Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 1 - Témoignages du 31 mai 2006
OTTAWA, le mercredi 31 mai 2006
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 18 h 15 pour étudier les dépenses déposées au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2007.
Le sénateur Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité des finances nationales. Je m'appelle Joseph Day et je représente la province du Nouveau-Brunswick au Sénat. Je suis président du comité. Je vais prendre quelques instants pour vous présenter mes collègues.
[Traduction]
Le sénateur Anne Cools, vice-présidente du comité, est assise à mes côtés. Elle représente l'Ontario au Sénat. Au cours des nombreuses années qu'elle a passées à la fonction publique, elle a travaillé à toutes sortes de dossiers d'intérêt public et elle a siégé à divers comités au Sénat et dans d'autres organismes publics. En plus d'être membre du comité des finances nationales, elle siège également au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et au Comité permanent du règlement, de la procédure et des droits du Parlement.
Assis à ses côtés est le sénateur Art Eggleton, originaire de Toronto. Il a d'abord été conseiller à la Ville de Toronto pour ensuite en être le maire de 1980 à 1991. Il a été élu pour la première fois à la Chambre des communes en 1993 et il a occupé divers postes de ministre, notamment celui de président du Conseil du Trésor, avant d'être nommé au Sénat.
À côté du sénateur Eggleton se trouve le sénateur Nancy Ruth, parmi les sénateurs les plus récemment nommés. Elle est originaire de l'Ontario et a joué un rôle actif au sein de divers organismes sans but lucratif au Canada et ailleurs. Elle a reçu de nombreux prix prestigieux. Elle s'est prononcée à maintes reprises sur des sujets liés à la Charte canadienne des droits et libertés et sur des questions concernant les droits des femmes, la pauvreté, la politique et l'économie.
À mon extrême gauche se trouve le sénateur Grant Mitchell. Il représente l'Alberta au Sénat et a travaillé dans le milieu des affaires et de la politique de cette province. Il a été député à l'Assemblée législative albertaine pendant un certain nombre d'années et il a dirigé l'opposition officielle pendant quelque temps. Il a l'expérience du secteur public et des affaires. Il a été nommé au Sénat en 2005.
Aux côtés du sénateur Mitchell se trouve le sénateur Pierrette Ringuette. Elle est originaire du Nouveau-Brunswick. Elle a été députée de l'Assemblée législative de cette province. Elle a par la suite été élue à la Chambre des communes. En plus d'être membre de ce comité, elle siège également au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Le sénateur James Cowan représente la Nouvelle-Écosse. Il a pratiqué le droit à Halifax où il est très connu. Il est membre de l'Association du Barreau canadien et de la Nova Scotia Barrister Society. Il est également membre du Conseil canadien des sociétés publiques-privées et il sert de nombreuses causes sociales en Nouvelle-Écosse.
Nous avons ce soir le plaisir d'accueillir Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada. Elle est accompagnée de deux de ses collaborateurs, M. Ronnie Campbell, vérificateur général adjoint, et M. Peter Kasurak, premier directeur principal.
Je crois savoir que la vérificatrice générale aimerait nous livrer un exposé liminaire et j'espère que nous pourrons ensuite avoir une période de questions et de réponses.
Sheila Fraser, vérificatrice générale du Canada : Nous sommes très heureux d'être ici aujourd'hui afin de discuter de notre rapport qui a récemment été déposé au Parlement. Étant donné que nous sommes devant le comité pour la première fois depuis l'ouverture de la nouvelle législature, j'aimerais profiter de l'occasion pour vous décrire brièvement notre mandat et nos principales activités.
La vérificatrice générale est un mandataire du Parlement, qui est indépendant du gouvernement et relève directement du Parlement. En tant que vérificateurs législatifs du Parlement, nous fournissons de l'information, une assurance et des avis objectifs aux parlementaires pour les aider à examiner les dépenses et le rendement du gouvernement. Nos vérifications législatives comprennent des vérifications des états financiers ainsi que des vérifications de gestion. La vérification comptable permet de voir si le gouvernement présente son information financière de façon fidèle, conformément aux conventions comptables établies. Nos vérifications des états financiers ressemblent aux vérifications qui sont menées dans le secteur privé.
Dans le cadre de nos vérifications de gestion, nous vérifions si le gouvernement gère ses programmes en tenant dûment compte de l'économie, de l'efficience et des répercussions sur l'environnement. En outre, nous déterminons si des mesures sont en place pour évaluer l'efficacité des programmes. Nous choisissons le sujet de nos vérifications de gestion en évaluant les risques auxquels les ministères et organismes font face dans le cadre de leur mandat et de leurs activités. Nous vérifions les questions importantes et nous communiquons nos constatations.
J'aimerais vous faire part brièvement de nos constatations que nous résumons dans notre quatrième rapport Le Point déposé le 16 mai.
[Français]
Les rapports d'appoint sont importants puisqu'ils informent les parlementaires et le public canadien sur les mesures prises par le gouvernement à l'égard des recommandations formulées dans nos rapports antérieurs. En d'autres mots, les rapports d'appoint répondent aux questions à savoir si le gouvernement donne suite aux recommandations de la vérificatrice générale. Nous savons très bien qu'il y a des problèmes très complexes et que certaines recommandations sont plus difficiles à mettre en œuvre que d'autres. Pour évaluer si les progrès sont satisfaisants ou non, nous tenons compte de ces difficultés et du temps que les ministères ont eu pour agir. Nous mettons en évidence dans nos rapports d'appoint les améliorations apportées et nous soulignons les secteurs dans lesquels les progrès son insatisfaisants.
Dans l'ensemble, les progrès dont nous faisons état dans les huit chapitres du rapport sont variables. Dans la moitié des cas, les progrès sont en général insatisfaisants. Dans l'autre moitié, nous constatons le contraire. Nous soulignons également les problèmes qui sont nouveaux.
Nous avons présenté en 2001 notre dernier rapport sur la gestion des subventions et des contributions. Le gouvernement dépense environ 17,5 milliards de dollars par an sous forme de subventions et de contributions votées. Les programmes de subventions et de contributions votées doivent être approuvés par le Parlement chaque année. Dans la plupart des cas, je signale que le gouvernement a réalisé des progrès satisfaisants pour régler les questions que nous avons soulevées par le passé en ce qui concerne les subventions et les contributions. Nous avons constaté que quatre des cinq ministères vérifiés ont des contrôles satisfaisants pour s'assurer que les subventions et les contributions sont versées aux bénéficiaires admissibles. De plus, une surveillance est exercée en fonction du risque.
Cependant, les bénéficiaires jugent que les exigences du gouvernement leur imposent un fardeau administratif énorme. Nous croyons que les ministères doivent rationaliser la gestion des subventions et des contributions pour remédier à ce problème.
[Traduction]
Je suis heureuse de voir que la Défense nationale a réalisé des progrès satisfaisants depuis 2002 pour contrer la baisse du nombre de militaires formés. Malgré certains progrès, toutefois, le système actuel de recrutement ne répond pas aux besoins des Forces canadiennes. Compte tenu de l'augmentation prévue des départs de militaires au cours des 10 prochaines années, je crains que les projets d'expansion des Forces canadiennes ne soient difficiles à réaliser. La Défense nationale a élaboré une nouvelle orientation stratégique afin de mieux gérer ses ressources humaines militaires. Le ministère doit maintenant faire en sorte que ses politiques et ses pratiques reflètent la nouvelle orientation.
En ce qui concerne le programme d'entraînement en vol de l'OTAN au Canada, nous signalons des progrès satisfaisants pour régler certains problèmes soulevés au cours du contrat. L'entrepreneur et le gouvernement en sont arrivés à un règlement pour la formation que le ministère a payée, mais qu'il n'a pas obtenue au cours des premières années du programme. Cependant, nous avons constaté qu'en raison du ralentissement actuel des activités de formation, le ministère a du mal à inscrire suffisamment de pilotes pour utiliser tous les services de formation. Il revient maintenant à la Défense nationale d'utiliser tous les services de formation qu'elle paie.
[Français]
Depuis notre vérification de 2002, le Centre des armes à feu Canada a réalisé des progrès satisfaisants pour donner suite à notre recommandation d'améliorer l'information financière communiquée au Parlement, sauf pour un point dont je vais vous parler dans quelques minutes. Je suis également heureuse de signaler que malgré les problèmes sérieux dont elle avait hérité, la nouvelle équipe de gestion a mis sur pied l'organisation et les systèmes nécessaires pour que le centre fonctionne comme un ministère.
Le coût net communiqué par le gouvernement pour le programme jusqu'en mars 2005 était de 946 millions de dollars, un peu moins que l'évaluation d'un milliard de dollars faite plus tôt, mais les problèmes opérationnels demeurent. Par exemple, dans la base de données sur l'enregistrement des armes à feu, le centre ne sait pas combien de dossiers sont incorrects ou incomplets. De plus, le système d'information qu'il met au point a trois ans de retard. Ses coûts sont passés à 90 millions de dollars alors que le budget prévu était de 32 millions de dollars, et il n'est toujours pas prêt à fonctionner.
Je vais maintenant traiter des secteurs dans lesquels les progrès accomplis pour mettre en œuvre les recommandations de nos rapports précédents ont été jugés insatisfaisants. De fait, les problèmes persistent depuis longtemps dans ces secteurs.
[Traduction]
Parlons tout d'abord des problèmes qui concernent les Premières nations. Le gouvernement fédéral doit assumer les obligations inscrites dans les traités, les politiques gouvernementales, la Loi sur les Indiens et d'autres textes de loi. Les vérifications antérieures ont permis de constater que le gouvernement ne respecte pas toutes ces obligations.
La vérification a porté sur 37 recommandations que nous avons faites auprès de cinq organisations fédérales entre 2000 et 2003. Certaines recommandations portaient sur des questions clés touchant la santé et le bien-être, comme la contamination des maisons par la moisissure dans les réserves ou encore la surveillance de la consommation de médicaments sur ordonnance. Dans l'ensemble, les progrès réalisés pour donner suite à nos recommandations sont insatisfaisants.
Dans certains secteurs critiques, peu de choses ont été accomplies. Cependant, nous avons constaté que dans les cas où nos recommandations ont été suivies, certains facteurs semblent avoir favorisé leur mise en œuvre. Mentionnons notamment la coordination des programmes, une attention soutenue de la part de la direction et une véritable consultation auprès des Premières nations. Le gouvernement fédéral peut s'inspirer de ses réussites pour s'acquitter de ses responsabilités envers les Premières nations.
[Français]
Nous avons constaté que les progrès réalisés par l'Agence du revenu du Canada pour gérer le recouvrement des impôts et des taxes impayés sont insatisfaisants. Dans la vaste majorité des cas, les impôts et les taxes sont payés à temps, mais les sommes impayées s'élèvent à plus de 18 milliards de dollars. L'Agence du revenu du Canada sait depuis de nombreuses années ce qu'elle doit faire pour améliorer le recouvrement des impôts et des taxes impayés, mais ces efforts n'ont pas porté leurs fruits. De plus, l'agence ne recueille toujours pas l'information dont elle a besoin pour bien comprendre et gérer cette dette fiscale toujours croissante. À cet égard, l'agence s'est fixée des objectifs ambitieux dans sa vision stratégique, mais elle n'a pas indiqué comment elle comptait s'y prendre pour les atteindre. Sans une planification détaillée et une attention diligente de la part de la direction, je crains que l'Agence du revenu du Canada ait du mal à améliorer sa gestion de recouvrement des impôts et des taxes impayés.
L'information financière constitue depuis longtemps un problème au sein du gouvernement fédéral, et nous signalons que les progrès sont insatisfaisants. Je suis déçue de constater que les ministères et organismes prennent tant de temps à améliorer la qualité de leur information financière et que je dois répéter le même message d'une année à l'autre.
Nous avons également constaté que les ministères et organismes mettent du temps pour corriger les faiblesses des principaux systèmes et contrôles financiers. Le gouvernement fédéral gère chaque année des milliards de dollars versés par les contribuables et pour bien le faire, il a besoin d'une bonne information financière.
Les ministères et les organismes n'utilisent toujours pas l'information financière fondée sur la comptabilité d'exercice comme outil de gestion courant puisqu'ils s'appuient encore en grande partie sur la méthode de la comptabilité de caisse pour la budgétisation et l'affectation des crédits. S'ils le faisaient, ils auraient un tableau très différent et beaucoup plus juste de leurs revenus, de leurs charges, de leurs actifs et de leurs passifs. Si tous les coûts étaient visibles, les gestionnaires seraient davantage portés à en tenir compte pour prendre leurs décisions. Les observations que nous avons formulées au sujet de la location des bureaux mettent bien en évidence le besoin d'avoir une information financière fiable.
[Traduction]
Nous avons indiqué aussi que les progrès réalisés par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada dans la gestion des bureaux loués pour les fonctionnaires fédéraux sont insatisfaisants. L'information de base dont les gestionnaires immobiliers ont besoin est inexistante, inadéquate ou difficile à obtenir.
Afin de prendre les décisions stratégiques qui s'imposent, les gestionnaires ont besoin d'information exacte, complète et actuelle. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada partage avec les ministères clients et le Secrétariat du Conseil du Trésor la responsabilité des décisions touchant le coût des bureaux. Ce partage et le mode de fonctionnement du gouvernement font que la solution choisie n'est pas toujours la plus efficace en termes de coûts. Cela peut entraîner des coûts plus élevés pour le contribuable, comme le montrent plusieurs exemples de notre rapport. Le gouvernement devrait faire en sorte que le système incite les gestionnaires à bien gérer l'acquisition de bureaux loués et notamment à choisir l'option la plus efficace en termes de coûts.
Enfin, j'aimerais vous parler du rapport supplémentaire qui a été déposé le 16 mai. Les ministères et organismes doivent fournir au Parlement des estimations justes de leurs dépenses et présenter les dépenses réelles selon les règles. À notre avis, le Centre des armes à feu Canada a omis de présenter selon les règles des coûts importants au Parlement en 2003-2004 et le gouvernement n'a pas respecté ses propres conventions comptables. S'il avait bien comptabilisé ces coûts, le Centre aurait dépassé son crédit voté pour cet exercice, à moins d'avoir obtenu des fonds supplémentaires.
Nous croyons qu'il s'agit d'une question importante à soumettre à l'attention du Parlement étant donné que la capacité de la Chambre des communes à approuver les dépenses du gouvernement est au cœur même du contrôle exercé par le Parlement sur les fonds publics.
Cela complète la revue du rapport. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup. Nous vous remercions de nous avoir présenté les points saillants de votre rapport Le Point de cette année. Il traite de plusieurs questions intéressantes que nous voudrons peut-être examiner plus en profondeur à l'avenir. Les premières questions vous seront posées par le sénateur Ringuette.
[Français]
Le sénateur Ringuette : Depuis un an ou deux, chaque ministère a ses vérificateurs internes. Cela a-t-il amélioré le processus de gestion?
Mme Fraser : Il est vrai qu'une nouvelle politique sur la vérification interne a été annoncée il y a environ un an. Nous avons fait une vérification de cette fonction en 2004, je crois. Nous avons noté plusieurs problèmes quant au nombre de personnes employées et la méthodologie utilisée. Le gouvernement a accepté nos recommandations, et je sais que le contrôleur général travaille très fort à rendre plus professionnel la fonction. Nous n'avons pas fait de suivi de vérification encore. Nous voulions laisser du temps avant de mettre ces nouvelles mesures en place, mais d'après notre expérience, il y a eu certaines améliorations, cependant il reste encore beaucoup à faire au niveau de la qualité de la vérification interne, de la façon dont c'est perçu et utilisé au gouvernement. Avec le temps, nous espérons que cela va aider davantage à améliorer la gestion.
Le sénateur Ringuette : Vos critères de vérification ne sont pas nécessairement les critères adoptés par les vérificateurs internes dont vous parlez ?
Mme Fraser : Les buts et les objectifs sont très différents d'une vérification externe. C'est sûr qu'on doit s'appuyer sur les mêmes normes professionnelles, mais il y a un institut de vérification interne qui a ses propres standards et nous nous attendons à ce que les vérificateurs internes du gouvernement adoptent ces normes. Il y a même une obligation de revue de qualité, d'ici un an environ, afin d'obtenir une attestation. Le processus est en train de se faire mais il est trop tôt pour voir les résultats positifs.
Le sénateur Ringuette : Un des éléments que j'ai noté dans votre rapport concerne l'Agence du revenu du Canada.
Le fait que vous indiquez qu'il y a 18 milliards de dollars en recouvrement, est un peu alarmant. Dans une entrevue avec les médias, vous avez dit que vous avez constaté que l'agence avait mis en place un plan efficace pour récupérer ces sommes d'argent. J'aimerais que vous nous parliez en quoi consiste ce plan de l'agence pour récupérer ces 18 milliards de dollars qui provient d'impôts corporatifs, d'impôts personnels et de non recouvrement de la TPS. On parle de grosses sommes d'argent.
Mme Fraser : Oui, on parle de 18 milliards de dollars. Il faut toujours le mettre dans un contexte où l'agence collecte un milliard de dollars par jour. L'agence traite trois cents quelque milliards de dollars par année. Peu importe l'efficacité de l'agence, il y aura toujours des taxes impayées et la somme sera toujours très importante. Je pense que c'est la réalité. Notre vérification a indiqué qu'il y a plusieurs méthodes ou systèmes de recouvrement : l'agence doit mieux évaluer quel système est efficace pour un type de compte donné. L'agence doit avoir plus de renseignements, par exemple, le montant des taxes impayées croît plus rapidement que le total des taxes et l'agence ne sait pas pourquoi. Une bonne partie de ces montants impayés proviennent de travailleurs autonomes et l'agence ne sait pas pourquoi il y en a autant et s'il y a des mesures particulières à prendre pour encourager ces travailleurs autonomes de régler le compte de taxe plus rapidement. On a indiqué qu'il doit y avoir plus de sophistication dans la gestion des sommes impayées.
L'agence a mis de l'avant un plan très ambitieux pour l'avenir, mais on n'a pas encore vu les détails concrets à savoir comment ils vont réaliser cette vision stratégique.
Le sénateur Ringuette : Un des éléments que j'ai de la difficulté à comprendre est celui des retenues à la source sur les relevés de paie, il devrait être très facile pour l'agence de pouvoir détecter à la fin de chaque mois qui n'a pas envoyé ses versements. Avec les systèmes automatisés qu'on a aujourd'hui, il est possible d'avoir un drapeau rouge lorsqu'on n'a pas perçu les montants normaux qu'on devrait percevoir du relevé de paie. C'est tricher ses employés en plus d'un peu tricher l'ensemble des payeurs de taxes.
Cet élément de non perception me cause beaucoup de difficulté. J'ai du mal à accepter que l'agence ne peut pas mettre en place un système. Les diverses agences de cartes de crédit sont très alertes quant à notre profil d'acheteur et s'ils ont des soupçons sur un achat qui déroge un peu de notre profil, elles nous téléphonent pour obtenir une confirmation de notre part. Le système automatisé envoie un drapeau rouge à une source centrale. Je ne comprends pas pourquoi l'agence, qui récupère un milliard de dollars par jour, ne peut pas se procurer des systèmes d'alertes semblables?
Mme Fraser : Effectivement, avec l'importance du montant, on s'attendrait à ce qu'il y ait des systèmes très sophistiqués qui pourraient mieux analyser, évaluer les comptes à risque et agir plus rapidement sur ces comptes et les recouvrer plus rapidement avant qu'ils soient en faillite ou autres. L'agence se dit d'accord et on attend un plan plus détaillé pour voir comment ils vont procéder pour améliorer la perception des impôts.
Le sénateur Ringuette : Madame Fraser, lorsque vous dites que vous allez faire le suivi avec l'agence, quelle sorte de suivi envisagez vous exactement? Quelle période de temps envisagez-vous pour faire ce suivi et remettre un rapport ?
Mme Fraser : Je sais qu'on ne doit pas souvent faire référence à l'autre endroit, mais il y a une séance de comité de la Chambre des communes la semaine prochaine et il est de coutume de demander à l'agence de produire un plan d'action par rapport aux recommandations. Nous encourageons les comités à demander des rapports de suivi des ministères au trois ou six mois pour continuer de s'assurer qu'ils accordent l'attention nécessaire à ces divers points et nous, lorsqu'on leur aura laissé suffisamment de temps pour agir, on retourne et on revérifie la question.
Le sénateur Ringuette : Avant cinq ans?
Mme Fraser : Oui.
[Traduction]
Le président : J'aimerais obtenir un éclaircissement. Dans votre réponse au sénateur Ringuette, madame Fraser, vous avez dit qu'il était encore trop tôt pour savoir comment fonctionnera le Bureau du contrôleur général du Canada au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor. Madame Fraser, pouvez-vous expliquer au comité si le Bureau du contrôleur général doit faire des vérifications de gestion, comme celles que fait le Bureau du vérificateur général, ou s'il mettra surtout l'accent sur les vérifications comptables.
Mme Fraser : Il incombe au contrôleur général du Canada d'élaborer les politiques en matière de vérifications internes qui sont faites dans l'ensemble de l'administration fédérale. Il est trop tôt pour juger de l'efficacité des efforts déployés pour améliorer la qualité des vérifications internes au sein de l'administration fédérale. La vérification interne est essentiellement une vérification comptable mais le gros du travail concerne la vérification de gestion.
Le président : Une vérification de gestion est-elle semblable à une vérification de l'optimisation des ressources, dont on entendait si souvent parler dans le passé, ou inclut-elle une telle vérification?
Mme Fraser : Nous avons renommé la vérification de l'optimisation des ressources qui est devenue la vérification de gestion. Nous savons que quand nous parlions d'optimisation des ressources, les gens s'attendaient à ce que nous fassions des vérifications d'efficacité et des évaluations, ce qui n'est pas le cas. Nous vérifions si les ministères ont mis en place des mesures de l'efficacité. Nous ne faisons pas d'évaluations. Après une analyse de notre travail par des pairs, nous avons jugé préférable d'utiliser l'expression acceptée par la communauté internationale qui préfère « vérification de gestion » à l'expression « vérification de l'optimisation des ressources ».
Le sénateur Cools : L'expression « vérification de gestion » est une expression utilisée par les gens du métier et non pas une expression utilisée dans la loi. Je crois savoir que dans la loi, adoptée en 1977, il est question de vérification de l'optimisation des ressources, n'est-ce pas?
Mme Fraser : La loi n'utilise pas l'une ou l'autre expression, mais dit plutôt que le vérificateur général doit faire rapport de certaines questions qui sont ensuite énumérées.
Peter Kasurak, premier directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : C'est tout à fait juste que dans le passé nous utilisions l'expression vérification de l'optimisation des ressources.
Le sénateur Cools : Pouvez-vous me dire de mémoire dans quel article de la loi cela se trouve?
Mme Fraser : C'est à l'article 7.
Le sénateur Mitchell : Mes questions concernent le processus et la méthode de travail. Je m'intéresse à la notion de vérification de gestion dans la mesure où elle s'applique à la décision récente du gouvernement d'abandonner les 15 programmes qui relevaient du Plan vert, sous prétexte que ces programmes seraient inefficaces compte tenu du coût de la réduction des gaz à effet de serre. Nous avions calculé que le coût du programme s'élèverait à pas plus de 20 $ la tonne, le gouvernement les a remplacés par un programme qui pourrait coûter 2 000 $ la tonne. Le gouvernement a remplacé un programme sous prétexte qu'il était inefficace par un programme qui le sera 100 fois moins.
Est-ce que vous évaluez ce genre de processus décisionnel? Examineriez-vous par exemple les études qu'ils ont sans doute fait faire pour déterminer l'efficacité ou l'inefficacité d'un programme? Feriez-vous ce genre d'évaluation dans le cadre de vos fonctions et, sinon, pourquoi pas?
Mme Fraser : Je serais tentée de dire que c'est peu probable puisqu'il s'agit pour l'essentiel d'une décision stratégique qui relève des politiques. Il y a deux domaines que nous n'examinons pas et sur lesquels nous ne commentons pas, à savoir la politique et l'appareil gouvernemental. Si le gouvernement procède à une réorganisation et change l'attribution des responsabilités, nous n'émettons aucun commentaire.
Nous formulerions toutefois des commentaires si le gouvernement affirmait pouvoir de la sorte économiser tant de dollars sur telle ou telle période en raison d'économies ou d'un accroissement de l'efficience et de l'efficacité. Nous attendrions du gouvernement qu'il en fasse la preuve.
Dans plusieurs de nos rapports où nous disions que le gouvernement avait indiqué que tel programme ou telle mesure permettrait d'économiser telle somme, nous n'avons pas été en mesure de trouver les rapports qui faisaient état de ces économies ou du mode de calcul. À l'occasion, nous examinons les analyses qui sous-tendent une décision; nous nous assurons que l'analyse de rentabilisation a bel et bien été faite. Toutefois, s'il s'agit en réalité d'une décision stratégique du gouvernement, nous hésitons à nous en mêler.
Je me dois de mentionner que la commissaire à l'environnement, qui fait partie du Bureau du vérificateur général du Canada, travaille sur le dossier du changement climatique. Son rapport qui devrait être publié en septembre porte strictement sur le changement climatique.
Le sénateur Mitchell : Le gouvernement pourrait décider d'abandonner un programme, sous prétexte qu'il est inefficace, sans avoir de preuve pour étayer sa décision et malgré cela vous ne feriez pas nécessairement d'examen de la question, est-ce bien cela?
Mme Fraser : C'est exact.
Le sénateur Mitchell : Lorsque vous parlez d'une analyse de rentabilisation, est-ce que cela signifie que vous pourriez évaluer les dommages à la réputation internationale du Canada qui découleraient de la dénonciation arbitraire de traités internationaux tels que le Protocole de Kyoto ainsi que le tort causé à la capacité du Canada de jouer un rôle sur la scène internationale?
Mme Fraser : Non; cela tient davantage de l'évaluation qui ne correspond pas à la nature de notre travail.
Le sénateur Mitchell : La décision de réduire d'un point de pourcentage le taux de la TPS est une décision plutôt controversée parce que d'aucuns se demandent si c'est une politique fiscale particulièrement efficace; certains disent qu'ailleurs dans le monde on fait de plus en plus appel à des taxes sur la valeur ajoutée et à la réduction de l'impôt sur le revenu parce que ce mélange permet d'améliorer davantage la productivité d'une économie.
Est-ce que vous pourriez envisager de faire une vérification de gestion ou une vérification de l'optimisation des ressources au sujet de la décision de réduire le taux de la TPS plutôt que l'impôt sur le revenu?
Mme Fraser : Non, parce que c'est là une décision politique. Nos vérifications portent sur la gestion et l'administration des programmes gouvernementaux. Une fois la décision politique prise, nous vérifions comment elle est mise en œuvre. Nous nous entendons avec les ministères sur des critères qui nous permettent de juger si les programmes et les activités sont réalisés selon des critères de gestion, des règles, des procédures raisonnables? Nous nous intéressons à la gestion plutôt qu'à la décision politique.
Le sénateur Stratton : J'aimerais aborder la question qui m'intéresse depuis toujours, celle du programme des armes à feu. Nous posons des questions au sujet de ce programme depuis sa création. À l'époque, le ministre nous avait affirmé qu'il ne coûterait que 3 millions de dollars. Depuis, nous savons que les coûts ont grimpé en flèche.
Dans votre rapport Le Point pour 2006, ce qui est préoccupant, c'est qu'il y ait eu deux erreurs comptables touchant le programme des armes à feu, une en 2002-2003 et une autre en 2003-2004.
J'aimerais que vous nous expliquiez la nature de ces erreurs comptables afin que nous comprenions bien de quoi il s'agit. Ensuite, vous pourriez peut-être nous expliquer — si toutefois vous êtes en mesure de le faire — pourquoi ces erreurs ont été commises.
Mme Fraser : Avec plaisir. En 2002-2003, le programme des armes à feu relevait du ministère de la Justice. À la fin de l'exercice, en mars 2003, une somme de 39 millions de dollars pour la mise au point d'un système informatique n'a pas été comptabilisée comme élément du passif dans les livres comptables du gouvernement. Le gouvernement admet qu'il s'agissait effectivement d'une erreur.
Si cette somme de 39 millions de dollars avait été comptabilisée, la seule conséquence aurait été liée au fait que le ministre de la Justice d'alors avait promis à la Chambre des communes que les coûts pour cet exercice-là ne dépasseraient pas les 100 millions de dollars. Si la somme de 39 millions de dollars avait été comptabilisée, le coût total aurait été de l'ordre de 117 millions de dollars. Voilà un élément.
La somme de 39 millions de dollars a été comptabilisée en 2003-2004. En 2003-2004, le programme des armes à feu est devenu un programme distinct. Le Centre des armes à feu Canada est devenu une entité distincte dotée de ses propres crédits et, je pense pouvoir dire sans trop risquer de me tromper, il bénéficiait d'une marge de manœuvre plus restreinte puisqu'il s'agissait d'un petit ministère avec un budget beaucoup plus limité. Par conséquent, la somme de 39 millions de dollars a été une dépense imprévue à comptabiliser pour l'exercice.
Aux alentours de janvier 2004, le Centre s'est aperçu qu'il dépasserait probablement le crédit qui lui avait été affecté pour l'exercice, du fait de l'augmentation constante du programme informatique. Le Centre a alors avisé le Secrétariat du Conseil du Trésor et d'autres entités qu'il aurait sans doute besoin d'obtenir un crédit dans le cadre du Budget supplémentaire des dépenses. Se sont alors tenues une série de discussions et de réunions. Lors d'une rencontre en particulier, après obtention d'un avis juridique, il a été décidé de ne pas imputer au crédit voté 21,8 millions de dollars de coûts en fin d'exercice.
Il existe plusieurs facteurs. Les opinions divergent quant au caractère approprié de cette mesure. Il semblerait qu'il y ait eu des dissensions au sein du gouvernement quant à la façon de procéder. Mais une décision a été délibérément prise, au vu de l'avis juridique obtenu. Nous contestons l'avis juridique, parce qu'il ne prend pas en compte la propre politique du gouvernement sur la façon d'établir un passif en fin d'exercice.
Ce qui est intéressant, c'est que le gouvernement lui-même a reconnu qu'il y a bien un passif, vu que les 21 millions de dollars ont été comptabilisés dans les comptes consolidés du Canada, mais n'ont pas été imputés au crédit voté du Centre des armes à feu. Si les 21,8 millions de dollars avaient été comptabilisés, le Centre des armes à feu aurait dépassé son crédit voté, s'il n'avait pas eu recours au Budget supplémentaire des dépenses.
C'est ce qui s'est passé, dans les très grandes lignes. Je serais heureuse d'approfondir la question, si vous le souhaitez.
Le sénateur Stratton : Je pense que nous saisissons les faits. Je ne tiens pas à entrer dans les détails. J'ai revu le témoignage de M. Neville, le 18 mars 2003. Il a clairement indiqué que, à l'époque, le ministère avait pris des mesures radicales pour réduire ses coûts de fonctionnement. Quand on voit ce qui s'est fait, on se dit que c'est peut-être ainsi qu'ils s'y sont pris. Peut-être est-ce une accusation injuste à l'encontre de M. Neville, n'empêche qu'on doit se poser la question. Ce qui me préoccupe, ce qui nous préoccupe tous, je pense, c'est de savoir s'il existe maintenant des procédures ou si vous faites des recommandations pour qu'une pratique de ce type ne se reproduise pas. C'est essentiellement notre fonction, au comité.
Mme Fraser : Le gouvernement, et certainement le contrôleur général en tout cas, a mentionné une série de mesures, l'une étant l'obligation de porter ce type de transaction à l'attention du Bureau du vérificateur général et d'obtenir une opinion claire avant le fait, plutôt que deux années après le fait. Il a soulevé la question du comité de vérification externe qui devrait être avisé de ce type de transactions, mais cela dépend de la volonté des gens à partager ce type de renseignements, avec nous ou d'autres. En tout cas, à l'époque, nous n'avons pas été avisés de la situation. Nous pouvons espérer, toutefois, que, à l'avenir, il y aura une plus grande clarté et que les gens sauront que ce type d'action n'est pas approprié.
Le sénateur Stratton : J'aurais juste une dernière question. Je ne veux pas m'attarder car je sais que d'autres ont le sujet dans leur ligne de mire, si j'ose dire.
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a voyagé pour voir comment ce type de pratique pouvait être éliminé. Nous nous sommes ainsi rendus en Angleterre et en Irlande, pour voir quelles mesures de contrôle y existaient. L'Irlande dispose d'une méthodologie de comptabilisation extrêmement rigoureuse; en Angleterre, l'approche est différente : si on demande à un ministre ou un sous-ministre de faire quelque chose qui va à l'encontre de ses convictions, il peut écrire une lettre appropriée à un individu donné. Vous souvenez-vous du nom exact de cet individu?
Le président : C'est l'équivalent du vérificateur général.
Le sénateur Stratton : Oui, l'équivalent du vérificateur général. C'est arrivé une fois, à l'époque où Margaret Thatcher était premier ministre, au sujet d'une vente d'aéronefs à un pays du Moyen-Orient. Ce qui est intéressant c'est qu'ils avaient le pouvoir d'envoyer une lettre de ce type. Neuf fois sur dix quand le sous-ministre a mentionné la possibilité d'envoyer une lettre de ce type, le ministre est revenu sur sa décision. À ce que l'on sache, il y a une occasion seulement où une lettre a été envoyée.
Je pense qu'il faut éviter d'avoir trop de règles, si on ne veut pas étrangler la bureaucratie. Ce que nous voulons, ce sont des solutions, pas une mise au pilori d'un côté ou de l'autre. Selon vous, que conviendrait-il de faire pour remédier à la situation? Si les sous-ministres avaient le pouvoir d'envoyer une lettre de ce type, ce genre de problème serait-il éliminé? Ou avez-vous d'autres suggestions pour éviter que cela se reproduise?
Mme Fraser : Dans le cas en question, les ministres avaient été mis au courant de la question, mais n'avaient pas donné d'instructions. En tout cas, lors de leurs témoignages devant des comités de la Chambre, les fonctionnaires ont tous dit ne pas avoir reçu d'instructions des ministres.
C'est pourquoi j'estime que le rôle du contrôleur général est essentiel. La personne qui était contrôleur général intérimaire à l'époque désapprouvait l'approche comptable adoptée, mais c'est à d'autres fonctionnaires qu'est revenue la décision de demander un crédit dans le Budget supplémentaire des dépenses ou pas.
Sans être allée jusqu'au bout de ma réflexion, je dirais qu'il conviendrait de donner plus de pouvoirs au contrôleur général, afin que ce type de transaction donne lieu à un avis quand il est en désaccord. Il faudrait presque un droit de veto sur certaines de ces questions.
Le sénateur Cools : J'aimerais parler de cet avis juridique. Pourriez-vous m'expliquer comment un avis juridique a pu avoir préséance sur des principes de comptabilité, notamment dans un cadre parlementaire, où la comptabilité est censée refléter les crédits votés, les budgets, et cetera? Cela me semble carrément loufoque. Je me demande qui était cet avocat. Il devrait peut-être aussi être renvoyé. Vous êtes vous-même accréditée comme comptable. Pourriez-vous mettre les choses en contexte pour nous? J'ai lu ce qui était disponible, mais je me demande si vous pourriez nous en dire un peu plus long sur cet avis juridique. Si vous en avez un exemplaire, pourriez-vous nous le laisser?
Mme Fraser : Tout d'abord, nous n'avons pas été en mesure de discuter de l'avis juridique dans notre rapport, parce que le gouvernement n'avait pas renoncé au secret professionnel qui existe entre un client et un avocat. À la demande des comités de la Chambre, toutefois, le gouvernement a renoncé à ce secret professionnel et fournira des copies de la lettre. Vous pourriez peut-être en obtenir un exemplaire en en faisant la demande au Secrétariat du Conseil du Trésor.
Le président : Nous demanderons à notre greffier d'assurer le suivi.
Mme Fraser : C'est le sous-ministre de Sécurité publique et Protection civile Canada qui a sollicité un avis juridique afin d'avoir une interprétation du paragraphe 37.1(1) de la Loi sur la gestion des finances publiques. Le paragraphe parle longuement des « dettes » du gouvernement, ce qui est fort bien; selon nous, toutefois, ce paragraphe fait référence aux politiques du Conseil du Trésor; ainsi, il commence par la mention : « Sous réserve des instructions que le Conseil du Trésor peut donner ». Or, le Conseil du Trésor a bien une politique sur les créditeurs à la fin de l'exercice; elle est on ne peut plus claire, mais l'avocat n'en a pas tenu compte dans la rédaction de son avis.
Nous estimons que le gouvernement aurait dû prendre en compte sa propre politique sur la comptabilisation du passif; elle stipule essentiellement qu'il convient de comptabiliser les éléments du passif en fin d'exercice et de les imputer aux crédits votés existants ou à une réserve centrale, en l'absence d'un crédit voté. Dans le cas qui nous intéresse, le passif a été imputé à une réserve centrale. Vu qu'il y avait un crédit voté pour le Centre des armes à feu, nous estimons qu'il aurait dû inclure les coûts d'un programme informatique. Cela faisait partie des dépenses du Centre cette année-là. Il existait un crédit voté et ces frais auraient dû y être imputés et non à la réserve centrale.
Le sénateur Cools : Nous faut-il une décision pour obtenir un exemplaire de l'avis?
Le président : Non. Le greffier s'en occupera pour nous.
Le sénateur Cools : Si une motion est nécessaire, nous pouvons en déposer une rapidement.
Le président : Je ne pense pas que cela nécessite une motion.
Le sénateur Cools : Peut-être qu'ils se montreront coopératifs.
Le sénateur Mitchell : Vous n'avez peut-être pas ces chiffres sous la main, mais si on élimine ces dépenses ponctuelles, il est manifeste qu'il y a eu une escalade. Une bonne part ont été réglées; il y a toujours les 39 millions de dollars dont vous parlez; mais, une fois ces dépenses éliminées, quel serait le coût de fonctionnement annuel réel du registre des armes à feu?
Mme Fraser : Dans notre rapport, nous montrons que les coûts se sont élevés à 100 millions de dollars environ en 2004-2005, moins les recettes. D'après le commissaire, le coût de fonctionnement annuel actuel est d'environ 80 millions de dollars. Il est susceptible d'augmenter à la suite de la décision d'éliminer les frais d'enregistrement, prise récemment.
Le sénateur Mitchell : Les armes de poing et celles d'épaule sont également concernées?
Mme Fraser : C'est le coût du programme. Le registre ne représente qu'une partie de ce coût. Selon lui, le coût du registre se chiffrait à 15 millions de dollars environ, si je me souviens bien. M. Kasurak pourrait vous fournir plus de détails.
M. Kasurak : L'octroi de licences aux détenteurs d'armes à feu est un élément majeur du programme, avec la formation au maniement sécuritaire et d'autres fonctions. Au bout du compte, le registre des armes à feu, pour toutes les armes, qu'il s'agisse d'armes d'épaule ou d'armes à autorisation restreinte, coûte seulement environ 15 millions de dollars par année.
Le sénateur Mitchell : Je crois que le gouvernement a récemment décidé d'exclure les armes d'épaule. Combien d'argent cela va-t-il économiser?
M. Kasurak : C'est difficile à dire, parce qu'il y a une base de données centrale où figure déjà, de toute façon, une partie des données. Elle subsistera sans doute dans une version réduite. Il existe des frais généraux constants, si bien qu'on ne peut pas déterminer un taux et parvenir à un chiffre qui serait proportionnel au nombre d'armes à autorisation restreinte ou prohibées pour lesquelles il faut toujours assurer un suivi. À l'heure actuelle, je doute que quiconque puisse avancer avec certitude un chiffre final.
Le sénateur Mitchell : Il sera inférieur à 15 millions de dollars.
M. Kasurak : Effectivement, il ne peut pas dépasser 15 millions de dollars.
Le sénateur Mitchell : Cette nouvelle initiative, promise depuis longtemps par le gouvernement, économisera en fait bien moins de 15 millions de dollars.
M. Kasurak : Oui, puisque c'est le plafond. C'est le montant maximal affecté à cette partie du programme.
Le sénateur Mitchell : Ajouter les armes d'épaule est en fait efficace, dirais-je.
Le président : J'ai deux autres points sur lesquels je souhaiterais des éclaircissements. Nous nous entretenons régulièrement avec les fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor, comme vous le savez. Et nous sommes tous d'accord avec le sénateur Stratton : notre but est de mettre en place des mesures de contrôle pour éviter la répétition d'un incident de ce type à l'avenir.
Madame Fraser, vous avez indiqué que le contrôleur général avait un rôle à jouer dans ce type de décision. Il ne s'agit pas de laisser comptables et avocats se disputer sur le processus approprié, du moins je l'espère. Il y a un avis juridique et un avis comptable. Le Secrétariat du Conseil du Trésor estime avoir fait ce qu'il convenait; puis vous intervenez, vous dites que c'était inapproprié et vous les en convainquez après coup.
Mme Fraser : Pas exactement. Le Secrétariat du Conseil du Trésor convient avec nous de la première erreur, celle de 39 millions de dollars. Il ne remet pas ce chiffre en question.
Le président : Mais nous parlions des 21 millions de dollars.
Mme Fraser : En ce qui concerne les 21 millions de dollars, il y avait des dissensions au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor; ainsi le contrôleur général intérimaire de l'époque était-il opposé à l'approche adoptée, fait qu'il a indiqué on ne peut plus clairement. Toutefois, ce n'est pas lui qui a pris la décision de recommander l'obtention d'un crédit dans le budget supplémentaire des dépenses ou non; la décision est revenue en fait au sous-ministre de Sécurité publique et Protection civile Canada.
Il restait à trancher à qui revenait la prérogative de faire ces recommandations et de quel droit de veto disposait le contrôleur général dans ce type de transactions. Le gouvernement reste flou à ce sujet. Le rapport indique que le gouvernement comprend à présent comment nous en sommes arrivés à notre interprétation. À mon sens, le gouvernement ne dit pas clairement être en accord avec notre interprétation.
Le président : Cela reste-t-il vrai aujourd'hui?
Mme Fraser : Il y a des moments lors des audiences où le gouvernement semble d'accord avec nous, puis il change d'idée. Je ne suis pas sûre qu'il soit d'accord avec notre approche. Nous ne sommes pas nécessairement contre l'avis juridique. Nos avocats en contestent certains éléments, notamment le fait que ne soit pas prise encore en compte la politique du Conseil du Trésor sur la comptabilisation des dépenses et leur imputation aux crédits.
Le président : Pourriez-vous nous donner le nom du contrôleur général intérimaire à l'époque, pour qu'il soit officiellement noté?
Mme Fraser : Oui, c'était M. John Wiersema. Nous signalons dans notre rapport le conflit d'intérêts suivant : M. Wiersema a été contrôleur général intérimaire de novembre 2003 à février 2004, après quoi il a donné sa démission et s'est joint au Bureau du vérificateur général du Canada, en tant que sous-vérificateur général, en mars 2004.
Le président : Madame Fraser, vous nous avez donné un total de 945 millions de dollars depuis le début du programme. Ce chiffre inclut-il les 21 millions de dollars dont nous parlons?
Mme Fraser : Oui, le total inclut tous les coûts en date de mars 2005. Les rapports financiers sont très bien faits; il est regrettable qu'y figurent ces deux erreurs. Sinon, nous aurions pu donner une opinion claire sur les coûts du programme.
Le président : Merci.
Le sénateur Cools : Pourrions-nous avoir le nom de la sous-ministre de Sécurité publique et Protection civile, que vous avez mentionnée?
Mme Fraser : Oui, à l'époque, c'était Mme Margaret Bloodworth.
Le sénateur Eggleton : Madame Fraser, le lendemain du dépôt de votre rapport, le 16 mai, le gouvernement a fait une annonce concernant le programme des armes à feu. Vous exprimez dans votre rapport certaines préoccupations et critiques; nous avons abordé ensemble le problème de l'approche comptable, notamment; mais vous souligniez également certains points positifs. Selon son optique, on peut décider que le verre est à moitié plein ou à moitié vide. J'imagine que le gouvernement conservateur, contrairement à nous, estime que le verre est à moitié vide et a décidé que la GRC devrait prendre le relais du Centre canadien des armes à feu. Le gouvernement a également décidé d'augmenter le coût du programme pour le contribuable en en diminuant les recettes, les détenteurs d'armes à feu n'ayant désormais plus de droit d'enregistrement à payer. Selon moi, c'est une façon détournée pour le gouvernement de démolir le programme.
Votre bureau se préoccupe de la fonction de contrôle du Parlement; j'ai entendu vos commentaires à ce sujet. Or, les décisions du gouvernement dans ce domaine me frappent comme une diminution de l'autorité parlementaire. Faisant fi de l'autorité du Parlement, le gouvernement va saboter le programme en l'excluant du CARC, en le confiant à la GRC et en le privant des recettes qu'apportaient les frais d'enregistrement. Les armes d'épaule constituent la majeure partie du registre. Je regrette de vous mettre sur la sellette, mais quelle est votre opinion sur le contrôle parlementaire?
Mme Fraser : Eh bien, comme je l'ai dit plus tôt, sénateur, il y a deux domaines où je m'abstiens de tout commentaire : les choix politiques, comme celui que vous venez de mentionner; et l'appareil gouvernemental. Nous nous sommes abstenus de commentaire quand le gouvernement a établi le programme des armes à feu au sein du ministère de la Justice puis constitué le CAFC; tout commentaire au sujet de la dernière décision du gouvernement serait également déplacé. Le gouvernement a réduit les frais par le passé, comme il en a le droit. Laissez-moi ajouter que les parlementaires sont hautement sensibilisés à la situation et libres de poser des questions au sujet du programme.
Le sénateur Cowan : Le sénateur Stratton a abordé une bonne part des questions qui m'intéressaient. J'aurais toutefois une précision à demander : en ce qui concerne le nouveau système informatique, qui n'est toujours pas opérationnel, vous avez parlé dans vos remarques liminaires d'une augmentation du budget, qui est passé de 32 millions de dollars à 90 millions de dollars. Les 39 millions de dollars et les 21,8 millions de dollars dont il a été question sont-ils inclus dans les 90 millions de dollars?
Mme Fraser : Oui.
Le sénateur Cowan : Est-ce un coût d'immobilisations ou de fonctionnement?
Mm Fraser : Laissez-moi commencer à expliquer, avec l'aide de M. Kasurak. Il y a, en fait, deux systèmes d'information : le Système canadien d'information relativement aux armes à feu 1, qui fonctionne, après une mise en route difficile et des dépassements de coût.
Le sénateur Cowan : Les 39 millions de dollars avaient-ils trait à ce système?
Mme Fraser : Oui. Il y a aussi un second système, que le Centre a commencé à élaborer du fait de préoccupations au sujet du premier. Le premier système fonctionne encore. Le budget pour le second système était de 32 millions de dollars, mais il est passé à 90 millions de dollars.
Dans les 30 millions de dollars en question figurent ce qu'on appelle les coûts des retards. Comme l'élaboration du règlement a tant tardé, le gouvernement a demandé au fournisseur de rester disponible et lui a versé 1,2 million de dollars par mois pour sa disponibilité, soit 30 millions de dollars en coûts pour les retards, tandis que le fournisseur attendait le règlement définitif avant de mettre la dernière main à son système. Le système ne fonctionne pas encore. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada s'efforce, avec le fournisseur, de résoudre le problème.
M. Kasurak : Il nous a été difficile de déterminer quelle part des coûts était imputable au fonctionnement et quelle part à l'élaboration du système. Le contrat n'établissait pas de distinction claire entre les deux catégories. Parmi les coûts de fonctionnement figure l'entretien de l'ordinateur et des réseaux d'information, le tout étant mélangé dans le contrat. Le système ne fonctionnant pas, je suggérerais que la plus grosse partie des coûts ont trait à l'élaboration; il s'agit donc de coûts d'immobilisations.
Le sénateur Cowan : Il s'agit donc de coûts d'immobilisations, dites-vous? Ce serait des coûts de fonctionnement, non?
Mm Fraser : Ce serait une dépense, oui.
Le sénateur Cowan : Existe-t-il, à la base, une portion qui serait considérée comme des coûts d'immobilisations? L'achat d'un système d'information serait considéré comme une acquisition d'immobilisations, n'est-ce pas?
Mme Fraser : Oui, certains des coûts ont été imputés aux immobilisations. Une partie des coûts pourrait être imputée ainsi. Je n'ai pas ces renseignements avec moi.
Le président : Manifestement, nous avons toutes sortes de questions sur ce sujet, tout cela dans l'optique de veiller à l'établissement de mesures de contrôle pour l'avenir.
Le sénateur Nancy Ruth : J'ai une question qui ne relève sans doute pas de vos attributions mais que je voulais poser.
Vous travaillez au sein de l'Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques. Avez-vous jamais envisagé, officiellement ou officieusement — et là je veux dire tout à fait officieusement — d'effectuer une vérification sur la promotion de l'égalité entre les sexes ou des groupes désavantagés par différents gouvernements?
Mme Fraser : Non, jamais. Je ne crois pas que la question ait été soulevée. Je sais qu'il y a eu des discussions sur la façon dont les vérificateurs des instances législatives pouvaient contribuer aux buts du millénaire. Les discussions entamées avec l'ONU à ce sujet ne se sont pas traduites par un travail effectif sur l'égalité entre les sexes.
Le sénateur Nancy Ruth : À votre sens, quel va être l'aboutissement ou l'évolution de ces conversations?
Mme Fraser : Le dialogue est hésitant, sporadique. Effectuer les vérifications financières requises présente déjà des difficultés pour une bonne partie des bureaux de vérification, si bien que les vérifications de gestion présentent un véritable défi.
Rares sont les pays qui effectuent des vérifications de gestion. Nous collaborons avec plusieurs d'entre eux. D'ailleurs, nous avons reçu une délégation de Russie à notre bureau aujourd'hui. Nous essayons de les initier à la vérification de gestion. Ce n'est pas pour demain, mais la Russie se concentre sur les programmes et la prestation de services gouvernementaux.
Le sénateur Nancy Ruth : Quels sont les pays qui effectuent une vérification de gestion?
Mme Fraser : Eh bien, manifestement, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Suède, le Danemark, la France, l'Allemagne, jusqu'à un certain point, ainsi que d'autres.
Le sénateur Nancy Ruth : Au vu de l'article 307 du projet de loi sur l'imputabilité, savez-vous combien d'entités canadiennes disposent d'un accord de financement d'un million de dollars sur cinq ans et lesquelles sont le plus susceptibles d'intéresser votre bureau?
Mme Fraser : Sans avoir de renseignements précis, je suis convaincue que le chiffre est très élevé. Selon nous, et nous l'avons clairement dit au comité étudiant le projet de loi C-2 ainsi qu'au gouvernement, c'est aux gestionnaires de programme de veiller à ce que les fonds soient utilisés aux fins prévues et à ce qu'existent des systèmes et des cadres appropriés. Le but d'une vérification externe est de vérifier le cadre et le système, pas de vérifier systématiquement les récipiendaires des subventions et contributions. Si notre mandat était élargi, nous pensons que nous nous en prévaudrions rarement, uniquement dans des circonstances tout à fait exceptionnelles. Nous n'effectuerions pas une vérification systématique des récipiendaires.
Le sénateur Harb : Pour commencer, laissez-moi dire combien je suis surpris et choqué de voir votre rapport revenir une fois de plus sur le système d'information financière. Il est maintenant sur le tapis depuis environ 19 ans, quand on a d'abord décidé d'adopter ce nouveau système.
À une époque, tout le monde voulait l'adopter; puis il y a eu une perte d'élan; puis un regain d'intérêt, après votre retour. Vu l'enthousiasme manifesté par bon nombre de personnes ou lors de certaines audiences où comparaissait le Conseil du Trésor, nous pensions que cela allait se mettre en place. D'où ma déception à la lecture de votre rapport de mai 2005, qui indique, à la page 20 :
Les progrès accomplis en vue d'améliorer l'information financière au gouvernement continuent d'être insatisfaisants. Cette situation est en grande partie attribuable au fait que les ministères et organismes utilisent peu l'information financière basée sur la comptabilité d'exercice comme soutien à la gestion et à la prise de décisions au jour le jour; les montants cumulatifs servent surtout aux rapports financiers de fin d'exercice.
Vous dites ensuite que, si le gouvernement n'adopte pas mieux la comptabilité d'exercice, c'est parce que les budgets et les rapports financiers ne sont pas préparés sur une même méthode à l'échelle du gouvernement et des ministères. J'ai été choqué, quant à moi, par la réaction du Secrétariat du Conseil du Trésor. À mon sens, elle n'est pas acceptable :
Le Secrétariat du Conseil du Trésor est heureux de constater que le Bureau du vérificateur général reconnaît les progrès réalisés jusqu'à maintenant et il est d'accord avec l'orientation des recommandations du présent chapitre.
À entendre le gouvernement, on croirait que la comptabilité d'exercice est une chimère irréalisable; je n'ai trouvé aucun engagement concret sur le moment auquel ça se fera, où le gouvernement ira de l'avant, l'échéancier de mise en œuvre qu'il s'est engagé à respecter à plusieurs reprises par le passé.
Cela étant, je me demande quelles mesures nous devrions prendre. J'ai le sentiment que l'on tourne autour du pot et j'aimerais savoir si la vérificatrice générale est satisfaite de la réaction du Conseil du Trésor.
Mme Fraser : C'est un dossier frustrant, parce que, comme l'a signalé le sénateur Harb, il est à l'ordre du jour depuis des nombreuses années déjà.
Le principal problème à résoudre concerne les affectations de crédits suivant la comptabilité d'exercice. Tant et aussi longtemps que les ministères utiliseront la comptabilité de caisse pour les affectations de crédits dans leurs rapports et leur comptabilité tout au long de l'année, la comptabilité d'exercice restera une intervention en fin d'exercice, limitée à l'établissement des états financiers sommaires.
Depuis près de 10 ans le gouvernement nous dit se pencher sur la question. Une autre étude est d'ailleurs supposément en cours. Nous disons au gouvernement qu'il y a eu assez d'études. Nous avons signalé le fait que le gouvernement a adopté la comptabilité d'exercice dans ses rapports. Le Canada a d'ailleurs été un leader mondial dans ce domaine, ce dont nous devrions nous féliciter. Le budget d'ensemble est préparé suivant la comptabilité d'exercice. Il est temps que l'affectation des crédits le soit aussi. Sinon, ce sont des renseignements qui ne seront pas utilisés pour la gestion au jour le jour. Il y a un maillon manquant.
À l'heure où je vous parle, le gouvernement semble toujours hésiter. Nous ne savons pas exactement pourquoi. Manifestement, si les parlementaires acceptaient de relever le drapeau, le gouvernement passerait peut-être un peu plus rapidement à l'action.
Le sénateur Harb : D'après ce que j'entends, monsieur le président, il faut absolument que le Conseil du Trésor comparaisse devant le comité pour nous expliquer, ainsi qu'au public, les raisons de ces délais. Manque-t-il de temps ou de ressources? Que doit faire le Parlement pour que l'administration fasse ce qu'il lui a demandé? Le Conseil du Trésor a pris l'engagement, devant d'autres comités parlementaires, de le faire. Bien franchement, ce que je lis me scandalise.
Je vais demander au comité de direction d'envisager d'inviter le Conseil du Trésor à venir tout expliquer au comité.
Le président : Nous comprenons ce que vous dites. Comme je l'ai mentionné plus tôt, sénateur Harb, le Secrétariat du Conseil du Trésor comparaît régulièrement devant le comité et ce serait un bon suivi à faire. Nous remercions la vérificatrice générale de l'avoir signalé à notre attention.
Le sénateur Harb : Ma dernière question se rapporte à Travaux publics. On trouve ici une assez bonne observation sur la location de bureaux et je parle du paragraphe 33 du discours de la vérificatrice, où elle dit : « Les observations que nous avons formulées au sujet de la location des bureaux mettent bien en évidence le besoin d'avoir une information financière stable ». C'est vrai. Pourriez-vous nous parler davantage du genre de problèmes auxquels vous faites allusion?
Mme Fraser : L'un des principaux problèmes, c'est la qualité de l'analyse faite par le ministère des diverses possibilités pour avoir des espaces de bureaux : location, location à long terme, construction, et cetera. Dans bien des cas cités dans notre rapport, on prend la décision de louer, et même de louer à court terme, alors que l'achat serait beaucoup moins coûteux. Pris tous ensemble, les exemples représentent 100 millions de dollars d'économies qui auraient pu être réalisées, comme nous le disons dans le rapport.
Nous reconnaissons que d'autres choses entrent sans doute en ligne de compte dans la décision, lorsqu'il s'agit de décider de louer ou d'acheter, mais nous n'en avons pas vu de preuve ni d'explication. En tant que vérificatrice générale, je m'attends à ce que le gouvernement choisisse l'option la moins coûteuse.
Il y a aussi la question du partage des responsabilités. Les ministères clients, comme on les appelle, décident de la superficie dont ils ont besoin. Ils s'adressent à Travaux publics pour obtenir cet espace. Travaux publics a des normes pour l'espace, mais les ministères peuvent en faire fi.
Les ministères sont facturés une somme minime pour la location, en fin d'année, et non pas à gérer ces coûts dans leur budget. Rien n'incite les ministères à réduire l'espace dont ils ont besoin, ni à choisir des bureaux moins coûteux, ni à préférer la banlieue aux tours du centre-ville.
Travaux publics a du mal à faire appliquer ses normes. C'est le Conseil du Trésor qui s'occupe ensuite du financement. Il y a une trop grande diffusion de la responsabilité. Nous disons que le système doit encourager les gestionnaires à bien gérer ces budgets.
Le sénateur Harb : Au sein de l'administration, tant à l'exécutif qu'au ministère, on a parlé de louer davantage et d'abandonner la propriété des espaces de bureaux. Que vous sachiez, le gouvernement a-t-il fait une étude de l'optimisation des ressources pour comparer la propriété et la location? Dans la négative, votre bureau s'y intéresserait- il, si c'était l'option retenue : voudriez-vous montrer quel choix donne une utilisation optimale des ressources, avant qu'une décision soit appliquée?
Mme Fraser : Nous ne savons pas si une telle étude a été faite et nous n'en avons pas demandé. Nous signalons toutefois dans ce rapport que le ministère des Travaux publics avait fixé des objectifs d'économie assez ambitieux. Nous avons dit qu'à moins qu'on oblige les ministères à respecter ces normes d'espace et à choisir les options les moins coûteuses, nous doutons que les objectifs fixés soient atteints.
Le sénateur Harb : Comme c'est étrange : nous disons aux Canadiens de s'acheter une maison plutôt que de la louer, parce que c'est un bon investissement, et pourtant, nous agissons tout autrement.
Nous avons eu bon nombre de discussions avec l'ancien président du Conseil du Trésor, ainsi qu'avec le nouveau. Il semble y avoir consensus au sujet d'un mécanisme permettant d'établir un financement qui ne suscite pas de conflit d'intérêts, qui vous libère tout en vous permettant de faire le travail que vous voulez. Y a-t-il eu des communications avec votre bureau en ce sens? Vous a-t-on parlé d'une date?
Mme Fraser : Sous le gouvernement précédent, un projet pilote a été créé. Il s'agissait d'un comité consultatif du Président de la Chambre des communes sur le financement de tous les hauts fonctionnaires du Parlement. Nous étions assez contents de la façon dont le projet a été créé et du fonctionnement du mécanisme.
Malheureusement, seulement deux hauts fonctionnaires du Parlement ont comparu devant le comité avant la défaite du gouvernement. Le gouvernement actuel a manifesté son intention de recréer ce comité et nous espérons bientôt comparaître devant lui. On nous parlera de financement, mais nous croyons aussi qu'il y aura un mécanisme de discussion pour des questions comme les rapports de vérification interne et la reddition de comptes, pour divers éléments. On y parlera d'autres sujets relatifs aux politiques gouvernementales qui nous gênent ainsi que de la façon dont certaines politiques gouvernementales devraient s'appliquer aux hauts fonctionnaires du Parlement. Nous estimons que c'est une tribune où on peut discuter d'autres questions, outre le financement.
Le sénateur Cools : Dans un autre ordre d'idées, bon nombre de membres du comité sont nouveaux et sont encore en train d'apprendre le vocabulaire associé à ce processus. Auriez-vous un glossaire des termes employés, par exemple, pour les types de vérifications que vous faites? Vous avez parlé de vérifications de gestion et de vérifications internes. Avez-vous un glossaire? Certaines personnes se sont adressées à moi, pour cela. Il serait bon que nous ayons un glossaire des termes que vous employez, pour leur remettre, plutôt que d'avoir à leur expliquer, à chaque fois.
Mme Fraser : Nous avons un dépliant et une trousse d'information, à mon bureau, et j'aurais dû l'envoyer à votre comité bien à l'avance. Si le comité souhaite nous rencontrer pour parler de manière informelle de la façon dont nous faisons notre travail et du genre de vérifications que nous avons, ou si vous avez des suggestions, n'hésitez pas. Je vais m'assurer que le comité reçoive des exemplaires de notre trousse d'information.
Le sénateur Cools : Il y a de nombreux nouveaux membres au comité. Je pense que je suis l'un des plus anciens membres du comité. Nous vous en serions reconnaissants. Merci beaucoup.
Le président : Je pense que nos membres ne comprennent pas tous, non plus que les membres du gouvernement, ce qu'est la mise en oeuvre de la comptabilité d'exercice dont vous avez parlé. Je comprends les termes généraux que vous employez. Contrairement à la méthode de comptabilité de caisse, dans ce cas-ci, l'imputation se fait au moment où l'événement se produit, ou lorsque l'obligation se présente. Pourrions-nous avoir des exemples, afin de mieux comprendre?
Mme Fraser : Nous avons une présentation sur la comptabilité d'exercice, et elle est très simple. Je serais ravie de vous la présenter. Nous avons tendance à recourir à un jargon qui peut être hermétique. Nous pouvons vous donner cette présentation quand vous voudrez.
Le président : Nous demanderons au greffier de faire les arrangements nécessaires avec votre bureau.
S'il n'y a rien d'autre à l'ordre du jour, je vous remercie tous trois, madame Fraser, monsieur Campbell et monsieur Kasurak, d'être venus. Au nom de la vice-présidente et de moi-même, ainsi que des autres membres du comité, je peux vous dire que nous avons hâte de vous revoir peut-être dans le cadre d'une rencontre informelle servant à expliquer votre travail, qui est si important pour le nôtre.
Nous avons parlé plus tôt de deux rapports. Il y a Le point de mai 2006, mais le sénateur Harb n'est peut-être pas au courant du deuxième rapport, qui ne portait que sur la législation sur les armes à feu. C'était le seul sujet de ce rapport, parce qu'il y avait tant de questions relatives à la comptabilité, qu'il était important d'en traiter séparément.
Cela étant dit, honorables sénateurs, voilà qui termine notre séance.
La séance est levée.