production au combustible fossile par une production à l'énergie renouvelable.
Le potentiel est énorme. Par exemple, en Europe, une association industrielle des secteurs des énergies renouvelables a rendu publique une étude sur le pourcentage de la demande énergétique qui pourrait être satisfaite d'ici 20 ans par les énergies renouvelables, et ce sont de forts pourcentages.
[Traduction]
Le sénateur McCoy : Mes collègues ont déjà posé la plupart de mes questions. Monsieur Bramley, je voudrais revenir sur votre réponse au rapport concernant le coût du projet de loi C-288. Si je vous ai bien compris, vous n'en partagez pas les conclusions.
M. Bramley : C'est exact.
Le sénateur McCoy : Connaissez-vous quelqu'un qui les partage?
M. Bramley : Je n'ai pas suivi toutes les réactions publiques au rapport après sa publication la semaine dernière mais je n'ai vu aucune réaction enthousiaste. Son approbation par certains économistes peut être un peu trompeuse dans la mesure où c'est la méthodologie de modélisation qu'ils ont approuvée, pas les hypothèses.
Le sénateur McCoy : Le modèle a été conçu dans le cadre du processus de consultation d'il y a 10 ans. Y a-t-on apporté des améliorations depuis?
M. Bramley : Dans ce rapport, c'était un nouvel exercice de modélisation. Il y en a eu plusieurs ces dernières années, par exemple en 2002. Il se trouve que le gouvernement fédéral a publié à l'époque un exercice de modélisation fondé sur les mêmes modèles que ceux de ce rapport, mais avec des conclusions tout à fait différentes.
Le sénateur McCoy : Évidemment, la qualité du gâteau dépend de ses ingrédients.
Quelqu'un a-t-il tenté récemment de quantifier le coût économique des objectifs de Kyoto pour le Canada?
M. Bramley : Je ne connais pas d'étude récente autre que celle que le ministre a déposée. Des études ont été réalisées au moment où le Canada se demandait s'il devait ou non ratifier Kyoto. À mon avis, une fois qu'on a décidé de faire quelque chose, il faut cesser de se demander si on devrait le faire ou non. Je crois que c'est pour cette raison qu'il n'y a pas eu beaucoup d'études depuis 2002.
Le sénateur Angus : Je vais vous poser à tous les deux une question très simple, puisque nous n'avons droit qu'à une question au deuxième tour. On entend parler de comparaisons, le Canada fait bien, le Canada fait mal, généralement par rapport aux États-Unis. Quelle est votre opinion?
Supposons que je convienne avec vous, monsieur Lazar, qu'il est dans notre très grand intérêt de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de prendre d'autres mesures pour prévenir les problèmes du changement climatique. Nous savons que les Américains n'ont pas adhéré au Protocole de Kyoto. D'aucuns disent que c'est parce que leur situation est catastrophique, alors que la nôtre est bien meilleure. Je ne sais pas si c'est vrai. C'est vous les experts. Quel est votre avis?
M. Bramley : Je peux vous dire qu'une étude comparée a été publiée fin 2006 par certaines ONG européennes. Je crois qu'elle était intitulée Climate Change Performance Index. Elle portait sur 56 pays, dont tous les grands pays industrialisés, et était consacrée à la vigueur de leurs politiques de réduction des gaz à effet de serre. Le Canada était classé 51e sur 56. Le chiffre n'est pas tout à fait exact mais nous étions clairement au bas de la liste.
Le sénateur Angus : Les États-Unis étaient-il avant nous?
M. Bramley : Je crois qu'ils étaient dans le même groupe. Aux États-Unis, il y a une grande différence entre le gouvernement fédéral et les États. Plusieurs États font preuve d'un leadership tout à fait admirable et commencent à mettre en œuvre des politiques exécutoires sur les émissions de gaz à effet de serre.
Le sénateur Angus : Comme la Californie?
M. Bramley : La Californie en est un exemple. Au palier fédéral, sous l'administration actuelle, il n'y a quasiment aucun mouvement.
M. Lazar : Je voudrais ajouter — si les chiffres sont exacts — qu'il n'est pas impossible que le prochain président soit un Démocrate, auquel cas nous verrions un changement d'attitude spectaculaire. Si tel était le cas, comme nous sommes des partenaires commerciaux, on se pencherait très attentivement sur le Canada pour voir si nous faisons notre part ou non.
Il est intéressant que mes collègues européens aient eu l'assurance de la Commission européenne — je ne ferai aucun commentaire sur la valeur des assurances de la Commission européenne — qu'elle va étudier l'imposition de taxes à l'importation sur la base de la conformité ou non avec les objectifs de Kyoto parce qu'elle paye le prix de sa propre conformité.
Très franchement, je ne pense pas que le problème soit une comparaison avec les États-Unis. Nous devrions plutôt prêter attention aux économies en développement de l'Inde et de la Chine. Ces pays ont un impératif social qui est de permettre à leurs populations respectives de sortir de la pauvreté de subsistance et de jouir des mêmes avantages que nous. Cette forme d'industrialisation, si elle n'est pas fondée sur un modèle différent, annulera tous les progrès qui pourraient être faits aux États-Unis ou au Canada. Je crois que notre impératif de politique internationale devrait être le partenariat, en les encourageant à se développer selon un modèle moins intensif que le nôtre du point de vue des gaz à effet de serre.
Le sénateur Tkachuk : Il y avait le 29 mars sur le site Web de l'Association internationale pour l'échange de droits d'émission un extrait d'un article du journal britannique The Independent intitulé « Mauvais coup pour le combat de la Grande-Bretagne contre les changements climatiques parce que l'objectif d'émissions n'a pas été atteint ». Voici ce qu'on y disait :
La crédibilité de la Grande-Bretagne comme chef de file de la lutte contre le changement climatique vient de subir un très mauvais coup parce que le gouvernement a été forcé d'annoncer qu'il n'atteindra pas son objectif phare de réduction des émissions de dioxyde de carbone causant le réchauffement de la planète.
L'objectif, réduire les émissions britanniques de CO2 de l'industrie et des transports de 20 p. 100 en 2010 par rapport à 1990, sera complètement raté, même après une révision intensive pendant une année de toutes les mesures du programme gouvernemental sur les changements climatiques destiné à nous en rapprocher.
Je ne vais pas vous lire tout l'article mais j'ajoute seulement ce passage :
L'annonce hier de l'échec de la politique a été faite le jour même où les députés commençaient une enquête sur une nouvelle manière de lutter contre les changements climatiques, et les lecteurs du Independent ont répondu par centaines avec leurs propres idées sur la manière de faire face à la plus grande menace que connaît actuellement la société humaine.
Je suis sûr que le sénateur Mitchell approuvera.
Je vais faire une dernière remarque car c'est important. Le MDP vert a jugé que la révision a échoué; le programme a échoué. Il a conclu que le premier ministre Blair a lamentablement échoué.
Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous le dire encore plus négativement?
Le sénateur Tkachuk : Invitée à dire pourquoi la révision a échoué, la secrétaire britannique à l'Environnement, Margaret Beckett, a dit — c'est important — qu'il s'était « avéré beaucoup plus difficile d'atteindre l'objectif que quiconque aurait pu l'imaginer ». Il ne s'agit pas seulement de la révision mais aussi de la politique. Je voulais simplement porter ça à l'attention des membres du comité.
Monsieur Lazar, mon père travaillait dans le secteur des pâtes et papiers. J'ai été élevé dans une petite collectivité du nord de la Saskatchewan, à la limite des zones forestières, et la forêt m'a donc toujours intéressé. En 2003, le Comité de l'agriculture a tenu des audiences dans tout le pays au sujet du changement climatique — nous étions un peu en avance sur notre temps. Nous voulions sensibiliser les gens aux changements climatiques. Nous n'avons pas particulièrement réussi mais, au moins, nous avons essayé.
M. Ennis est professeur à la faculté de gestion des ressources forestières de l'université de la Colombie-Britannique. Nous avons recueilli son témoignage et c'est quelqu'un qui croit beaucoup aux changements climatiques et aux problèmes du CO2. Nous l'avons interrogé sur le dendroctone du pin dont j'ai parlé plus tôt. J'y reviens parce que j'aime beaucoup mes forêts et que je ne voudrais pas qu'elles soient dévastées par cet insecte. Il a dit qu'on avait prédit il y a 30 ans qu'il y aurait des problèmes avec le dendroctone du pin, problèmes reliés non seulement aux changements climatiques mais aussi à l'âge des diverses forêts du centre de la Colombie-Britannique. Nous luttons depuis trop longtemps contre les incendies de forêt. De ce fait, les forêts sont plus vieilles et sont donc plus vulnérables aux attaques de cet insecte.
L'industrie forestière a peut-être étudié les bonnes forêts; elle n'écoute pas les scientifiques qui la conseillent. Je ne le sais pas. J'essaie simplement de dire qu'il y a deux opinions.
En ce qui concerne la séquestration du CO2, voici ce que je comprends : les vieilles forêts rejettent beaucoup de CO2 dans l'atmosphère. En fait, si une vieille forêt est replantée, il faut 200 à 300 ans pour pouvoir rattraper la quantité de CO2 qui a été rejetée dans l'atmosphère. Par contre, si on plante une forêt là où il n'y en avait pas auparavant, on crée en fait un puits de carbone.
Le sénateur Milne : Je crois que les arbres absorbent le dioxyde de carbone de l'atmosphère, ils ne le rejettent pas.
Le sénateur Tkachuk : Quand une forêt meurt, elle rejette du dioxyde de carbone. Vous pourriez peut-être expliquer ça au sénateur Milne, monsieur Lazar, pour qu'elle—comprenne. Plus la forêt est vieille, plus il y a de CO2. Comment les pratiques de gestion des forêts ont-elles changé pour tenir compte de ce problème?
M. Lazar : Évidemment, le CO2 capturé par une forêt en croissance retire du CO2 de l'atmosphère. Une forêt vieille a tendance à être une émettrice nette parce qu'il y a plus de mort et de dégénérescence. Dans l'ensemble, les forêts du Canada sont des émettrices nettes car elles sont vieilles, quel que soit le critère considéré.
Cela dit, il faut rappeler que, lorsqu'une forêt est exploitée pour produire des pâtes et papiers ou des produits du bois, la majeure partie du CO2 reste dans le bois. Par exemple, les maisons en bois durent des centaines et des centaines d'années durant lesquelles plus de CO2 est séquestré dans les arbres en croissance. Ressources naturelles Canada a publié un bulletin scientifique indiquant que, globalement parlant, l'impact de l'exploitation de la forêt boréale du Canada est négligeable sur le carbone séquestré. Nous pourrions séquestrer plus de carbone si nous plantions de nouvelles forêts sur des terrains vierges mais leur superficie serait relativement petite par rapport aux très vastes forêts actuelles du Canada, et il s'agirait probablement de terrains agricoles qu'on rendrait à la forêt.
L'ONU vient de conclure que nous avons un taux de déforestation de zéro car, dans les forêts, il y a régénération complète. Dans l'urbanisation, il y a déforestation permanente, comme dans la prospection pétrolière ou autre. Cela a été compensé par le fait que des terres agricoles ont été rendues à la forêt. En fait, les subventions agricoles sont l'un des déterminants les plus importants de la superficie des terres qui sont exploitées pour la forêt. Plus les subventions agricoles sont élevées, plus on coupe de forêts pour faire de l'agriculture. Réduisez-les au point où les gens devront vivre dans le marché et vous aurez plus de terres agricoles qui seront rendues à la forêt.
Sur le plan mondial, nous sommes sans aucun doute le champion toutes catégories de la destruction de forêts pour le secteur agricole et, dans ce secteur, pour la culture. Là où les gens peuvent gagner leur vie avec la forêt, ils la conservent.
La vice-présidente : M. Bramley souhaite répondre à l'article du Independent que vous avez cité.
M. Bramley : Je veux seulement préciser que l'objectif de réduction de 20 p. 100 de 1990 qui aurait été raté, selon cet article, n'est pas un objectif de Kyoto. L'objectif britannique de Kyoto est une réduction de 12,5 p. 100 en 1990 et l'objectif de 20 p. 100 allait au-delà du protocole de Kyoto, qui n'allait pas aussi loin qu'on l'avait espéré. Le Royaume- Uni respecte certainement son objectif de Kyoto.
Le sénateur Spivak : J'ai une question au sujet de la taxe sur le carbone par rapport au système de plafonnement et d'échanges. Don Drummond, l'une des personnes citées dans ce rapport, a publié un article exprimant son approbation absolue d'une taxe sur le carbone. Je me demande si le concept de tarification du carbone, qui est nécessaire pour que nous n'utilisions pas l'atmosphère comme un dépotoir, est mieux atteint ou s'il est atteint des deux manières.
M. Bramley : Notre avis est que la priorité est de tarifer le carbone à un niveau suffisamment élevé pour favoriser les investissements là où nous obtiendrons des réductions des émissions de gaz. Nous avons tendance à préférer le système de plafonnement et d'échanges essentiellement parce que, quand on fixe un prix au carbone, il y a deux effets à prendre en considération. Premièrement, il y a l'effet du prix lui-même sur les décisions d'investissement et, deuxièmement, il y a la question de ce qu'on va faire de l'argent.
Le sénateur Spivak : Bien sûr.
M. Bramley : Avec les échanges de crédits d'émissions, l'argent doit être consacré à des réductions d'émissions, même si c'est par quelqu'un d'autre.
Avec une taxe sur le carbone, on doit se demander à quoi serviront les recettes. La situation n'est pas claire car, à long terme, nous voudrions une transition du système d'échanges de crédits d'émissions vers un système de vente aux enchères par le gouvernement de permis ou crédits d'émissions. De cette manière, on aurait toujours la possibilité de décider quoi faire de l'argent.
À court terme, la certitude que les sommes seront consacrées aux réductions d'émissions a tendance à nous faire préférer le système de plafonnement et d'échanges. Une autre raison en est que c'est ce qui a été adopté mondialement ces dernières années. Il y a un marché international du carbone qui a vu le jour à la suite du Protocole de Kyoto. Plusieurs États américains avancent vers le système de plafonnement et d'échanges. Évidemment, l'Union européenne a été une pionnière à ce sujet. Si nous voulons nous adapter à ce qui s'est fait ailleurs, c'est une autre raison pour aller dans cette voie. Fondamentalement, il est important de fixer un prix suffisamment élevé.
Le sénateur Spivak : Les deux systèmes amènent à tarifer le carbone, n'est-ce pas?
M. Bramley : Oui.
Le sénateur Milne : Monsieur Lazar, la technologie qu'utilise l'industrie forestière pour produire son énergie pourrait-elle être vendue à d'autres secteurs? Cela pourrait-il constituer la base d'un système canadien de vente de crédits d'émissions de carbone?
M. Lazar : La technologie que nous utilisons est particulièrement adaptée à notre industrie parce que nous avons la biomasse comme sous-produit. J'ai dit aux sociétés de chemins de fer que nous pourrions leur vendre du bois si elles reprenaient l'habitude de s'arrêter en bordure des forêts, ce qui les rendrait aussi neutres que nous sur le plan du carbone. Toutefois, elles ne semblent pas vouloir changer.
En ce qui concerne les échanges, nous voulons un système de plafonnement et d'échanges parce que cela permet au marché de décider. Si c'est une taxe, nous forcerons tout le monde à s'adapter au même montant. En fait, une usine pourrait s'y adapter sans aucune difficulté alors que ce serait beaucoup trop cher pour une autre. Avec un système d'échanges, nous pouvons à la fois conserver les emplois et avoir exactement le même effet sur l'environnement. Nous sommes donc très favorables à un système de plafonnement et d'échanges parce que cela permet au marché de trouver la solution la plus efficiente. Évidemment, nous n'aimons jamais les taxes, sous quelque forme que ce soit, et l'idée d'imposer une taxe pour consacrer les recettes à des améliorations environnementales ne nous plaît pas beaucoup car notre expérience avec le gouvernement nous fait penser que l'effet sera modeste, dans le meilleur des cas. Nous voulons simplement que le gouvernement adopte un règlement et nous laisse le soin de nous débrouiller. Notre industrie ne veut pas que le gouvernement prenne notre argent pour essayer ensuite de nous le rendre.
Le sénateur Robichaud : C'est assez clair.
Le sénateur Mitchell : Il devient très difficile de réfuter la science des changements climatiques. Beaucoup de ceux qui la niaient il y a quatre ou 12 mois en arrivent aujourd'hui à l'accepter. Par contre, ils se mettent alors à parler d'objectifs d'intensité, comme nous le verrons jeudi. Mon opinion au sujet des objectifs d'intensité est la suivante : il y a trois pieds d'eau dans votre sous-sol et vous prenez des mesures pour que l'eau monte à quatre pieds seulement au lieu de cinq. Monsieur Bramley, pouvez-vous confirmer que les études scientifiques indiquent non seulement qu'il y a des changements climatiques mais aussi que nous ne pouvons pas aller au-delà d'un certain niveau de dioxyde de carbone ou d'équivalent des gaz à effet de serre et qu'il est donc indispensable d'entreprendre des réductions si nous ne voulons pas subir de dégâts irréversibles, ce qui est peut-être le cas.
M. Bramley : À l'heure actuelle, les gens qui étudient le cycle du carbone mondialement affirment que l'environnement ne peut accepter qu'environ la moitié de chaque tonne de gaz à effet de serre rejetée dans l'atmosphère par l'activité humaine. La moitié de chaque tonne sera séquestrée dans une forêt en croissance ou dans un océan mais l'autre moitié s'accumulera tout simplement dans l'atmosphère. Au cours des dernières décennies, notamment depuis la révolution industrielle, nous avons constaté une augmentation de la concentration de CO2 dans l'atmosphère. Cette concentration est restée extraordinairement stable, à 280 parties par million, pendant des milliers d'années mais elle est aujourd'hui de 380 parties par million environ.
La science nous dit que nous devons limiter le réchauffement mondial moyen à 2ºC au maximum par rapport au niveau pré-industriel si nous voulons prévenir les effets les plus néfastes du changement climatique. Cela veut dire qu'il nous faut stabiliser ces concentrations à un maximum de 450 parties par million d'équivalent de dioxyde de carbone, voire moins. Nous devrons peut-être laisser la concentration augmenter puis l'abaisser avec des réductions d'émissions encore plus exigeantes.
Pour le genre de réductions d'émissions calculées par la modélisation, nous devrions réduire les émissions mondiales d'au moins 30 p. 100 à 50 p. 100 d'ici à 2050. Les pays industrialisés — dont la responsabilité est beaucoup plus grande parce que ce sont eux qui ont en grande mesure causé le problème et que leurs émissions par habitant sont tellement plus élevées — devront faire plus d'ici à 2050 que simplement stabiliser et stopper l'accumulation dans l'atmosphère.
Le sénateur Mitchell : Autrement dit, accepter la science, c'est aussi rejeter—explicitement les objectifs d'intensité. On ne peut pas avoir les deux.
M. Bramley : Je ne dirais pas cela. En théorie, nous pouvons utiliser les objectifs d'intensité pour atteindre le même but qu'avec un objectif absolu. Comme je l'ai déjà dit, le problème est que la tentation pour les gouvernements sera de faire un mauvais usage des objectifs d'intensité ou d'en abuser en prétendant qu'ils font quelque chose d'impressionnant alors que les émissions continueront en réalité d'augmenter, mais peut-être à un rythme moins rapide.
J'ai vu il y a quelques mois une citation de Gordon McBain, l'un des scientifiques éminents du Canada en matière de climat. Il disait que l'atmosphère compte les molécules. C'est quelque chose à retenir.
La vice-présidente : Cela met fin à cette séance, monsieur Lazar et monsieur Bramley. Je vous remercie d'être venus témoigner. Nous apprécions beaucoup tout le savoir que vous avez partagé avec nous.
La séance est levée.