Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 16 - Témoignages du 26 avril 2007
OTTAWA, le jeudi 26 avril 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit ce jour à 8 h 39 pour étudier le projet de loi C-288, Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Comme nous avons le quorum, nous allons ouvrir cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles consacrée à l'étude du projet de loi C-288, Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto.
Nous accueillons aujourd'hui Jayson Myers de l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada, et Eli Turk de l'Association canadienne de l'électricité.
Avant de commencer, permettez-moi de présenter brièvement les membres du comité. Nous avons le sénateur Willie Adams du Nunavut, le sénateur Fernand Robichaud du Nouveau-Brunswick, le sénateur Lorna Milne de l'Ontario, le sénateur Grant Mitchell de l'Alberta et le sénateur Mira Spivak du Manitoba.
Messieurs, nous sommes ravis de vous accueillir ce matin. Monsieur Myers, vous avez la parole.
Jayson Myers, vice-président principal et économiste en chef, Manufacturiers et exportateurs du Canada : Monsieur le président, sénateurs, je vais m'adresser à vous en utilisant les notes qui vous ont été distribuées, je crois, concernant non seulement le projet de loi C-288 mais aussi ce que devrait être selon nous une politique efficace de réduction des émissions de gaz à effet de serre, notamment du point de vue de l'industrie manufacturière.
Pour le secteur manufacturier et pour l'ensemble de l'industrie canadienne, une bonne gestion environnementale est indispensable, car c'est ce qu'exigent nos clients, nos actionnaires et le public et, franchement, c'est bon sur le plan commercial. La question clé est la suivante : comment faire en sorte que ce qui est bon pour l'environnement soit aussi bon pour l'économie? Je crois que c'est possible. Par contre, je crains que des objectifs irréalistes — et je pense que les objectifs de Kyoto le sont — seront contre-productifs. C'est ce que nous avons conclu au bout de 10 années de discussions sur la manière de mettre ça en œuvre.
Permettez-moi de dire dès l'abord que le secteur manufacturier est un volet très important de l'économie canadienne. En fait, toute la base industrielle du Canada, le secteur de l'électricité, le secteur du pétrole et du gaz naturel — tous sont des éléments cruciaux de l'économie canadienne et de la prospérité de tous les Canadiens. Il est donc très important pour l'économie canadienne et pour la prospérité de tous les Canadiens de trouver les bonnes solutions. C'est aussi la bonne chose à faire pour obtenir une bonne performance environnementale. Je dirai quelques mots à ce sujet.
En ce qui concerne les principaux objectifs de la politique, il s'agit avant tout d'obtenir une vraie réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, nous avons besoin d'accélérer considérablement ce que j'appelle le progrès technologique qui peut être mesuré par l'intensité des émissions mais qui, dans ce sens, représente une conjugaison des sources de carburants fossiles et une amélioration considérable de la manière dont on utilise l'énergie — l'efficience énergétique. C'est cette combinaison de facteurs, le remplacement des carburants et l'efficience énergétique, qui peut déboucher sur une vraie réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Si tel est l'objectif, le problème devient le suivant : quelles sont les solutions technologiques et quels investissements doit-on faire pour atteindre la cible? Si nous abordons le problème sous cet angle, nous verrons qu'il y a des solutions bonnes pour l'environnement et bonnes pour l'économie.
Bien que la diapositive que je vous montre maintenant date de 2003, elle indique que le secteur manufacturier représente un peu plus de 13 p. 100 du total des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Tous les secteurs industriels pris ensemble en représentent environ la moitié. N'oublions pas que l'électricité, le pétrole et le gaz naturel sont des secteurs de production d'énergie qui approvisionnent les Canadiens en énergie. Nous avons une économie intégrée, avec un système d'énergie intégré. N'oublions pas que notre économie fonctionne à l'énergie. Nous conduisons nos voitures pour aller travailler, nous chauffons nos maisons et nous produisons des choses — tout cela demande de l'énergie.
Par conséquent, le vrai débat sur la réduction des émissions consiste à savoir comment remplacer les sources d'énergie fossiles par d'autres sources d'énergie, quelles sont les technologies requises pour ce faire et quel est l'échéancier adéquat.
Si l'on considère le secteur manufacturier dans son ensemble et si le problème concernait uniquement le secteur manufacturier, nous pourrions dire que celui-ci a dépassé l'objectif de Kyoto. Pour l'ensemble du secteur, entre 1990 et 2003, la production a augmenté d'environ 50 p. 100. Ces années ont été une période faste pour le secteur manufacturier du Canada. Toutefois, à cause des investissements en nouvelles technologies et du remplacement des technologies anciennes, les émissions ont chuté de 7,4 p. 100 pendant la même période. Pour ce qui est du progrès technologique, c'est-à-dire l'intensité des émissions, on a enregistré une baisse de 38 p. 100. Nous avons aussi enregistré une hausse spectaculaire de la productivité et de l'intensité des émissions dans les types d'investissements technologiques qui ont débouché sur la réduction des émissions.
Vous voyez sur ce graphique la ventilation des données. Que s'est-il passé? La moitié de la réduction a été obtenue par des entreprises devenues plus efficientes sur le plan de l'énergie. Des entreprises qui ont remplacé leurs vieilles machines et leurs vieux équipements par de nouvelles technologies, ce qu'elles ont fait parce que c'était rentable sur le plan commercial. Elles ont dû devenir plus productives et plus compétitives et les investissements qu'elles ont réalisés dans les nouvelles technologies leur ont donné des gains de productivité tout en réduisant les émissions. Autrement dit, elles sont devenues plus efficientes sur le plan de l'énergie.
Une proportion d'environ 30 p. 100 de la réduction s'explique par le remplacement de procédés industriels — encore une fois, l'investissement dans les nouvelles technologies. Une proportion d'environ 20 p. 100 s'explique par le remplacement des carburants fossiles par des sources d'énergie moins basées sur le carbone et en fait, dans la plupart des cas, par l'électricité. Certes, on peut dire que cela ne fait que transférer le fardeau à un autre secteur mais il est clair que le secteur de l'électricité est une source d'énergie beaucoup moins intensive en carbone que le pétrole et le gaz naturel. C'est cette combinaison de facteurs qui a permis la réduction de 7,4 p. 100.
La moyenne est de 7,4 p. 100 mais, sur le graphique que je vous montre maintenant, vous voyez une ventilation des réductions d'émissions de GES par secteur : acier, 17 p. 100; métaux non ferreux, 16 p. 100; chimie, 43 p. 100; pâtes et papiers, 33 p. 100. En fait, tout le secteur de la transformation des ressources a réalisé une réduction des émissions de 20 p. 100 entre 1990 et 2003, ce qui veut dire que ce secteur a déjà fait des progrès considérables.
C'est l'investissement qui a permis cette réduction des émissions. Comme je l'ai dit, l'investissement a été nécessaire pour remplacer la vieille technologie moins productive par de nouveaux systèmes plus productifs, plus efficients et moins intensifs en carbone, c'est-à-dire de nouvelles technologies. Comme on peut le constater sur cette diapositive, la courbe bleue représente les investissements en immobilisations des sociétés manufacturières. La courbe rouge représente l'évolution de l'intensité des émissions, c'est-à-dire le progrès technologique qui a permis de réduire les émissions, et l'on constate qu'elle est étroitement reliée aux investissements en immobilisations.
La leçon est que ce sont les investissements consacrés aux nouvelles technologies qui ont produit les réductions d'émissions dans le secteur manufacturier. La leçon pour tous les Canadiens est que ce sont de tels investissements qui permettront de réduire les émissions dans toute l'économie. Je veux parler du remplacement des anciennes voitures par des nouvelles, du remplacement des vieux réfrigérateurs — les réfrigérateurs à bière — par des nouveaux, du rééquipement des maisons, du remplacement des vieux systèmes de transport par de nouveaux systèmes de transports urbains. Il s'agit de remplacer l'énergie fossile par de nouvelles énergies non basées sur le carbone. La question est de savoir quelles sont les échéances pour ce faire.
Ce que je tiens à souligner, c'est que c'est l'investissement qui produit la performance environnementale. Les décisions d'investissement sont prises pour toutes sortes de raisons. Les manufacturiers ne réduisent pas les émissions seulement parce qu'ils veulent réduire les émissions ou être plus efficients dans leur consommation d'énergie. Ils réduisent les émissions parce qu'ils deviennent plus compétitifs et plus productifs — ce qui leur permet en même temps d'obtenir des réductions spectaculaires des émissions de gaz à effet de serre.
Voilà le défi à relever, je crois. Comment accélérer les progrès technologiques? Il y a plusieurs facteurs à considérer. Sur ce graphique, la courbe rouge représente la croissance économique et la courbe verte, les réductions d'émissions du Canada. Au cours des 30 dernières années, nous avons enregistré une amélioration de 1 p. 100 du progrès technologique — de l'intensité des émissions. La croissance économique du Canada est de l'ordre de 3 p. 100 par an en moyenne. Les émissions augmentent de 2 p. 100 par an. La différence, c'est le progrès technologique causé par l'amélioration de l'efficience énergétique et le recours à des sources d'énergie moins intensives en carbone.
Pour replacer les choses dans leur contexte, c'est-à-dire pour passer de la situation d'aujourd'hui à l'obligation de réduire les émissions de 6 p. 100 par rapport au niveau de 1990, selon le protocole de Kyoto, il nous faudrait, en commençant immédiatement, obtenir une réduction de 30 à 35 p. 100 de nos émissions sur une période de cinq ans. Cela exigerait une accélération du progrès technologique par un facteur de huit, soit 700 p. 100.
Est-ce réaliste? Les technologies existent-elles? Pour les entreprises, comme l'adoption des nouvelles technologies prend du temps, est-ce réaliste considérant le peu de temps imparti pour atteindre les objectifs de Kyoto?
S'il s'agit d'atteindre les objectifs de Kyoto, il y a d'autres solutions. L'une d'entre elles — mais je ne pense pas que quiconque la retienne — consisterait à réduire notre activité économique de 30 p. 100. Il n'est pas possible d'imaginer ce que cela signifierait pour notre économie, si ce n'est son implosion. En outre, cette solution ne produirait pas beaucoup de réduction des émissions car les Canadiens ne réagiraient pas nécessairement bien, même au début, à une telle réduction de l'activité économique.
L'autre solution consiste à acheter des crédits d'émissions à d'autres pays. Si l'on se fixe des objectifs et que l'industrie ne peut pas les atteindre, elle paiera une amende de 15 $ la tonne, si c'est le niveau retenu, et c'est elle qui paiera le prix d'achat des crédits d'émissions internationaux. Tel était le concept fondant le système des grands émetteurs finaux qui avait été avancé il y a un an ou deux.
Je préférerais que cet argent soit investi au Canada pour obtenir de vraies réductions au Canada par l'investissement dans de nouvelles technologies. Faisons le nécessaire pour réduire les émissions chez nous. Par contre, faisons-le selon un échéancier réaliste. Il nous faut de l'efficience énergétique et il nous faut développer de nouvelles sources d'énergie.
Je veux faire une autre remarque — fondée sur l'expérience que nous avons acquise avec le système des grands émetteurs finaux. Si nous ne pouvons pas atteindre ces objectifs — et que nous assistons à l'adoption de nouvelles politiques —, se concentrer uniquement sur un objectif inatteignable aura des effets contre-productifs. C'est ce que nous avons vu avec le système des grands émetteurs finaux. Ce système aurait obligé l'industrie, le secteur manufacturier, à continuer de réduire les émissions de gaz à effet de serre comme si rien n'avait changé. Ainsi, l'industrie chimique, qui avait déjà obtenu une réduction de 40 p. 100, aurait dû atteindre une autre réduction de 40 p. 100 mais, selon ce système, cela n'aurait jamais été considéré comme une contribution à la réduction des émissions. Elle aurait dû réduire de 8 p. 100 supplémentaires, ce qui l'aurait amené à une réduction totale des ses émissions de l'ordre de 80 à 82 p. 100. Ce ne serait pas réaliste pour l'industrie. Elle pourrait s'en sortir en payant 15 $ la tonne.
Si tout ce qu'une industrie a fait n'est pas pris en compte dans le cadre des objectifs de Kyoto, pourquoi ferait-elle quelque chose? Pour s'en sortir, il lui suffirait de payer 15 $ la tonne, ce qui est relativement bon marché par rapport aux investissements qu'elle devrait faire en technologie pour atteindre ces objectifs, et cette pénalité deviendrait une taxe sur le carbone. Je ne pense pas que ce soit une manière très productive d'appliquer une politique environnementale si l'on veut vraiment réduire les émissions de GES.
Faisons donc les choses selon un échéancier réaliste en tenant compte de ce que la technologie peut offrir et en prenant des mesures constituant de vrais incitatifs — pas en imposant des taxes à l'industrie mais en lui offrant des incitatifs pour adopter les nouvelles technologies.
Je vous ai présenté quelques graphiques. Je n'en parlerai pas longtemps, ils sont là simplement pour démontrer le défi auquel le secteur manufacturier est confronté. La concurrence est très vive, le dollar s'envole et les entreprises ne peuvent pas transférer leurs hausses de coûts. Au cours des cinq dernières années, les prix du secteur manufacturier n'ont pas bougé. En fait, plus on est proche du consommateur, plus les prix risquent de baisser. Or, tous les coûts de production augmentent. Pendant cette période, les coûts de l'énergie ont augmenté de plus de 60 p. 100. Les sociétés manufacturières n'ont pas de grosses marges bénéficiaires qui leur permettraient de faire ces investissements en nouvelles technologies. Voilà pourquoi les investissements ont ralenti et la performance environnementale s'est stabilisée. Depuis 2000, l'efficience énergétique et la réduction des émissions ne changent plus. C'est parce qu'il y a des pressions sur les profits.
Voici ce que je pense des profits. Avec une équipe de production typique travaillant huit heures, combien de temps faut-il au manufacturier pour couvrir ses frais d'exploitation, ses frais financiers, l'amortissement de son capital et ses charges fiscales? L'an dernier, il lui fallait sept heures et 52 minutes. En moyenne, l'entreprise manufacturière a donc huit minutes pour gagner de l'argent. C'est l'argent qui est consacré aux investissements en nouvelles technologies — pas seulement en nouvelles technologies mais aussi en nouvelles gammes de produits, en formation professionnelle, en innovation, en pénétration de nouveaux marchés, c'est-à-dire dans tout ce qu'une entreprise doit faire pour être compétitive aujourd'hui sur un marché international très véloce.
Voilà pourquoi les investissements et la réduction des émissions ne s'améliorent plus. Ce qu'il faudrait faire, au lieu de taxer les entreprises et de leur prendre encore plus d'argent, c'est leur fournir des incitatifs pour qu'elles fassent plus d'investissements en nouvelles technologies et obtiennent plus de réductions des émissions de GES.
Le secteur manufacturier du Canada est en danger. Nous avons assisté à des fermetures d'usines — près de 3 000 au cours des deux dernières années. Les marges bénéficiaires sont minuscules. Or, nous avons 2,1 millions de citoyens dont le gagne-pain dépend du secteur manufacturier. Pour chaque Canadien employé dans le secteur, il y en a trois autres dans le secteur des services, le secteur agricole et le secteur primaire dont le gagne-pain dépend du secteur manufacturier. Il faut redresser la barre. Il faut prendre des mesures favorables à l'environnement tout en veillant à ne pas saper l'une des assises cruciales de l'économie canadienne.
On peut faire ce qu'il faut sur le plan environnemental si on se fixe des objectifs réalistes de réduction des émissions — en tenant compte de ce que les technologies peuvent offrir —, si on fournit des incitatifs pour l'investissement et si on met en place un système de vérification de conformité aussi simple, efficient et peu dispendieux que possible. L'une de nos principales préoccupations est de ne pas nous retrouver avec une mosaïque de systèmes de réglementation des émissions aboutissant à augmenter encore plus les coûts de conformité qui ne sont pas facturés directement, sous forme de taxes, mais sous forme de systèmes différents d'inspection, de mesure, et cetera. Tout cela doit être mis en place mais faisons-le de manière harmonisée d'un bout à l'autre du pays pour que ce soit aussi simple et aussi bon marché que possible.
En bref, je ne pense pas que l'objectif de Kyoto puisse être atteint s'il s'agit d'obtenir une véritable réduction des émissions au Canada. On pourra probablement l'atteindre si on est prêt à dépenser 25 milliards de dollars par an au cours des prochaines années pour installer de nouvelles technologies en Chine et en Russie et réindustrialiser des pays en expansion rapide et de plus en plus compétitifs.
On ferait mieux de dépenser cet argent ici même, au Canada, pour réduire réellement nos propres émissions. Toutefois, faisons-le selon un échéancier réaliste, avec des incitatifs encourageant les entreprises à investir, avec un système de réglementation cohérent, avec des objectifs et des mesures cohérents du point de vue de la technologie, concordant avec les cycles d'investissement et recueillant l'appui des Canadiens. En dernière analyse, le secteur industriel est au service des Canadiens. C'est le mode de vie des Canadiens qui compte dans cette affaire. Les principales questions sont les suivantes : quelles sont nos options? Quelles sont nos options en matière de sources d'énergie? Quelles sont nos options en matière de systèmes de transport?
Le secteur manufacturier peut être la solution à tout cela mais nous devons prévoir les bons incitatifs pour encourager la continuation des progrès et ne pas prendre des mesures antiproductives.
[Français]
Eli Turk, vice-président, Association canadienne de l'électricité : Monsieur le président, membres du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, je vous remercie pour l'occasion qui m'est offerte de m'adresser à votre comité pour parler de l'enjeu des changements climatiques et du rôle du secteur de l'électricité.
[Traduction]
L'Association canadienne de l'électricité (ACE), qui a été fondée en 1891, est le forum national et la voix de l'industrie de l'électricité au Canada. Cet organisme compte dans ses rangs un fort noyau d'entreprises de production, de transport et de distribution. En outre, des grands fabricants d'équipement électrique, des sociétés de génie-conseil ainsi que plusieurs autres entreprises en font partie.
Le secteur canadien de l'électricité souscrit à l'objectif de réduire les changements climatiques mondiaux, mais estime que nous devons procéder d'une manière pratique et efficace et en conformité avec nos réalités économiques et régionales, avec les cycles de renouvellement de nos immobilisations et avec la commercialisation des technologies.
Les sociétés membres de l'ACE se sont engagées à prendre des mesures efficaces en matière de changements climatiques et à fournir un service d'électricité fiable, abordable et durable aux Canadiens d'un océan à l'autre. Les secteurs résidentiel, commercial et industriel consomment de l'énergie électrique à grande échelle et de manière continue, de sorte que la capacité de l'industrie à fournir un service fiable est vitale si nous voulons assurer la croissance de l'économie et la prospérité future du Canada. La croissance de la demande d'électricité rend le défi encore plus grand.
L'histoire récente montre que la demande d'électricité a augmenté de 1 à 1,5 p. 100 par an au cours de la dernière décennie. En outre, selon des prévisions récentes, elle augmentera au même rythme au cours de la prochaine. Cette croissance est inévitable. Les nouveaux appareils sont plus efficaces mais la croissance démographique et économique entraîne la création de nouvelles entreprises ainsi que la construction de nouveaux bâtiments et installations industriels qui ont tous besoin de plus d'électricité. C'est pourquoi il nous faudra procéder à de nouveaux investissements dans la production, le transport et la distribution d'électricité afin de continuer à alimenter une économie en expansion. On prévoit que le Canada devra augmenter son offre d'électricité de près de 60 000 MW d'ici à 2020 afin de combler à la fois les besoins liés à la croissance de la demande et à la fermeture de vieilles centrales.
Au cours de la dernière décennie, le secteur de l'électricité a enregistré des progrès importants en ce qui a trait à la gestion de ses émissions atmosphériques et à ses investissements dans le développement de technologies plus propres et plus efficaces. Il a réduit ses taux d'émission d'oxydes d'azote, de dioxyde de soufre et de particules — des polluants courants à l'origine de problèmes liés à la qualité de l'air comme les pluies acides et le smog urbain. Ses émissions de gaz à effet de serre sont également en voie de stabilisation. À l'échelle nationale, le réseau d'électricité du Canada affiche une intensité de GES d'environ 220 t/GWh, ce qui est sensiblement moindre que l'intensité de GES des réseaux électriques de la plupart des pays développés et en développement. Le premier groupe de production au charbon axé sur la technologie de combustion supercritique de l'Alberta, Genesee 3, qui est la propriété conjointe d'EPCOR Utilities et de TransAlta, témoigne de ces progrès. Ce groupe consomme moins de charbon et fonctionne à des températures plus élevées que les chaudières classiques. Ses rejets de CO2 sont d'environ 18 p. 100 moindres que ceux de la moyenne des installations au charbon de l'Alberta. Il n'existe cependant pas de voie technologique unique pour réduire la demande d'énergie et les impacts environnementaux. Pour mettre en œuvre une démarche durable en matière de changements climatiques, il faut miser sur tous les modes de production d'énergie et sur toutes les technologies connexes de transport, de distribution et d'utilisation finale.
Les membres de l'ACE adhèrent à l'objectif d'implanter des mesures nationales efficaces en matière de changements climatiques en fonction du renouvellement des immobilisations et de la commercialisation des technologies. Compte tenu de la longue durée de vie des installations de production et de la non-disponibilité actuelle de solutions technologiques vigoureuses permettant de limiter les émissions de CO2 des installations en place, une éventuelle politique nationale en matière de changements climatiques devra préserver la diversité des sources d'énergie régionales, favoriser l'intensification des investissements dans les nouvelles technologies, promouvoir des mesures d'efficience énergétique et réduire les obstacles réglementaires aux nouveaux projets.
La diversité des sources d'énergie à l'échelle régionale constitue un atout important — une solution qui convient à une région pouvant ne pas s'appliquer à une autre pour des motifs liés à la disponibilité des ressources et à des contraintes techniques. La Colombie-Britannique, le Manitoba, le Québec et Terre-Neuve sont riches en hydroélectricité. L'Alberta, la Saskatchewan et la Nouvelle-Écosse misent principalement sur le charbon. L'Ontario et le Nouveau-Brunswick comptent un parc bien établi de centrales nucléaires parmi leurs sources d'énergie, lesquelles comprennent également l'hydroélectricité, le charbon et le gaz. L'Île-du-Prince-Édouard a quant à elle développé sa propre capacité éolienne pour suppléer à l'électricité que lui fournit le Nouveau-Brunswick. L'éolien et d'autres énergies renouvelables en émergence sont en voie de déploiement dans toutes les régions du pays. Outre cette diversité, on constate des différences dans les types mêmes de combustibles. C'est le cas, par exemple, du charbon : certaines provinces utilisent du charbon bitumineux alors que d'autres utilisent du charbon subbitumineux et du lignite. Bref, il est essentiel de préserver la diversité actuelle dans tout le réseau canadien — cette diversité qui reflète la disponibilité de différentes sources d'énergie dans des régions différentes.
Il va de soi que des pressions environnementales sont liées à chaque technologie de production — il n'y a aucune exception à cette règle. Il en va de même du transport et de la distribution d'électricité, et des efforts sont faits pour les limiter au minimum. Mais qu'il s'agisse de la production ou du transport et de la distribution, nous ne devons pas oublier que l'amélioration de la performance environnementale exige des investissements importants. Cela implique des investissements dans les nouvelles technologies, des investissements dans des mesures en vue d'améliorer le rendement des technologies existantes ainsi que des investissements dans des initiatives d'amélioration de notre efficacité énergétique.
Les Canadiens ont besoin d'électricité; ils veulent que celle-ci leur soit offerte à un prix raisonnable, qu'elle leur soit livrée de manière fiable et qu'elle soit respectueuse de l'environnement. L'atteinte de ces buts exige un apport constant de ressources en capital dans l'industrie. Le développement, la démonstration et la commercialisation de technologies sont essentiels à la réduction des émissions de GES dans le secteur de l'électricité. Nous croyons que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer de concert avec le secteur de l'électricité afin de commercialiser les technologies prometteuses, telles que la gazéification intégrée à cycle combiné, ou GICC, et la combustion par oxycombustible avec captation des CO2 ainsi que d'autres technologies d'énergie renouvelable classiques et émergentes. Le soutien par le gouvernement fédéral du développement et du déploiement des technologies est important.
Le financement des technologies est particulièrement crucial aux étapes de la démonstration et de la commercialisation où le risque financier est trop élevé pour pouvoir être absorbé par quelque promoteur que ce soit. En faisant les bons investissements maintenant, le Canada peut favoriser d'importantes innovations technologiques au cours de la prochaine décennie pour permettre, à long terme, des réductions durables des émissions de GES.
La solution aux changements climatiques peut aussi comprendre l'efficacité énergétique et la gestion de la demande. Le gouvernement fédéral, en partenariat avec les provinces et territoires et avec l'industrie, pourrait jouer un rôle central dans la coordination et la promotion de mesures d'efficacité énergétique et dans l'avancement des technologies contribuant à réduire la demande finale. Un engagement à long terme et soutenu à l'égard de politiques et de programmes d'efficacité énergétique est nécessaire pour assurer la transformation du marché. Des gains importants ont été réalisés au chapitre des normes de bâtiment et du perfectionnement de l'équipement d'utilisation finale. Il faut toutefois faire davantage. Les partenariats gouvernement-industrie peuvent faire en sorte que le soutien soit dirigé vers les domaines de développement les plus prometteurs et que l'accent soit gardé sur les domaines où les besoins sont les plus importants.
Le fardeau et les retards liés à la réglementation, y compris le dédoublement des processus, entraînent des pertes d'occasions et des hausses de coûts et ils nuisent à la capacité de construire des infrastructures essentielles en vue de répondre aux attentes de la clientèle. Il est essentiel de réduire les obstacles réglementaires à l'aménagement de nouvelles infrastructures électriques si nous voulons à la fois limiter notre empreinte environnementale et combler les besoins en électricité des Canadiens. Nous devons faire en sorte que les calendriers réglementaires d'approbation des projets soient clairs, cohérents et coordonnés. S'il est mis en place correctement, le nouveau Bureau de gestion des grands projets peut jouer un rôle déterminant à l'égard de l'atteinte de ces objectifs.
Dans l'étude du projet de loi C-288, il importe que le comité tienne compte de ces messages fondamentaux. Une démarche durable de réduction des émissions de GES exige que tous les secteurs et tous les particuliers fassent leur part à court, moyen et long terme. Le cadre de cette action doit être pratique et fondé sur les réalités régionales, sur les cycles de renouvellement des immobilisations, sur le développement et la commercialisation des technologies et sur la modification des comportements de tous les Canadiens.
Merci de votre attention, monsieur le président. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Le sénateur Spivak : Monsieur Myers, chacun sait que la concurrence est vive dans le secteur manufacturier aujourd'hui. La question importante, pour le comité, concerne un échéancier raisonnable car nous n'avons peut-être pas beaucoup de temps. Selon Jim Hanson, de la NASA, nous n'avons peut-être qu'une dizaine d'années pour agir avant qu'il soit trop tard.
Vous dites dans votre mémoire, au sujet des :
Grands émetteurs finaux...
ceci concerne les grands émetteurs finaux,
... que le système des GEF aura été « efficace » en permettant au Canada de respecter une partie de ses obligations en vertu de Kyoto grâce à l'achat de crédits d'émissions. C'est le seul programme « efficace » à avoir été annoncé jusqu'ici. Il n'aura cependant guère contribué à améliorer l'environnement.
Je pense que vous vous trompez car l'environnement est global. Par exemple, si Alcan se mettait à vendre des fourneaux solaires aux pays en développement, cela réduirait les émissions de gaz à effet de serre. Je m'interroge cependant sur la pénalité de 15 $ la tonne. Toutefois, je veux faire une remarque. M. Lazar, de l'Association des produits forestiers du Canada, affirme que la chose la plus importante, et de loin, est de permettre l'amortissement accéléré des dépenses d'immobilisation. Qu'en pensez-vous? À mon avis, ce serait plus utile qu'une réduction de la TPS. Que penseriez-vous donc d'une pénalité fixée à 30 $ la tonne? D'aucuns disent que c'est le montant qui serait nécessaire pour donner un incitatif aux crédits d'émissions. En outre, l'argent n'irait pas nécessairement à la Russie ou à la Chine, il pourrait aller ailleurs. Comme le système est transparent, on aurait l'assurance que ces crédits sont correctement utilisés.
M. Myers : Nous sommes tout à fait en faveur de l'instauration d'un système encourageant les entreprises canadiennes à transférer les technologies environnementales à l'étranger. Ce serait un élément très important d'une solution globale. Votre question concerne la valeur des crédits d'émissions.
La raison pour laquelle on parle de 15 $ la tonne ou de 30 $ la tonne n'a strictement rien à voir avec le coût de mise en œuvre des nouvelles technologies. Cela a tout à voir avec l'établissement d'un plafond qui limiterait l'exposition des entreprises ou des consommateurs canadiens dans un système d'échanges internationaux. Nous parlons de 15 $ la tonne parce qu'il n'y a pas encore actuellement de marché international efficace des crédits de carbone, parce qu'il n'y a pas encore de système mondial plafonné d'échange de crédits. Par conséquent, on pourrait facilement acheter à un certain moment des crédits d'émissions à un prix aussi élevé que 30 $ la tonne puis voir le marché s'effondrer en Europe et le prix tomber à deux dollars la tonne. Beaucoup d'investisseurs subiraient de grosses pertes et cela me dit que nous n'avons pas encore de marché efficace et bien réglementé. Si nous en avions un, le cours des crédits d'émissions monterait jusqu'au coût minimum de la technologie mise en place. Autrement dit, le prix des crédits d'émissions refléterait les nouvelles solutions technologiques.
Si l'on examine la situation des Alcans de ce monde et des autres grandes entreprises canadiennes qui investissent à l'étranger, on voit que le coût de ces technologies est largement supérieur à 15 $ la tonne. Si l'on veut vraiment instaurer un système efficace, il ne faut pas réglementer ce marché. Il faut laisser le marché fonctionner mais en réalisant que le coût des crédits d'émissions sera largement plus élevé que 30 $ la tonne. Il atteindra probablement très vite le niveau de 135 $ à 150 $ la tonne — parce que c'est le prix des crédits d'émissions si l'on se base sur les systèmes d'échanges d'émissions pour différentes entreprises.
Nous n'avons pas vraiment beaucoup plus à faire pour développer ce marché. C'est très important. Les mécanismes de marché sont les seuls qui nous permettent de fournir les incitatifs et la technologie, mais ça coûtera très cher. Franchement, un prix de 15 $ la tonne n'est pas un prix de marché efficace pour stimuler le comportement voulu, pas plus que 30 $ la tonne. Si on est prêt à envisager un prix plus élevé, il importe d'être parfaitement conscient des conséquences économiques.
Votre question portait aussi sur l'amortissement accéléré. C'est un élément extrêmement important si l'on veut remplacer l'équipement désuet par de l'équipement neuf dans les secteurs de la fabrication, de l'électricité ou autres, et même chez les consommateurs. Dans le dernier budget, le gouvernement a annoncé un amortissement en deux ans pour le secteur de la fabrication. En soi, cette mesure sera probablement beaucoup plus efficace pour réduire les émissions qu'une approche réglementaire. C'est le type d'incitatif dont les entreprises ont besoin. Par contre, le problème de la mesure annoncée dans le budget est qu'on donne essentiellement deux ans aux entreprises pour en tirer parti. Or, il est très difficile à une entreprise de planifier, d'obtenir, d'adapter et de mettre en place les technologies requises — et il faut qu'elles soient opérationnelles pour pouvoir tirer parti de cette disposition d'amortissement accéléré — dans un délai aussi court. Les investissements en nouvelles technologies sont un incitatif extrêmement important pour favoriser le type de rotation du capital dont M. Turk et moi-même parlions, mais il faut faire ça sérieusement en voyant comment on pourrait prolonger la période d'application de la mesure pour que ces investissements puissent être réalisés sur une période plus longue.
Le sénateur Spivak : Pensez-vous que le comité pourrait exercer une certaine influence à ce sujet?
M. Myers : Ce serait très important.
Le sénateur Spivak : Wal-Mart vient de lancer un programme accéléré avec ses fournisseurs. Elle a déjà fait énormément sur le plan du transport, ce qui lui a fait économiser des tonnes d'argent. D'après vous, quel sera l'effet sur les sociétés canadiennes de fabrication?
M. Myers : C'est un excellent exemple de la manière dont un client important force les manufacturiers canadiens à améliorer leurs systèmes de gestion environnementale.
Le sénateur Spivak : Il faut passer sous ses fourches caudines.
M. Myers : C'est ce que font les entreprises et c'est pourquoi elles ont réussi à réduire les émissions.
Le président : M. Myers doit nous quitter à 10 h 15 pour prendre l'avion. Veuillez en tenir compte quand vous posez vos questions.
Le sénateur Mitchell : Je vous remercie de votre présence, messieurs. C'est une séance intéressante. L'une des choses qui ressortent à l'évidence de ce genre de débat — depuis des décennies —, c'est que l'industrie et, souvent, les gouvernements, quand ils discutent de ce genre de choses, le font toujours sur la base du coût le plus élevé possible. C'est clairement ce qui ressort de vos arguments. Pourtant, il existe énormément de données indiquant que, dès qu'on commence à agir, la créativité, l'intelligence, la détermination et l'engagement incroyables des entreprises canadiennes font qu'on arrive toujours à faire le nécessaire, et toujours au moindre coût. Une fois qu'on passe des économistes aux ingénieurs, on passe du coût le plus élevé au coût le plus bas. Nos ingénieurs sont parfaitement capables de faire ça.
En 1973, Lee Iacocca, qui était encore chez Ford, disait au sujet des convertisseurs catalytiques que : « Ça sera la ruine de Ford, ça va entraîner une réduction de 17 milliards de dollars du produit national brut, ça va augmenter le chômage de 800 000 $, ça va réduire de 5 milliards de dollars les recettes fiscales de tous les paliers de gouvernement et certains gouvernements locaux tomberont en faillite ». Évidemment, rien de tout cela n'est jamais arrivé. Au sujet des CFC, DuPont avait dit que le coût dépasserait 135 milliards de dollars rien qu'aux États-Unis et que des pans complets de l'industrie disparaîtraient. Ça n'est jamais arrivé. Au sujet des pluies acides, il devait y avoir une récession qui, bien sûr, n'est jamais arrivée.
Nous venons d'entendre l'Association des produits forestiers affirmer qu'elle a fait six fois mieux que Kyoto sans que ça cause du tort à l'industrie. En fait, ça lui a été bénéfique.
Voici la question que je vous pose à tous les deux : vous et vos industries acceptez-vous la science des changements climatiques? Si oui, il est évident que cette science nous oblige à effectuer un minimum de réductions. Vous dites que vos industries seraient capables d'effectuer certaines réductions mais pas aussi prononcées. Avez-vous des données scientifiques indiquant que le niveau de réduction que vous pourriez effectuer, selon vous, réglerait le problème confirmé par la science des changements climatiques? Acceptez-vous la validité de cette science et, si oui, avez-vous des données appuyant votre affirmation que le niveau de réduction que vous proposez serait suffisant pour résoudre le problème?
M. Turk : Comme je l'ai dit, le secteur de l'électricité est déterminé à agir sur les changements climatiques, c'est un acquis. La question qui se pose est celle de l'échéancier. J'ai dit que notre industrie fait une utilisation très intensive du capital et qu'il y a donc des cycles de rotation du capital. Pour ce qui est de la feuille de route technologique, nous essayons d'accélérer ça le plus possible. La GICC et la combustion à gaz oxygéné sont deux technologies qui pourraient être très importantes pour le Canada, la première surtout en Alberta et la deuxième surtout en Saskatchewan. La Saskatchewan est aujourd'hui un leader mondial en technologie du gaz oxygéné. SaskPower, la société publique provinciale d'électricité, est très agressive à ce sujet. La question est de savoir combien de temps il faudra pour déployer cette technologie pour produire des réductions importantes des émissions de CO2 et, si l'on arrive à capter le CO2, pour les ramener presque à zéro.
La question est de savoir ce que fera le Canada mais, plus important encore, comme l'a dit le sénateur Spivak, ce que fera le reste du monde parce qu'il s'agit d'un problème planétaire. Si vous analysez la gamme des carburants disponibles dans des pays comme la Chine, l'Inde et les États-Unis, vous constatez qu'ils ont des réserves incroyables de charbon. Il ne fait aucun doute que la Chine voudra construire beaucoup de nouvelles centrales au charbon. Pendant toute la période de Kyoto, le Canada construira peut-être deux ou trois nouvelles centrales. En Chine, ça pourrait être deux à trois par semaine.
Le sénateur Mitchell : Voilà un marché extraordinaire pour les sociétés manufacturières canadiennes.
M. Turk : Il est important pour nous d'agir agressivement et de développer la technologie. Le secteur de l'électricité est résolu à le faire. Nos sociétés font partie des chefs de file mondiaux pour l'élaboration de ces nouvelles technologies. Si nous pouvons accélérer ce processus, nous pourrons obtenir des réductions importantes, je n'en doute pas.
Le président : Monsieur Turk, vous avez posé une question théorique : à quelle vitesse l'industrie peut-elle avancer? La réponse est-elle : aussi vite que la Saskatchewan?
M. Turk : Touché, monsieur le président. La Saskatchewan avance très rapidement comme chef de file mondial et d'autres sociétés vont dans le même sens. Toutes les utilités publiques d'électricité thermique du Canada avancent très vite. Elles ont mis sur pied une nouvelle organisation, la Clean Coal Power Coalition, pour accélérer le développement technologique. Je peux donc dire que toutes sont très dynamiques en la matière.
Je suppose que la question devient alors de savoir quand la technologie sera commercialement disponible et adaptable. Ça dépendra du moment où l'une des sociétés de M. Myers viendra voir nos utilités publiques en disant : « Nous pouvons construire une centrale au charbon propre à tel ou tel prix; les coûts de production seront de tant, et nous garantissons les résultats ». Tant qu'une société ne pourra pas confirmer cela par un engagement financier et garantir les résultats, ce ne sera pas commercialisable. C'est ça le facteur déterminant.
Plusieurs des sociétés de M. Myers, par exemple, comme GE, prennent des mesures vigoureuses pour s'implanter sur ce marché. La question est de savoir dans quelle mesure le Canada pourra acquérir l'expertise voulue pour devenir aussi un chef de file mondial capable d'assurer le déploiement de ces technologies. Nous étudions actuellement la possibilité de créer au Canada des centres d'excellence sur la technologie du charbon propre.
Un exemple, encore de la Saskatchewan, est le projet de captation de CO2 de Weyburn. Il s'agit d'un projet de récupération assistée d'hydrocarbures en injectant du CO2 dans les puits existants.
Le président : Nous importons ce CO2 des États-Unis.
M. Turk : Effectivement mais c'est manifestement un projet du Canada pouvant avoir des retombées mondiales. L'Agence internationale de l'énergie s'y intéresse aussi. Le Canada est considéré comme un chef de file mondial dans ce domaine.
Le sénateur Milne : Sauf en ce qui concerne la réduction de ses propres émissions de CO2.
M. Turk : Absolument. Vous avez parfaitement raison.
M. Myers : Ce qui compte, c'est d'accélérer cet investissement dans la technologie. Cet exemple montre qu'il y a à l'évidence d'excellentes occasions d'affaires dans ce secteur pour quiconque sera capable de mettre au point les solutions. La clé est d'accélérer l'investissement.
En ce qui concerne la question sur les données scientifiques, il est parfaitement clair que le climat est en train de changer. Les scientifiques nous montrent que ce phénomène est relié aux gaz à effet de serre. Le problème n'est pas simplement qu'il y a des émissions de gaz à effet de serre mais aussi que nous avons coupé beaucoup d'arbres dans le monde pendant le dernier siècle. De ce fait, nous avons réduit la capacité d'absorption de ce carbone par la nature. C'est aussi un facteur.
Ce qui m'inquiète, pour l'avenir, c'est que les gens qui se penchent sur ces questions nous disent que, même si nous pouvions tous atteindre les objectifs de Kyoto, ça ne ferait que ralentir le processus, ça ne l'arrêterait pas. Quand je parle d'accélérer le développement technologique, je veux dire que nous devons aussi nous demander ce qu'il faut faire pour accélérer notre adaptation. Le climat continuera de changer et nous ferions mieux de nous y préparer.
Ce qui compte avant tout, c'est de mettre les technologies en place et d'agir rapidement. L'industrie forestière, l'industrie manufacturière et plusieurs autres qui ont réussi à atteindre 40 p. 100 de réduction de leurs émissions l'ont fait à l'évidence parce que c'était bon sur le plan commercial. Le message que vous pouvez adresser au gouvernement, aux Canadiens et aux autres paliers de gouvernement est qu'il nous faut des politiques harmonisées avec cet objectif. Je vais vous donner un exemple.
Ballard Power Systems. Nous avons injecté 10 millions de dollars dans une entreprise qui possède une technologie extraordinaire mais c'est Chicago qui l'a prise pour lancer des projets pilotes d'autobus propulsés par des piles à combustible. Nous semblons être incapables de mettre en place les systèmes d'approvisionnement, les politiques et les mesures requises pour tirer parti des succès technologiques réalisés au Canada même. Les technologies canadiennes sont plus fréquemment utilisées à l'étranger que chez nous. Il est temps de formuler une politique de l'innovation favorisant la commercialisation et l'investissement autant que le leadership et l'harmonisation. Quelqu'un a parlé des occasions existant en Chine. Il nous faut des politiques commerciales garantissant notre accès aux marchés chinois et coréen, par exemple.
Le sénateur Mitchell : Que vos paroles sont douces à mon oreille! Dans tout votre exposé, je n'ai rien vu — et ceci semblera plus critique que je ne veux l'être car j'apprécie beaucoup ce que vous faites — sur l'accélération du processus, sur l'adoption de politiques commerciales par le gouvernement, sur l'harmonisation des politiques publiques pour nous permettre de faire ça et de tirer parti de toute cette technologie. En fait, si c'est ce que vous dites à M. Baird, je ne suis pas surpris de ce qu'il dit publiquement. Il part des raisons pour lesquelles nous ne pouvons pas faire ce qu'il faut faire et pourquoi nous devons ralentir. Dans votre exposé, tout à l'heure, vous parliez aussi des raisons pour lesquelles nous devons ralentir. Maintenant, vous nous dites : « Comment peut-on accélérer? ». C'est bien, nous faisons du progrès.
Quand je vous entends parler de trois centrales électriques par semaine en Chine, je songe immédiatement au marché exceptionnel que ça représente et je me dis que nous ferions mieux d'essayer d'en profiter. Au lieu de cela, nous avons un gouvernement qui n'a aucune idée de ce qu'est le « leadership », un gouvernement qui en est encore au XIXe siècle et qui n'arrête pas de dire : « On ne peut pas faire ci, on ne peut pas faire ça ». Les entreprises comme les vôtres font peut- être des pressions pour lui faire croire que c'est une position crédible mais elle ne l'est pas. Il faut commencer. Je vous remercie donc de votre message positif qui est que nous pouvons commencer à faire des choses.
Pouvez-vous être plus précis? Que pourrait faire le gouvernement pour favoriser la mise au point de la combustion par gaz oxygéné? Que pourrait-il faire pour vous aider à mettre au point la GICC? Que pourrait-il faire pour vous donner la structure ou la politique cadre permettant à l'industrie canadienne d'être concurrentielle dans le monde entier et de devenir un chef de file dans ce secteur très important, ce qui mettrait fin à l'antienne du défaitisme? On ne cesse de dire : « Nous sommes défaitistes, nous ne pouvons pas le faire, c'est beaucoup trop compliqué ». Non, ce n'est pas trop compliqué. Nous devons le faire et nous en sommes capables. Je crois que j'ai plus confiance que vous en vos capacités.
M. Myers : C'est ce que nous disons à M. Baird et que nous avons dit aussi à M. Dion. Vous trouverez aux pages 16 et 17 de notre mémoire nos recommandations sur les mesures à prendre pour accélérer les progrès technologiques.
Accélérer l'amortissement serait important. On pourrait aussi accorder des crédits fiscaux pour ce type d'investissements ciblés.
Quels sont les 10 principaux problèmes au Canada? Je dirais que Nanticoke est sur la liste. Quels sont les 10 problèmes qu'il serait facile de résoudre? Au lieu d'investir beaucoup d'argent en R-D, ce qui est au demeurant fort bien, nous pourrions investir des milliards de dollars pour trouver des solutions aux problèmes de l'électricité.
J'habite à Guelph. Pour me rendre à mon bureau situé près de l'aéroport de Toronto, je n'ai pas d'autre choix que l'automobile. Si je veux aller à l'aéroport, je dois prendre un véhicule motorisé. Il devrait y avoir d'autres options. Nous vivons depuis trop longtemps dans un monde d'énergie bon marché. Nous avons bâti une culture, nos communautés et notre mode de vie en fonction de ça mais la situation va changer très rapidement. Il faut vraiment envisager une réglementation, par exemple.
Toronto ne veut pas se doter de systèmes de vaporisation des déchets parce que les écologistes disent au conseil municipal que ce serait nuisible pour l'environnement, et c'est pourquoi nos déchets sont envoyés dans des sites d'enfouissement au Michigan et à London. Les sites d'enfouissement sont aujourd'hui l'une des sources d'augmentation la plus rapide des gaz à effet de serre.
Dans les autres villes, quand on prend des mesures pour améliorer l'environnement, les taxes foncières augmentent.
L'un des éléments clés est que nous devons déployer des efforts concertés pour stimuler non seulement ces investissements mais aussi l'adoption d'une réglementation cohérente, d'une réglementation dans laquelle un palier de gouvernement ne pénalise pas les gens qui essayent de faire des progrès grâce à des règlements adoptés pour des raisons totalement différentes. Le message est que nous devons harmoniser nos interventions. Personne n'installera un nouveau système d'électricité ou ne construira une usine à utilisation moins intensive de carbone sans passer par un processus incroyablement compliqué d'approbations environnementales, locales et municipales. Il est grand temps d'accélérer ce processus car ce serait bon pour l'environnement et pour l'économie.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Myers, vous dites que le comité pourrait transmettre ce message. Je serais ravi de vous entendre le transmettre à M. Baird et à M. Harper — vous entendre leur dire que le gouvernement devrait cesser de vous dire ce que vous ne pouvez pas faire et devrait cesser d'être un obstacle. Vous pourriez leur demander d'instaurer une politique et une structure qui permettraient à votre industrie de faire ce que vous savez qu'elle peut faire. Le comité leur transmettra le message. Le faites-vous aussi?
M. Myers : Oui, nous communiquons aussi ce message.
Le sénateur Mitchell : Manifestement, il ne passe pas. M. Baird a comparu devant notre comité et a dit des choses semblables à celles de votre exposé liminaire — ce n'est pas faisable.
Le sénateur Adams : J'étais électricien, autrefois. Je suis sénateur depuis 30 ans. Je ne sais pas si le public comprend bien ce que coûte l'utilisation des frigidaires, des cuisinières, des sécheuses et de tous les appareils ménagers. Les sécheuses n'ont pas beaucoup changé au cours des années. Elles utilisent toujours autant de kilowatts, je crois. Le système de chauffage est peut-être un peu meilleur. C'est la même chose avec les ampoules électriques. Il y a un mois, j'ai vu un document sur les nouvelles ampoules qu'on trouve aujourd'hui, où l'on disait qu'elles peuvent être dangereuses à cause de la surchauffe et du risque d'incendie. Le problème est qu'elles peuvent être installées dans n'importe quelle lampe. On peut mettre une ampoule de 300 watts dans une lampe en porcelaine. Dans certains cas, on indique une limite en watts. J'ai entendu parler de gens dans le Nord installant des ampoules de 100 watts dans des lampes à 60 watts. Comment pourrait-on mieux contrôler ça? Ne serait-il pas possible de mieux coordonner la capacité des lampes avec celle des ampoules disponibles? C'est particulièrement important dans le Nord où les nuits sont parfois très longues et où l'électricité coûte très cher. Au Nunavut, nous payons plus de 0,45 $ le kilowatt.
On pourrait peut-être envisager d'utiliser les lacs et les rivières et même la mer comme source d'énergie à l'avenir. Parfois, quand je suis en avion au-dessus de cette région, je regarde par le hublot et je vois ces immenses étendues d'eau entre les îles avec un courant et une marée. La marée change toutes les six heures. Ce serait être idéal pour installer des centrales marémotrices. Nous devrions étudier de telles possibilités pour l'avenir. Le ministère de l'Énergie du Nunavut devrait se pencher là-dessus.
Les gens ne remplacent pas leurs ampoules électriques par des ampoules plus efficientes à puissance moins élevée comme le font les gouvernements et les commerces, et c'est un problème. Les systèmes d'éclairage des nouvelles maisons devraient être des systèmes utilisant des ampoules à puissance réduite, et les fabricants devraient rendre ces ampoules plus disponibles.
M. Turk : Merci, sénateur. En ce qui concerne votre première remarque sur votre association au secteur de l'électricité, nous pensons qu'être associé au secteur de l'électricité est un tremplin extraordinaire vers de hautes fonctions au Canada.
Comme vous le savez, sénateur, j'ai passé beaucoup de temps au Nunavut et je suis allé plusieurs fois à Grace Fjord. Je suis sensible à vos remarques sur le coût de l'énergie dans le Nord et sur le fait que les sources d'énergie y sont limitées. Évidemment, nous nous penchons sur quelques options intéressantes. Je discutais récemment avec le président de la Nunavut Power Corporation et l'hydroélectricité offre un certain potentiel. Des représentants de la société sont allés voir ce qui se fait au Groenland. Vous avez parlé d'énergie marémotrice et c'est un autre secteur dans lequel les sociétés canadiennes sont des chefs de file mondiaux. Nova Scotia Power exploite une usine marémotrice et étudie actuellement le potentiel de l'énergie sous-marine, similaire à l'énergie éolienne. Le Canada est un chef de fil mondial dans ce secteur.
Pour revenir à ce que vous disiez sur la technologie et l'efficience énergétique, il est incontestable que ce sont des éléments cruciaux. Comme le disait plutôt M. Myers, les exemples les plus clairs comprennent les réfrigérateurs hyper efficients. Si l'on examine les courbes de consommation d'énergie, on voit que les réfrigérateurs sont des candidats idéaux pour réduire la consommation d'énergie. Comme l'a signalé M. Myers, si votre vieux réfrigérateur se retrouve dans votre sous-sol pour conserver la bière, vous ne faites vraiment aucune économie — cela dit sans vouloir critiquer les brasseries. Ce que je veux dire, sénateur, c'est qu'il est important d'adopter des politiques sur ces questions. Par exemple, Hydro-Ottawa à un programme très agressif de reprise des appareils ménagers pour inciter les consommateurs à les remplacer. Il s'agit de se débarrasser de la vieille technologie consommant beaucoup d'énergie pour la remplacer par une technologie plus efficiente. Le simple fait d'ajouter la nouvelle technologie à l'ancienne ne nous fait pas avancer.
Les laveuses, les sécheuses, les réfrigérateurs et les ampoules électriques sont particulièrement bien placés si l'on veut rehausser son efficience énergétique. L'éclairage des commerces représente près de 14 p. 100 de la consommation d'énergie. Le rééquipement des immeubles est également un secteur clé. On a beaucoup fait dans le Nord pour rehausser l'efficience énergétique de l'éclairage des immeubles. Je suis parfaitement d'accord avec vous, sénateur, et nos entreprises mènent une action très dynamique à cet égard et continueront de le faire.
Deux sociétés, Hydro-Manitoba et BC Hydro, ont un programme favorisant l'efficience énergétique. Les informations relatives à ce programme ont été exportées pour démontrer ce qu'on peut faire pour promouvoir l'efficience. Nous avons fait certains progrès mais il y a encore beaucoup à faire sur le plan des comportements et de la technologie.
M. Myers : Vous soulevez quelques éléments très intéressants qui soulignent l'importance de remplacer les vieux appareils dans les entreprises et chez les particuliers. L'automobile en est un très bon exemple. En moyenne, les automobiles de cette année sont 35 fois plus efficientes que celles d'il y a 10 ans. Si nous tenons vraiment à réduire les émissions, nous devrions encourager chaque Canadien à acheter un nouveau véhicule. Ce serait bon pour cette industrie. Évidemment, il faudrait aussi se débarrasser des vieux véhicules car, si on ne le fait pas, c'est comme mettre son réfrigérateur au sous-sol pour garder la bière. Ça ne nous fait pas beaucoup avancer. Nous devons nous concentrer sur ce qui marche et c'est une question de technologie mais aussi de remplacement du vieux par du neuf.
L'autre facteur intéressant est celui des effets secondaires. Avec les nouvelles ampoules, par exemple, il y a un problème de mercure. Comment va-t-on se débarrasser du mercure? Si nous cherchons de nouvelles sources d'électricité, le nucléaire est manifestement une option très importante mais il pose des problèmes environnementaux, tout comme l'hydroélectricité. Si vous installez des systèmes réduisant le smog des processus industriels, vous allez consommer plus d'énergie et, par conséquent, émettre plus de gaz à effet de serre. Il faut tenir compte de tout. Il y a des compromis environnementaux. Nous devons trouver le moyen d'intégrer tous ces facteurs environnementaux à ce que nous faisons avec la technologie. C'est une question très complexe.
Sénateur, nous discutons avec les ministères provinciaux et fédéraux pour essayer de trouver des solutions. Nous avons longtemps discuté avec l'ACDI pour structurer notre aide au développement en fonction de l'amélioration environnementale afin de veiller à ce que l'industrie canadienne en fasse partie. Notre message n'a pas été entendu par l'ACDI mais il a été entendu par AusAID. Lorsque le tsunami a frappé l'Indonésie, AusAID, en partenariat avec l'association australienne des manufacturiers et l'association australienne de l'industrie, a organisé un concours sur la création d'une maison ne coûtant que 100 $. Aujourd'hui, le prix a baissé à 80 $ U. S. Toutes les parties intéressées ont contribué au concours et de nouvelles technologies ont été mises au point. Nous ne parlons pas ici d'une quelconque baraque mais d'une maison répondant aux normes, avec des connexions Internet. Ce sont des maisons fabriquées en fonction des normes, l'objectif étant évidemment de pouvoir construire des maisons pour les Indonésiens. Pourquoi ne ferait-on pas la même chose au sujet de l'efficience énergétique? On pourrait fixer une norme et donner aux entreprises une raison de mettre au point les technologies.
Comme l'a dit M. Turk, en fin de compte, même si les technologies existent, la question est de savoir si elles sont compétitives. Notre priorité devrait être non seulement de mettre au point de nouvelles technologies mais de s'assurer qu'elles sont compétitives sur le plan financier.
Le président : Cette maison ne pourrait malheureusement pas être construite partout.
M. Myers : Probablement pas mais peut-être à 200 $.
Le sénateur Adams : Je m'intéresse à ces ampoules électriques et à la manière dont les gens pourraient les utiliser. Ils pourraient remplacer une ampoule de 100 watts par une ampoule de 25 watts et obtenir le même éclairage mais à condition d'installer la bonne protection. J'étais électricien, autrefois, et j'ai travaillé avec des régulateurs de tension. Si l'on n'installe pas les bons appareillages de protection, on risque d'avoir des problèmes.
M. Turk : Sénateur Adams, plusieurs fabricants ont pris de gros engagements financiers pour mettre au point cette nouvelle technologie. Je suppose qu'ils auront tenu compte de ce genre de préoccupation.
Le sénateur Angus : Messieurs, nous sommes tous d'accord en ce qui concerne les objectifs. Je vous rappelle que nous sommes ici pour parler du projet de loi C-288 et que nous vous avons invités pour savoir si vous avez des recommandations à faire à ce sujet. Je vous pose la question à tous les deux. Monsieur Myers, vous avez parlé d'échéancier réaliste. Je ne sais pas ce que pourrait être un échéancier réaliste pour l'industrie manufacturière ou pour les citoyens. Monsieur Turk, vous avez vous aussi parlé de réalisme et d'adopter la meilleure démarche possible pour le Canada. Si je vous ai bien compris, les marchés de crédits ne sont pas la bonne solution. Ce qu'il faut faire, c'est réduire les émissions ici même, au Canada, réduire le CO2, et non pas acheter des crédits et atteindre nos objectifs en aidant les autres. Que pouvez-vous ajouter à ce sujet, dans le contexte du projet de loi?
M. Myers : Pour ce qui est Dun échéancier réaliste, le débat sur Kyoto a permis à tous les secteurs industriels de se faire une bien meilleure idée des technologies disponibles, de ce qui est faisable sur le plan des investissements et de ce qui pourrait être fait à échéance de cinq ans ou plus en matière de réduction des émissions. Chaque secteur industriel est différent. Chaque secteur met au point des technologies correspondant à ses besoins. Ce qu'il faut faire, c'est adapter les échéanciers aux technologies qui sont appropriées pour chaque secteur.
Soyons clairs. Si nous voulons atteindre les objectifs de Kyoto en matière de réduction des émissions au Canada, cela oblige à réduire de 30 p. 100 notre consommation d'énergie fossile au cours des cinq prochaines années. Si nous attendons 2010 pour ce faire, ça représentera une réduction de 40 p. 100 en deux ans. Je ne pense pas que ce soit réaliste. Je ne pense pas que nous pourrions obtenir les approbations voulues. Si je reprends l'exemple du secteur de M. Turk, même si nous pouvions remplacer 30 p. 100 de la consommation de combustibles fossiles par le nucléaire, nous ne pourrions certainement pas obtenir les approbations voulues. Donc, atteindre les objectifs de Kyoto par la réduction des émissions au Canada même serait un défi énorme.
Certes, nous pourrions probablement payer pour nous en sortir et le Commissaire à l'environnement et au développement durable estime que ça coûterait probablement 25 milliards de dollars, mais il y a sans doute des moyens de faire ça en profitant en même temps des possibilités commerciales à l'étranger par le transfert technologique. Nous avons de gros problèmes environnementaux au Canada. Il serait plus efficace d'investir cet argent dans la mise au point de nouvelles technologies par l'industrie. Ça prendra plus de cinq ans — c'est ça le facteur clé.
En ce qui concerne le projet de loi C-288 et l'objectif de Kyoto, je ne pense pas qu'il soit réaliste. Fixer des objectifs au sujet des investissements à réaliser et des technologies pouvant être mises en place très rapidement, puis nous assurer que nous avons les mesures fiscales et la réglementation adéquates pour favoriser l'innovation — voilà ce qu'il faut faire. Essayez d'obtenir l'adhésion de toutes les provinces en cinq ans pour adopter des réglementations communes en fonction de cet objectif, vous n'y arriverez pas en cinq ans.
Très franchement, nous aurions dû commencer à nous pencher sur ce problème il y a 15 ans mais ça ne s'est pas fait et ça ne se fera pas du jour au lendemain. Or, Kyoto, c'est du jour au lendemain.
M. Turk : Comme je l'ai dit, dans notre industrie, le remplacement des immobilisations est le facteur clé. La question est de savoir à quelle vitesse nous pouvons les remplacer.
Le sénateur Angus : Vous avez parlé d'un cycle.
M. Turk : Nos immobilisations ont une durée de vie de 30 à 50 ans. Quand on envisage ce genre d'investissement, ça représente beaucoup de capital. Il y a deux choses à prendre en compte. La première est de savoir combien de temps il faudrait pour mettre au point de la technologie solide, commercialisable et efficiente. La deuxième, comme l'a dit M. Myers et comme je l'ai dit au début, est de savoir combien de temps il faudrait pour franchir tous les obstacles réglementaires afin de pouvoir déployer ces technologies. Même les projets d'électricité éolienne ou d'hydroélectricité, à faibles émissions, prennent beaucoup de temps à réaliser.
Si l'on parle de charbon propre, il y a aussi un processus réglementaire à respecter et ça peut prendre beaucoup de temps. Ça peut aller de trois à 10 ans. C'est un processus fort long et il est donc très important de ne pas se tromper.
Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, le gouvernement actuel a annoncé la création d'un Bureau de gestion des grands projets, ce qui est une mesure très positive. Nous allons essayer de faire en sorte qu'il soit efficace pour accélérer le processus. Ça ne veut pas dire qu'il y aurait moins de réglementation mais simplement que le processus serait plus efficace et permettrait d'adopter les règlements plus rapidement pour satisfaire les exigences d'une multitude de parties différentes. Il ne s'agit pas de choisir le plus bas dénominateur commun mais plutôt de savoir combien de temps il faudrait pour cerner les problèmes fondamentaux et les résoudre afin d'aller de l'avant dans l'intérêt national. C'est un élément crucial, ça ne fait aucun doute.
Pour ce qui est des objectifs à court terme, il y a là certainement un défi pour notre industrie mais nous déployons beaucoup d'efforts pour mettre la technologie en place. Les entreprises n'attendent pas. Elles réalisent aujourd'hui des investissements pour déployer cette technologie mais il s'agit de gros investissements.
Pour revenir à la question de la technologie et du rôle du gouvernement, voyez aux États-Unis le projet FutureGen par lequel le gouvernement essaye de mettre au point une utilisation commerciale du charbon propre. Le projet est impulsé par l'industrie mais 80 p. 100 des fonds viennent du gouvernement fédéral qui estime qu'il y va de l'intérêt national et qu'il ne faut pas attendre.
L'organisation Asie-Pacifique, qui réunit six pays — l'Inde, la Chine, la Corée du Sud, les États-Unis, l'Australie, et cetera —, est très axée sur la technologie car elle estime qu'il faut accélérer la mise au point de nouvelles technologies pour essayer de résoudre ce problème.
Le volet technologique est très important — accélérer la mise au point de technologies solides et commercialisables. En outre, le processus de réglementation pour assurer le déploiement des technologies est essentiel. Voilà les deux questions clés en ce qui concerne notre secteur, c'est incontestable.
Le président : La discussion d'aujourd'hui aurait été très intéressante si elle s'était tenue il y a de nombreuses années, comme vous l'avez dit, monsieur Myers. Toutefois, la question dont est saisi le comité est de savoir s'il faut recommander au Sénat d'adopter ce projet de loi qui a déjà été adopté par la Chambre des communes. Autrement dit, il faut répondre à la question du sénateur Angus avec votre réponse à la question suivante : devons-nous recommander l'adoption de ce projet de loi?
Le sénateur Angus : C'est exactement ce que j'allais dire. Pour revenir sur ce que disait le sénateur Mitchell, puisqu'il ne faut pas être défaitiste mais positif, notre rôle à l'égard de ce projet de loi et à l'égard des autres qui nous sont soumis est de juger s'ils sont réalistes, s'ils peuvent être appliqués et, sinon, comment les améliorer pour qu'ils le soient.
J'allais donc vous demander — et je crois que ça correspond parfaitement à la question du sénateur Banks — si vos organisations ont étudié ce projet de loi en vue de cette comparution et si vous avez des suggestions à faire pour l'améliorer plutôt que le rejeter car nous n'allons pas le rejeter.
M. Myers : L'objectif même du projet de loi, qui est d'atteindre l'objectif de Kyoto, n'est pas réaliste. Ça fait plus de 10 ans qu'on essaye de trouver des solutions. Je ne pense pas que nous fassions preuve d'obstruction, sénateur Mitchell. Nous avons réellement tenté de mettre l'accent sur ce qui peut marcher. Toutefois, je crains que, si ce projet de loi est adopté et si le gouvernement s'engage à atteindre l'objectif de Kyoto, cela risque de déboucher sur des résultats contre- productifs. À ce moment-là, ça deviendra un boulet pour l'industrie. Ce boulet devra être pris en compte dans les décisions financières et d'investissement. Ce qui risque d'arriver, c'est tout simplement que les investissements en nouvelles technologies ne seront pas faits au Canada mais dans d'autres pays où les entreprises ne sont pas assujetties à de telles dispositions.
Par conséquent, je recommande que ce projet de loi ne soit pas adopté et soit remplacé par un autre texte, avec des objectifs plus réalistes et ambitieux.
Le sénateur Angus : À votre avis, ce projet de loi pourrait avoir de graves conséquences. C'est bien ce que vous dites?
M. Myers : Oui. Il faut être réaliste. Si on se concentre sur les réductions d'émissions, si tous les secteurs de la fabrication, de l'électricité et du pétrole réussissaient à réduire leurs émissions de 30 p. 100 au cours des cinq prochaines années, même si c'était possible, ça n'empêcherait pas que la croissance des émissions des consommateurs dans les autres secteurs de l'économie est tellement grande que cette réduction de 30 p. 100 des émissions industrielles ne représenterait que 10 p. 100 de réduction globale. À l'heure actuelle, nous sommes 30 p. 100 au-dessus. Il y aurait toujours un écart de 20 p. 100. Je ne dis pas non à toutes les mesures progressistes mais c'est ce que montre le graphique.
Le sénateur Angus : À quelle page?
M. Myers : À la page 10 de notre document. Le graphique représente l'ampleur du défi. Comment peut-on renverser en cinq ans une situation qui s'est développée pendant 10 ans pour que cette courbe s'inscrive à la baisse? Je n'ai rien vu, si ce n'est des objectifs angéliques. Je n'ai pas vu la technologie, je n'ai pas vu les investissements et je n'ai pas vu les incitatifs requis pour renverser cette courbe et obtenir une accélération de 700 p. 100 des investissements en nouvelles technologies pour atteindre cette réduction réelle des émissions en cinq ans.
M. Turk : Je me suis penché attentivement sur le projet de loi. Notre organisation n'a pas de position officielle à son sujet mais je peux faire quelques remarques qui sont importantes dans ce contexte. Comme je l'ai dit plus tôt, au sujet des objectifs à moyen terme et à long terme, cela serait un contexte important, sénateur, à l'intérieur d'un cadre plus large. Comme nous venons de l'indiquer, il s'agit incontestablement d'un problème planétaire et, si l'on n'a pas ce cadre international, si la Chine, l'Inde et les États-Unis ne sont pas des participants, il est très difficile de voir comment on peut trouver une solution planétaire. La Chine et les États-Unis seront responsables d'une proportion élevée des émissions futures. Dans ce contexte, ce sera un facteur important pour la décision que votre comité doit prendre.
Le sénateur Angus : Je trouve cela très utile.
Le sénateur Milne : Monsieur Myers, j'apprécie beaucoup les remarques très positives que vous avez faites aujourd'hui. Vous avez fait d'excellentes suggestions sur ce que le gouvernement devrait faire pour améliorer la situation dans le secteur manufacturier. Par contre, je dois dire que le chiffre effrayant de 25 milliards de dollars que vous avez lancé ne m'impressionne pas beaucoup car il me semble que c'est à peu près la même somme qui a été consacrée à la réduction de la TPS et je doute qu'un seul Canadien en ait constaté l'effet dans son portefeuille. Ça ne m'impressionne donc pas beaucoup.
En revanche, vos suggestions positives sont excellentes. Quelle que soit la décision prise sur ce projet de loi, nous devrions sans doute les inclure dans notre rapport pour signaler au gouvernement certaines des choses positives qu'il pourrait et devrait faire.
Le président : Avec les choses que nous recommandons déjà aux gouvernements depuis de nombreuses années.
Le sénateur Milne : Exactement, pour les renforcer. La technique de la répétition reste la meilleure — en espérant un jour être entendus.
Monsieur Turk, je m'inquiète quand je vous entends parler de réduire les obstacles réglementaires. Vous dites qu'il est essentiel de réduire les obstacles réglementaires à la construction de la nouvelle infrastructure d'électricité afin de minimiser notre empreinte environnementale — mais vous n'en restez pas là. Je conviens avec vous qu'il faut accélérer le processus réglementaire. Mon mari travaillait dans le secteur de la transmission de différents types d'énergie sur de longues distances, et mon fils travaille aussi dans ce domaine maintenant. Je connais les obstacles réglementaires qu'il faut franchir et je sais qu'il serait excellent d'accélérer le processus. Toutefois, dès que vous parlez de « réduire », je m'inquiète car je sais ce qui arrive quand on commence à réduire ces obstacles. Il y a des entreprises qui vont en profiter pour foncer en s'intéressant uniquement à leur profit et en se moquant totalement des préoccupations environnementales. Leur seul objectif sera de faire le nécessaire pour atteindre leurs objectifs le plus vite possible.
Je suis donc très inquiète quand on parle de réduire les obstacles réglementaires. Accélérer les processus, oui, mais réduire les obstacles, non. Ce n'était pas vraiment une question mais vous pouvez répondre si vous voulez.
M. Turk : C'est toujours un plaisir de dialoguer avec le sénateur Milne. Je connais bien votre fils et c'est une excellente personne.
Le sénateur Milne : C'est ce que je pense.
Le sénateur Kenny : Et son mari?
M. Turk : Encore meilleure.
Pour que ce soit parfaitement clair, nous ne disons pas qu'il faut faire fi des règles de diligence. Je ne veux pas qu'il y ait de malentendus. Nous pensons que des règles de diligence structurées sur les questions environnementales sont importantes pour veiller à ce que les préoccupations de toutes les parties prenantes soient prises en compte, ainsi que toutes les préoccupations environnementales.
Le problème, et c'est particulièrement vrai dans notre secteur, comme l'a dit M. Myers, c'est que nous réagissons essentiellement à la demande. Si les consommateurs veulent plus d'électricité, nous répondons. Si l'industrie veut plus d'électricité, nous répondons. En fin de compte, c'est un bien public, dans une certaine mesure, et c'est conforme à l'intérêt public. La question est de savoir comment réussir à définir l'intérêt public de manière plus efficiente. Ça ne veut pas dire qu'il faut moins de réglementation mais simplement une réglementation plus efficiente.
Je veux donc absolument éviter de donner au comité l'impression que nous réclamons moins de réglementation. Nous voulons simplement que le processus soit plus efficient. À Ottawa, des ministères différents peuvent avoir des opinions différentes et on n'arrive pas toujours à les concilier. Notre position est qu'il faut que le gouvernement fédéral arrive au bout d'un certain temps à exprimer une position unique sur ce qu'est l'intérêt public. Si nous sommes coincés entre des ministères fédéraux différents pour jouer le rôle de médiateur, je vous dis que ce n'est pas notre rôle et que ce n'est pas efficace. Voilà ce que nous voulons dire.
En outre, bien sûr, il y a aussi des questions de réglementation au palier provincial et au palier municipal. Dans certains cas, des projets d'installation d'éoliennes de certaines de nos entreprises n'avancent pas à cause du palier municipal. Nous aimerions le savoir le plus tôt possible et, si c'est une décision négative, tant pis, mais au moins l'intérêt public aura été défini de manière efficiente. Je répète donc qu'il ne s'agit pas d'échapper aux règles de diligence ou d'avoir moins de réglementation mais simplement de régler ces questions de manière plus rapide et plus efficace.
M. Myers : En ce qui concerne l'action internationale, je dois vous dire tout d'abord que le chiffre de 25 milliards de dollars ne vient pas de nous. C'est une estimation du Commissaire à l'environnement du gouvernement fédéral.
Si nous parlons d'une structure de Kyoto qui favorise l'exportation de technologie canadienne dans des pays comme la Chine, l'Inde, le Brésil et le Mexique, qui ne font pas partie du cadre de Kyoto mais sont responsables de la majeure partie de l'augmentation des émissions, cela amènera certainement à réduire leurs émissions. Nous pourrions donc respecter notre obligation de Kyoto une année, voire faire mieux, parce que nous exportons pour plus de 5 milliards de dollars de ces technologies chaque année. Toutefois, ce n'est pas de cela que nous parlons ici. Le cadre de Kyoto ne permet pas de tenir compte de ce genre de choses.
C'est un autre problème. Si nous voulons vraiment accélérer l'exportation de nos technologies pour réduire les émissions d'une manière qui soit un incitatif pour les entreprises canadiennes, je ne pense pas que le cadre de Kyoto soit un cadre approprié parce que ce n'est pas de cette manière qu'il est structuré. C'est le genre de choses que nous devrions absolument essayer de réaliser.
[Français]
Le sénateur Robichaud : J'ai l'impression d'avoir assisté à deux représentations ce matin. Dans un premier temps, vous dites que la situation était assez alarmante et, dans un deuxième temps, vous faites des suggestions de solutions. Vous dites que certaines des industries que vous représentez ont rencontré et largement dépassé les objectifs parce que sur le plan des affaires, cela faisait du sens. Elles ont fait des profits et ont très bien réussi. Pourquoi les autres industries ne pourraient-elles pas en faire autant?
[Traduction]
M. Myers : Dans tout le secteur de la fabrication, il y a certaines industries, notamment les industries de transformation des ressources, du papier, des produits du bois, de l'aluminium, des métaux non ferreux, de l'acier, du béton, des engrais, de la transformation alimentaire, qui font un usage très intensif de capitaux et d'énergie et qui auraient tout intérêt à devenir plus efficientes sur le plan de l'énergie parce que celle-ci coûte très cher. Voilà pourquoi cette réduction a entraîné des améliorations réelles en productivité et en réduction d'émissions.
Ce sont les grands émetteurs. Il y a en outre dans le secteur de la fabrication des branches secondaires, comme l'automobile, l'informatique, l'électronique, la machinerie, qui ne sont pas de gros utilisateurs d'énergie. Ces secteurs ont aussi réduit leurs émissions mais pas autant que les secteurs de transformation des ressources naturelles.
Le sénateur Robichaud : Y a-t-il des possibilités d'amélioration?
M. Myers : Oui. Il est toujours possible de s'améliorer. Je vais vous dire deux choses que fait notre association pour aider nos membres à s'améliorer.
Tout le monde attache énormément d'importance au profit et à la prestation de valeur au client, ce qui amène à éliminer toutes sortes d'activités sans valeur ajoutée. La consommation d'énergie est un énorme gaspillage. En ce qui concerne les locaux, si l'on peut réduire les stocks, on a moins de locaux d'entreposage à chauffer. Si l'on peut accélérer le processus de fabrication, on utilise continuellement moins d'énergie et on réduit donc l'utilisation d'énergie.
Nous faisons la promotion des bonnes pratiques de gestion comme méthode importante de réduction de la consommation d'énergie et des gaz à effet de serre. C'est une manière importante de gagner plus d'argent puisque ça engendre des économies.
Dans ce contexte, je tiens à mentionner le Programme d'économie d'énergie dans l'industrie canadienne, de RNCan. C'est à ma connaissance le seul programme fédéral qui fasse un très bon travail pour aider toute l'industrie à réaliser des économies d'énergie et, en même temps, à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Un autre programme que je veux mentionner, parce que les déchets d'une industrie peuvent être la matière première d'une autre, est notre programme de déchets-profits. Dans ce contexte, nous mettons des entreprises en contact — une entreprise dont les déchets devraient être éliminés et une autre qui peut les utiliser comme matière première. Cela permet aux deux entreprises de faire des économies tout en réduisant leur empreinte environnementale et leurs émissions. Il y a des méthodes extrêmement novatrices à ce sujet. En fin de compte, la chimie a réduit ses émissions de 40 p. 100; les produits du bois, l'industrie forestière, l'industrie du papier, de 20 p. 100; l'aluminium, de 20 p. 100. Tout cela est extrêmement utile à ces industries. À mon avis, il faut continuer d'encourager ce type de progrès.
Évidemment, on commence avec les choses les plus faciles à faire. Si on fait beaucoup de progrès, il devient de plus en plus difficile et de plus en plus coûteux d'introduire une nouvelle technologie. Si l'on essaye de changer les comportements, pas seulement de l'industrie mais aussi des consommateurs, il faut offrir des incitatifs idoines et c'est ce que nous souhaitons pour l'avenir. Comme je l'ai dit, il est parfaitement logique que l'industrie aille dans cette voie car, quand on réussit à vendre de nouvelles technologies, quand on devient la solution d'un problème, ça élargit considérablement les possibilités de contrats. Ça ne concerne pas que l'industrie. Ça concerne aussi les institutions financières, les avocats, les designers, les ingénieurs, et cetera. Ce qu'il faut, c'est se concentrer sur les solutions et s'assurer que l'investissement donne les résultats voulus.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Le nouveau gouvernement a été forcé d'agir parce que, lorsque ce nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir, l'industrie aurait pu croire qu'on n'avait pas vraiment besoin de se presser parce que le nouveau gouvernement avait dit clairement qu'il ne croyait pas à tout ce problème du changement climatique. Mais avec des pressions de la population, ils ont été obligés de changer et de mettre en place des mesures.
Ne croyez-vous pas, les gens le demandant, que tout le processus que vous avez décrit sera accéléré de beaucoup?
M. Turk : En principe, dans notre secteur, comme je l'ai décrit plus tôt, il y a la question du changement d'infrastructures technologiques. Il est important qu'il y ait un changement de la technologie. Plusieurs de nos compagnies font des investissements très importants pour développer la technologie pour réduire les gaz à effet de serre. Mais dans un deuxième volet, le processus réglementaire est important. Si la technologie était prête pour mettre une nouvelle infrastructure en place, le processus réglementaire peut prendre de trois à dix ans. Cela devient très important.
Nos compagnies sont très intéressées aux questions et aux attentes du public, c'est certain. Plusieurs de nos compagnies dépensent beaucoup d'argent pour tenter de comprendre les attentes du public. Mais je peux vous assurer que les compagnies, depuis plusieurs années, font des investissements pour tenter de réduire les gaz à effet de serre et toutes les démarches qu'on peut prendre, on les prend. Il y a toujours la question de remplacement d'infrastructures et c'est une question clé pour notre secteur. Il y a des opportunités incroyables pour des réductions incroyables. La question est de savoir quel est l'échéancier et comment on peut développer la technologie de façon plus rapide et s'assurer que le processus réglementaire permette de mettre en place les nouvelles technologies.
[Traduction]
M. Myers : C'est une question qui est tout à fait reliée à ce que veulent les consommateurs. L'environnement et la réduction des émissions sont devenus des questions politiques très importantes pour les Canadiens. Il y a un mois, des amies de ma femme avaient organisé une soirée vin et fromage pour discuter d'une question qui leur semblait importante. Elles ont choisi comme sujet Kyoto et la réduction des gaz à effet de serre. Toutes sont convenues qu'il faut faire quelque chose au sujet des changements climatiques et que ces derniers changeront sérieusement notre mode de vie. La soirée se passait à Toronto et chacun est ensuite rentré chez soi au volant de son VUS. Autrement dit, tout le monde pensait que le problème est important mais, en ce qui concerne les modes de vie et les choix que nous faisons tous comme consommateurs, il faut se demander si nous faisons les bons choix pour réduire notre empreinte environnementale. Évidemment, c'est aussi relié aux options dont nous disposons. Comme je l'ai dit, j'habite à Guelph et mon bureau est à Toronto. Je n'ai pas d'autre choix que de passer des heures sur le parking qu'est devenue la 401. Si cette route fonctionnait mieux, je produirais moins de gaz à effet de serre chaque jour à cause de mes aller-retour. Vous pourriez dire que je devrais me rapprocher de Toronto, et ce serait probablement possible mais ça me coûterait très cher. Je pourrais aussi prendre les transports publics mais ça ajouterait à peu près trois heures à un trajet qui me prend déjà deux heures. Quelles sont donc mes options comme consommateur, et quelles sont celles de l'industrie?
Le sénateur Robichaud : Vous pourriez déménager en Alberta.
M. Myers : Oui, je pourrais retourner à Fergus.
Le président : Les loyers de bureaux sont moins chers à Guelph.
Le président : Monsieur Myers, nous allons vous laisser partir car vous avez un avion à prendre. Nous avons déjà dépassé 10 h 15.
Le sénateur Kenny : Ne devrait-il pas plutôt prendre le train pour aller là où il va?
M. Myers : Je dois partir car je vais à Toronto assister à la séance d'information durant laquelle le gouvernement va dévoiler ses objectifs. Nous allons tous prendre l'avion pour Toronto et tous le prendre à nouveau pour revenir trois heures après. Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure chose à faire.
Le président : Je vous remercie beaucoup, monsieur Myers. Monsieur Turk, pouvez-vous rester quelques minutes? Je voudrais vous poser quelques questions sur ce qu'a dit M. Myers. Ensuite, sénateurs, nous aurons immédiatement une très courte séance à huis clos pour régler plusieurs questions internes.
Monsieur Turk, M. Myers vient d'aborder la question fondamentale : que demandent les consommateurs et comment devons-nous y réagir? Je vais lancer une idée et vous demander ce que vous en pensez. Si l'on se penche sur la situation fiscale, à n'importe quel moment, il n'y a aucune différence entre renoncer à un impôt, même si on appelle cela un incitatif, et rédiger un chèque. Pour le gouvernement, c'est exactement la même chose. Il n'y a aucune différence. Vous pouvez rédiger un chèque ou vous pouvez réduire l'impôt. C'est exactement la même chose, sauf que la première solution est plus rapide. Le chèque est envoyé par la poste. La question est de savoir si les gens sont prêts à payer ça.
Vous avez déjà certainement entendu l'argument que je vais présenter. Si l'on veut construire un nouvel hôpital, chacun sait qu'il faut le payer. Si l'on veut augmenter la taille de notre armée, il faut payer. Si l'on veut réparer les routes, il faut payer. Par contre, quand on consomme de l'électricité, du gaz naturel et de l'eau, on doit payer aussi mais tout le monde ne le comprend pas encore nécessairement. D'aucuns affirment que les consommateurs du Canada ne paient pas encore le vrai prix internalisé des choses qu'ils consomment. Nous ne payons pas le vrai prix parce que, quand nous consommons de l'eau, de l'électricité, du gaz naturel ou du charbon, par exemple, il y a un coût accessoire qui s'ajoute et que quelqu'un devra payer plus tard. Nous ne voulons pas nous en occuper pour le moment mais nous pouvons raisonnablement en faire l'estimation, ou nous savons tout au moins qu'il existe, et nous pourrions l'inclure dans le prix que nous payons pour l'eau, le gaz, le charbon, l'énergie nucléaire, et cetera.
Croyez-vous qu'il est temps de s'engager dans une voie plus réaliste et de faire payer au consommateur le coût internalisé de ce que vous nous vendez, et qu'en pense votre industrie?
Le sénateur Kenny : Ce serait en tout cas mieux que de laisser la facture à nos enfants.
M. Turk : Vous soulevez une question importante. Il ne fait aucun doute que le coût réel de l'électricité ne se reflète pas toujours nécessairement dans les prix que nous payons. Il y a plusieurs raisons à cela. La première est que c'est évidemment une question très délicate sur le plan politique. Certaines de nos sociétés d'utilités publiques ont eu beaucoup de mal à relever leurs prix. En outre, les nombreux coûts qu'exige la production d'électricité ne sont pas pleinement compris par certains des organismes de réglementation du pays. Ce problème est réel, tout comme celui du coût complètement internalisé de la production d'électricité. Il faudra bien que nous finitions par en tenir compte.
Le président : Nous en sommes encore loin.
M. Turk : C'est manifestement une solution envisageable et nous sommes déterminés à maintenir les prix au niveau le plus raisonnable possible tout en reflétant les coûts de production réels.
Le président : Raisonnable peut avoir deux sens — raisonnable du point de vue de ce que je paye et raisonnable du point de vue du coût réel.
M. Turk : Très simplement, nous sommes déterminés à fournir l'électricité à un prix concurrentiel. Quand on nous compare aux autres secteurs globaux, nous sommes déterminés à produire notre électricité de manière efficiente et à un prix concurrentiel. Pour ce qui est de passer au prix de réel de l'électricité, il faudra y arriver un jour mais, bien sûr, ça aura un impact sur les comportements.
Vous parliez des attentes des consommateurs. Il ne fait aucun doute que tout le monde veut qu'on fasse des progrès sur l'environnement. Les gens vous diront qu'ils sont prêts à payer plus pour leur électricité mais la question est de savoir combien en plus. À un certain moment, leur enthousiasme disparaîtra parce qu'il y aura une certaine élasticité dans l'acceptation des gens à payer plus. Le passage à un prix réaliste doit se faire de manière raisonnable et pondérée. À terme, nous devrons appliquer des prix correspondant aux coûts réels, ce qui nous aidera du point de vue de l'efficience énergétique car les paramètres économiques des appareils efficients deviendront plus attrayants pour les consommateurs. Vous avez donc soulevé une question excellente et importante.
Le président : Monsieur Turk et monsieur Myers, merci d'être venus aujourd'hui.
Le sénateur Spivak : Monsieur le président, si nous adressons des questions par écrit aux témoins, pourraient-ils envoyer leurs réponses au greffier?
M. Turk : Absolument, sénateurs. Si vous avez des questions ou souhaitez obtenir des informations complémentaires, je serai très heureux de coopérer.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.