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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 2 - Témoignages du 20 juin 2006


OTTAWA, le mardi 20 juin 2006

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-13, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 2 mai 2006, se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour mesdames et messieurs. Nous tenons aujourd'hui la troisième séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales sur le projet de loi C-13, le projet de loi du gouvernement portant exécution de certaines dispositions du budget.

Je m'appelle Joseph Day. Je représente le Nouveau-Brunswick au Sénat et préside ce comité. C'est avec plaisir que je vous souhaite la bienvenue ici aujourd'hui. D'autres sénateurs vont arriver sous peu, mais je profite de l'occasion pour vous présenter mes collègues qui sont ici. À ma gauche immédiate se trouve le sénateur Peterson, qui représente la Saskatchewan. À côté de lui se trouve le sénateur Mitchell, qui représente l'Alberta et ensuite, le sénateur Stratton, qui représente le Manitoba. Comme vous le voyez, l'Ouest est très bien représenté.

Nous tenons à remercier les témoins qui sont ici aujourd'hui. Il s'agit de Leslie Wilson, vice-présidente de Wee Watch; de Ken Battle, président du Caledon Institute of Social Policy; de Lana Crossman, gestionnaire des communications à la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance; enfin, de Gwendolyn Landoldt, vice- présidente nationale de REAL Woman of Canada. Je vous remercie d'être ici aujourd'hui pour nous aider dans ce dossier. Nous vous avons demandé de limiter votre déclaration d'ouverture à cinq minutes chacun. Après, les sénateurs vont vous poser des questions.

Deux autres sénateurs viennent d'arriver. Le sénateur Murray, qui est juste à ma droite, représente l'Ontario et le sénateur Fox, le Québec.

Commençons par Lana Crossman.

Lana Crossman, gestionnaire des communications, Fédération canadienne des services de garde à l'enfance : Honorables sénateurs, tous les jours, 65 p. 100 des enfants canadiens de moins de douze ans sont laissés dans des services de garde à l'enfance non parentaux par des parents aimants pour diverses raisons personnelles et économiques. La priorité de la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance est de travailler en collaboration avec le gouvernement du Canada afin de trouver des stratégies pour aider ces parents afin qu'ils aient accès à des services de garde de grande qualité pour leurs enfants, conformément à des normes nationales. Notre mission est l'atteinte de l'excellence en matière d'apprentissage et de garde des jeunes enfants. Nous travaillons en ce sens en offrant des ressources à chaque gardien d'enfants. Nous menons des recherches rigoureuses sur le développement de la petite enfance et créons des outils que les gardiens d'enfants peuvent utiliser dans leur travail de tous les jours.

Nous venons tout juste de clore une conférence nationale en Alberta, une conférence que nous avons organisée avec nos affiliés, des organismes voués à la garde d'enfants en Alberta. Près de 800 délégués de tout le pays y ont participé, y ont suivi des ateliers et des séminaires visant à les aider dans le travail important qu'ils font pour s'occuper des enfants du Canada.

La Fédération canadienne des services de garde à l'enfance est profondément inquiète concernant la Loi sur la prestation universelle pour la garde d'enfants mentionnée dans ce projet de loi. D'abord, son nom est trompeur. Elle n'a aucun lien avec les services de garde d'enfants ni le choix de services en ce sens. Elle donne aux parents de l'argent à dépenser, ce qui est toujours bienvenu, mais ne fait nullement mention de la qualité, de la disponibilité et ne prévoit aucune mesure de responsabilité.

Au sujet de la qualité, les recherches nous montrent que des services de grande qualité sont bons pour le développement sain des enfants, alors que des soins de piètre qualité peuvent leur nuire. Les enfants peuvent recevoir des services de grande qualité ans tous les contextes : à la maison, au préscolaire, dans un centre de la petite enfance ou dans une garderie en milieu familial. Notre Fédération compte des membres issus de tous ces contextes.

Les recherches nous disent également que les caractéristiques suivantes sont fondamentales pour offrir des services de garde de grande qualité : il doit y avoir un ratio adultes-enfants élevé, de petits groupes, de la formation et de l'éducation pour les gardiens, des espaces bien définis, une bonne relation entre le gardien et l'enfant et une participation importante des parents au programme de garde de l'enfant.

La plupart des conclusions de cette recherche sont présentées dans un numéro récent du Carnet du savoir publié par le Conseil canadien sur l'apprentissage, dont vous trouverez un exemplaire de la trousse d'information que je vous ai remise.

Des ententes intergouvernementales avaient été signées pour atteindre ces objectifs de qualité, dont l'entente-cadre multilatérale signée en 2003 et plus récemment, l'Accord bilatéral sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants, signé l'année dernière avec les provinces du Canada.

La loi proposée sur la prestation universelle pour la garde d'enfants, cependant, omet bon nombre de ces critères de qualité. En fait, le mot « qualité » n'apparaît même pas dans le document. Pour ce qui est de la disponibilité, ce projet de loi, qui correspond en gros à une allocation parentale, n'offre aucune garantie que les familles auront accès à des services de qualité. Par exemple, elle ne comprend aucune mesure pour répondre aux besoins urgents dans cette ville seulement, où 7 000 enfants sont sur des listes d'attente pour une place en garderie. En fait, il n'y a rien dans cette loi qui témoigne d'un engagement permanent et à long terme envers l'apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada. Nous avons désespérément besoin d'un engagement en ce sens dans notre pays, un engagement qu'il a pris, en fait, dans plusieurs accords internationaux. Nous pourrions enchâsser cet engagement dans une loi fédérale au Canada, mais ce n'est pas ce que fait ce projet de loi. De plus, le projet de loi ne propose aucun mécanisme de responsabilité.

Que fait-on, alors, pour les 3 millions d'enfants canadiens qui ont besoin d'un investissement fondamental dans les garderies? Nous devons être certains que l'investissement du gouvernement dans la garde d'enfants fera une différence pour eux. Comment le gouvernement sera-t-il responsable envers ces enfants, leurs familles et les contribuables du Canada? Le gouvernement sera-t-il en mesure de montrer, un an après l'entrée en vigueur de cette loi, que les enfants ont davantage accès à des services de garde à l'enfance de qualité ou qu'un plus grand nombre de familles ont réussi à améliorer considérablement leur niveau de vie? Comment les Canadiens feront-ils pour savoir que les choix faits en matière de garderie portent fruit? Compte tenu du nombre d'enfants qui sont confiés à d'autres personnes que leurs parents au Canada, de l'incidence économique des parents qui travaillent et de tout ce que nous savons sur l'importance des premières années dans le développement de l'enfant et du rôle que ces enfants joueront dans l'avenir et l'économie du Canada, il est impératif que la loi établisse des paramètres de qualité, de disponibilité et de responsabilité.

L'autre partie de ce projet de loi sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants concerne le transfert de fonds que le gouvernement précédent avait promis dans le cadre d'ententes bilatérales pluriannuelles. Elle marque la fin du financement prévu dans cette entente. En fait, ce projet de loi met un frein au plan visant à régler, à l'échelle nationale, les problèmes entourant la garde des enfants au Canada.

Nous savons que la formation des gardiens d'enfants et leur maintien en poste est un grand enjeu. Actuellement, dans les programmes sur la petite enfance, seulement 50p. 100 des étudiants inscrits restent dans le domaine en raison des bas salaires et des mauvaises conditions de travail.

Enfin, ce projet de loi marque la fin du financement de l'infrastructure nécessaire pour permettre ces programmes, pour les appuyer, pour l'achat et l'entretien de matériel, etc. Les provinces réagissent déjà à la fin de ce financement en annulant ou en réduisant radicalement leurs plans sur la garde d'enfants. Par exemple, la Saskatchewan a dû annuler son plan de programme de prématernelle universelle dont auraient profité les familles dont les parents travaillent ou restent à la maison.

Je n'ai pas parlé beaucoup de l'incidence économique d'un investissement ou d'un manque d'investissement dans des services de garde d'enfants de qualité. Ce n'est pas la spécialité de notre organisme. Cependant, les sénateurs qui font partie de ce comité ont la responsabilité d'examiner ce projet de loi, particulièrement ses incidences financières, et ils ont les compétences financières pour le faire. Dans ma trousse, j'ai apporté des renseignements que nous avons recueillis d'économistes chevronnés et je vais vous la laisser, mais en gros, les preuves sont claires. Pour ce qui est de la qualité des services de garde d'enfants, il faut payer tôt ou tard. Si les enfants reçoivent des services de piètre qualité et qu'ils souffrent de problèmes de développement, ceux-ci vont se répercuter sur nos systèmes de santé et d'éducation. Si les mères doivent quitter le marché du travail parce qu'elles ne peuvent pas s'offrir des garderies de qualité, nos pénuries de main-d'œuvre vont s'aggraver. Selon l'OCDE, le système hétéroclite du Canada pour les services de garde à l'enfance contribue déjà au déclin économique du pays.

Ce débat devient hautement politisé. Souvent, il est articulé de façon très artificielle et met en opposition les femmes qui travaillent avec celles qui restent à la maison. Cela ne rend justice ni aux familles canadiennes ni aux enfants canadiens. Je vous demande de saisir cette occasion pour vous élever au-dessus du débat et exiger des réponses aux questions difficiles que soulève ce projet de loi. Ce projet de loi reflète-t-il la réalité des familles d'aujourd'hui? Aura-t-il une incidence positive sur elles et sur le pays dans son ensemble?

Au nom de la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance et de nos 21 affiliés de tout le Canada, je vous remercie de nous avoir permis de contribuer ainsi à la discussion sur ce projet de loi.

Le président : Merci, madame Crossman. Nous avons votre documentation. Tous les sénateurs l'ont reçue. Nous pouvons vous assurer que nous l'avons bien consignée et que nous allons l'examiner attentivement.

Ken Battle, président, Caledon Institute of Social Policy : Je ne veux pas répéter ce que Mme Crossman a dit. À la place, j'aimerais me concentrer sur la prestation universelle pour la garde d'enfants, le principal volet du nouveau plan du gouvernement sur la garde d'enfants. Comme l'acronyme ne se dit pas très bien, je vais simplement l'appeler le programme de garde d'enfants.

J'aimerais faire valoir deux principaux arguments. Le premier, c'est que la prestation universelle pour enfants est un programme occulte dont les promesses ne seront pas respectées. Son nom ne sera même pas représentatif. Ensuite, c'est un programme profondément injuste, injuste pour la façon dont les prestations sont distribuées en fonction du revenu familial et injuste pour la façon dont il désavantage certaines familles par rapport à d'autres. Je vais vous expliquer comment.

Comme vous le savez, la prestation universelle pour la garde d'enfants va générer un versement de 100 $ par mois pour chaque enfant de cinq ans et moins à toutes les familles, quel qu'en soit le revenu. Elles vont recevoir des prestations mensuelles, comme pour la Prestation fiscale canadienne pour enfants, qui vont totaliser 1 200 $ par année. Cette prestation sera imposable pour le parent au plus faible revenu dans un couple et pour le chef d'une famille monoparentale. Elle sera financée en partie par l'abolition du supplément pour jeunes enfants de la Prestation fiscale canadienne pour enfants. Il s'agit d'un tout petit programme que très peu de gens connaissaient avant que le gouvernement décide de l'abolir. Cette année, il représentera 249 $ par année, en plus de la Prestation fiscale canadienne pour enfants ordinaire, pour les familles ayant des enfants de six ans et moins. Ce supplément sera éliminé afin de financer cette nouvelle prestation universelle pour la garde d'enfants.

Comme la prestation pour la garde d'enfants sera imposable, comme les autres grands programmes tels que l'assurance-emploi, le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse, on pourrait croire qu'il rendra la distribution de la prestation équitable. Autrement dit, on pourrait croire que plus le taux marginal d'imposition augmente, plus on paie d'impôt et plus la prestation nette diminue au fur et à mesure que le revenu augmente. En fait, ce n'est pas le cas.

C'est assez compliqué, et je ne peux pas bien vous l'expliquer maintenant. Cependant, vous pouvez le voir dans notre présentation. En gros, si l'on prend trois familles dont le revenu familial imposable est de 50 000 $ chacune, la famille à revenu unique paierait très peu d'impôt, parce que le conjoint à plus faible revenu n'aurait pas de revenu. Tout ce qui arriverait, c'est que le versement de 1 200 $ réduirait légèrement le crédit de personne mariée que la personne qui gagne un revenu pourrait réclamer. Pour les couples à deux revenus, supposons que le revenu se sépare entre 30 000 $ et 20 000 $. Le conjoint au revenu le plus bas, qui a un revenu imposable de 20 000 $, paierait de l'impôt sur la somme de 1 200 $. Un parent monoparental qui gagne 50 000 $, quant à lui, paierait de l'impôt sur la prestation universelle pour la garde d'enfants en fonction de son revenu total de 50 000 $. Cela signifie que c'est le couple à revenu unique qui recevrait la prestation la plus élevée après impôt, qu'il serait suivi du couple à deux revenus et que le parent monoparental serait celui qui aurait la prestation la moins élevée en bout de ligne. C'est une partie du problème.

Le deuxième problème vient de l'élimination du supplément pour jeunes enfants. En ce moment, ce sont surtout les familles à revenu faible ou modeste qui profitent du supplément pour jeunes enfants. Si l'on demande une déduction pour frais de garde d'enfants, comme le font la plupart des familles à revenu élevé, on devient inadmissible au supplément pour jeunes enfants. Si l'on tient compte de la perte non seulement du mécanisme d'assujettissement à l'impôt, mais aussi du supplément pour jeunes enfants, on se rend compte que les familles à faible revenu seront doublement touchées : d'abord, la plupart d'entre elles paieront de l'impôt sur le revenu aux gouvernements fédéral et provincial ou territorial, sur la somme de 1 200 $. Ensuite, elles perdront le supplément pour jeunes enfants. Les familles à revenu élevé ne perdront pas le supplément pour jeunes enfants, parce qu'elles ne le reçoivent pas à l'heure actuelle. Cependant, elles reçoivent une déduction pour frais de garde d'enfants, ce qui représente beaucoup plus pour elles.

Prenez le troisième graphique que je vous ai distribué. Vous y voyez l'exemple de quatre différents types de familles et de la répartition de la prestation nette du nouveau programme pour elles. À gauche, vous voyez la situation des familles bénéficiaires de l'aide sociale. La partie supérieure de la barre, en pâle, correspond à la perte du supplément pour jeunes enfants. Ces familles recevront 1 200 $, mais elles perdront 249 $, ce qui leur laissera une prestation nette de 951 $. Cela correspond à la partie foncée de la barre.

Le deuxième type de famille est celui des parents monoparentaux qui gagnent 20 000 $, le cas type d'une famille monoparentale. Une telle famille perdra le supplément pour jeunes enfants de 249 $. Elle paiera aussi 183 $ en impôt fédéral et de l'Ontario. Je prends l'exemple de l'Ontario ici, mais ce sera semblable dans les autres provinces. La prestation nette pour cette famille sera de 768 $.

La troisième barre représente un couple à deux revenus qui gagne 40 000 $ en tout. Cette famille perdra le supplément pour jeunes enfants et paiera 310 $ en impôt sur le revenu. En bout de ligne, elle recevra 641 $. Finalement, le couple à revenu unique de 250 000 $ paiera 229 $ de plus en impôt. Il ne perdra pas de supplément pour jeunes enfants et obtiendra 971 $ au final.

Les familles qui reçoivent la prestation la plus élevée après impôt sont donc celles des couples à revenu unique de 250 000 $. Elles recevront une prestation plus élevée qu'une famille bénéficiaire de l'aide sociale. La famille pauvre du parent monoparental qui gagne 20 000 $ recevra moins que la famille bénéficiaire de l'aide sociale, ce qui signifie que le mur du bien-être social que nous essayons d'abaisser grâce à la Prestation fiscale canadienne pour enfants augmentera de nouveau. Du coup, cela va dissuader des personnes de travailler plutôt que demander de l'aide sociale.

Selon ces exemples, les familles qui toucheront la prestation la plus basse après impôt sont celles des couples à deux revenus qui gagnent 40 000 $. Le revenu moyen d'un couple à deux revenus est d'environ 90 000 $ en ce moment, c'est donc une famille à revenu très modeste.

Vous pouvez voir ce qui se passe. La répartition de la prestation nette en fonction du revenu familial n'a aucun bon sens; elle n'est pas adaptée au revenu. Dans la plupart des cas, les couples à revenu unique sont avantagés par rapport aux parents monoparentaux ou aux couples à deux revenus.

Que pouvons-nous faire pour remédier au problème? Les choses doivent-elles être ainsi? Non, et je vais terminer sur cette note. La prestation universelle pour la garde d'enfants est une erreur tragique, je serai très franc. C'est l'une des pires mesures rétrogrades de politique sociale prise au Canada que j'ai vue dans ma carrière, et il y a déjà une vingtaine d'années que j'échange avec les sénateurs et les députés.

Il n'était pas nécessaire de procéder ainsi. Si le gouvernement avait pris ces 1 200 $ et qu'il les avait ajoutés à la Prestation fiscale canadienne pour enfants de base, un programme très efficace et bien connu qui reçoit l'appui de tous les ordres de gouvernement et de toutes les parties, presque toutes les familles, sauf les familles à revenu très élevé, auraient reçu 1 200 $, qu'elles auraient gardés. C'est une prestation non imposable. Les familles n'auraient pas perdu le supplément pour jeunes enfants, elles n'auraient pas à payer de l'impôt sur le revenu sur la prestation et elles recevraient toutes une aide de 1 200 $. Cela aiderait particulièrement les familles à faible revenu. Le montant total de la prestation serait passé, dans le contexte de la Prestation fiscale canadienne pour enfants actuelle, à environ 4 600 $ au maximum, plutôt qu'à 1 200 $, ce qui se rapproche de l'objectif de 5 000 $. Cela aurait beaucoup amélioré les prestations pour enfants des familles à revenu modeste et moyen. Mesdames et messieurs les sénateurs, c'est ainsi que le gouvernement aurait dû gérer la prestation pour la garde d'enfants. Cependant, ce n'est pas ce qu'il va faire et par conséquent, nous allons nous retrouver aux prises avec l'un des pires programmes sociaux que j'ai vus dans ma carrière.

Le président : Merci, monsieur Battle. Madame Wilson, la parole est à vous.

Leslie Wilson, vice-présidente, Wee Watch : Bonjour, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs. Je m'appelle Leslie Wilson et je représente une société nommée Wee Watch, enriched home child care. Nous regroupons des agences de garderies en milieu familial autorisées de l'Ontario et de la Colombie-Britannique. Nous existons depuis presque 20 ans et chaque jour, nous accueillons plus de 3 000 enfants dans environ 1 200 maisons.

Aujourd'hui, nous sommes ravis des initiatives mises de l'avant par le gouvernement Harper. Nous estimons que l'idéal pour un enfant est d'être éduqué dans son propre foyer par ses propres parents. Ce gouvernement le reconnaît et il est prêt à récompenser les parents qui sont en mesure de rester à la maison. Évidemment, pour diverses raisons, ce n'est pas pratique pour toutes les familles qu'un parent reste à la maison. Nous croyons que notre système favorise le fait que l'enfant reste à la maison. La prestation de 1 200 $ proposée par le gouvernement contribuera à combler l'écart entre les services de garde non réglementés et non autorisés et des services autorisés. Les parents pourraient peut-être dorénavant s'offrir ce type de service plutôt que de recourir à un particulier, surtout s'il se fait offrir des incitatifs fiscaux en ce sens. Cela aidera également les parents à faire un choix bénéfique pour leur enfant. Les autres systèmes qui ont été proposés auraient permis de créer des places, mais les parents auraient-ils pu se les offrir ou y avoir accès? Il y a un urgent besoin de garderies autorisées et abordables pour les enfants de moins de deux ans.

La garde en milieu familial peut contribuer à combler ce vide. Cet argent doit s'assortir de conditions. D'abord et avant tout, nous devons nous assurer qu'il sert à la garde d'enfants et qu'il ne devient pas un paiement comme l'ancienne allocation familiale. Il a été établi que le système de garde d'enfants du Canada avait besoin d'aide. Nous pensons qu'il doit y avoir des incitatifs lorsque de l'argent est investi dans des services autorisés, soit en milieu familial comme dans notre cas, soit dans des centres autorisés.

Le but ultime est le bien-être de nos enfants. Nous devons veiller à ce qu'ils reçoivent des programmes adéquats et la stimulation requise pendant leurs premières années d'apprentissage. Wee Watch a créé un régime d'apprentissage, le Wee Learn System, qui vise à permettre aux enfants de progresser à leur propre rythme de l'âge de 12 mois jusqu'à leur entrée à l'école.

Il faut également réfléchir aux services subventionnés par un programme provincial dont peuvent bénéficier certaines personnes. Devraient-elles recevoir cet argent si elles reçoivent déjà des services autorisés pour moins de 100 $ par mois? Cet argent ne pourrait-il pas plutôt servir à accueillir d'autres enfants qui sont sur les listes d'attente des provinces? Nous aimerions nous exprimer sur la somme de 250 millions réservée pour créer de nouvelles places en garderie. Selon nos renseignements, il en coûte environ 5 000 $ pour créer une place dans une garderie institutionnelle. En milieu familial, peu d'infrastructure est requise et le coût est bien en deçà de 1 000 $ pour créer une place. Il faut réfléchir à tous les scénarios.

Le plus souvent, les grands centres urbains ne tiennent pas absolument pas compte des garderies en milieu familial autorisées dans leurs plans d'expansion. Notre modèle est de loin le plus efficace. Il offre aux parents l'accès à beaucoup plus de places dans des garderies autorisées à un coût abordable. De plus, la réglementation actuelle incite les personnes à ne pas demander d'autorisation de garder des enfants plutôt qu'à travailler pour une agence. Le modèle d'autorisation doit être revu en fonction des normes d'aujourd'hui.

Les besoins de garde ont augmentés au fil des ans puisque les parents d'aujourd'hui peuvent travailler en partage d'emploi ou par quarts de travail. Les garderies en milieu familial offrent des services à temps partiel et à temps plein et peuvent s'adapter à différents quarts de travail. Il est encourageant de savoir qu'un enfant qui a besoin de services de garde pendant la nuit peut être gardé dans un milieu familial supervisé et autorisé. Nous espérons que grâce à cette initiative budgétaire, nous pourrons réduire l'écart et aider les parents à s'offrir des services de garde autorisés pour leurs enfants ainsi qu'à en comprendre la valeur.

Le président : Merci, madame Wilson. Madame Landolt, la parole est à vous.

Gwendolyn Landolt, vice-présidente nationale, REAL Women of Canada : Honorables sénateurs, c'est un grand plaisir pour moi d'être ici aujourd'hui, parce que c'est une question qui a toujours intéressé au plus haut point notre organisme, qui a été créé en 1983. Nous sommes d'avis que la politique gouvernementale doit rester neutre concernant le choix de carrière des femmes. La politique publique doit traiter les femmes à la maison et les femmes en milieu de travail également. Par conséquent, les politiques économiques doivent être équilibrées et équitables plutôt que d'exercer une discrimination contre les choix personnels des familles, notamment en ce qui concerne la garde d'enfants et surtout, la décision qu'un parent reste à la maison à temps plein pour s'occuper de la famille.

Nous croyons que la meilleure option consiste à verser des prestations pour enfants directement aux parents pour leur permettre de choisir le type de garde qu'ils souhaitent en fonction des besoins de l'enfant et des valeurs familiales, comme le favorise le projet de loi C-13. Les parents devraient recevoir des crédits fiscaux pour enfants égaux, quel que soit le type de service de garde qu'ils choisissent, que les enfants soient gardés à la maison ou ailleurs.

Il est grave que les politiques qui avantagent la garde des enfants dans les garderies gouvernementales engendrent une discrimination contre les parents qui font d'autres choix à cet égard. L'Institut Vanier de la famille a conclu, dans une étude parue en février 2005, que 90 p. 100 des Canadiens croyaient qu'il était idéal que dans une famille de deux parents, un parent reste à la maison pour s'occuper des enfants. Les garderies institutionnelles figuraient loin, au cinquième rang, lorsque les Canadiens ont répondu à la question de savoir qui devrait de préférence s'occuper de leurs enfants d'âge préscolaire. Au premier rang venait la situation où le parent s'occupe de son enfant; au deuxième rang venait la garde par les grands-parents; au troisième rang, la garde par un autre membre de la famille; au quatrième rang, les garderies en milieu familial et au cinquième rang, les garderies institutionnelles.

Le projet de loi C-13 reflète ces valeurs canadiennes. Même au Québec, où il existe un système de garderie gouvernemental et syndiqué, la plupart des gens préfèrent toujours qu'un membre de la famille s'occupe de leurs enfants. Les parents montrent qu'ils se préoccupent de la garde de leur enfant, c'est important, parce que de plus en plus de parents décident de confier leurs enfants à un membre de la famille. Entre 1995 et 2001, la proportion d'enfants gardés par un membre de la famille est passée de 22 à 32 p. 100, ce qui représente une hausse de 10 p. 100. Les inscriptions en garderies institutionnalisées ont augmenté elles aussi, mais beaucoup moins; elles sont passées de 20 à 25 p. 100.

En février 2005, Statistique Canada signalait que 53 p. 100 des enfants de moins de cinq ans recevaient des services de garde non parentaux d'une forme ou d'une autre. Ce chiffre peut être très trompeur, parce que seulement 13,1 p. 100 des enfants se trouvaient en garderie, alors que 47 p. 100 des jeunes enfants restaient à la maison avec leurs parents pendant que l'un d'eux travaillait ou étudiait. Les autres enfants, soit environ 40 p. 100, sont gardés par des membres de la famille, des amis ou des gardiens privés.

Le projet de loi C-13 traite tous les choix également et ne pénalise pas financièrement les parents qui font un choix plutôt qu'un autre en favorisant un groupe d'enfants canadiens. Il importe de souligner un point crucial dont personne ne parle jamais. Quel serait le coût de la garde d'enfants si nous mettions en place un programme de garderie national comme le proposait le gouvernement précédent? Examinons un peu la situation et constatons la gravité de la situation.

En 1986, le Groupe d'étude sur la garde des enfants estimait dans son rapport que le coût d'un programme de garderie national serait de 11,32 milliards de dollars par année. En 1999, un document de travail fédéral du ministère de la Santé, qui a été divulgué en raison d'une fuite, concluait qu'un tel programme coûterait, à ce moment-là, entre 12 et 15 milliards de dollars par année. Un programme de garderie national drainerait une part toujours grandissante des budgets fédéraux futurs, tout comme notre programme d'assurance-maladie. Les militants en faveur de la garde d'enfants universelle prennent l'assurance-maladie et le système universel d'éducation comme modèles pour leur soi- disant programme de garde et d'éducation des jeunes enfants.

La décision concernant la garde des enfants incombe aux parents et aux parents seulement. Il ne revient pas au gouvernement de prendre cette décision. Ce sont les parents qui doivent décider si leurs enfants doivent être gardés à la maison par un parent ou un autre membre de la famille, dans une garderie privée, dans un centre communautaire, religieux ou ethnique ou dans une garderie gouvernementale. C'est aux parents de faire ce choix.

Un plan de garderie national doit faire beaucoup plus que de financer des places en garderie commerciale. Il doit reconnaître les besoins des enfants et les soins que les enfants reçoivent des parents. La garde parentale des jeunes enfants est le plan de garde des enfants le moins cher qui soit. Un programme de garderie comme celui que propose le projet de loi C-13 reconnaîtrait cet apport des parents comme il se doit. Il n'est pas discriminatoire, mais totalement équitable. D'autres changements doivent toutefois s'opérer. C'est certainement un très bon départ que l'argent aille aux parents et que les parents choisissent comment leurs enfants seront éduqués. C'est absolument essentiel. Il est clair que c'est la façon de faire canadienne. Laissons les parents, plutôt que l'État, s'occuper des enfants.

Le président : Merci beaucoup. Avec votre permission, nous allons maintenant laisser les sénateurs poser des questions. Je vous propose de commencer par le parent de ce projet de loi au Sénat, le sénateur Angus.

Le sénateur Angus : Premièrement, je souhaite remercier les témoins qui sont ici ce matin.

Ce débat est indéniablement complexe. Il dure depuis un certain temps. J'ai beaucoup appris à la lecture de votre documentation. Bien que vous ayez des contraintes de temps, je pense que chacun d'entre vous a réussi à résumer très bien ses positions.

S'il est possible de simplifier le sujet, ce débat concerne les différentes façons de voir la garde des enfants au Canada et d'offrir des services en ce sens. Comme la partie de hockey d'hier soir, c'est une partie nulle. Je ne sais pas s'il est injuste de le dire, mais je vais le faire quand même : personne n'a nécessairement absolument raison. Tout dépend de la politique publique et de la façon dont on voit les choses. Je pense que Mme Landolt a été très claire dans la façon dont elle a décrit la situation de son point de vue; de même, la position avancée par M. Battle et Mme Wilson était très convaincante.

Voici ma question aux deux premiers témoins : avez-vous été surpris de voir cette stratégie dans le budget?

Mme Crossman : Je pense que cela faisait partie de la campagne de M. Harper. En ce sens, nous n'avons pas été surpris. Cependant, nous nous sommes toujours attendus à être consultés sur le programme de garderie, comme nous sommes le plus grand organisme voué à la garde d'enfants au Canada. En ce sens, nous avons été étonnés que tout arrive si vite, sans consultation. Nous avons bon espoir de pouvoir travailler à une solution avec le gouvernement, surtout concernant l'autre partie du projet de loi, qui n'est pas prévue dans le budget de cette année. Nous voulons en arriver à un certain compromis pour qu'il y ait des garanties que les places financées soient des places de qualité. En réponse à votre question, nous n'avons pas été surpris.

Le sénateur Angus : Non?

Mme Crossman : Nous n'avons pas été surpris.

Le sénateur Angus : Je tiens à vous remercier de cette réponse candide, parce que le débat s'est amorcé pendant la campagne électorale. D'après mes souvenirs, M. Harper et son équipe disaient avoir créé des groupes de consultation et fait des études. À leur avis, à tort ou à raison, la majorité des Canadiens favorisaient cette option, à tout le moins parmi diverses solutions. Par conséquent, comme ils l'avaient promis, ils l'ont inscrite dans le budget, pour le meilleur et pour le pire. Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est la mise en œuvre de cette étude. Je ne pense pas vraiment qu'il soit juste de venir leur demander de la changer. Ils ont été élus grâce à ce programme.

Votre offre de travailler en étroite collaboration avec le gouvernement est bien notée, et les fonctionnaires s'en réjouissent. Ce ne doit pas nécessairement devenir un débat ouvert et enflammé d'un bout à l'autre du pays. Je pense que vous allez constater que les fonctionnaires de ce gouvernement sont très ouverts au dialogue constant. Vous aurez d'autres occasions de traduire votre point de vue au scrutin si vous restez en désaccord avec eux.

Nos ressources sont limitées. Certains gouvernements peuvent vouloir investir davantage dans l'infrastructure; d'autres, dans la recherche et le développement. En fin de compte, cependant, tout est une question de politique publique. Parfois on a raison, parfois on a tort.

Mme Crossman : Si je peux me le permettre, j'aimerais commenter votre remarque que les Canadiens ont voté pour ce plan, pour ce gouvernement minoritaire. Les trois autres partis qui ont fait campagne avaient tous de grands programmes de garderie dans leur plateforme. Je ne suis pas certaine qu'il y a eu des sondages et des groupes de consultation. Chose certaine, notre organisme n'a pas été consulté, ni aucun des organismes avec lesquels nous sommes en contact, ni les parents des centres de la petite enfance liés à notre organisme. Je voulais seulement le mentionner.

Le sénateur Angus : Je pense que nous connaissons très bien votre point de vue, et qu'il a très bien été exprimé. Personnellement, je vis à Montréal. Il y a des personnes autour de moi, dans mon milieu de travail, qui ont des enfants devant être pris en charge. Ils ne sont pas nécessairement en désaccord avec vous sur cette question, ni en désaccord avec le gouvernement Charest. Il y a une dame assise dans cette pièce en ce moment qui sympathise sûrement avec votre position. En même temps, il faut reconnaître qu'il faut faire des choix. C'est la vie. Tout le projet de loi C-13, ses 186 pages et ses 13 chapitres, porte sur des choix à différents égards.

Le ministre est venu ici hier soir. Il n'aurait pas pu être plus ouvert. Il a dit que les Canadiens étaient surtaxés, surimposés et qu'ils ne recevaient pas assez d'aide. Nous faisons de notre mieux. C'est notre première mouture. Je tiens à ce que vous en soyez conscients. Nous respectons beaucoup vos opinions, nous voulons les entendre et bien faire les choses à long terme. Je vous remercie beaucoup d'être venus ici.

Le président : Monsieur Angus, le temps file. Puis-je inscrire votre nom au second tour?

Le sénateur Angus : Oui.

Le président : Le suivant est le sénateur Eggleton, qui a été porte-parole au Sénat à ce chapitre.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais vous parler d'un sujet chaud dans les médias et qui intéressera probablement Mme Landolt. Selon un sondage d'Environics dont les résultats ont été publiés ce matin, la plupart des gens voudraient des libéraux et de leur plan et non du plan conservateur. Environ 50 p. 100 des répondants ont dit qu'ils voulaient d'un système national sur l'apprentissage des jeunes enfants, contre 35 p. 100 qui ont dit qu'ils préféraient un système d'allocation familiale.

J'aimerais demander aux deux personnes parmi vous qui appuyez ce plan conservateur votre point de vue sur le coût des services de garde. Les renseignements dont je dispose sont ventilés selon les différents groupes d'âge. Le plan prévu dans ce projet de loi ne prévoit des services que jusqu'à l'âge de six ans. Dans toutes les provinces, dans tout le pays, on a besoin de centaines de dollars de plus par mois que ce que ce plan peut nous offrir. Bien sûr, ces 100 $ par mois sont imposables. Comme M. Battle l'a montré dans son troisième graphique, cette prestation a des incidences disproportionnées sur les personnes qu'elle aide. Elle n'aide pas les personnes à revenus faibles ou modestes autant que les personnes à revenus élevés.

Comment conciliez-vous la différence entre ce plan et celui qu'il remplace, un plan que tous les gouvernements provinciaux ont appuyé, des gouvernements de toutes les allégeances politiques. Comment pouvez-vous en arriver à appuyer un plan aussi loin de permettre d'absorber les coûts?

Mme Landolt : D'abord, monsieur Eggleton, il n'est peut-être pas tout à fait exact de dire que toutes les provinces appuient ce plan. Chaque province semble avoir une vision différente. Il a été entendu que la province obtiendrait plus d'argent pour la garde des enfants, mais nous n'avons pas su comment elle l'utiliserait ni à quelles fins il servirait. Cela n'a jamais été très clair. Avez-vous déjà vu une province refuser de l'argent qui lui était servi sur un plateau d'argent? C'est exactement ce qui s'est passé. Elles ont toutes signé, mais elles n'étaient pas nécessairement d'accord avec ce que le gouvernement libéral avait en tête, soit un plan de garderies national. L'Alberta a dit non; l'argent serait allé aux mères au foyer. Le Nouveau-Brunswick a dit la même chose. Certaines provinces voulaient réinvestir cet argent ailleurs. Cela ne correspond pas tout à fait à ce que doit être un plan de garderies national.

Vous dites que la prestation n'est que de 100 $. C'est beaucoup pour une famille qui a des enfants. Elle reconnaît l'intégrité des parents et de leur décision.

Nul au monde ne connaît mieux ses enfants que le parent. Nul au monde ne prend plus soin des enfants que les parents. Le régime conservateur est le premier à affirmer que les parents ont une dignité et des droits dans ce domaine. Le gouvernement conservateur promet de faire ce qu'il peut pour les appuyer dans leur choix, quel qu'il soit. Ainsi, la famille pourrait décider de placer son enfant dans une garderie subventionnée par l'État. Personne ne s'y oppose. D'autres parents pourraient préférer de confier leur enfant à la dame qui habite en face ou à la grand-mère. Ce pourrait être n'importe qui. Un parent pourrait aussi demeurer à la maison pour prendre soin de ses enfants. On traite les parents avec dignité et respect. Voilà ce qui, en plus d'un soutien pécuniaire, importe vraiment. C'est pourquoi nous appuyons le programme.

Le sénateur Eggleton : Le sondage publié ce matin fait bien ressortir que les Canadiens souhaitent avoir des places en garderie. Bien des parents sont inscrits sur une liste d'attente pour en obtenir une. Ce n'est pas facile. Les parents affirment qu'ils souhaitent obtenir pour leurs enfants des services de qualité. Pour eux, ce n'est pas tant un service de garde que la possibilité d'apprentissage en bas âge, et la meilleure façon de l'obtenir selon eux aurait été le régime qui a été mis en place et qui, soit dit en passant, prévoyait des normes de base. Quand le régime a été négocié, le gouvernement fédéral n'a pas dit : « Dépensez cet argent comme vous voulez ». Les provinces avaient certains critères de base à respecter. Même Ralph Klein y a adhéré et il n'était très heureux quand il a appris du nouveau gouvernement fédéral que ce régime était aboli.

Mme Landolt : Sénateur Eggleton, j'aurais deux remarques à faire à propos de ce que vous avez dit. Tout d'abord, en ce qui concerne les parents qui sont inscrits sur une liste d'attente, je sais qu'un des témoins qui m'a précédée a affirmé qu'il y avait 7 000 noms sur une liste d'attente. À nouveau, il faut s'interroger. Les gens inscrivent le nom de leurs enfants sur des listes d'attente de toutes sortes. Ils font des inscriptions multiples, mais ils ne font jamais retirer les noms. On a tort de croire que ces listes d'attente représentent la demande de places en garderie. Ce n'est pas du tout le cas.

Si l'on examine les données, il faut s'arrêter à ce que souhaitent les parents. Nous sommes au courant de l'étude de l'institut Vanier. Vous avez dit que vous disposiez des données d'un sondage libéral. Les sondages existent, mais ils ne se ressemblent pas.

Le sénateur Eggleton : Ce n'est pas un sondage libéral.

Mme Landolt : Nous savons que le programme électoral conservateur en matière de soins à l'enfance a été exceptionnellement bien accueilli. Vous ne pouvez pas le nier.

Le sénateur Eggleton : Plus de 60 p. 100 des Canadiens ont voté contre ce programme.

Mme Landolt : Vous ne pouvez l'interpréter ainsi. Ils ont choisi le régime proposé par les conservateurs qui respecte le choix des parents. Voilà, selon moi, comment il faut l'interpréter. Les parents ont montré que leur cinquième choix est une place en garderie subventionnée par le gouvernement. Les parents souhaitent avoir le choix. Nul ne leur impose la décision. Or, dans le cadre du régime national libéral, les parents n'avaient pas le choix. C'est une insulte à l'intégrité des parents.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais interroger M. Battle au sujet de la figure 3. Vous avez nettement fait ressortir l'impact qu'aurait d'après vous la prestation selon différents niveaux de revenu et différents scénarios. La figure 3 est un tableau étonnant. Vous laissez entendre qu'en fait, si les parents reçoivent 1 200 dollars par année, il faut inclure ce montant dans la prestation fiscale pour enfants. C'est bien cela?

M. Battle : Oui. Comme l'a dit le sénateur Angus, la question est compliquée. Nul ne prétend le contraire. Simplement pour renforcer la notion, je précise que la prestation universelle pour la garde d'enfants n'est pas un programme de garderie, loin de là. Pourtant, le gouvernement fédéral y investit la plus grande partie de ses fonds. Nous n'en connaissons pas encore les effets, en termes de création de places en garderie. Il faut prévoir une certaine croissance du nombre de places, mais la plus grande partie des fonds sera injectée dans ce programme, qui n'a rien à voir avec les garderies; il s'agit d'une prestation pour enfants. Comme l'actuelle Prestation fiscale canadienne pour enfants, une famille peut décider de dépenser cet argent comme elle l'entend : pour ses enfants ou pas; pour des services de gardiennage de tous genres ou ailleurs, et ainsi de suite.

La question à se poser est de savoir quoi faire. Manifestement, c'est là une des cinq priorités du gouvernement. C'est la façon dont le gouvernement a insisté pour agir. Nous avons pour principe, sénateurs, qu'il s'agit d'une prestation pour enfants. Considérons le programme comme un programme de prestation pour enfants. Considérons-le en termes de progrès accomplis au fil des ans pour créer un meilleur régime.

L'ancienne allocation familiale comportait certains des mêmes défauts que ce programme. Au fil des ans, tant les partis conservateur que libéral se sont efforcés de faire évoluer les prestations pour enfants jusqu'au point où en est l'actuelle prestation fiscale canadienne pour enfants, axée sur le revenu. Elle traite chaque genre de famille exactement de la même façon. À revenu égal, prestation égale.

Vous pouvez constater que la prestation universelle pour la garde d'enfants est un recul. C'est une mesure rétrograde parce qu'elle nous ramène au conflit entre la fiscalité axée sur le revenu individuel et les programmes sociaux axés sur le revenu familial.

Nous avons donc eu pour approche : le gouvernement ira de l'avant avec ce régime de toute façon. Nous sommes de chauds partisans d'une amélioration des prestations pour enfants. Faisons-la grâce à la prestation fiscale canadienne pour enfants.

C'est ironique. Mettez de côté pour l'instant l'aspect « orientation » et arrêtez-vous à l'aspect politique. Le gouvernement fédéral aurait pu créer une situation où beaucoup plus de gens auraient été gagnants s'il avait investi cet argent dans la prestation fiscale canadienne pour enfants. Il aurait pu dire : a) nous faisons un net progrès dans la lutte contre la pauvreté infantile, parce que l'avantage total conféré par les 1 200 $, plus l'actuelle prestation fiscale canadienne pour enfants, aurait été d'au plus 4 600 $ environ, ce qui est très près des 5 000 $ qui, selon la plupart des experts, est la cible pour avoir un régime adéquat de prestations pour enfants. On aurait aussi bonifié les prestations de familles qui ne sont pas pauvres, mais qui n'ont pas vu leurs prestations fiscales pour enfants augmenter depuis de nombreuses années. Voilà le véritable problème. Nous ne voulons pas d'un régime de prestation pour enfants dans le cadre duquel nous passons notre temps à offrir des augmentations aux familles à faible revenu sans jamais aider les familles à revenu plus élevé. Grâce aux 1 200 $, nous aurions pu le faire. Si nous avions inclus les 1 200 $ dans la prestation fiscale pour enfants de base, le seuil auquel les familles n'auraient plus eu droit aux prestations aurait été de 160 000 $ environ. En d'autres mots, 90 p. 100 des familles auraient reçu une prestation pour enfants bonifiée. On aurait pu gagner du terrain dans la lutte contre la pauvreté infantile et dans l'augmentation de la sécurité de revenu des familles qui ne sont pas pauvres.

Ironiquement, le nouveau programme continuera d'être administré dans le cadre de la prestation fiscale canadienne pour enfants de toute façon. Les familles auraient pu recevoir un chèque sur le talon duquel on aurait pu lire : « Prestation fiscale canadienne pour enfants, montant X; Prestation universelle pour la garde d'enfants, montant Y ». En d'autres mots, les familles auraient pu constater sur le talon de chèque les prestations; toutes les familles auraient vu les 1 200 $. Tel que le programme est actuellement conçu, comme nous l'avons dit, pas une seule famille ne touchera 1 200 $ par année.

Le président : Je veux inscrire le nom du sénateur Eggleton sur la liste des intervenants pour le deuxième tour de table.

Le sénateur Eggleton : J'étais sur le point de proposer que nous envisagions un amendement au projet de loi à l'étude.

Le président : Il sera question d'amendement quand nous ferons l'étude article par article, sénateur Eggleton.

Le sénateur Eggleton : Ils passent leur temps à frapper les personnes à revenu faible et modeste, que ce soit en augmentant les impôts ou...

Le président : Silence, je vous prie! Pouvons-nous continuer?

Le sénateur Stratton : Merci, monsieur le président. J'aimerais souligner qu'il est 10 heures moins 12 et que nous devons faire l'étude article par article.

Le président : Nous accueillons un autre groupe de témoins à 11 heures.

Le sénateur Stratton : D'autres personnes qui sont ici en ce moment doivent assister à d'autres réunions qui débutent à 11 h 30. Je vous serais donc reconnaissant de respecter l'horaire prévu.

Le président : Je vous remercie de ces propos.

Le sénateur Stratton : Je suis contre la formule universelle. Je crois qu'il faut qu'il y ait des choix. Il faudrait que les familles aient des options à leur disposition, selon moi, et nous ne devrions pas obliger tout le monde à adopter la même solution. C'est là un principe fondamental, et il existe peut-être une différence d'ordre philosophique entre les deux camps qui est à l'origine de tout ce débat.

Si l'on s'arrête à l'idée du programme universel, il convient bien aux familles qui habitent dans un centre urbain ou qui ne travaillent pas par postes. Toutefois, les familles des collectivités rurales et éloignées n'ont pas forcément accès à des garderies. Les parents qui travaillent par postes n'ont pas forcément accès à des garderies. Je crois qu'il s'agit là d'une option qui permet aux familles d'aller ailleurs pour obtenir des services de garde pour leur enfant.

Ma question s'adresse à Ken Battle ou à Lana Crossman. Que répondez-vous aux familles de localités éloignées et rurales et aux travailleurs par postes, qui n'ont pas accès aux garderies? Les garderies sont ouvertes de neuf à cinq. Il faut régler ces problèmes.

Mme Crossman : Il y a parfois un malentendu au sujet des garderies; il ne s'agit pas forcément d'un centre situé dans un milieu urbain. Les services de garde offerts d'un bout à l'autre du pays sont très différents. Il n'y a pas de modèle universel. Nous avons beaucoup de familles qui ont recours à des organismes comme Wee Watch, par exemple, ce que peut attester Mme Wilson. Il existe aussi des programmes pour les enfants d'âge préscolaire.

Même en milieu rural — et au sein de notre conseil, nous avons des membres qui représentent les régions rurales, éloignées et nordiques —, il se fait du travail innovateur au sein des localités pour offrir des services de garde selon l'infrastructure en place. Le programme gravite autour d'une école, d'un centre communautaire ou d'une maison. Ces programmes auraient pu obtenir des fonds dans le cadre du programme national qui était offert par le gouvernement précédent.

On parle souvent de services de garde « institutionnels » ou « dirigés par l'État ». Cela ne reflète pas la réalité de ce qui se passe dans nos localités, qui participent au centre et dont les parents font partie des conseils d'administration. Ces centres ne sont pas dirigés par l'État. Le gouvernement les subventionne, mais les parents participent activement à ce qui se passe dans les services de garde de leurs enfants. Si vous entrez dans ces centres, vous pourriez voir un fournisseur de soins aider un enfant à s'installer pour faire sa sieste ou panser une blessure au genou. On est loin du centre institutionnel. Les services de garde de qualité sont tout sauf institutionnels.

Le sénateur Stratton : La question est de savoir comment régler ce problème. Il ne semble pas être forcément généralisé.

Je vous respecte. C'était une bonne réponse. Je me réjouis d'entendre ce qui se fait dans les régions rurales et éloignées. Mon problème, c'est que cela se passe seulement en périphérie. Je ne crois pas que, lorsque le gouvernement d'alors a mis de l'avant son régime, il a vraiment tenu compte de ceux qui n'y ont pas accès et qui n'ont pas de choix. L'enjeu fondamental est une question de choix.

Le sénateur Murray : Vous devriez lire l'accord de principe qui a été signé par les provinces. Il comporte des modalités particulières à cet égard.

Le sénateur Stratton : J'en suis conscient. Je parle du principe fondamental d'avoir le choix. Il faudrait avoir le choix. Les parents devraient l'avoir.

Le sénateur Rompkey : Tout d'abord, j'aimerais faire des observations au sujet de la différence entre le milieu rural et le milieu urbain. J'ignore à quel point le milieu rural se porte bien dans d'autres régions du Canada, mais chez moi, il se vide rapidement. Une centaine de personnes ont quitté Harbour Breton, sur la côte méridionale de Terre-Neuve, depuis quelques mois. Elles sont allées vivre à Fort McMurray. Je soupçonne que, lorsque les femmes s'installeront là- bas, elles voudront avoir des services de garde. Elles vont habiter là pour se trouver du travail. Laisser croire que le milieu rural se porte bien et que tout ce qu'il faut, c'est donner de l'argent aux mères qui demeurent à la maison, revient à mon sens à nier la réalité, du moins dans ma région.

J'ai deux questions à poser à M. Battle. Tout d'abord, ce que j'entends ne revient pas forcément à une question de choix entre deux programmes ou politiques. Ce que j'entends concerne deux visions différentes du Canada. Vous laissez entendre qu'il existe toutes sortes de choix. Vous pouvez abolir le programme de garderies et revenir au Canada d'il y a quelques décennies, lorsque les femmes demeuraient au foyer et élevaient les enfants.

Ma fille a deux enfants, âgés de quatre et de deux ans, et elle demeure à la maison, mais elle utilise certes les services d'une garderie. Pourquoi le fait-elle? Parce qu'elle sait que l'éducation sociale est importante. Les enfants ne peuvent pas obtenir une éducation sociale à la maison. Comment pouvez-vous vivre avec vos pairs si vous ne côtoyez que des adultes?

Deuxièmement, en ce qui concerne la question du coût de la garderie, il existe un vieil adage selon lequel, si vous croyez que l'éducation coûte cher, attendez de voir combien coûte l'ignorance. Il faut faire cet investissement, non seulement pour les études secondaires ou de niveau postsecondaire, mais dès la petite enfance. Si nous ne le faisons pas, nous ne pourrons pas livrer concurrence, à long terme, aux pays qui, eux, le font.

Le sénateur Nancy Ruth : Je suis d'accord avec une partie de ce que chacun d'entre vous a dit. Je ne m'intéresse pas particulièrement au projet de loi à l'étude comme tel, mais je m'intéresse aux choix et à la provenance des fonds.

Je m'intéresse davantage à l'apprentissage dès la petite enfance qu'aux garderies. Je crois effectivement que si nous n'apprenons pas tôt dans la vie, nous en payons le prix plus tard. Où prévoyez-vous trouver les fonds?

Je crois également que les parents devraient avoir le droit de choisir, qu'il faut que les travailleurs de garderie soient accrédités, que les services soient prodigués à la maison ou ailleurs. Votre suggestion, M. Battle, me plaît.

Que ferez-vous? Couperez-vous tous les fonds au ministère de la Défense nationale pour payer l'apprentissage dès la petite enfance? Où trouverez-vous les fonds?

[Français]

Le sénateur Fox : Les intentions sont bonnes, mais tel que l'a démontré le document de Mme Crossman et de M. Battle, il y a des déficiences sérieuses. Elles me font penser à l'expression anglaise « fundamentally flawed ». Des erreurs circulent autour de la table.

Prenons les ententes avec les provinces : celle avec le Québec se chiffrait à 200 millions de dollars par année, somme que le présent gouvernement mettra de côté à partir de l'an prochain. Ces ententes ne sont pas du prêt-à-porter mais plutôt du taillé sur mesure. Les provinces ont toutes sortes de possibilités de développer leur propre programme dans ces ententes. Dire que c'est du prêt-à-porter, c'est nier les textes signés avec les provinces. D'ailleurs, ceux-ci respectaient la juridiction des provinces. C'est carrément écrit dans le préambule de l'entente avec le Québec. Cela encourageait les provinces dans cette direction. Le gouvernement actuel investit plus d'argent dans la création de cellules dans les pénitenciers que pour la création de places dans les garderies, c'est un non-sens.

Nous parlons de moyen terme et non pas de court terme. C'est une question de confiance pour le gouvernement. Si notre comité avait le malheur d'amender la moindre virgule de ce projet de loi, le gouvernement accuserait notre comité de vouloir empêcher les Canadiens de recevoir leur 100 $ par mois, dès le premier juillet. Il serait porté à faire une élection sur le dos du Sénat. Il faut regarder vers le moyen terme et non pas vers le court terme en tenant compte de la réalité politique. Comment entendez-vous développer votre position auprès du gouvernement? L'intention est bonne. Si nous devions créer un groupe de consultation qui demanderait aux Canadiens s'ils veulent plus d'argent dans leurs poches — je ne suis pas un expert dans ce domaine — ils vont probablement dire oui : On aimerait avoir les 100 $ de plus. Cela ne veut toutefois pas dire que nous développons un bon système de garderie au Canada.

Comment s'y prend-on pour s'assurer que les positions extrêmement cartésiennes développées dans votre documentation puissent influencer le gouvernement au-delà de l'idéologie et trouver une solution qui réponde vraiment aux besoins des enfants de ce pays?

[Traduction]

Le président : Pouvez-vous commenter un des points soulevés? Il ne nous reste pas beaucoup de temps, mais toute observation de votre part serait bien accueillie.

M. Battle : Il a été question de donner le choix aux parents. Pour en revenir à mon exemple du chef de famille monoparentale qui gagne 20 000 $ par année, le gouvernement va lui verser 1 200 $ par année. Ensuite, il va retrancher 249 $ de la prestation fiscale canadienne pour enfants, et le parent paiera 183 $ d'impôt. Il se retrouvera, à la fin, avec 768 $. Est-ce bien le choix que vous voulez donner à cette personne en termes de services de garde?

Mme Wilson : Je crois que le budget permet aux parents de faire un choix qu'ils n'auraient peut-être pas eu auparavant. Lorsque l'argent pose un problème à certains parents pour obtenir des services de garderie accrédités, le budget à l'étude leur donne maintenant le moyen de faire le bon choix. Les parents ne manquent pas d'options, que ce soit des garderies de jour, du gardiennage à la maison ou des services de garde assurés par des particuliers. Il faut simplement les éduquer pour qu'ils explorent tous ces choix et qu'ils en comprennent les avantages et les désavantages.

Mme Landolt : En ce qui concerne les services de garderie coûteux, certains ont parlé de normes, mais nul ne s'est arrêté à ce qu'étaient ces normes. Ainsi, le Québec, qui a un programme universel de garderie à sept dollars par jour, exige la présence d'un travailleur par cinq enfants de moins de 18 mois. Il n'y a pas une femme au monde qui pourrait faire du bon travail dans ces circonstances. Elle ne peut pas les éduquer du tout. Tout ce qu'elle peut faire, c'est de faire de son mieux, mais toute femme qui prend soin de cinq enfants de 18 mois pendant une certaine période n'y arrivera pas. Les normes sont faibles en raison du coût élevé des services de garderie.

Je veux en revenir au point selon lequel on souhaite que les enfants apprennent dès le plus jeune âge. Quelle insulte pour les parents! Ils sont parfaitement capables d'éduquer leurs enfants à la maison. Du fait qu'ils sont parents, ils n'en sont pas pour autant ignorants et stupides. Les enfants ont besoin de leurs parents à la maison et ils peuvent être tout aussi bien éduqués à la maison qu'à la garderie, surtout lorsqu'il n'y a qu'un travailleur par cinq enfants. Il est absurde et tout à fait irréaliste d'affirmer que les enfants ont besoin d'une éducation qui ne peut être fournie que par la garderie. C'est le seul point que je tenais à faire valoir.

Mme Crossman : Je vais me consacrer au point soulevé par le sénateur Nancy Ruth au sujet du coût et de la façon de l'assumer. De toute évidence, ce ne sont pas les fonds qui font défaut puisqu'ils sont prévus ici, dans le projet de loi à l'étude. Il y a de l'argent. De plus, le gouvernement précédent s'était engagé, sur le plan financier, à au moins jeter les bases d'un réseau de garderies. L'argent existe, et c'est un investissement rentable. Les données révèlent que, pour chaque dollar investi dans la petite enfance, on en tire un dividende de 2 $. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de ne pas agir.

Quant à ce qu'a dit le sénateur Fox, c'est un problème parce qu'il semble y avoir un affrontement d'idéaux, mais je demeure optimiste et crois que nous pouvons aplanir ces difficultés parce qu'il faut tenir compte de la réalité des familles d'aujourd'hui. Nous allons donc travailler de concert avec vous à trouver des solutions et à surmonter les obstacles.

Le président : Je remercie chacun d'entre vous : Mme Crossman, M. Battle, Mme Wilson et Mme Landolt. Au nom du Sénat du Canada, nous vous sommes très reconnaissants d'avoir pris la peine de venir ici pour nous aider à cerner cette question.

Chers collègues, nous allons maintenant entendre le deuxième groupe de témoins prévu ce matin. Il est question du projet de loi C-13, soit de la loi de mise en œuvre du budget de 2006. Nos prochains témoins viennent nous parler d'une des questions découlant de ce projet de loi, soit des enjeux stratégiques auxquels donnent lieu les taxes à la consommation par rapport à l'impôt sur le revenu.

C'est donc avec plaisir que j'accueille, au nom du Sénat du Canada, les témoins que voici : M. Dale Orr, directeur général des services macroéconomiques canadiens de Global Insight Canada, M. John Williamson, directeur fédéral de la Fédération canadienne des contribuables, et M. Niels Veldhuis, directeur associé des études fiscales au Fraser Institute.

Messieurs, je vous demanderais de limiter vos déclarations à cinq minutes environ, après quoi nous passerons aux questions. Les sénateurs ont tendance à avoir beaucoup de questions à poser, et nous avons tendance à nous concentrer sur les questions qui ont de l'importance à nos yeux dans le cadre de l'examen du projet de loi à l'étude.

Dale Orr, directeur général, Services macroéconomiques canadiens, Global Insight Canada : J'aimerais d'abord faire quelques observations au sujet de certains principes concernant les réductions d'impôt. Les répercussions d'une réduction d'impôt sur l'économie peuvent s'évaluer selon différents points de vue, mais les plus importants sont la productivité et la répartition des revenus.

Je vais vous parler de taxes à la consommation et de l'impact de la réduction de la TPS sur la productivité. Je vais me concentrer sur la priorité du gouvernement conservateur qui est de réduire la TPS. Pour ce qui est de stimuler une croissance de la productivité dans l'économie canadienne, il aurait difficilement pu trouver une solution plus désastreuse. Pire encore, en réduisant de seulement 1p. 100 la TPS, à un coût fiscal faramineux de 5 milliards de dollars par année, le gouvernement renonce à beaucoup de recettes fiscales. D'autres façons de réduire les taxes, au même coût fiscal, auraient pu offrir sensiblement plus de stimulants à devenir membre de la population active, à travailler et à accroître autrement la productivité et le rendement économique du Canada.

Une réduction de la TPS stimule effectivement, de manière indirecte, l'adhésion à la population active et le travail, puisqu'elle fait augmenter indirectement la récompense du travail en augmentant le pouvoir d'achat des consommateurs. Il faut également souligner qu'au sein d'une économie de 1,5 billion de dollars, l'affectation de 5 milliards de dollars par année à une réduction de la TPS, plutôt qu'à une réduction de l'impôt sur le revenu, n'aura pas d'effet marqué sur le rendement du Canada, sur le plan de la productivité, ce dont il faut s'estimer heureux. Toutefois, le gouvernement a prévu une série de réductions de la TPS, plus particulièrement, par opposition à une réduction du plus faible taux marginal d'imposition qui aurait été susceptible d'avoir un impact plus favorable sur la productivité.

Si l'on s'arrête à la réduction de la TPS et à son impact sur la répartition du revenu, j'aurais quelques observations à faire qui résument le document que j'ai distribué, par souci d'économie de temps. Il est vrai qu'il existe des particuliers et des familles dont le revenu est si faible qu'ils profiteront d'une baisse de la TPS, mais qu'ils ne profiteraient pas d'une exemption personnelle de base plus généreuse ou d'une réduction du plus faible taux marginal d'imposition du revenu. Toutefois, pour les familles qui ont des revenus très modestes, par exemple moins de 20 000 $ de revenu familial par année, les avantages d'une réduction de 1 p. 100 de la TPS sont effectivement très faibles, certainement inférieurs à 10 $ par mois environ. La plupart des familles dont le revenu se situe dans la fourchette allant de 20 000 $ à 60 000 $ profiteraient plus d'une réduction du montant personnel de base et d'un plus faible taux marginal que d'une réduction de la TPS à un coût fiscal équivalent. La plupart des familles ayant un revenu familial de plus de 80 000 $ environ profiteront plus d'une baisse de 1 p. 100 de la TPS que de réductions équivalentes du montant personnel de base et du plus faible taux marginal d'imposition.

Arrêtons-nous aux réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers. La majoration à 9 039 $ du montant personnel de base pour 2006 et la baisse du plus faible taux marginal d'imposition de 16 à 15, mises en œuvre par le gouvernement libéral en novembre 2005 représentaient selon moi des baisses d'impôt aux avantages très louables, tant sur le plan de la productivité que sur celui de la répartition du revenu. Heureusement, le budget de 2006 a maintenu à 60 p. 100 à peu près ces réductions. Je suis confiant que, dès que le permettra le contexte budgétaire, le gouvernement conservateur augmentera le montant personnel de base et abaissera le plus faible taux marginal d'imposition.

La réduction du plus faible taux marginal d'imposition est une des stratégies de réduction de l'impôt les plus efficaces tant pour aider les familles à faible revenu que pour les inciter davantage à travailler. Un abaissement du plus faible taux marginal d'imposition réduit très sensiblement le fardeau fiscal des contribuables aux plus faible revenus. Essentiellement, du côté du taux d'imposition du revenu des particuliers, les réductions d'impôt les plus efficaces pour encourager les gens à travailler sont les réductions des taux marginaux. Les économistes soulignent que les stimulants sont touchés par des changements apportés aux taux marginaux. En réduisant le taux marginal d'imposition, on accroît l'encouragement à faire partie de la population active, à travailler, à faire plus d'heures supplémentaires, à suivre de la formation ou à faire des études en vue d'obtenir un emploi plus rémunérateur et de demeurer au Canada. Pour chaque heure ou chaque jour travaillé, une réduction du taux marginal d'imposition du revenu des particuliers accroît le salaire net.

J'aimerais maintenant vous exposer quelques-unes de mes conclusions et recommandations. Quand le gouvernement modifie le régime fiscal, il devrait accorder beaucoup plus la priorité à l'impact de ce changement sur l'encouragement à faire partie de la population active et à travailler, tant à court terme qu'à plus long terme. Pour avoir un impact maximal sur le régime d'incitatifs, il faut adopter des mesures claires, cohérentes et parfois audacieuses. À titre d'exemple, une réduction générale de chaque taux marginal d'imposition du revenu des particuliers, si elle est importante et soutenue, pourrait être très avantageuse sur le plan de la productivité et de la croissance économique à long terme. Les changements fiscaux qui encouragent davantage à épargner sont parmi les facteurs de croissance de la productivité les plus efficaces, sur le plan personnel. L'élimination de notre précieuse marge de manœuvre fiscale en se concentrant sur des baisses de la TPS et sur plusieurs petits crédits d'impôt ciblés fera très peu pour renforcer l'économie canadienne. Heureusement, sur le plan de la productivité, le budget de 2006 prévoit le crédit pour emploi et il n'a pas complètement aboli la réduction du plus faible taux marginal d'imposition, tel que prévu à l'origine.

Il faut également souligner qu'on peut faire beaucoup pour accroître la productivité du côté des dépenses de programmes. La croissance de la productivité et la réduction de l'impôt ne représentent pas un tout hermétique. Manifestement, certaines des dépenses prévues dans le budget de 2006 peuvent accroître la productivité de manière très efficace.

Pour ce qui est des réductions d'impôt, cependant, je suis optimiste que le gouvernement actuel accordera des baisses d'impôt qui favorisent davantage la croissance de la productivité et du revenu au cours des années à venir.

Le président : Monsieur Orr, je vous remercie. Nous avons reçu deux publications qui ont été distribuées à tous les sénateurs. Je vous suis reconnaissant d'essayer de respecter la limite de temps.

John Williamson, directeur fédéral, Fédération canadienne des contribuables : Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui. La Fédération canadienne des contribuables est un organisme sans but lucratif et impartial de revendication consacré aux baisses d'impôt, à une réduction du gaspillage et à une plus grande responsabilisation gouvernementale.

La question qui se pose aujourd'hui est une notion importante : quel moyen faut-il privilégier, des taxes à la consommation ou de l'impôt sur le revenu? La plupart des économistes seront d'accord pour affirmer qu'il est préférable de réduire l'impôt sur le revenu que d'abaisser les taxes à la consommation. Ils émettent une réserve, cependant, qui a été omise du débat durant la campagne électorale, quand les conservateurs ont pour la première fois annoncé qu'ils abaisseraient la TPS. Donc, la baisse d'impôt est préférable seulement si vous réduisez les taux marginaux supérieurs d'imposition.

Selon moi, les stimulants économiques découlant des réductions libérales de l'impôt sur le revenu, qui auraient abaissé de 16 à 15 p. 100 le taux applicable à un revenu de 36 000 $ environ, et de l'augmentation de 700 $ du montant personnel de base, selon le calendrier choisi, avaient à peu près le même impact sur la productivité. C'était de bonnes mesures visant à redistribuer aux contribuables les surplus budgétaires. Cependant, elles n'offrent pas les bienfaits en termes de croissance économique dont parlent tout de suite les économistes lorsqu'il est question de réduire les taux marginaux d'imposition. Quand le débat a débuté, c'est pourquoi notre organisme a rapidement fait remarquer que la proposition des conservateurs visant à réduire la TPS d'abord d'un point de pourcentage, puis d'un autre point, ne faisait pas, grosso modo, augmenter la productivité plus que la proposition déjà prévue visant à réduire seulement les taux d'imposition du revenu au bas de l'échelle économique.

C'est le point important à retenir parce que, trop souvent, le principe général selon lequel une baisse d'impôt sur le revenu vaut mieux qu'une baisse de la taxe à la consommation sème la confusion. Dans un monde idéal, nous souhaiterions abaisser ces taux marginaux supérieurs, mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. Nous vivons dans un monde politique où il faut se contenter des propositions qui nous sont faites.

Je suppose que, selon certains, il faudrait attendre, pour abaisser l'impôt, d'avoir un plan parfait. À vrai dire, s'il fallait attendre le plan parfait d'allègement fiscal, les Canadiens ne sont pas près de voir leur fardeau fiscal baisser, vous en conviendrez peut-être avec moi.

Avant le budget de 2006, nous avions rapidement souligné que les personnes qui gagnent entre 20 000 $ et 85 000 $ seraient plus avantagées par les mesures libérales de réduction d'impôt sur le revenu que par une baisse de la TPS. En fait, même une famille à double revenu gagnant 100 000 $ aurait été plus avantagée.

Le budget de 2006 a beaucoup fait pour conserver plus ou moins les mesures libérales qui avaient été annoncées dans la mise à jour économique de 2005. Les conservateurs l'ont fait tout d'abord en prévoyant un crédit d'impôt à l'emploi qui ressemble beaucoup à l'actuel montant personnel de base. Le nouveau taux d'imposition s'appliquant aux revenus allant jusqu'à 36 000 $ est de 15,5 p. 100 par opposition à 15 p. 100. Nous avons qualifié cette mesure d'augmentation d'impôt, naturellement, alors que le gouvernement parle de baisse d'impôt. Je ferai remarquer que lorsque vous passez de 15 à 15,5 p. 100, c'est un taux qui augmente, non pas qui baisse. Le débat se poursuit.

Je vais m'arrêter ici. Le point que je tiens à souligner, c'est qu'en termes des deux propositions de réduction d'impôt qui sont sur la table, ni l'une ni l'autre n'était meilleure pour accroître la productivité du Canada ou renforcer ses fondements économiques. Les deux régimes représentent une façon louable de rendre aux contribuables les surplus budgétaires. Quand le gouvernement fédéral affiche des surplus variant entre 8 et 12 milliards de dollars par année, rendre ces excédents aux contribuables est un but méritoire en soi.

Niels Veldhuis, directeur associé, Études fiscales, Institut Fraser Institute : J'aimerais remercier le comité de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. C'est pour moi un grand honneur. Bien que je représente l'Institut Fraser, je rappelle aux membres du comité que les opinions que j'exprime aujourd'hui sont les miennes. La plupart de mes arguments sont résumés dans un document intitulé « Cut the Right Taxes » que j'ai soumis au comité.

Avant d'aborder ce sujet, je vous rappelle que l'an dernier, la famille canadienne moyenne a versé 36 650 $ d'impôt. De toute évidence, un allègement fiscal s'impose. Votre comité souhaite entendre des témoins lui dire quels impôts, selon eux, devraient être réduits. Comment répondre à cette question? Je vais avancer qu'il faut se concentrer sur deux critères d'allègement fiscal : tout d'abord, l'efficacité économique et, ensuite, la compétitivité sur le plan fiscal.

Commençons par l'efficacité. Le premier critère devrait être de savoir si la réduction fiscale envisagée rend l'économie plus efficace. Qu'est-ce que cela veut dire? Cela signifie qu'il faut encourager une plus grande épargne, plus d'investissement, une plus grande population active, l'entreprenariat et tout ce qui améliore notre économie.

L'effet incitatif des différents genres de baisse d'impôt est le mieux résumé dans un document de travail qui a été présenté au ministère fédéral des Finances. Je vais m'arrêter à trois d'entre eux.

Le premier est l'impôt sur l'investissement. Il est question ici d'intérêts, de dividendes et de gains en capital. La réduction de ce genre d'impôt entraîne une croissance de l'épargne à cause des rendements accrus. Une plus grande épargne signifie un plus faible coût du capital dont ont besoin les entreprises et, par conséquent, plus d'investissements.

Le deuxième est l'impôt sur le capital. Ce sont les impôts sur le revenu des entreprises et les impôts sur le capital. Une réduction de ces impôts accroîtra également le taux de rendement après impôt, abaissant ainsi le coût du capital pour les entreprises et stimulant l'investissement.

Le troisième est la taxe à la consommation. En réduisant la taxe à la consommation, on fait baisser le coût de la consommation, ce qui encourage à augmenter les dépenses plutôt qu'à épargner. L'importance de l'épargne et de l'investissement est cruciale dans ce débat parce que, comme nous le savons, l'épargne entraîne de l'investissement, qui à son tour finance l'achat de machinerie, d'équipement et de tout le matériel qui rend les travailleurs plus productifs et, partant, mène à des augmentations salariales.

Beaucoup de recherche économique s'est faite depuis les années 1970 en vue d'évaluer le coût des différents impôts. Deux des études les plus citées ont été faites par des économistes de l'université Harvard et du ministère fédéral des Finances. Toutes les études que j'ai vues qui visaient à mesurer le coût des différentes taxes révèlent que l'imposition du revenu des sociétés, les taxes d'affaires, les impôts sur le capital et l'impôt sur le revenu des particuliers sont celles qui nuisent le plus à l'économie, dans un rapport de trois pour un presque. Par exemple, si l'on relève de un dollar l'impôt sur le revenu des sociétés, l'économie perd 1,55 $. Si l'on augmente de un dollar le coût de la taxe de vente, l'économie perd 17 cents. De toute évidence, pour améliorer l'économie, il faut se concentrer sur le rendement et les incitatifs économiques. L'allègement du fardeau fiscal des entreprises et des particuliers devrait donc primer.

Le second critère que j'utilise pour évaluer l'allègement fiscal est la compétitivité sur le plan fiscal. Ainsi, on compare le régime fiscal du Canada à celui d'autres pays pour voir comment sont générées les recettes. Le Canada a recours au genre de taxes les plus nuisibles sur le plan économique — soit l'impôt sur le revenu et la taxe sur le profit — beaucoup plus que la plupart des autres pays de l'OCDE. En fait, le Canada tire 46 p. 100 de ses recettes de ces taxes nuisibles, contre une moyenne de 34 p. 100 au sein de l'OCDE. Du point de vue de la compétitivité fiscale, par conséquent, nous devons clairement réduire le recours aux impôts sur le revenu et sur les profits qui nuisent à l'économie et accroître le recours à des taxes à la consommation, moins dommageables.

En guise de conclusion, les Canadiens devraient profiter énormément d'un allégement fiscal. Les analyses économiques révèlent que nous devrions nous concentrer sur la réduction de l'impôt sur le revenu des entreprises et des particuliers plutôt que sur une réduction des taxes à la consommation.

Le président : M. Veldhuis, je vous remercie. L'article publié par vous et M. Jason Clemens dans le Fraser Forum a été distribué à tous les membres du comité. Je vous suis reconnaissant de l'avoir mis à notre disposition.

Le sénateur Angus : Messieurs, je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Ai-je raison de supposer que vous êtes conscients de ce qu'a dit le ministre des Finances devant notre comité hier?

M. Orr : Non. Je suis désolé.

Le sénateur Angus : Il nous a exposé sa vue du monde et du budget. Selon lui, les Canadiens sont terriblement surtaxés, et l'actuel gouvernement projette de réduire les impôts.

Comme je l'ai demandé à des témoins qui vous ont précédé, avez-vous été étonné par les mesures qui ont été annoncées dans le budget, conscient bien sûr de ce qu'avait déclaré M. Harper durant la campagne électorale?

M. Orr : En fait, la surprise a été d'apprendre que l'économie était un peu plus forte au moment où a été fait l'exposé économique de novembre qu'au dépôt du budget en mai. Quatre ou cinq milliards de dollars supplémentaires de dividendes fiscaux étaient disponibles en novembre et ne l'étaient plus lorsque les conservateurs ont rendu public leur plan budgétaire en janvier. Ils ont affecté les deux tiers environ de ces quatre ou cinq milliards de dollars à réduire les baisses d'impôt sur le revenu des particuliers annoncées par les libéraux, mais moins que ce qu'ils avaient annoncé au début. J'avais espéré qu'ils utiliseraient l'argent à cette fin, et ils en ont utilisé à peu près les deux tiers à cet effet. Il y eut quelques autres points, mais la plupart de ces mesures figuraient dans le plan budgétaire conservateur de janvier.

Le sénateur Angus : Il a été question hier des surplus cachés. Pourriez-vous commenter le recours à cette pratique pour gérer nos finances?

M. Veldhuis : Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de se préoccuper autant du niveau des surplus que de ce que nous en faisons. Nous souhaitons avoir des prévisions budgétaires raisonnables et le recours à des prévisions établies par le secteur privé est certes à encourager, mais la question la plus importante doit être ce que nous allons faire de ces surplus. La réponse, c'est qu'il faut examiner la quantité de taxes payées par les Canadiens. Quarante-six pour cent presque de notre revenu sont consacrés à des taxes de tous genres. Manifestement, ces surplus devraient être consacrés à rendre leur argent aux Canadiens qui on payé les taxes.

Le sénateur Angus : Vous conviendrez sans doute également qu'ils devraient être divulgués, qu'on devrait faire preuve de transparence?

M. Williamson : Tout à fait. Les excédents cachés signifient que le débat sur la façon dont cet argent doit être utilisé n'a pas lieu, que vous vouliez le dépenser ou encore réduire les taxes. Lorsqu'un surplus est enregistré à la fin de l'année, il est appliqué au service de la dette en vertu de la loi, ce qui, à plus long terme, nous permet de réduire la dette et les frais d'intérêts. Aujourd'hui, nous économisons de 3 à 4 milliards de dollars par année grâce à la réduction de la dette. Toutefois, sous l'angle de la politique publique, il est très préférable d'avoir une idée des surplus qui seront réalisés au cours d'une année financière que de découvrir ces surplus à la fin de l'année. Je crois que le gouvernement actuel s'est engagé à faire la lumière sur les prévisions d'excédents.

Le sénateur Angus : Le ministre a consulté des économistes du secteur privé et a lui-même été ministre des Finances de l'Ontario. Il a admis que, de l'avis des experts, on ne doit pas réduire une taxe à la consommation comme la TPS sans diminuer également l'impôt sur le revenu. Au cours de la campagne électorale, on avait promis de réduire la TPS de 1 p. 100 à compter du 1er juillet et d'un autre point l'an prochain. Le ministre a indiqué que l'impôt sur le revenu était aussi réduit, soit par des crédits, soit par d'autres mesures, pour un total de près de 20 milliards de dollars sur une période de deux ans.

Ne seriez-vous pas d'accord pour dire qu'il faut un certain équilibre entre la réduction des taxes et la diminution de l'impôt sur le revenu des particuliers?

M. Williamson : Je suis un peu plus critique à l'égard du plan des conservateurs. Oui, ces derniers se sont engagés à tenir leurs promesses électorales, et c'est important. En cette époque où la population fait preuve de beaucoup de cynisme à l'égard des politiciens, il importe d'être fidèle à ses promesses. Je les félicite à cet égard.

Je crois que le budget est trop axé sur l'utilisation des crédits d'impôt : si vous avez des enfants qui font du sport ou si vous utilisez le transport en commun, vous profiterez d'un allégement fiscal; il y a aussi une série de crédits pour les pêcheurs, les gens de métier et d'autres. À mon avis, il vaut mieux réduire simplement les taux marginaux dans leur ensemble pour offrir une réduction à tout le monde. C'est ainsi qu'on peut stimuler l'économie et garantir une plus forte productivité demain.

Toutefois, ce que vous dites est juste. Suite au dépôt du budget de 2006, aucun contribuable au pays ne s'en trouvait plus mal et ce, grâce à un agencement entre la réduction de la taxe à la consommation, le crédit d'impôt à l'emploi et le nouveau taux. Ceux qui ont la chance d'être admissibles aux crédits s'en portent encore mieux.

Notre organisation considère que le budget de 2006 est un travail à parfaire. Le gouvernement n'avait que trois mois pour le produire. Le véritable test sera le budget de 2007, lorsqu'il commencera à envisager un allègement fiscal généralisé et à mettre en œuvre sa proposition concernant l'impôt sur les gains en capital, qu'on est encore à mettre au point, je crois.

Le sénateur Angus : Ils l'ont dit très clairement.

M. Williamson : Oui.

Le sénateur Angus : Il y a toute une réaction en chaîne lorsqu'on joue avec la structure fiscale très complexe que l'on trouve au Canada. On doit penser à tous les effets produits. Le comité sénatorial des banques a demandé pendant des années une réduction de l'impôt sur les gains en capital en raison de la concurrence internationale, dont vous avez parlé également. Le Canada est très désavantagé par rapport à son voisin du sud, ce qui entraîne l'exode des cerveaux. Nous devons rectifier le tir et vous serez heureux d'apprendre que le ministre a dit clairement hier que le gouvernement considérait que nous étions terriblement surtaxés et qu'il devait corriger la situation.

Le sénateur Eggleton : En choisissant de réduire la TPS plutôt que l'impôt sur le revenu, le gouvernement tient évidemment promesse, mais il a fait un mauvais choix. Ce qu'ont dit les trois experts ici le confirme. Monsieur Orr, votre document, que j'ai lu en entier, et votre rappel à la réalité m'ont impressionné. Vous avez tous très bien contribué à ce débat. Puisque nous avons déjà établi que c'était le mauvais choix, j'aimerais aborder d'autres facteurs ici.

Concernant le facteur de prudence, le Globe and Mail écrivait le 3 mai dernier que nous pourrions nous approcher dangereusement du gouffre déficitaire encore une fois. Le ministre des Finances a répondu « Vous avez eu ces énormes excédents pendant tout ce temps ». J'aimerais parler précisément du facteur de prudence. Si l'économie est secouée, que ce soit par le SRAS, une devise asiatique ou peu importe, nous devons être en mesure d'éviter une situation déficitaire. Je ne crois pas que les Canadiens souhaitent revenir en arrière. J'aimerais que vous nous parliez tous du facteur de prudence.

J'aimerais aussi vous poser des questions sur l'innovation et la recherche. Au début du mois, David Crane, du Star, a écrit que le Canada était l'un des rares pays d'importance qui n'avait pas de stratégie en matière d'innovation et qu'il s'agissait d'une importante lacune dans le programme du gouvernement Harper pour l'avenir. En fait, la mise à jour économique du gouvernement précédent, de l'automne dernier, prévoyait des investissements de 2 milliards de dollars dans la Fondation canadienne pour l'innovation et l'Institut canadien de recherches avancées. Ces sommes ont disparu du budget actuel. Comme M. Crane l'indique, on peut s'inquiéter ici d'une lacune importante dans la planification économique qui pourrait nuire à notre compétitivité et notre productivité futures.

J'aimerais entendre vos commentaires sur le facteur de prudence et la question de l'innovation et de la recherche.

M. Veldhuis : Le Canada a un grave problème sur le plan de l'investissement. Il est derrière la plupart des autres pays développés au chapitre de l'investissement et de l'innovation. Nos taux d'imposition très élevés sur le capital et l'investissement en sont probablement la principale raison. En fait, le taux marginal d'imposition sur l'investissement de capitaux au Canada est le deuxième plus élevé, juste derrière celui de la Chine. Nous ne pouvons nous attendre à ce que les entreprises et les particuliers investissent et innovent si nous ne les encourageons pas à le faire.

M. Orr : Permettez-moi de faire un commentaire sur le budget de 2006, ou plutôt sur l'approche des conservateurs en matière de prudence par rapport à l'approche que les libéraux ont adoptée à partir du milieu des années 90. Je dirais que les deux approches sont semblables. Je ne me préoccuperais pas outre mesure de la différence entre les deux.

Les budgets antérieurs établissaient un fonds de prévoyance. Les conservateurs disent qu'ils affecteront 3 milliards à la réduction de la dette dans le cadre de ce fonds. Ce sont des approches équivalentes.

Avant le budget de 2006, les libéraux avaient une mesure de prudence économique qui était de 1 milliard de dollars la première année, puis 2 milliards de dollars, puis 3 milliards de dollars. Je dirais qu'heureusement cette année, dans ce budget, il n'y avait pas tout à fait 1 milliard de dollars la première année et pas tout à fait 2 milliards de dollars l'année suivante. Il faudra examiner attentivement les budgets futurs pour garantir qu'ils affichent un excédent, après la mise de côté de 3 milliards de dollars pour la réduction de la dette, ou du moins 1 milliard de dollars la première année et 2 milliards de dollars l'année suivante. Dans ce cas, ce sera une mesure de prudence équivalente à ce que nous avions par le passé, ce qui est au moins suffisant, à mon avis.

Certains prétendent que nous pouvons nous permettre d'être moins prudents que par le passé, puisque nous avons réduit notre dette. Je dirais que cette différence est sans importance par rapport à tout ce que nous devons traiter et l'orientation que nous prenons en matière de politique fiscale.

Concernant la stratégie en matière d'innovation, nous pourrions certainement faire mieux. Toutefois, je ne crois pas qu'il faille créer un plus grand nombre d'institutions gouvernementales. Pour l'amour du ciel, c'est presque contradictoire de dire, d'une part, que nous allons créer une économie axée sur l'innovation et, d'autre part, que nous allons établir une institution gouvernementale et donner plus d'argent à celle-ci et à celle-là. Il faut réduire l'impôt des sociétés, réduire l'impôt pour les taux d'amortissement, réduire l'impôt sur le capital. D'excellents travaux ont été réalisés sur cette question, notamment par le C.D. Howe Institute. Plusieurs pages du budget de 2006 montrent que notre taux marginal d'imposition sur l'investissement est très élevé par rapport à celui d'autres pays développés. Nous devons réduire les taux d'imposition sur l'investissement. C'est très important. Je dis qu'il faut réduire ces impôts plutôt que de créer d'autres instituts gouvernementaux pour l'innovation ou d'injecter des sommes supplémentaires dans les instituts existants.

Le sénateur Murray : Monsieur Orr, vous devriez peut-être revenir lorsque nous discuterons de la loi fédérale sur la responsabilité et de la création de nouvelles institutions. Chose surprenante de la part d'un gouvernement conservateur, le gouvernement Harper a proposé une loi qui viserait à accroître la responsabilité du gouvernement devant le Parlement, en créant une foule de nouveaux postes d'agents du Parlement ou en donnant plus de pouvoir et plus d'argent à ceux qui existent déjà, comme le sénateur Cools me le rappelle.

Concernant les surplus, certains d'entre nous ont dénoncé un gouvernement précédent, avec raison je crois, pour une pratique qui s'est répandue pendant un certain temps et qui consistait à créer, soit par une loi spéciale, soit par la Loi sur les corporations canadiennes, de nouvelles fondations vers la fin de l'année financière et à y injecter des surplus; c'était certainement à des fins légitimes, sauf que les fondations avaient très peu, voire aucun compte à rendre au Parlement et tout le reste.

Il y a moins d'un an, nous avons été particulièrement choqués lorsque, en vertu du projet de loi C-48, d'importantes sommes d'argent ont été injectées sans que l'on sache à quoi elles devaient servir — des millions pour les Affaires indiennes, des millions pour le logement et ainsi de suite. M. Flaherty a reconnu hier soir — très laconiquement, mais il l'a reconnu quand même — que lui et son gouvernement injectaient maintenant des sommes d'argent en vertu de ce même projet de loi C-48 que nous avions dénoncé.

J'ai écouté M. Orr parler de prudence et de surplus. J'ai toujours trouvé discutable l'idée d'enfermer un gouvernement dans un carcan, comme le gouvernement précédent l'a fait, même pour une répartition en trois parts égales — vous vous rappellerez qu'un tiers du surplus devait servir à réduire les impôts, un tiers allait au remboursement de la dette et un tiers était injecté dans de nouveaux programmes. Je ne crois pas qu'il faille enfermer les ministres dans un carcan.

Monsieur Veldhuis et monsieur Williamson, quel serait, dans les circonstances actuelles, le meilleur choix à faire : rembourser la dette, abaisser les impôts ou créer de nouveaux programmes.

M. Veldhuis : Nous devons faire une distinction entre les excédents qui sont prévus et ceux qui ne le sont pas. Tous les excédents imprévus devraient servir à réduire la dette. On libère ainsi des ressources l'année suivante qui peuvent être utilisées pour rendre le Canada plus compétitif, par des allègements fiscaux ou d'autres mesures que le gouvernement en place juge prioritaires. Les excédents imprévus devraient servir à diminuer la dette.

Les surplus structurels, comme M. Williamson et moi-même l'avons mentionné précédemment, résultent de la façon dont les gouvernements structurent leurs budgets. Il faudrait établir de meilleures prévisions et faire appel au secteur privé à cet effet.

M. Williamson : Je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur. Le projet de loi C-48 est et continue d'être une bête politique, le produit d'un gouvernement minoritaire. Il sera là tant que nous aurons un gouvernement minoritaire. Vous avez raison de dire qu'on s'en sert pour mettre de l'argent de côté et payer des groupes spéciaux. Le projet de loi C-48 avait trois pages au total, en comptant la traduction.

Le sénateur Murray : Combien d'argent était-ce, vous rappelez-vous?

M. Williamson : Cela va me revenir, mais c'était beaucoup. C'était l'excédent prévu au-delà de 3 milliards de dollars. C'était un chèque en blanc, également.

Toutefois, je ne crois pas que la Loi sur la gestion des finances publiques doit être modifiée. Je suis d'accord avec M. Veldhuis pour dire qu'un excédent à la fin de l'année doit être utilisé pour rembourser la dette, sans que des questions ne soient posées, et ce pour deux raisons : premièrement, c'est une bonne politique; deuxièmement, compte tenu des principes comptables que nous utilisons, c'est-à-dire que l'argent est inscrit dans l'année où vous avez l'intention de le dépenser, puis vous le dépensez; si vous commencez à vous éloigner de ce principe, comme le projet de loi C-48 le fait, il devient problématique et beaucoup plus difficile de retracer cet argent et de voir comment il a été dépensé au cours de l'année financière pour laquelle il avait été affecté. La comptabilité et le suivi deviennent beaucoup plus difficiles.

Pour que la réduction de la dette devienne un objectif plus ciblé, notre organisation a suggéré de mettre en œuvre un échéancier d'élimination annuelle de la dette. Cette mesure avait reçu l'appui du Parti conservateur lorsqu'il était dans l'opposition, mais il n'a rien fait dans ce sens depuis qu'il est au pouvoir et je ne crois pas qu'il le fera. Une partie des recettes serait ainsi affectée chaque année à l'élimination de la dette; ce pourrait être 1 p. 100 ou encore 5 p. 100. C'est ce qu'a fait l'Alberta pour éliminer sa dette. Je crois que c'était le Conference Board — je pourrais me tromper — ou une autre grande organisation ou un groupe de réflexion bien connu qui a parlé récemment de l'élimination de la dette du Canada et de la façon dont on pourrait y parvenir au cours d'une génération.

Il ne faut pas oublier que l'intérêt sur la dette constitue le plus important poste de dépense du gouvernement fédéral aujourd'hui. C'est plus que les soins de santé, l'éducation, la défense, la Sécurité de la vieillesse ou les pensions. Compte tenu de l'accroissement démographique à venir, réduire les intérêts est peut-être la politique la plus intelligente que nous pourrions adopter aujourd'hui pour que les recettes de demain puissent être affectées à autre chose. C'est une somme d'argent énorme. Réduire la dette, ne serait-ce que de 4 à 6 milliards de dollars par année aujourd'hui, serait extrêmement payant à long terme.

Le sénateur Murray : C'est un cercle vertueux. J'aimerais profiter de la présence de ces gens ici pour leur poser quelques questions sur des sujets qu'ils n'ont pas abordés dans leur mémoire, mais dont nous sommes saisis. Je vais poser deux questions.

Premièrement, que pensez-vous de la proposition de M. Ken Battle voulant que l'allocation pour enfants de 1 200 $, ou de 100 $ par mois, soit versée dans le cadre de la Prestation fiscale pour enfants? Serait-ce une meilleure façon de faire?

Ma deuxième question touche un sujet tout à fait différent, c'est-à-dire la TPS. Hier soir, lorsque le ministre était ici, il a esquivé quelques questions que j'essayais de lui poser. La première portait sur une éventuelle harmonisation de la TPS avec les taxes provinciales de vente au détail et visait à savoir si, pour une raison quelconque, ce serait une bonne idée. Je lui ai demandé aussi s'il prendrait des mesures pour que la TPS soit incluse dans le prix des biens et des services. Il a répondu qu'il n'était pas intéressé à faire cela.

Avez-vous une opinion sur ces questions?

M. Veldhuis : Permettez-moi de parler de la proposition d'inclure la TPS dans le prix. C'est une pratique en vigueur dans de nombreux pays d'Europe, qui rend le système fiscal moins transparent. La TPS est l'une des taxes les plus détestées et ce, pour une bonne raison : les Canadiens la voient chaque fois qu'ils font un achat. Elle serait beaucoup moins évidente si elle était incluse dans le prix des biens achetés.

Pour ce qui est de la Prestation fiscale pour enfants et l'allocation universelle...

Le sénateur Murray : Elle ne devrait donc pas être incluse?

M. Veldhuis : Elle ne devrait pas être incluse dans le prix. Elle serait alors moins évidente; c'est exact.

Concernant l'allocation universelle de 1 200 $, les sondages montrent que la plupart des Canadiens souhaitent qu'un des parents reste à la maison avec l'enfant, du moins durant les premières années de sa vie. Malheureusement, notre système fiscal ne favorise pas les familles à un seul revenu. À mon avis, avant de nous engager dans des plans visant à promouvoir l'utilisation des garderies, nous devons examiner ce que veulent les Canadiens. Nous verrons alors que les sondages montrent qu'ils veulent rester à la maison avec leurs enfants. Nous devons leur offrir cette possibilité.

Le sénateur Murray : Devrait-elle être versée dans le cadre de la Prestation fiscale pour enfants qui existe à l'heure actuelle? C'est ce dont parlait M. Battle.

M. Veldhuis : Ce n'est pas logique de prendre l'argent des Canadiens moyens pour la redonner à des Canadiens moyens. Je préférerais réduire les impôts et rendre le pays plus compétitif. Les Canadiens auraient plus d'argent dans leurs poches.

Le sénateur Murray : Excusez-moi.

M. Williamson : Je peux répondre sans hésiter. Je dirais non, l'allocation ne devrait pas être incluse dans la Prestation fiscale pour enfants, qui est récupérée à un certain niveau de revenu. Cette allocation nationale, que recevront toutes les familles avec de jeunes enfants, est universelle. Peu importe que vous fassiez 10 000 $ ou 100 000 $, elle est versée au conjoint qui a le plus faible revenu, ce qui atténue la nature discriminatoire du système fiscal, qui favorise les ménages à deux revenus. Cette mesure est positive dans ce sens. Elle met les familles à un revenu et les familles à deux revenus sur le même pied d'égalité. C'est possible. La mesure est universelle. Si l'allocation était intégrée à la Prestation fiscale pour enfants, elle serait récupérée à mesure que les gens montent dans l'échelle des revenus.

Concernant l'harmonisation, il s'agit d'une politique avisée et intelligente. Toutefois, il y a des écueils, comme vous le savez. Dans l'est du Canada, la taxe sur le mazout domestique suscite bien des préoccupations. Tout à coup, lorsque cette taxe est apparue, la taxe de vente provinciale a été appliquée aux biens et aux services qui en étaient exemptés auparavant. Il est difficile pour les familles de voir la taxe sur le chauffage passer de 7 à 15 p. 100. C'est beaucoup d'argent. Lorsque les taxes sont harmonisées, l'assiette fiscale s'élargit, ce qui tend à se traduire par des recettes fiscales plus élevées pour le gouvernement. Il faut éviter cela de nos jours, alors que la journée d'affranchissement de l'impôt arrive si tard dans l'année. En passant, je vous souhaite une bonne journée d'affranchissement de l'impôt. C'était hier.

M. Orr : Je ne parlerai pas de la Prestation fiscale pour enfants, mais concernant la TPS, je crois que ce serait bénéfique, pour notre efficacité économique et notre compétitivité, si nous pouvions l'harmoniser avec celles des provinces. Un crédit de taxe sur les intrants, une caractéristique de la TPS, serait alors offert à l'égard de toutes les taxes, contrairement à ce l'on fait maintenant dans les autres provinces. De façon générale, je dirais que ce serait bénéfique pour cette raison.

Comme je l'ai dit également, si le gouvernement décide d'aller de l'avant et de faire passer la TPS de 6 à 5 p. 100, j'espère qu'il en profitera pour montrer aux provinces qu'un certain espace fiscal s'offre à elles. Alors les provinces ne demanderont plus d'argent au gouvernement fédéral jusqu'à ce qu'elles occupent cet espace fiscal. Cela pourrait avoir un effet bénéfique parmi d'autres. On pourrait faire un meilleur rapprochement entre la responsabilité du prélèvement des impôts et la prestation des services.

Je suis tout à fait d'accord avec M. Veldhuis. Nous devons faire en sorte que les Canadiens comprennent que les services publics ont un prix. Je crois qu'il a raison. C'est pourquoi on déteste la TPS. L'imposition de la TPS a été l'une des rares occasions où la population a compris que les services offerts par les gouvernements ont un prix. Lorsqu'on effectue des sondages, les Canadiens disent « Oui, j'aime Radio-Canada; j'en veux plus. Je veux plus de soins de santé. Je veux une meilleure péréquation. » Ils ne comprennent pas que tous les Canadiens doivent payer pour ces choses.

Le sénateur Murray : La TPS révèle toutes ses potentialités. Dieu m'a donné de vivre vieux, au point où je vois maintenant des sénateurs libéraux appuyer la TPS.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais revenir à la question du remboursement de la dette. La prudence financière semble tout à fait absente de ce budget, et cela m'inquiète. Il est particulièrement évident qu'on ne se soucie pas vraiment du remboursement de la dette.

Je crois qu'il faut un échéancier. À mon avis, trois milliards de dollars cette année, c'est insuffisant. J'aimerais sur ce qui, selon vous, pourrait être une période de temps raisonnable au cours de laquelle nous devrions prévoir l'élimination de la dette.

J'aimerais aussi savoir ce que vous pensez des compromis entre la baisse des impôts et le remboursement de la dette. Il faut faire des concessions ici.

J'aimerais entendre vos commentaires sur ces deux questions.

M. Veldhuis : Je vais vous parler de l'échéancier de la réduction de la dette. Contrairement à M. Williamson, je ne suis pas en faveur d'un tel échéancier. Il faut comprendre que le fardeau de la dette se traduit mieux en pourcentage du PIB. À mesure que notre économie croît, ce fardeau diminue, pourvu que nous n'augmentions pas la dette. Si vous avez un échéancier, vous retirez de l'argent de l'économie en utilisant des taxes dommageables. Il vaut mieux laisser l'économie croître pour réduire le fardeau de la dette.

Je dirais de laisser l'argent entre les mains des Canadiens qui vont mieux l'utiliser, au lieu d'appliquer ces taxes dommageables pour échelonner la réduction de la dette.

M. Williamson : Je crois que cette critique est juste. Toutefois, nous devons commencer à consacrer chaque année 1 p. 100 des recettes à la réduction de la dette et augmenter jusqu'à 5 p. 100. Je ne dis pas qu'il faut augmenter les impôts à cette fin, mais plutôt éliminer d'autres programmes ou services du gouvernement — les subventions accordées aux entreprises, par exemple. Chaque année, le gouvernement verse des subventions de 26 milliards de dollars à des organismes, d'autres gouvernements et des personnes. C'est énormément d'argent. On peut certainement faire des économies à ce chapitre.

Pour répondre à votre question, combien de temps faudrait-il? Je dirais entre 25 et 35 ans, selon les prévisions actuelles. L'Alberta, qui est une étude de cas intéressante, a constaté qu'elle était chanceuse aujourd'hui de ne plus avoir de dettes. Ce n'est pas seulement à cause des recettes accrues de l'exploitation de ses ressources, mais bien parce que l'Alberta avait dressé un plan et qu'elle a réussi à le dépasser. Même sans l'explosion de ses recettes, l'Alberta aurait encore été en voie d'éliminer sa dette. Ce qui importe, c'est qu'elle avait un plan et qu'elle s'y est attachée, bon an mal an; c'est ce qui lui a permis d'atteindre ses objectifs.

Mes seules réserves à l'égard de ce que M. Veldhuis a dit, c'est que chaque année, le gouvernement fédéral dépense un peu moins de 35 milliards de dollars en intérêts. Nous économisons de trois à quatre milliards de dollars aujourd'hui parce que le gouvernement précédent a eu la sagesse d'entreprendre de réduire la dette d'environ 62 milliards de dollars. Dans son budget, Jim Flaherty a consacré la somme additionnelle de huit milliards de dollars l'an dernier à la réduction de la dette et il a prévu trois milliards de dollars cette année. Si le surplus augmente, je crois que cette somme augmentera également.

Il importe d'avoir un plan au lieu d'agir après coup. C'est la seule critique que j'ai faite à l'égard du gouvernement précédent; il faisait toujours les choses à la fin de l'année financière au lieu d'agir avant.

Le sénateur Mitchell : Je crois que le gouvernement précédent s'était donné comme objectif de rembourser la dette. Vous reprenez ce que j'ai dit. Il ne faut peut-être pas nécessairement avoir un échéancier explicite, monsieur Veldhuis, mais je crois que si vous ne vous fixez pas un objectif quelconque, vous n'aurez pas de résultat. Votre point de vue pose au moins un problème, à savoir que le dilemme devient très clair lorsque les taux d'intérêt augmentent : que faisons- nous? Vous dites que nous ne devrions pas toucher à la dette ou qu'il faut la rembourser si, par hasard, nous accumulons un excédent plus important. Toutefois, si les taux d'intérêt augmentent, le gouvernement est privé d'une grande partie de ses recettes également. Vous ne pensez certainement pas ce que vous dites; il faut davantage cibler l'objectif.

M. Veldhuis : Non. Je pense tout à fait ce que je dis. Il y a un coût de renonciation à tout ce que nous faisons. Nous avons une somme X d'argent. Nous pouvons l'utiliser pour réduire la dette, ou bien pour réduire les impôts, ce qui crée plus d'incitatifs, stimule l'économie et génère plus de recettes pour le gouvernement...

Le sénateur Mitchell : Cela ne fonctionne pas; vous parlez comme un Républicain. Vous vous endettez. Regardez Reagan...

Le président : Laissez-le répondre.

M. Veldhuis : Les recherches montrent très clairement que les impôts, en particulier les taux marginaux élevés, sont dommageables pour l'économie. La réduction de ces impôts crée des incitatifs. Si nous ne le croyons pas, nous ne croyons pas que les Canadiens sont sensibles aux coûts et aux avantages. C'est certainement le cas.

Si votre objectif consiste à augmenter les recettes du gouvernement, nous devons réduire les taux marginaux d'imposition, en particulier sur le capital. Si nous le faisions, le gouvernement aurait des recettes plus élevées et la hausse des taux d'intérêts ne serait pas un problème.

Le président : Monsieur Orr, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Orr : Oui, j'aimerais faire quelques observations. Premièrement, la politique qui se dégage du budget de 2006 en matière de réduction de la dette n'est pas très différente de celle du gouvernement précédent, à mon avis. On visait alors un rapport de 20 p. 100 entre la dette et le PIB en 2013, et cela a été légèrement modifié. Je ne crois pas que ce soit très grave. C'est très réalisable. De toutes les questions de politique fiscale qui devraient vous préoccuper, la question de prudence et de réduction de la dette devrait être au bas de la liste.

Je m'attacherais plutôt à occuper l'espace fiscal qui se libère, à réduire l'impôt sur le revenu des particuliers et les taux d'imposition sur l'investissement des entreprises. C'est le domaine qui est, de loin, le plus important et sur lequel vous devriez vous concentrer.

Le sénateur Mitchell : Vous avez terminé votre exposé sur la réduction des taxes en disant que le gouvernement actuel allait certainement prendre des mesures de réduction fiscale qui allaient stimuler la productivité et la croissance économique dans les années à venir. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous êtes optimiste à cet égard? Sa première tentative n'a certainement pas donné ce résultat. C'était plutôt un triomphe des votes sur la vertu. Il n'a pas fait ce qu'il aurait dû faire pour stimuler la productivité, effectuer de véritables réductions fiscales, prendre des initiatives économiques importantes et favoriser la recherche et le développement pour l'économie de demain; il ne l'a pas fait.

M. Orr : Je suis passablement certain que M. Flaherty serait sur la même longueur d'ondes que moi. Je ne crois pas que la réduction de la TPS soit l'idée de M. Flaherty.

Le sénateur Mitchell : Nous ne le croyons pas non plus. Il ne le croit pas vraiment non plus, d'après ce qu'il a dit précédemment.

Le sénateur Cools : Merci d'être venus, messieurs. L'un d'entre vous a dit que la famille canadienne moyenne paie quelque 36 000 $ d'impôts et de taxes par année. Savez-vous comment cette somme est répartie? Combien sont des impôts sur le revenu et combien sont des taxes à la consommation? Par ailleurs, pouvez-vous aussi me donner une idée du revenu familial moyen? C'est assez pour l'instant. J'ai promis d'être brève.

M. Veldhuis : Lorsque je parle d'une famille moyenne, ce sont deux personnes ou plus vivant au Canada. Selon les prévisions pour 2006, une famille moyenne va gagner un peu plus de 79 000 $ et payer 36 650 $ en taxes et impôts. Je peux vous donner une ventilation précise, mais pas par cœur. Je peux dire que l'impôt sur le revenu représente environ 32 p. 100 de cette somme. Les taxes à la consommation sont autour de 14 p. 100. Si vous le voulez, je peux vous envoyer les chiffres exacts par courriel. Nous avons une ventilation de cette somme.

Le sénateur Cools : Vous pouvez les envoyer à notre greffier. Je suis certaine que vous avez ces chiffres. S'il s'agit de la moyenne, quelle est la médiane des revenus familiaux? Vous savez certainement la différence entre une médiane et une moyenne.

M. Veldhuis : Bien sûr. Nous n'avons pas calculé la médiane. C'est sensiblement la même chose. Lorsque nous parlons d'une famille moyenne, nous prenons une moyenne autour de la moyenne. Nous excluons les familles à revenu très élevé, pour ne pas augmenter la moyenne. Lorsque je parle d'une moyenne, il s'agit vraiment de ce qu'est une famille canadienne moyenne. Les chiffres ne sont pas faussés par les familles à revenu élevé.

Le sénateur Cools : Où se situent la plupart des Canadiens sur le plan du revenu familial et des obligations fiscales?

M. Veldhuis : Ils seraient regroupés autour de la moyenne.

Le sénateur Cools : Environ 79 000 $ par année?

M. Veldhuis : Nous parlons d'une famille de deux personnes ou plus. Si vous êtes seul, votre revenu sera plus faible. Cela se reflète dans nos chiffres. Nous avons les données sur les revenus et les impôts de ses familles également. Tout dépend de la structure familiale, du nombre de membres, du nombre de personnes qui touchent un revenu.

Le sénateur Cools : Je peux trouver plus de renseignements à ce sujet. La chose m'intéresse, parce qu'un salaire annuel de 79 000 $ par famille me paraît assez élevé. Ces deux autres messieurs voudraient-ils faire un bref commentaire à ce sujet?

M. Orr : Je n'étais pas certain si vous parliez des taxes du gouvernement fédéral ou de l'ensemble des taxes fédérales et provinciales. Il y a une petite différence dans la manière de voir ces taxes. Il n'y a qu'une seule famille, évidemment, et elle paie des taxes aux deux paliers de gouvernement.

Le sénateur Cools : J'avais l'impression que M. Veldhuis parlait de l'ensemble des taxes que la famille devait payer, peu importe à quel palier de gouvernement. J'avais compris que cela comprenait les impôts sur le revenu, les taxes à la consommation, peut-être les taxes foncières ou les taxes scolaires. Aimeriez-vous ajouter un commentaire?

M. Orr : Je voulais être certain que vous étiez sur la même longueur d'ondes.

Le sénateur Cools : Très bien; nous l'étions, mais j'aurais dû être plus claire.

M. Veldhuis : Les 36 000 dollars comprennent les taxes fédérales, provinciales et municipales — la totalité des impôts.

Le sénateur Cools : Il me semble que c'est beaucoup d'argent.

M. Veldhuis : C'est beaucoup d'argent. La réalité est que les Canadiens versent environ 46 p. 100 de leur revenu aux trois paliers de gouvernement. C'est pour cette raison que nous sommes ici aujourd'hui : les Canadiens ont besoin d'un allègement fiscal.

Le sénateur Cools : Nous sommes tous d'accord sur ce point. Je crois que la loi sur le revenu a été promulguée vers 1918 et devait être une mesure temporaire. J'étais là à l'adoption de la TPS, que je n'aimais pas à l'époque et que je n'aime toujours pas.

Le président : Voilà qui met fin à notre période de questions. J'aimerais remercier M. Orr, M. Williamson et M. Veldhuis pour leur témoignage aujourd'hui.

Le président : Sénateurs, plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Murray : Les porte-parole ministériels sont-ils présents pour répondre aux questions, si nous en avons?

Le président : Nous avons 20 articles à examiner, alors s'il le faut, nous leur demanderons de s'asseoir à la table.

Le comité convient de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-13, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 2 mai 2006.

Honorables sénateurs, sommes-nous d'accord pour regrouper les articles en 13 parties? Des copies du projet de loi sont disponibles et les parties sont énumérées au début.

Des voix : D'accord.

Le président : Le titre est-il réservé?

Des voix : D'accord.

Le président : Motion adoptée. L'article 1, qui comprend le titre abrégé, est-il réservé?

Des voix : D'accord.

Le président : Motion adoptée. La partie 1, incluant les articles 2 à 50, est-elle adoptée?

Le sénateur Eggleton : J'aimerais intervenir, parce que ces articles mettent en vigueur la réduction de la TPS, passant de 7 à 6 p. 100. D'après les témoignages que nous avons entendus, je crois que le gouvernement s'engage dans la mauvaise direction. Il aurait dû proposer de réduire l'impôt sur le revenu et non la TPS. Les témoins d'aujourd'hui et d'autres économistes qui ont exprimé leurs opinions sur le sujet ont tous dit qu'il ne fallait pas abaisser cette taxe. Si on a le choix, il vaut mieux réduire l'impôt sur le revenu.

On pourrait modifier le projet de loi afin de prévoir une réduction d'impôt équivalente. Toutefois, ceux qui sont ici depuis plus longtemps que moi soutiennent que le Sénat a pour règle d'adopter les budgets présentés par la Chambre des communes, les questions d'argent étant la responsabilité première de celle-ci, et que cette tradition s'inscrit dans le cadre constitutionnel. Les sénateurs qui partagent mes réserves et préoccupations vont peut-être me dire que nous pouvons procéder à un examen objectif de cette mesure. Le gouvernement, à mon avis, a commis une erreur lorsqu'il a fait cette promesse électorale. Je trouve dommage qu'il aille de l'avant avec une initiative qui ne sert pas les intérêts des Canadiens, compte tenu des choix qui s'offrent à lui. Si le projet de loi doit être adopté parce que la tradition veut que l'on accorde la primauté à la responsabilité de la Chambre basse, alors je propose qu'il le soit avec dissidence.

Le sénateur Cools : Aucune motion en ce sens n'a été proposée.

Le président : D'autres commentaires? Quelqu'un peut-il proposer l'adoption de la Partie I, articles 2 à 50?

Le sénateur Angus : J'en fais la proposition.

Le président : Le sénateur Angus propose...

Le sénateur Eggleton : Avec dissidence.

Le sénateur Cools : Je m'en remets au sénateur Murray, mais je pensais que l'on procédait de façon informelle. Toutefois, vu les propos du sénateur Eggleton, il nous faut maintenant une motion.

Le président : Nous en avons une, et elle a été mise aux voix.

Le sénateur Cools : Il n'y en avait aucune au début de la réunion.

Le président : Le sénateur Cools explique ce que je suis en train de faire pour que les choses soient bien claires.

Le sénateur Cools : Nous sommes en train de débattre la motion.

Le président : Que tous ceux qui sont en faveur de la partie I, articles 2 à 50, veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Ceux qui sont contre?

Le sénateur Eggleton : Avec dissidence.

Le président : Adopté. Allons-nous procéder de façon formelle ou informelle?

Le sénateur Cools : Formelle.

Le président : Quelqu'un peut-il proposer l'adoption de la partie II, articles 51 à 88?

Le sénateur Angus : J'en fais la proposition.

Le président : Des commentaires? Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Adopté, avec dissidence.

Quelqu'un peut-il proposer l'adoption de la partie III, articles 89 à 90?

Le sénateur Angus : J'en fais la proposition.

Le président : Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Ceux qui sont contre? Avec dissidence?

Le sénateur Eggleton : D'accord.

Le sénateur Cools : À l'unanimité.

Le président : Adopté.

Quelqu'un peut-il proposer l'adoption de la partie IV, articles 91 à 98?

Le sénateur Cools : J'en fais la proposition.

Le président : Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Partie V, motion visant à adopter les articles 99 à 167.

Le sénateur Angus : J'en fais la proposition.

Le président : Commentaires? Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Contre? Adopté.

Certains ne sont pas d'accord. Si personne ne vote contre, je vais déclarer la motion adoptée.

Partie VI, articles 168 à 181. Quelqu'un peut-il en proposer l'adoption?

Le sénateur Angus : J'en fais la proposition.

Le président : Commentaires?

Le sénateur Eggleton : Oui, j'aimerais dire quelques mots à ce sujet. Il s'agit d'une autre partie regrettable du projet de loi. Elle s'intitule « Prestation universelle pour la garde d'enfants ». Je trouve que le titre est mal choisi, puisqu'ils ne font pas grand chose pour aider les enfants.

L'amendement proposé par M. Battle est intéressant : à savoir que la prestation devrait être accordée par l'entremise de la prestation fiscale canadienne pour enfants. On pourrait, de cette façon, verser un montant équivalent aux familles à revenu faible et modeste. Si certains de mes collègues pensent que nous devrions opter pour cette approche, je leur rappelle qu'il y a cet autre facteur à considérer, que j'ai déjà mentionné, soit la position constitutionnelle de la Chambre des communes.

Il est très malheureux que le gouvernement ait décidé d'annuler les ententes conclues avec les provinces. Les paiements sont prévus à la partie VIII, mais pour un an seulement. Ces ententes ont maintenant été annulées. Le gouvernement ne semble rien comprendre au développement de la petite enfance et à la garde d'enfants. Il ne fait rien pour créer de nouvelles places ou offrir des services de garde de qualité. Il soutient que les 250 millions de dollars vont suffire. Or, il n'a établi aucun plan pour ce qui est de l'utilisation des fonds. On pourrait proposer, comme amendement, qu'il fasse en sorte que l'argent soit versé aux provinces. Autrement, il va les exclure, les contourner — chose qu'il nous accusait de faire dans le passé. Il semble maintenant prêt à adopter le même comportement.

Monsieur le président, je vais me prononcer contre dans ce cas-ci.

Le président : Nous allons entendre ce qu'ont à dire les sénateurs Rompkey et Murray.

Le sénateur Rompkey : Allons-nous préparer un rapport?

Le sénateur Cools : Bien entendu.

Le sénateur Rompkey : Allons-nous pouvoir y inclure des suggestions?

Le sénateur Murray : Je ne le crois pas. Nous en avons déjà discuté. Tout ce que nous pouvons faire, c'est adopter, modifier ou rejeter le projet de loi. Nous pouvons faire des commentaires, et il y en a beaucoup, à l'étape du débat en troisième lecture. Je sais que le comité ajoute parfois un texte explicatif au rapport, mais il s'agit d'un texte à part.

Le sénateur Rompkey : J'ai pensé à autre chose suite à ce que vient de dire le sénateur Eggleton au sujet du protocole entre les deux Chambres. Si nous faisions des suggestions, des propositions...?

Le président : Le comité a déjà statué que le meilleur moment — et nous avons été bien renseignés au cours de ces audiences — de faire des commentaires, c'est lors du débat en troisième lecture.

Le sénateur Murray : Monsieur le président, j'ai quelques brèves questions à poser au sujet du plan budgétaire. À la page 107, on dit que « pour appuyer la création de nouvelles places en garderie, le présent budget prévoit 250 millions de dollars par année ». On ajoute ensuite que le gouvernement va mener des consultations sur certains points, que l'on énumère.

D'abord, je présume que les 250 millions de dollars vont faire l'objet d'un budget supplémentaire?

Le président : Avez-vous entendu la question? Est-ce que quelqu'un peut répondre?

Le sénateur Murray : Quelqu'un doit connaître la réponse. La question est très simple.

Le président : Nous ne savons pas qui est en mesure de répondre. Il y a beaucoup de personnes dans la salle. Pouvez- vous vous présenter? Avez-vous entendu la question?

Le sénateur Murray : Le gouvernement a annoncé, à la page 107 du plan budgétaire, que le présent budget allait prévoir 250 millions de dollars par année, à compter de 2007-2008, pour appuyer la création de nouvelles places en garderie. Ces 250 millions vont être prévus dans quel budget? Dans le budget principal de l'année à venir? Le savez- vous?

Sheryl Harris, directrice adjointe par intérim, Politique sociale, Ressources humaines et Développement social Canada : Il y a quelques étapes à franchir avant d'arriver là. Le gouvernement s'est engagé à investir ces fonds. Nous allons entreprendre des consultations cet été, dans le cadre du budget, avec les provinces, les territoires, les collectivités, les employeurs et les parents, et jeter les grandes lignes de cette initiative. Le plan proposé, ou les options y afférentes, seront soumis au Cabinet à l'automne.

Le sénateur Murray : Les fonds prévus ne seront proposés que dans le budget des dépenses principal de 2007-2008. C'est bien cela?

Mme Harris : Oui.

Le sénateur Murray : Je vois des gens qui font signe que oui. Est-ce que ce sont des représentants du ministère des Finances? Je ne sais pas si vous êtes en mesure de répondre, mais quelqu'un doit bien connaître la réponse. Le gouvernement a déclaré que, conformément aux ententes conclues avec les provinces, l'une ou l'autre des parties pouvant y mettre fin sur avis d'un an, les ententes ne seront pas renouvelées à la fin de mars 2007. Sur les 10 provinces qui ont signé des ententes de principe, deux ou trois ont signé un accord de financement détaillé.

Mme Harris : C'est exact.

Le sénateur Murray : Que pensent ces deux ou trois provinces? Il s'agit du Québec, de l'Ontario et du Manitoba, n'est-ce pas?

Mme Harris : Oui. Ce sont les trois provinces.

Le sénateur Murray : Que pensent-elles de l'idée de mettre un terme aux accords de financement détaillés?

Mme Harris : Ces accords de financement prévoient une clause de dénonciation qui permet à l'une ou l'autre partie de mettre fin à l'entente, sur avis d'un an. Or, cet avis a été donné. Il permet de mettre fin, légalement, à ces ententes.

Le sénateur Murray : La situation est différente dans le cas des ententes de principe.

Une voix : Les ententes de principe ne constituent pas des accords de financement. Elles ne sont assorties d'aucune obligation. Le financement octroyé aux provinces et aux territoires va au-delà de l'obligation juridique que prévoient les accords de financement.

Le sénateur Murray : Le gouvernement ne fait face à aucune contestation judiciaire relativement aux ententes de principe ou aux accords de financement détaillés?

Mme Harris : Non.

Le président : Sénateur Murray, avez-vous d'autres questions?

Nous essayons de trouver un représentant du ministère des Finances.

Le sénateur Murray : Ce n'est pas nécessaire. Je n'ai plus de questions à poser sur ce point.

Le président : Nous en sommes toujours à la motion portant adoption des articles 168 à 181. Sénateur Cools?

Le sénateur Cools : J'aurais voulu contester les propos du sénateur Eggleton, mais compte tenu du temps dont nous disposons, il serait préférable de continuer, puisque nous en sommes à l'étude article par article du projet de loi. J'aimerais toutefois faire un commentaire. L'opinion de M. Battle n'engage personne d'autre que lui; elle n'est appuyée par aucun autre témoin. Nous pouvons poursuivre la discussion, ou examiner la question plus à fond à l'étape de la troisième lecture.

Le président : Merci, sénateur Cools.

D'autres commentaires? Que tous ceux qui sont en faveur de l'adoption de la Partie 6, articles 168 à 181, veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Ceux qui sont contre?

Avec dissidence. Nous passons maintenant à la Partie VII, articles 182 à 189.

Le sénateur Nancy Ruth : J'en propose l'adoption.

Le président : Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Ceux qui sont contre? Motion adoptée.

Partie VIII, articles 190 et 191. Quelqu'un peut-il en proposer l'adoption?

Le sénateur Angus : J'en fais la proposition.

Le président : Commentaires? Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Partie IX, articles 192 à 198. Qui veut en proposer l'adoption?

Le sénateur Angus : J'en fais la proposition.

Le président : Commentaires?

Le sénateur Eggleton : Deux témoins ont abordé la question. En fait, j'ai eu des discussions à ce sujet avec le sénateur Angus. Je n'ai pas eu l'impression que leurs positions étaient très divergentes.

Je ne compte pas proposer un amendement ou autre chose du genre. Le représentant de Genworth a recommandé que le BSIF, le Bureau du surintendant des institutions financières, mette en place des règles du marché. Il a également recommandé que l'on établisse des règles du jeu uniformes, puisque, à son avis, la garantie de 100 p. 100 exigée de la SCHL, et de 90 p. 100, du secteur privé, est injuste. On pourrait peut-être demander que quelqu'un se penche là-dessus et que le gouvernement tienne compte de ces deux recommandations.

Bien entendu, je ne sais pas si un des représentants du ministère des Finances souhaite dire quelques mots à ce sujet. En fait, j'ai demandé, hier soir, que le ministère nous fasse part de ses vues là-dessus. S'il est prêt à le faire maintenant, tant mieux. Autrement, demandons tout simplement qu'il tienne compte de ces deux facteurs dans le processus.

Le président : Vous voulez dire non pas dans le cadre du projet de loi, mais sur le plan politique.

Le sénateur Eggleton : Dans le cadre du projet de loi, monsieur le président. Je vais appuyer l'adoption de cette partie-ci, mais les recommandations qui ont été formulées méritent d'être examinées. Je ne sais pas s'il faut absolument leur donner suite, mais il faudrait au moins les analyser.

Le sénateur Cools : Je suis du même avis que le sénateur Eggleton. Les témoins, hier soir, ont fourni beaucoup de renseignements aux membres du comité. Nous devrions peut-être concentrer nos efforts sur le budget des dépenses principal, puisque c'est lui qui est ciblé. Nous devrions réexaminer la question, relancer la discussion, avec l'aide de la SCHL et des autres intervenants pertinents. Nous devrions donner toute notre attention à cette question.

Le président : Vous soulevez de bons points.

Le sénateur Eggleton : Vraiment? Je ne veux pas reprendre le travail qui a déjà été fait. Ne pouvons-nous pas simplement renvoyer la question pour étude?

Le sénateur Cools : Renvoyer quoi?

Le sénateur Eggleton : La question des règles du marché.

Le sénateur Cools : Le comité ne peut faire quoi que ce soit à cet égard.

Le sénateur Eggleton : Donc, il ne peut rien renvoyer pour étude.

Le président : Le comité de direction va prendre note de l'intérêt que portent les sénateurs à cette question.

Le sénateur cools : Oui, un intérêt marqué.

Le président : Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

Nous passons maintenant à la Partie X, articles 199 à 202. Quelqu'un peut-il en proposer l'adoption?

Le sénateur Angus : J'en fais la proposition.

Le président : Commentaires? Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Contre? Adopté.

Partie XI. Est-ce que quelqu'un peut proposer l'adoption des articles 203 à 207?

Le sénateur Cools : J'en fais la proposition.

Le président : Commentaires? S'il n'y en n'a pas, que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Contre? Adopté.

Partie XII, articles 208 à 213. Il est question, dans cette partie, de la Loi relative aux répercussions du projet gazier Mackenzie.

Le sénateur Murray : Y a-t-il quelqu'un ici qui peut répondre à une question?

Le président : Qui peut nous aider? Il y a des personnes qui viennent tout juste de répondre à d'autres questions.

Le sénateur Murray : Je vais attendre. Ce n'est pas urgent.

Le président : Nous avons Lorraine Clayton, conseillère principale en politiques économiques, Secrétariat chargé de la coordination des projets fédéraux, Affaires indiennes et du Nord Canada.

Madame Clayton, merci d'être venue nous rencontrer. Le sénateur Murray a une question à vous poser.

Le sénateur Murray : J'aimerais avoir des précisions. On prévoit verser 500 millions de dollars à cette nouvelle société d'atténuation des répercussions du projet gazier Mackenzie. Cette décision du ministre des Finances répond à une recommandation du ministre des Affaires indiennes. Le ministre peut uniquement faire cette recommandation si le projet n'a pas été mené à terme et si le ministre est d'avis que des progrès sont en train d'être accomplis.

Je présume que, vu l'état actuel des choses, et étant donné que les négociations sont essentiellement dans une impasse, il ne va rien se passer dans le cadre de cette partie?

Lorraine Clayton, conseillère principale en politiques économiques, Secrétariat chargé de la coordination des projets fédéraux, ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada : C'est exact. Le projet fait présentement l'objet de consultations publiques dans le cadre de l'évaluation environnementale. L'auteur du projet est en train de revoir la structure des coûts. Aucun paiement ne sera effectué tant que ces deux questions n'auront pas été réglées.

Le sénateur Murray : En effet, la société ne sera probablement pas mise sur pied, n'est-ce pas?

Mme Clayton : C'est exact. Elle ne sera pas mise sur pied, et ce, tant que la date d'entrée en vigueur du projet de loi n'aura pas été fixée, comme le précise un des articles.

Le sénateur Murray : C'est tout ce que je veux savoir. Merci beaucoup.

Le président : Merci d'être venue.

Avez-vous d'autres commentaires? Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Ceux qui sont contre? Adopté.

La Partie XIII englobe les articles 214 à 217. Le sénateur Angus propose que nous adoptions la Partie XIII, articles 214 à 217. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet? Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Adopté.

On propose l'adoption de l'annexe 1.

Des voix : D'accord.

Le président : Merci, sénateur Rompkey. Y a-t-il autre chose? Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Ceux qui sont contre? Motion adoptée.

Annexe 2. Sénateur Angus?

Le sénateur Angus : J'en fais la proposition.

Le président : On propose que l'annexe 2 du projet de loi soit adoptée. Quelqu'un souhaite faire des commentaires? Sénateur Cools?

Le sénateur Cools : Non, je garde la main levée parce que vous allez demander que quelqu'un propose l'adoption de la motion.

Le président : Que tous ceux qui sont en faveur veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Ceux qui sont contre? Motion adoptée.

L'article 1, le titre abrégé, est-il adopté?

Des voix : Adopté.

Le président : Quelqu'un peut-il en faire la proposition? Merci. Le titre abrégé est adopté. Merci.

Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci. Le projet de loi est-il adopté sans amendement? Quelqu'un peut-il proposer une motion en ce sens?

Le sénateur Cools : J'en fais la proposition.

Le président : Le sénateur Cools en fait la proposition. D'autres commentaires? Que tous ceux qui sont en faveur de l'adoption du projet de loi sans amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Le président : Ceux qui sont contre?

Le sénateur Eggleton : Oui.

Le président : Avec dissidence. Merci.

Dois-je faire rapport sans délai du projet de loi au Sénat, sans proposition d'amendement?

Des voix : Oui.

Le président : Merci. C'est ce que je vais faire. La règle veut que j'en fasse rapport cet après-midi, et que le débat en troisième lecture commence demain. Les sénateurs qui envisagent d'intervenir auraient intérêt à travailler leur discours cet après-midi.

Le sénateur Angus : Merci de l'excellent travail que vous avez fait.

Le président : Merci à tous les sénateurs qui sont restés.

La séance est levée.


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