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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 2 - Témoignages du 19 juin 2006


OTTAWA, le lundi 19 juin 2006

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel est renvoyé le projet de loi C-13, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 2 mai 2006, se réunit aujourd'hui à 18 h 2 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous nous réunissons pour la première fois afin de traiter du projet de loi C-13, Loi d'exécution du budget. Tous les sénateurs sont présents ce soir et prêts à accueillir le témoignage du ministre des Finances, M. James Flaherty, qui représente la circonscription ontarienne de Whitby—Oshawa.

Si je ne m'abuse, monsieur le ministre, vous devez présenter quelques remarques liminaires. Comme le veut l'usage au comité, je suis sûr que les sénateurs auront des questions à poser au sujet des remarques en question et peut-être à d'autres sujets encore. Vous avez la parole.

[Français]

L'honorable James Michael Flaherty, C.P., député, ministre des Finances : Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser aux membres du comité pour discuter du projet de loi d'exécution du budget de cette année. Je serai bref, de sorte qu'il restera amplement de temps pour les questions.

[Traduction]

Il est clair que le nouveau gouvernement du Canada remplit les engagements qu'il a pris envers les Canadiennes et les Canadiens. En effet, le tout premier texte de loi qu'il a déposé était le projet de loi fédéral sur l'imputabilité. Les Canadiens doivent pouvoir faire confiance à leur gouvernement et savoir que l'argent de leurs impôts est dépensé de façon judicieuse. À notre avis, le projet de loi sur l'imputabilité permettra d'atteindre cet objectif.

Grâce au projet de loi C-13, nous parvenons à non seulement respecter, mais encore à dépasser un autre engagement que nous avons pris envers les Canadiens, celui de réduire les impôts et de leur fournir de l'aide pour la garde de leurs enfants. Le budget est équilibré, et nos dépenses sont ciblées.

Pour être franc, nous en avons accompli davantage dans le budget que je l'aurais cru possible au moment où nous avons entamé le processus d'élaboration du budget en février. Nous en avons beaucoup accompli grâce à la force du ministère des Finances et à la vision limpide que nous sommes parvenus à nous donner au moment où le budget a été déposé le 2 mai.

Au cours de la campagne électorale, nous avons promis de réduire la TPS, et nous l'avons fait. À compter du 1er juillet, les Canadiens disposeront de plus d'argent. Bien entendu, je parle de tous les Canadiens et non seulement des Canadiens qui paient de l'impôt sur le revenu. Le tiers environ des Canadiens ne paient pas d'impôt sur le revenu; par conséquent, ils ne profitent pas de réductions de l'impôt. La réduction de la TPS profite à quiconque fait des achats au Canada.

Pour les particuliers, les réductions se traduiront par un allégement fiscal d'environ 20 milliards de dollars au cours des deux prochaines années. Ce sont des réductions très importantes — qui représentent plus que l'allégement offert par les quatre derniers budgets réunis. En fait, les mesures fiscales contenues dans le budget feront en sorte que quelque 655 000 personnes n'auront plus à payer d'impôt fédéral sur le revenu. J'adresse cette observation à ceux qui aiment dire, parfois, que notre budget n'aide pas les personnes ayant un faible revenu. Il n'y a pas que les réductions fiscales qui leur profitent; 655 000 d'entre elles ne figurent désormais plus sur le rôle fiscal.

Une de nos priorités consistait à réduire la TPS de 7 à 6 p. 100; c'est une promesse que nous avions faite aux Canadiens, une promesse que nous tenons. Il s'agit d'un allégement fiscal réel pour l'ensemble des Canadiens, comme j'ai pu le dire, qu'ils paient de l'impôt sur le revenu ou non. Nous avons également promis de réduire le taux de la TPS d'un point de pourcentage de plus pendant notre mandat, ce qui permettra aux Canadiens, qui travaillent dur, d'avoir encore plus d'argent à leur disposition. À notre avis, cette réduction de la TPS nous met sur la bonne voie.

Nos réductions d'impôt dépassent les engagements que nous avons pris pendant la campagne électorale. En effet, le nouveau gouvernement entend percevoir moins d'impôt et de taxes en tous genres auprès des Canadiens, grâce au budget. Le budget propose un important allégement de l'impôt sur le revenu des particuliers. À compter du 1er juillet, le taux le plus bas de l'impôt sur le revenu des particuliers sera ramené de 16 à 15,5 p. 100. En outre, le projet de loi prévoit des hausses du montant personnel de base, c'est-à-dire le montant qu'un particulier peut gagner sans avoir à payer d'impôt fédéral sur le revenu. Ce montant augmentera chaque année et sera supérieur aux niveaux actuels prévus par la loi, et ce, en 2005, en 2006 et en 2007.

Nous proposons également l'instauration du crédit canadien pour emploi, c'est-à-dire un crédit d'impôt sur le revenu d'emploi pouvant atteindre 500 $, qui entre en vigueur le 1er juillet 2006 et conçu pour venir en aide aux travailleurs canadiens. Ce sera un coup de pouce pour que les gens puissent mieux assumer les coûts du travail, par exemple les dépenses consacrées à un ordinateur personnel, un uniforme, des fournitures. Le montant admissible doublera pour atteindre 1 000 $ le 1er janvier 2007.

Sénateurs, je suis sûr que, de temps à autre, comme cela m'est arrivé à moi aussi en tant que membre d'une assemblée législative, vous avez entendu des travailleurs salariés se plaindre de ne pas pouvoir profiter des mêmes avantages fiscaux que les travailleurs autonomes, pour ce qui est des déductions, et le crédit canadien pour emploi permettra de remédier à cette situation.

Nous avons bien des raisons de célébrer la Fête du Canada. Bien entendu, ce n'est pas tout. Nous avons modifié le taux d'impôt général sur le revenu des entreprises, c'est-à-dire que nous réduisons le taux général d'imposition des sociétés, qui passera de 21 à 19 p. 100 d'ici le 1er janvier 2010; nous éliminons entièrement la surtaxe des sociétés en 2008; nous abolissons l'impôt sur le capital dès le 1er janvier 2006, soit deux ans plus tôt que prévu; nous appuyons la croissance des petites entreprises en portant de 300 000 à 400 000 $ le montant du revenu admissible au taux réduit de 12 p. 100 de l'impôt fédéral à compter du 1er janvier 2007. Nous allons également faire passer ce taux de 12 à 11,5 p. 100, en 2008, et à 11 p. 100, en 2009, au profit des petites entreprises admissibles.

Je suis fier de dire que la réaction au budget a été très favorable. Par exemple, Mme Catherine Swift, présidente et directrice générale de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a déclaré au National Post : [Traduction] « Nos attentes étaient élevées, mais, de fait, le budget a dépassé les attentes en question. » Récemment, j'ai prononcé une conférence à l'assemblée annuelle de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, et on m'a remis une belle plaque. L'organisme a noté le budget : les notes sont bonnes, même s'il y a un F. Si vous arrivez à savoir dans quelle matière nous avons obtenu un F, c'est que vous vous êtes entretenus avec la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Les mesures fiscales contenues dans le projet de loi vont bien au-delà des promesses que nous avons faites pendant la campagne électorale. À titre d'exemple, citons les dispositions fiscales prévues pour les personnes handicapées. Au Canada, les mesures fiscales envisageables dans le cas des personnes handicapées ont fait l'objet d'une étude technique. Nous en avons mis en application toutes les recommandations, et nous sommes allés au-delà des recommandations du comité. Nous avons augmenté le maximum annuel de la prestation pour enfants handicapés à compter du 1er juillet. De même, les critères seront élargis pour qu'un plus grand nombre de familles puissent recevoir la prestation. Auparavant, elle n'était offerte qu'aux personnes à faible revenu. Franchement, je crois que les familles où un enfant souffre d'un handicap grave ont besoin de cette forme d'appui. Le projet de loi permettrait donc d'élargir les critères à ce sujet.

Le projet de loi C-13 augmente le montant maximal du supplément remboursable pour frais médicaux pour l'année d'imposition 2006. Ce supplément accroît les incitatifs au travail pour les Canadiens handicapés : lorsque ces derniers passent de l'aide sociale au marché du travail, le supplément les aide à assumer les frais médicaux et autres frais liés à l'invalidité qu'ils doivent prendre en charge.

Dernière mesure que nous avons prévue dans le budget à l'intention des personnes handicapées : nous avons annoncé que le gouvernement entend charger un petit groupe de se pencher sur une question très importante pour les familles où il y a un enfant handicapé : quand les parents ne sont plus là, qu'advient-il de la sécurité financière de l'enfant ayant de graves déficiences, devenu adulte, souvent, à ce moment-là? Au fil du temps, diverses propositions ont été faites pour modifier le régime fiscal de manière utile. Je nommerai quelques personnes qui seront chargées de cette tâche. Elles toucheront un grand total d'un dollar par jour, plus les dépenses, et feront rapport en novembre. Nous espérons pouvoir régler la question dans le prochain budget, en présumant que nous sommes toujours au pouvoir.

Pour ce qui est des organismes de bienfaisance, comme les sénateurs le savent probablement, nous allons modifier la loi — en présumant que le projet de loi est adopté — comme il est question de le faire depuis longtemps, particulièrement à l'initiative d'un dénommé Don Johnson. Nombre d'entre vous l'avez déjà rencontré. La modification en question consiste à éliminer l'impôt sur les gains en capital relatifs aux dons de titres cotés en bourse à des organismes de bienfaisance. La réaction déjà notée à cette proposition au Canada m'abasourdit. À Toronto, il y a eu un don de 50 millions de dollars. À Vancouver, les dons dépassent 10 millions de dollars à ce jour. Ce matin, j'ai entendu dire qu'il y a eu des dons de plusieurs millions de dollars à Halifax, et à Montréal, c'est pareil. Il y a une réaction incroyable de la part de Canadiens qui souhaitent tirer parti de cette mesure — une modification des dispositions fiscales touchant les gains en capital — au profit des organismes de bienfaisance au Canada. L'ampleur de la réaction me réjouit au plus haut point. Nombre d'observateurs me disent que la réaction sera nettement plus grande que ce qui est prévu dans le budget, ce qui est merveilleux pour les œuvres canadiennes. C'est une idée qui est bonne non seulement du point de vue de la politique fiscale, mais également de celui des gens qui font des dons — choisissant eux-mêmes ce à quoi servira leur bienfaisance, plutôt que de laisser cette tâche au gouvernement.

L'autre mesure touchant les organismes de bienfaisance, dont on a moins parlé, consiste à encourager davantage de Canadiens à faire don de terres écosensibles à des organismes de bienfaisance voués à la conservation. Le projet de loi propose d'exonérer immédiatement ces dons de l'impôt sur les gains en capital, dans la mesure où le projet de loi est adopté.

Le budget prévoit d'autres crédits d'impôt. Le crédit d'impôt pour la condition physique des enfants s'explique par le problème que constituent l'inactivité et l'obésité chez les enfants au Canada. Le crédit pour revenu de pension est une mesure souhaitable que les aînés attendent depuis longtemps. Les mesures en question seront présentées dès que possible sous forme de dispositions législatives et elles permettront d'améliorer la qualité de vie des Canadiens, jeunes et vieux compris.

Nous sommes allés de l'avant et avons concrétisé un engagement bien médiatisé que nous avions pris à propos de la garde d'enfants. Que la réponse réside dans une garderie réglementée ou dans la garde à la maison par les parents, les grands-parents ou un voisin de confiance, nous nous engageons à appuyer le choix de tous les parents canadiens. Les mesures contenues dans le projet de loi prévoient l'investissement de près de 4 milliards de dollars sur deux ans dans la Prestation universelle pour la garde d'enfants. À compter du 1er juillet, toutes les familles recevront 100 $ par mois ou 1 200 $ par année pour chaque enfant de moins de six ans. Il importe de mentionner que les montants reçus n'influeront pas sur les prestations fédérales calculées en fonction du revenu, notamment le crédit pour la TPS. Cette mesure permet d'appuyer le droit de choisir des familles en la matière.

Notre administration s'engage également à créer des places en garderie. Le budget prévoit le versement de 250 millions de dollars par année à compter de 2007 pour créer des places en garderie dans le cadre du Plan universel pour la garde d'enfants. Nous collaborons avec des gouvernements, des entreprises, des organismes communautaires et des organismes sans but lucratif afin d'en arriver à un plan qui permet bien de créer les places en question.

Sénateurs, je vous dirais que les mesures prévues dans le projet de loi C-13 aideront à faire du Canada un endroit où il sera encore plus agréable de vivre.

Je suis disposé à répondre aux questions des membres du comité, et je suis accompagné de fonctionnaires qui sont aussi prêts à répondre à toutes les questions que vous voudrez poser sur le projet de loi. Je vous remercie de l'occasion que vous nous offrez de comparaître.

Le président : Monsieur le ministre, nous vous remercions d'avoir présenté cette déclaration liminaire et d'être là aujourd'hui.

Le sénateur Angus : Monsieur le ministre, je crois que c'est la première fois que vous témoignez devant un comité du Sénat, et nous sommes enchantés de vous accueillir. Nous vous félicitons, mes collègues et moi-même, d'avoir été nommé à ce poste important et d'avoir conçu cet excellent budget que vous avez proposé aux Canadiens au début du mois de mai.

Vous avez dit à quel point la Fête du Canada sera merveilleuse cette année, et nous nous sommes tous rappelés cela en cheminant, le long de la rue Wellington, cet après-midi. Si jamais le projet de loi n'est pas adopté d'ici le 1er juillet, ce qui est improbable, qu'adviendrait-il des chèques de 100 $ qui sont censés être envoyés dans toutes les familles, si les choses suivent leur cours normal, à compter du premier juillet?

M. Flaherty : Bien des gens seront déçus, mais à part ça, je crois qu'il faudrait poser la question aux fonctionnaires.

Qu'est-ce qui arriverait? Que ferions-nous alors : attendre? Oui, il s'agirait d'attendre.

Le sénateur Angus : Autrement dit, les chèques ne seraient pas envoyés, si je comprends bien.

Depuis bien des années, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce recommande des modifications fiscales conçues pour encourager les entreprises canadiennes et les propriétaires de terres écosensibles à faire des dons à des organismes de bienfaisance. Nous sommes enchantés des progrès connus à cet égard. Cependant, si par malheur le comité décide de défaire ce projet de loi, faut-il conclure que les dons en question ne se concrétiseront pas ou que les donateurs ne pourront profiter des avantages voulus?

M. Flaherty : Oui. Il y aurait un retard. Les fonctionnaires pourront me corriger sur ce point si je me trompe, mais je crois que la modification fiscale est conçue pour entrer en vigueur le jour du budget, soit le 2 mai.

Le sénateur Angus : De toute manière, ou dans la mesure où le projet de loi est adopté?

M. Flaherty : Non, dans la mesure où le projet de loi est adopté. Nous voulons bien faire adopter le projet de loi. Je doute que cela se fera aussi facilement qu'en troisième lecture à la Chambre des communes.

Le sénateur Angus : Ne soyez pas si sûr. Nous connaissons assez bien ces gens, monsieur le ministre. Je crois que vous devriez avoir une approche positive.

J'ai une question plus substantielle, au sens technique. Elle porte sur les dispositions touchant l'assurance hypothécaire, les hypothèques garanties par l'État et le concept de « dédoublement ». Il semblait y avoir beaucoup de publicité entourant cela. Nous avons plusieurs témoins provenant d'organisations comme Genworth, qui, aux côtés de la SCHL, s'ils ne sont pas les seuls acteurs sur cette scène, en sont certainement les principaux. Pourriez-vous nous expliquer la raison d'être de cette mesure?

M. Flaherty : Il s'agit d'ouvrir le domaine des hypothèques à la concurrence. Pour être franc, nous sommes d'avis qu'il serait sain d'y avoir plus de concurrence. Je ne trouverai pas d'autres justifications à cela. Nous croyons que cela va créer plus de liquidité et plus de concurrence, ce qui, nous l'espérons, profitera à ceux qui contractent des hypothèques.

Le sénateur Angus : Est-ce en raison de la garantie qui est introduite? Cette mesure comporte deux éléments, si je saisis bien. Un élément, bien entendu, consiste à doubler les montants qui seraient admissibles à la garantie, et l'autre, à offrir la garantie elle-même à des parties autres que la SCHL et Genworth.

M. Flaherty : C'est un élargissement de la garantie qu'offre le gouvernement du Canada.

Le sénateur Angus : Est-ce en réponse à une demande importante de la part de diverses institutions financières ou êtes-vous allé chercher cela dans les airs, si vous me permettez d'utiliser cette expression?

M. Flaherty : Je ne suis pas connu pour aller chercher les choses dans les airs.

Si vous me demandez s'il y a eu d'intenses pressions à cet égard, je vous dirais que non, pas auprès de moi en particulier. Cela tient davantage à l'idée de mettre en place une politique qui aurait pour effet de créer davantage de concurrence.

Le sénateur Eggleton : Monsieur le ministre, durant vos déclarations préliminaires, vous avez noté plusieurs choses que vous aviez aussi notées dans le budget, et vous avez parlé des commentaires favorables de Catherine Swift. J'ai ici une autre série de commentaires réunis par Dale Orr, de Global Insight, commentateur reconnu en économie, fiscalité et budgets, et qui, soit dit en passant, affirme n'être nullement l'ami des libéraux. M. Orr affirme que vos prétentions ont besoin de subir l'épreuve du feu. Il parle de la valeur des réductions fiscales, 20 milliards de dollars en allégement fiscaux qui, selon lui, correspondent plus à la moitié de cette somme, une fois tous les facteurs pris en considération. Il conteste particulièrement l'idée selon laquelle le taux d'imposition le plus bas se voit réduire, alors que c'est l'inverse. Cela dépend de la manière de calculer. Si vous prenez pour référence la loi et la façon actuelle de faire, votre raisonnement se tient, mais, selon lui — et je crois que bon nombre d'autres commentateurs le disent —, il faut regarder ce qui s'applique en ce moment. Ce qui s'applique en ce moment tient à une motion de voies et moyens qui a été adoptée à un moment donné. Dans ce contexte particulier, le taux d'imposition le plus bas va augmenter, et il en va de même pour le montant personnel de base.

M. Orr affirme que, même en tenant compte de l'effet des crédits — dont certains se trouvent non pas dans le projet de loi, mais dans des budgets à venir, c'est le cas par exemple du crédit applicable au transport en commun —, la différence notée au chapitre de l'impôt sur le revenu des particuliers n'est pas si grande. Il en va de même de l'avantage.

Je crois que plusieurs économistes, dont Milton Friedman, sont d'accord avec la position suivante, énoncée par un avocat fiscaliste dénommé David Douglas Robertson. Celui-ci est l'auteur de Don't Tax Me When I Earn It, Tax Me When I Spend It, où il dit :

Réduire de 1 p. 100 le taux marginal d'impôt sur le revenu des particuliers le plus bas et majorer de 500 $ le montant personnel de base représente un gain d'environ 320 $ par année pour la plupart des Canadiens. Pour qu'une personne obtienne le même gain par la voie d'une réduction de 1 p. 100 de la TPS, il faudrait qu'elle consacre au minimum 32 000 $ par année à des biens et à des services visés par la TPS.

Tout n'est pas visé par la TPS. Citons par exemple les loyers et les hypothèques, l'épicerie, les médicaments d'ordonnance, les soins de santé, les frais de scolarité, la garde d'enfants, les services de soins personnels, les assurances, les remboursements de prêt, l'épargne personnelle et les placements. Quant aux 32 000 $ en question, dans la mesure où les moins nantis ne sont pas prêts d'aller s'offrir une Mercedes, cette réduction de la TPS n'aura évidemment pas le même bienfait qu'aurait pour eux une réduction de l'impôt.

J'ai une autre série de citations. Celle-ci provient du ministre des Finances de la province de l'Ontario et remonte à octobre 2001. C'est M. Flaherty qui dit :

On peut réduire la taxe de vente au détail, ce qui est une autre façon de rendre les produits plus abordables. Mais on peut procéder autrement : on peut faire en sorte que les gens aient un plus grand revenu disponible en disant : « Voici une réduction de l'impôt sur votre revenu particulier. Faites-en ce que bon vous semble. »

Et M. Flaherty de poursuivre :

Mon estimé collègue soulève encore une fois la question de la réduction de la taxe de vente. Je dois dire que, pour ce qui est de la réduction des taxes, je suis d'accord avec Paul Martin. Pour ce qui est de réduire la TPS fédérale et la TVD provinciale, je suis d'accord aussi avec le ministre fédéral, et nous en avons parlé. Cela ne procure que des bienfaits à court terme, pour être franc. Les dépenses s'accélèrent. Cela se joue sur un ou deux mois. La mesure n'a pas d'effet bénéfique à long terme sur l'économie.

Monsieur le ministre, pourquoi n'avez-vous pas suivi tous ces bons conseils, dont les vôtres, et réduit l'impôt sur le revenu, plutôt que d'opter pour une réduction de 1 p. 100 de la taxe de vente?

M. Flaherty : J'étais à l'émission de radio The House de la CBC un bon matin, et les gens m'ont sorti cet extrait, sans avertissement.

Cela se passe pendant la période de questions, et nous discutions alors du fait que la General Motors et certains autres fabricants de voitures avaient en place des programmes temporaires pour réduire les frais d'emprunt du point de vue de l'acheteur, car il y a un certain ralentissement dans le secteur de l'automobile. À ce moment-là, on m'a demandé si c'était de même une bonne idée d'appliquer une réduction temporaire de la taxe de vente. L'idée ne me semblait pas bonne. Elle ne le semblait pas à ce moment-là et elle ne semble pas aujourd'hui. Je ne crois pas à quelque réduction temporaire des taxes à la consommation.

Il ne s'agit pas ici d'une réduction temporaire. Il s'agit d'une réduction permanente de 1 p. 100, qui sera suivie d'une autre réduction de 1 p. 100 de la taxe fédérale à la consommation, la TPS, et qui aura un effet bénéfique à long terme pour les Canadiens.

Une réduction temporaire d'une taxe à la consommation suscite une avance du point de vue des ventes. Il n'y a pas là d'avantages à long terme, et c'est ce que j'ai dit à l'assemblée législative de l'Ontario à ce moment-là.

Sénateur, vous avez parlé des bienfaits que procurerait pour les Canadiens une réduction de la TPS. Il y aurait là un bienfait énorme, peut-être pas pour les quelques Canadiens qui s'offrent une Mercedes, mais pour les nombreux Canadiens qui achètent leur première maison, un condo ou une maison de ville, qui s'engagent pour une première fois sur le marché. Une réduction de 1 p. 100 de la TPS représente quelque chose de substantiel. Nous allons continuer d'appliquer la remise sur les biens-fonds dont le coût est égal ou inférieur à 450 000 $. Ce sont là des avantages remarquables. Je sais que les jeunes à la recherche d'une maison dans le Grand Toronto trouveront cela très intéressant. Certains constructeurs savent que ce sera utile à leur industrie. C'est un avantage concret pour les gens qui essaient d'améliorer leur vie, pour les jeunes qui essaient d'acheter une première maison.

Quant à la comparaison entre la motion de voies et moyens, qui n'a pas été adoptée sous forme de loi... les comparaisons que j'utilise confrontent le budget de 2005 et le budget 2006. En tant que législateur, je compare les projets de loi qui deviennent bel et bien une loi, pour comparer des pommes avec des pommes. Les réductions sont exactement comme je l'ai décrit, si on passe du budget de 2005 au budget de 2006. En comptant les réductions de la TPS, il est question d'une réduction, sur deux ans, de presque 29 milliards de dollars en taxes et impôts que le gouvernement du Canada demande aux habitants du pays. Ce sont là d'importantes réductions qui équivalent au total des réductions apportées dans les quatre budgets précédents, prises ensemble.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de dire que je ne suis pas d'accord avec plusieurs de ces observations. M. Orr souligne que, par l'élimination de 655 000 noms du rôle fiscal, vous y ajoutez en même temps 200 000 autres Canadiens en relevant le montant personnel de base. Vous dites que cela n'a pas pris la forme d'une loi, mais si ça s'applique, les gens vont prévoir le coup. C'est donc une augmentation d'impôts pour les gens à faible revenu.

Je vais vous poser une question qui touche l'Ontario. Il y a eu une entente avec le gouvernement précédent, et M. Harper a dit qu'il allait la respecter. Cela met en jeu sept milliards de dollars sur six ans, même si le montant au départ se situait probablement à cinq milliards de dollars. Cela concerne l'établissement des immigrants, les services, le développement du marché du travail et le soutien de l'enseignement postsecondaire. Vous et la province de l'Ontario ne semblez pas vous entendre pour dire si l'entente est respectée ou non. Le gouvernement de l'Ontario croit que, pour cette année, il y a un écart de 300 millions de dollars entre l'arrangement tel qu'il le voit et ce qui est dit dans le budget. Il se soucie de ce que la différence au chapitre des crédits d'impôt, par exemple pour un programme d'apprentissage, entrera dans le calcul. À son avis, il était très évident que l'entente prévoyait des sommes à verser directement dans le trésor provincial. M. Harper a affirmé que l'entente serait respectée sous tous ses aspects. Les représentants provinciaux prétendent que vos chiffres comportent pour l'année en cours un écart d'environ trois milliards de dollars pour le programme dans son ensemble. Pouvez-vous nous en parler? Le gouvernement fédéral respectera-t-il l'engagement pris auprès du gouvernement provincial?

M. Flaherty : Nous allons le respecter et nous l'avons respecté dans le budget de 2006. Le gouvernement de l'Ontario a fait valoir certaines préoccupations quant à la manière dont l'argent est versé. J'en ai discuté rapidement avec l'ancien ministre des Finances de la province, mais il y a un nouveau titulaire. Je dois rencontrer fin de semaine le nouveau ministre des Finances pour que nous puissions comparer nos chiffres. Il n'y a pas de désaccord sur le fond, autant que je sache. Le financement intégral de l'entente est établi, comme le premier ministre Harper s'est engagé à le faire avant l'élection. L'entente est prolongée jusqu'à une sixième année. Nous nous sommes assurés que le budget prévoit pleinement le financement nécessaire de l'entente Canada-Ontario.

Il n'y a pas que ça, sénateur. J'ajouterais encore : la province de l'Ontario bénéficie d'un excédent de 300 millions de dollars de l'argent en plus — au chapitre de l'infrastructure, que les autres provinces ne reçoivent pas, grâce à l'entente Canada-Ontario. Le budget de 2006 prévoit plus de 16 milliards de dollars sur quatre ans pour les améliorations au chapitre de l'infrastructure. En sus de sa part par habitant, le gouvernement de l'Ontario recevra 300 millions de dollars. Je saurai bien régler les détails administratifs, mais je ne vois pas de problème de fond en ce qui concerne le financement de l'entente Canada-Ontario.

Le sénateur Eggleton : Tout l'argent sera versé dans le trésor de la province, aucune partie ne prendra la forme de crédits d'impôt ou de dispositions futures se rapportant à une formule qui pourra être échafaudée pour régler le déséquilibre fiscal.

M. Flaherty : Non, je n'ai pas dit ça du tout. Vous avez dit ça. J'ai dit que l'entente était pleinement financée dans le budget. Je n'ai jamais entendu dire que, selon l'entente, des milliards de dollars seraient versés dans le trésor de la province de l'Ontario. C'est à l'avantage de la province de l'Ontario, notamment pour le financement du marché du travail et d'autres aspects, dont bon nombre sont des programmes fédéraux au profit de l'Ontario, mais la destination n'est pas forcément le trésor de l'Ontario. Je suis sûr que vous êtes au courant de cela.

Le sénateur Eggleton : Je crois comprendre qu'ils prévoient simplement — car il y a des trucs comme l'entente sur la mise en valeur de la main-d'œuvre et l'entente sur l'immigration qui sont pertinentes pour compenser les coûts de la province. Maintenant, vous dites que ça n'ira pas nécessairement dans les coffres du trésorier de la province.

M. Flaherty : L'entente est entièrement financée et elle fera l'objet d'une vérification intégrale de la part du gouvernement du Canada. Je ne peux parler pour le gouvernement de l'Ontario. Il faudrait demander aux responsables du gouvernement provincial comment ils interprètent les dispositions de l'entente.

Le sénateur Eggleton : À propos de la question de prudence financière, le mois dernier, il y a eu, dans le Globe and Mail, un éditorial qui exprimait le souci selon lequel, après des années marquées par les excédents successifs, les Conservateurs ramenaient le pays au bord de la faillite avec ses politiques. Qu'en pensez-vous? Selon le gouvernement précédent, il devait y avoir une réserve de prudence de un milliard de dollars cette année, et qui grandirait par la suite. Peut-être que vous êtes d'avis et que votre gouvernement est d'avis que les excédents qui s'accumulaient étaient assez grands et qu'on n'a pas à prévoir cela à l'avenir. La notion de prudence économique s'applique advenant une crise, par exemple une épidémie, une pandémie, une crise d'EBS, car cela peut bouleverser l'économie du jour au lendemain. La prudence financière est une idée particulièrement précieuse. Si on s'approche de la limite, on risque d'avoir un déficit, ce dont, j'en suis sûr, vous ne voudriez jamais. Je crois que les Canadiens ne voudraient pas d'un tel choix.

M. Flaherty : Vous avez raison, sénateur. J'ai été ministre des Finances de la province de l'Ontario à l'époque où la croissance économique se situait à 1,5 p. 100, époque à laquelle nous avons équilibré le budget en Ontario, malgré l'accroissement des coûts des soins de santé, dont le taux se situait en moyenne à 8 p. 100, sur cinq ans. Ce que nous avons à faire aujourd'hui ne représente pas un tel défi, je vous l'assure.

Les critiques légitimes que les Canadiens formulaient à ce sujet, c'est que, avec les années qui se succédaient et au nom d'une prétendue prudence, le terme est sûrement mal choisi, nous avons laissé s'accumuler d'énormes excédents — ô surprise! — d'année en année en année. De ce fait, les gens ont fini par ne plus croire à la transparence du processus de budgétisation du gouvernement du Canada. Il y avait aussi le fait que, à la fin de l'exercice financier, le gouvernement en place disposait d'un excédent substantiel non prévu au budget et qu'il s'en servait essentiellement pour s'immiscer dans les champs de compétence provinciale et territoriale, sans avoir l'autorisation parlementaire nécessaire pour le faire. C'est un mauvais pli qui a nui à notre fédération économique et servi à façonner la grande image du déséquilibre fiscal au Canada. Le gouvernement fédéral a accumulé de grands excédents surprise, non pas seulement pendant un an ou deux, mais d'année en année, alors que les provinces se débattaient avec un accroissement moyen du coût des soins de santé variant entre 6 et 8 p. 100 et un accroissement moyen du coût des médicaments oscillant entre 15 et 20 p. 100. Ce n'était pas bon pour notre fédération, et nous n'allons plus faire cela sous prétexte d'une quelconque « prudence » mal nommée. Nous avons prévu au budget un excédent de trois milliards de dollars qui servira à réduire la dette publique. Pour l'avenir, nous budgétisons un milliard de dollars en prévision d'une pandémie, mais pas en tant qu'excédent.

Nous essayons d'être plus ouverts, plus transparents et plus francs avec les gens du Canada. Après tout, nous avons la responsabilité d'administrer leur argent. Ce n'est pas notre argent à nous; c'est de l'argent que nous leur prenons à eux, et je crois qu'ils ont droit à un processus de budgétisation plus transparent.

Le sénateur Eggleton : Croyez-vous être maître de la situation, malgré ce que disent les économistes dans certains éditoriaux du Globe and Mail, soit que vous vous approchez trop de la limite? Croyez-vous que, malgré tous les gros excédents, vous appliquez vraiment une prudence suffisante?

M. Flaherty : J'aurais pu m'adonner au même jeu que le gouvernement précédent. N'importe qui peut s'adonner à ce jeu-là. Appelez cela de la « prudence », appelez cela un « coussin », appelez cela un « excédent », appelez cela une « réserve », appelez ça une « surprise ». Nous aurions pu mettre de côté cinq milliards de dollars ou je ne sais quel montant dans une telle éventualité. Est-ce la façon de procéder des contribuables propriétaires de petites ou moyennes entreprises au Canada? Est-ce la façon de procéder des gens qui établissent le budget familial au Canada? Je ne crois pas. Le gouvernement du Canada pourrait tout au moins imiter les bons usages des gens qui le portent au pouvoir.

Le sénateur Eggleton : Nous ne voulons pas tomber dans le même piège que le gouvernement conservateur précédent.

Le sénateur Murray : Pour faire suite à la question du sénateur Eggleton, je vous demanderais : n'employez-vous pas le procédé même que certains d'entre nous ont dénoncé il y a moins d'un an, le projet de loi C-48, pour diriger une partie de l'argent de l'excédent vers certains projets?

M. Flaherty : Oui.

Le sénateur Murray : Merci.

J'ai quelques questions à poser qui ne sont pas liées entre elles. J'espère que vous allez faire preuve de patience.

Entendez-vous favoriser l'harmonisation des taxes de vente provinciales et de la TPS, dans les provinces où cela n'a pas été fait?

M. Flaherty : Comme vous le savez, le budget publié comporte un document complémentaire qui traite de la question du déséquilibre fiscal/de l'équilibre fiscal.

Le sénateur Murray : Dites « déséquilibre », monsieur le ministre; il n'y a rien à craindre.

M. Flaherty : Le « déséquilibre » est le phénomène que nous reconnaissons et l'« équilibre » est l'état que nous cherchons à atteindre. Je veux passer du déséquilibre fiscal à l'équilibre fiscal. Notre gouvernement est le premier à vraiment reconnaître qu'il existe un déséquilibre fiscal. Le gouvernement précédent ne l'a pas fait. Nous allons essayer de réaliser l'équilibre fiscal. J'aime avoir une attitude positive à propos de ces choses.

Dans le document, nous parlons de la possibilité d'une harmonisation des taxes de vente provinciales et des taxes fédérales. Certaines provinces l'envisagent. Je ne saurais dire ce qu'il en adviendra. Nous allons simplement devoir attendre. C'est une possibilité.

Le sénateur Murray : Allez-vous faire des pressions à cet égard dans les négociations sur l'équilibre/le déséquilibre fiscal?

M. Flaherty : Je ne ferai pas de pressions. C'est une décision qui appartient aux provinces et aux territoires. Ce n'est pas une décision qui relève du gouvernement du Canada. Évidemment, réduire la TPS, comme nous l'avons fait, peut rendre l'harmonisation plus attrayante aux yeux de certaines des provinces.

Le sénateur Murray : J'aimerais bien connaître l'impact de l'harmonisation sur les trésors des provinces qui n'ont pas encore harmonisé leurs taxes. Je présume que les fonctionnaires ont cette information sous la main, quelque part, pour que nous puissions y accéder.

Serge Nadeau, directeur général, Direction de la politique d'impôt, ministère des Finances Canada : Il faudrait peut- être mieux que les responsables des provinces répondent à cette question. Malheureusement, il est très difficile pour nous de savoir dans quelle mesure la Saskatchewan, par exemple, serait touchée. Il conviendrait mieux que ce soit les provinces qui répondent.

Le sénateur Murray : J'imagine qu'on pourrait payer et faire une demande d'accès à l'information. Je ne sais pourquoi vous ne pouvez nous donner cette information, si vous l'avez, et je crois que vous l'avez probablement. Je suis sûr que le ministre aura cela de noté sur un bout de papier, qu'il portera sur lui, au moment de rencontrer les responsables des provinces pour en discuter.

Je me déplace au nord, vers la vallée du Mackenzie. Je vois qu'il y a là un projet de création d'une société d'État ayant pour but d'atténuer les effets du pipeline de la vallée du Mackenzie. La société d'État en question bénéficie d'un engagement de 500 millions de dollars à cet égard, qui confirme, je crois, un engagement pris par un de vos prédécesseurs.

La responsabilité du gouvernement fédéral à cet égard comporte-t-elle d'autres éléments? Il y a quelque temps, l'Aboriginal Pipeline Group, qui possède un tiers de la participation, cherchait à obtenir une garantie fédérale pour le financement de leur partie du pipeline. Qu'en est-il advenu? Le gouvernement leur a-t-il accordé leur garantie? Est-ce en voie de négociation?

Bob Hamilton, sous-ministre adjoint principal, Direction de la politique d'impôt, ministère des Finances Canada : Les discussions sont en cours.

Le sénateur Murray : Pouvez-vous nous donner des précisions sur la responsabilité du gouvernement fédéral? Je constate que IOL a annoncé une pause quant à la démarche, en raison de l'inflation des coûts de construction dans le Nord et ailleurs. À quel stade en sont les négociations avec IOL?

M. Flaherty : Le gouvernement du Canada, par l'entremise du ministre des Affaires indiennes et du Nord, a pour premier souci les négociations avec les groupes autochtones. Jim Prentice s'attache à cet aspect de la question, plutôt qu'à d'autres. Notre rôle, tel que nous le voyons, c'est de convaincre les communautés autochtones d'accepter le projet pour que celui-ci puisse aller de l'avant.

Le sénateur Murray : Les « autres aspects » dont vous parlez, ce sont les concessions et mesures incitatives que les entreprises cherchent à obtenir du gouvernement fédéral — et le dossier à ce sujet en est au point mort, n'est-ce pas? Aucun engagement n'a été pris, n'est-ce pas?

M. Flaherty : Je ne suis au courant d'aucune discussion à ce sujet.

Le sénateur Murray : Toujours dans le Nord, quand est-ce que le gouvernement fédéral ira de l'avant et négociera une entente sur le partage des revenus tirés de l'exploitation des richesses naturelles dans les Territoires du Nord-Ouest? C'est un dossier qui traîne depuis 20 ans? En savez-vous quelque chose?

M. Flaherty : Je connais le sujet. Je ne sais pas s'il y a un calendrier de travail. J'ai rencontré le ministre des Finances des Territoires du Nord-Ouest. De fait, je crois que je dois parler avec lui encore demain. La question a été soulevée.

Le sénateur Murray : Ça fait longtemps que les gens attendent. Ces négociations durent depuis 20 ans. Le gouvernement fédéral ne semble pas éprouver de sentiment d'urgence à ce sujet.

Pour revenir à la TPS, avez-vous pensé d'inclure la TPS dans le prix des biens, avec ou sans harmonisation du côté des provinces?

M. Flaherty : Non.

Le sénateur Murray : Cette proposition ne vous intéresse pas?

M. Flaherty : Non.

Le sénateur Austin : Monsieur le ministre, c'est la première fois que je vous vois à une réunion du comité. Vous faites un travail très important dans notre pays.

La politique de réduction de la TPS est l'élément marquant de votre budget du 2 mai — la réduction de 1 p. 100 dans votre budget et la réduction de 1 p. 100 à venir. J'aimerais que vous nous en parliez à la lumière de plusieurs des questions et des critiques qui ont été formulées, à savoir s'il s'agit vraiment de la meilleure politique fiscale pour le Canada du point de vue macro-économique. Par exemple, Bill Robson, le vice-président principal du C.D. Howe Institute, a affirmé sur le réseau Newsworld, de la CBC à propos de la TPS :

D'un point de vue économique, ce ne serait pas mon premier choix. Si vous êtes à la recherche de réductions d'impôt qui vont favoriser le travail, qui vont favoriser l'épargne, qui vont nous aider à investir davantage et qui vont relever le niveau de vie, la TPS n'est pas la taxe de choix.

Il affirme plus tard que la meilleure stratégie fiscale pour arriver aux fins qu'il décrit consisterait à réduire l'impôt sur le revenu des particuliers.

Bien entendu, Herb Grubel, économiste à l'Université Simon Fraser, a déclaré :

Réduire la TPS plutôt que l'impôt sur le revenu des entreprises ou des particuliers représente une décision qui est peut-être bonne du point de vue politique, mais qui est certainement très mauvaise du point de vue économique.

De même avant le dépôt de votre budget, le cahier Report on Business du Globe and Mail, édition du lundi 24 avril, faisait valoir que des responsables du ministère des Finances conseillaient la réduction de la TPS et présentaient la réduction de l'impôt sur le revenu comme étant préférable d'un point de vue économique.

Voici l'extrait du cahier Report on Business de l'édition du journal The Globe and Mail de ce jour-là :

« Le Canada tire une plus grande part de ses recettes [produit intérieur brut] des impôts sur le revenu des particuliers et des sociétés que tout autre pays membre du G7 [...] En conséquence, les recettes provenant des taxes à la consommation sont moindres au Canada; or, c'est la taxe qui nuit le moins à la productivité et au niveau de vie. »

Plus loin, il y a encore une fois des responsables du ministère des Finances qui sont cités :

[...] tandis que l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés est le plus gros qui soit parmi les membres du G7, la tendance générale favorise les taxes à la consommation [...] « Parmi tous les pays membres de l'OCDE ayant une taxe sur la valeur ajoutée, le Canada applique, hormis un cas, le taux le plus bas. »

Enfin, cette citation provient de la fin de l'article du Globe and Mail :

Ils tiennent les taxes à la consommation, par exemple la TPS, pour le moindre mal parmi l'éventail des taxes et impôts, car ce sont elles qui nuisent le moins à la croissance économique.

Selon le consensus, les autres taxes et impôts sur le revenu des particuliers ou encore sur le revenu et les biens des sociétés sont nettement plus nuisibles, car elles minent l'incitation à travailler, à épargner et à investir.

Voilà un échantillon d'observations formulées à propos de la mesure marquante que représente la réduction de la TPS. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi vous avez choisi la TPS envers et contre les vues et opinions économiques prédominantes quant à l'efficacité d'une réduction de la TPS par rapport à une réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers.

M. Flaherty : J'ai écouté attentivement les citations. Cela ressemblait à : « Je préférerais réduire l'impôt sur le revenu des particuliers ou des sociétés », ou encore « La réduction de la taxe à la consommation ne serait pas mon premier choix ». Vous noterez que les économistes n'ont pas affirmé : « N'allez pas réduire la TPS ». Ils déclarent plutôt : « Ne faites pas que cela », et nous n'avons pas fait que cela. Nous avons réduit les taxes d'accise, nous avons réduit l'impôt appliqué aux petites entreprises et nous avons réduit l'impôt sur le capital et la surtaxe. Nous avons réduit l'impôt sur le revenu. À raison de plus de 90 p. 100, les réductions du budget profiteront aux particuliers et aux familles au Canada. J'aurais tendance à prêter une grande attention aux propos des économistes quand ils disent qu'il ne faut pas réduire seulement la taxe à la consommation, que cela doit s'inscrire dans une réforme fiscale plus vaste, et c'est ce que nous avons présenté dans le budget du 2 mai.

Le sénateur Austin : Par politesse politique ou par respect de quelque conjoncture conditionnelle, vous pouvez bien essayer de faire des distinctions, mais, dans les faits, les conseils les mieux avisés des économistes disent qu'il faut réduire l'impôt sur le revenu des particuliers et l'impôt sur le revenu des sociétés, et majorer les taxes à la consommation en raison de la façon dont ces taxes et impôts fonctionnent à l'intérieur de l'économie. Je ne reprendrai pas les raisonnements déjà évoqués, mais je me demande si, dans son édition du 24 avril, le Globe and Mail citait correctement les responsables du ministère des Finances, les conseils qu'ils vous donnaient, vous qui êtes ministre des Finances?

M. Flaherty : J'ai certes eu droit à des conseils de cette nature de la part du ministère des Finances. J'y ai eu droit aussi de la part de certains des économistes que j'ai rencontrés. Il n'y avait pas d'opinion uniforme, je vous l'assure. Je crois que les économistes ne se sont jamais entendus sur une question. L'opinion prédominante parmi les économistes que j'ai rencontrés, c'est qu'il fallait alléger le fardeau. C'est le tout premier point, puis il faut discuter des taxes et impôts à cibler. Globalement, les taxes et impôts au Canada sont trop élevés. Ils inhibent la croissance économique au Canada et ils inhibent l'esprit d'entreprise, et nous devrions les réduire. J'adhère à cette idée. Nous avons réduit les taxes et impôts de façon très marquée dans ce budget, et j'espère pouvoir le faire davantage à l'avenir.

Le sénateur Austin : Je vois qu'il nous faut plus ou moins mettre fin à l'échange, alors je voudrais vous poser une question sur un autre sujet — c'est-à-dire l'évolution de l'environnement économique qui se produit en ce moment, et particulièrement les signaux qui proviennent de dirigeants de banques centrales comme M. Bernanke quant au ralentissement possible de l'économie américaine, qui aurait des conséquences du point de vue de l'inflation. Comme vous le savez, aux États-Unis, la Réserve fédérale est inquiète de voir des statistiques concernant l'inflation qui sont légèrement au-dessus de ce qu'elle tolère normalement. Nous nous attendons à l'accroissement des frais d'intérêt pour contrer l'inflation.

Je ne vous poserai pas de questions sur la politique monétaire en tant que telle, car vous me diriez sûrement que cela relève du gouverneur de la Banque du Canada. Tout de même, je voulais vous demander, pour faire suite à ce que disait le sénateur Eggleton à propos d'une réserve en cas d'urgence, si vous prenez en considération, en ce moment, la possibilité d'un ralentissement économique et, par conséquent, d'un ralentissement des recettes que peut recevoir le gouvernement; et, dans la mesure où un telle tendance se maintient, envisageriez-vous de publier à l'automne un exposé économique qui permettrait aux Canadiens de faire le point sur la situation économique?

M. Flaherty : Nous prévoyons une mise à jour à l'automne, ce qui est devenu, je crois, l'usage à l'administration fédérale. Comme je suis nouveau à l'échelon fédéral, je vérifie de telles choses auprès des fonctionnaires. Nous allons faire cela.

La tendance, sénateur, est favorable et elle reflète les hypothèses budgétaires. Je comprends ce que vous dites quand vous parlez de certains signes inquiétants. Nous avons dit il y a quelques mois que nous surveillons attentivement le prix des maisons aux États-Unis. Nous y voyons un certain fléchissement. Jusqu'à maintenant, nous semblons avoir affaire à un certain fléchissement et non pas à quelque chose de plus grave. J'en ai discuté plus d'une fois avec le secrétaire américain au Trésor, M. Snow. Il m'a parlé de certaines des mesures adoptées par le système bancaire américain afin de réduire l'ampleur des emprunts sur bien-fonds aux États-Unis.

Le sénateur Austin : Même de par leur nature... car aux États-Unis, vous le savez bien, l'usage consiste à reporter le paiement du principal à la toute fin, et à vendre l'hypothèque en fonction des seuls intérêts.

M. Flaherty : Oui. Il y a des questions macro-économiques qui se présentent en ce qui concerne le G8, aussi bien que le FMI et la Banque mondiale, et nous espérons que, d'ici la prochaine fois que les membres du G8 se réuniront, soit à Singapour en septembre, des mesures concrètes auront été prises. Aux dernières réunions du FMI à Washington, nous avons eu d'assez sérieuses discussions sur la flexibilité souhaitable de certaines des monnaies asiatiques.

Le sénateur Austin : Je voulais vous demander, monsieur le ministre, si vous continuez d'obtenir conseil auprès d'un groupe d'économistes du secteur privé quant à la façon de calculer l'évolution de l'économie. Cherchez-vous conseil auprès d'un tel groupe et aussi auprès de vos fonctionnaires?

M. Flaherty : Oui. J'ai rencontré un groupe d'économistes du secteur privé au moment de la préparation du budget, et j'espère le faire encore pendant l'année.

Le sénateur Austin : Allez-vous poursuivre cette façon de faire?

M. Flaherty : Oui, tout à fait. Ils sont tout à fait disposés à donner leurs conseils. Ils ne se gênent pas du tout.

Le sénateur Austin : Vous savez ce qu'on dit : les économistes doivent faire des prédictions pratiquement tous les jours pour espérer tomber juste à un moment donné.

Le sénateur Mitchell : Monsieur le ministre, pour réagir à ce qui inquiète le sénateur Eggleton concernant la notion de prudence financière, j'ai eu l'impression que vous écartiez vraiment cela du revers de la main. Je serais peut-être plus généreux en affirmant que vous avez été tout à fait sensible à la question, mais à mon avis, dans les faits, vous avez écarté cela du revers de la main.

Je crois qu'il est tout à fait raisonnable que les Canadiens, et certes, le sénateur Eggleton ainsi que notre comité se soucient du niveau de prudence financière ressortant du budget, d'abord, pour les raisons qu'il a invoquées, et ensuite, du fait qu'il y a l'héritage de Mulroney et que nombre des conseillers du gouvernement proviennent de l'époque de Mulroney. Il y a eu le cas d'un gouvernement ontarien dont l'héritage du point de vue de la responsabilité financière s'est révélé lamentable. Si vous le permettez, je dirais que votre gouvernement s'est entiché d'une administration Bush qui est reconnue pour de nombreuses choses, mais certainement pour son imprudence financière. Je crois qu'il est absolument et fondamentalement mal placé de rejeter cela du revers de la main.

Je crois que c'est Churchill qui a dit que si vous parvenez à convaincre le public que vous vous levez tôt, vous pourrez dormir jusqu'à midi tous les jours. J'ai l'impression que vous essayez de convaincre le public que vous vous êtes levé aux aurores pour réfléchir à la prudence financière, mais mon souci à moi — je suis originaire de l'Alberta, dont le bilan est très bon pour ce qui est de la prudence financière —, c'est que vous restez peut-être au lit tous les jours jusqu'à midi; et j'aimerais qu'on me persuade du fait que ce n'est pas le cas.

Il est intéressant de savoir que vous tenez pour une vertu le fait de ne pas surestimer les excédents, alors que l'Alberta en a fait une vertu absolue et s'est servi des sommes d'argent excédentaires pour éliminer la dette. Elle a éliminé sa dette en dix ans. À raison de trois milliards de dollars par année, vous allez éliminer la dette — ce n'est pas dire pour autant que votre gouvernement restera là assez longtemps, selon moi — en 160 ans. Pourriez-vous me donner une idée de la façon dont vous vous y êtes pris pour en arriver à trois milliards de dollars, quels sont les principes auxquels vous adhérez en ce qui touche l'élimination de la dette, l'importance que prend selon vous l'élimination de la dette par rapport à la force financière et économique du pays et la raison pour laquelle vous êtes prêt à mettre 160 ans pour l'éliminer?

M. Flaherty : Sénateur, je n'ai pas à utiliser des mots. Les actes que j'ai posés au cours de ma vie parlent d'eux- mêmes. À l'époque où j'étais ministre des Finances en Ontario, nous avons fait, en rapport avec la dette publique, le plus gros versement de l'histoire de la province de l'Ontario depuis la Confédération, soit 3,1 milliards de dollars durant une année où le taux de croissance économique s'élevait à 1,5 p. 100. Je peux invoquer les antécédents de paiement de la dette publique dans de grandes administrations au Canada, le deuxième gouvernement au Canada du point de vue de la taille, celui de l'Ontario.

Qu'est-ce qu'un budget équilibré? A-t-on affaire à un budget équilibré quand le gouvernement cache des excédents, quand le gouvernement cache sous la couette des milliards et des milliards de dollars en sachant qu'ils se retrouveront vraisemblablement en excédents à la fin de l'année? Est-ce de la prudence? Je crois que c'est quelque chose d'inférieur à la prudence. De fait, je crois que ce n'est pas du tout souhaitable dans une démocratie que des élus, à la tête du gouvernement du Canada, budgétisent en sachant ou en devant savoir qu'ils vont se retrouver avec des excédents secrets de très grandes tailles.

À mes yeux à moi, la prudence, c'est prévoir un excellent budget, comme nous l'avons fait cette année, en chiffrant cela à trois milliards de dollars et en le disant clairement aux Canadiens. Vous remarquerez que nous n'avons pas inscrit des zéros à la fin de chaque colonne. Nous inscrivons les nombres qui, à notre avis, seront vraiment là, au bout du compte, à partir des hypothèses que nous formulons, l'excédent qui existera. Est-il plus risqué d'agir ainsi que de cacher l'excédent? Bien entendu. C'est ouvert, c'est transparent, les Canadiens peuvent le voir. C'est fondé sur les hypothèses que nous formulons, et nous croyons que ce sont des hypothèses prudentes. Nous les échafaudons à partir des conseils que nous recevons et de l'analyse du ministère et ainsi de suite.

Je crois en un budget équilibré. Je ne crois pas aux excédents secrets qui se justifieraient pas une quelconque prudence.

Le sénateur Mitchell : Vous avez peut-être raison au sujet du budget équilibré, mais vous avez peut-être tort sous deux aspects. Vous pouvez certes surestimer l'excédent, ce que vous faites peut-être en ce moment, ou vous pouvez le sous-estimer. J'aimerais souligner que les libéraux avaient un plan très clair qui énonçait ce qu'ils allaient faire en cas d'excédents. C'était un tiers, un tiers, un tiers — et une bonne part de l'argent en question a servi à réduire la dette. C'est la partie de ma question à laquelle vous n'avez pas répondu. Comment en êtes-vous arrivé au nombre de trois milliards, pourquoi pas plus, et pendant combien de temps serait-il acceptable de supporter cette dette?

Si vous voulez parler du versement de 3,1 milliards de dollars de l'Ontario, je dois dire que vous faisiez partie d'une administration qui aurait eu à rembourser la dette un jour, car, certes, vous avez laissé s'accumuler une dette énorme en affichant des déficits sans précédent.

M. Flaherty : Je ne sais pas de quel budget vous parlez. Je peux vous l'assurer, sénateur, je n'ai jamais entendu quiconque contester le fait que mon budget en Ontario était équilibré.

Le sénateur Mitchell : Je ne vous montre pas du doigt, mais vous faisiez partie du gouvernement en question.

Dites-moi pourquoi c'est trois milliards de dollars? Comment en êtes-vous arrivé à ce nombre? Si les taux d'intérêt augmentent d'un demi-point, vos trois milliards de dollars s'envolent en fumée. Les taux d'intérêt ont pris cette trajectoire.

M. Flaherty : Nous avons au Canada une dette publique d'environ 499 milliards de dollars.

Le sénateur Mitchell : Dans vos registres, la dette est établie à 488 milliards de dollars, je crois.

M. Flaherty : L'accumulation concerne surtout les dernières années, depuis les années 70, et cela c'est fait, malheureusement, sous les administrations de toutes allégeances politiques.

Le sénateur Mitchell : La majeure partie est attribuable à l'administration Mulroney.

M. Flaherty : Nous n'allons pas chercher à savoir qui a déclenché tout cela, même si j'aimerais le faire.

Le sénateur Mitchell : Moi aussi.

M. Flaherty : Le versement prévu au chapitre du remboursement de la dette se situe à au moins trois milliards de dollars par année. Évidemment, si nous pouvions faire un plus gros versement, nous le ferions. Nous ferons un paiement accru si jamais nous pouvons profiter d'un taux de croissance économique qui nous surprend.

Le sénateur Mitchell : Si vous sous-estimez l'excédent, vous allez pouvoir faire un paiement accru?

M. Flaherty : Certainement. Quand vous avez affaire à un budget de la taille de celui du gouvernement du Canada, vous avez ce genre de marge devant vous. Il est à espérer que la marge sera positive, mais je veux m'éloigner de l'idée de l'excédent surprise.

Le sénateur Mitchell : Vous avez utilisé le terme positif « équilibre fiscal ». Votre premier ministre continue de parler de « déséquilibre fiscal ». Votre secrétaire parlementaire, Diane Ablonczy, et moi-même sommes tous les deux originaires de l'Alberta et serions probablement d'accord pour dire qu'un tel déséquilibre n'existe pas. On peut faire valoir de solides arguments pour avancer qu'il n'existe pas. D'abord, pourriez-vous me dire quel modèle de déséquilibre fiscal vous employez pour conclure qu'il existe? Ensuite, envisagez-vous d'inclure 50 ou 100 p. 100 des recettes du secteur énergétique et/ou allez-vous passer du critère des cinq provinces à celui des dix provinces? Enfin, si vous finissez par conclure qu'il existe bel et bien un déséquilibre fiscal, vous allez devoir débourser pour le redresser. Où allez-vous chercher l'argent? Allez-vous réduire les programmes ou accroître les taxes et impôts? Si vous dites que vous allez vous retirer des secteurs de dépenses provinciaux et donner aux provinces la latitude fiscale voulue, vous allez devoir réduire des programmes ici, je présumerais. Quelle est la direction que vous entendez prendre à cet égard?

M. Flaherty : Il y a beaucoup d'éléments. J'essaierai d'être aussi bref que possible.

Premièrement, nous reconnaissons le fait qu'il y a un déséquilibre fiscal. Nous croyons qu'il faut passer à l'équilibre fiscal. Nous espérons adopter une mesure importante à cet égard mardi prochain, au moment où les ministres des Finances de tout le Canada vont se rencontrer. Nous allons publier avec le budget le document sur le déséquilibre fiscal, qui, à mon avis, retrace assez bien l'historique de la question et les points qu'il faut régler pour en arriver à l'équilibre fiscal au Canada. Ce sont les responsabilités fondamentales des instances en ce qui concerne ces responsabilités fondamentales.

Deuxièmement, il y a la question de la santé, que le gouvernement précédent a réglée en bonne partie en concluant une entente relative aux soins s'échelonnant sur plus de dix ans. Je le reconnais. Je suis sûr que les sénateurs l'ont remarqué : nous n'entendons pas beaucoup parler de dépenses en santé par les temps qui courent au Canada, car il y a ce facteur de progression, qui s'élève à 6 p. 100 par année, qui est prévu dans l'entente décennale relative aux soins de santé.

L'autre aspect qui importe est celui de l'infrastructure. Nous avons déjà prévu au budget plus de 16 milliards de dollars à investir dans l'infrastructure au cours des quatre prochaines années. Nous devons en parler à nos partenaires, il faut savoir à qui et à quoi servira l'argent.

L'autre aspect, qui est plus difficile, c'est les études postsecondaires; le rôle que joue le gouvernement fédéral en recherche et le rôle des provinces en enseignement postsecondaire. Quelle devrait être la formule de financement? Je m'attends à ce que cette question fasse l'objet de discussions intenses au cours de la semaine prochaine comme par la suite : ce sont des questions relatives au transfert.

L'autre question, vous l'avez remarqué, est celle de la péréquation. Malgré ce qu'ont pu dire certains titulaires de charge publique au Canada, la péréquation est un programme fédéral. C'est un programme constitutionnel, comme le sénateur le sait. Aucune province n'adresse de chèques à une autre province pour qu'il y ait péréquation. Le gouvernement du Canada tire des recettes des sommes d'argent versées par les contribuables et est contraint, par la Constitution, à s'occuper de péréquation, pour s'assurer qu'il existe des services sociaux plus ou moins comparables dans toutes les régions du pays. En dernière analyse, c'est une décision qui relève du gouvernement du Canada et qui trouvera son expression dans le budget de 2007.

Nous espérons qu'il y aura consensus sur la question de la péréquation, mais il faudra attendre et voir ce qui se dessine. Nous avons en main le rapport du groupe de M. O'Brien et aussi l'avis des maires des grandes villes. Nous allons également recevoir un rapport de la Fédération canadienne des municipalités. Nous aurons de nombreux rapports à lire et de nombreuses recommandations à envisager en ce qui concerne la question de la péréquation.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Je suis une de celles qui croient qu'un budget est beaucoup plus qu'une plate-forme électorale. Lorsqu'on devient responsable d'un gouvernement, on doit s'assurer d'avoir des propositions équitables pour les communautés urbaines et rurales. Est-ce que vous faites des études d'impact économique sur les régions avant d'aller de l'avant avec un budget? Et sinon, pourquoi pas?

[Traduction]

M. Flaherty : Le ministère des Finances dispose-t-il d'études sur les retombées économiques?

Paul-Henri Lapointe, sous-ministre adjoint, Direction des politiques économique et fiscale, ministère des Finances Canada : Nous procédons à de nombreuses études sur les retombées économiques.

[Français]

Généralement, on regarde l'impact de l'ensemble du budget sur les régions. Il y a des mesures qui sont parfois spécifiques, mais il y en a d'autres qui sont très générales et qui ont des impacts sur toutes les régions. Il n'y a pas de régions ciblées. Oui, on regarde cela lorsqu'on prépare un budget. On n'a pas d'études sur l'impact régional d'une mesure spécifique. On regarde l'ensemble.

Le sénateur Ringuette : C'est ce que je croyais. Je ne pouvais pas m'imaginer que notre haute bureaucratie, avec la qualité de son personnel, ne puisse pas fournir de telles études. Étant donné que nous avons une responsabilité régionale, vous serait-il possible de déposer les études d'impact économique qui accompagnent le budget pour qu'au Sénat, on puisse faire une analyse beaucoup plus complète afin de vous fournir des commentaires en conséquence?

M. Lapointe : Je vais clarifier ce que j'entends par l'impact régional des mesures. On regarde l'ensemble des mesures budgétaires. On ne fait pas une analyse poussée, par exemple, sur l'impact des dépenses en infrastructures sur la croissance économique d'une région. On regarde l'ensemble des mesures et leur impact sur les différentes régions.

Le sénateur Ringuette : En tant que sénateur du Nouveau-Brunswick, j'apprécierais beaucoup obtenir de telles études afin de faire une analyse pour voir comment cela va se traduire chez nous et dans les Maritimes. Je vous remercie beaucoup de ces commentaires.

Ma prochaine question porte sur la responsabilité d'un gouvernement d'apporter des mesures équitables pour l'ensemble des Canadiens. Je remarque, monsieur le ministre, que dans votre budget, il y a des inconsistances dans plusieurs domaines. Ce soir, je vais prendre comme exemple le dossier du transport. Quelque 900 millions de dollars sont alloués pour aider l'infrastructure dans les transports publics pour les communautés urbaines. Il y a aussi deux milliards de dollars en crédits d'impôt pour les utilisateurs de transport en commun dans les communautés urbaines. Par contre, pour les Canadiens qui vivent dans les communautés rurales et les petites villes qui n'ont pas accès à du transport en commun, il n'y a absolument rien. Il n'y a rien pour assurer une certaine équité.

On a déjà une situation où nos jeunes partent des communautés rurales pour s'en aller dans les communautés urbaines. Ce que je vois, dans votre budget, c'est un incitatif pour augmenter cette migration vers les communautés urbaines. C'est une iniquité en ce qui a trait au transport. Il n'y a pas de fonds pour nos aéroports régionaux. Il n'y a pas de fonds additionnels pour VIA Rail. Il s'agit certainement de deux moyens de transport en commun qui pourraient aider nos communautés rurales, mais il n'y a pas de fonds dans votre budget. Tant sur le plan de l'infrastructure que des crédits d'impôt, vous faites une différence marquée entre les citoyens canadiens qui vivent dans les régions urbaines et ceux qui vivent dans les régions rurales. Comment pouvez-vous redresser cette iniquité?

[Traduction]

M. Flaherty : Je répondrai à votre question directement : grâce aux 16 milliards de dollars et plus devant être investis dans l'infrastructure au Canada durant les quatre prochaines années. Les mesures particulières auxquelles vous avez fait allusion se rapportent aux centres urbains du Canada, qui présentent des besoins uniques, notamment en rapport avec les grands réseaux de transport en commun et le matériel roulant qu'il faut acheter; d'où la subvention de 900 millions de dollars. De même, nous souhaitons encourager les gens à abandonner l'automobile au profit du transport en commun, ce qui est à l'origine du crédit d'impôt assez important, dont le coût s'élève à deux milliards de dollars. Ce sont des besoins qui touchent les zones urbaines et les banlieues du Canada, et non pas les régions rurales, mais les régions rurales ont de grands besoins en ce qui concerne les routes et les ponts. Le ministre responsable des transports et de l'infrastructure, Lawrence Cannon, a déjà commencé à consulter les représentants provinciaux à propos de leurs besoins et de leurs problèmes — et pas seulement en rapport avec les centres urbains; en rapport avec toutes les régions du pays.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Je comprends que vous voulez faire des consultations. Je ne suis pas en train de vous dire que je suis contre, je vous dis qu'il y a une iniquité dans votre budget en ce qui a trait au transport en commun. Il n'y a pas de fonds pour les aéroports régionaux, ni pour VIA Rail, afin d'augmenter les services qu'ils pourraient offrir à nos communautés rurales. Si vous prenez l'excuse qu'il faut réduire les gaz à effet de serre, je suis d'accord, mais qu'est-ce que vous faites pour les régions rurales? Vous avez deux domaines, les aéroports régionaux et VIA Rail, deux outils qui sont à votre disposition pour aider les communautés rurales. Ni l'un ni l'autre n'ont retenu votre attention.

Je peux vous parler particulièrement du Nouveau-Brunswick. Pour aller au travail, des gens doivent faire l'achat d'une voiture, payer l'essence, l'entretien et surtout, les coûts effarants d'assurance-automobile, ce qui n'est pas le cas pour les utilisateurs du transport en commun dans les régions urbaines. Les gens des régions rurales doivent aussi se rendre au travail, mais ils n'ont pas de crédits d'impôt dans votre budget.

[Traduction]

M. Flaherty : Comme vous le savez, la TPS s'applique à tout le reste, et notamment à l'achat d'essence, et il y aura une réduction de 1 p. 100.

Le sénateur Ringuette : Il y aura un crédit d'impôt relatif à la TPS sur les tickets de transport en commun aussi. C'est là que je veux en venir. Il faut un équilibre, car les travailleurs urbains ont aussi des besoins. Je veux que vous en teniez compte.

M. Flaherty : Je vais relayer le message à mon collègue, le ministre responsable, car il dispose de très importantes ressources à répartir au cours des quatre prochaines années.

Le sénateur Ringuette : Eh bien, j'espère qu'il en répartira beaucoup dans les régions rurales du Canada et au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Stratton : Pour revenir à la TPS pour un instant, j'aimerais savoir qu'il existe une bonne raison pour la faire passer de 7 p. 100 à 6 p. 100, puis à 5 p. 100. Après l'avoir réduite, il faudra qu'un gouvernement ait beaucoup de cran pour l'augmenter de nouveau, alors qu'il est particulièrement facile d'augmenter l'impôt sur le revenu des particuliers un petit peu à la fois. Je suis sûr que vous subiriez les foudres des Canadiens si vous étiez assez téméraires pour majorer la TPS après l'avoir réduite. De toute manière, c'est une raison qui me suffit à moi.

Monsieur le ministre, si vous le permettez, je poserais une question qui tient au fait que la TPS a été présentée de toutes sortes de façon. En quoi aide-t-elle les pauvres? Nous avons parlé de la personne qui s'offre une Mercedes et de celle qui achète une maison. En quoi aiderait-elle les moins nantis?

M. Flaherty : Il arrive bel et bien que les gens à faible revenu fassent des achats. De fait, si on tient compte du pourcentage, ils utilisent une plus grande part de leur revenu pour acheter des choses. Comme je l'ai dit plus tôt, le tiers environ des Canadiens ne paient pas d'impôt sur le revenu. La réduction de l'impôt sur le revenu, mesure que nous appliquerons dans notre budget, ne les touche donc en rien. La réduction de l'impôt sur le revenu des sociétés ne leur fait probablement rien non plus, mais la réduction de la TPS aura un effet, à compter du 1er juillet et chaque jour, par la suite. Je suis d'accord avec l'astucieux commentaire politique du sénateur Stratton : il serait difficile pour un gouvernement de majorer une taxe à la consommation, car cela ne se cache pas.

Le sénateur Stratton : Le sénateur Ringuette parlait de l'aide destinée au Canada rural, et j'aimerais moi-même discuter de la prestation pour enfant de 100 $ par mois. Les centres urbains comptent des garderies, mais, en région rurale, les cultivateurs n'y ont pas accès. À mes yeux, cette prestation de 100 $ par mois aide les familles des petites régions rurales. Je crois que c'est excellent. Êtes-vous d'accord avec cela?

M. Flaherty : Je suis tout à fait d'accord. J'irais même un peu plus loin en tenant compte des grandes régions métropolitaines comme la circonscription que je représente, Whitby—Oshawa, où les deux grands employeurs sont Ontario Hydro, avec ses deux centrales nucléaires, et la General Motors du Canada Limitée, où il y a différents quarts de travail. Il est maintenant courant que les deux conjoints travaillent à l'extérieur, il est très courant dans les localités que je représente qu'ils travaillent différents quarts, une personne étant à la maison pendant que l'autre travaille.

Ces gens seraient heureux de pouvoir choisir la formule de garde, plutôt que de disposer de garderies régimentées avec un horaire décrété par l'État, de 8 h 30 à 16 30, et des frais pour les heures supplémentaires. Cela ne leur convient pas du tout. Ils ont besoin d'avoir un choix.

Le sénateur Ringuette : Vous avez comme exemple la ville que vous habitez vous-même et vous êtes responsable d'une mesure d'incitation commerciale visant à créer des places en garderie. Pour ce qui est des entreprises auxquelles vous avez fait allusion, combien de places en garderie ont-elles créées?

M. Flaherty : Voilà une bonne question. Je ne saurais vous donner une réponse précise. Je sais toutefois qu'elles ont fait des efforts à cet égard, ce qui est bien. Nous appliquons un crédit d'impôt pour encourager cela.

Le sénateur Ringuette : En Ontario, vous avez déjà eu un incitatif fiscal similaire, et effectivement, il n'a pas fonctionné. Je suis désolée.

M. Flaherty : Mon épouse et moi avons trois garçons de 15 ans. Mon épouse touche un salaire — Dieu merci — depuis de nombreuses années. Nous avons été confrontés aux défis liés aux services de garde et à la garde d'enfants quand nos garçons étaient tout petits, d'autant plus qu'il y en avait trois en même temps.

C'est difficile pour les parents. Une formule ne peut satisfaire aux besoins de tout le monde. On veut que des places en garderie soient disponibles le jour, mais on a également besoin de solutions de rechange pour les parents. L'un des moyens d'y parvenir consiste à verser aux parents une allocation leur permettant de choisir d'eux-mêmes, et c'est ce que nous faisons. Il n'y a pas de solutions universelles à ce problème.

Le sénateur Ringuette : Je ne crois pas du tout que votre solution soit la bonne.

M. Flaherty : Je crois qu'il est fantastique de laisser le choix aux parents. C'est une divergence d'opinions politiques. Certaines personnes croient vraiment que c'est au gouvernement de faire cela, que le gouvernement est meilleur juge que les parents, qu'il devrait établir une sorte de système régimenté, et que les parents n'ont qu'à s'adapter à ce système. Eh bien, c'est une philosophie que ni les collègues de mon parti politique ni moi-même n'appuyons. Nous croyons, en fait, que les parents sont bien placés pour savoir comment élever leurs enfants et que, si on leur en donne l'occasion, ils feront les bons choix pour leurs enfants.

Le sénateur Ringuette : Je crois qu'il y a des différences majeures entre les services de garde, la garde d'enfants et les allocations familiales.

Le sénateur Cools : Monsieur le ministre, mes questions sont un peu moins difficiles que les précédentes. Cependant, je tiens tout d'abord à vous mettre en garde contre des formulations que je qualifierais de bâclées, imprécises. On en voit beaucoup de nos jours. Les projets de loi comme celui-ci passent par la Chambre des communes comme une lettre à la poste et nous sont soumis par la suite, et nous n'avons pas suffisamment de temps pour les examiner. Je tiens à ce que vous sachiez que la plupart des sénateurs aimeraient avoir davantage de temps pour se pencher sur ces questions et projets de loi d'envergure.

Essentiellement, monsieur le ministre, je vous demande instamment de prêter une attention plus marquée à la façon dont ces projets de loi sont rédigés. J'ai devant moi deux pages, et je peux repérer cinq ou six choses qui clochent. Si vous avez besoin d'un exemple, mon regard tombe, par exemple, sur l'article 181, « Entrée en vigueur » :

La présente partie, à l'exception des articles 173 à 179, entre en vigueur ou est réputée être entrée en vigueur le 1er juillet 2006.

Nous devrions parler du passage où l'on dit « est réputée être entrée en vigueur », mais ce sera pour un autre jour, car j'ai des questions de fond à vous poser. Néanmoins, monsieur le ministre, je tiens à mettre en relief le fait que plusieurs ministères ne prêtent pas une attention suffisante à la formulation des lois. Il arrive parfois qu'un projet de loi soit trop large et englobe trop de choses.

Par exemple, monsieur le ministre, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui aurait dû prendre la forme de plusieurs projets de loi. Je remarque, par exemple, que la partie 6 édicte la Loi sur la prestation universelle pour la garde d'enfants, et que la partie 12 deviendra également une loi. Je suis de ces parlementaires qui estiment qu'un ministre devrait soumettre plusieurs projets de loi au lieu de les réunir dans un énorme projet de loi. Je n'aime pas cette façon de procéder, et je tenais à ce que cette opinion figure au compte rendu. Quand je regarde les dispositions prévoyant l'établissement d'une Loi sur la prestation universelle pour la garde d'enfants, je m'interroge sur le bien- fondé de la création d'une loi distincte. Vous pourriez peut-être répondre à cette question.

J'ai consacré la majeure partie de ma vie à soutenir les familles. J'appuie et je salue tout effort visant à aider les familles. Au Canada, les mères et les pères ayant des enfants constituent probablement le groupe qui reçoit le moins de soutien, et c'est une question qui me tient à cœur.

Même si je suis bien disposée à l'égard de ce que le gouvernement tente de faire avec la prestation universelle pour la garde d'enfants, j'ai quelques questions à vous poser. Pourriez-vous décrire pour les membres du comité le cadre conceptuel, si vous permettez l'expression, qui explique pourquoi vous avez choisi cette voie? Je crois comprendre les buts que vous tentez d'atteindre. Quand les allocations familiales ont été créées, il y a de cela plusieurs générations, elles ont fait l'objet de nombreuses railleries, mais ont connu un franc succès auprès d'un grand nombre de personnes. À l'époque, le cadre conceptuel et intellectuel sur lequel se fondait le gouvernement a été présenté à l'ensemble des députés, jusqu'à la décision de considérer les mères comme bénéficiaires. Apparemment, on avait déterminé, à la lumière de nombreuses études, que les mères étaient plus susceptibles de dépenser cet argent supplémentaire sur les enfants — une fête d'anniversaire, des vêtements, des chaussures, etc. — alors que les pères avaient davantage tendance à affecter l'argent au loyer ou à une hypothèque. Pourriez-vous expliquer aux membres du comité comment le gouvernement en est arrivé à fixer le versement mensuel à 100 $? Pourquoi pas 200 $ ou 300 $? Pourriez-vous nous dire pourquoi il s'agit d'un paiement en argent? Pourquoi n'avez-vous pas décidé d'offrir la prestation par l'entremise du régime fiscal? Pourriez-vous dire aux membres du comité comment on a déterminé qui sera le bénéficiaire de la prestation?

J'appuie la démarche visant à soutenir les familles, mais j'aimerais en savoir davantage. Le régime d'allocations familiales avait eu l'effet d'une traînée de poudre, mais de nombreuses personnes ont oublié cela, si on en croit les propos malveillants qu'on tient à l'égard du régime aujourd'hui. C'est probablement l'un des programmes les plus fructueux de l'histoire du gouvernement, mais nous devrons parler de cela un autre jour.

M. Flaherty : Ma mère de 90 ans est d'accord avec vous. Elle a eu huit enfants, et quand je lui ai décrit le programme, elle m'a dit : « Tu parles des allocations familiales. » Je puis vous assurer que, dans mon quartier, l'argent n'était pas utilisé pour acheter de la bière et du popcorn : il était utilisé pour le bien des enfants. L'argent allait aux familles, qui étaient souvent plus nombreuses à cette époque, alors les montants étaient plus importants.

Le montant de 100 $ tient à des motifs d'abordabilité et de budgétisation. C'est l'engagement que nous avions pris. De toute évidence, on ne cherche pas à couvrir les frais de garderie, car la somme serait insuffisante, mais c'est tout de même un début, pour ce qui est d'aider les parents à jouir d'une marge de manœuvre à l'égard de leurs jeunes enfants. C'est tout. Je suis un partisan du pragmatisme, et, lorsqu'on gouverne, les idées sont inutiles si on n'y donne pas suite. Cette démarche part du principe selon lequel les parents sont le mieux placés pour faire des choix à l'égard de leurs enfants, à la lumière de leur situation familiale — parent seul, deux parents, parents qui travaillent par quarts, qui vivent en milieu rural ou urbain au Canada ou qui ont accès à un service de garde en milieu de travail. Les parents sont bien mieux placés pour gérer les nombreuses variables liées à leurs enfants, à la maison et au sein de la collectivité, qu'un gouvernement à Ottawa. Le gouvernement peut fournir chaque mois une aide fiable. Je n'ai aucun doute quant au fait que les parents utiliseront l'argent dans l'intérêt de leurs enfants.

Le sénateur Cools : Je n'ai aucun doute là-dessus. Vous avez mentionné la bière et le popcorn — c'est une expression déplaisante qu'il vaudrait mieux reléguer aux oubliettes.

M. Flaherty : Nous nous entendons sur ce point.

Le sénateur Cools : Pourriez-vous nous dire pourquoi la prestation est imposable?

M. Flaherty : Comme vous le savez, sénateur, elle est assujettie à l'impôt sur le revenu le plus bas, dans un ménage comptant plus d'un revenu. Elle n'est soumise à aucune disposition de récupération, ce qui est important, et nous croyons à l'imposition du revenu familial.

Le sénateur Cools : Pourquoi le gouvernement a-t-il besoin d'un projet de loi distinct pour faire cela? Il aurait tout aussi bien pu le faire au moyen de l'amendement.

M. Flaherty : J'ai consulté les représentants, et je crois comprendre qu'il est courant, en matière budgétaire, de regrouper sous un seul projet de loi le plus grand nombre possible de dispositions budgétaires. Il y aura un autre projet de loi à l'automne.

Le sénateur Cools : Il est courant pour nombre d'entre nous de contester ces regroupements de projets de loi.

M. Flaherty : Je prends bonne note de vos préoccupations, sénateur.

Le sénateur Cools : Je tiens à ce que vous sachiez, monsieur le ministre, que de nombreuses personnes ne sont pas d'accord avec l'idée de regrouper des projets de loi et de les soumettre à titre de projet de loi unique à la recommandation royale.

Je crois sincèrement que, lorsque vient le temps d'aider les familles, il vaut mieux, pour la famille et les enfants, leur verser l'argent directement.

Nous pourrions peut-être approfondir la discussion en privé. Les témoins que nous accueillerons demain nous en diront davantage au sujet des inconvénients de ce que l'on convient d'appeler les régimes nationaux relatifs à la garde d'enfants. Je prends bonne note de vos arguments, et je vous remercie de vos efforts, mais je vous invite à prêter attention à la rédaction des projets de loi.

Le sénateur Nancy Ruth : Monsieur le ministre, je vais me contenter de vous servir un bouquet de « parce que » et de « peut-être que » et de couronner le tout avec une question sur la pauvreté, et je vais ensuite vous inviter à commenter.

En ma qualité de philanthrope torontoise de petite envergure, je me réjouis de l'élimination de l'impôt sur les gains en capital, même si je n'ai rien contre le fait de payer des impôts. J'ai des sentiments partagés à cet égard, car c'est un peu une façon pour les riches de bénéficier d'un quelconque avantage, mais je réagis de la même façon lorsque certains lobbyistes font des démarches auprès du gouvernement afin que cette exemption s'étende aux fondations privées.

J'ai un intérêt personnel dans cette question, alors il est difficile pour moi d'aborder la question. Toutefois, je suis vraiment préoccupée par la façon dont cela stimule les riches à orienter les dons successoraux, sous quelque forme que ce soit. Selon les statistiques compilées par la Fondation des femmes canadiennes, moins de 10 p. 100 des dons caritatifs de sociétés ou de fondations au Canada sont destinés aux femmes et aux filles. Je suppose qu'il y aura beaucoup d'argent pour les institutions culturelles, les hôpitaux et les universités, lesquels sont susceptibles, dans certains cas, d'offrir, dans le cadre de ce volet, des programmes de bourses et d'aider des gens moins fortunés qui ont du potentiel. Nous serions tous en faveur de cela, car cela accroît la productivité, stimule l'entrepreneuriat, etc. Cependant, il y a un grand nombre de Canadiens, principalement les femmes et les enfants, qui ne pourront pas tirer avantage de ce genre de dons caritatifs, car on n'a pas tendance à les offrir à des ONG, qu'elles soient d'envergure internationale ou nationale.

Je suis consciente du fait qu'il n'appartient pas au gouvernement d'inciter, ne serait-ce que par des voies officielles, ces donateurs à s'intéresser davantage à des aspects plus spécifiques de la pauvreté. Je conviens également que le Canada ne s'adonne pas à une budgétisation soucieuse de l'égalité des sexes. Puisque les hôpitaux toucheront davantage d'argent d'autres sources pour financer leurs divers secteurs d'activités, je me demande si on ne pourrait pas utiliser les deniers publics qui seront peut-être ainsi libérés pour aider les pauvres d'une façon plus spécifique.

À vrai dire, je ne sais pas vraiment quelle est ma question. Je ne vous demande pas de nous dire : « Voici ce que nous allons faire avec la réduction de la taxe de vente ou la prestation de 100 $ par famille ». Mon propos ne concerne pas les gens de la classe moyenne; je parle des autres Canadiens, de ceux qui sont toujours laissés pour compte. Les gouvernements ont toujours eu un rôle à jouer pour ce qui est de répondre aux besoins de ces personnes. Il y a des gens qui veulent savoir où vous en êtes à l'égard de ces enjeux.

M. Flaherty : Vous avez parlé de budgétisation soucieuse de l'égalité des sexes. Nous évaluons effectivement tout projet budgétaire ou tout programme en fonction de l'incidence sur les hommes et les femmes au Canada. Cela figure dans toutes les notes d'information qu'on me présente. J'ignore si cela correspond à une budgétisation soucieuse de l'égalité des sexes. C'est néanmoins un pas dans cette direction, de déterminer s'il y a des répercussions.

Nous avons appliqué cette méthode, par exemple, à la subvention aux apprentis prévue dans le budget. Il s'agit d'une subvention visant à fournir de l'aide aux apprentis à l'égard des outils et de la formation, et à aider ceux qui les emploient. C'est le début de la réponse que je vous offre.

Comment nous attaquons-nous à la pauvreté? C'est une grande question. Je ne prétends pas avoir toutes les réponses, mais nous savons, par contre, qu'une personne ayant accès à de meilleurs débouchés professionnels se tire mieux d'affaire. L'acquisition des compétences et l'apprentissage sont très importants dans ce domaine, et il importe tout autant de renforcer nos collèges communautaires et nos universités.

Je reviens à ce que j'ai dit plus tôt au sujet de l'éducation postsecondaire, qui constitue un défi énorme pour tous les ordres de gouvernement au Canada. Nous voulons veiller à ce qu'un accès adéquat soit offert au chapitre de l'acquisition de compétences, en particulier dans les collèges communautaires et les programmes d'apprentissage, par l'entremise des syndicats, et nous voulons garantir un accès adéquat aux universités canadiennes.

L'éducation est pour moi un sujet de prédilection, parce qu'elle peut transformer la vie d'une personne. On peut constater cela lorsqu'une personne a l'occasion de parfaire son éducation.

Le sénateur Ruth : De nombreux Canadiens pauvres ne peuvent jouir de cet avantage. Je me dis que, de façon générale, s'il était possible pour un gouvernement d'éliminer la pauvreté au pays, on l'aurait déjà fait. C'est un enjeu énormément complexe, et je ne connais pas les solutions.

Si on a un enfant handicapé et que la situation devient intolérable, cela peut mener à l'effondrement d'un mariage, et on se retrouve mère monoparentale d'un enfant ayant une déficience mentale ou physique. Dans un tel contexte, la question de l'accès aux programmes de formation n'a aucun sens. J'ai longtemps peiné sur cette question, et je n'ai pas de solutions non plus. C'est un problème.

Le sénateur Eggleton : J'ai une question au sujet de la garde d'enfants. Monsieur le ministre, vous avez déclaré à maintes reprises, ce soir, que les parents sont les mieux placés pour prendre ces décisions. Or, je n'arrive pas à mettre en corrélation le montant consenti, soit un versement mensuel imposable de 100 $, et les coûts qu'absorbent les parents. Par exemple, en ce qui concerne les enfants âgés de moins de six ans, c'est-à-dire la seule tranche d'âge visée par cette prestation, ces coûts, en Ontario, s'élèvent à plus de 500 $. Dans la plupart des provinces, ils sont bien supérieurs à 400 $ ou 500 $. C'est à Terre-Neuve qu'ils sont le plus bas, à 360 $. Cela correspond à davantage que les seuls frais de garderie. Nous parlons d'éducation de la petite enfance, pourtant il n'y a aucun lien entre la somme allouée dans le cadre de ce programme d'allocations familiales remaniées et les coûts réels assumés par les parents. Dans la plupart des cas, au pays, les deux parents travaillent et se démènent pour joindre les deux bouts. Ce projet budgétaire ne prévoit pas une aide suffisante.

Vous dites que c'est un pas dans la bonne direction, mais le gouvernement précédent avait conclu une entente avec tous les gouvernements provinciaux, quelles que soient leurs allégeances politiques. Je crois que c'est vraiment dommage qu'on renonce à l'occasion de créer un programme national pour l'enfance et la petite enfance, un programme qui ne se limite pas aux services de garde.

Vous allez certainement rétorquer que votre collègue, la ministre Finley, a annoncé l'affectation de 250 millions de dollars à la création de 25 000 places en garderie. J'ai l'impression qu'une part importante de cela va passer par le secteur privé. Le Globe and Mail fait état d'un sondage selon lequel 75 p. 100 des entreprises ne se disent pas intéressées à prendre part à un programme comparable à celui qu'on a mis à l'essai en Ontario.

Vous avez également déclaré, plus tôt, que vous étiez préoccupé par les excédents budgétaires. Une partie de l'excédent budgétaire avait été utilisée par le gouvernement précédent pour s'ingérer dans des domaines de compétence provinciaux. Or, dans le cas qui nous occupe, même la ministre Finley a déclaré assez clairement que la garde d'enfants relève de la compétence provinciale. Alors, pourquoi ne pas remettre les 250 millions de dollars par année aux provinces et leur laisser assumer la responsabilité dans ce domaine?

M. Flaherty : Nous n'avons pas beaucoup de places en garderie au pays, et nous avons eu un gouvernement libéral à Ottawa pendant 13 ans. En toute franchise, les résultats n'ont rien d'impressionnant, et les réalisations sont tout aussi minces dans la plupart des provinces, à part au Québec. Et même au Québec, seulement 30 p. 100 des participants admissibles ont accès au régime, généralement subventionné et très coûteux. Selon les dernières statistiques que j'ai vues, 70 p. 100 des participants admissibles sont exclus. Ce n'est pas ce que je qualifierais de réussite nationale.

Le sénateur Eggleton : On a mené une étude et conclu une entente.

M. Flaherty : Certes, nous avons de nombreux beaux documents, mais, après 13 ans, au bout du compte, les parents ne sont pas beaucoup plus avancés. Maintenant, ils recevront un chèque — du moins, je l'espère. En juillet, ils recevront un chèque de 100 $, et ils toucheront au total 1 200 $ au cours de l'année. Je rencontre des parents qui ont de jeunes enfants, et ils sont très reconnaissants au gouvernement de les laisser récupérer ne serait-ce qu'une partie de l'impôt qu'ils versent, car cela les aide à élever leurs enfants.

Vous avez raison, cela ne suffit pas à couvrir les frais liés aux services de garde réglementés dans la plupart des régions canadiennes, mais cela donne un coup de pouce aux parents. Je crois que c'est un coup de pouce que les parents apprécient.

Le sénateur Mitchell : Quand la vérificatrice générale Sheila Fraser est venue témoigner avec son équipe, ils ont déclaré que le coût annuel de fonctionnement du registre des armes à feu, une fois les frais ponctuels réglés, est de 15 millions de dollars par année. Cela comprend l'enregistrement d'armes automatiques et d'armes de poing et d'épaule. Quelles économies comptez-vous réaliser en éliminant le registre des armes d'épaule? Ce sera considérablement inférieur à 15 millions de dollars par année, car l'infrastructure est là pour les autres types d'armes. Qu'est-ce que vous vous attendez à gagner, compte tenu du fait que, pendant la campagne électorale, vous parliez d'affecter ces milliards de dollars d'économies à autre chose?

M. Flaherty : Nous ne prévoyons aucune économie pour cette année. Le registre des armes à feu continuera de coûter de l'argent aux Canadiens, et donnera bien peu de résultats. L'élimination de cette catégorie d'armes du registre va coûter de l'argent. Je crois que le projet de loi relatif à cette question n'a été déposé qu'aujourd'hui.

Évidemment, cela va finir par mener à des économies. Je ne saurais vous fournir un chiffre en ce qui concerne les économies qui seront réalisées dans le temps. C'est une année de transition.

Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous me donner un chiffre?

M. Flaherty : Je peux vous dire que, cette année, ça va coûter de l'argent. C'est un résultat négatif.

Le sénateur Mitchell : Vous devez tout de même assurer le fonctionnement du registre pour les autres catégories.

M. Flaherty : Pour les années à venir, je vais vous procurer des chiffres. Nous ne les avons pas en main, mais nous pouvons vous les procurer.

Le président : Si vous pouvez les acheminer au greffier, monsieur le ministre, ce dernier se chargera de les distribuer à tous les membres du comité. Nous vous en serions reconnaissants.

Merci beaucoup, monsieur le ministre, d'être venu aujourd'hui, et merci à vos représentants. Il s'agissait de votre premier témoignage devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Nous vous remercions de vous être prêté à cet exercice dans le cadre de notre étude de ce projet de loi important. Au nom de la vice-présidente du comité, le sénateur Cools, et des membres du comité, je vous remercie de tout cœur d'être venus.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous accueillons maintenant M. Peter Vukanovich, de Genworth Financial Canada et M. Andy Charles, de la société AIG United Guaranty Canada.

Messieurs, soyez les bienvenus. Les membres du comité vous ont invités aujourd'hui en vue d'examiner le projet de loi C-13, Exécution du budget, en particulier la partie 9, soit les articles 192 à 198, qui portent sur l'assurance hypothécaire.

Andy Charles, président-directeur général, AIG United Guaranty Canada : Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir cette occasion de présenter notre plan visant à accroître le choix dans le marché de l'assurance-prêt hypothécaire. Je vous parlerai également du processus réglementaire que nous traversons en ce moment et de la raison pour laquelle nous croyons que les Canadiens et Canadiennes bénéficieront de la présence de nouveaux joueurs dans ce marché.

AIG United Guaranty est une filiale canadienne de l'une des principales sociétés d'assurances au monde. AIG sert le marché canadien depuis le début des années 60 et compte des bureaux dans plus de 130 pays et administrations. Notre compagnie est d'avis qu'une concurrence accrue dans le domaine de l'assurance-hypothécaire bénéficiera aux consommateurs, aux institutions financières, aux marchés financiers et à l'économie canadienne. En outre, une concurrence accrue rehaussera la sécurité du système d'assurance bénéficiant du soutien gouvernemental en répartissant le risque entre un plus grand nombre de joueurs, tout comme les investisseurs prudents s'assurent de ne pas placer toutes leurs économies dans un seul instrument de placement.

Honorables sénateurs, le gouvernement fédéral actuel est d'accord pour dire qu'une concurrence accrue est une bonne chose pour les Canadiens et les Canadiennes. Le gouvernement précédent était du même avis, et avait mis sur pied un processus que l'on a inclus dans le Budget supplémentaire des dépenses paru à l'automne 2005.

Dans le Budget 2006, le gouvernement s'est engagé à apporter les changements techniques nécessaires pour permettre à plus d'un compétiteur du secteur privé de participer au marché de l'assurance prêt hypothécaire.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous donner un aperçu du marché actuel. Aujourd'hui, le marché canadien de l'assurance-prêt hypothécaire est le deuxième en importance au monde et, à l'heure actuelle, seules deux sociétés offrent de l'assurance hypothécaire aux consommateurs dont le versement initial est inférieur à 25 p. 100 du prix d'achat. Il y a la SCHL, société d'État, qui détient une part de marché estimée à 70 p. 100, et qui a enregistré en 2005 des bénéfices après impôts s'élevant à un milliard de dollars; l'autre, Genworth Financial, société du secteur privé qui détient une part de marché d'environ 30 p. 100 et dont les bénéfices après impôts en 2005 se sont chiffrés à plus de 200 millions de dollars.

Honorables sénateurs, on estime que la valeur du marché des nouveaux prêts hypothécaires assurés se monte à environ 50 milliards de dollars par année. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'un marché de cette taille offre de considérables possibilités de concurrence.

Je tiens à souligner que notre société n'est pas la seule à traverser actuellement les étapes réglementaires appropriées. Bien que je ne représente pas ces compagnies aujourd'hui, il est notoire qu'au moins deux autres sociétés ont exprimé leur souhait d'entrer sur le marché.

L'objectif d'AIG United Guaranty est d'offrir aux Canadiens et Canadiennes de partout au pays, qu'ils soient en milieu urbain ou rural, les mêmes produits novateurs et de haute qualité que nous offrons dans de nombreux autres marchés du monde. Dans les pays où AIG United Guaranty offre ses produits, notre présence a mené, entre autres avantages, à une concurrence accrue sur le marché, à l'introduction de nouveaux produits et à la diminution des risques liés aux prêts hypothécaires pour les prêteurs.

AIG fournit actuellement de l'emploi à plus de 800 Canadiens et Canadiennes. Notre nouvelle division de l'assurance-hypothécaire créerait quelque 80 nouveaux postes d'un bout à l'autre du pays. Lorsque nous ouvrons boutique quelque part, nous y restons, et nous sommes fiers de notre présence sociale.

Notre intention est de consolider notre réputation internationale en tant que créateurs de produits novateurs. Notre plan ne consiste pas simplement à reproduire ce qui existe déjà. Nous prévoyons améliorer les produits d'assurance hypothécaire existants afin de servir une plus large gamme de consommateurs canadiens, dont les travailleurs autonomes, les nouveaux Canadiens et les Canadiens et Canadiennes ayant déjà connu des difficultés de crédit qu'ils ont manifestement surmontées.

Notre expérience nous a appris qu'il n'y a qu'une seule façon de se faire une place à côté des joueurs bien établis, à savoir offrir un service supérieur et des produits novateurs. Nous croyons qu'il s'agit là de bonnes nouvelles pour les Canadiens et les Canadiennes.

Honorables sénateurs, cette industrie est très bien réglementée. Nous devons obtenir l'approbation et nous soumettre au contrôle réglementaire continu du Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF. Le Bureau examine actuellement notre demande, et il s'agit d'un examen particulièrement minutieux.

Le BSIF s'assure que notre capitalisation est suffisante pour que nous puissions servir le marché à toutes les étapes du cycle conjoncturel. Ces exigences en matière de capitalisation initiale sont sévères, et nous les avons respectées. Nous avons l'appui de notre société mère, AIG, compagnie possédant des actifs d'une valeur de plus de 800 milliards de dollars.

Outre le rôle continu du BSIF, chaque province réglemente la conduite du marché dans notre industrie, ce qui renforce encore davantage le contrôle réglementaire de l'industrie. Cela nous prendra un certain temps à nous faire une place sur le marché canadien. Pendant ce temps, le BSIF, les membres du comité et d'autres intervenants auront l'occasion de nous observer de près. Notre compagnie est vouée au comportement éthique, à l'offre de services novateurs et à la concurrence ouverte, et nous sommes donc ouverts à une telle surveillance.

Le budget actuel propose deux changements relatifs à notre industrie. Le premier autorise une concurrence accrue de la part du secteur privé, tandis que le second fait passer le provisionnement de la garantie gouvernementale de 100 à 200 milliards de dollars.

Comme le dit clairement le Budget 2006, le changement au niveau du provisionnement est dû non pas à l'entrée d'un nouveau joueur sur le marché, mais bien au fait que le marché hypothécaire a connu une croissance considérable. La présence de nouveaux assureurs dotés de solides capitaux permanents aura plutôt l'effet de réduire le risque au gouvernement.

Comme on peut le lire dans le Budget 2006, le gouvernement augmente son provisionnement pour, et je cite, « suivre la hausse des prix des habitations et la croissance du marché hypothécaire ».

Pour conclure, honorables sénateurs, AIG United Guaranty Canada tient à souligner qu'elle n'est pas seule à penser que cette mesure devrait aller de l'avant. Je ne voudrais pas vous laisser avec l'impression que les opinions concernant cette question sont partagées.

Outre le gouvernement actuel, le gouvernement précédent et des agents du ministère des Finances, la liste des gens qui appuient l'ouverture du marché dès maintenant comprend l'Association canadienne des constructeurs d'habitations, l'Institut canadien des courtiers et des prêteurs hypothécaires, l'Association canadienne de l'immeuble, la Banque Royale et la Caisse Desjardins. Même la SCHL, l'autre participant au marché, appuyait la concurrence accrue. Selon nous, il s'agit là d'une façon tout à fait raisonnable d'augmenter la concurrence.

Comme nous l'avons déjà mentionné, nous ne souhaitons aucunement nous soustraire à la réglementation fédérale et provinciale appropriée ou aux examens parlementaires. Nous sommes un nouveau joueur sur le marché, et nous nous réjouissons à la perspective de partager nos produits novateurs avec les Canadiens et les Canadiennes. Nous sommes persuadés qu'une telle attention réglementaire ne pourrait que renforcer notre réputation.

Honorables sénateurs, j'attends avec enthousiasme l'occasion d'établir une longue et fructueuse relation avec le marché canadien et avec vous.

Peter Vukanovich, président-directeur général, Genworth Financial Canada : mesdames et messieurs les sénateurs, depuis 1995, chez Genworth Financial Canada, nous avons aidé plus de 700 000 Canadiens à réaliser le rêve de devenir propriétaire. Nous employons plus de 225 personnes au Canada. Je tiens à remercier le comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui, pour que je puisse expliquer certaines des questions en jeu.

Les modifications apportées à l'industrie de l'assurance hypothécaire dont il est question dans le projet de loi budgétaire ne sont nullement insignifiantes. De fait, il s'agit de changements significatifs touchant les politiques en matière d'habitation et de finances. C'est complexe. Il s'agit de bien plus que du seul fait de permettre à un plus grand nombre d'acteurs d'entrer en scène sur le marché. Pendant plus de 50 ans, ce sont deux acteurs qui ont occupé la scène. Comme M. Charles en a parlé, c'était la SCHL et notre société à nous, qui a évolué par le truchement d'une série d'entreprises — la compagnie d'assurances hypothèque du Canada, la GE Capital Mortgage Insurance et, aujourd'hui, Genworth Financial Canada.

D'abord, je tiens à vous dire que nous appuyons totalement l'idée d'une concurrence accrue. C'est ce qui nous a permis d'avoir le marché que nous avons aujourd'hui. D'ailleurs, je viens de prononcer une conférence il y a quelques semaines au Cercle national des journalistes. J'ai dit à ce moment-là que le marché de l'habitation au Canada est l'un des marchés les plus équitables, efficaces et concurrentiels au monde, et j'y crois. Nous voulons simplement nous assurer que les modifications apportées au marché en question conviennent aux acquéreurs d'habitations.

L'intention qu'a le gouvernement d'accroître la concurrence et les avantages pour les acquéreurs d'habitations est certes louable. Cependant, à notre avis, le projet de loi que vous avez devant les yeux est insuffisant. Il n'en fait pas assez pour garantir que le gouvernement arrivera à atteindre ses objectifs et, de fait, pourrait mettre en péril un excellent marché.

Nous vous soumettons aujourd'hui deux recommandations principales. Tout d'abord, il importe d'établir des règles régissant le comportement sur le marché afin de s'assurer que les acquéreurs canadiens d'habitations — et j'insiste là- dessus : les acquéreurs d'habitations — soient vraiment ceux qui bénéficient de la concurrence accrue.

Ensuite, le gouvernement fédéral doit offrir le même niveau de garantie à tous les assureurs hypothécaires, y compris la SCHL.

Sans ces deux mesures, je doute fortement que le projet de loi puisse atteindre son objectif, soit d'avantager les acquéreurs canadiens d'habitations. Peut-être qu'il nuira même à un marché de l'habitation qui est en pleine expansion.

Avant d'expliquer davantage notre point de vue, permettez-moi de dresser un portrait de la situation. L'année dernière, plus de 500 000 familles canadiennes ont réalisé le rêve de devenir propriétaires d'habitations grâce à l'assurance hypothécaire. Cela représente un achat sur deux. Ce sont des statistiques que nous n'avons pas vues depuis 50 ans. Toutefois, bon nombre de personnes ne réalisent pas que les acquéreurs qui doivent recourir à l'assurance hypothécaire doivent en payer les primes, mais qu'ils ne choisissent pas l'assureur. Le choix de l'assureur hypothécaire revient au prêteur, par exemple à la banque ou à la coopérative de crédit.

Genworth a des opérations d'assurance hypothécaire dans 16 pays différents. Dans tous les cas, c'est le prêteur qui décide de l'assureur. Le fait que les acquéreurs paient pour l'assurance hypothécaire sans vraiment choisir eux-mêmes l'assureur est un élément d'importance capitale que doivent saisir le gouvernement et le comité.

Je veux également attirer votre attention sur le fait qu'il existe actuellement une forte et saine concurrence entre les deux assureurs hypothécaires canadiens, la SCHL et Genworth. De nombreux produits ont été introduits sur le marché. Comme je l'ai dit plus tôt, l'an dernier, plus de 500 000 familles canadiennes sont devenues propriétaires, par rapport à 300 000 il y a trois ans. Cela s'explique par le fait que nous faisons tous deux compétition pour chaque acquéreur qualifié dans tous les coins du pays, en nous basant sur le montant de l'acompte versé par l'acquéreur. Nous ne pratiquons pas de discrimination envers les acquéreurs à faible revenu ou les acquéreurs vivant en région éloignée. Genworth et la SCHL le font par choix, parce que nous nous considérons comme les gardiens de l'intérêt public — c'est-à-dire la garantie de l'État. Je m'expliquerai plus à fond à ce sujet durant l'exposé.

Globalement, nous croyons que le système fonctionne très bien, pour ne pas dire extrêmement bien. Toutefois, nous croyons aussi qu'il est menacé, à moins que le gouvernement ne mette en place les deux mesures dont j'ai parlé plus tôt.

Permettez-moi de revenir aux mesures de protection. Nous proposons ces mesures en nous fondant sur d'importants éléments de preuve tirés de l'expérience vécue dans d'autres pays, par exemple les États-Unis et l'Australie, où il y a une concurrence libre et entière. Avant de procéder, ils ont mis en place des mesures de protection pour s'assurer que les acquéreurs d'habitations puissent en profiter.

Permettez-moi de vous donner un exemple d'une pratique négative, que nous qualifions d'antisélection. L'art d'être sélectif, quoi. Les gens arrivent sur le marché et choisissent les meilleurs risques. Une concurrence véritable qui profite aux acquéreurs d'habitations se produit uniquement lorsque tous les fournisseurs se font concurrence pour tous les acquéreurs qualifiés. Si l'on permet à de nouveaux arrivants de segmenter le marché et de se disputer seulement certains acquéreurs d'habitations, dans certaines zones géographiques ou en fonction de certains critères relatifs aux crédits, les autres assureurs seront désavantagés. Cela nuira aussi aux gens des régions rurales et aux gens ayant une faible cote de crédit.

La preuve que ce type d'antisélection existe a été confirmée par Jeffrey Eisenach, économiste renommé à l'échelle internationale, qui a récemment analysé les effets des changements proposés en ce qui concerne le marché canadien de l'assurance hypothécaire. Je serai heureux de remettre son étude à quiconque en fait la demande au comité. L'étude démontre que, sans les mesures de protection que nous proposons, les Canadiens à faible revenu sont susceptibles de payer plus pour l'assurance hypothécaire.

En l'absence de mesures de protection adéquates, une concurrence libre et entière désavantagera également les acquéreurs d'habitations d'une autre façon. Des ententes incitatives entre assureurs hypothécaires et prêteurs verront sans doute le jour, si l'on se fie aux expériences internationales.

Sans aborder les mécanismes particuliers associés à ces ententes, permettez-moi simplement de souligner que, l'année dernière, aux États-Unis, les assureurs hypothécaires ont redirigé vers les prêteurs 750 millions de dollars en primes payées par les consommateurs. Tout cela est parfaitement légal, mais il est difficile de voir en quoi l'acquéreur d'habitations peut en profiter, du point de vue du prix. Or, on s'attendrait à ce qu'une concurrence à plus d'un acteur donne un meilleur prix.

Pour résumer nos observations sur les mesures de protection, je dirais que leur absence mine l'objectif du gouvernement — accroître la concurrence — et peut-être aussi les avantages publics de notre politique d'assurance hypothécaire.

Blake Cassels est l'un des grands spécialistes canadiens de la concurrence. Il peut témoigner du fait que nos lois fédérales et provinciales ne protègent pas adéquatement les acquéreurs d'habitations. L'examen vient d'en être fait. Les résultats nous ont été transmis; je serai heureux de vous en faire part. Ajoutez à cela l'expérience vécue dans d'autres pays; il nous paraît évident que les acquéreurs d'habitations y trouveront leur compte seulement dans la mesure où de saines règles sont en place.

Notre deuxième recommandation touche la garantie d'État. Tous les assureurs hypothécaires jouissent du même niveau de garantie de l'État, celui dont profite actuellement la SCHL. Cela inclurait tout nouvel arrivant sur le marché. À l'heure actuelle, la garantie à la SCHL se situe à 100 p. 100, car il s'agit d'une société d'État. Votre gouvernement l'a fixée à 90 p. 100 pour les entreprises du secteur privé, d'où des règles du jeu inéquitables du point de vue de la concurrence. Permettez-moi de vous expliquer. Les prêteurs sont extrêmement sensibles au prix dans le monde hautement concurrentiel de l'hypothèque. La différence actuelle dans les niveaux de garantie accordés à la SCHL et au secteur privé crée un désavantage permanent quant au prix, qui atteint plusieurs centaines de dollars par prêt. Il est donc difficile pour les prêteurs de choisir leur fournisseur d'assurance hypothécaire en se basant sur les produits et les services. Comme il s'agit d'une garantie d'intérêt public dont nous et tout nouvel intervenant devons être les gardiens, il est inéquitable d'avoir un marché à deux vitesses où les assureurs privés et la SCHL ne se trouvent pas sur le même pied. La SCHL vous dira peut-être que les règles sont équitables, mais posez la question à n'importe quel prêteur; il y a un désavantage du point de vue du prix, et qui ne devrait pas exister.

Sous la présidence du sénateur Lowell Murray, en 1999, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie a étudié le projet de loi C-66. Permettez-moi de lire rapidement un passage du rapport du comité :

Selon des témoignages entendus par le comité, l'écart actuel entre les niveaux de garantie est tel qu'à long terme, il doit s'avérer impossible d'être à la fois rentable et compétitif dans le marché de l'assurance hypothécaire. Des membres du comité ont cependant appris que l'entente actuelle entre le gouvernement du Canada et GEMICO est en négociation et que le ministre des Finances envisage de donner, sur les produits de l'assurance hypothécaire de cette société, une garantie gouvernementale égale à celle qu'offre la SCHL, c'est-à-dire totale.

Mesdames et messieurs, c'était il y a plus de sept ans. Nous estimons qu'il est grand temps, si nous devons avoir de nouveaux acteurs sur le marché, d'établir des règles de jeu équitables pour tous les joueurs.

En conclusion, je souhaite réitérer ma déclaration antérieure selon laquelle nous croyons fermement que le comité devrait soit recommander, soit effectuer une étude démontrant que les règles régissant le comportement sur le marché sont nécessaires à l'établissement de règles de jeu équitables, sans compter qu'elles permettent de s'assurer que les acquéreurs d'habitations canadiens continuent de bénéficier, comme il se doit, du meilleur marché de l'habitation du monde.

Le sénateur Stratton : Je vous remercie de vos exposés. Ils étaient très intéressants.

Bien sûr, notre gouvernement croit aux principes de la concurrence. J'imagine que c'est en grande partie pour cela que cette proposition nous est soumise aujourd'hui, même si je crois qu'elle avait également reçu l'appui du gouvernement précédent.

Deux choses me préoccupent. La première, c'est que, même si nous croyons tous aux bienfaits d'une concurrence accrue, celle-ci pourrait accélérer la chute des prix et du service. C'est une question qui me préoccupe, et c'est, je crois bien, pour cela que des règles de jeu équitables sont si importantes.

La deuxième chose qui me préoccupe est la suivante : si le taux est réglementé par le Bureau du surintendant des institutions financières, pourrons-nous lui faire suffisamment confiance et nous attendre à ce qu'il établisse les règles permettant de nous assurer que l'accroissement de la concurrence n'aura pas pour effet d'accélérer la chute des prix et du service?

M. Charles a déclaré que son entreprise cherche à trouver des moyens novateurs d'offrir des hypothèques aux travailleurs autonomes, aux immigrants de fraîche date et aux gens ayant plus de difficulté à obtenir une hypothèque. Lorsque les temps sont durs, lorsque les gens perdent leur emploi, où êtes-vous? Allez-vous reculer et fuir devant ce genre de chose? Je tiens à le savoir, car c'est une question tout à fait légitime.

Peut-être pourriez-vous répondre tous les deux à mes questions concernant le BSIF, le risque d'accélérer la chute des prix et du service et ce qui arrive par temps durs.

M. Charles : Le BSIF se veut un organisme qui établit des règles de prudence. Il tient compte de l'intégrité financière et des exigences en matière de capitalisation, et il assure un contrôle pour savoir si les nouveaux acteurs sur le marché, de même que les participants actuels, sont viables sur le plan financier.

Nous travaillons avec le BSIF depuis deux ans. Il a établi un seuil de capitalisation initiale élevé que nous avons pu respecter, et il continuera de le faire à mesure que la réglementation évolue.

En ce qui a trait à votre deuxième question, j'ai déjà entendu l'expression « l'art d'être sélectif ». J'ai de la difficulté à imaginer qu'on puisse recourir une telle pratique, et cela ne fait certainement pas partie de notre plan d'affaires. Comme troisième joueur à arriver sur un marché établi, nous devons tenter par tous les moyens de nous démarquer des deux autres concurrents, qui sont déjà bien établis sur le marché. Nous n'envisagerions jamais d'adopter une stratégie du « moi aussi ». Nous devons prouver notre valeur et établir une proposition de valeur, qui soit distincte et différente.

En ce qui concerne votre troisième point, je me permettrais d'interpréter la question, si vous le voulez bien, sénateur : qu'arrive-t-il lorsque les temps sont durs? Allons-nous faire faux bond aux gens? Sommes-nous ici uniquement pour les périodes florissantes? L'organisation que je représente, sénateur, n'a jamais quitté le pays et ne compte pas le faire.

Le sénateur Stratton : Puis-je vous interrompre pour apporter des précisions : ce qui me préoccupe, c'est que vous puissiez faire faux bond aux gens ayant des problèmes, que vous accroissiez ainsi les risques et donc que vous comptiez davantage sur la garantie gouvernementale. Voilà la question. Ce qui me préoccupe, ce n'est pas que vous nous fassiez faux bond et que vous quittiez le pays, mais c'est plutôt que vous preniez de plus grands risques, augmentant ainsi la possibilité de confiscation, ce qui représenterait un fardeau supplémentaire pour le gouvernement fédéral.

M. Charles : Lorsque nous envisageons d'exploiter de nouveaux créneaux commerciaux ou d'élargir les créneaux actuels, par exemple les travailleurs autonomes, les nouveaux Canadiens ou les gens dont le dossier de crédit a déjà été terni bien qu'il soit maintenant acceptable, rien de ce que je pourrais suggérer ou que mon entreprise pourrait prouver ne saurait remplacer le respect du principe de diligence raisonnable par le prêteur et l'assureur. Toute réponse affirmative est le fruit d'un long processus.

À notre avis, de belles perspectives s'offrent à nous. Jusqu'à maintenant, bon nombre de prêteurs n'envisageaient pas ces segments-là du marché. Nous croyons qu'il est possible de concurrencer efficacement, sans trop de témérité, sur le marché, tout en respectant le principe de diligence raisonnable.

Pour ce qui est des risques pour le gouvernement, il est impossible, sinon quasi impossible, en fait, qu'une organisation comme AIG, dont les actifs se chiffrent à 800 milliards de dollars, s'adresse au gouvernement pour quoi que ce soit au sujet d'une réclamation d'assurance.

Le sénateur Stratton : À l'époque où j'ai dû demander à la banque un prêt hypothécaire, le banquier m'a dit : « Vous pouvez passer par nous pour l'assurance, ou vous pouvez souscrire une assurance-vie », ce qui était alors beaucoup moins cher que de passer par la banque. J'imagine que c'est toujours le cas. Est-ce que les gens peuvent encore faire ça aujourd'hui, ou bien n'est-ce plus une option?

M. Charles : J'imagine que vous faites allusion à une assurance-vie de crédit, par opposition à une assurance prêt hypothécaire.

Le sénateur Stratton : Oui, c'est bien ce que j'entends par là. C'est bien la distinction que je voulais faire.

Le sénateur Angus : Soyez les bienvenus, messieurs. Il est rafraîchissant de voir que vos intérêts sont quelque peu différents.

Monsieur Charles, si vous négociez depuis deux ou trois ans avec le BSIF concernant les modalités de votre entrée sur le marché, selon toute logique, ce ne sont pas les dispositions du gouvernement présentées dans le projet de loi relatif au budget qui vous a amené ici. Seriez-vous venu quand même?

M. Charles : C'est en 2003 que nous avons commencé à montrer que nous étions intéressés à venir au Canada. Nous avons alors entrepris une étude de marché et appliqué le principe de diligence raisonnable afin d'évaluer le marché canadien et de voir comment nous pourrions l'aborder. Au début de 2004, nous avons amorcé des démarches auprès du ministère des Finances et nous avons rencontré des représentants du BSIF pour comprendre le processus. Nous avons appris depuis lors qu'il existe une exigence technique en vertu de laquelle le ministre des Finances doit obtenir les pouvoirs nécessaires pour accorder une garantie gouvernementale à un troisième, un quatrième et un cinquième assureur. Jusqu'alors, seuls deux joueurs se partageaient le monopole de ce marché. À mon avis, on a toujours eu pour politique de favoriser la concurrence. Or, il y avait cette exigence technique en vertu de laquelle le ministre des Finances doit recevoir les pouvoirs législatifs requis pour accorder ladite garantie à un troisième, quatrième et cinquième joueur.

Le sénateur Angus : Je comprends. Le projet de loi ouvre la porte à de nouveaux concurrents, quels qu'ils soient, comme vous dites. Si je comprends bien, vous ne seriez pas prêts à venir ici sans cette garantie, n'est-ce pas?

M. Charles : C'est exact.

Le sénateur Angus : Pourquoi avez-vous attendu jusqu'en 2003 pour venir?

M. Charles : Nous avions l'impression que la SCHL avait le monopole du marché. À un moment donné, elle détenait 90 ou 95 p. 100 du marché. Pour rendre à César ce qui est à César, une fois sur le marché, Genworth a instauré de nombreuses innovations, réussissant à se tailler une assez bonne place sur le marché canadien. Je tiens à souligner que le Canada représente le deuxième marché en importance du monde dans le domaine de l'assurance prêt hypothécaire, et qu'il continue de grossir depuis dix ans.

Le sénateur Angus : Est-ce calculé au prorata ou de façon proportionnelle?

M. Charles : De façon proportionnelle.

Le sénateur Angus : Pas en dollars absolus, j'imagine?

M. Charles : En dollars absolus, il s'agit bel et bien du deuxième marché en importance dans le domaine de l'assurance prêt hypothécaire.

Le sénateur Angus : Le premier, ce sont les États-Unis?

M. Charles : Oui.

Le sénateur Angus : Est-ce que le Royaume-Uni se classe troisième?

M. Charles : Probablement, mais il est peut-être aussi quatrième.

Le sénateur Angus : Savez-vous si d'autres concurrents s'apprêtent à entrer sur le marché?

M. Charles : C'est du domaine public. Comme je l'ai déjà indiqué, je crois qu'au moins deux autres entreprises ont amorcé des démarches auprès du BSIF.

Le sénateur Angus : Dans l'espoir ou l'attente que cette loi entre en vigueur?

M. Charles : Dans l'attente que la politique visant à favoriser la concurrence soit appliquée.

Le sénateur Angus : Monsieur Vukanovich, je me rends bien compte que vous avez bénéficié d'une place de choix. En affaires, il n'y a rien de tel que d'être le seul joueur, et il vaut mieux être deux que trois, quatre ou cinq. J'en suis tout à fait conscient.

Vous avez fait part de certaines préoccupations, indiquant que, s'il faut absolument que ça se fasse, que ce soit au moins de telle ou telle façon, et non pas de telle ou telle autre. Il me semble que l'une de vos suggestions n'exige pas que l'on apporte des modifications au projet de loi. En fait, vous demandez tout simplement qu'un organisme comme le BSIF soit là pour veiller au grain et maintenir l'ordre des choses. Vous avez parlé de règles régissant le comportement sur le marché. Ai-je raison de dire que vous n'avez besoin d'aucune modification?

M. Vukanovich : Je ne crois pas du tout que des modifications soient nécessaires. Le BSIF doit s'assurer que nous avons le capital; or, j'avance que la question ici, ce n'est pas d'avoir suffisamment de capitaux.

Le sénateur Angus : Ce pourrait être le ministère des Finances. Vous demandez que les règles soient établies avant que les nouvelles dispositions n'entrent en vigueur.

M. Vukanovich : Oui, monsieur.

Le sénateur Angus : Par quelqu'un.

M. Vukanovich : Oui, monsieur.

Le sénateur Angus : Vous demandez au comité d'y aller en ce sens lorsqu'il fera rapport du projet de loi?

M. Vukanovich : C'est bien ça.

Le sénateur Angus : Votre deuxième point exige-t-il une modification?

M. Vukanovich : Je ne crois pas que ce soit nécessaire de modifier le projet de loi. Je crois que le ministère des Finances pourrait s'occuper de ces choses, en collaboration avec le ministre.

Le sénateur Angus : Expliquez-moi encore ce qu'il en est. Par règles régissant le comportement sur le marché, on entend les règles du jeu établies pour que l'ordre actuel du marché ne devienne pas fragmenté. Comme vous dites, la sélection est très fréquente. Toutefois, je ne vois pas comment la garantie gouvernementale pourrait s'appliquer sans qu'elle soit légiférée.

M. Vukanovich : Je crois que certains des changements proposés dans le projet de loi permettront au ministre et au Cabinet d'appliquer un pourcentage différent à la garantie gouvernementale dans le cas des joueurs du secteur privé.

Le sénateur Angus : Vous voulez dire que votre garantie est établie à 90 p. 100, et celle de la SCHL, à 100 p. 100, et qu'AIG ne recevra peut-être qu'une garantie de 20 p. 100?

M. Vukanovich : Je n'ai pas dit ça. Au contraire, je ne crois pas qu'il devrait y avoir de différence entre les joueurs. À mon avis, tous les joueurs devraient obtenir le même niveau de garantie, puisque les prêteurs peuvent choisir celui qui fait leur affaire. Si la SCHL offre les meilleurs taux, ils se tourneront naturellement vers elle. Lorsque d'autres entreprises entreront sur le marché, personne ne devrait être désavantagé. Nous devrions tous bénéficier du même niveau de garantie gouvernementale.

Le sénateur Angus : M. Vukanovich essaie tout simplement de dire qu'il se serait passé de ça dans le projet de loi, mais que si la disposition demeure, on devrait prendre certaines mesures administratives pour garantir un processus équitable. En d'autres mots, si nous devons avoir de nouveaux concurrents, nous voulons une concurrence équitable.

Le sénateur Eggleton : D'où vient, d'après vous, la pratique actuelle qui consiste à appliquer une garantie de 100 p. 100 dans le cas de la SCHL et de 90 p. 100 dans le vôtre?

M. Vukanovich : Elle remonte au début des années 90. Le gouvernement fédéral s'était rendu compte à l'époque que la concurrence du secteur privé à l'égard de la SCHL devrait avoir des résultats positifs. Sans nous perdre dans les détails techniques, il convient de noter que l'accord de Bâle détermine le montant des capitaux que doivent détenir les banques. Dans le cas d'une société d'État indépendante comme la SCHL, la banque n'en détient pas. Les joueurs du secteur privé devaient détenir un montant de capitaux tellement plus élevé qu'aucune entreprise de ce secteur ne pouvait faire concurrence à la SCHL. À l'époque, l'entreprise du secteur privé se permettait un peu de faire de sélection, contrairement à la SCHL, — je précise : à l'époque. Lorsque nous sommes entrés sur le marché sous le nom de GEMICO en 1995 et avons adhéré à la garantie, nous avons constaté que ce n'était pas la bonne façon de fonctionner au Canada, alors nous avons décidé d'offrir notre assurance dans toutes les villes et toutes les situations où des prêts sont consentis, à quelques exceptions près. Cette garantie de 90 p. 100 était déjà en place lorsque nous avons pris le contrôle de l'ancienne entreprise. À l'occasion de notre dernière comparution devant le Sénat, les membres du comité ont reconnu qu'il faudrait appliquer le même niveau de garantie dans les deux cas, puisque notre assurance est offerte dans toutes les villes et les situations possibles.

Le sénateur Eggleton : Seriez-vous heureux que nous recommandions que des règles de jeu équitables s'appliquent à tous les participants, y compris la SCHL?

M. Vukanovich : Certainement.

Le sénateur Ringuette : Je tiens à déclarer aux fins du compte rendu que, du point de vue législatif, c'est la toute première fois que le budget s'assortit d'un tel projet de loi; en effet, il n'a rien à voir avec le budget. Je tiens à souligner que c'est un recours abusif au pouvoir exécutif. Je tenais à le préciser aux fins du compte rendu. Naturellement, cela n'a rien à voir avec votre enjeu. Toutefois, en ce qui a trait à la garantie qu'offre le gouvernement fédéral aux assureurs hypothécaires, qu'il s'agisse de la SCHL ou d'AIG, cela suppose que, dans votre situation particulière, le gouvernement garantit 90 p. 100 du prêt hypothécaire. Alors, que faites-vous ici? Je n'y comprends rien. Lorsque je pense à tout cela, je me demande si on ne prend pas ici le maître de maison pour un imbécile. Je dis cela parce que, au bout du compte, le gouvernement fédéral vous accorde un niveau de garantie de 90 p. 100 sur toute assurance-prêt hypothécaire que vous offrez. C'est ce que vous avez : une garantie de 90 p. 100 de la part du gouvernement fédéral. C'est ce que vous dites dans votre mémoire, à la page 3. Vous recommandez également que le gouvernement fédéral offre à tous les assureurs hypothécaires le même niveau de garantie que celui dont bénéficie la SCHL. Il va de soi que la SCHL reçoive une garantie de 100 p. 100, puisqu'il s'agit d'un instrument du gouvernement. C'est une société d'État! Vous recevez actuellement une garantie de 90 p. 100. Où est le risque? Il n'y en a tout simplement pas. Si tous les Canadiens en affaires pouvaient recevoir une telle garantie du gouvernement fédéral, il y aurait beaucoup d'entreprises, ne croyez-vous pas?

M. Vukanovich : J'aimerais clarifier certaines choses probablement mal comprises en raison du fait que nous avons cherché à rendre notre exposé plus succinct. La garantie de 90 p. 100 s'applique uniquement si nous faisons faillite. Elle est nécessaire à cause de la manière dont les prêteurs utilisent les capitaux. Sans garantie, nous ne pourrions pas offrir une assurance équivalente à la SCHL sur le plan du rapport qualité-prix.

Si vous vous le rappelez bien, j'ai mentionné ces règles internationales. C'est là que la garantie entre en jeu. Nous payons le gouvernement pour l'utilisation de cette garantie.

Le sénateur Ringuette : Sur quelle base?

M. Vukanovich : Chaque année, en fonction du montant assuré chaque année. Le gouvernement nous impose des frais pour cela. En outre, celui-ci est très bien protégé contre tous les risques.

Nous détenons plus de un milliard de dollars en capitaux pour payer les prêts. Il faudrait que nous écoulions tous ces capitaux avant d'avoir à recourir à la garantie gouvernementale.

Le sénateur Ringuette : À combien se chiffrent les prêts que vous garantissez aux prêteurs?

M. Vukanovich : À l'heure actuelle, à différents niveaux de ce que nous appelons le « rapport prêt-valeur », nous assurons des prêts pour une valeur totale d'environ 90 milliards de dollars.

Le sénateur Ringuette : La garantie de un milliard de dollars, ou l'actif, représente peut-être 1,2 p. 100 de vos activités.

M. Vukanovich : Si on compare à la SCHL, elle a actuellement des réserves de trois milliards de dollars et assure des prêts hypothécaires pour une valeur totale de près de 300 milliards de dollars.

Le sénateur Ringuette : Oui.

M. Vukanovich : Le rapport est semblable. Sur le plan actuariel, si on compare la proportion de gens en défaut de paiement aux montants versés à l'égard des réclamations présentées à ce titre, un milliard de dollars est amplement suffisant. Nous sommes réglementés par le BSIF, qui est du même avis.

Le sénateur Ringuette : Tout dépend de l'économie et de la provenance de la clientèle-cible, bien entendu. Il faut tenir compte aussi des fonds autofinancés, et je suppose que c'est ce dont vous vous occupez. Si ma mémoire est bonne, la SCHL a 6 p. 100 pour garantir un prêt hypothécaire. Je crois bien que c'est 6 p. 100 du prêt.

M. Vukanovich : Voulez-vous dire le prix, ou bien parlez-vous d'un prêt qui doit être assuré?

Le sénateur Ringuette : Je parle des cas où le prêt doit être assuré.

M. Vukanovich : Dans le cas de toute personne dont le versement initial est inférieur à 25 p. 100, la banque doit être assurée. Celle-ci demande alors au consommateur de la rembourser. C'est la grande question dont j'essaie de vous faire part ici. Si on permet à un prêteur d'imposer au consommateur des frais supérieurs à ceux qu'il paie lui-même — et rien ne l'empêche actuellement de le faire —, on risque de créer une situation commerciale pouvant avoir des répercussions négatives.

Le sénateur Ringuette : Non, ce n'est pas ce que je voulais savoir. Je dois m'être mal exprimée. À ma connaissance, la SCHL exige des frais de 6 p. 100 pour garantir un prêt hypothécaire à la banque.

M. Vukanovich : Il existe différentes catégories de primes. J'espère que nous nous comprenons bien : je parle d'immeubles résidentiels uniquement, de ce qu'on appelle le « marché des quadruplex ». Les prix varient selon le montant du versement initial. Si celui-ci est de 5 p. 100, la prime est actuellement à 2,75 p. 100 du montant de l'hypothèque. Sur 100 000 $, cela donne 2 750 $. Si le versement initial est de 10 p. 100, le taux de la prime s'élève à 2 p. 100. S'il est de 15 p. 100, le taux descend jusqu'à 1,5 p. 100. Enfin, s'il est de 75 p. 100, ce taux descend encore jusqu'à 1 p. 100.

Le sénateur Ringuette : Quelles sont vos catégories de primes?

Parmi les grandes questions que vous soulevez, vous avez indiqué que vous aimeriez que votre industrie puisse traiter directement avec les personnes cherchant à obtenir une hypothèque, au lieu d'avoir à passer par les prêteurs. Est-ce bien votre intention?

M. Charles : Nos clients sont principalement les prêteurs. Ce que nous ferions, sénateur, c'est rendre les choses plus faciles pour eux. Prenons l'exemple d'une banque, qui aurait 1 200 succursales réparties un peu partout au pays. Ces succursales voudraient qu'on leur offre des services d'assurance prêt hypothécaire sur place, où qu'elles soient situées.

Les prêteurs forment le gros de notre clientèle. J'ai parlé plus tôt des différents produits que nous envisageons d'offrir; donc, en plus de rendre les choses plus faciles pour les prêteurs en leur offrant une gamme de services complète, nous pourrions peut-être leur ouvrir, tout en restant prudents, de nouvelles portes sur des marchés inexplorés jusqu'à maintenant. Nous ne cherchons nullement à passer par-dessus les prêteurs.

Le sénateur Peterson : Les primes sont toutes fixes. Elles sont toutes les mêmes et ne sont pas soumises aux lois de l'offre et de la demande. Ce serait pareil pour tous les portefeuilles. Les prix ne sont pas régis par la concurrence, n'est- ce pas?

M. Vukanovich : Oui, puisque, dans les trois dernières années, les prix ont diminué deux fois à tous les niveaux, une fois en 2003 et l'autre, l'année dernière.

Lorsqu'on a deux ou trois joueurs, il est très difficile de maintenir une différence de prix. Le marché est très mouvant sur le plan économique. Si mon prix est élevé, personne ne voudra utiliser mes services. S'il est bas, tout le monde voudra de mes services. On a naturellement tendance à offrir à peu près les mêmes prix.

Le sénateur Peterson : Si l'établissement de crédit est votre client, vous pourriez très bien lui présenter une proposition du genre de celle-ci : j'aimerais acquérir ce portefeuille, ou bien je pourrais faire avec vous des affaires se chiffrant à 200 millions de dollars, à tel ou tel pourcentage.

M. Vukanovich : Nous avons l'habitude de traiter un prêt à la fois. Chaque demande reçue est examinée au cas par cas. Après avoir évalué au mieux de nos capacités et avec l'aide de la banque la cote de crédit, les biens et les antécédents du demandeur, nous prenons une décision. La plupart des gens obtiennent l'assurance.

M. Charles : Sénateur, vous aviez posé une question au sujet de la fluctuation des prix. À mon avis, à mesure que le nombre de concurrents sur le marché augmentera, les prix varieront de plus en plus.

Le sénateur Peterson : Cela pourrait grandement préoccuper le BSIF. Vous pourriez également être chassé du marché par la hausse des prix, non?

M. Charles : Le BSIF mesure et évalue l'intégrité et la capacité financières de l'organisation. Les règles régissant le comportement sur le marché, dont on a déjà parlé, seront régies par les provinces.

Le sénateur Peterson : Sur les 50 milliards de dollars en contrats, quel est le taux de défaut de paiement? Est-il très élevé?

M. Vukanovich : Ça dépend. Dans le milieu actuel, il est assez faible. Au début des années 80, lorsque les taux de chômage et d'intérêts étaient élevés, surtout dans le sud de l'Ontario, le taux de défaut de paiement était assez élevé.

Le président : Qu'entendez-vous par élevé ou faible?

M. Vukanovich : Par faible, j'entends trois sur 1 000, et par élevé, 15 sur 1 000.

Le sénateur Peterson : Craignez-vous que les banques n'intentent des poursuites à cet égard? Après tout, ce sont elles qui prêtent les fonds.

M. Vukanovich : À l'heure actuelle, la Loi sur les banques porte que ces dernières doivent être assurées lorsque le versement initial est inférieur à 25 p. 100. Vous n'êtes sûrement pas sans savoir qu'on a déposé la semaine dernière un livre blanc qui sera probablement soumis au comité. Dans ce livre, on recommande de ramener ce taux à 20 p. 100, soit une réduction de 5 p. 100.

C'est un pourcentage relativement petit du marché. Par ailleurs, je crois que cela reflète la tendance actuelle du marché de l'habitation, qui connaît une assez bonne période économique.

Le sénateur Peterson : On ajoute en fait cette prime au montant de l'hypothèque, ce qui la fait grossir, n'est-ce pas?

M. Vukanovich : C'est bien ça.

Le sénateur Cools : Monsieur Vukanovich, dans vos remarques vous avez parlé d'une étude effectuée par M. Jeffrey Eisenach. Auriez-vous l'obligeance d'en transmettre un exemplaire à notre greffier pour qu'il puisse le faire circuler.

M. Vukanovich : Avec plaisir.

Le sénateur Cools : Vous avez également parlé de Blake Cassels.

M. Vukanovich : Cette entreprise compte de grands spécialistes de la concurrence.

Le sénateur Cools : Mon intervention visait essentiellement le projet de loi C-13; toutefois, les questions que vous avez soulevées portent sur le Budget principal des dépenses. Monsieur le président, comme ces questions ont suscité tant de débats et d'intérêt parmi les membres du comité, je me demande si nous ne pourrions pas organiser une autre réunion et inviter les témoins à revenir. Peut-être pourrions-nous également demander aux représentants de la SCHL, du Bureau du surintendant des institutions financières et de Blake Cassels de venir discuter avec nous de ces questions.

Vous nous avez aidés, messieurs, à comprendre que le problème est beaucoup plus grave et important qu'on ne l'aurait cru à première vue. À tous égards, le projet de loi est pratiquement chose faite, mais j'aimerais tout de même connaître votre opinion.

Le président : Je ne crois pas que j'irais jusqu'à dire, comme mon honorable vice-présidente, que le projet de loi est pratiquement chose faite.

Le sénateur Eggleton : Nous avons de nombreuses modifications à examiner.

Le président : Nous devons en effet nous réunir demain.

Messieurs, nous vous remercions d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui.

Je suis d'accord avec le sénateur Cools : vous nous avez effectivement amenés à réfléchir au sujet de l'industrie en général, mais aussi on s'est écarté de l'enjeu propre au projet de loi. Nous sommes très intéressés par ce que vous avez à dire. Si nous devions entreprendre plus tard une étude plus approfondie de la question, nous vous saurions gré de bien vouloir revenir et en discuter avec nous plus à fond.

Le sénateur Eggleton : Puis-je faire une suggestion? Pourrions-nous demander tout de suite au ministère des Finances de commenter les deux questions soulevées par M. Vukanovich dans le contexte du projet de loi, soit les règles régissant le comportement sur le marché et la proposition d'établir des règles de jeu équitables?

Le président : Nous allons demander au greffier de communiquer avec le parrain du projet de loi pour voir si nous ne pourrions pas recevoir de l'information à cet égard.

Le sénateur Eggleton : Vous semblez d'accord avec moi, alors nous devrions obtenir les commentaires du ministère des Finances. Je me demande pourquoi les gens là-bas n'ont pas déjà envisagé de le faire. Ils y ont peut-être déjà pensé et trouvent que c'est une bonne idée.

Le sénateur Cools : Le ministre était ici plus tôt.

Le président : Sénateurs, permettez-moi de vous rappeler que notre prochaine réunion est prévue pour demain matin, à 9 heures.

La séance est levée.


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