Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 18 - Témoignages du 8 mai 2007
OTTAWA, le mardi 8 mai 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, saisi du projet de loi C-288, Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto, se réunit aujourd'hui à 17 h 32 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir, mesdames et messieurs. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui examine actuellement le projet de loi C- 288.
Je voudrais, avant de commencer, présenter les membres du comité. Le sénateur Cochrane, qui représente Terre- Neuve-et-Labrador, est le vice-président du comité. Le sénateur Angus représente le Québec. Le sénateur Kenny représente l'Ontario. Le sénateur Sibbeston vient des Territoires du Nord-Ouest et le sénateur Spivak, du Manitoba. Le sénateur Mitchell, qui parraine le projet de loi C-288, représente l'Alberta. Le sénateur Lorna Milne est de l'Ontario. Le sénateur Murray représente également l'Ontario. Le sénateur Tkachuk représente la Saskatchewan. Le sénateur McCoy représente l'Alberta. Je m'appelle Tommy Banks. J'ai l'honneur d'être le président du comité.
Les témoins qui comparaissent aujourd'hui — Lynda Collins, professeure adjointe à l'Université d'Ottawa, et James R. Hurley — sont venus nous parler de la question soulevée par le sénateur Murray dans une intervention au Sénat. Je ne m'aventurerai pas à décrire la question, mais elle est liée aux aspects constitutionnels de l'application du projet de loi C-288, s'il était adopté et mis en vigueur. Je sais que nous écouterons nos témoins avec intérêt et que nous voudrons leur poser des questions. Monsieur Hurley, la parole est à vous.
[Français]
James R. Hurley, à titre personnel : Je vous remercie, monsieur le président, de m'avoir invité à participer à vos délibérations au sujet du projet de loi C-288. En tant qu'ancien professeur de sciences politique et ancien conseiller constitutionnel auprès du Bureau du Conseil privé, je me bornerai aux questions institutionnelles et constitutionnelles soulevées par ce projet de loi et laisserai de côté celles relatives aux aspects scientifiques et techniques du Protocole de Kyoto, ainsi que celles relatives aux politiques publiques.
Le secrétariat du comité m'a fourni une liste de constats et de questions à commenter et il me fait plaisir de le faire.
[Traduction]
Le premier énoncé à commenter est le suivant : « On a dit qu'un des principes fondamentaux du système parlementaire canadien est la séparation des pouvoirs et la mise en place d'une série de contrepoids entre l'assemblée législative et l'organe exécutif [...] »
Cet énoncé est en fait erroné. C'est le système du Congrès américain qui est fondé sur la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif ainsi que sur un système de freins et contrepoids. Le président et les membres du Cabinet ne siègent pas au Congrès et ne peuvent pas y déposer des projets de loi, quoique le président puisse transmettre au président de la Chambre des représentants une liste de mesures législatives souhaitées. Seuls les membres de la Chambre des représentants sont habilités à déposer des projets de loi de finances. Toutefois, le président doit signer les projets de loi adoptés par les deux chambres du Congrès pour qu'ils puissent entrer en vigueur. Le président a un droit de veto sur ces projets de loi, droit qui lui donne un certain pouvoir de négociation avec la Chambre des représentants et le Sénat. Les mesures législatives adoptées par le Congrès étant le fruit de négociations complexes, aucune institution ni aucun particulier n'en sont nécessairement responsables.
Par ailleurs, le régime parlementaire canadien, fondé sur le gouvernement responsable, est le résultat d'une fusion des pouvoirs exécutifs et législatifs. Le premier ministre et les membres du Cabinet doivent siéger au Parlement ou chercher à en faire partie dans les meilleurs délais. Seuls les membres du Cabinet sont habilités à déposer à la Chambre des communes des projets de loi de finances, c'est-à-dire des projets de loi visant à dépenser de l'argent ou à percevoir des recettes. Le premier ministre et le Cabinet constituent le « gouvernement », qui doit conserver la confiance de la Chambre des communes. Autrement, il doit démissionner ou recommander la dissolution des chambres. Parce qu'il doit avoir la confiance des Communes, il est admis que le gouvernement est responsable de la production législative du Parlement et qu'il doit en rendre compte à l'électorat aux élections générales suivantes.
Le deuxième énoncé à commenter peut être résumé comme suit : le projet de loi C-288 inverserait cette dynamique. En effet, en adoptant cette mesure législative, le Parlement imposerait sa volonté au gouvernement, contre son gré, en le forçant à faire une chose qu'il ne souhaite pas faire. J'ajouterai qu'il rendrait le gouvernement responsable de la mise en œuvre du Protocole de Kyoto. C'est d'ailleurs là le cœur du sujet : est-ce qu'une telle façon de procéder va diluer notre concept de gouvernement parlementaire responsable? Le Protocole de Kyoto a suscité des points de vue très divergents parmi les partis politiques du Canada. En réglant la question au moyen d'une mesure législative adoptée par les partis d'opposition au Parlement et en chargeant le gouvernement de sa mise en œuvre, est-ce qu'on écarte en pratique Kyoto des thèmes centraux de la prochaine campagne électorale?
Le projet de loi C-288 soulève une autre question liée au gouvernement parlementaire responsable au Canada. Une décision a été rendue établissant que le projet de loi C-288 n'est pas un projet de loi de finances, mais il est évident que ses dispositions auront des effets sensibles sur la répartition des ressources dans l'administration publique. Le projet de loi impose au ministre de dresser un plan complexe sur les changements climatiques dans les 60 jours civils, ce qui correspond en gros à 40 jours ouvrables, suivant son entrée en vigueur et de publier le plan dans les deux jours suivants. Cette limite de temps est-elle raisonnable? Si le gouvernement avait été l'auteur du projet de loi, il aurait eu à évaluer soigneusement cet aspect.
Ainsi, nous avons célébré cette année le 25e anniversaire de l'adoption, le 17 avril 1982, de la Charte canadienne des droits et libertés, mais la disposition relative aux droits à l'égalité n'est entrée en vigueur que trois ans plus tard, afin de laisser aux gouvernements le temps nécessaire pour s'assurer que toutes les autres lois étaient conformes à ces droits. On peut donc se demander si le gouvernement doit disposer d'une certaine marge de manœuvre à l'égard de cette exigence de 60 jours et d'autres délais fixés dans le projet de loi. Autrement, le plan produit en 60 jours pourrait bien consister en un rapport établi pour la forme, rien que pour respecter les exigences législatives. Cela serait-il souhaitable? J'y reviendrai dans quelques instants.
[Français]
On m'a demandé s'il y avait d'autres exemples de projets de loi proposés par des députés d'arrière-ban, qui ont obligé le gouvernement à agir malgré sa propre politique. Il y en a quelques-uns, dont la Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise (suppression de la taxe d'accise sur les bijoux), sanctionnée le 25 novembre 2005 et incorporée par le gouvernement par la suite dans son budget.
Mais il y a eu une différence très importante entre cette loi, qui a eu une portée plutôt modeste, et le projet de loi C- 288 qui soulève une des plus grandes questions d'actualité.
[Traduction]
Il y a donc des précédents relativement mineurs de mesures législatives adoptées par le Parlement et imposées au gouvernement, mais il n'y a pas de précédent de l'envergure du projet de loi C-288, qui vise à régler l'un des problèmes les plus importants et les plus chaudement débattus de la politique publique canadienne en obligeant le gouvernement à appliquer contre son gré le Protocole de Kyoto.
Si le projet de loi C-288 entrait en vigueur, le gouvernement serait-il obligé de s'y conformer? La réponse est oui. S'il ne le faisait pas, quelles en seraient les conséquences? Le gouvernement pourrait être poursuivi devant les tribunaux, ou alors être accusé d'outrage au Parlement et faire l'objet d'une motion de défiance.
Certaines questions ne sont pas abordées dans la liste d'énoncés et de questions fournie par le secrétariat du comité. Je voudrais aborder ces questions, dont certaines sont théoriques et d'autres, pratiques.
Examinons d'abord les questions théoriques. Même s'il est possible de les écarter pour des raisons d'ordre pratique, elles peuvent nous aider à mieux comprendre les étapes allant de l'adoption d'un projet de loi par les deux chambres du Parlement à la sanction royale.
Après l'adoption d'un projet de loi par les deux chambres, la sanction royale n'est pas automatique. Dans son livre de 1984, Constitutional Conventions : The Rules and Forms of Political Accountability, Geoffrey Marshall note qu'au Royaume-Uni, la prérogative de la Couronne est exercée sur recommandation ministérielle. Il s'interroge ensuite, pour la forme, sur la possibilité pour le gouvernement de recommander que la sanction royale ne soit pas donnée à un projet de loi émanant d'un simple député, adopté contre le gré du gouvernement. Marshall ne répond cependant pas à cette question.
Au Canada, c'est le leader du gouvernement à la Chambre des communes qui décide du moment où un projet de loi ou un groupe de projets de loi est envoyé pour la sanction royale. Il communique alors avec le leader du gouvernement au Sénat, qui demande au greffier du Sénat de prendre les mesures nécessaires. Même si rien n'empêche qu'un projet de loi soit envoyé tout seul pour la sanction royale, il est d'usage de regrouper à cette fin plusieurs projets de loi adoptés par les deux chambres. Il n'est jamais arrivé au Canada qu'on demande au greffier du Sénat de retirer un projet de loi d'un groupe de mesures législatives envoyé pour la sanction royale. Le faire serait contraire à la pratique et aux usages établis, placerait le greffier dans une position intenable et susciterait une controverse constitutionnelle. À mon avis, il ne faudrait pas envisager une telle solution.
Par ailleurs, le premier ministre pourrait recommander au gouverneur général de ne pas donner la sanction royale à l'un des projets de loi du groupe. Encore une fois, cette façon de procéder serait contraire à la pratique et aux usages établis, placerait Son Excellence dans une position intenable et susciterait une controverse constitutionnelle. Cette solution ne devrait pas non plus être envisagée.
Revenons une fois de plus à la distinction qui existe entre le régime américain de séparation des pouvoirs avec freins et contrepoids et le régime canadien de fusion des pouvoirs de l'exécutif et du législatif. Le président américain peut exercer son droit de veto sur les projets de loi adoptés par le Congrès. On suppose au Canada que le gouvernement domine le processus législatif, mais il n'a pas un droit de veto.
Passons maintenant aux questions pratiques. Nous avons déjà noté qu'en rendant le gouvernement responsable de la mise en œuvre du projet de loi C-288 avant des élections, on diluerait le concept de gouvernement responsable et on noierait plus ou moins la question du Protocole de Kyoto pendant la campagne électorale suivante.
De plus, les limites de temps fixées pour remplir les obligations définies dans le projet de loi pourraient être difficiles, sinon impossibles, à respecter autrement que pour la forme. Pour laisser au gouvernement une marge de manœuvre et apaiser les deux préoccupations, on pourrait envisager d'ajouter au projet de loi C-288 une disposition d'entrée en vigueur disant par exemple : « Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret du gouverneur en conseil. »
Cette option permettrait au gouvernement de décider s'il souhaite en fin de compte assumer la responsabilité du projet de loi ou s'il préfère reporter l'entrée en vigueur de certaines dispositions.
Bien sûr, le gouvernement pourrait décider de ne pas mettre en vigueur le projet de loi avant les élections suivantes. Dans ce cas, les partis d'opposition auraient à définir leur engagement envers Kyoto dans un projet de loi détaillé dont l'entrée en vigueur constituerait, nul doute, un thème central de la campagne électorale.
Il serait également possible d'obtenir des témoignages, d'une part sur la question de savoir si les délais fixés pour la mise en vigueur de certaines dispositions du projet de loi peuvent être respectés autrement que pour la forme, sans perturbations majeures de la répartition des ressources dans l'administration publique et, d'autre part, sur les délais nécessaires pour permettre au gouvernement de remplir ses obligations. Une disposition d'entrée en vigueur pourrait prévoir, par exemple, que la loi, dans son ensemble, prend effet six mois après la sanction royale.
On pourrait aussi prévoir plusieurs dates d'entrée en vigueur pour les différentes parties de la loi. Une telle approche nécessiterait probablement de récrire certaines dispositions.
Bref, même s'il est déjà arrivé que le Parlement impose des mesures au gouvernement, il n'y a jamais eu une mesure d'une telle importance, qui risque de diluer la responsabilité dans notre régime parlementaire et de perturber la gestion de l'administration publique.
Si les gouvernements minoritaires sont plus fréquents à l'avenir, les intervenants politiques peuvent souhaiter déterminer où un tel projet de loi peut mener à court et à long terme et quels précédents peuvent en résulter.
Le président : Merci, monsieur Hurley.
Nous aurons des questions à vous poser tout à l'heure. Madame Collins, vous avez la parole.
Lynda Collins, professeure adjointe, Université d'Ottawa, à titre personnel : Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de participer à cette démarche. Je sais que j'exprime l'opinion de nombreux Canadiens en disant que nous apprécions ce que fait votre comité, notamment au sujet de cette importante mesure législative.
J'ai été invitée à commenter quelques énoncés. J'essaierai de limiter mes observations aux aspects juridiques, car je préfère laisser les questions de politique publique à des témoins qui connaissent mieux ce domaine.
Je suis parfaitement d'accord avec M. Hurley quant à l'exactitude ou à l'inexactitude du premier énoncé.
Le premier énoncé revient à dire, en fait, que c'est le gouvernement qui propose des mesures au Parlement. Le Parlement n'impose pas au gouvernement des mesures qu'il ne souhaite pas mettre en œuvre. Par conséquent, l'énoncé est diamétralement opposé à la réalité. Il était exact en 1688, au Royaume-Uni, mais depuis l'adoption du Bill of Rights Act de 1689, la suprématie du Parlement a constitué un principe de base de la démocratie aussi bien au Royaume-Uni qu'au Canada. Nous avons des organes différents de gouvernement. Au Canada, nous avons le judiciaire, l'exécutif et le législatif, avec une relation hiérarchique entre l'exécutif et le législatif. La Cour suprême du Canada l'a dit très clairement dans le renvoi relatif à la rémunération des juges :
[...] il existe, entre l'exécutif et le législatif, un rapport hiérarchique suivant lequel l'exécutif doit exécuter et appliquer les politiques adoptées par le législatif sous forme de lois [...]
Autrement dit, le Parlement adopte des lois, et le gouvernement gouverne dans les limites fixées par ces lois.
Ce principe est issu du système britannique. Il fait partie du droit démocratique canadien depuis la Confédération.
Même si un gouvernement peut trouver politiquement difficile à accepter d'être forcé à faire quelque chose contre son gré par le Parlement, il n'a aucun droit légal ou quasi légal de veto sur les lois adoptées par la Chambre des communes du Canada.
Je passe maintenant à la deuxième question. Si le projet de loi C-288 était mis en vigueur, est-ce que cela constituerait un précédent qui permettrait au Parlement d'imposer sa volonté au gouvernement contre son gré?
Comme vous l'aurez constaté dans mon mémoire, j'estime que la réponse est non. En fait, cet énoncé est hors de propos parce que le principe de la suprématie parlementaire est établi chez nous depuis des siècles. Ce projet de loi ne porte pas atteinte à la Constitution. Autrement dit, la Constitution reste souveraine. Nous avons l'obligation d'accepter ces principes de base du droit démocratique. Le projet de loi est simplement le fruit de circonstances politiques qui ont permis aux partis d'utiliser notre structure constitutionnelle d'une façon parfaitement compatible avec nos lois et nos traditions.
J'ai été surprise de voir la question concernant les effets juridiques qu'aurait le projet de loi C-288 s'il était adopté. C'est là un principe fondamental de la démocratie. Le gouvernement doit se conformer à la loi, tout autant que n'importe quel citoyen. C'est un contexte intéressant parce que le Canada est évidemment lié par le droit international. Il est donc obligé de se conformer au Protocole de Kyoto qu'il a ratifié et qu'il a accepté de mettre en œuvre. Cette mesure législative ne ferait qu'inscrire dans la législation nationale l'obligation contractée en vertu du droit international. Il n'y a absolument aucune ambiguïté quant aux effets des lois adoptées. En d'autres termes, il n'y a absolument rien qui empêche le gouvernement d'abroger cette loi s'il remporte la majorité des sièges aux prochaines élections. S'il souhaite se débarrasser de cette mesure législative, il peut en faire sa première priorité après les élections. Par ailleurs, il ne peut absolument pas décider de ne pas se conformer à une loi adoptée par le Parlement.
Les questions concernant les conséquences sont hypothétiques. Il est exact qu'il serait facile de poursuivre en justice un gouvernement qui ne se conforme pas à la loi. Les tribunaux prendraient une ordonnance, dont la non-exécution rendrait les responsables coupables d'outrage au tribunal. Toutefois, je ne crois pas que cela se produira.
Le sénateur Angus : Monsieur le président, par souci de clarté, je tiens à dire que le témoin ne sait pas pourquoi cette question a été posée, et moi non plus. Comme je n'ai pas assisté à toutes les réunions du comité directeur, j'aimerais savoir si vous, à titre de président, avez posé ces questions.
Mes connaissances juridiques sont assez rudimentaires, mais j'ai entendu le premier ministre dire que si le projet de loi est adopté, il s'y conformerait. Pourquoi tournons-nous autour du pot?
Le président : Je ne peux pas vous donner de réponse concernant le langage juridique. Comme je n'ai pas étudié le droit, il m'arrive de poser des questions stupides.
Le sénateur Angus : C'est justement de cela qu'il s'agit. Mme Collins ne sait pas pourquoi cette question a été posée. J'aimerais vous entendre lui dire que c'est vous qui vouliez une réponse.
Le président : Il est important de poser des questions stupides de temps en temps pour qu'elles soient officiellement consignées.
Le sénateur Kenny : Monsieur le président, je croyais qu'il n'y avait rien de tel que des questions stupides. Il y a peut- être des réponses stupides, mais non des questions stupides.
Le président : Il convient de dire que la décision a été prise par suite des questions soulevées par le sénateur Murray dans son intervention au Sénat. Je n'aurais pas moi-même soulevé ces questions ici parce que la plupart d'entre nous les ont déjà entendues.
J'ai considéré que cette question — qui est peut-être mal exprimée — constituait l'un des aspects de l'intervention du sénateur Murray. Je me trompe peut-être, mais je peux poser des questions stupides.
Le sénateur Angus : Je suis parfaitement d'accord sur cette façon de poser des questions.
Le sénateur Murray : Il y a plus que cela, sénateur. Je sais bien que le premier ministre a réglé l'affaire quand il a dit que le gouvernement respecterait les lois adoptées par le Parlement. Toutefois, avant qu'il ne fasse cette déclaration, d'autres déclarations avaient été faites aux premiers stades du projet de loi. Dans certains cas, on pouvait supposer que c'était au nom du gouvernement.
Le sénateur Angus : Ont-elles été faites au Parlement?
Le sénateur Murray : Non, elles ont été rapportées par les médias. On a dit par exemple que le projet de loi était sans conséquence et que le gouvernement ne s'y conformerait pas nécessairement. Bien sûr, le gouvernement se fondait sur le fait qu'il ne considérerait pas le projet de loi comme une question de confiance. Certains ont dit qu'il ne portait vraiment pas à conséquence.
Le sénateur Angus : Je tiens à dire très clairement qu'en ce qui concerne le gouvernement, il est hors de question de se soustraire au principe de la primauté du droit.
Le président : Quoi qu'il en soit, il m'arrive de poser des questions stupides. Nous y reviendrons.
Le sénateur Mitchell : Si vous voulez me permettre d'intervenir, je dirai, sénateur Angus, que s'il est hors de question de se soustraire au principe de la primauté du droit, le gouvernement aurait dû accepter le Protocole de Kyoto et n'aurait pas mis fin à différents programmes, il y a un an. Il est établi que le gouvernement n'était pas disposé à accepter un accord qui avait force de loi.
Mme Collins : Si vous le permettez, je vais essayer de répondre rapidement à la question, puisqu'elle a été posée. Il est utile que cette réponse figure au compte rendu. La réponse, c'est que tout citoyen peut demander à un tribunal de se prononcer sur un refus d'appliquer la loi. La situation est claire. Le tribunal prendrait une ordonnance, et quiconque refuserait de s'y conformer se rendrait coupable d'outrage au tribunal. En théorie, un ministre pourrait être jeté en prison pour refus de se conformer à la loi. Toutefois, je trouve difficile de concevoir qu'un gouvernement choisisse une telle ligne de conduite.
Le président : Merci, madame Collins.
M. Hurley a mis en évidence un point intéressant, qui m'avait échappé jusqu'ici et qui, de toute évidence, avait échappé à l'attention de tout le monde à la Chambre des communes. Dans sa forme actuelle, le projet de loi ne contient aucune disposition d'entrée en vigueur. On y trouve à deux ou trois reprises l'expression « suivant l'entrée en vigueur de la présente loi », mais il n'y est fait mention nulle part d'une date d'entrée en vigueur.
Le sénateur Angus : Nous espérions que vous ne le remarqueriez pas
Le président : Eh bien, je l'ai remarqué, mais seulement parce que M. Hurley en a parlé.
Le sénateur Cochrane : Madame Collins, je vous remercie d'être venue au comité et de nous avoir présenté des renseignements qui nous aideront dans nos discussions.
Comme vous l'avez dit, en démocratie, le gouvernement doit se conformer aux lois. Si c'est bien le cas, avons-nous besoin du projet de loi C-288? Nous avons déjà le Protocole de Kyoto. Par conséquent, avons-nous vraiment besoin de cette mesure législative?
Mme Collins : Vous voulez savoir pourquoi nous avons besoin de ce projet de loi si le Canada est déjà lié par le Protocole de Kyoto?
Le sénateur Cochrane : Oui.
Mme Collins : Le Canada est l'un des pays du monde où le droit international n'est pas justiciable des tribunaux nationaux tant qu'il n'a pas été sanctionné par une loi nationale. Lorsque le Canada signe et ratifie un traité, il prend l'engagement de le mettre en œuvre en adoptant une loi nationale. Ce n'est pas le cas dans tous les autres pays. Il y en a où un accord international est automatiquement exécutoire et justiciable des tribunaux nationaux. Au Canada, pour qu'un accord international ait force de loi, il doit faire l'objet d'une loi nationale de mise en œuvre. C'est ce que nous avons convenu de faire dans le cas de Kyoto. Nous avions besoin d'une mesure législative permettant d'inscrire le Protocole dans nos lois.
Le sénateur Cochrane : Je vous remercie.
Le président : Existe-t-il au Canada une loi quelconque, à part le projet de loi C-288, prévoyant la mise en œuvre du Protocole de Kyoto?
Mme Collins : Non, aucune autre mesure législative canadienne adoptée ou à l'étude n'impose au Canada de se conformer au Protocole de Kyoto.
Le sénateur Spivak : Dans le même ordre d'idées, si le Protocole de Kyoto n'a pas force de loi tant que le Canada n'a pas adopté une mesure législative nationale, est-ce que les sanctions prévues dans le Protocole si nous n'atteignons pas les cibles prévues d'ici 2012 seraient exécutoires si aucun projet de loi n'est adopté?
Mme Collins : En l'absence d'une loi nationale, l'obligation juridique internationale existe. Le Canada serait donc en situation de violation. Toutefois, cette situation ne serait pas justiciable des tribunaux canadiens. Autrement dit, nous ne pourrions pas poursuivre en justice le gouvernement pour violation du traité. Nous ne pourrions pas poursuivre les émetteurs et autres responsables.
Le sénateur Spivak : Par conséquent, le gouvernement pourrait dire qu'en l'absence d'une loi nationale, ces sanctions ne s'appliquent pas à nous?
Mme Collins : Le gouvernement pourrait dire qu'il n'a pas l'intention d'accepter les sanctions parce qu'il n'est pas lié. L'objet de cette mesure législative ou d'un projet de loi de même nature est de lier le gouvernement au Canada.
Le sénateur Spivak : Ainsi, aucun traité ne lie vraiment le Canada à moins qu'il n'adopte une loi nationale. Qu'en est-il de l'ALENA?
Mme Collins : Il y a une différence entre les obligations internationales et la « justiciabilité », c'est-à-dire la capacité de nos tribunaux de se prononcer sur ces obligations.
Tous les traités que nous signons et ratifions créent des obligations juridiques internationales qui nous lient. Toutefois, comme nous le savons tous, de nombreux pays ne se conforment pas à leurs obligations juridiques internationales.
Au Canada, la question qui se pose est la suivante : Dans quelles conditions pouvons-nous demander à un tribunal canadien de se prononcer sur une obligation internationale? La réponse, c'est qu'il faut que cette obligation ait fait l'objet d'une loi nationale de mise en œuvre.
Le président : Si ce n'est pas justiciable des tribunaux canadiens et en supposant que ce projet de loi ne soit pas adopté, le Canada peut-il être poursuivi en justice ailleurs s'il ne se conforme pas à ses obligations en vertu du Protocole de Kyoto?
Mme Collins : C'est une question compliquée. Il y a des instances internationales permettant de tenir les pays responsables de ce qu'ils font ou ne font pas. Comme vous le savez, j'en suis sûre, le système international de justice est à l'état embryonnaire. Je n'ai pas l'impression que ces obligations seraient justiciables de la Cour pénale internationale, par exemple. Même si certains ont soutenu qu'on peut parler de crimes contre l'environnement, l'argument est un peu mince. Il est beaucoup plus probable que la seule conséquence, ce serait de ternir la réputation internationale du Canada. Il pourrait y avoir des conséquences commerciales par rapport à l'Union européenne, qui a commencé à s'orienter dans cette direction. Bref, le système international de justice n'est pas encore très développé.
Le sénateur Spivak : En pratique, si ce projet de loi est adopté, le gouvernement pourrait décider de ne jamais le proclamer. Il ne pourrait faire l'objet d'aucune sanction. Le projet de loi peut être adopté sans jamais être proclamé.
Mme Collins : M. Hurley voudra peut-être répondre à cette question, mais il existe, à mon avis, une convention constitutionnelle assez ferme voulant qu'une fois adopté par la Chambre des communes, un projet de loi doit être proclamé et mis en vigueur.
Le sénateur Spivak : Nous avons actuellement de nombreuses lois qui n'ont pas été proclamées.
M. Hurley : Je crois que la situation est la suivante. Si le projet de loi ne renferme aucune disposition d'entrée en vigueur, il prend automatiquement effet dès qu'il a reçu la sanction royale. Pour que l'entrée en vigueur soit reportée, il faut que le projet de loi contienne une disposition précise disant qu'il entre en vigueur non après avoir reçu la sanction royale, mais après avoir fait l'objet d'un décret ou d'une autre procédure.
Dans sa forme actuelle, en l'absence d'une disposition d'entrée en vigueur, ce projet de loi prendrait effet aussitôt que la sanction royale aura été donnée.
Le sénateur Spivak : Je ne comprends pas très bien. Il y a la sanction royale et la proclamation. Ce n'est pas la même chose.
M. Hurley : La proclamation est automatique après la sanction royale en l'absence d'une disposition précise d'entrée en vigueur. Une loi peut être proclamée à une date ultérieure si elle contient une disposition explicite à cet effet. S'il n'y a aucune disposition explicite, elle prend effet immédiatement, sans proclamation.
Le sénateur Tkachuk : Je veux bien convenir avec vous que les projets de loi proposés et adoptés par le Parlement créent une obligation pour le gouvernement, mais, d'après la coutume, les projets de loi de finances ne peuvent être déposés que par le gouvernement. Même si des parlementaires ont souvent essayé d'en introduire, ils ne peuvent pas le faire. S'il y a un doute, le Président décide s'il s'agit ou non d'un projet de loi de finances.
Vous avez dit que ce projet de loi impose au gouvernement de mettre en œuvre le Protocole de Kyoto, ce qu'il ne peut pas faire sans argent. Vous êtes peut-être d'un avis différent. Il y a peut-être un moyen que je ne connais pas. Est-il possible d'appliquer ce projet de loi sans dépenser de l'argent?
M. Hurley : Le Président de la Chambre des communes a rendu une décision d'après laquelle le projet de loi n'impose pas, par son but et sa portée, de dépenser de l'argent. Je peux vous donner un excellent exemple d'un projet de loi d'initiative parlementaire qui a été accepté comme mesure législative n'imposant pas de dépenser de l'argent, mais qui a en fait occasionné des dépenses. Je crois que c'est en 1963 que Jean Chrétien, alors jeune député d'arrière-ban, avait proposé de donner aux Lignes aériennes Trans-Canada le nom d'Air Canada. Le projet de loi avait un but et une portée symboliques. Bien sûr, après son adoption, il a fallu repeindre les avions, remplacer la papeterie, et cetera. Il a donc eu des conséquences financières, mais, par son but et sa portée, ce n'était pas un projet de loi de finances.
Ayant travaillé pour différents gouvernements, je ne suis pas partisan, mais je suis conscient du fait que le gouvernement doit gérer l'administration publique. Cette question a été abordée par la Commission Gomery. Ce projet de loi, même s'il n'a pas pour but de dépenser de l'argent, a des effets directs sur la gestion de l'administration publique. Il prévoit un délai de 60 jours. Normalement, quand le gouvernement rédige lui-même un projet de loi, il évalue les ressources disponibles, détermine s'il a besoin d'engager des spécialistes ou du personnel supplémentaire ou de faire faire des heures supplémentaires pour respecter des délais particuliers. C'est sur la base de cette évaluation qu'il fixe son propre délai. À titre de gestionnaire de l'administration publique, il en accepte la responsabilité. S'il ne peut pas respecter le délai, il doit alors en subir les conséquences.
Dans ce cas, c'est le Parlement qui impose le délai. Je sais que cette question a été débattue. Certains croient qu'un délai de 60 jours est raisonnable. Comme je ne suis pas un expert de ce domaine, je ne peux pas me prononcer. Je sais cependant qu'il y a un problème de gestion : pour s'acquitter de son obligation, le gouvernement doit élaborer un plan dans un délai de 60 jours. S'il doit faire un travail sérieux, il pourrait avoir besoin de mettre en œuvre d'importantes ressources. Bien sûr, il peut aussi respecter le délai en produisant un rapport qui dirait en substance : « Nous avons fait de notre mieux. En voici le résultat. » Je crois qu'il ne violerait pas la loi s'il agissait ainsi.
Le sénateur Murray : Le gouvernement peut être poursuivi en justice s'il essaie de faire cela.
M. Hurley : Si le gouvernement dit qu'il a fait de son mieux dans le délai imparti, mais a été incapable de terminer son plan, les tribunaux diraient : « Vous avez fait de votre mieux pour vous acquitter de vos obligations. » Il est probable que, dans ce cas, le plan préciserait que le gouvernement a l'intention de poursuivre le travail et de produire un autre rapport. De ce point de vue, il y a des problèmes de gestion. C'est ce que j'essaie d'expliquer.
Le sénateur Tkachuk : Est-ce que ce projet de loi mettrait en œuvre le Protocole de Kyoto au Canada? Le rendrait-il justiciable des tribunaux canadiens?
Mme Collins : Oui, ce projet de loi est l'une des mesures législatives environnementales les plus justiciables qui soient. On s'accorde pour dire que la principale lacune de la législation environnementale canadienne réside dans le fait qu'elle prévoit de vastes pouvoirs discrétionnaires. La littérature spécialisée en parle beaucoup. Toutefois, ce projet de loi comporte essentiellement des dispositions obligatoires. S'il est adopté, le gouvernement au pouvoir n'aura d'autre choix que de l'abroger ou de respecter les exigences du Protocole de Kyoto.
Le plan, par exemple, doit comporter des mesures précises à prendre, notamment des mesures financières.
Le sénateur Tkachuk : Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Tout d'abord, nous avons la question de la gestion de l'administration publique. Je respecte la décision du Président, même si je ne suis pas d'accord avec ce qu'il a dit. Pour moi, ce projet de loi a d'énormes répercussions financières. Toutefois, s'il rend le Protocole de Kyoto justiciable des tribunaux canadiens, est-ce que les gens pourront intenter des procès si Kyoto n'est pas appliqué et si les cibles ne sont pas atteintes?
Mme Collins : Tout citoyen canadien peut poursuivre son gouvernement en justice pour défaut de conformité avec la loi. Il peut faire un procès concernant une disposition précise, un mot précis qui n'a pas été respecté.
Cela est d'autant plus vrai que le projet de loi ne comporte pas de pouvoirs discrétionnaires. Il énonce très clairement ce que le ministre doit faire. Par conséquent, si le ministre n'élabore pas un plan sur les changements climatiques comprenant tous les facteurs énoncés dans le projet de loi, n'importe quel citoyen peut lui faire un procès.
Le sénateur Tkachuk : Ainsi, n'importe quel groupe environnemental qui en a les moyens peut poursuivre le gouvernement.
Mme Collins : Je peux cependant vous dire d'expérience, car j'ai procédé à d'importantes consultations sur la question de l'intérêt public dans le domaine environnemental, que les organisations non gouvernementales de ce domaine ne sont pas très tentées en ce moment de s'en prendre à un gouvernement qui fait un effort. Dans le cas de la Loi sur les espèces en péril, par exemple, le gouvernement actuel a presque un an de retard dans l'élaboration des plans de rétablissement. Il viole clairement les dispositions de la loi et serait certainement tenu responsable par les tribunaux en cas de procès.
Toutefois, la communauté environnementale a l'impression que le gouvernement fait de son mieux. Il n'y a donc pas eu de procès.
Vous savez probablement que le Pembina Institute a fait savoir qu'il s'intéresse surtout à la solution du problème et qu'il ne tient pas vraiment à dépenser de l'argent pour poursuivre le gouvernement.
Je comprends bien la préoccupation que peut susciter le délai fixé. En même temps, je trouve difficile de croire qu'on poursuivra le gouvernement en justice 61 jours après la sanction royale s'il a entrepris un travail sérieux pour se conformer à la loi.
Le sénateur Tkachuk : Témoignez-vous à titre de constitutionnaliste ou bien à titre de représentante ou d'ancienne représentante de groupes environnementaux? J'ai l'impression que les distinctions sont en train de s'estomper.
Mme Collins : Je vous laisse juge de mes domaines de compétence. Ce n'est pas une question constitutionnelle.
Le sénateur Tkachuk : J'ai pensé qu'il était préférable de préciser les choses.
Mme Collins : J'essayais de vous faire part de mon évaluation de l'humeur actuelle de la communauté des ONG environnementales.
Le sénateur Tkachuk : J'ai l'impression, moi, que ces groupes feraient un procès si les cibles ne sont pas atteintes.
Mme Collins : D'accord.
Le président : Est-ce qu'un procès intenté par un Canadien aurait pour motif le défaut de produire un plan?
Mme Collins : Je dis qu'on peut poursuivre sur la base d'une mesure législative. On peut par exemple faire un procès pour non-conformité à l'article 5. On peut faire un procès pour défaut d'adoption de règlements. Il n'y a pas, dans le projet de loi, de dispositions disant par exemple « si la concentration atmosphérique de tel polluant dépasse tel ou tel niveau, voici quelles seront les conséquences ». En un sens, le projet de loi porte essentiellement sur la démarche à faire.
Le sénateur Tkachuk : Qui sera responsable si des élections sont déclenchées? Supposons qu'il y ait un procès et des milliards de dollars de dommages-intérêts en jeu, qui sera responsable?
Mme Collins : Permettez-moi de préciser les choses. Il y a différents genres de procès. Il y a les poursuites pour dommages-intérêts, il y a aussi les demandes de révision judiciaire. En général, le plaignant dans une demande de révision judiciaire ne reçoit pas de dommages-intérêts. Si le Sierra Club du Canada fait un procès, ce ne sera pas pour obtenir un million de dollars du gouvernement. Le gouvernement sera simplement tenu de se conformer à la loi.
Le sénateur Tkachuk : Supposons que le gouvernement se conforme à la loi à la satisfaction de tout le monde, mais que les cibles ne soient pas atteintes. Il y a un prix à payer pour cela.
Mme Collins : Si le gouvernement s'est pleinement conformé à la loi, il n'y aura pas de procès.
Le sénateur Tkachuk : En fin de compte, rien n'arrive, mais les cibles ne sont toujours pas atteintes. Qui est responsable?
Mme Collins : Le gouvernement est tenu de se conformer à la loi, qui lui impose de mettre en œuvre des plans et d'adopter des règlements destinés à atteindre les cibles.
Le sénateur Mitchell : Le sénateur Carney et moi nous interrogions sur le sens exact du mot « justiciable ». Compte tenu du Protocole de Kyoto, qui crée pour nous une obligation internationale, il me semble que le gouvernement peut se conformer au Protocole sans qu'une loi soit nécessairement adoptée. Tout ce que fait cette loi, c'est rendre l'obligation justiciable des tribunaux canadiens, ce qui veut dire que n'importe qui au Canada peut tenir le gouvernement responsable plutôt que de laisser quelqu'un d'autre intenter une action devant une cour internationale. « Justiciable » a une définition plus complexe.
Mme Collins : Oui, le gouvernement a toute latitude pour prendre des mesures volontaires. Il peut financer les travaux de R-D et atteindre les cibles de Kyoto. Toutefois, le gouvernement n'aura pas respecté son obligation en vertu du Protocole s'il n'adopte pas une loi de mise en œuvre. Nous nous sommes engagés à le faire.
Le sénateur Mitchell : Ma question suivante est au cœur de la question que pose le sénateur Murray : le gouvernement est-il lié par une décision prise par des députés? Il me semble que les gouvernements sont toujours liés par les décisions des parlementaires. Les gouvernements ne sont pas nécessairement liés par les décisions des députés actuels. Nos lois remontent à des dizaines d'années. Toutes sortes de lois lient le gouvernement aux décisions prises par des législatures et des députés antérieurs.
Il n'y a là rien de nouveau, car nous sommes liés par les décisions des législatures précédentes. Pourquoi serait-ce différent dans le cas de la législature actuelle? Il n'y a en fait aucune différence.
Mme Collins : Non, il n'y a pas de différence. Sur le plan juridique, aucune distinction n'est possible. Le gouvernement est lié par les lois, qu'elles aient été adoptées par un gouvernement précédent ou qu'elles émanent d'un simple député. Si le gouvernement n'aime pas une loi particulière, il lui suffit de remporter la majorité des sièges aux élections et de l'abroger.
Le sénateur Mitchell : Nous avons actuellement toutes sortes de loi que le gouvernement actuel n'aime pas. Il est obligé d'appliquer cette mesure parce qu'il ne dispose pas de la majorité nécessaire pour la rejeter. La seule différence, dans le cas de toutes les autres lois qu'il n'aime pas, c'est qu'il n'a pas suffisamment de sièges pour s'en défaire. En fait, il n'y a pas vraiment de différence.
Le sénateur Angus l'a bien dit, avec son bagage juridique. C'est tout le principe de la primauté du droit. Ses antécédents juridiques sont loin d'être modestes. Il a une connaissance approfondie du droit et est probablement l'un des meilleurs avocats qui aient jamais siégé au Sénat. C'est une question de primauté du droit. Si les législatures précédentes peuvent lier le Parlement actuel, il est évident que le Parlement actuel peut lier la présente législature.
Mme Collins : Il s'agit simplement de manifestations différentes du principe de la suprématie parlementaire.
M. Hurley : J'ai entendu à plusieurs reprises le mot « responsabilité ». Il est clair pour moi qu'il a deux sens différents. Il y a d'une part la responsabilité juridique et la question de savoir si le gouvernement est l'auteur du projet de loi, si le Parlement l'adopte. Sur le plan juridique, le gouvernement est responsable de l'application des lois.
L'autre sens constitue un aspect fondamental de notre système de gouvernement parlementaire responsable. Je conviens avec vous que le gouvernement peut ne pas aimer de nombreuses lois adoptées dans le passé, mais il n'en a pas la responsabilité politique parce qu'elles sont l'œuvre de législatures précédentes.
Dans notre système, les grandes questions de politique publique ont toujours suscité la question suivante : Le gouvernement a-t-il la responsabilité globale de la production législative de la session? Au Canada, la coutume veut qu'au déclenchement d'élections, le gouvernement défende ses réalisations législatives.
Ce que nous faisons dans ce cas particulier est sans précédent. Sur le plan juridique, le projet de loi peut être adopté par le Parlement, mais il faut se demander s'il ne diluera pas le principe du gouvernement responsable. Aurait-il été préférable de présenter le projet de loi à la Chambre des communes sous forme d'une motion de défiance? Il s'agit en ce moment d'une question fondamentale de politique publique. Nous aboutirons donc à une situation assez singulière si le gouvernement est juridiquement responsable de sa mise en œuvre, mais que, sur le plan politique, il dise aux élections suivantes qu'il ne voulait pas de ce projet de loi et qu'il refuse d'en assumer la responsabilité politique.
Le sénateur Mitchell : Je vous opposerai deux arguments. Premièrement, le gouvernement aurait pu tenir un vote de confiance, même si cela crée une difficulté du point de vue des élections à date fixe qu'il vient de faire adopter. Il aurait certainement pu tenir un vote de confiance, car c'est sa prérogative.
Deuxièmement, la population canadienne est capable de comprendre des questions complexes. Il est probable qu'elle comprendra parce que beaucoup de gens lui diront que le gouvernement n'appuyait pas le Protocole de Kyoto et que la seule raison pour laquelle cela a été fait, à juste titre, c'est que les partis d'opposition ont obligé le gouvernement à le faire. Le débat pourrait être assez complexe, mais les Canadiens sont capables de comprendre.
M. Hurley : Dans chaque cas, ils feront la distinction entre la responsabilité juridique de ce que le Parlement a adopté et la responsabilité politique dans un système de gouvernement responsable.
Le sénateur Mitchell : Je crois que les Canadiens auront un choix clair à faire et sauront exactement sur quoi porte leur vote, si c'est la question qui leur est posée. N'êtes-vous pas d'accord?
Le sénateur Carney : Je ne suis pas avocate. Je ne veux pas répondre à des questions hypothétiques. J'ai 25 ans d'expérience comme législateur à titre de députée, de ministre et de sénateur. J'ai l'impression que vous nous dites que le projet de loi C-288 est un train en perdition dont il est impossible d'arrêter la course. Rien dans mon expérience parlementaire ne m'indique que c'est le cas. D'après la Cour suprême, tout ce qui concerne l'environnement relève de la compétence conjointe du gouvernement fédéral et des provinces. Cela laisse une certaine marge de manœuvre.
Monsieur Hurley, n'y a-t-il vraiment aucun moyen d'arrêter ce train en perdition?
M. Hurley : Je ne suis pas certain qu'il s'agisse d'un train en perdition, mais si les sénateurs estiment que des questions de gestion — je veux parler de la gestion de l'administration publique — sont en jeu en même temps qu'un cadre juridique, il pourrait y avoir une marge de manœuvre qui permettrait au gouvernement de garder le plein contrôle de la gestion et de l'ordonnancement des ressources à mettre en œuvre pour s'acquitter de ses obligations en vertu de la loi.
Ensuite, au chapitre de la responsabilité politique à l'égard du projet de loi, il serait possible d'envisager des dispositions qui retarderaient la mise en vigueur. Ainsi, les partisans du projet de loi auront clairement montré leur engagement envers Kyoto. En même temps, si le gouvernement ne souhaite pas en assumer la responsabilité politique, le projet de loi pourrait n'entrer en vigueur qu'après les prochaines élections par exemple.
Le sénateur Carney : C'est justement la question qui se pose. À quels moyens peut-on recourir pour retarder la mise en vigueur? Je sais qu'on peut réorganiser et faire toutes sortes de choses au niveau de la gestion et du financement. Quelles mesures précises le gouvernement peut-il prendre pour retarder l'entrée en vigueur? Empêcher la sanction royale?
M. Hurley : Le Sénat pourrait examiner la question de l'application et la possibilité de prévoir une marge de manœuvre en ajoutant une disposition d'entrée en vigueur. Le Sénat pourrait naviguer dans ces eaux et déterminer ce qu'il convient de faire du projet de loi. Cela pourrait nécessiter d'obtenir le consentement de la Chambre des communes par la suite.
Si le Sénat adopte le projet de loi tel quel, il s'ajoutera alors au groupe de mesures législatives à envoyer pour la sanction royale. Et aussitôt que le leader du gouvernement à la Chambre des communes aura décidé d'envoyer le groupe, le projet de loi recevra la sanction royale, selon la convention constitutionnelle.
Le sénateur Carney : Nous ne faisons qu'introduire encore plus de confusion en parlant de navigation et de train en perdition, sans compter le groupe de mesures législatives.
Conseiller le gouvernement du Vanuatu doit être singulièrement plus facile que conseiller ce comité sénatorial. Si le gouvernement estime qu'il ne peut pas assumer les conséquences financières de Kyoto, ce qui s'inscrit dans son pouvoir exécutif, quelle peut être la solution? Avez-vous des moyens concrets à nous proposer?
Quand vous dites que le Sénat à majorité libérale peut envisager de naviguer dans ces eaux en proposant des modifications à la Chambre des communes, vous supposez que le barreur au gouvernail voudra bien prendre ce cap. Je suppose, moi, que les sénateurs libéraux ne voudront pas emprunter cette voie.
Je vous demande de nous proposer des moyens pratiques qui nous permettraient, comme sénateurs, de laisser le gouvernement prendre une décision. Comment pouvons-nous arrêter ce train en perdition? Nous pouvons voir partout les signaux d'alarme nous avertissant des conséquences financières que, de l'avis de tout le monde, nous ne pouvons pas assumer. Quelle est la solution?
M. Hurley : Nous avons dit plus tôt que si le projet de loi reçoit la sanction royale, le gouvernement en sera responsable. J'ai signalé que, si le gouvernement estime insuffisant le délai de 60 jours qui lui est imparti pour élaborer un plan, il peut produire un plan pour la forme disant qu'il a examiné la situation, qu'il a avancé autant qu'il le pouvait et qu'il prendrait d'autres mesures par la suite. Toutefois, comme l'a dit ma collègue, une fois le projet de loi approuvé, le gouvernement est tenu de s'y conformer.
Le sénateur Carney : Il n'est pas tenu de dépenser de l'argent qu'il ne possède pas.
Mme Collins : Le projet de loi n'impose aucune dépense.
Le sénateur Carney : Ma question était très sérieuse. Le comité veut avoir des conseils au sujet de la mise en œuvre plutôt que des objectifs du projet de loi. Vous dites qu'il doit recevoir la sanction royale. Il est impossible de le retirer du groupe de lois envoyé à la sanction royale. D'après la convention constitutionnelle, il doit recevoir cette sanction.
Vous n'êtes cependant pas assez précis lorsque vous dites que le gouvernement peut affirmer qu'il est incapable d'atteindre les cibles.
Le sénateur Mitchell : Le gouvernement peut poser la question de confiance.
M. Hurley : Si le Sénat adopte le projet de loi, il ne sera pas renvoyé aux Communes.
Le sénateur Carney : Il ne sera pas renvoyé aux Communes.
M. Hurley : Il ne serait renvoyé que si vous proposez des amendements.
Le sénateur Mitchell : Le gouvernement peut tenir un vote de confiance.
Le sénateur Carney : Il aurait pu le faire, mais il ne l'a pas fait. Le projet de loi ne sera pas renvoyé à la Chambre des communes s'il est adopté. Par conséquent, il ne sera plus possible de poser la question de confiance. Ma question est donc la suivante : À quelle solution législative pourrons-nous recourir pour retarder l'entrée en vigueur du projet de loi?
M. Hurley : Comme je l'ai dit, il y a différentes possibilités. À moins d'ajouter une disposition d'entrée en vigueur, qui permettrait de retarder...
Le sénateur Carney : Est-ce que cela nécessiterait un amendement?
M. Hurley : Oui.
Le sénateur Carney : Vous dites donc qu'une des solutions possibles consisterait à proposer un amendement pour ajouter une disposition d'entrée en vigueur, puis de renvoyer le projet de loi modifié à la Chambre des communes. Est- ce bien cela? Vous dites que c'est une solution possible. Ensuite, le projet de loi serait débattu à la Chambre des communes, puis reviendrait au Sénat, ce qui entraînerait des élections.
Le sénateur Mitchell : Le sénateur Carney a raison de dire que le projet de loi a dépassé le stade auquel il aurait pu faire l'objet d'un vote de confiance. Toutefois, le gouvernement peut déposer, le lendemain de la proclamation de ce projet de loi, un autre projet de loi l'abrogeant et le soumettre à un vote de confiance. Le gouvernement peut toujours poser la question de confiance. Il peut déposer une mesure législative abrogeant le C-288.
Le président : Nous sommes en train de tenir un débat. Nous sommes ici pour poser des questions aux témoins.
Le sénateur Angus : Si, pour donner suite aux observations de Mme Collins et aux interventions des sénateurs Carney et Mitchell, nous proposons un amendement disant que le projet de loi n'entrera en vigueur que dans telle ou telle circonstance, et que nous renvoyons le projet de loi aux Communes, il pourrait alors faire l'objet d'un vote de confiance, n'est-ce pas? La possibilité d'un tel vote n'est donc pas complètement écartée.
Le président : M. Hurley semble nous dire que, jusqu'ici, c'est la seule « solution » qu'il a à nous proposer. Est-ce exact?
Le sénateur Angus : Il en a d'autres.
Le sénateur Carney : La solution, c'est un amendement. Vous avez éclairci ce point. Pour vous, c'est le moyen auquel nous pouvons avoir recours : modifier le projet de loi et le renvoyer à la Chambre des communes, qui aurait alors le choix d'adopter l'amendement ou d'en faire une question de confiance.
M. Hurley : C'est le seul moyen d'empêcher l'entrée en vigueur immédiate du projet de loi après la sanction royale.
Le président : Sénateur Milne, l'usage me dicte de donner la parole aux membres du comité d'abord. Toutefois, le sénateur Murray est le suivant sur la liste. Acceptez-vous de lui céder la parole?
Le sénateur Milne : Oui, pour la deuxième fois.
Le sénateur Murray : Madame Collins, il est tout à fait évident, à la lecture des dispositions du projet de loi, que s'il est adopté, il sera absolument impossible pour le gouvernement de s'y conformer sans dépenser beaucoup d'argent. Il suffit d'un coup d'œil au projet de loi pour s'en convaincre.
Pour répondre à une question posée par le sénateur Carney, je dirais que si le gouvernement ne dépense pas de l'argent, on peut envisager qu'il soit poursuivi en justice et qu'un tribunal lui ordonne de déposer un projet de loi de finances, d'y joindre une recommandation royale, et de dépenser les sommes nécessaires pour se conformer à la loi.
Parlons un instant de justiciabilité. Déterminer si le gouvernement fait ou non de son mieux est une question de jugement qu'il appartient aux parlementaires et, en fin de compte, aux électeurs de trancher. La question que je voudrais vous poser et que je voudrais en fait poser à mes collègues est la suivante : souhaitons-nous vraiment que les tribunaux décident si le gouvernement fait de son mieux?
Beaucoup d'autres dispositions du projet de loi font également appel au jugement, comme l'obligation pour le gouvernement d'assurer « une répartition équitable des niveaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre entre les secteurs de l'économie qui contribuent aux émissions de gaz à effet de serre ».
Qu'est-ce qu'une répartition équitable? De toute évidence, c'est une question de jugement politique.
Que représente une transition équitable à l'égard des travailleurs touchés par les réductions d'émissions de gaz à effet de serre? Il n'y a pas de doute que le gouvernement est également tenu de faire des dépenses, d'adopter des mesures fiscales, de prévoir des incitatifs, et cetera, et cetera, et cetera.
J'accepte bien sûr ce que vous dites de la justiciabilité. C'est là ma plus grande préoccupation. Compte tenu de tout ce qu'on dit des juges activistes et autres, nous sommes en train d'inviter les tribunaux à formuler des jugements et à prendre des décisions qui appartiennent à juste titre aux parlementaires et à l'électorat.
Mme Collins : Tout d'abord, au sujet des dépenses, une décision a déjà été rendue établissant que, par son but et sa portée, le C-288 n'est pas un projet de loi de finances. Tout bien considéré, il est possible pour le gouvernement de s'y conformer en imposant des règlements à d'autres, c'est-à-dire aux grands émetteurs, pourvu qu'il n'en fasse pas lui- même partie. Par conséquent, le gouvernement peut se conformer au projet de loi en imposant simplement une réglementation aux émetteurs. Il a également la possibilité de juger que cette façon de procéder est préjudiciable à l'économie et qu'il est préférable pour lui de faire certaines dépenses. Mais il n'est pas du tout obligé d'agir ainsi. Je ne suis donc pas d'accord avec vous quand vous dites que c'est un projet de loi de finances.
Quant à votre seconde hypothèse, d'après laquelle un tribunal pourrait obliger le gouvernement à adopter une loi de finances, elle ne tient pas car les tribunaux n'ont pas le pouvoir d'ordonner au gouvernement d'adopter des lois. Les tribunaux peuvent déclarer une loi inconstitutionnelle. Ils peuvent dire au Parlement que la loi sera déclarée inconstitutionnelle à moins à moins que telle ou telle disposition ne soit modifiée, mais ils n'ont pas le pouvoir d'ordonner au Parlement de légiférer.
Le sénateur Murray : Qu'en est-il donc de la justiciabilité du projet de loi, madame Collins?
Mme Collins : La justiciabilité crée certaines obligations. Par exemple, le gouvernement doit élaborer un plan sur les changements climatiques dans les 60 jours. Autrement, il peut être poursuivi en justice.
Pour ce qui est de votre troisième point, concernant le caractère politique de la question de savoir si le gouvernement fait de son milieu, je comprends la complexité de l'affaire et les raisons pour lesquelles vous posez la question. Pourtant, les tribunaux se prononcent tous les jours sur des cas de ce genre. Vous avez parlé de l'utilisation de termes vagues tels que l'adjectif « équitable ». L'article 1 de la Charte parle de « limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique ». Les tribunaux tranchent tous les jours des questions aussi complexes. L'interprétation de l'article 1 se base sur une question d'équilibre. Le gouvernement a-t-il fait de son mieux pour respecter les droits et libertés en adoptant, par exemple, des lois nous protégeant contre les discours haineux?
D'une façon générale, je fais confiance à nos tribunaux. Ils ont fait du bon travail dans de nombreux domaines complexes. Ils pourront interpréter cette disposition d'une façon appropriée. Les affaires environnementales sont toujours difficiles. Les aspects scientifiques posent d'énormes difficultés. On peut espérer que toutes les parties voudront éviter les poursuites judiciaires, mais il n'en reste pas moins que les tribunaux sont capables de se prononcer sur ces questions.
Le président : Monsieur Hurley, voulez-vous répondre à cette question avant que je redonne la parole au sénateur Murray?
M. Hurley : Non, je crois que la réponse donnée est suffisante.
Je voudrais simplement dire que si des dépenses doivent découler indirectement d'une mesure législative proposée, elle n'est pas considérée comme un projet de loi de finances. En même temps, je sais d'expérience que si le gouvernement est soudain confronté à des délais stricts, il doit faire appel à d'énormes ressources, ce qui a bien sûr des conséquences financières. À moins d'appartenir au groupe de la haute direction, les fonctionnaires doivent être payés pour les heures supplémentaires faites le soir, le week-end, et cetera. Si le gouvernement dispose de 40 jours ouvrables pour atteindre un objectif donné — je ne sais pas si c'est possible ou non —, je suppose, ayant participé à des urgences de ce genre dans le passé, qu'il chargera d'abord un comité interministériel d'examiner la question et de déterminer l'orientation à prendre et les ressources nécessaires. C'est un fardeau pour le gouvernement, mais il dispose d'argent dans les budgets de fonctionnement. Il ira chercher des sommes par-ci et par-là, en puisant dans les budgets d'heures supplémentaires et ailleurs. Le gouvernement n'a donc pas à obtenir de nouveaux crédits. Il peut trouver l'argent nécessaire en procédant à des réaffectations dans les budgets déjà approuvés.
Toutefois, ayant travaillé pour différents gouvernements sur des questions de gestion de l'administration publique et ayant collaboré avec l'auteur de l'un des mémoires présentés à la Commission Gomery, je suis préoccupé parce que c'est au gouvernement qu'il appartient de gérer l'administration publique. Si on fixe des délais trop serrés sans consulter le gouvernement, qui doit s'acquitter de la tâche, on intervient dans sa gestion de l'administration. Je ne crois pas qu'une telle intervention soit très indiquée.
Le sénateur Murray : Je ne discuterai pas. Le projet de loi est précis. Il n'est pas exact de dire que le gouvernement doit simplement élaborer un plan. Le plan doit comprendre des éléments particuliers. Même si le projet de loi n'était pas justiciable des tribunaux canadiens, il imposerait quand même un fardeau administratif au gouvernement. En le rendant justiciable des tribunaux, surtout si certaines dispositions font appel au jugement, on ouvre aux juges la porte d'un domaine politique dans lequel je ne crois pas qu'ils soient jamais intervenus dans le passé. J'ai bien compris ce que vous avez dit au sujet de la Charte et de l'article 1er, mais cela permet aux tribunaux d'intervenir dans des domaines précis.
Je crois, madame Collins, que vous sous-estimez le rôle du gouvernement dans votre description de notre régime. J'ai peut-être un parti pris à ce sujet parce que j'ai passé trop de temps ici. Quoi qu'il en soit, en vous écoutant, on a l'impression que le gouvernement n'est qu'un organe passif dont le rôle consiste à recevoir et à exécuter les mesures législatives du Parlement, que le gouvernement n'est en fait qu'un agent du Parlement. Comme l'a dit M. Hurley, le gouvernement, dans notre régime, fait partie du Parlement. Même ce projet de loi est édicté par « Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada ».
Vous n'avez rien dit dans votre exposé préliminaire et n'avez pas dit grand-chose dans vos réponses au sujet de l'initiative financière de la Couronne. Comment la définissez-vous? Je sais bien que le Président de la Chambre des communes a décidé qu'il ne s'agissait pas, à strictement parler, d'un projet de loi de finances, mais quelle est votre définition de l'initiative financière de la Couronne? Que signifie-t-elle? Pourquoi existe-t-elle sinon pour affirmer la responsabilité du gouvernement envers le Parlement, et non l'inverse?
Mme Collins : Je vais reprendre vos questions, dans l'ordre. Je voudrais d'abord considérer la question du jugement politique et dire qu'il y a une grande différence dans le cas de la révision judiciaire des lois sur des bases non constitutionnelles. Comme vous le savez tous sans doute, en droit administratif, les juges ont un devoir de réserve face à des décisions spécialisées. Par exemple, si le tribunal aboutit à la conclusion que le ministre responsable de l'environnement a pris une décision fondée sur une question hautement scientifique ou technique, il fera preuve d'une certaine réserve. Dans le cas d'une question spécialisée, le tribunal se fonde sur le critère de l'irrationalité flagrante. Autrement dit, le plan sur les changements climatiques serait maintenu à moins que le tribunal n'y trouve des éléments manifestement déraisonnables. Les juges passent ensuite, sur une échelle descendante, aux questions de droit, qui ne se poseront pas dans ce cas.
Le sénateur Murray : Vous avez vous-même cité la décision relative à la rémunération des juges.
Mme Collins : C'est exact, mais ce n'était pas une affaire relevant du droit administratif. C'est ce que j'essaie d'expliquer.
Le sénateur Murray : Les juges n'ont-ils pas interprété la loi d'une façon qui a surpris la plupart des parlementaires?
Mme Collins : Il s'agissait de droit constitutionnel. C'est la raison pour laquelle je tiens à faire cette distinction. Si un plan sur les changements climatiques fait l'objet d'un procès, le tribunal fera preuve de réserve envers le ministère sur la base de son expertise.
Quant à la question de la prérogative financière de la Couronne, elle relève une fois de plus de la Constitution. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique établit la prérogative de la Couronne en matière de dépenses.
Pour ce qui est du rôle du gouvernement, ce n'est pas mon intention d'en contester l'importance. Le gouvernement a un rôle central à jouer dans notre système. Comme nous avons la plupart du temps des gouvernements majoritaires, le gouvernement contrôle le Parlement grâce à la discipline parlementaire. En fait, dans la majorité des cas, le gouvernement a de facto une priorité absolue. Beaucoup de constitutionnalistes s'inquiètent d'ailleurs du manque de freins et de contrepoids dans le système canadien.
Toutefois, la Cour suprême du Canada a statué qu'en vertu du principe de la suprématie parlementaire, l'exécutif doit mettre en vigueur les politiques adoptées par le Parlement. Oui, en ce sens, le gouvernement ne fait qu'appliquer les décisions du Parlement. Voilà pourquoi personne ne veut faire partie d'un gouvernement minoritaire. C'est la raison pour laquelle les partis politiques travaillent tellement fort pour former un gouvernement majoritaire.
Le sénateur Murray : Qu'est-ce qui protège la prérogative financière de la Couronne?
Mme Collins : La Constitution.
Le sénateur Murray : Autrement dit, il n'y a aucune protection. Vous êtes donc d'avis qu'en situation de minorité, le Parlement peut légiférer et le gouvernement est obligé d'exécuter, comme dans le cas de ce projet de loi.
Mme Collins : Pas dans le cas des projets de loi de finances.
Le sénateur Murray : S'il s'avère dans quelques années que le Protocole de Kyoto est vicié sur le double plan conceptuel et scientifique et si le gouvernement est allé de l'avant pour mettre en œuvre ce projet de loi, qui sera responsable? Le député Pablo Rodriguez ou le sénateur Grant Mitchell?
Mme Collins : Tout projet de loi comporte des risques. C'est la raison pour laquelle nous avons un régime démocratique.
Le sénateur Murray : Pour revenir à la distinction faite par M. Hurley, nous ne pouvons pas tenir le gouvernement politiquement responsable de ce projet de loi.
Mme Collins : Il est hautement improbable que l'électorat tienne le gouvernement conservateur politiquement responsable de ce projet de loi. J'en conviens très volontiers.
M. Hurley : Permettez-moi d'ajouter que nous avons eu un certain nombre de gouvernements minoritaires : 1957- 1958, 1962-1968, 1972-1974, 1979-1980 et ainsi de suite. Il est arrivé à ces occasions que des projets de loi contraires à la politique gouvernementale soient adoptés. Dans tous les cas cependant, ils étaient d'une importance relativement mineure. Celui que j'ai mentionné modifiait la Loi sur la taxe d'accise pour supprimer les droits imposés sur les bijoux. Il avait reçu la sanction royale le 25 novembre 2005. Aucun de ces projets de loi ne portait sur un aspect majeur de la politique publique. Ces aspects sont ordinairement discutés par les partis politiques en lice au cours des campagnes électorales.
Nous avons une Constitution écrite et des conventions constitutionnelles. En vertu de ces conventions et malgré tous les gouvernements minoritaires que nous avons eus depuis 1957, jamais une question d'une telle importance politique n'a été examinée et adoptée par le Parlement contre le gré du gouvernement. Je dis tout simplement que ce n'est pas inconstitutionnel, mais que c'est contraire aux conventions établies. D'autres projets de loi mineurs ont été adoptés, mais rien qui ait cette portée.
Si le projet de loi est adopté et que nous ayons assez fréquemment des gouvernements minoritaires, les acteurs politiques voudront peut-être penser aux conséquences à court et à long terme de ce projet de loi et au précédent qu'il établit.
Toute chose a des conséquences. Si le Parlement agit comme il le fait maintenant et comme il en a le pouvoir, il établira, sur le plan des conventions constitutionnelles, une nouvelle approche des grandes questions politiques qui sont normalement réglées par des élections, dans le cadre d'un mandat donné par l'électorat. Le Parlement peut aller de l'avant et adopter ce projet de loi. Je signale simplement que, ce faisant, il créera une nouvelle convention portant sur la façon de régler ces questions. Si les gouvernements minoritaires deviennent plus fréquents à l'avenir, il ne faut pas perdre de vue le précédent qui sera établi.
De toute évidence, rien n'empêche d'aller dans ce sens.
Le président : Je vous remercie.
Le sénateur Milne : J'aimerais avoir des éclaircissements. Je comprends bien que si le projet de loi est adopté, le gouvernement peut être poursuivi en justice si les plans ne sont pas mis en œuvre. Vous l'avez dit très clairement à plusieurs reprises, madame Collins. Toutefois, si le gouvernement produit des plans de mise en œuvre et adopte des règlements, peut-il être poursuivi si, à un moment donné, les plans, la mise en œuvre et les règlements se révèlent inadéquats?
Mme Collins : Comme vous le savez, le projet de loi n'est qu'une mesure provisoire puisqu'il ne va que jusqu'en 2012. En pratique, lorsque nous aurons mesuré les concentrations ambiantes de carbone, il aura atteint la fin de sa période d'effet. Encore une fois, le projet de loi traite essentiellement du processus à suivre : il faut produire un plan et adopter des règlements pour atteindre les objectifs énoncés dans le plan. Ce n'est pas comme certaines mesures législatives américaines qui prévoient de mesurer la qualité de l'air ambiant et de pénaliser financièrement les gouvernements. Le projet de loi traite seulement du processus.
Le sénateur Milne : Je ne cherche pas à suggérer au gouvernement un moyen de contourner cette mesure, mais il me semble clair que si nous adoptons le projet de loi et que le gouvernement produise un plan en faisant de son mieux, il ne sera pas poursuivi en justice. Si le plan se révèle inadéquat, encore une fois, il n'y aura pas de poursuites.
Mme Collins : Le plan serait jugé d'après les normes définies dans le projet de loi. Celui-ci est relativement solide par rapport à d'autres parce qu'il énonce une série de facteurs. Bien sûr, un plaignant qui poursuivrait le gouvernement au sujet de la mise en œuvre du projet de loi serait confronté au devoir de réserve, qui intervient couramment dans les procès environnementaux si le ministre a des compétences spécialisées.
Le sénateur Milne : Le ministre n'a peut-être pas de telles compétences, mais il dispose certainement d'experts.
Le sénateur Tkachuk : J'ai une question supplémentaire à poser. Si l'opposition souhaite que le projet de loi soit mis en œuvre, pourquoi ne le présente-t-elle pas sous forme d'une motion de défiance pour que l'électorat se prononce à son sujet?
Mme Collins : Vous devriez poser la question à vos collègues.
Le sénateur Tkachuk : Je pose une question politique parce que le projet de loi est politique. Tout cela est rattaché à la politique.
Mme Collins : Peut-être tous les projets de loi sont-ils politiques.
Le sénateur Tkachuk : Exactement, et certains le sont plus que d'autres. Si les partis d'opposition veulent agir ainsi face à un gouvernement minoritaire, au lieu de le forcer à faire quelque chose contre son gré, ils devraient présenter le projet de loi d'une autre façon, faire tomber le gouvernement et demander à l'électorat de se prononcer.
Mme Collins : Il faudrait d'abord savoir si les partis d'opposition veulent surtout imposer un vote de confiance ou agir le plus rapidement possible pour affronter les changements climatiques.
Le sénateur Tkachuk : Quand le Protocole de Kyoto est-il entré en vigueur?
Mme Collins : Je ne suis pas sûre de la date à laquelle le Canada a ratifié le Protocole.
Le sénateur Tkachuk : Était-ce en 1997?
Le président : Non, le Canada a signé le Protocole plus tôt.
Mme Collins : Le Protocole a été signé plus tôt, mais la ratification n'est venue que beaucoup plus tard. Je ne connais pas les dates.
Le sénateur McCoy : C'était en février 2003.
Le sénateur Tkachuk : Le gouvernement précédent aurait pu l'adopter en février 2003, 2004 ou 2005.
Le sénateur McCoy : Le Canada a ratifié le Protocole.
M. Hurley : Il y a ceci dans le préambule du projet de loi C-288 :
Attendu que le Canada a ratifié le Protocole de Kyoto en 2002 par un vote majoritaire au Parlement et que le Protocole est entré en vigueur en 2005 [...]
Mme Collins : Merci, monsieur Hurley.
Le président : Bref, c'est en 2005.
Le sénateur Tkachuk : C'était en 2002.
Le président : En avez-vous terminé avec votre question supplémentaire, sénateur Tkachuk?
Le sénateur Tkachuk : Oui, c'est terminé.
Le sénateur Kenny : C'est un spectacle remarquable, monsieur le président. Le sénateur Murray affirme que le Parlement n'a pas priorité sur le gouvernement, alors qu'il soutient constamment le contraire au Sénat. Le gouvernement savait que ce projet de loi rendrait le Protocole de Kyoto justiciable des tribunaux canadiens. Il avait la possibilité d'en faire une question de confiance, mais il a décidé de ne pas emprunter cette voie. Le gouvernement protège jalousement la prérogative royale, et les Présidents prennent régulièrement sa part lorsque cette question se pose. Quiconque a déposé un projet de loi d'initiative parlementaire sait combien cela est délicat et que le Président prend régulièrement la part du gouvernement à ce sujet. S'il y a un doute ou la moindre incertitude, le Président se prononcera en faveur du gouvernement, surtout s'il est majoritaire, comme on me l'a rappelé.
Nous avons posé des questions politiques à ces constitutionnalistes. Je ne crois pas qu'il soit juste de le faire. Les témoins sont ici pour nous conseiller au sujet de la Constitution. Nous avons affaire à un groupe de sénateurs insatisfaits qui veulent corriger l'erreur que le gouvernement a commise à l'autre endroit. Le gouvernement avait pourtant agi en connaissance de cause. Il aurait pu faire du projet de loi une question de confiance. Il aurait pu...
Le sénateur Carney : Est-ce une question?
Le sénateur Kenny : Je ne vous ai pas interrompue, sénateur Carney. Ayez donc la courtoisie de me laisser finir pour voir si je termine par un point d'interrogation. Soyez donc patiente.
Le président : Nous avons tous fait des discours.
Le sénateur Kenny : Je compte poursuivre aussi longtemps que je le pourrai, tant qu'on ne me dira pas que c'est contraire au Règlement.
Le président : Veuillez poser votre question le plus tôt possible, sénateur Kenny.
Le sénateur Kenny : J'y arrive.
Nous avons donc affaire à un groupe de sénateurs qui se débattent pour remédier à ce qu'ils perçoivent comme une erreur de leur gouvernement à l'autre endroit, mais il est trop tard. Leur gouvernement a déjà agi. Le train est en marche. Les chiens auront beau aboyer, cela ne servira pas à grand-chose. Ma question est donc la suivante : Ne devrions-nous pas mettre fin à cette réunion, monsieur le président, puisqu'il n'y a plus rien à discuter?
Le président : Cette question est-elle adressée aux témoins?
Le sénateur Kenny : La question est adressée au président. Elle est tout à fait conforme au Règlement.
Le président : Y a-t-il d'autres questions à poser aux témoins?
Le sénateur Spivak : Dans cette affaire, votre position dépend du côté où vous êtes assis.
Je voudrais avoir des précisions sur le caractère obligatoire du projet de loi. Comme vous le savez sûrement, nous avons une bonne législation environnementale, dont une grande partie n'a pas été mise en œuvre. Nous avons affaire ici à une mesure législative qui ordonne au ministre de faire certaines choses, sans lui laisser de pouvoirs discrétionnaires. Or la plupart de nos lois environnementales accordent au ministre de tels pouvoirs. Elles disent que « le ministre peut... », mais le ministre ne fait rien. Le projet de loi comporte-t-il, à cet égard, de nouveaux aspects constitutionnels? Empiète-t-il un peu trop sur les pouvoirs discrétionnaires du ministre?
Mme Collins : Je vais encore me répéter, mais cela nous ramène au principe de la suprématie du Parlement. Le Parlement peut soit ordonner au ministre de faire certaines choses, soit l'autoriser à les faire s'il le souhaite. Il appartient au Parlement de donner aux mesures législatives un caractère obligatoire ou discrétionnaire. Le fait de choisir le caractère obligatoire n'a aucune conséquence constitutionnelle.
Le sénateur Spivak : Les pouvoirs discrétionnaires du ministre s'inscrivent entièrement dans le processus législatif.
Mme Collins : C'est exact. Ils découlent ou ne découlent pas du libellé de la loi.
Le sénateur Spivak : L'importance relative de l'enjeu d'un projet de loi est une question d'opinion. Qu'est-ce qu'on peut considérer comme majeur ou mineur? On pourrait faire une analogie entre ce projet de loi et la Loi sur les mesures de guerre. Voilà qui décrit l'importance de la situation. Autrement dit, cela n'a aucune importance. Les pouvoirs discrétionnaires du ministre relèvent intégralement de la volonté du Parlement.
Mme Collins : C'est exact. Ils dépendent du libellé de la loi.
Le président : Je voudrais maintenant poser une question de nature constitutionnelle. On m'a dit que l'utilisation de la forme obligatoire dans un projet de loi permet différentes interprétations, selon le contexte. Cette forme ne lie pas nécessairement le ministre. Il semble qu'en droit constitutionnel, la forme obligatoire peut avoir un autre sens. Pouvez- vous le confirmer?
Le sénateur Kenny : Monsieur le président, je croyais que nous ne posions que des questions politiques.
Le président : Non, c'est une question touchant la Constitution. Avez-vous entendu parler d'une interprétation de ce genre?
Mme Collins : Non. Si vous parlez d'interprétations de la Charte, c'est un domaine distinct du droit. Comme je l'ai dit, s'il faisait l'objet d'une révision, ce projet de loi serait interprété en fonction de critères du droit administratif. En droit administratif, il n'y a aucune ambiguïté au sujet de la distinction à faire entre la forme obligatoire et la forme discrétionnaire. Une disposition discrétionnaire ne peut presque pas être soumise à une révision. Dans beaucoup d'affaires, les plaignants ont présenté des arguments très solides établissant que le ministre aurait dû faire telle ou telle chose pour tel ou tel motif contraignant. Ces arguments ne sont pas recevables. Une disposition discrétionnaire est essentiellement à l'abri de toute révision. Par ailleurs, une disposition obligatoire est claire. Le gouvernement doit se conformer. Je précise, encore une fois qu'en ce qui concerne le contenu, les juges ont un devoir de réserve.
Le président : Avez-vous une question constitutionnelle à poser, sénateur McCoy?
Le sénateur McCoy : J'ai une question concernant l'interprétation du Protocole de Kyoto. Est-ce admissible, monsieur le président?
Le président : Je crois bien que vous pouvez poser votre question à ces témoins experts.
Le sénateur McCoy : Si j'ai bien compris, le Canada a l'obligation de respecter les traités internationaux dont il est signataire. Par exemple, si le Canada n'adopte même pas une loi de mise en œuvre et, à plus forte raison, ne réduit pas ses émissions de gaz à effet de serre ou son équivalent de gaz carbonique conformément aux engagements qu'il a pris, à quelles sanctions s'expose-t-il? Je crois que le Protocole prévoit une sanction. Pouvez-vous me dire en quoi elle consiste? J'ai l'impression qu'il y a une sanction dont les conséquences seraient plus graves que d'autres. Elle toucherait notre capacité de participer aux échanges internationaux de droits d'émission. Pouvez-vous le confirmer?
Mme Collins : Je vous remercie de ces éclaircissements. Vous avez raison. On m'a demandé si le Canada pouvait être poursuivi en justice au niveau international. J'ai répondu que nous n'avons pas vraiment un système de justice internationale. Comme je l'ai mentionné, il pourrait y avoir des conséquences commerciales, pouvant comprendre des sanctions de l'Union européenne, par exemple, ainsi que l'exclusion des régimes internationaux d'échange de droits d'émission. Cette dernière sanction peut avoir des conséquences financières assez importantes.
Le sénateur McCoy : Elle pourrait même limiter la capacité de nos sociétés nationales et multinationales de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Or tout le monde espère qu'elles le feront.
Mme Collins : On suppose en général que les pays développés pourront, dans le cadre des efforts déployés pour atteindre leurs cibles, financer des projets favorables à l'environnement dans des pays en développement. À cause de la façon dont l'économie mondiale fonctionne, il est beaucoup moins coûteux de financer un projet vert au Népal que d'atteindre les cibles fixées à l'échelle nationale. Oui, il pourrait être très coûteux pour nous d'être exclus du régime international d'échange de droits d'émission.
Le sénateur Mitchell : Je voudrais revenir à l'observation de M. Hurley, selon laquelle aucune mesure de cette importance n'a jamais été adoptée dans le passé sous un gouvernement minoritaire.
Nous avons été témoins des premières manifestations de l'initiative de réforme démocratique depuis le temps du Parti réformiste — je dois probablement lui en attribuer le mérite —, qui est devenu par la suite l'Alliance canadienne pour aboutir au Parti conservateur d'aujourd'hui. L'initiative a commencé par l'idée qu'il fallait « habiliter » — je n'aime pas beaucoup ce mot — les députés. L'une des mesures prises pour le faire a consisté à leur permettre de voter sur les projets de loi. Je ne suis pas sûr du moment où cela a commencé. Je crois que c'est un leader du gouvernement venant de l'Alberta qui avait négocié à cette fin. Cette mesure a été adoptée en 1993 ou 1994. Je me souviens des remous qui s'étaient produits lorsque les députés ont obtenu le droit de se prononcer sur les projets de loi de leurs collègues d'arrière-ban. Cette mesure a bénéficié d'un appui considérable de la part du Parti réformiste, de l'Alliance canadienne et du Parti conservateur. Maintenant que les simples députés se sont prévalus de ce droit, voilà soudain que c'est un problème.
S'il ne leur est pas permis d'exercer leur droit au sujet de questions majeures — d'après vous, sans précédent —, il convient de se poser deux questions. D'abord, sur quelles questions mineures sont-ils autorisés à voter? Ensuite, comment faire la distinction entre les questions mineures et majeures?
C'est un fait qu'ils ont obtenu ce droit par suite de l'appui considérable...
Le sénateur Tkachuk : Monsieur le président, je n'ai pas à écouter tout cela. Il devrait poser une question, ou alors...
Le sénateur Mitchell : Vous allez devoir m'écouter tant que le président ne m'aura pas interrompu.
J'arrive à la question. Pour résoudre le problème, faudrait-il simplement retirer aux députés le pouvoir de voter sur les projets de loi d'initiative parlementaire?
M. Hurley : Je trouve votre observation très judicieuse. Je me rappelle qu'il y a 25 ou 30 ans, la politique était d'étouffer les projets de loi des simples députés. Même s'ils avaient l'appui de l'opinion publique, mais que le gouvernement ne souhaitait pas aller de l'avant, pour quelque raison que ce soit, on étouffait les projets de loi. Le Règlement de la Chambre des communes a maintenant été modifié de façon que les projets de loi des simples députés puissent faire l'objet d'un vote.
Le président : Je voudrais préciser, pour ce qui nous écoutent, qu'« étouffer » un projet de loi signifie ne pas permettre qu'une décision soit prise à son sujet.
M. Hurley : À l'époque, une certaine période était prévue pour le débat et le vote, de sorte que si des orateurs parlaient jusqu'au bout de cette période, il ne restait plus de temps pour procéder à un vote. C'était le moyen utilisé pour étouffer un projet de loi.
Vous avez bien raison de dire que sur le plan de l'habilitation du Parlement et des simples députés, la procédure a changé.
Je le mentionne parce que j'étais préoccupé par des questions de gestion de l'administration fédérale, dans le sens large du mot. Les projets de loi d'une importance relativement mineure n'ont pas causé de problèmes.
Je vous ai donné l'exemple de la suppression de la taxe d'accise sur les bijoux. Ce n'était pas une question qui pouvait diviser les Canadiens ou occasionner de grandes querelles. C'était, pour ainsi dire, sans conséquence.
Dans le cas d'une question qui occupe une place centrale dans le débat politique, je ne dis pas du tout qu'il ne faut pas aller de l'avant. Je me demande plutôt si nous ne sommes pas en train de diluer tout le fondement du gouvernement parlementaire responsable, comme nous l'avons connu jusqu'ici. Si un projet de loi de cette nature est adopté, sera-t-il suivi par d'autres? Où allons-nous aboutir?
Le premier énoncé qu'on nous a demandé de commenter témoignait d'une bonne dose de confusion quant aux principes fondamentaux de notre régime de gouvernement : « On a dit qu'un des principes fondamentaux du système parlementaire canadien est la séparation des pouvoirs et la mise en place d'une série de contrepoids entre l'assemblée législative et l'organe exécutif. » Ce n'est pas le cas. Si nous commençons à trancher les grandes questions politiques de cette façon plutôt que par des élections, allons-nous changer le régime politique? Je pose la question non dans le contexte des intérêts partisans que suscite le projet de loi, mais dans l'optique du fonctionnement de notre régime politique. Il n'est jamais arrivé auparavant, sous un gouvernement minoritaire, qu'une question à laquelle l'opinion publique attache une telle importance soit tranchée au moyen d'une loi adoptée par les partis d'opposition contre le gré du gouvernement. Revenons, par exemple, à l'époque de M. Diefenbaker et des missiles Bomarc B. Si les partis d'opposition avaient proposé un projet de loi imposant au gouvernement d'honorer son engagement de doter ces missiles d'ogives nucléaires, on aurait peut-être jugé qu'il ne s'agissait pas d'un projet de loi de finances. Le projet de loi aurait été débattu, et le gouvernement aurait peut-être été obligé d'obtempérer. Que se serait-il passé alors aux élections suivantes qui ont donné le pouvoir à un gouvernement minoritaire? Quel aurait été le rôle de cette affaire?
Mais l'opposition avait décidé d'en faire une question de confiance, ce qui a provoqué la chute du gouvernement. Le chef de l'opposition avait énoncé sa politique, en précisant qu'il accepterait les ogives nucléaires pendant cinq ans, puis qu'il négocierait pour s'en débarrasser. C'est ainsi que se réglaient normalement, sous un gouvernement minoritaire, les questions qui touchaient de très près les grands enjeux politiques de l'heure.
Allons-nous changer le mode de fonctionnement traditionnel de notre système parlementaire de gouvernement responsable? Si c'est le cas, nous devrions au moins le reconnaître d'emblée. Autrement, nous pourrions aboutir à un système dans lequel chaque fois que nous aurons un gouvernement minoritaire, ce qui pourrait être fréquent à l'avenir, des gens pourraient envisager d'adopter le système collégial suisse, le régime présidentiel américain ou autre. Nous renoncerions alors aux conventions de base de notre Constitution, qui se fondent sur l'hypothèse que le gouvernement est globalement responsable des grandes mesures législatives adoptées dans une session.
Le sénateur Mitchell : Très bien. Cela a commencé lorsque nous avons donné aux députés le pouvoir de se prononcer sur les projets de loi de l'arrière-ban. Il me semble que la seule façon de mettre fin à cette situation, maintenant que le cheval est sorti de l'écurie, serait de retirer ce pouvoir aux députés.
Le président : Je suppose, sénateur Mitchell, que vous avez fini d'exposer votre argument.
Le sénateur Mitchell : Ce n'était pas une question? Non, c'était un argument.
Le président : Était-ce une question?
Le sénateur Spivak : C'est en quelque sorte une question supplémentaire.
Le sénateur Kenny : Monsieur Hurley, ne pensez-vous pas qu'il soit prématuré de dire qu'un seul projet de loi changera notre système parlementaire? Vous conviendrez sûrement que le gouvernement aurait pu intervenir en en faisant une question de confiance puisque le Protocole de Kyoto occupait une place centrale dans sa campagne électorale. Il a choisi de ne pas le faire pour des raisons politiques, que chacun peut essayer de deviner.
Dans la même situation, un autre gouvernement aurait pu dire que l'affaire avait un rôle central dans son mandat et qu'il s'adresserait à l'électorat pour la régler. Ne croyez-vous donc pas qu'il soit prématuré de dire que ce projet de loi change radicalement notre régime de gouvernement?
M. Hurley : Je ne dis pas que c'est un changement radical de notre régime de gouvernement. Je dis plutôt que ce projet de loi crée un précédent. Les précédents antérieurs portaient sur des choses telles que la suppression de la taxe d'accise sur les bijoux. Il ne s'agissait pas de grands enjeux politiques.
Le sénateur Kenny : Nous avons compris et accepté votre argument. Vous portez un jugement sur l'importance du projet de loi. Vous dites que sa portée est plus grande que celle de n'importe quel autre projet de loi d'initiative parlementaire qui ait jamais été adopté. C'est un point de vue, mais il y en a d'autres.
M. Hurley : J'ai bien dit que la portée du projet de loi dépasse de très loin celle d'autres mesures législatives. Nous savons que le projet de loi traite d'un enjeu politique qui est très important en ce moment. Il crée un nouveau précédent. Bien sûr, il est déjà établi que des projets de loi d'initiative parlementaire peuvent être adoptés, même s'ils ne plaisent pas au gouvernement. Ce projet de loi se classe cependant dans une catégorie à part. Je ne prétends pas qu'il modifiera notre régime de gouvernement. Toutefois, si la chose se répète un certain nombre de fois au sujet d'enjeux politiques importants, sur lesquels les Canadiens se prononcent ordinairement au cours d'élections, nous risquerons d'obscurcir le concept traditionnel de gouvernement parlementaire responsable. Les gens pourraient alors se demander s'il n'est pas temps de redéfinir nos conventions constitutionnelles.
Le sénateur Kenny : Avez-vous jamais vu un projet de loi d'initiative parlementaire qui plaisait au gouvernement?
M. Hurley : M. Chrétien avait proposé un projet de loi qui avait plu.
Le sénateur Kenny : C'est l'exception à la règle. Vous conviendrez cependant que la plupart des projets de loi d'initiative parlementaire déplaisent au gouvernement.
M. Hurley : Oui, c'est la raison pour laquelle on les étouffait. Comme le sénateur Mitchell l'a signalé à juste titre, nous avons modifié la procédure, ce qui a des conséquences. Jusqu'ici, ces conséquences ont été relativement mineures par rapport aux grandes politiques du gouvernement. Dans ce cas, cependant, nous quittons les sentiers battus. Soyons honnêtes. On peut le faire. C'est déjà proposé. Nous ne devrions cependant pas fermer les yeux et affirmer que le projet de loi ne touchera pas à la dynamique des conventions constitutionnelles et à la responsabilité du gouvernement à l'égard des mesures législatives adoptées au cours d'une session.
Le sénateur Kenny : S'il est vrai que nous avons quitté les sentiers battus, l'avons-nous fait au Sénat ou à la Chambre des communes?
M. Hurley : À la Chambre des communes.
Le sénateur Kenny : C'est donc la chambre élue qui a quitté les sentiers battus?
M. Hurley : Oui.
Le sénateur Spivak : Je doute que le projet de loi modifie ou dilue la responsabilité et ce, pour deux raisons. D'abord, les trois partis d'opposition, qui s'entendent rarement entre eux, ont uni leurs forces dans ce cas. Ensuite, aucun de ces trois partis ne souhaitait des élections. Ce sont des circonstances rares. Elles ne se reproduiront pas souvent. À mon avis, le gouvernement non plus ne souhaitait pas des élections à cette occasion, parce qu'il préférait déclencher des élections en s'appuyant sur des questions de justice pénale ou autre plutôt que sur une question liée à l'environnement.
Que pensez-vous de ce point de vue? Est-il jamais arrivé auparavant que trois partis qui ne s'entendent pas ordinairement se mettent d'accord sur une question particulière? Est-il jamais arrivé auparavant qu'aucun des trois partis ne souhaitait qu'il y ait des élections?
M. Hurley : Je crois que c'est une observation politique. Je l'ai écoutée avec beaucoup d'intérêt.
Le sénateur Murray : Monsieur le président, il ne s'agit pas d'un seul projet de loi. La Chambre des communes en a adopté d'autres, parmi lesquels il y a le projet de loi mettant en œuvre l'accord de Kelowna. Je ne me souviens plus du montant en cause, mais il est de l'ordre de 8 à 10 milliards de dollars. Nous sommes actuellement saisis de ce projet de loi.
Je crois que le sénateur Mitchell a raison. Le cheval est sorti de l'écurie. Maintenant que la Chambre des communes a modifié son Règlement, les simples députés déposent de plus en plus de projets de loi qui font l'objet d'un vote et qui sont d'une importance croissante. De quelle façon pouvons-nous sauvegarder la prérogative financière de la Couronne? Y a-t-il un moyen quelconque de le faire? Cette prérogative constitue le fondement de la responsabilité, de l'unité du Cabinet et de notre système de gouvernement responsable.
La Nouvelle-Zélande a le même système que le Canada, sauf que son Parlement est monocaméral et que le gouvernement peut opposer son veto à tout projet de loi qui, à son avis, peut avoir des incidences majeures sur la situation financière du pays. Le gouvernement délivre alors un certificat, qui annule le projet de loi. Le Président de la Chambre des représentants ne peut plus le mettre aux voix.
M. Hurley : Lorsque j'ai passé en revue les possibilités qui s'offrent en principe au gouvernement, j'ai cité Geoffrey Marshall, qui est l'autorité britannique en matière de conventions constitutionnelles. Ayant signalé que la sanction royale est donnée sur instruments d'avis, il s'est demandé s'il est possible, en théorie, que le gouvernement refuse la sanction royale à un projet de loi d'initiative parlementaire qu'il ne souhaite pas mettre en vigueur. Il n'a cependant pas répondu à la question.
J'ai dit tout à l'heure que notre système ne comporte pas de freins et contrepoids et qu'en principe, le gouvernement n'a pas le droit de veto. Le sénateur Murray a mentionné que le gouvernement de la Nouvelle-Zélande avait ce droit. De son côté, le sénateur Mitchell a parlé de l'évolution de notre système et du fait que, dans le passé, les projets de loi d'initiative parlementaire n'atteignaient pas nécessairement le stade du vote. Aujourd'hui, ces projets de loi font de plus en plus souvent l'objet d'un vote, y compris les mesures législatives de cette importance. D'après certains observateurs de la scène politique canadienne, il est bien possible que nous ayons souvent des gouvernements minoritaires.
Peut-être le gouvernement devrait-il envisager la possibilité. Dans le cadre des conventions actuelles, si le gouvernement ordonnait au gouverneur général, par instruments d'avis, de ne pas donner la sanction royale à un projet de loi approuvé par le Parlement, le gouverneur général serait dans une position intenable. Ce serait peut-être la seule façon d'équilibrer...
Le président : ... sauf si nous intervenons. J'aimerais cependant aborder la question sous un autre angle. Il est rare que le Sénat aille contre la volonté de la Chambre des communes, mais cela arrive. Est-ce un cas dans lequel le Sénat devrait s'opposer à la volonté clairement exprimée de la Chambre des communes?
M. Hurley : Monsieur le président, cette question relève du jugement politique. J'ai essayé de vous expliquer, du mieux que je le pouvais, la façon dont ce projet de loi peut porter atteinte au concept de gouvernement parlementaire responsable au Canada. Lorsque j'ai commencé à passer en revue les possibilités théoriques qui s'offraient, j'ai bien précisé qu'il n'était pas indiqué de les envisager. On peut penser à quelques moyens pratiques. Dans la même veine, il appartient au Sénat d'user de son propre jugement politique pour décider s'il convient ou non de s'opposer à la volonté clairement exprimée de la Chambre des communes.
Le président : Ne ressort-il pas de la Constitution et des débats constitutionnels que la chambre de second examen objectif, comme on l'appelle, ne devrait pas aller à l'encontre de la volonté expresse de la chambre élue? Cela ne fait-il pas partie du contexte de la Constitution et de l'existence du Sénat?
M. Hurley : Le Sénat est censé constituer la chambre de second examen objectif. Je me souviens, par exemple, d'une question qui avait beaucoup retenu l'attention en 1960 ou 1961. Le gouverneur de la Banque du Canada, M. Coyne, avait formulé une politique monétaire qui avait déplu au gouvernement, mais celui-ci ne lui avait pas ordonné de faire marche arrière. Finalement, il a reçu des instructions, et le gouvernement a décidé, dans le cadre d'un projet de loi, de déclarer vacant le poste de gouverneur de la Banque du Canada. Le projet de loi a été rapidement adopté par la Chambre des communes, sans que M. Coyne ait la possibilité de se défendre. Ensuite, le projet de loi est arrivé au Sénat, qui l'a renvoyé à un comité. Sauf erreur, M. Coyne a passé trois longues journées à défendre sa réputation, mettant à rude épreuve la patience des sénateurs.
À la fin des auditions, le Sénat a décidé de ne pas renvoyer le projet de loi à la Chambre. On n'en a plus entendu parler.
Le sénateur Murray : Il a démissionné, épargnant à tout le monde beaucoup de désagréments.
M. Hurley : Oui, il a démissionné.
C'est donc un cas où le Sénat a fait fi de la volonté de la Chambre des communes.
Le président : Merci, madame Collins et monsieur Hurley. Cette séance a été très informative. Vous nous avez aidés dans nos délibérations.
La séance est levée.