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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 18 - Témoignages du 10 mai 2007


OTTAWA, le jeudi 10 mai 2007

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-288, Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto, se réunit aujourd'hui à 8 h 35 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. Nous avons le plaisir de vous souhaiter la bienvenue à une séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui examine le projet de loi C-288, concernant la mise en œuvre du Protocole de Kyoto.

Je suis le sénateur Tommy Banks et j'ai l'honneur de présider ce comité. Avant d'entamer les délibérations, j'aimerais présenter les membres du comité qui sont ici ce matin. Le sénateur Ethel Cochrane, de Terre-Neuve, est vice- présidente de notre comité. Le sénateur David Angus représente le Québec; le sénateur David Tkachuk représente la Saskatchewan; le sénateur Mira Spivak représente le Manitoba; le sénateur Raymond Lavigne représente le Québec; le sénateur Grant Mitchell représente l'Alberta; le sénateur Lorna Milne est la représentante de l'Ontario; le sénateur Willie Adams est le porte-parole du Nunavut et le sénateur Elaine McCoy représente l'Alberta.

Nous accueillons aujourd'hui M. Andrei Marcu, directeur exécutif de l'Association internationale pour l'échange de droits d'émission et M. Ian Carter, du bureau d'Ottawa de cette association. Nous sommes ici pour qu'on nous instruise et qu'on nous informe sur des questions relatives au système international d'échange d'émissions.

Andrei Marcu, directeur exécutif, Association internationale pour l'échange de droits d'émission : Merci beaucoup de me permettre de témoigner. J'apprécie cette occasion. En tant que Canadien, je suis fier d'être invité ici.

L'Association internationale pour l'échange de droits d'émission, ou AIEDE, est une association de gens d'affaires à but non lucratif qui a pour mission de veiller à ce que les objectifs de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, la CCNUCC, et, en définitive, de la protection du climat, soient atteints par l'établissement de systèmes mondiaux d'échange d'émissions de gaz à effet de serre (GES) par les entreprises, de façon efficace sur le plan économique tout en maintenant l'équité sociale et l'intégrité de l'environnement.

L'AIEDE compte actuellement 153 entreprises parmi ses membres; 51 p. 100 de ces entreprises sont des organisations telles que des institutions financières, des maisons de courtage, des banques, des cabinets d'avocats et des sociétés d'experts-conseils et les 49 p. 100 restants sont des entreprises émettrices. Les émetteurs sont des entreprises dont les activités sont actuellement réglementées en vertu d'un régime quelconque dans le monde, probablement en Europe, ou des entreprises qui s'attendent beaucoup à être réglementées parce qu'elles sont émettrices.

Leurs émissions à l'échelle mondiale sont de l'ordre de 2,5 milliards de tonnes, soit davantage que les émissions de l'Allemagne et du Canada réunis. Ce sont leurs représentants qui font la promotion de l'échange d'émissions, pas par esprit de charité ou par intérêt purement théorique, mais dans le souci de gérer leurs risques.

Une politique efficace de réduction des émissions de gaz à effet de serre doit être fondée sur trois éléments essentiels : l'établissement d'un prix pour le carbone, le développement technologique et d'autres politiques et mesures axées sur la suppression des obstacles à un changement de comportement. L'exclusion de l'un ou l'autre de ces éléments accroîtra considérablement les coûts de l'action.

Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au moindre coût social possible, il est d'une importance fondamentale de fixer un prix pour les gaz à effet de serre. Un signal de prix est en soi beaucoup plus efficace que tout type de contrainte par le biais d'une approche réglementaire. En attribuant un prix approprié au carbone, on confronte les consommateurs au coût environnemental de leur consommation. Cela incitera les individus et les entreprises à se détourner des produits et services générant des émissions élevées et à investir dans des solutions de remplacement à faibles émissions de carbone, généralement à des coûts comparativement peu élevés.

Dans le contexte du Plan d'échange des droits d'émission de l'Union européenne, ou PEDE UE, le marché démontre l'existence d'une corrélation claire entre la demande d'énergie à court terme et le marché du carbone avec la réduction temporaire subséquente de la demande et le remplacement volontaire des hydrocarbures.

Une étude faite par le MIT et la FEEM — il s'agit d'une étude conjointe menée par le Massachusetts Institute of Technology et par un centre de recherche sur le développement durable renommé, dont le siège se trouve en Italie — sur l'impact de la phase 1 du PEDE UE, entre 2005 et 2007, signale une réduction réelle de 80 millions de tonnes d'émissions au cours de la phase pilote, malgré la rareté limitée. La capacité réelle de transformation due à la fixation d'un prix pour le carbone entre en jeu à long terme, car elle informe le cycle d'investissement et canalise le capital vers les technologies à faibles émissions.

Le gouvernement du Canada est libre de décider d'utiliser ou non les mécanismes internationaux d'échange d'émissions pour se conformer au Protocole de Kyoto. La conformité souveraine et les unités de conformité auxquelles il faut avoir recours sont un choix de nature exclusivement politique. L'AIEDE est davantage préoccupée au sujet de la conformité des entreprises aux règlements concernant les GES qu'au sujet de la conformité souveraine. Cependant, si l'on excluait l'accès aux crédits internationaux des calculs du coût de la conformité au Protocole de Kyoto, cela augmenterait inévitablement le coût pour un pays et pour la collectivité d'entreprises à laquelle on demande d'assumer sa part du fardeau.

Compte tenu de la position du Canada, quels que soient les objectifs choisis par le gouvernement — à long terme, à court terme, conformité à Kyoto —, il est essentiel que les entreprises canadiennes aient accès à la flexibilité d'un système d'échange de droits d'émission assorti d'un système national et international de crédits compensatoires. Sans cela, elles seraient désavantagées par rapport à leurs concurrents étrangers qui ont accès à certains instruments, notamment à des crédits compensatoires internationaux moins coûteux. Il est essentiel qu'elles aient la latitude de choisir entre la possibilité de faire ou d'acheter, en ce qui concerne les réductions, afin de protéger des secteurs d'importance cruciale sur le plan économique.

À cet égard, le gouvernement du Canada a mis l'industrie canadienne dans une situation difficile au cours des cinq dernières années. Il est toujours actuellement impossible pour une entreprise canadienne de faire des investissements d'équipement éclairés par un prix du carbone. C'est un obstacle substantiel à la réussite de la politique canadienne de lutte contre les changements climatiques. Le problème du changement climatique ne peut être réglé sans procéder à une réorientation importante des dépenses d'équipement; ce ne sera pas possible en l'absence d'une certitude politique. Le débat sur la nature et la complexité des objectifs est d'importance secondaire — la réussite de la U.S. Clean Air Act est en fait liée à la capacité du marché à dépasser les objectifs. En Europe, le recours à une phase pilote a permis d'acquérir de l'expérience et d'établir des institutions. Par contre, on a demandé aux entreprises canadiennes d'évaluer la viabilité des objectifs en matière de réduction des émissions, sans connaître les possibilités de conformité qu'elles ont à leur disposition.

Il est essentiel que le Canada établisse un marché réglementaire des GES où la rareté est suffisante pour qu'il soit fonctionnel. Cependant, l'économie canadienne n'a pas la diversité et la taille nécessaires pour donner au marché du carbone canadien une offre suffisante de réductions à faible coût axées sur des différences de coût de diminution des émissions. Les entreprises canadiennes ont fait des progrès considérables au chapitre de leur efficacité en matière de production de carbone. Le Canada restera un exportateur d'énergie pour les prochaines années. Les combustibles fossiles continueront de jouer un rôle capital dans notre économie pour au moins une autre génération. On ne peut pas s'attendre à une transition du jour au lendemain vers une économie utilisatrice d'énergie non génératrice de carbone. Par conséquent, il est essentiel pour la liquidité d'un marché canadien du carbone que l'on autorise l'octroi de crédits pour la réduction des émissions en dehors des secteurs assujettis à un plafond, y compris ceux de l'étranger.

L'expérience au cours des deux dernières années indique qu'il y a une offre substantielle de crédits de réduction à faible coût à l'échelle mondiale et que le marché du Mécanisme pour un développement propre, le MDP, est capable de les trouver et de les exploiter activement. L'offre de crédits de réduction des émissions axés sur des projets continue de s'élargir au fur et à mesure que le MDP mûrit en tant qu'institution. Une demande incertaine est sur le point de devenir le principal déterminant de la disponibilité du produit.

Au cours des 12 derniers mois, la croissance du marché mondial a été considérable; sa valeur est passée de 2,4 milliards de dollars américains de crédits axés sur les projets à 4,8 milliards de dollars américains en 2006; le pipeline de projets continue d'ailleurs de s'élargir considérablement. Cependant, ce marché a également démontré une profondeur plus grande qu'au début. Alors que ses détracteurs se sont accrochés aux projets industriels, dans les faits, les possibilités de réduction à coût extrêmement bas n'existent plus. En 2006, plus de 25 p. 100 des crédits du MDP étaient liés à des projets d'énergie propre, comme la conservation de l'énergie, l'adoption d'autres types de combustibles, la biomasse, l'énergie électrique et l'énergie éolienne, alors que ce n'était que 11 p. 100 en 2005.

À la fin de mars, 1 866 projets à différents stades du pipeline, étaient en théorie capables de produire 1,9 milliard de tonnes métriques de réductions d'émissions. Ce pipeline a continué de s'élargir considérablement à l'approche de la période d'engagement du Protocole de Kyoto. Le marché a été mis au défi de repérer et d'exploiter les possibilités de réduction et les résultats continuent de dépasser les attentes.

Alors que le nombre de projets du pipeline du MDP et de la Mise en œuvre conjointe continue de s'accroître, l'investissement est réorienté vers des projets pour la période ultérieure à 2012, car l'offre de crédits à l'intérieur du pipeline est actuellement suffisante pour répondre à la totalité de la demande dans le système de Kyoto, à l'exclusion du Canada. Cette situation doit inévitablement avoir une influence sur le pipeline de projets qui doivent être réalisés au cours de la période 2008-2012.

Les analystes de marché excluent invariablement la demande canadienne potentielle de leurs calculs et, par conséquent, il est clair qu'il y aura suffisamment de crédits axés sur les projets pour permettre au système de Kyoto de s'équilibrer sans nécessiter la vente d'unités de quantité attribuée ou UQA, entre les parties au Protocole de Kyoto. Toute la discussion sur l'« air chaud » est sans intérêt avant la première année de la période d'engagement du Protocole de Kyoto, grâce au Mécanisme pour un développement propre.

Du fait qu'il a tardé à mettre en place les institutions nécessaires, le Canada, qui était au début un chef de file dans le domaine, est resté à la traîne et a laissé d'autres pays s'emparer des crédits de réduction à faible coût. Il reste toutefois un large réservoir de crédits sur le marché secondaire et des crédits potentiels de projets en cours de développement, à un prix inférieur au coût social de la réduction au Canada.

L'accès à des crédits de réduction à faible coût est essentiel pour permettre à l'économie canadienne de poursuivre sa croissance pendant qu'elle réoriente ses actifs vers des options à faibles émissions. De nombreuses entreprises sont beaucoup plus capables de soutenir les faibles coûts des achats de crédits que de déceler les possibilités internes de réduction des émissions à court terme.

Le Canada restera un exportateur d'énergie pour les prochaines années. On ne peut pas faire du jour au lendemain la transition vers une économie utilisatrice d'énergie non génératrice de carbone. Les exportateurs d'énergie canadiens ne peuvent pas demeurer compétitifs, sur un marché de l'énergie mondial, en exportant de l'énergie tout en conservant la responsabilité de l'empreinte du carbone à un coût exclusivement intérieur.

La préoccupation de l'AIEDE est de s'assurer que les entreprises sont capables d'utiliser des mécanismes flexibles pour se conformer à des politiques de réduction des GES qui maintiennent leur compétitivité. Cependant, il doit être bien clair que les réductions axées sur les projets, ou réductions compensatoires, représentent des réductions réelles et permanentes des émissions de GES. Peu importent les objectifs que le Canada décide d'atteindre, il est essentiel que les entreprises canadiennes aient accès aux marchés internationaux.

Les gouvernements ne devraient pas déterminer le chemin optimal en ce qui concerne la conformité des entreprises en imposant une contrainte sur la production de gaz à effet de serre. Il faut donner au secteur privé, confronté à la contrainte, la possibilité de prendre la décision « de faire ou d'acheter ».

À ce chapitre, il est fondamental que les crédits de réduction axés sur les projets du MDP et de la mise en œuvre conjointe soient considérés comme de la conformité. Ces crédits sont un facteur primordial pour l'établissement d'un prix mondial du carbone qui est indispensable. Ils constituent également un cadre permettant de catalyser la mise en œuvre de technologies propres dans les pays en développement où les émissions de GES par habitant n'ont pas justifié leur assujettissement à un plafond.

Ces unités sont produites projet par projet et font l'objet d'une vérification indépendante faite par des vérificateurs accrédités de renommée internationale. L'AIEDE ne peut pas accepter qu'on juge que ce crédit manque d'intégrité environnementale. Le secteur de l'énergie canadien est essentiellement un secteur d'exportation; il est par conséquent insensé d'imposer des réductions de GES correspondant à des exportations d'énergie exclusives au Canada.

À cet égard, la récente décision de restreindre arbitrairement certaines catégories de crédits de MDP au Canada, selon les types de projets, en se fondant sur une logique ou sur des principes manquant encore de clarté, est préjudiciable à la certitude commerciale. En outre, elle met le Canada dans une situation consistant à porter un jugement unilatéral sur les résultats d'un processus multinational rigoureux. Nous désapprouvons ce type d'approche, qu'elle soit adoptée au Canada ou dans un autre pays.

Le gouvernement du Canada devrait entreprendre dès que possible la mise en place des institutions nécessaires pour permettre aux entreprises canadiennes d'acquérir des crédits internationaux et de les ramener au Canada pour se conformer au Protocole de Kyoto. Pour cela, il est surtout essentiel qu'ils soient admissibles aux termes de l'article 17 du Protocole de Kyoto. Les six conditions d'admissibilité sont que le pays soit partie au Protocole de Kyoto, ait une quantité attribuée calculée, ait mis en place un système national permettant d'évaluer les émissions et l'absorption, ait en place un registre national pour le suivi des quantités attribuées, présente le plus récent inventaire des émissions qui est requis, fasse une comptabilité précise des quantités attribuées et fournisse des renseignements. Ce qui est capital, c'est qu'on n'ait pas imposé d'échéancier précis aux entreprises canadiennes en ce qui concerne la mise en place d'un registre national.

C'est la fin de mon exposé officiel. L'AIEDE est un organisme international dont le siège se trouve à Genève. Nous avons également des bureaux à Bruxelles et à Ottawa. Nous avons un bureau ici depuis deux ans. Nous ouvrirons un bureau à Washington le mois prochain. Cependant, l'AIEDE a de très grandes affinités avec le Canada depuis sa création, il y a six ans. Notre premier président était Bob Page, de TransAlta. Je suis directeur exécutif et président de l'association depuis cinq ans et demi. Mon président du conseil est actuellement Dan Gagnier, qui ne travaille plus pour Alcan, mais qui a fait une longue et brillante carrière dans le secteur public et le secteur privé au Canada. L'AIEDE est une organisation qui, bien qu'elle soit internationale, a un caractère canadien très marqué.

Le président : Avant de passer aux questions, je pense que nous avons tous suivi votre exposé, sauf en ce qui concerne un acronyme, l'AAU. De quoi s'agit-il?

M. Marcu : Il s'agit des Unités de quantité attribuée. Aux termes du Protocole de Kyoto, on attribue à chaque pays un certain nombre de tonnes d'émissions ou Unités de quantité attribuée. Elles sont comparées au niveau de référence qui est celui de 1990. Ce sont des quantités qui ont été négociées dans le contexte du Protocole de Kyoto. Elles figurent à l'annexe du protocole.

Au même titre que l'on peut attribuer au Canada un certain nombre annuel de droits d'émission, dans le système international, à la suite des négociations de Kyoto, chaque pays a une certaine réduction ou une certaine augmentation par rapport aux limites de 1999, ce qui donne la quantité d'émissions qu'il sera autorisé à produire pendant la période 2008-2012.

Le président : Cette quantité a-t-elle déjà été fixée?

M. Marcu : La quantité a été fixée lorsque le Protocole de Kyoto a été conclu.

Le sénateur Lavigne : Je voudrais poser une question de privilège. Pourquoi votre document n'a-t-il pas été remis en version française également? Le Canada est un pays bilingue et nous devons recevoir nos documents en français et anglais.

M. Marcu : Je m'en excuse. J'ai été invité à témoigner quelques jours avant le gros événement que nous organisons annuellement à Cologne, où nous recevons 3 000 visiteurs du monde entier, qui a eu lieu la semaine dernière. Nous nous sommes préparés de notre mieux. Nous savons que les documents doivent être bilingues. Nous avons remis notre document le plus rapidement possible. Les diapositives sont présentées en anglais et en français. Je m'excuse du fait que mes notes ne soient qu'en anglais.

Le président : Elles sont en cours de traduction. Nous aurons les observations liminaires en français dans les plus brefs délais possible. Nous les avons envoyées à la traduction dès que nous les avons reçues.

Le sénateur Lavigne : Merci.

Le sénateur Cochrane : Je voudrais poser une question au sujet du troisième paragraphe de votre exposé, où vous indiquez qu'une politique efficace de réduction des émissions de gaz à effet de serre « doit être fondée sur trois éléments essentiels : l'établissement d'un prix pour le carbone, le développement technologique et d'autres politiques et mesures axées sur la suppression des obstacles à un changement de comportement ». Pourriez-vous donner des informations plus précises sur ces trois éléments?

M. Marcu : Notre association sait que la question du changement climatique est complexe et qu'il est préférable d'adopter des tactiques différentes pour les différents secteurs de l'économie.

Les échanges de droits d'émission et l'établissement d'un prix pour le carbone sont une façon nécessaire mais pas suffisante de lutter contre les changements climatiques. En ce moment, nous sommes confrontés à un mouvement ayant pour objet de faire la transition vers une économie à faible teneur en carbone, à un rythme prédéterminé. Je ne suis pas un scientifique, mais le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat ou GIEC signale que c'est urgent. Si nous fixons le prix du carbone à un niveau nous permettant d'obtenir la réduction que nous voulons, il sera élevé. Il est essentiel qu'il s'agisse d'un prix qui encourage le développement et le déploiement de technologies mais que l'on mette en œuvre d'autres mesures également.

Par exemple, le captage et le stockage du carbone en sont à un stade précoce. Pour que ça devienne rentable, il sera forcément nécessaire d'élaborer un programme technologique. Pour que cela devienne de la technologie viable, la collaboration entre le secteur privé et le secteur public sera essentielle. Le prix du carbone devrait encourager le développement de cette technologie de préférence à d'autres. Le prix du carbone est important et nécessaire, mais ce n'est pas suffisant pour lutter contre le changement climatique.

En outre, il sera essentiel de cibler différentes technologies sur les résultats qui seront les plus rentables sur les plans économique et écologique, pour chaque secteur. Par exemple, nous pensons que l'échange d'émissions est approprié pour des sources importantes, mais pas pour les transports terrestres. On aurait de la difficulté à déployer ce système en ce qui les concerne. Pour ce qui est des appareils électroménagers, il sera indispensable d'établir des normes; personne n'envisagerait un échange d'émissions pour un réfrigérateur.

Il sera essentiel de se constituer une boîte à outils incluant l'échange d'émissions; le prix du carbone est d'ailleurs un de ces outils essentiels, mais de nombreux autres facteurs interviendront.

Le sénateur Cochrane : Comment fixer un prix approprié pour le carbone?

M. Marcu : L'échange de droits d'émission n'entraîne pas de réduction. C'est un instrument du marché qui fixe le prix en ce qui concerne le carbone. C'est une question d'offre et de demande. Des limites sont imposées sur les quantités que les entreprises et les pays peuvent émettre. En ce qui nous concerne, ce sont les émissions des entreprises, et non pas des pays, qui nous intéressent. Certaines entreprises dépasseront les objectifs et d'autres ne les atteindront pas. Les organisations qui sont assujetties à un plafond seront encouragées à réduire encore davantage leurs émissions parce qu'elles peuvent monnayer leurs efforts. Elles peuvent faire en sorte que ces réductions se développent sur le marché.

Les entreprises dont les émissions sont supérieures à la quantité autorisée en vertu du plafond déterminé par le biais d'un règlement auront une motivation à décider s'il convient de réduire les émissions au sein de l'entreprise ou d'acheter des droits d'émission à une autre entreprise pour laquelle la réduction des émissions est moins coûteuse. C'est une décision d'affaires pure et simple. Par exemple, on a ses propres services d'imprimerie, comme de nombreuses entreprises autrefois, ou on donne les travaux d'imprimerie en sous-traitance. L'établissement d'un prix n'entraîne pas une réduction comme telle; il produit un prix qui est, pour l'ensemble de l'économie, une indication de la méthode la plus efficace de réduction des émissions.

Dans le cas des gaz à effet de serre, comme il s'agit de gaz mondiaux — les émissions de tous les pays ont les mêmes répercussions sur l'environnement —, ce prix donnera un signal permettant de déterminer où la réduction peut être la plus efficace à l'échelle mondiale, si la façon la plus efficace de réduire les émissions est de les réduire en Alberta ou à une centrale d'Ontario Power Generation, ou OPG, ou encore dans une usine indonésienne.

Le sénateur Cochrane : Pour élaborer la politique nécessaire à cette fin, nous aurons cette norme et nous devrons notamment examiner la question du stockage. Combien de temps estimez-vous qu'il faudra pour établir un système comme celui-ci?

M. Marcu : Pour établir un système d'échange de droits d'émission? Je suis au regret de devoir préciser, car c'est mon rôle, que l'élaboration de la politique nécessaire pour obtenir ce résultat n'est pas de la science quantique. On pourrait le penser, mais c'est en fait une tentative très simple.

Le système a été mis sur pied et est opérationnel depuis plusieurs années aux États-Unis, dans le contexte de la Clean Air Act, en ce qui concerne le dioxyde de soufre; il est d'ailleurs très efficace. Les Européens ont mis en place un système en deux ans et demi environ. C'est actuellement un processus relativement simple. La plupart des décisions sont politiques : la méthode d'attribution, la question de savoir s'il convient de mettre les permis d'émission en réserve d'une période à une autre et d'autres questions de nature semblable. Cependant, en ce qui concerne les registres, ils sont actuellement en place.

Le sénateur Cochrane : Pensez-vous qu'il faudrait deux ans et demi pour établir un système ici?

M. Marcu : Oui, nous avons en outre l'avantage qu'en ce qui concerne l'Europe, la première période d'établissement du système soit dépassée. Je pense que rien ne serait impossible dans un délai d'un an à un an et demi. Il y a plusieurs décisions politiques à prendre mais, sur le plan technique, c'est très réalisable.

Le sénateur Cochrane : Le projet de loi indique que, dans les soixante jours suivant l'entrée en vigueur de la loi, il faudrait être prêt à établir un Plan sur les changements climatiques incluant tous les éléments indiqués sur cette page-ci, et cela continue jusqu'à la page 5 du projet de loi. Pensez-vous que nous pourrions préparer un Plan sur les changements climatiques dans un délai de 60 jours?

M. Marcu : S'agit-il d'adopter un plan? En toute sincérité, je ne suis pas très au courant des procédures du Sénat et de la Chambre. Pour ce qui est d'un plan, je n'ai pas participé aux tables rondes canadiennes. Nous sommes au courant de la plupart des discussions et des réponses; il s'agit de prendre des décisions. Lorsque les décisions d'élaborer un plan sont prises, je crois que c'est réalisable. Le déploiement du plan dépend des ressources que l'on met à la disposition des différents ministères. En ce qui concerne l'élaboration d'un plan, nous connaissons les éléments d'un plan si nous devions en choisir un.

Le sénateur Mitchell : Ça tombe à point nommé; c'est précisément la question qui est au cœur de nos discussions. On craint généralement que l'échange ou l'achat de crédits puisse devenir, en quelque sorte, un « achat d'air chaud ». Comment sait-on, quand on obtient un crédit, que c'est bien un crédit? Certains processus ont été établis dans le contexte du Mécanisme pour un développement propre et des organisations comme la vôtre ont mis en place des processus pour confirmer leur validité. Natsource est une agence internationale de commercialisation qui a l'obligation envers ses clients de s'assurer que les crédits sont d'authentiques crédits. Pourriez-vous indiquer comment au juste se déroule le processus de vérification, pour que lorsqu'une organisation ou un individu achète un crédit, celui-ci soit effectivement responsable d'une réduction d'émissions de carbone?

M. Marcu : Dans le cas d'un marché canadien ou européen d'échange d'émissions, un plafond sera imposé à certaines entreprises qui seront autorisées par exemple à émettre 1 million de tonnes par an. Elles devront rendre compte de leurs émissions à la fin de l'année. Si on leur accorde des crédits pour 1 million de tonnes et qu'elles en émettent 1,1 million, elles devront remettre des crédits pour 1,1 million de tonnes. Elles pourront obtenir les crédits supplémentaires pour 0,1 million en s'adressant à une autre entreprise à laquelle on a remis un document et dont les émissions sont inférieures au plafond. Il s'agit d'un document délivré par l'État et il est par conséquent valide. C'est un document qui est délivré par exemple à TransAlta ou à OPG. Si le gouvernement du Canada délivre un tel document, il doit être bien valide.

L'autre option consiste à aller sur le marché international des crédits compensatoires. Ce marché international réduit les émissions projet par projet, à partir d'un niveau de référence. Je me souviens d'un projet que j'ai réalisé il y a des années. À supposer que vous alliez investir de l'argent dans une centrale électrique en Jordanie, que vous remarquiez que cette centrale fonctionne d'une certaine façon et que vous proposiez de dépenser des fonds pour en augmenter l'efficience par rapport au niveau de référence. Vous fournissez 1 million de dollars et constatez que vous créez des réductions d'un demi-million de tonnes. Vous les payez 2 $ la tonne et, par conséquent, vous obtenez cette quantité à titre de crédit de droits d'émission.

Comment savoir que c'est bien réel? Il s'agit d'un processus très rigoureux qui se déroule sous les auspices de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et sous la supervision du Conseil exécutif du Mécanisme pour un développement propre. Ce conseil est composé de 20 personnes mises en nomination par plusieurs pays, y compris le Canada. Le comité n'examine pas les projets un à un; il accrédite et vérifie. Il s'agit d'entreprises qui ont fait de la vérification, qui sont expertes et se sont soumises à un processus d'accréditation rigoureux, des entreprises comme la Société générale de surveillance, Det Norske Veritas, TUV en Allemagne, First Environment aux États-Unis et quelques autres. Leur personnel va faire des vérifications de toutes sortes sur place depuis une centaine d'années. Elles ont été accréditées tout spécialement et on a déterminé qu'elles possédaient les compétences nécessaires pour vérifier les réductions d'émissions de gaz à effet de serre. Elles ont une responsabilité illimitée. Ce n'est pas très intéressant pour la plupart d'entre elles. C'est un processus au sujet duquel le public peut faire des commentaires pendant une période allant jusqu'à 60 jours. C'est un processus dont on dit parfois qu'il est trop crédible sur le plan environnemental. J'en suis heureux, car certaines personnes mettent en doute la fiabilité du processus. Il n'est pas fondé de mettre en doute la crédibilité environnementale de ces processus. On se donne beaucoup de mal pour qu'ils soient « verts ».

Le sénateur Mitchell : Personne n'est capable d'acheter de l'air chaud. Est-ce que cette controverse au sujet de l'air chaud russe a pour seul but de détourner l'attention des initiatives vraiment appropriées?

M. Marcu : Nous vivons à une époque où il est beaucoup question de trames son. Je ne suis pas très expert en matière de trames son. Je suis fasciné de voir qu'elles deviennent monnaie courante. L'air chaud est un terme associé à divers types d'actifs. Sa définition est restreinte. Il existe deux types de conformité. L'une est la conformité souveraine des pays parties au Protocole de Kyoto, incluant le Canada, le Japon, l'Allemagne et d'autres pays, et l'autre est la conformité des entreprises en vertu du Plan d'échange des droits d'émission de l'Union européenne; ce pourrait être également un plan d'échange des droits d'émission canadien qui n'est pas encore en place.

Les unités de quantité attribuée, à savoir l'air chaud, sont l'excédent des unités de quantité résultant de l'effondrement de l'économie des pays de l'Europe de l'Est, à la suite de la débâcle du communisme. Par conséquent, en Russie et dans d'autres économies dotées d'une industrie très lourde qui se sont effondrées à la suite du démembrement de l'Union soviétique, causé par le fait que ces pays ont adopté des types de production plus économiques par rapport à ceux de 1990, le niveau des émissions a diminué considérablement. C'est ce que l'on appelle « air chaud ». Si vous étiez Russe, cela déclencherait un débat animé quand vous utilisez ces termes. On vous répondrait — et ce ne sont pas mes propos, mais ceux du négociateur russe — : « Nous payons depuis dix ans en coûts économiques et sociaux ces misérables unités de quantité attribuée ». Ces unités sont une catégorie très précise d'actifs. Je m'explique : une entreprise, qu'elle soit européenne, canadienne ou japonaise, ne peut pas avoir recours à ces unités, car ce sont des unités de Kyoto qui ne peuvent être utilisées que par des pays. À supposer que vous soyez la société RWE Solutions d'Allemagne ou le Groupe Lafarge de France, vous ne pouvez pas utiliser ces unités.

Le sénateur Mitchell : Dans votre exposé, vous avez fait le commentaire suivant : « La récente décision de restreindre arbitrairement certaines catégories de crédits du MDP au Canada, selon les types de projets, en se fondant sur une logique ou sur des principes manquant encore de clarté, est préjudiciable à la certitude commerciale ». Pourriez-vous donner des informations plus précises sur la nature de cette décision et indiquer quelles catégories sont exclues, en expliquant ce que vous entendez par « logique manquant de clarté »?

M. Marcu : Sénateur, il est clair qu'il existe 13 catégories de projets dans le cadre du Mécanisme pour un développement propre, dont certains concernent l'efficacité énergétique, et d'autres la biomasse, l'énergie renouvelable, la foresterie; on ne sait pas encore exactement lesquels seront autorisés et lesquels ne le seront pas. Dans l'Union européenne — et nous avons vigoureusement protesté contre cette façon de procéder —, il existe deux catégories d'actifs qui n'ont pas été autorisés, l'une est celle des projets reliés à l'affectation des terres, les changements d'affectation des terres et la foresterie (LULUCF), ce qui exclut toute l'Afrique, car en Afrique subsaharienne, la consommation d'énergie n'est pas très élevée. Par conséquent, cette façon de procéder exclut l'Afrique du MDP, ce qui est très regrettable. L'autre catégorie est celle des gros barrages d'une puissance supérieure à 20 mégawatts.

Il existe une autre restriction par rapport à l'accord dans le contexte du Protocole de Kyoto. Elle n'est pas imposée par le protocole comme tel mais, dans le cas de l'Union européenne, par l'Union européenne elle-même. Nous avons cru comprendre qu'il était probable que le ministre prendrait la décision concernant les catégories d'actifs qui ne seront pas autorisées dans le système canadien. Après avoir adhéré à un accord international, le Canada a le droit souverain d'imposer les restrictions qu'il veut, mais cela créerait un dangereux précédent. C'est ce que j'ai déclaré également devant le Parlement européen.

Le sénateur Mitchell : Les entreprises canadiennes devraient être capables de participer à des projets lorsqu'on peut trouver la façon la plus efficace de réduire le carbone pour que leur investissement soit le plus productif possible. Est-ce bien cela?

M. Marcu : Oui. Il y a deux façons d'examiner la question. L'une est que les entreprises canadiennes qui sont en concurrence avec d'autres sur le marché mondial, pour d'autres produits, qu'il s'agisse de l'aluminium, de l'acier ou du papier, n'ont pas accès à des réductions d'émissions bon marché des pays qui ne sont pas en développement, tandis que les compagnies norvégiennes et françaises et celles d'autres pays y ont accès. Lorsque nous faisons intervenir les coûts de production — le coût du carbone en est un —, nous perdons un certain avantage concurrentiel.

Le sénateur Mitchell : Vous avez mentionné tout à l'heure le nom de M. Robert Page, chargé de la gestion et de la durabilité de l'environnement de TransAlta, qui a fait un exposé et qui a eu des liens avec un organisme appelé BIOCAP Canada Foundation, que vous connaissez probablement. L'objectif principal de BIOCAP a été, entre autres choses, d'élaborer un réseau de recherche ayant des applications pratiques afin de trouver des méthodes d'exploitation forestière et agricole permettant d'obtenir des réductions de carbone par le biais de la biomasse, réductions qui pourraient alors faire l'objet d'un échange. Le gouvernement a cependant décidé de cesser de lui octroyer des fonds alors qu'il lui accordait 2,5 millions de dollars par an. Pourriez-vous donner quelques informations précises sur les possibilités qu'aurait notre économie agricole d'élaborer des crédits de carbone et des crédits échangeables qu'elle pourrait vendre pour augmenter ses revenus?

M. Marcu : Je ne peux pas faire de commentaires sur BIOCAP, car je ne sais pas quelle est sa situation sur le plan du financement; il serait par conséquent déplacé de ma part d'en faire. Je signalerais que la séquestration agricole est très importante et que la technologie et les méthodologies à faible teneur en carbone occuperont à l'avenir une place importante. Le gouvernement de Singapour nous a demandé de collaborer avec lui, car il veut faire de Singapour un centre de la réduction des émissions et des technologies faibles en carbone. Le gouvernement du Royaume-Uni a dépensé un demi-milliard de livres sterling pour faire de Londres ce qu'elle est actuellement, à savoir le centre du commerce mondial et de l'expertise en matière de carbone. Le gouvernement britannique ne l'a pas fait pour des raisons philanthropiques mais pour avoir un avantage stratégique en acquérant des connaissances sur la masse critique. Le Canada occupait à un certain moment une très bonne position et était un chef de file dans ces domaines. En raison de la valse-hésitation de ces dernières années, le Canada a malheureusement perdu dans une large mesure ce statut de chef de file. Le Canada a maintenant une excellente occasion de devenir un chef de file dans plusieurs secteurs de la technologie qui peuvent être exportés ou utilisés ici.

Il pourrait s'agir de projets de réduction d'émissions au Mali ou au Manitoba, car l'agriculture est une activité importante dans les deux cas et les résultats seraient avantageux. Si nous préférons toutefois qu'on investisse de l'argent au Canada plutôt que dans des porcheries chiliennes, il est important de conserver cette occasion pour les Canadiens d'obtenir ces investissements.

Le sénateur Milne : Monsieur Marcu, j'aimerais que vous compreniez clairement que quiconque peut faire un exposé devant le Sénat, que ce soit à titre individuel ou en tant que citoyen, dans la langue de son choix. Vous n'êtes pas obligé de faire un exposé en français si le français n'est pas une langue que vous avez de la facilité à parler. C'est de la courtoisie de votre part de fournir un texte en français, et vous l'avez fait en ce qui concerne vos diapositives. Tout porte-parole du gouvernement qui témoigne devant le comité doit cependant fournir sa documentation dans les deux langues officielles. Nous devons être capables de vous entendre dans les deux langues, et c'est pourquoi nous fournissons des services de traduction simultanée. Vous n'avez pas à vous préoccuper de cela.

Je ne comprends pas très bien quelques-uns des termes que vous avez utilisés dans votre excellent exposé. Vous avez parlé de rareté limitée et signalé que l'étude d'impact faite par le MIT et la FEEM signale une réduction réelle de 80 millions de tonnes, « malgré la rareté limitée ». Qu'entendez-vous par là?

M. Marcu : Je serais extrêmement heureux de faire tout cet exposé en français, mais je n'ai pas assez de pratique dans cette langue.

Je voulais dire en employant cette phrase qu'il s'agit d'un marché réglementaire et pas d'un marché naturel pour des produits comme les sardines, sur lequel la demande est naturelle. Le marché est créé par un règlement gouvernemental ou par autoréglementation, comme dans le cas du Japon. Par conséquent, pour qu'il y ait un marché, une pénurie de produits est essentielle. S'il y a abondance sur le marché, il n'est pas favorable, et le prix diminue.

Le Plan d'échange des droits d'émission de l'Union européenne comprend deux phases. La première phase, pour la période 2005-2007, était une phase pilote. Ceci n'a pas encore été mis en œuvre, mais le but est d'inclure 15 000 installations représentant 50 p. 100 des émissions de dioxyde de carbone en Europe. Au cours de la phase pilote initiale, on avait attribué aux installations européennes une certaine quantité de droits d'émission. Cette quantité de droits d'émission devait être inférieure aux émissions comme telles, de façon à forcer les gens à réduire ou à échanger des droits d'émission, sinon toute l'opération serait inutile. Le but principal d'un plan d'échange est de produire des réductions d'émissions et de forcer les entreprises à réduire leurs émissions. Le plafond doit diminuer progressivement.

Dans le cas de l'Europe, au cours de la première période de 2005 à 2007, on n'y a pas enregistré d'émissions historiques vérifiées. Par conséquent, l'attribution des droits a été faite en se basant sur de l'information qui n'est pas très exacte. Il y avait quelques données historiques, dont certaines ont été vérifiées, et on a constaté que la quantité de droits attribuée était relativement généreuse. Le résultat est que le prix a diminué à un niveau inférieur à 1 euro la tonne. Cependant, dans ce contexte, le MIT et la FEEM ont fait une enquête au cours de laquelle ils ont demandé à différentes institutions si elles avaient effectivement pris des mesures pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Le résultat a été un chiffre d'environ 80 à 100 millions de tonnes de réduction due simplement au fait qu'il y avait un plafond sur le prix du carbone, prix qui a atteint le niveau de 30 euros la tonne, puis a diminué à nouveau. C'est normal au cours de la première année sur une échelle environnementale. Il est essentiel d'assurer une certaine rareté dans le cadre d'un plan d'échange de droits d'émission. Au cours de la deuxième phase, en ce qui concerne la quantité de droits attribuée actuellement en Europe pour la période suivante de Kyoto, c'est-à-dire 2008-2012, la rareté est très grande. Il existe des données vérifiées pour 2005 et, par conséquent, les responsables savent ce qu'ils attribuent pour l'année prochaine. Le prix du carbone pour cette deuxième phase, celle de 2008 à 2012, est de 19 euros la tonne, ce qui est considérable. Ça déclenchera certainement des investissements considérables et ça portera à réfléchir attentivement à ce qu'on fera à ce sujet.

Le sénateur Milne : Vous avez fait ensuite le commentaire suivant : « Il est essentiel que le Canada établisse un marché réglementaire des GES où la rareté est suffisante pour qu'il soit fonctionnel ». Comment procédera-t-on? Vous avez précisé que les solutions les moins coûteuses ont été adoptées par les pays qui se sont engagés avant les autres dans l'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre. La rareté est-elle toujours suffisante pour qu'un marché puisse être fonctionnel? Le Canada pourra-t-il se lancer maintenant dans ce domaine?

M. Marcu : Il y a deux aspects : la demande et l'offre. La rareté s'appliquerait au niveau de la demande. J'ai travaillé pendant 18 ans à Ontario Hydro et je peux par conséquent en parler.

Au début de l'année, le gouvernement attribue à une centrale des droits d'émission de 100 000 tonnes. Si la centrale pense que ses émissions seront de 90 000 tonnes, la quantité attribuée ne devrait pas être de 100 000 tonnes, mais de 80 000 tonnes, sinon il n'y a aucune incitation à réduire les émissions ou à acheter des droits d'émission. Il est essentiel que la quantité attribuée à chaque installation soit inférieure aux émissions anticipées.

Il y a aussi le côté de l'offre qui permet d'aller acheter des crédits à l'étranger pour combler cet écart de 10 000 tonnes. La question qui a été soulevée est celle de savoir si l'offre est suffisante pour combler les écarts en Europe, au Japon et au Canada.

En ce qui concerne le premier volet de la réponse, le ministre de l'Environnement, ou le responsable du système réglementaire, doit attribuer des quantités inférieures aux prévisions pour forcer à réduire les émissions. Le deuxième volet est la question de savoir s'il y a des quantités suffisantes disponibles pour que nous puissions en acheter. On en a déjà acheté beaucoup et ma réponse est que — et j'ai essayé de le représenter dans certains des graphiques que j'ai ici — l'offre est assez importante pour répondre à la demande du marché.

Le sénateur Milne : Si le Canada mettait en place un plan pour adopter un système d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre axé sur le marché, comme vous l'avez décrit, estimez-vous qu'il serait possible de l'élaborer en 60 jours et qu'il soit opérationnel dans un délai d'un an ou d'un an et demi?

M. Marcu : J'aimerais faire une autre observation. Je ne suis pas expert en matière d'adoption de projets de loi au Canada et, par conséquent, lorsque j'indique des délais, il s'agit du temps qu'il faudrait, d'après moi, pour élaborer le plan. Il faut toutefois respecter certains processus politiques et publics, sur lesquels je ne suis pas en mesure de faire des commentaires. J'aimerais peut-être faire une rectification en ce qui concerne la première réponse.

Le graphique que nous avons distribué indique en rouge la demande que nous prévoyons et l'offre actuelle de crédits à l'échelle mondiale, d'après des informations provenant de la Banque mondiale, des Nations Unies et d'après nos propres estimations prudentes, en tenant compte du pipeline de projets, car nous voulons être prudents. Quand je fais un commentaire, je veux que les chances soient bonnes que cela se réalise; je pense donc qu'actuellement, au cours de la période de Kyoto, si on devait tenir compte de la totalité de la demande canadienne, il manquerait environ 600 millions de tonnes dans le cadre de ce projet. Ça inclut la totalité de la demande canadienne, compte tenu du fait que tout serait acheté. Ça inclut également le pipeline de projets actuel.

Le Mécanisme pour un développement propre a démontré une capacité extraordinaire de répondre à la demande; certains des autres graphiques indiquent l'augmentation de la production de crédits à l'échelle mondiale pour les dernières années; il s'agit d'une information tirée d'un rapport sur le marché de l'AIEDE et de la Banque mondiale, publié à la suite de notre réunion de Cologne.

Le graphique suivant signale l'augmentation du nombre de projets à différentes étapes et le nombre estimatif de permis qui seraient produits. Nous avons réduit ces chiffres à nouveau de 30 p. 100, car nous voulions être prudents. Je pense que le marché a répondu jusqu'à présent à la demande.

Le marché n'a, jusqu'à présent, généralement pas tenu compte de la demande canadienne. C'est une donnée inconnue et certaines déclarations politiques qui ont été faites indiquaient que le Canada n'achèterait pas de droits d'émission, que ce soit au niveau des entreprises ou au niveau souverain. L'offre sur le marché ne sera proportionnelle qu'à la demande. C'est basé sur les chiffres que nous voyons ici, pour combler l'écart d'environ 600 millions de tonnes avec des projets émergents dans le monde d'ici un an ou deux et sur les quantités considérables d'argent qui seront investies dans ces projets.

Pas plus tard qu'hier, Citigroup a annoncé un investissement de 30 milliards de dollars américains dans la lutte au changement climatique. Cette somme ne sera pas investie entièrement dans la production de crédits, mais des montants considérables y seront affectés. Les grandes sociétés font des investissements substantiels dans ce domaine; par exemple, Morgan Stanley y investit 3 milliards de dollars. Ce sont des montants dont on pouvait seulement rêver quand le système a été mis en place. Il y a quatre ans, une personne qui avait 100 millions de dollars était considérée comme une personne importante. Ce n'est plus une référence, maintenant; on parle plutôt de personnes qui ont des milliards de dollars.

Le président : En ce qui concerne ce graphique, pourriez-vous confirmer ce que sont les CER?

M. Marcu : Les unités de réduction certifiée des émissions sont le produit du Mécanisme pour un développement propre.

Le sénateur Spivak : Une des difficultés qui se posent lorsqu'on examine toute cette question, c'est toute la désinformation ou l'information manquant de clarté. Manitoba Hydro participe déjà au Système de Chicago et la Colombie-Britannique pense à se joindre à celui de la Californie. Actuellement, Manitoba Hydro vend; je ne sais pas qui achète. Est-ce que cela comptera pour les présentations du Canada dans le contexte de Kyoto, étant donné que les États-Unis ne sont pas un pays signataire du protocole?

Quelqu'un a laissé entendre que la raison pour laquelle nous ne participons pas à l'échange d'émissions est que nous voulons que les entreprises réduisent leurs émissions au Canada; nous ne voulons pas qu'elles achètent de l'air chaud à la Russie. Si c'est vrai, c'est une préoccupation légitime. Quelle sorte de plafond faudrait-il instaurer dans un système pour le Canada et quelle sorte de prix du carbone serait nécessaire — vous avez déjà un peu répondu à cette question — afin de s'assurer qu'il est assez élevé pour qu'il soit moins coûteux de réduire nos émissions que de vendre? Quelle sorte de tension serait nécessaire pour que ce soit vraiment efficace et que les entreprises canadiennes réduisent effectivement leurs émissions?

En ce qui concerne la question du sénateur Cochrane, nous avons un système en place et, par conséquent, nous connaissons le volume des émissions de chaque entreprise. Nous le savons. Ce système est en place depuis un certain temps.

M. Marcu : Le Chicago Climate Exchange est un système à participation volontaire. Ce n'est pas un système réglementaire établi par les autorités. Il s'agit essentiellement d'un accord entre plusieurs entreprises qui se sont regroupées autour du Chicago Climate Exchange et ont accepté un certain nombre de limites volontaires, des limites qui augmentent chaque année. Ce ne sont manifestement pas uniquement les Américains. Les émissions viennent notamment du sud de la frontière et du Canada.

Dans le cadre du Chicago Climate Exchange, les émissions ne compteraient pas. En Californie, le système sera opérationnel en 2012. C'est l'échéance du Protocole de Kyoto, tel qu'il se présente actuellement. À ce titre, tout ce qui a un rapport avec le système d'échange californien ne comptera pas non plus pour remplir un engagement de Kyoto que le gouvernement est libre de respecter ou non.

En ce qui concerne les réductions, les entreprises qui seront réglementées sous le régime d'un système de plafond au Canada — quel que soit le type de plafond — sont des entreprises qui prennent quotidiennement des décisions économiques. Lorsqu'on est au niveau de la haute direction, on prend quotidiennement des décisions concernant l'affectation des capitaux. Ces décisions sont fondées sur de nombreux facteurs. Le carbone sera un facteur supplémentaire, dont on tiendra compte. De façon générale, les entreprises qui survivent ont la compétence nécessaire, sinon elles font la culbute. Par conséquent, je pense qu'elles devraient être libres de décider si elles veulent faire des réductions internes ou acheter des réductions à d'autres entreprises si elles estiment, pour une raison ou pour une autre, que c'est plus avantageux ainsi.

Il est possible qu'à court terme, elles décident d'acheter à d'autres entreprises, car le roulement de leur capital social est plus long, et d'apporter ces changements à long terme. Une des erreurs de l'argument selon lequel l'échange d'émissions n'est pas réalisé effectivement en Europe est le fait que cet échange est relié à de grosses sources stationnaires — essentiellement des centrales ou des cimenteries. Mes connaissances ne sont pas très vastes dans le domaine du ciment, mais j'ai quelques connaissances dans le domaine de l'électricité. Le roulement de capital pour une société d'électricité n'est pas de deux ans. Une centrale électrique a une durée de vie de 25 à 30 ans. Quiconque prétend qu'une société d'électricité peut apporter des changements structurels et modifier ses actifs dans un délai de deux ans manque de réalisme ou n'est pas bien renseigné sur l'industrie énergétique.

On examine les modalités opérationnelles en tentant de réduire les émissions sur cette base, et c'est ce que j'ai fait lorsque je travaillais à Ontario Hydro. Ce type d'entreprise modifie l'ordre de répartition des centrales. Lorsqu'on tient compte du prix du charbon, du gaz, des frais d'entretien, des frais de fonctionnement et du carbone, on obtient un ordre social différent en ce qui concerne la répartition des centrales. Ce sont certaines des décisions qui entraîneront des réductions à court terme.

Sur le marché américain du SO2 — le dioxyde de soufre —, les sociétés de service public qui ont très bien réussi ne se sont pas précipitées pour construire des épurateurs. Elles savaient qu'elles devraient le faire, mais un épurateur n'est pas une installation qui peut être construite le premier jour. Elles ont essentiellement opté pour le charbon à faible teneur en soufre de l'Ouest et entreprennent la construction d'épurateurs à titre de solution à long terme. Ce processus leur a permis de patienter jusqu'à ce qu'elles achètent des crédits de faible teneur en soufre à d'autres sociétés de service public ou à d'autres entreprises qui se conforment aux règlements, en attendant de pouvoir mettre certaines dispositions en œuvre. Les entreprises auront la liberté de décider d'opter pour cette solution ou d'attendre en se basant sur des critères d'ordre économique.

Le sénateur Spivak : Les signaux du marché sont la seule possibilité pour nous. Pendant tout ce temps-là, pour une raison inexplicable, les entreprises n'avaient pas dû tenir compte du coût du carbone. Elles doivent maintenant le faire et cela fait partie des facteurs économiques. C'est absolument inévitable. C'est un coût supplémentaire. Les entreprises s'adaptent à la hausse des coûts de l'énergie et à d'autres changements. Elles devront maintenant s'adapter aux coûts réels du carbone, et peut-être à celui de l'eau.

M. Marcu : Quiconque prétend que l'imposition d'une contrainte carbone n'a pas un coût ne dit pas la vérité. L'imposition d'une nouvelle contrainte à l'économie a inévitablement un coût. L'échange de droits d'émission ne supprime pas ce coût. Il aura tendance à réduire autant que possible et à optimiser l'impact social d'une telle contrainte. Si le prix tombait à zéro, cela signifierait que nous avons résolu le problème et que nous n'avons plus ce coût. Ce serait formidable! Quelqu'un a mis deux pailles dans une bouteille d'eau et nous n'avons plus de problème.

L'AIEDE n'a pas de prix à donner. Je ne suis pas autorisé à donner des indications sur un prix, car ça pourrait influencer le marché. On verra bien ce que le marché fournira. Ce qui nous intéresse, c'est qu'il soit efficace pour réduire les émissions. Quand on impose un système d'échange d'émissions, on ne le crée pas dans le but de permettre à plusieurs des entreprises membres de mon association de réaliser des profits, ce qui est très bien, mais plutôt dans celui de réduire les émissions, sinon, c'est un échec.

Le sénateur Angus : Bonjour. Je pense que ce n'est pas la première fois que vous venez à Ottawa pour faire des commentaires sur le projet de loi C-288. Est-ce bien cela?

M. Marcu : J'ai témoigné devant plusieurs comités au cours des derniers mois. J'ai aussi témoigné devant la Chambre.

Le sénateur Angus : Oui, en novembre 2006. En tout cas, nous apprécions que vous soyez venu aujourd'hui. Vous avez mentionné les divers bureaux de votre association. Auquel êtes-vous rattaché?

M. Marcu : J'aimerais beaucoup répondre à cette question. Ma femme aimerait beaucoup connaître la réponse également. En toute sincérité, pour mon contrat avec l'association, je suis théoriquement à Toronto. Ma femme est à Toronto, ma maison est à Toronto, mes enfants sont à Montréal, à McGill, et le bureau principal de l'association est à Genève. Il s'agit d'une association suisse à but non lucratif dont le siège est à Genève et qui a des bureaux à Ottawa, à Bruxelles et en aura un, dans quelques mois, à Washington.

Le sénateur Angus : C'est intéressant. Êtes-vous citoyen canadien?

M. Marcu : Tout à fait.

Le sénateur Angus : Êtes-vous directeur général de cette entreprise qui a son siège en Suisse?

M. Marcu : J'en suis le président.

Le sénateur Angus : Je ne sais pas quel est le siège de l'association.

M. Marcu : Il est à Genève.

Le sénateur Angus : Où sont la plupart des employés?

M. Marcu : À Genève.

Le sénateur Angus : Combien y en a-t-il à Toronto?

M. Marcu : Nous avons une personne à Toronto et une personne à Ottawa. M. Carter est à Ottawa.

Le sénateur Angus : Est-il un agent de l'association?

M. Marcu : C'est un employé de l'association.

Le sénateur Angus : Vous avez signalé que c'est une association à but non lucratif et qu'elle n'est pas composée de nations ou de gouvernements souverains, mais de ce qu'on appelle des ONG, des organisations non gouvernementales. Ses membres sont des organisations privées. Est-ce bien cela?

M. Marcu : Il faut être une entreprise pour pouvoir être membre de l'association.

Le sénateur Angus : Il y a 151 membres pour le moment, n'est-ce pas?

M. Marcu : Il y en a 153.

Le sénateur Angus : Combien d'entreprises canadiennes sont membres de l'association?

M. Marcu : On nous a posé des questions semblables aux États-Unis et en Europe. La question est de savoir si la société CEMEX, par exemple, est une entreprise espagnole ou mexicaine. Il y a un certain nombre d'entreprises canadiennes. Nous avons essayé de les compter. Je pense qu'il y en a entre 25 et 30. Considérez-vous que Shell Canada est une entreprise canadienne?

Le sénateur Angus : Oui. Je pense que vous avez signalé qu'Alcan est une de vos membres. Est-ce bien cela?

M. Marcu : Alcan est la présidente de l'AIEDE.

Le sénateur Angus : Est-ce bien M. Gagnier qui est votre président bénévole actuel?

Le sénateur Spivak : Il n'est pas bénévole.

Le sénateur Angus : Est-il rémunéré?

M. Marcu : Il a été élu. C'est un poste non rémunéré.

Le sénateur Angus : C'est ce que j'entends par bénévole. La raison pour laquelle je pose cette question est que je veux faire une distinction. Vous avez mentionné que vous aviez quelques maisons de courtage, quelques institutions financières, quelques intermédiaires et entreprises semblables parmi vos membres, au total 51 p. 100, mais peut-on considérer que les autres membres sont des émetteurs?

M. Marcu : Oui.

Le sénateur Angus : Il y a donc de 25 à 30 émetteurs canadiens dans votre association. Lorsque vous témoignez au sujet de ce projet de loi, vous le faites au nom de tous vos membres. Est-ce bien cela?

M. Marcu : Si je le faisais, je perdrais vite mon emploi. Nous avons un système de gouvernance sérieux dans notre association, et il indique que la façon de procéder lorsque nous avons un exposé de position, c'est que ce document doit être examiné par un groupe de travail, en principe le groupe de travail canadien. Si j'estime qu'il n'y a rien de neuf dans cette position ou qu'elle ne contient aucune nouvelle politique touchant l'association dans son ensemble, j'ai le droit de défendre cette position. Cependant, si j'estime que la position contient de nouveaux éléments pour l'association, je la soumets au conseil d'administration de l'AIEDE. Dans le cas de ce témoignage-ci, je ne pense pas qu'il contienne des éléments qui n'aient pas été abordés au cours d'exposés précédents faits devant différents groupes. Ce texte a été examiné très minutieusement avec le groupe de travail canadien. Aucun membre de ce groupe n'a exprimé son désaccord. Tous les membres du groupe de travail ont eu l'occasion d'exprimer leurs opinions s'ils le voulaient.

Le sénateur Angus : Je pense que ce document a été présenté à d'autres endroits au Parlement du Canada, dans d'autres contextes que celui du projet de loi C-288.

M. Marcu : Je signale qu'il ne contient aucun élément qui représente une nouvelle politique pour l'Association internationale pour l'échange de droits d'émission. Je suis sûr que s'il n'a pas été distribué à tous les membres du groupe, il l'a été aux dirigeants de notre groupe. Il ne contient aucun élément qui serait contesté par un membre du groupe de travail canadien. Si c'est de lui qu'il s'agit, il a été entièrement accessible aux membres canadiens de l'AIEDE et a été appuyé par eux.

Le sénateur Angus : Je ne pense pas que ma question soit complexe. Certains de vos membres ont déjà comparu devant notre comité pour nous aider dans le contexte de l'examen de ce projet de loi. C'est tout ce que nous faisons en l'occurrence. Notre tâche est de voir s'il s'agit d'un projet de loi pertinent. Il a déjà reçu l'approbation de principe à deux niveaux de notre système parlementaire, mais nous sommes ici pour en faire un deuxième examen objectif.

Je pense que TransAlta est membre de votre association. Ses porte-parole ont signalé que le projet de loi est contre- indiqué. Ils pensent qu'il n'est pas raisonnable et qu'il y aurait de meilleures façons de procéder. Vous êtes ici pour nous aider dans notre étude du projet de loi C-288 et, naturellement, vous nous permettrez de comprendre, du même coup, comment fonctionne un système international d'échange d'émissions. Je vous en suis certainement reconnaissant, car je trouve que ce n'est pas aussi simple que vous le laissez entendre.

Je dois vous poser cette question-ci et j'espère que vous l'interpréterez convenablement. Je la pose de bonne foi. Je présume que vous êtes ici pour nous aider dans le cadre de notre étude du projet de loi C-288. Je prends cela pour acquis. Par conséquent, je dois vous poser les questions suivantes.

Pensez-vous que ce projet de loi soit la meilleure ligne de conduite pour le Canada à ce stade-ci, compte tenu des ressources dont dispose le gouvernement actuel?

M. Marcu : Je répondrai à la question comme je peux, mais je n'ai pas la compétence voulue pour décider ce que le gouvernement du Canada devrait faire.

Le sénateur Angus : Tous vos membres attendent votre réponse.

M. Marcu : J'espère qu'ils sont à Calgary. Je suis certain qu'ils doivent être là maintenant.

Ma réponse est toute simple : je suis président de l'Association internationale pour l'échange de droits d'émission. Je peux répondre aux questions relatives au fonctionnement du marché et à la disponibilité des crédits. Vous pouvez décider si c'est une option pertinente et raisonnable sur le plan commercial et financier pour le Canada. C'est une décision que n'a pas à prendre l'Association internationale pour l'échange de droits d'émission. Il serait déplacé de ma part, en tant que porte-parole d'une organisation canadienne ou d'une organisation ayant son siège en Suisse, d'exprimer des opinions à ce sujet. La société TransAlta peut peut-être le faire, elle.

Le sénateur Angus : C'est une réponse honnête. Je suis au courant de votre renommée et de vos compétences dans ce domaine. Savez-vous quel était le niveau des émissions de gaz à effet de serre du Canada en 1990?

M. Marcu : Je ne connais pas le chiffre précis. Je connais le volume des réductions, car c'est cet aspect qui me préoccupe davantage.

Le sénateur Angus : Savez-vous quel est le niveau actuel, en 2007?

M. Marcu : Il a augmenté d'environ 34 p. 100.

Le sénateur Angus : Le sénateur McCoy avait ces chiffres. Cela dit, les émissions étaient à un certain niveau en 1990 qui est, je pense, l'année de référence pour les objectifs de Kyoto en ce qui concerne les réductions d'émissions de gaz à effet de serre; sachant que nos émissions ont déjà augmenté de 34 p. 100 par rapport à l'année où le Canada a adhéré à cet accord, avez-vous, en votre qualité d'expert, une opinion et pouvez-vous dire s'il est faisable d'être forcés d'atteindre les objectifs fixés pour 2008-2012 dans un délai aussi court?

M. Marcu : Je peux vous dire si le nombre de crédits disponibles est suffisant pour que ce soit faisable. La question de savoir si le gouvernement du Canada désire le faire et dans quelle mesure il désire faire porter le fardeau à certains secteurs de l'économie est une décision souveraine du gouvernement. Je peux signaler ce que le MDP peut produire, ce qui est disponible, et s'il existe un projet dans le pipeline. Vous me posez une question à laquelle il serait déplacé de ma part de répondre en tant que porte-parole de l'association.

Le sénateur Angus : C'est la bonne réponse. J'ai examiné attentivement votre document. Vous le lisez très bien, et si bien que lorsque vous oubliez une phrase ou deux, je me demande pourquoi vous les avez omises. Je lirai une phrase. Je suis sûr qu'elle concerne le commentaire qu'a fait le sénateur Mitchell à l'effet que vous devriez prendre une tasse de café, car la nuit a été longue pour vous.

Vous lisiez très bien.

[Français]

... dans la langue de Shakespeare, mais je comprends les deux langues.

M. Marcu : Je ne suis pas très familier avec la langue française.

[Traduction]

Le sénateur Angus : Je sais. Votre français est parfait.

À la page 3, presque au bas de la page, vous avez indiqué ceci : « Le Canada restera un exportateur d'énergie pour les prochaines années ». J'espère que c'est exact. Il y a ensuite une phrase qui dit ceci : « Les combustibles fossiles continueront de jouer un rôle capital dans notre économie pour au moins une autre génération ».

Vous n'avez pas lu cette phrase. Est-ce dû à la fatigue ou aviez-vous une raison pour ne pas la lire?

M. Marcu : Je suis quelqu'un qui s'intéresse beaucoup à l'énergie. Je m'y suis intéressé parce qu'après avoir lu Isaac Asimov, j'ai trouvé que c'était un domaine extrêmement important dans lequel travailler lorsque j'ai obtenu mon diplôme de McGill. J'ai omis de lire cette phrase parce que je la trouvais répétitive. Je l'ai lue ailleurs dans l'exposé. Il n'y a pas d'autre raison.

Le sénateur Angus : Vos membres espèrent continuer de produire des combustibles fossiles et de réaliser des profits pour leurs actionnaires. L'autre passage où vous n'avez pas suivi le texte fidèlement, ce sont les deux derniers paragraphes. Un ou deux de mes autres collègues se sont intéressés tout particulièrement à l'avant-dernier paragraphe dans lequel vous écrivez ceci : « À cet égard, la récente décision de restreindre arbitrairement certaines catégories de crédits du MDP au Canada [...] ». De quelle décision s'agit-il?

M. Marcu : Le règlement qui est paru le 26 avril n'est pas clair du tout. C'est à cela que je fais allusion, ni plus, ni moins.

Si le gouvernement souhaite que les entreprises canadiennes se mettent pour de bon à participer à ce marché — et certaines d'entre elles l'ont fait, comme TransAlta, qui est un chef de file dans le contexte de ce projet et, par conséquent, connaît bien le processus —, nous avons besoin de clarté. Naturellement, vous discutez de ce projet de loi, et je ne sais pas quels autres débats suivront au Canada sur cette question. Cependant, s'il n'est pas clair que certaines catégories seront ou ne seront pas restreintes, si j'étais p.-d.g. et que quelqu'un de ma compagnie me demandait des fonds pour acheter des crédits, ma première question serait de lui demander s'il est certain que cette catégorie d'actifs sera autorisée par la réglementation canadienne. En principe, le MDP est autorisé, mais il est possible qu'un nombre restreint d'actifs ne le soient pas. Je dirais à cette personne de revenir me trouver quand elle en sera certaine et que nous pourrons alors mettre sa demande à l'ordre du jour de la prochaine réunion du conseil.

Le sénateur Angus : Vous avez mentionné une décision récente. De quelle décision récente s'agit-il et par qui a-t-elle été prise?

M. Marcu : Le gouvernement a fait une annonce le 26 avril.

Le sénateur Angus : Vous voulez parler de la décision du gouvernement concernant un plan appelé Plan vert. Est-ce bien cela?

M. Marcu : Oui, et le recours au MDP dans le cadre de ce plan.

Le sénateur Angus : Vous dites que vous n'approuvez pas ce type d'approche, qu'elle soit mise en œuvre au Canada ou dans un autre pays. Est-ce que vos membres l'approuvent, à votre avis?

M. Marcu : Je serais étonné qu'un des membres de l'AIEDE accepte des limites en ce qui concerne la quantité — ce ne serait pas naturel d'accepter d'être restreint par un règlement dans le choix de la source d'actifs que l'on peut acheter. Certains ont des préférences et sont libres de les exercer, mais je n'ai pas rencontré de membre de l'AIEDE qui estime qu'on ne devrait pas permettre d'acheter cette catégorie d'actifs.

Le sénateur Angus : Par conséquent, c'est un aspect très restreint; vous ne condamnez pas le plan en entier. Vous ne faites allusion qu'à ce domaine précis.

M. Marcu : J'exprime une opinion sur le fait que nous avons besoin de clarté au sujet du type d'actifs que le gouvernement compte autoriser au Canada dans le contexte du MDP.

Le sénateur Angus : Enfin, au dernier paragraphe, qui est apparemment votre conclusion, vous avez d'abord lu ce qui était écrit, puis vous avez conclu en utilisant d'autres termes.

Y a-t-il quelque chose dans ce paragraphe que vous ne voulez pas révéler ou une information que vous n'approuvez pas? Il est clair. Il s'agit du dernier paragraphe.

M. Marcu : Aucune partie du document ne me pose de problème. En fait, lorsque je l'ai lu, je me suis rendu compte qu'il était devenu un peu trop technique dans les explications détaillées sur l'admissibilité d'une partie aux échanges en vertu de l'article 17 du Protocole de Kyoto. J'ai des doutes que cela intéresserait votre comité qu'on entre dans ce type de détails et, par conséquent, je me suis concentré principalement sur l'élément que je jugeais important, c'est-à-dire avoir un registre national qui permette d'être admissible.

Le sénateur Angus : Peu importe que ce projet de loi soit adopté ou qu'il ne le soit pas ou qu'il fasse partie des lois de ce pays?

M. Marcu : Je sais qu'un registre national est absolument indispensable pour tout type d'effort que ce pays voudrait déployer.

Le sénateur Adams : Là où je vis, au Nunavut, nous avons 26 collectivités qui tournent 365 jours par an, 24 heures par jour, avec des combustibles fossiles. Dans une des collectivités, la capitale du Nunavut, les combustibles fossiles nécessaires pour faire tout fonctionner et le diesel que l'on utilise coûtent 40 000 $ par jour. En une année, la consommation de combustibles fossiles de la centrale qui l'alimente coûte 6 millions de dollars.

Je n'ai pas trouvé dans votre exposé de commentaires concernant le recours à des sources alternatives d'énergie, à l'énergie éolienne ou à l'eau de mer. Examinez-vous ces aspects ou vous intéressez-vous uniquement au système d'échange d'émissions? Vous préoccupez-vous des meilleures sources d'énergie à utiliser pour réduire les émissions? Les émissions au Canada sont-elles plus élevées à cause des températures plus froides?

Je me demandais comment fonctionne votre organisation. Vous intéressez-vous à la réduction des émissions ou aux coûts de l'énergie? Actuellement, il est question de construire deux ou trois centrales thermiques alimentées au charbon par jour. Comment fonctionne votre organisation? Ne met-elle l'accent que sur les profits supplémentaires que permettent de réaliser les échanges d'émissions?

M. Marcu : Je tenterai de répondre de mon mieux.

De nombreuses personnes prétendent que nous recherchons une solution commerciale plutôt qu'une solution technologique. Ça dénote à mon sens un manque de connaissance de ce que le marché peut ou ne peut pas fournir. Ce sont les deux côtés de la même pièce, en ce sens que le prix du carbone encouragera probablement le développement de nouvelles technologies. Ça devrait aboutir au développement et au déploiement de nouvelles technologies. La plupart d'entre elles sont en attente et ne sont pas encore déployées. Le prix du carbone donnera le coup de pouce nécessaire à leur déploiement.

En ce qui concerne par exemple le Mécanisme pour un développement propre, ces diapositives indiquent que le montant cumulatif de 7,8 milliards de dollars investi dans le MDP — cela ne s'appliquerait manifestement pas à votre communauté, mais je vous citerai un exemple du type de changement que cela peut déclencher — s'est transformé en presque 2,7 milliards de dollars consacrés à l'énergie propre. Cette énergie propre a généré des investissements de 16 milliards de dollars. Le prix du carbone n'achète qu'une partie de l'investissement; il faut encore que ce soit l'investissement global. Le carbone n'est que la garniture.

Quand on examine le type de catégories d'actifs qui ont déclenché de l'investissement, on constate qu'un montant de plus en plus élevé est consacré à l'énergie propre. Il est très clair qu'en fin de compte, le MDP, l'échange d'émissions ou le mécanisme compensatoire sont très intéressants lorsqu'ils s'intègrent à la matrice énergétique d'un pays, d'une région ou d'une collectivité. C'est leur but et c'est ce qu'ils feront. Il s'agit seulement qu'ils soient intégrés.

On voit des personnes investir dans de nouvelles technologies et de nouvelles installations. Je ne peux pas faire des commentaires au sujet de votre collectivité, car je n'y suis malheureusement jamais allé; je suis toutefois absolument convaincu, et les faits le confirmeront, que les décisions d'adopter un type d'énergie plus propre sont influencées par le prix du carbone. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. Cela prend du temps, mais on s'oriente dans la bonne direction.

Le président : Nous sommes pressés par le temps. Le sénateur Tkachuk est le critique du projet de loi, et je dois lui accorder le temps nécessaire pour une question. J'ai de nombreux autres sénateurs sur la liste, mais nous devrons arrêter à 10 heures et passer à d'autres affaires.

Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il d'autres témoins?

Le président : Non.

Le sénateur Tkachuk : Pourquoi ne pas simplement continuer, dans ce cas?

Le président : Nous devons examiner les travaux futurs du comité avant 10 h 30.

Le sénateur Tkachuk : Pourquoi devons-nous examiner les travaux futurs du comité aujourd'hui?

Le président : Nous devons régler la question de ce que le comité examinera au cours des séances qui restent d'ici au jour où l'on peut raisonnablement s'attendre à ce que les chambres soient ajournées. Nous avons de nombreuses questions à régler et le comité doit déterminer la nature des travaux futurs avant que nous puissions continuer.

Le sénateur Angus : À partir de 10 heures, après l'intervention du sénateur Tkachuk, nous discuterons d'autres questions que le projet de loi C-288.

Le président : Cela inclut tous les projets de loi dont nous avons été saisis, y compris le projet de loi C-288. Il s'agit, comme l'indique l'avis de convocation, d'établir le calendrier des travaux du comité.

Sénateur Tkachuk, vous êtes le critique et, par conséquent, veuillez poser une question aux témoins, puis nous devrons conclure et siéger à huis clos.

Le sénateur Tkachuk : Il est possible que j'aie plus d'une question à poser.

Le président : D'autres sénateurs ont également des questions à poser et je n'en ai pas encore posé moi-même. Nous ne disposons plus que d'un temps limité. D'après l'avis, nous devons nous occuper des travaux futurs.

Le sénateur Tkachuk : Nous en avons déjà discuté. Nous avons eu 55 minutes de questions, dont 15 minutes par des membres de notre côté et par un indépendant, et un exposé de 20 minutes, puis le reste du temps consacré aux questions posées par les libéraux.

Le président : Nous suivons rigoureusement l'ordre dans lequel les membres ont signalé qu'ils souhaitaient poser des questions.

Le sénateur Tkachuk : Je le sais. Vous saviez de quelle période de temps vous disposiez et vous auriez pu nous donner à tous une occasion de poser des questions.

Le président : La dernière fois que je l'ai fait et que j'ai limité le temps qui était accordé aux membres pour poser des questions, j'ai été critiqué par certains d'entre vous; j'ai donc décidé de ne pas le faire. Au début de cette séance, j'ai prévenu les sénateurs que nous siégerions à huis clos à 10 heures pour examiner les travaux du comité. Je laisse aux sénateurs la responsabilité de surveiller la durée de leurs interventions. Si vous le voulez, nous préparerons un règlement à cet effet.

Sénateur Tkachuk, vous avez la parole. Nous devons faire vite.

Le sénateur Tkachuk : Je voudrais examiner le système d'échange comme tel. Le système européen d'échange est-il interne et ne s'applique-t-il qu'à l'intérieur de l'Union européenne, ou s'agit-il d'un système de portée internationale? Le système d'échange est-il spécifique pour chaque pays et les pays eux-mêmes concluent-ils des marchés distincts? Si un pays de l'Union européenne cherche des crédits de Russie ou de Chine ou d'un autre pays, les achète-t-il par le biais d'un système d'échange? Comment cela fonctionne-t-il au juste?

M. Marcu : Je regrette beaucoup que l'heure matinale ne m'ait pas permis d'exercer au mieux ma faculté de jugement et d'avoir omis une diapositive intéressante. Il y a deux niveaux de conformité. L'un est la conformité souveraine. Les pays ont certaines obligations dans le contexte du Protocole de Kyoto et ces échanges se déroulent en vertu de l'article 17. On attribue aux divers pays des unités de quantité attribuée, ou UQA. Si l'Allemagne arrive à un niveau d'émissions inférieur à son plafond, elle peut vendre au Canada, et si la Russie arrive à un niveau inférieur à son plafond, elle peut vendre à l'Allemagne. La décision que prennent les pays de s'acheter mutuellement des droits d'émission est une décision souveraine. Le système comme tel est établi dans le contexte du Protocole de Kyoto.

Les nations peuvent également acheter des réductions d'émissions certifiées, des crédits du MDP en vertu du mécanisme compensatoire du MDP, dans des pays qui ne sont pas soumis à un plafond, c'est-à-dire généralement des pays en développement. Si le Royaume-Uni veut acheter des crédits produits en Afrique du Sud, projet par projet, il peut le faire. À l'échéance du Protocole de Kyoto, il pourra les appliquer à ses totaux.

Le sénateur Tkachuk : Qu'achètent-ils? Achètent-ils la quantité totale de crédits disponibles de l'Afrique du Sud ou de la Russie par exemple, ou achètent-ils un crédit spécifique, un investissement ou quelque chose qui a été créé pour être vendu sur le marché par une société entreprenante?

M. Marcu : Les pays en développement ne peuvent fournir que des crédits produits projet par projet.

Le sénateur Tkachuk : Pourriez-vous citer un exemple?

M. Marcu : Si vous recouvrez par exemple une décharge qui émettait du méthane et que vous captez ce méthane et l'utilisez dans votre centrale, vous réduisez la quantité de méthane libérée dans l'atmosphère se transformant en CO2. Vous réduisez par conséquent la quantité de gaz à effet de serre par la mise en place de ce projet. Dès lors, le Royaume- Uni peut acheter les crédits ainsi générés et les utiliser dans le cadre de la quantité totale de documents qu'il remet aux Nations Unies à l'échéance du Protocole de Kyoto.

Le sénateur Tkachuk : Qui déclenche le processus? Est-ce parce que le pays concerné découvre que ce terrain émet du méthane ou parce que quelqu'un d'autre a mis ce projet en place et utilise le méthane pour la production d'énergie et a, par conséquent, des crédits à vendre sur le marché?

M. Marcu : Je n'ai pas entendu parler de nombreux projets qui ont été amorcés par certains pays. Par exemple, à l'échelle mondiale, les décharges sont généralement la propriété des municipalités. Si vous êtes un promoteur immobilier, vous proposez à la municipalité de recouvrir sa décharge, d'installer des canalisations dans le sol, de capter le méthane, de l'utiliser dans une centrale, et cetera. Nous engagerons un vérificateur et produirons un document de projet. Nous le soumettrons au système réglementaire des Nations Unies. Le vérificateur vérifiera les réductions d'émissions chaque année. Les unités de réduction d'émissions qui sont vérifiées chaque année peuvent ensuite être mises en vente. Qui les achètera? Ce pourrait être le gouvernement du Canada ou l'Allemagne, ou n'importe quel autre pays.

Le sénateur Tkachuk : Où va ce document?

M. Marcu : Il s'agit d'un document électronique qui est présenté lorsque la réduction d'émissions est vérifiée et approuvée par l'organisme de réglementation de l'ONU. Ce document est placé dans un registre et est transmis au registre national du pays concerné.

Le sénateur Tkachuk : En outre, les compagnies comme telles s'achètent et se vendent des crédits dans une bourse qui ressemble beaucoup au TSX. Est-ce bien cela?

M. Marcu : Non.

Le sénateur Tkachuk : Comment cela fonctionne-t-il? Comment la société Shell achète-t-elle des crédits en Union européenne?

Le président : Ce doit être malheureusement la dernière question.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur le président, ce témoin est intéressant. L'achat et la vente de crédits d'émissions est un volet important de ce projet de loi. Pourquoi ne voudrions-nous pas en savoir davantage à ce sujet?

Le président : Nous sommes intéressés à apprendre à ce sujet, mais ce doit être la dernière question. On demande au témoin de répondre à la question, puis la séance se poursuivra à huis clos.

Le sénateur Carney : Je demande l'accord de mes collègues. À titre d'ancienne ministre fédérale de l'Énergie, j'ai une question à poser qui ne l'a pas encore été, si je ne me trompe.

Le président : Chers collègues, j'explique de nouveau que la séance du Comité permanent des affaires sociales débutera à 10 h 45, dans cette pièce. Il est 10 h 10. Il nous reste moins de 20 minutes. Il ne nous reste en fait plus que 15 minutes, car nous devons vider la salle pour examiner les questions de procédure que le comité doit régler d'ici à l'heure à laquelle débute la séance du Sénat. C'est ce qu'indique l'avis de convocation et c'est ce que nous ferons. Passons maintenant à la dernière réponse.

Monsieur Marcu, vous avez la parole.

Le sénateur Carney : Vous aviez dit que vous autoriseriez une autre question.

Le président : Non. J'ai dit que c'était la dernière réponse à la dernière question. J'ai dit que ce serait la dernière question.

Monsieur Marcu, vous avez la parole pour répondre à cette question, ce que nous vous demandons de faire.

M. Marcu : Pour en revenir au niveau de conformité souveraine, vous pouvez acheter les unités de quantité attribuée à d'autres pays auxquelles elles ont été attribuées ou vous pouvez acheter des crédits — des CER — et vous conformer à la réduction qui vous était imposée. Des pays comme ceux de l'Union européenne ont décidé de répartir le fardeau de la conformité aux objectifs de Kyoto entre différents secteurs.

Une partie du fardeau de la réduction est imposée à quatre secteurs. Ces quatre secteurs ont 14 000 installations assujetties à des plafonds. Un certain plafond est attribué à chaque secteur. Si ses émissions sont supérieures à ce plafond, il peut remplir ses obligations en achetant des crédits à une autre entreprise dont les émissions sont inférieures au plafond ou aller acheter des crédits sur le marché du MDP. Il peut également acheter des crédits souverains, des unités de quantité attribuée, à d'autres pays. C'est pourquoi j'ai expliqué que Shell Royaume-Uni ou Shell Pays-Bas ou Shell Canada, plus précisément, ne peut pas acheter d'unités à la Russie. Elle ne peut pas le faire légalement dans le contexte du Protocole de Kyoto.

Le président : Messieurs, il y a d'autres questions que les sénateurs aimeraient vous poser. Comme nous l'avons fait pour les autres témoins lorsque nous sommes tombés à court de temps, je vous demanderai si vous pourrez répondre aux questions que d'autres sénateurs qui le souhaitent pourraient vous faire parvenir par écrit. Vous engageriez-vous à répondre à ces questions?

M. Marcu : Avec grand plaisir. Je suis au Canada le plus souvent possible. M. Carter est également disponible ici, à Ottawa, pas très loin d'ici, si vous avez besoin de lui. C'est avec joie que nous répondrons aux questions qu'on nous fera parvenir par écrit. Je suis assez souvent à Ottawa.

Le sénateur Tkachuk : Nous pourrions peut-être appeler M. Carter et les personnes de Toronto également, n'est-ce pas?

Le président : Comme pour les trois derniers groupes de témoins, nous invitons les sénateurs à faire parvenir leurs questions par écrit. Nous avons envoyé des questions par écrit à ces trois derniers groupes et nous attendons leurs réponses sous peu. En fait, nous en avons déjà reçues.

Le sénateur Carney : Je voudrais qu'il soit indiqué officiellement au compte rendu que je n'ai pas été autorisée à poser ma question.

Le président : C'est exact.

Le sénateur Tkachuk : Je m'interpose. Je pense que le président devrait permettre au sénateur Carney, qui est membre du Conseil privé, de poser des questions.

Le président : Je m'en remets au comité.

Le sénateur Kenny : Je propose l'ajournement de cette séance. Ce n'est pas discutable.

Le président : C'est ce que nous sommes de toute façon censés faire, d'après l'avis de convocation. J'annonce que, pour les raisons que j'ai clairement exposées, cette partie de la séance est terminée.

Le sénateur Carney : La séance est levée.

Le sénateur Tkachuk : La séance est levée, monsieur le président.

Le président : Elle l'est et nous la poursuivons maintenant à huis clos...

Le sénateur Carney : Non. La séance est levée.

Le sénateur Tkachuk : Vous avez levé la séance.

Le sénateur Kenny : Il n'y a pas eu de mise aux voix.

Le sénateur Tkachuk : Il a déclaré que la séance était levée.

Le président : Nous suivons l'avis de convocation.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur le président, vous avez déclaré que la séance était levée, et la séance est donc levée.

Le président : J'ai dit que la partie publique de la séance était terminée et que nous la poursuivions à huis clos.

Le sénateur Carney : Le président a dit que la séance était levée. Ce n'est pas discutable.

Le président : Je n'ai pas mis la motion aux voix. J'ai dit que la partie publique de la séance était terminée et que nous allions maintenant siéger à huis clos pour examiner les questions de procédure.

Le sénateur Carney : Vous ne pouvez pas faire ça.

Le président : C'est ce que j'ai dit et c'est ce que nous ferons. J'aimerais maintenant qu'on quitte la pièce.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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