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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 3 - Témoignages du 26 septembre 2006


OTTAWA, le mardi 26 septembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (élimination du favoritisme bureaucratique et des critères géographiques dans le processus de nomination), se réunit aujourd'hui à 9 h 32 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Soyez les bienvenus. Aujourd'hui, le comité entame l'étude du projet de loi S-201, qui a un double but : premièrement, interdire l'utilisation de critères géographiques pour faire des choix dans les processus de nomination; deuxièmement, faire en sorte que les nominations internes et externes à la fonction publique soient à l'abri du favoritisme bureaucratique.

Notre premier témoin aujourd'hui est le sénateur Ringuette, qui est le parrain du projet de loi et représente le Nouveau-Brunswick au Sénat. Elle s'intéresse à la question depuis quelque temps déjà et elle a beaucoup aidé les sénateurs à comprendre ce dossier. Le comité bénéficiera certainement de ses idées et de ses explications concernant le projet de loi. Le sénateur Ringuette est accompagnée aujourd'hui par M. David Michaud, adjoint législatif. Madame le sénateur, s'il vous plaît.

L'honorable Pierrette Ringuette, parrain du projet de loi : Je remercie le comité de la rapidité avec laquelle il a agi au sujet du projet de loi S-201.

Je travaille dans ce dossier depuis quelques temps déjà. Depuis 1993, je préconise des changements pour assurer aux Canadiens de tout le pays une certaine équité dans les processus d'embauche de la fonction publique. Ces dernières années, nous avons enfin pu réaliser quelques progrès, en raison notamment des fortes pressions exercées non seulement par les députés et sénateurs, mais aussi par la population pour que tous les habitants puissent postuler des postes dans la fonction publique.

Le projet de loi S-201 a un double but : premièrement, il interdirait l'utilisation de critères géographiques pour définir la zone de sélection qui détermine l'admissibilité aux processus de nomination; deuxièmement, il ferait en sorte que les nominations internes et externes à la fonction publique soient à l'abri du favoritisme bureaucratique.

Actuellement, la Commission de la fonction publique du Canada peut fixer des critères géographiques pour déterminer l'admissibilité à des concours. Dans la région de la capitale nationale, par exemple, qui comprend un secteur en Ontario et un secteur au Québec, la population atteint près d'un million d'habitants. Ces personnes ont un accès pratiquement exclusif à 60 p. 100 de tous les postes de la fonction publique fédérale, sans même compter les postes dans les organismes fédéraux et les sociétés de la Couronne.

Je veux communiquer aux membres du comité des statistiques tirées vendredi dernier du site Web de la fonction publique, job-emplois.gc.ca. On y voit les concours qui utilisent des critères géographiques et ceux qui ne le font pas. Dans la catégorie des services professionnels et administratifs, 74 postes sont mentionnés, dont 41 sont assujettis à des critères géographiques, cela correspond à 55,5 p. 100. Il y avait deux postes de cadre, et aucun des deux ne comprenait de critères géographiques. Dans la catégorie des postes informatiques, techniques et scientifiques, 66 postes étaient annoncées, dont 28 étaient assujettis à des critères géographiques, soit 42,4 p. 100. Dans la catégorie du travail de bureau, 16 postes étaient annoncés, dont 15 assujettis à des critères géographiques, soit 97 p. 100. Dans la catégorie des corps de métiers, 35 postes étaient annoncés, et les 35 étaient assujettis à des critères géographiques. En tout, vendredi dernier, 193 postes étaient annoncés sur le site Web de la fonction publique et 119, c'est-à-dire 61,6 p. 100, précisaient des critères géographiques.

À cet égard, et par souci d'équité et de justice, il est inconcevable que 0,3 p. 100 des Canadiens vivant dans la région de la capitale nationale n'aient pas accès à 40 p. 100 des emplois. L'objet du projet de loi S-201 n'est pas d'éliminer ni de réduire l'accès à l'emploi pour les personnes vivant dans la RCN, mais plutôt de veiller à ce que tous les Canadiens, où qu'ils habitent aient accès à tous les postes fédéraux, indépendamment du lieu de travail. De tels principes figurent à la rubrique Liberté de circulation et d'établissement dans la Charte des droits et libertés.

Je vais indiquer quelques faits tirés du Rapport annuel de la Commission de la fonction publique 2004-2005. On y lit qu'environ 10 p. 100 des fonctionnaires sont recrutés à l'extérieur de la fonction publique. Les auteurs du rapport précisent :

Les gestionnaires se sont conformés aux exigences minimales de la politique et ont effectué du recrutement à l'échelle nationale dans le cas des emplois de niveau supérieur; dans l'ensemble, toutefois, ils ont tout de même opté pour limiter les concours à certaines régions géographiques. Cette option sert à gérer un grand nombre de candidats et de candidates. Par conséquent, 19 p. 100 de tous les emplois affichés à l'extérieur et 28 p. 100 des emplois dans la région de la capitale nationale ont été dotés en fonction d'une zone nationale de sélection.

Vous trouverez ces statistiques à la page huit du chapitre un du rapport. Elles ne tiennent pas compte d'autres tactiques discrètement utilisées par les gestionnaires et qui minent l'équité et l'impartialité du processus d'embauche car elles permettent de recruter sans concours du personnel occasionnel ou temporaire, par l'entremise de bureaux de placement. Cette pratique est particulièrement évidente dans le Rapport annuel de la Commission de la fonction publique 2004-2005.

Il y a environ deux ans, devant votre comité, le président du Conseil du Trésor s'est engagé à consacrer $40 millions de dollars à la modernisation du système informatique afin d'éliminer grâce à la technologie les obstacles géographiques. Toutefois, nous n'avons encore que la politique, et la politique ne satisfait pas les attentes des Canadiens en matière d'équité. Les exemples ne manquent pas.

Seulement 19 p. 100 des emplois dans toutes les régions — et, depuis avril 2006, 60 p. 100 des postes ouverts au public dans la région de la capitale nationale — sont comblés aux termes de la politique d'embauche nationale de la Commission de la fonction publique. Le rapport de la commission montre que la politique à elle seule ne règle pas le problème; le projet de loi est donc nécessaire.

Même si les postes sont annoncés à la population, 40 p. 100 des postes fédéraux dans tout le pays sont encore assujettis à des critères géographiques pour tous les Canadiens, y compris ceux qui vivent dans la région de la capitale. L'ouverture de 60 p. 100 des postes fédéraux annoncés publiquement pour Ottawa n'équivaut pas à garantir à tous les Canadiens un accès complet à tous les postes fédéraux. Le projet de loi a comme priorité d'éliminer les obstacles géographiques.

Le deuxième aspect du projet de loi porte sur le favoritisme bureaucratique. Deux sources révèlent qu'une loi s'impose pour modifier la situation.

Il y a deux ans, la vérificatrice générale affirmait à la Chambre des communes et au Sénat qu'il n'y avait pas de favoritisme politique dans le système de nomination et de dotation, grâce aux dispositions de la loi. Toutefois, en 2003, la vérificatrice générale, Mme Fraser, s'est intéressée au processus d'embauche des étudiants et elle a constaté que 25 p. 100 des étudiants engagés pour l'été bénéficiaient de favoritisme bureaucratique. Nous parlons uniquement des étudiants.

L'Étude sur le favoritisme personnel dans la dotation et le recrutement à la fonction publique fédérale a été réalisée par la Commission de la fonction publique. Les données, à la page 11, montrent que 45 p. 100 des répondants croyaient qu'il existait un certain favoritisme dans leur unité de travail et que 28 p. 100 considéraient que les cas de favoritisme étaient fréquents. L'étude concluait que selon 73 p. 100 des fonctionnaires le favoritisme bureaucratique était présent dans le système. Là encore, la politique ne règle pas le problème. Il nous faut une loi.

J'aimerais terminer en disant que de nombreuses personnes, partout au pays, m'ont envoyé des courriels concernant le projet de loi. Toutes affirment que c'est une nécessité absolue. Quelqu'un m'a affirmé que son supérieur avait trois fils qui travaillaient chaque été dans son unité, et que deux de ces garçons occupaient aussi des postes à temps partiel pendant leurs études. Dans ce ministère, nombre d'autres superviseurs recrutent également des membres de leur famille. Cela est frustrant et injuste.

J'espère que vous appuierez ce projet de loi pour faire disparaître cette iniquité dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Le sénateur Stratton : Quelle est la source des données que vous nous avez remises?

Le sénateur Ringuette : Le site Web job-emplois.gc.ca.

Le sénateur Stratton : Vous avez visité ce site et vous en avez tiré cette liste?

Le sénateur Ringuette : C'est exact, vendredi dernier.

Le sénateur Stratton : Cela nous est utile, merci.

Je crois comprendre que vous connaissez bien la bureaucratie. Après tout, vous avez travaillé pour Postes Canada, n'est-ce pas?

Le sénateur Ringuette : En effet.

Le sénateur Stratton : Avez-vous eu connaissance de cas de favoritisme bureaucratique lorsque vous étiez à Postes Canada?

Le sénateur Ringuette : Je dirais que non, car la plupart du temps j'étais à l'extérieur du bureau, en train de négocier avec l'administration des postes. Toutefois, la preuve réunie par la commission lors du sondage auprès des employés de la fonction publique révèle que 73 ou 75 p. 100 des fonctionnaires pensent qu'il y a du favoritisme bureaucratique dans leur unité.

Le sénateur Stratton : J'essayais de faire un rapprochement entre les données et ce que vous faisiez autrefois au bureau de poste, le fait que trois personnes sur quatre dans la bureaucratie, y compris le personnel des postes, aient cette impression. Je pensais que peut-être, avec votre expérience des postes, au moins une ou deux personnes auraient pu vous parler de favoritisme bureaucratique ou politique.

Le sénateur Ringuette : Le sondage réalisé par la commission ne comprenait pas les organismes fédéraux ni les sociétés de la Couronne. Il serait intéressant de voir, dans un contexte de sondage scientifique, ce qui se passe à cet égard dans ces organismes et ces sociétés de la Couronne. Il est important pour tous les employés, dans le secteur public comme dans le secteur privé, que le système soit exempt de favoritisme bureaucratique, dans la même veine que ce que nous essayons actuellement de faire avec la loi sur la dénonciation. Il est important d'implanter un système adéquat. C'est l'objet même du projet de loi : il est clair, d'après les données publiées par la commission, que la politique ne suffit pas à régler les questions de favoritisme.

Je vous propose un autre exemple. D'après une politique en vigueur à la Commission de la fonction publique, chaque ministère doit déposer un plan des ressources humaines. Seulement 23 p. 100 des ministères déposent leur plan. Cela signifie que plus de 75 p. 100 des ministères n'ont pas de plan des ressources humaines. S'ils n'ont pas de plan, ils sont constamment en situation de crise pour combler des postes de fonctionnaire. Là encore, le problème vient de ce qu'il s'agit d'une politique et non pas d'une loi. Il n'y a pas d'engagement véritable à l'égard de la planification des ressources humaines.

Hier, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il retirait 83 millions de dollars aux programmes de ressources humaines de la fonction publique. J'ignore quels programmes seront touchés, mais cela aussi est inquiétant. Pendant des décennies, la fonction publique n'a pas accordé beaucoup d'importance au facteur humain en matière d'efficacité. Les préoccupations sont nombreuses. J'espère qu'au moins, nous pourrons régler deux de ces problèmes grâce à ce que je propose.

Le sénateur Stratton : Revenons encore une fois au bureau de poste. Combien d'années y avez-vous travaillé?

Le sénateur Ringuette : Cinq ans.

Le sénateur Stratton : Et vous nous dites que vous n'avez jamais constaté de favoritisme bureaucratique ni même eu de conversation avec quelqu'un à ce sujet au bureau de poste?

Le sénateur Ringuette : Je n'ai jamais eu connaissance de cas de favoritisme bureaucratique.

Le sénateur Stratton : Cela est remarquable.

Le sénateur Ringuette : Toutefois, si vous voulez modifier le projet de loi pour englober les sociétés d'État et les organismes, je vous appuierai.

Le sénateur Stratton : C'est votre projet de loi. Je m'étonne que vous ayez travaillé cinq ans au bureau de poste sans jamais avoir rencontré quelqu'un qui se plaignait du favoritisme et de la bureaucratie. Pourtant, vous nous avez bien dit que dans cet autre secteur de la fonction publique il y en avait beaucoup. Pourquoi les choses auraient-elles été différentes aux Postes?

Le sénateur Ringuette : Permettez-moi d'ajouter une précision. Le site Web du gouvernement, job-emplois.gc.ca, ne comprend pas les sociétés d'État ni les organismes fédéraux.

Le sénateur Stratton : Je le sais.

Le sénateur Ringuette : Le printemps dernier, avant de présenter à nouveau le projet de loi au Sénat, j'ai visité les sites où quelques sociétés d'État et organismes annoncent des emplois et je n'ai pas trouvé de preuves évidentes que ces organismes et sociétés utilisaient des obstacles géographiques dans leur processus d'embauche.

Le sénateur Stratton : Dans le projet de loi S-201, l'article 1 permet à la Commission de la fonction publique d'instaurer des règlements au sujet du favoritisme public. Pensez-y un peu. Des bureaucrates vont prendre des décisions en matière de favoritisme bureaucratique. Vous faites entrer le loup dans la bergerie. Ne vaudrait-il pas mieux légiférer? Sinon, vous permettez à des bureaucrates non élus de définir le « favoritisme bureaucratique ». Il me semble remarquable que vous leur laissiez cette responsabilité. À mes yeux, il est essentiel de la leur retirer.

Le projet de loi C-2, que nous examinons à la loupe au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, s'attaque au processus de nomination prioritaire, qui n'existe actuellement que dans la fonction publique, parce qu'il accorde à d'anciens membres du personnel ministériel la préséance sur les fonctionnaires. Est-ce que ce processus n'est pas en soi la pire source de favoritisme bureaucratique?

Comment votre projet de loi peut-il régler ce genre de problème? Le projet de loi C-2 le fait; votre projet de loi reste muet là-dessus. La question est d'importance. Je crois que c'est une source de mécontentement dans la fonction publique, le fait que le personnel ministériel puisse être nommé de façon prioritaire dans l'administration publique.

Le sénateur Ringuette : Je n'ai pas de statistiques ni de sondage auprès des fonctionnaires indiquant que l'élimination de cette disposition est contestée. Toutefois, le projet de loi que vous avez devant vous s'accompagne d'un rapport; et je remercie la commission d'avoir réalisé ce sondage.

Nous sommes tous sénateurs et nous entendons toutes sortes de rumeurs d'origine variée. Dans cette situation, toutefois, nous avons un sondage précis réalisé par la commission, qui confirme l'existence de favoritisme bureaucratique dans le système.

Le sénateur Eggleton : J'accepte les principes qui sous-tendent le projet de loi, mais je ne suis pas encore convaincu que nous ayons besoin d'une loi, par opposition à des lignes directrices. J'attends de connaître le point de vue des représentants de la Commission de la fonction publique. Toutefois, je prends bonne note qu'à votre avis, il nous faut une loi.

Cela dit, j'aimerais examiner les détails pratiques de la mise en œuvre de cette loi. Je m'inquiète toujours lorsque des processus, dans la loi ou les lignes directrices, semble sans commune mesure avec le problème à régler. Je veux savoir comment cette loi pourrait fonctionner, concrètement.

Je suis en faveur des critères géographiques, mais si je vous comprends bien vous nous dites que tout le monde devrait avoir le droit de poser sa candidature à tous les postes, qu'il s'agisse de travail de bureau, de corps de métiers ou de postes de cadre, partout au Canada?

Le sénateur Ringuette : Oui.

Le sénateur Eggleton : Comment peut-on y arriver, sur le plan pratique? Combien de candidatures peut-on recevoir pour un emploi manuel ou de soutien dans une région donnée, si le poste est à Ottawa ou ailleurs au pays? Va-t-on payer pour que les candidats se rendent au travail? Est-ce que le gouvernement fédéral va financer la réinstallation jusqu'au lieu de travail?

Le sénateur Ringuette : Prenons le cas d'un poste qui s'ouvre en Alberta, dans le secteur privé. Lorsqu'un candidat se qualifie, l'employeur du secteur privé lui dit que ses compétences sont requises et qu'il a obtenu le poste, et l'intéressé va simplement s'installer dans la région pour faire le travail.

Le sénateur Eggleton : À ses frais?

Le sénateur Ringuette : C'est ce qui se passe dans le privé. Je ne vois pas pourquoi le fédéral devrait payer les réinstallations, qu'il s'agisse d'un poste de cadre ou d'un poste de soutien. Il ne devrait pas y avoir de discrimination selon que l'intéressé a un doctorat ou un diplôme d'études secondaires ou qu'il est un employé de soutien compétent. Le gouvernement ne devrait pas faire de distinctions.

À ce que je sache, à l'heure actuelle, le secteur privé ne paie pas les réinstallations. Certaines entreprises le font, mais ce n'est pas la pratique générale dans le secteur privé.

Le sénateur Eggleton : Je crois que le privé le fait pour les postes de cadre, mais pas pour les postes de soutien. Est-ce que vous pensez que la situation est la même ici? Si oui, comment réglez-vous ce genre de discrimination? Le personnel de soutien est important lui aussi.

Le sénateur Ringuette : C'est vrai.

Le sénateur Eggleton : Si un habitant de Vancouver veut poser sa candidature à un poste de soutien à Anciens Combattants Canada à Charlottetown, les frais de réinstallation seront élevés. Tout cela est hypothétique; les choses ne se passent peut-être pas vraiment ainsi, mais j'aimerais comprendre en général comment vous envisagez la situation. Si quelqu'un est candidat à un poste de sous-ministre adjoint, il devrait peut-être être réinstallé aux frais du gouvernement.

Le sénateur Ringuette : Le système fonctionne de façon étrange et inéquitable. Si vous embauchez un haut fonctionnaire, vous croyez que le fédéral devra payer pour réinstaller cette personne à Ottawa, si le lieu de travail est Ottawa. Cette personne aura sans doute un salaire de 100 000 à 130 000 $ par année, et le contribuable va financer sa réinstallation. Pourtant, le contribuable ne financera pas le déménagement d'un commis. Est-ce que cela n'est pas extrêmement inéquitable?

En outre, Revenu Canada offre une mesure aux personnes qui engagent les dépenses de réinstallation pour aller occuper un emploi. Les frais de cette réinstallation sont déductibles du revenu; c'est une dépense pour l'année.

Le sénateur Eggleton : Si je comprends bien, beaucoup de gens viennent dans la fonction publique pour occuper des postes temporaires.

Le sénateur Ringuette : Malheureusement, oui.

Le sénateur Eggleton : Rien ne dit qu'ils finiront par avoir une permanence. Est-ce que vous croyez qu'il faudrait réinstaller des gens venus de l'autre bout du pays pour occuper un emploi temporaire? Savez-vous si le gouvernement va supporter ces frais? C'est une grosse dépense.

Vous avez parlé de publicité, mais que fait-on pour annoncer les concours internes? Que ferait-on dans le cas des affectations à l'interne? Est-ce qu'il s'agirait de la même chose que des annonces pour les concours externes?

Le sénateur Ringuette : Ce projet de loi ne porte pas sur les concours internes, parce que je crois qu'un concours interne est une question régie par la négociation collective entre les syndicats de la fonction publique et le Conseil du Trésor.

Le sénateur Eggleton : Est-ce que ce n'est pas ainsi que nombre de postes temporaires sont comblés?

Le sénateur Ringuette : Les postes temporaires sont comblés de toutes sortes de façons. On peut par exemple faire appel aux bureaux de placement. Les bureaux de placement touchent une commission sur le salaire de la personne embauchée. Le salaire n'est pas remis intégralement à l'employé. C'est une façon peu judicieuse de gérer les ressources humaines. J'aimerais aussi ajouter que jusqu'ici, je n'ai vu aucun poste à temps partiel annoncé sur le site job- emplois.gc.ca. Les postes de ce type semblent comblés d'autres façons.

Le sénateur Eggleton : Le deuxième aspect se rapporte à la question du favoritisme. Là encore, j'appuie le principe voulant que le favoritisme soit combattu partout. Je m'inquiète, par exemple, d'une situation où un gestionnaire dans un ministère quelconque connaîtrait une personne en mesure de bien faire le travail. Ce gestionnaire, évidemment, connaît également les exigences du poste et il peut aussi bien connaître la personne qui pourrait le combler. Une telle situation peut être interprétée de deux façons. On peut dire qu'il est bon et utile que le gestionnaire connaisse une personne qui a les qualités voulues pour le poste. On peut aussi dire que le gestionnaire accorde une faveur à quelqu'un, et que c'est injuste.

Comment faites-vous la distinction entre ce qui est dans l'intérêt de la fonction publique, si un gestionnaire connaît une personne en mesure de combler un poste — même si l'employé doit encore se soumettre à un processus — et le favoritisme? Est-ce que le gestionnaire devrait hésiter à nommer quelqu'un parce que le perdant de ce concours pourrait soutenir que le candidat retenu a obtenu le poste parce qu'il connaissait le gestionnaire? Cette situation est compliquée, mais elle se produit. S'il y a un cadre législatif, est-ce que l'on hésitera à nommer quelqu'un à un poste par crainte d'une telle impression ou d'une telle accusation?

Le sénateur Ringuette : Sénateur, il ne semble pas y avoir de preuve statistique que les gestionnaires craignent ce type d'approche, puisque 75 p. 100 des fonctionnaires interrogés ont indiqué qu'il y avait du favoritisme au travail. En toute logique, on peut dire que ces gestionnaires n'ont pas de craintes de ce genre.

Le sénateur Eggleton : Vous pourriez tout de même l'inscrire dans la loi.

Le sénateur Ringuette : Au cours des deux dernières décennies, les gouvernements ne se sont pas rendus compte, entre autres, que nous avions traversé un cycle d'attrition naturelle, et il ne semble y avoir eu aucune planification. Le secteur privé, même les petites ou moyennes entreprises, planifie ses besoins futurs en ressources humaines. Lorsque vous planifiez, vous pouvez prévoir et vous pouvez dire que dans deux ou trois mois vous aurez besoin d'un gestionnaire dans une unité donnée. Si vous avez un plan, vous pouvez recruter adéquatement.

Actuellement, la planification et les ressources humaines forment un cercle vicieux dont les obstacles géographiques sont une des conséquences. Je ne crois pas que le gouvernement fédéral ou une quelconque entité puisse, en 2006, travailler sans aucun plan. N'oubliez pas que le fédéral est une industrie de services. Essentiellement, nous offrons non pas des produits, mais des services. Pour assurer les services, il vous faut des ressources humaines. Comment peut-on tolérer que les ministères ne planifient pas leurs besoins en ressources humaines?

Je dois aussi souligner l'excellent travail réalisé ces dernières années par Mme Barrados, à la Commission de la fonction publique. Mme Barrados est consciente de ces problèmes. Toutefois, nous parlons encore en termes de politique. Il y a des décennies que la population constate avec dégoût la présence de favoritisme politique dans le système. Actuellement, nous faisons face à un problème de favoritisme bureaucratique. Ce problème peut être réglé uniquement au moyen d'une loi, et non pas d'une politique. En effet, la politique est vague et peut être contournée de bien des façons, contrairement à la loi.

Le sénateur Rompkey : Merci beaucoup. Pour en revenir à la question du sénateur Eggleton, concernant les réinstallations, je crois que la réponse est oui. La population de Fort McMurray, en Alberta, est d'environ 80 000 personnes, et je dirais qu'un tiers de cette population vient de Terre-Neuve. Les gens se rendent là-bas comme ils le peuvent. Ils s'empilent dans une camionnette ou un camion. S'ils en ont les moyens, ils prennent l'avion. S'ils sont en chômage, j'imagine qu'ils demandent de l'aide à Ressources humaines Canada, qui offre un programme de mobilité de la main-d'œuvre. Si leur usine ferme, comme cela s'est produit à Harbour Breton, ils se rendent là-bas comme ils le peuvent. Les gens se vont là où ils trouvent du travail.

Je voulais opposer cela à la situation dans d'autres secteurs de ce que l'on pourrait décrire grossièrement comme la fonction publique, par exemple les Forces canadiennes et la GRC. Je ne sais pas si vous avez fait des recherches, mais est-ce qu'il existe des obstacles géographiques à l'entrée dans les forces armées ou dans la GRC? Le caporal Nolin, de Terre-Neuve, est mort en Afghanistan il y a quelque temps, et je sais qu'aucun obstacle géographique ne l'a empêché de s'enrôler dans les forces armées. Toutefois, s'il avait postulé un poste d'ouvrier, il n'y avait que 35 de ces postes d'annoncés, et des restrictions géographiques s'appliquaient à ces 35 postes. S'il avait posé sa candidature pour un poste de secrétariat ou de soutien, il y en avait 16 en tout d'annoncés, et 15 d'entre eux s'accompagnaient de restrictions géographiques.

D'après ce que je sais, les forces armées n'ont recours à aucun obstacle géographique. Dans la marine, la province la mieux représentée est, un peu bizarrement, la Saskatchewan. C'était du moins le cas autrefois; je ne sais pas si c'est encore vrai. Le deuxième groupe provincial dans la marine est celui de ma province. Les gens originaires de ma province sont également nombreux dans l'Armée de terre; l'un d'entre eux est même devenu le chef d'état-major de la Défense. Si des restrictions géographiques s'étaient appliquées, il ne serait peut-être pas là aujourd'hui.

La même chose vaut pour la GRC. Le sénateur Murray conviendra sans doute que le nombre de personnes originaires du Cap Breton et de l'Atlantique est élevé. Du moins, c'est ce que j'ai pu constater. J'oppose cela à la situation dans d'autres secteurs de ce que l'on pourrait appeler en général la fonction publique. Qu'en pensez-vous? Est-ce que vous avez fait des recherches à ce sujet? Est-ce que l'on peut comparer et devrions-nous aborder cette question spécifique des oppositions?

Je suis en faveur de la loi, mais je m'étonne un peu que le favoritisme bureaucratique y soit inscrit. Je ne sais pas quelle définition on peut utiliser, et je m'interroge sur le fait que cela figure dans la loi. Vous avez dit qu'il y avait un précédent à cet égard, qu'une loi constituait la seule façon de régler le problème, et que la même méthode avait été utilisée ailleurs.

Ces trois points sont ceux qui me viennent d'abord à l'esprit. S'il vous plaît, dites-nous ce que vous en pensez.

Le sénateur Ringuette : Je n'ai pas examiné le processus de recrutement du ministère de la Défense. Toutefois, je peux vous dire que le personnel civil du ministère de la Défense, au quartier général ou dans les diverses bases militaires, doit satisfaire à des critères géographiques. Je me souviens d'une conversation que j'ai eue avec un homme de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Un poste s'était ouvert à Gagetown, mais en raison de contraintes géographiques il ne pouvait pas y poser sa candidature, même s'il avait les compétences requises et qu'il se trouvait au Nouveau-Brunswick. Les effectifs civils du ministère de la Défense sont assujettis à des restrictions géographiques.

Vous avez parlé du recrutement de la GRC. La situation dans cette organisation est intéressante parce que les agents de la GRC se déplacent dans tout le pays. Il n'y a pas de règle géographique limitant le travail à 50 kilomètres de la résidence principale. Cela se distingue de ce que nous voyons dans la fonction publique.

Quant à la définition de favoritisme bureaucratique, j'aimerais que M. Michaud nous en parle. Il a étudié le projet de loi et la définition de favoritisme bureaucratique.

David Michaud, conseiller juridique du sénateur Ringuette : Je crois comprendre que la commission a commencé à étudier une définition possible et a établi un raisonnement pour circonscrire le terme. La commission a déterminé que le favoritisme bureaucratique pouvait être défini comme une conduite irrégulière ou un abus de pouvoir, plus particulièrement de la part des gestionnaires, dans le cadre d'un processus de recrutement et de dotation.

Le sénateur Rompkey : Merci. Que signifie « conduite irrégulière »? C'est une expression très générale.

M. Michaud : C'est vrai. La conduite irrégulière ou l'abus de pouvoir sont définis dans les articles 66 et 67 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

Le sénateur Rompkey : Est-ce que l'abus de pouvoir est défini?

M. Michaud : Oui.

Le sénateur Rompkey : Comment?

M. Michaud : Cela se trouve dans les articles 66 et 67. Le premier concept, l'abus de pouvoir, est défini comme une nomination qui « n'a pas été fondée sur le mérite ou si « une erreur, une omission ou une conduite irrégulière a influé sur le choix de la personne nommée ou dont la nomination est proposée » par la commission.

Le sénateur Rompkey : Est-ce que le mérite est le concept fondamental dans ce cas?

M. Michaud : Oui.

Le sénateur Rompkey : Je ne veux pas poursuivre cette discussion maintenant, monsieur le président, mais il me semble que c'est un aspect intéressant à examiner. Il ne convient peut-être pas d'y consacrer beaucoup de temps pour le moment.

Le président : Sénateur Rompkey, nos prochains témoins représentent la Commission de la fonction publique. Ils connaissent sans doute bien les définitions, et vous voudrez peut-être revenir là-dessus à ce moment.

Aviez-vous d'autres questions à soulever?

Le sénateur Rompkey : Non.

Le sénateur Mitchell : Savez-vous si dans certaines circonstances, à l'heure actuelle, les contraintes géographiques peuvent être levées, par exemple si la Commission de la fonction publique ne réussit pas à combler un poste dans la zone de concours initialement définie? Avez-vous des exemples où la règle peut changer? Est-ce que le processus est intuitif ou faut-il respecter une structure stricte? Est-ce que l'on peut enfreindre ou modifier la règle?

Le sénateur Ringuette : Cette information doit venir de la commission. Mme Barrados serait mieux en mesure que moi de vous répondre. Je pense qu'il serait difficile de recruter, en particulier dans le domaine scientifique. Cela est probable, mais je n'ai pas de données précises à ce sujet.

Le sénateur Mitchell : Savez-vous s'il y a des différences entre l'embauche d'employés à temps partiel ou pour l'été, entre ce processus et le processus de dotation des postes permanents?

Le sénateur Ringuette : Il existe de nombreux programmes pour recruter des étudiants, l'été. Toutefois, certains programmes sont tout à fait inutiles à de nombreux ministères. Mme Barrados peut aussi répondre à cette question. Elle et son personnel se donnent beaucoup de peine pour que les gestionnaires utilisent le processus de recrutement en vigueur dans le cas des étudiants.

Il faut aussi se préoccuper du fait que des employés sont nommés à des postes à temps partiel ou d'une durée déterminée sans que le processus de dotation approprié soit suivi. Un nombre important de personnes sont assujetties à ce processus annuellement, et parfois les gestionnaires se servent de cette méthode pour aider une connaissance. Des personnes sont embauchées à titre occasionnel ou pour une période déterminée, jusqu'à ce qu'elles aient appris les tâches du poste, et lorsqu'elles ont les compétences voulues, un poste s'ouvre. C'est un moyen de contourner le processus et de faire du favoritisme bureaucratique.

Il faudrait aussi se demander pourquoi les gestionnaires utilisent les bureaux de placement alors que, pendant des décennies, le recrutement et la dotation ont été du ressort de la commission au niveau fédéral.

Le sénateur Murray : J'essaie de me décider au sujet de ce projet de loi. J'ai cru un moment que l'élimination des critères géographiques était acceptable, et au premier coup d'œil cela me semblait souhaitable. Nous pourrions y parvenir plus adéquatement grâce à la loi.

J'ai plus d'hésitation à tenter d'éliminer le « favoritisme bureaucratique » au moyen de la loi, parce que l'expression est subjective. Il est difficile de déterminer ce qu'est le « favoritisme bureaucratique ».

Toutefois, j'ai de la difficulté aux deux niveaux, même pour ce que l'on appelle les zones de sélection.

Je m'inquiète de l'effet de la loi sur la direction des ministères de la fonction publique. Si j'étais gestionnaire quelque part, par exemple, et que je vous disais « Un poste s'est ouvert et je pense que vous feriez parfaitement l'affaire. Vous devez maintenant courir ce risque. Il y aura un concours, mais j'insiste pour que vous posiez votre candidature car je crois que vous seriez le candidat idéal pour ce poste important ».

Est-ce que ce serait un abus de pouvoir, surtout si je suis membre du comité de sélection? Est-ce que j'ai tort, comme gestionnaire, de désigner quelqu'un qui, à mon avis, pourrait parfaitement combler ce poste important et délicat?

Pour ce qui est de la géographie, il y aura toujours des cas — j'espère que cela se passera ainsi — où un gestionnaire est sur le point de combler un poste important ou délicat — disons au ministère des Pêches, dans la péninsule acadienne, auprès de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, l'APECA, ou encore dans un parc national... Il cherchera certainement quelqu'un qui possède certaines connaissances, de la familiarité et de l'expérience dans ce domaine particulier. En théorie, une demi-douzaine de candidats peuvent avoir les titres et qualités voulus, l'expérience de la fonction publique et tout le reste, mais le gestionnaire ne veut pas que le candidat retenu pour ce poste délicat ou important, ou pour tout autre poste, ait une courbe d'apprentissage trop prononcée. Être agent des pêches dans la péninsule acadienne, ce n'est pas comme être agent des pêches à Prince Rupert. Pour déterminer ce qu'il faut pour aider les entreprises ou encourager l'industrie, ou même en matière de coopération fédérale et provinciale et de développement régional, il ne faut pas avoir les mêmes connaissances dans les provinces atlantiques que dans le nord de l'Ontario ou quelque part au Québec. De même, il est facile de dire qu'un parc national est un parc national, mais vous savez aussi bien que moi qu'il existe des différences importantes.

J'ai peur que la situation ne devienne impossible pour les gestionnaires qui, lorsqu'ils tiendront compte du contexte et de la familiarité avec la situation locale, risquent d'être accusés de favoritisme géographique et bureaucratique.

En passant, est-ce que le projet de loi s'applique aux organismes comme Parcs Canada et l'Agence du revenu du Canada dont l'indépendance, comme vous le savez, est en principe assurée par la loi?

Le sénateur Ringuette : Ils ne font pas partie de la fonction publique. Sur le site jobs-emplois.gc.ca, que je visite souvent, je ne vois jamais de poste annoncé pour cet organisme.

Le sénateur Murray : Pourriez-vous nous expliquer un peu cela.

Le sénateur Ringuette : Je comprends bien ce que vous dites au sujet des spécificités locales et des différences. Toutefois, il faut aussi connaître ces différences dans la capitale nationale. La connaissance des régions dans les divers ministères améliorerait la qualité des programmes et la qualité de l'évaluation des programmes pour les régions.

Je ne trouve rien à redire à votre exemple de gestionnaire qui annonce à quelqu'un qu'un poste doit s'ouvrir et qu'il serait un excellent candidat, en autant que le gestionnaire ne soit pas en situation de conflit, par exemple qu'il ne fasse pas partie du comité de dotation pour ce poste. Dans un tel cas, le gestionnaire ne respecterait pas le processus ni son équité, car parmi 32 millions de Canadiens il y en a peut-être quelques autres qui seraient aussi bien sinon plus qualifiés pour faire le travail.

Le sénateur Murray : Qui le saurait mieux que le gestionnaire?

Le sénateur Ringuette : Dans ce cas, nous avons un grave problème, car seulement 23 p. 100 des gestionnaires déposent des plans de ressources humaines à l'heure actuelle. C'est une lacune, car les gestionnaires devraient connaître leurs besoins en ressources humaines. Je sais que Mme Barrados et la commission n'ont pas ménagé leur peine pour faire valoir l'importance de la gestion des ressources humaines dans notre système, non seulement en raison des obstacles géographiques, mais aussi pour favoriser l'efficacité des unités de travail.

Comme je l'ai dit précédemment, c'est un cercle vicieux. Je pense qu'il est grand temps que nous accordions toute l'attention voulue à cet aspect. Je crois que le projet de loi permettra aux gestionnaires de constater que jusqu'à maintenant, ils ont fait ce qu'ils ont voulu, lorsqu'ils le voulaient et de la façon dont ils le voulaient, mais qu'il faut respecter le principe d'équité. S'ils ne veulent pas le faire de façon planifiée, nous devrons nous y attaquer par voie législative.

Je sais que Mme Barrados va vous demander de modifier le projet de loi. La modification que propose la commission détruit entièrement l'objet et le principe du projet de loi. Effectivement, la commission veut conserver la capacité d'imposer des obstacles géographiques.

Le sénateur Murray : Nous allons l'écouter.

Le sénateur Ringuette : Et je lui poserai des questions.

Le sénateur Murray : Vous pouvez l'interroger et vous pouvez faire des commentaires lorsque nous arriverons à ce moment de la séance.

Le président : Cela met fin à notre discussion sur le projet de loi, du point de vue de sa marraine, le sénateur Ringuette. Nos témoins suivants sont arrivés. Nous allons donc laisser le sénateur Ringuette retourner dans la salle pendant que nos nouveaux témoins prennent place.

Le sénateur Ringuette : Merci. Je compte sur votre bon jugement.

[Français]

Le président : Nous continuons aujourd'hui notre étude du projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (élimination du favoritisme bureaucratique et des critères géographiques dans le processus de nomination).

[Traduction]

Le président : Accueillons Mme Maria Barrados, présidente de la Commission de la fonction publique du Canada, un organisme indépendant qui a pour mission de préserver les valeurs d'une fonction publique professionnelle, y compris la compétence, la neutralité et la représentativité.

Mme Barrados a été nommée présidente de la Commission de la fonction publique du Canada le 21 mai 2004. Elle en était présidente par intérim depuis novembre 2003. De décembre 1993 à cette date, elle a été vérificatrice générale adjointe, Opérations de vérification, au Bureau du vérificateur général du Canada. Mme Barrados connaît à fond la vérification, l'évaluation et l'analyse statistique. Elle est également active dans sa collectivité.

Elle est accompagnée par M. Donald Lemaire, vice-président, Services de dotation et d'évaluation; et par M. Gaston Arseneault, avocat général de la commission.

Le sénateur Murray : J'en appelle au règlement. Je crois que nous avons une réunion à huis clos après cette séance, pour discuter des activités futures du comité?

Le président : Oui.

Le sénateur Murray : Il nous serait utile de savoir combien de temps nous avons pour écouter les représentants de la Commission de la fonction publique du Canada.

Le président : Je crois que mes collègues les sénateurs détermineront cela par leurs questions. Il y a plusieurs points à traiter. Mme Barrados a déjà témoigné devant nous, elle pourra donc peut-être couvrir plusieurs points au cours de son exposé, ce qui réduira le nombre de questions, mais je ne veux pas nous limiter.

Le sénateur Murray : À quelle heure croyez-vous que la réunion à huis clos commencera?

Le président : Immédiatement après les témoignages.

Le sénateur Murray : Et combien de temps durera-t-elle?

Le président : Je crois qu'il nous faudra à peu près une heure.

[Français]

Le président : Merci d'être avec nous ce matin, madame Barrados. Nous écouterons avec intérêt vos remarques liminaires et passerons ensuite à la période de questions et de discussion.

[Traduction]

Maria Barrados, présidente, Commission de la fonction publique du Canada : Merci de cette introduction, monsieur le président, et merci de me donner l'occasion de venir témoigner devant le comité au sujet du projet de loi S-201. Je m'intéresse beaucoup aux questions soulevées dans le projet de loi, mais je m'inquiète du libellé proposé.

[Français]

En raison de son mandat, la Commission de la fonction publique (CFP) s'intéresse beaucoup à ce projet de loi. Le Parlement nous a donné le mandat de protéger le mérite et l'impartialité dans la gestion des ressources humaines, sans nous obliger à tenir compte des orientations ministérielles. Nous offrons également des services de dotation et d'évaluation aux ministères fédéraux. Dans la foulée de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, des modifications importantes ont été apportées à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (LEFP) en 2003. À cette occasion, le Parlement a confirmé le pouvoir de la CFP d'établir des lignes directrices en matière de zone de sélection.

Le projet de loi S-201 propose de définir le favoritisme bureaucratique et d'éliminer les critères géographiques dans les processus de nomination. La CFP a travaillé au favoritisme bureaucratique et aux notions connexes touchant l'abus de pouvoir et le favoritisme personnel. Nous avons publié une étude en octobre 2005 dans laquelle nous donnons la définition du terme « favoritisme personnel ». La nouvelle Loi sur l'emploi dans la fonction publique établit la notion d'« abus de pouvoir », y compris celle de « favoritisme personnel », comme motif de plainte auprès du Tribunal de la dotation de la fonction publique. Quant au favoritisme bureaucratique, il s'agit d'une grande question qui va au-delà de la dotation. La notion est gravée dans le Code de valeurs et d'éthique de la fonction publique. Elle touche à la justice dans tous les domaines de pouvoir discrétionnaire, y compris la formation et le perfectionnement, la classification, les récompenses et la reconnaissance. Il se peut que les membres du Sénat souhaitent entendre la version d'autres témoins par rapport à la question, soit du tribunal, du Secrétariat du Conseil du Trésor ou de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada. Aujourd'hui, j'oriente principalement mes remarques sur la partie du projet de loi qui traite des critères géographiques.

[Traduction]

Les limites géographiques sont un élément commun de la zone de sélection et déterminent l'endroit où les candidats doivent habiter ou travailler pour être admissibles à un processus de nomination et être pris en considération pour une offre d'emploi.

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique, la LEFP, notre loi habilitante, autorise la commission à déterminer la zone de sélection appropriée. L'établissement de limites concernant les zones de sélection a permis à la fonction publique de susciter l'intérêt d'un répertoire suffisant de candidats qualifiés, tout en veillant à ce que le nombre de candidatures et les délais de recrutement demeurent raisonnables. La création d'une zone de sélection nationale abolirait les limites géographiques à l'intérieur du Canada et permettrait à des personnes de tout le pays de postuler un poste donné.

Le projet de loi S-201 retire toute latitude quant à l'utilisation d'une zone de sélection géographique pour les processus de sélection, notamment pour les processus de dotation externe et interne ainsi que les postes permanents, à temps partiel ou à court ou à long terme. Il pourrait aussi s'agir des processus utilisés pour les programmes d'emplois d'été pour étudiants, à moins que les étudiants ne soient spécifiquement exclus de la loi.

J'appuie les objectifs du projet de loi du sénateur Ringuette, qui veut améliorer l'accès des Canadiens aux emplois dans la fonction publique. De fait, depuis plus de cinq ans, c'est exactement ce que nous faisons en exerçant les pouvoirs qu'on nous a donnés pour imposer des lignes directrices aux ministères — et nos lignes directrices ont force exécutoire aux termes de notre loi habilitante.

Nous avons appliqué la zone nationale de sélection aux processus de recrutement externe visant des postes de niveaux équivalant aux postes de cadre ou des groupes EX, EX moins 1 et EX moins 2. Tout récemment, nous avons modifié les lignes directrices en matière de zone de sélection, de sorte que depuis le 1er avril 2006, les ministères appliquent la zone nationale de sélection à tous les postes d'agent ouverts au public dans la région de la capitale nationale. Tous les Canadiens peuvent donc poser leur candidature à ces postes. Nous prévoyons que ces lignes directrices permettront de doubler le nombre d'emplois auxquels les Canadiens de tout le pays peuvent poser leur candidature dans la région de la capitale nationale. Nous parlons ici d'un passage 28 p. 100 à environ 60 p. 100.

Notre objectif ultime est l'application de la zone nationale de sélection à tous les processus de nomination externe annoncés visant tous les postes au Canada. Selon les résultats d'une évaluation de l'impact, il se pourrait que la zone nationale de sélection soit en place dès décembre 2007. Pour faciliter l'atteinte de cet objectif, la Commission de la fonction publique a mis au point le Système de ressourcement de la fonction publique, le SRFP. Il s'agit d'un outil de dotation externe en ligne qui permettra d'effectuer une présélection électronique et donc de réduire le nombre de demandes d'emploi devant faire l'objet d'une présélection manuelle.

Comme vous pouvez le constater, nous adoptons une approche pondérée. Cette approche reconnaît que le recours à une zone nationale de sélection entraîne habituellement un nombre accru de candidatures et, en général, toute augmentation du nombre de candidatures aura pour effet d'augmenter les délais de dotation et les coûts connexes. Nous devons donc nous assurer que la zone nationale de sélection est appliquée de façon à ne pas interrompre le service au public ni entraîner une dépense déraisonnable des fonds publics.

Notre approche progressive nous permet de mesurer l'incidence de nos lignes directrices, de cerner les problèmes, de les corriger et de s'inspirer des leçons tirées alors que nous progressons vers la prochaine étape de mise en œuvre. Bref, il s'agit d'une approche responsable visant à améliorer l'accès de la population canadienne aux emplois de la fonction publique.

Nos lignes directrices concernant la zone nationale de sélection ne s'appliquent pas aux processus de dotation interne ni aux processus de dotation externe suivants : les programmes d'emploi étudiant, les emplois saisonniers ou les nominations pour une période de six mois ou moins. Nous croyons que la zone nationale de sélection ne devrait pas s'appliquer aux processus de dotation interne, comme le prévoit le projet de loi S-201.

Nous convenons des intentions qui motivent le projet de loi S-201. Toutefois, le retrait de toute latitude en ce qui a trait à l'application de restrictions géographiques, tant pour les processus de nomination externe que de nomination interne, au moyen d'un texte de loi, aurait de graves conséquences sur le système de dotation.

En 2005-2006, il y a eu 44 662 nominations externes et 55 568 nominations internes. Il s'agissait de promotions, de nominations intérimaires et de déplacements latéraux et régressifs à l'intérieur de la fonction publique. Ces processus de dotation demanderaient plus de temps, et ils seraient plus coûteux en termes de temps nécessaire pour doter un poste, d'adaptation à un poste vacant et de frais de réinstallation. L'incapacité des ministères à combler des postes de façon opportune et économique pourrait compromettre le service aux Canadiens. De telles restrictions pourraient encourager le recours à des processus non annoncés.

Exiger des ministères qu'ils appliquent la zone nationale de sélection à tous les processus de dotation interne n'améliore pas l'accès des Canadiens à la fonction publique, puisque les processus de dotation internes sont, par définition, réservés aux personnes qui font déjà partie de la fonction publique.

Ce projet de loi élimine toute latitude quant à l'application de la zone de sélection géographique. Pourtant, il serait de l'intérêt de la fonction publique et, en bout de ligne de la population canadienne, d'utiliser une telle zone de sélection. Prenons par exemple le recrutement externe de personnes pour une durée déterminée, en particulier des personnes dont les services ne sont requis que pour une période de moins de six mois. Les gestionnaires peuvent être dans l'obligation de recruter du personnel pour des projets spéciaux ou pour remplacer des fonctionnaires en congé. D'après notre expérience, un processus ayant recours à une zone nationale de sélection se terminerait au moment où l'on n'aurait plus besoin d'une telle main-d'œuvre. En éliminant ce pouvoir discrétionnaire, les gestionnaires délégués perdent la capacité de traiter efficacement la dotation à court terme.

Le temps supplémentaire nécessaire pour mener un processus de nomination à l'aide d'une zone nationale de sélection et l'obligation de réinstaller éventuellement les personnes retenues minent la capacité d'un gestionnaire de nommer quelqu'un pour assurer la continuité du service aux Canadiens.

Ce projet de loi a de lourdes conséquences sur les frais de déplacement et de réinstallation. Les directives régissant ces dépenses relèvent du Secrétariat du Conseil du Trésor. Il se peut que les membres du Sénat veuillent obtenir une estimation de ces coûts auprès du Secrétariat du Conseil du Trésor.

L'objectif d'améliorer l'accès des Canadiens aux emplois de la fonction publique peut être atteint sans recourir à loi habilitante, si le Parlement souhaite procéder ainsi, et je propose un amendement au projet de loi, qui comporte deux volets. Le premier volet met l'accent sur la zone nationale de sélection pour les postes ouverts à la population, par opposition aux processus de nomination interne.

Le second permet à la commission de faire des exceptions dans les cas où il n'est pas dans l'intérêt de la fonction publique d'appliquer la zone nationale de sélection à un processus de nomination, par exemple la dotation d'un poste à court terme ou le recrutement de travailleurs à temps partiel. L'amendement est joint à mon mémoire, aux fins d'examen.

La question de la zone nationale de sélection a fait l'objet de débats approfondis au Parlement lors de l'examen de la nouvelle Loi sur l'emploi dans la fonction publique, en 2003. Le Parlement a confirmé la latitude de la Commission de la fonction publique pour ce qui est d'établir des zones de sélection géographiques et de rendre compte de l'utilisation de ce pouvoir. Nous sommes déterminés à implanter la zone nationale de sélection pour le recrutement externe à un rythme que le système peut soutenir. Nous avons déjà pris plusieurs mesures pour atteindre l'objectif visé par le projet de loi, c'est-à-dire améliorer l'accès des Canadiens aux postes de la fonction publique fédérale.

La Loi sur l'emploi dans la fonction publique prévoit un examen dans cinq ans, et d'éventuelles modifications. À ce moment, si des progrès suffisants n'ont pas été réalisés, des changements pourraient être apportés dans ce domaine et relativement aux contraintes systémiques connexes qui entravent nos progrès.

Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le sénateur Cowan : Merci d'être venue aujourd'hui. Je suis dans la même situation que le sénateur Murray : j'accepte les objectifs du projet de loi mais je m'inquiète de ses conséquences pratiques et de ses perspectives de succès.

Je veux couvrir deux points. Dans vos commentaires, vous dites que la question des frais de déplacement et de réinstallation est une information que le Secrétariat du Conseil du Trésor pourrait nous fournir. Pouvez-vous nous donner un aperçu général de la pratique actuelle concernant le paiement des frais, à deux niveaux? Premièrement, lorsqu'un poste est annoncé, un répertoire est créé ou une brève liste de candidats est établie, et les candidats sont convoqués à une entrevue. Est-ce que le ministère ou l'organisme qui embauche doit payer les frais des personnes qui se présentent à l'entrevue? Est-ce que cette pratique est tributaire du niveau du poste annoncé?

Une fois la sélection faite, quels sont les cas où l'employeur doit payer les frais de réinstallation? Le sénateur Eggleton a posé des questions à cet égard. Évidemment, dans le secteur privé, cette pratique dépend du niveau du poste. Si une université, un cabinet d'avocats ou une entreprise veulent recruter dans un bassin national de candidats, ils peuvent payer une partie des frais de réinstallation. Ils vont presque certainement devoir payer des frais de réinstallation s'ils veulent un candidat donné, mais ce n'est peut-être pas le cas aux niveaux inférieurs.

Deuxièmement, comment annonce-t-on les postes? Je suppose que dans certains cas la publicité est faite dans les journaux, ce qui est plus coûteux vu le nombre de journaux dans lesquels vous annoncez. Est-ce que c'est simplement une question d'afficher certains types de postes dans l'Internet — et peut-être s'agit-il du site sur les emplois auquel le sénateur Ringuette a fait allusion, emplois.gc.ca, et alors il n'y a pas de coûts supplémentaires pour élargir la zone géographique des candidats possibles.

Pouvez-vous commenter ces deux aspects?

Mme Barrados : Comme je l'ai dit, les déplacements et la réinstallation relèvent du Conseil du Trésor. La pratique actuelle diffère selon qu'il s'agit d'un processus de nomination externe ou interne. Du côté externe, la pratique est discrétionnaire pour les frais tant pour les déplacements aux fins d'entrevue que pour la réinstallation. En règle générale, tous les coûts sont payés pour le personnel supérieur, mais beaucoup moins pour les employés subalternes. La question des obligations fait actuellement l'objet de discussions. J'ai demandé des précisions pour m'assurer que nous répondons aux attentes du Conseil du Trésor.

Les déplacements à l'interne sont couverts suivant les conventions collectives des employés ainsi que d'autres obligations établies entre l'employeur et les employés. Tous ces coûts sont payés. Les frais peuvent être considérables.

Le sénateur Cowan : Même pour les entrevues?

Mme Barrados : Oui.

Si vous faite partie de l'organisation et qu'un poste est affiché dans la zone nationale de sélection et qu'on vous demande d'aller ailleurs au pays, alors vos dépenses seront payées.

La deuxième partie de votre question porte sur les pratiques publicitaires. La commission exige au minimum que les postes soient affichés. Pour les processus externes, les annonces se font souvent sur le site Web auquel le sénateur Ringuette faisait allusion. Pour les processus internes, l'annonce se fait sur Publiservice, un réseau interne.

Le recours aux annonces dans les journaux est facultatif. Si un processus externe et annoncé dans un journal, il faut généralement veiller à ce que la publicité soit nationale. Il n'y aurait donc pas de coût différentiel. Lorsque la commission publie une annonce, elle le fait dans tout le pays. Nous ne pouvons pas nous en tenir à un ou deux journaux.

Le sénateur Rompkey : Vous avez le pouvoir de décider où le candidat doit résider pour être admissible, mais est-ce que quelqu'un a déjà contesté cette exigence aux termes de la Charte des droits et libertés ou de la Constitution? Cela s'est-il déjà fait?

Mme Barrados : Oui, c'est un aspect. M. Arseneault peut vous expliquer cela. On nous a clairement signifié que nous ne pouvions pas utiliser les limites provinciales parce qu'alors, d'autres obligations s'appliquent. Cela ne soulève pas de difficultés si nous déterminons une zone géographique raisonnable et que cela nous permet de constituer un répertoire.

M. Arseneault peut peut-être vous en dire un peu plus à ce sujet.

Gaston Arseneault, avocat général, Commission de la fonction publique du Canada : Une plainte a été présentée à la Cour d'appel fédéral en 1984 au sujet de l'article 6 de la Charte. L'affaire reposait sur un éventuel droit de travailler accordé aux citoyens.

Il s'agit d'une vieille décision prononcée en vertu de la Charte; cela se passait en 1984. À l'époque, il a été décidé que la zone de concours était valable et ne contrevenait pas à la Charte, dans la mesure où la zone choisie n'était pas une frontière provinciale. Aujourd'hui, nous sommes donc de cet avis, c'est-à-dire que tant que nous n'utilisons pas les frontières provinciales, nous ne contrevenons pas à la Charte.

Le sénateur Rompkey : Je me suis aussi interrogé sur ce que vous disiez au sujet du recours au temps du personnel et aux ressources. Vous avez dit que l'on évitait une utilisation déraisonnable des fonds publics et un allongement indu du processus. La démocratie est parfois lente elle aussi. Si j'étais roi, je pourrais dire « Qu'on les pende », mais je dois suivre d'autres processus, qui sont souvent lents et coûteux, comme Churchill l'a dit avec beaucoup plus d'éloquence que moi.

Je veux examiner l'amendement :

Lorsque la commission fixe un critère géographique lors d'un processus de nomination, elle doit établir une zone nationale de sélection sauf dans les cas où la commission estime pareille zone contraire aux intérêts de la fonction publique.

La commission décide. Vous pouvez peut-être m'expliquer comment elle le fait. Dites-nous par exemple s'il y a un droit d'appel, et devant quelle instance.

Mme Barrados : L'idée maîtresse de l'amendement est la suivante : nous acceptons le principe d'une zone nationale de sélection pour les nominations externes. C'est un élément important du travail que nous avons effectué. Nous avons aussi dit que ce principe ne s'applique pas pour les processus de nomination internes.

La règle est qu'il doit y avoir « une zone nationale de sélection ». Il peut y avoir des exceptions. Je songe notamment à la façon dont nous appliquons notre politique actuelle, notamment en ce qui concerne les embauches à très court terme. Si vous avez un besoin de dotation à court terme, il est possible d'embaucher un employé à court terme sans tenir compte du principe de la zone nationale de sélection.

Nous étudions attentivement la question des programmes étudiants. Actuellement, les dispositions de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique ne s'appliquent pas à ces programmes. Il y a quelque chose qui me dérange dans cela, parce que tous les critères, y compris le mérite et les critères d'équité et d'accessibilité, ne sont pas techniquement applicables. Je ne pense pas que ce soit la façon de procéder.

Grâce au changement apporté à la loi, je veux en étendre les dispositions aux étudiants. Pouvons-nous, cependant, imposer le principe de la zone nationale de sélection à ces programmes? L'expérience nous montre que ce n'est pas une bonne idée; il n'est pas du tout certain que ce soit là la façon de procéder. Certes, les étudiants se portent candidats, mais ils n'acceptent pas l'emploi par la suite.

L'autre point est la capacité de faire des exceptions et de ne pas mettre en œuvre les systèmes. Nous déployons actuellement un système électronique, mais s'il y a des répercussions inattendues, il faut que nous puissions ralentir sa mise en œuvre d'une manière ou d'une autre.

C'est là l'idée qui sous-tend cette partie. Je considère que le principe d'une zone nationale de sélection devrait être appliqué pour les emplois annoncés à l'extérieur du gouvernement, mais les deux années et demie que j'ai passées à la commission m'ont appris qu'il m'est impossible de tout prévoir. Tous les jours, je suis surprise par quelque chose de nouveau à quoi je n'avais pas songé. Éliminer purement et simplement quelque chose m'inquiète lorsqu'il s'agit d'une organisation aussi importante, traitant un volume considérable de dossiers. J'ai cité des chiffres. Il y a un grand nombre de candidatures. Trois quarts de million ont été présentés l'an dernier grâce au site Web sur les emplois. Il nous incombe de traiter ces candidats de manière juste et équitable.

Notre idée est d'appliquer la loi, tout en ménageant une possibilité d'évaluation. Il faut que nous puissions faire des exceptions lorsque nous nous heurtons à de grosses difficultés et qu'appliquer la loi n'aurait aucun sens.

Le sénateur Rompkey : Vous m'avez donné des exemples d'étudiants et d'employés à court terme, mais j'ai l'impression qu'il arrive fréquemment que le travail à court terme se transforme en travail à long terme.

Êtes-vous tenu de fournir des explications si vous vous faites une entorse à la politique? Peut-on contester votre décision? Y a-t-il une possibilité de faire appel?

Mme Barrados : Si je suis à la tête d'une commission, je ne suis pas seule, j'ai des commissaires. Les changements à la politique sont apportés par la commission. C'est celle-ci qui est responsable de la politique et de son application. Si nous nous en écartions, je serais tenue de m'en expliquer devant le Parlement. Il est bien évident que je suis obligée de rendre compte régulièrement de ces « entorses » à la loi.

Toutes les candidatures sur un plan individuel, sont assujetties à un examen judiciaire, s'il existe des motifs de le faire. Je ne suis pas sûre que les exceptions faites à la politique soient soumises à cette disposition. Lors nous violons la Charte, nous allons en cour. Le traitement inéquitable d'un individu donne lieu à un examen judiciaire.

Le sénateur Murray : Lorsque, dans un cas particulier, vous faites une exception à la règle pour le bien de la fonction publique, pouvez-vous être obligée d'expliquer pourquoi vous avez pris cette décision et pourquoi il n'était pas dans l'intérêt de la fonction publique de se conformer à la règle générale? S'il s'agit d'un cas particulier, peut-on vous obliger à le faire?

Mme Barrados : Je suis tenue d'expliquer toutes mes politiques. Je suis tenue d'expliquer et de documenter mes décisions et la commission fournit effectivement une explication sur tous les cadres de politique, sur ses réunions et sur toutes les décisions qu'elle prend.

Le sénateur Murray : Le public a-t-il immédiatement accès à cette information?

Mme Barrados : Oui.

Le sénateur Eggleton : En quoi le paragraphe 3(3) de l'amendement que vous nous avez soumis diffère-t-il de la pratique actuelle?

Mme Barrados : La pratique actuelle nous donne entière latitude. Exprimé en termes non techniques, ce paragraphe en droit, dit que nous devons avoir une zone nationale de sélection à moins d'une très bonne raison de faire une exception. Cette disposition limite notre pouvoir discrétionnaire et nous dit comment utiliser celui-ci.

Le sénateur Eggleton : Vraiment? Actuellement, cette disposition vous permet d'utiliser votre pouvoir discrétionnaire. Dans la pratique, je ne vois pas de différence.

Mme Barrados : Dans la pratique, comme je l'ai dit dans mes propos préliminaires, je crois à la nécessité d'une zone nationale de sélection. Nous nous orientons vers une politique de zone nationale de sélection pour les emplois externes. Dans certains cas, nous ne l'appliquons pas. Je reconnais avec le sénateur que l'emploi à court terme a tendance à se transformer en emploi à long terme, et un des aspects de ma mission est de régler ce problème.

Je crois que nous pouvons accomplir cette mission sans recours à des mesures législatives, par le biais de la politique. Je comprends le sentiment de frustration éprouvé par le sénateur Ringuette pour qui ce changement ne s'effectue pas aussi rapidement qu'elle le voudrait et qui n'est pas sûre que nous l'effectuerons réellement. Elle dit qu'il faut que nous passions par la loi pour que l'obligation faite à la commission soit plus contraignante. Lorsqu'il est dit quelque part, « Vous devez », je prends cela très au sérieux. Cela signifie que je dois le faire et que lorsque je ne le fais pas, je dois fournir de bonnes raisons pour justifier ma décision : je dois être prête à comparaître régulièrement ici pour m'expliquer.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de prendre l'exemple donné par le sénateur Rompkey des 50 personnes qui s'entassent à l'arrière d'un camion à Fort McMurray pour venir chercher un emploi à Ottawa. Par les temps qui courent, je ne vois pas très bien pourquoi les gens viendraient de Fort McMurray. C'est au contraire là-bas que la plupart des gens vont chercher du travail.

Quoi qu'il en soit, je comprends l'analogie. J'ai pris bonne note des commentaires du sénateur Ringuette qui déclare que la commission doit se montrer juste et équitable. Il y a 50 emplois à Ottawa et ces gens-là viennent de Fort McMurray pour présenter leur candidature. En vertu de cette disposition, ils n'iraient pas s'entasser dans un camion. Vous leur enverriez des billets aller-retour pour qu'ils puissent se présenter aux entrevues. Que feriez-vous dans un cas comme celui-là? Diriez-vous qu'il s'agit toujours d'une zone nationale de sélection ou diriez-vous qu'il n'est pas pratique d'embaucher des gens de cette manière?

Mme Barrados : J'ai répondu plus tôt dans le contexte de la politique du Conseil du Trésor. Une certaine latitude peut être exercée dans le cadre de cette politique en ce qui concerne les frais de voyage et de réinstallation. Les gestionnaires sont libres de payer, ou non, ces frais. L'exercice de ce pouvoir discrétionnaire fait actuellement l'objet de discussions. J'ai écrit au secrétaire du Conseil du Trésor pour lui demander des éclaircissements, mais je n'ai pas encore reçu de réponse.

C'est une des raisons pour lesquelles je suis soucieuse d'appliquer cette politique de manière progressive et mesurée. Je vais procéder à ces évaluations et, en cas d'obligations imprévues, je veux savoir ce qu'elles sont avant de promouvoir l'adoption de cette politique.

Le sénateur Eggleton : Ne serait-il pas facile pour les gestionnaires de tourner cette politique en utilisant des postes occasionnels et des emplois temporaires? La politique ne facilitera-t-elle pas le recours à ce genre d'embauche, permettant ainsi de la tourner?

Mme Barrados : Deux méthodes permettant de tourner la politique me préoccupent. La première est le recours aux emplois occasionnels, qui ne relèvent plus de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique depuis sa dernière modification. Ce point n'est donc pas couvert. Ma seconde préoccupation est que la nouvelle loi accorde plus de latitude aux gestionnaires lorsqu'il s'agit d'utiliser un processus sans publicité. Si vous utilisez celui-ci, vous n'avez pas besoin de zone géographique de sélection. Cette disposition figure dans le texte proposé. Oui, je m'inquiète de voir que les gestionnaires ne disposent pas des outils nécessaires pour l'affichage et la présélection électroniques; nous appuyons ce processus grâce à une capacité d'entrevue en téléconférence avec nos bureaux régionaux. Il est indispensable que de tels dispositifs soient mis en place. Nous créerons alors un incitatif pervers et je reviendrai me plaindre de l'usage excessif des processus sans publicité.

Le sénateur Eggleton : Y a-t-il un moyen de régler cette question en éliminant un tel usage afin de respecter l'esprit du projet de loi S-102?

Mme Barrados : Nous essayons de le faire par le biais de la politique. Nous déployons de nouvelles mesures, nous mettons des systèmes en place que nous évaluons au fur et à mesure. Je voudrais cependant qu'il y ait une zone nationale de sélection pour les processus externes. Je comprends les craintes du sénateur Ringuette, point de vue que j'ai également entendu exprimer par d'autres membres. Les personnes de leur circonscription qui devraient pouvoir poser leur candidature à des emplois dans la fonction publique ne peuvent pas le faire, et cela les frustre. Nombreux sont ceux qui souhaiteraient travailler dans la fonction publique, mais qui ne peuvent pas poser leur candidature aux emplois offerts.

Le sénateur Eggleton : Nous ne voulons pas de favoritisme ni de népotisme. Nous ne voulons cependant pas non plus que les gens soient accusés à tort de les pratiquer. Et nous ne voulons pas non plus que les gens soient si intimidés par les règlements qu'ils ont peur de recommander quelqu'un pour un emploi, même si cette personne serait un candidat idéal pour le poste. En fin de compte, le perdant pourrait porter des accusations de favoritisme et de népotisme. Le sénateur Murray, le sénateur Ringuette et moi-même nous sommes particulièrement intéressés à cette question. Pourriez-vous faire un commentaire à ce sujet?

Mme Barrados : Le régime actuel comporte un mécanisme permettant aux employés qui croient qu'il y a eu abus d'autorité marqué par du favoritisme personnel de porter plainte devant le tribunal de la dotation de la fonction publique. Lorsqu'il s'agit de cas externes ou comportant une fraude ou une activité politique, les gens peuvent s'adresser à la Commission de la fonction publique. J'ai toute latitude pour faire enquête sur les actes fautifs dans le processus. Ma réaction à cette disposition particulière est que la loi existante contient déjà les dispositions applicables dans ce domaine, mais nous souhaiterions en ajouter une autre. Si les sénateurs veulent que nous travaillions sur cette question, nous sommes prêts à le faire. Je suggère au comité d'en parler au TDFP, parce que tout travail effectué dans ce domaine devrait tenir compte des mécanismes déjà en place. La tâche de la commission consisterait à guider les enquêtes et elle devrait être modifiée en fonction des résultats individuels de ces processus parce que ceux-ci sont quasi judiciaires. Manifestement, le tribunal doit demeurer indépendant et effectuer son travail quasi judiciaire selon la manière dont il applique et utilise ces termes.

Il appartient vraiment au Sénat de décider de la meilleure manière de procéder. La CFP assumerait cette responsabilité à condition que cela n'ait pas d'effets, tels qu'ils soient, sur les autres mécanismes en place, car cela ne serait pas approprié.

Le sénateur Eggleton : Le projet de loi serait-il acceptable s'il incorporait les amendements de la CFP? Pourriez-vous fonctionner dans un tel cadre?

Mme Barrados : Oui, je pourrais accepter cela car je suis d'accord sur le principe.

Le président : Le comité a une copie des amendements préparés par la CFP.

Le sénateur Stratton : Compte tenu des amendements proposés, je recommande que le comité entende à nouveau la marraine du projet de loi, le sénateur Ringuette. Je n'essaie pas de retarder l'adoption de ce projet de loi, mais les amendements doivent être déposés et le projet de loi mis de côté jusqu'à ce que nous ayons entendu les témoignages de tous les témoins. Nous pourrions entendre le sénateur Ringuette, demain à 18 h 15 à propos de l'amendement, et passer ensuite à l'étude article par article.

Le président : Manifestement, nous ne finirons pas tout aujourd'hui. Si les sénateurs sont d'accord, nous procéderons comme le recommande le sénateur Murray.

J'ai encore devant moi deux questions que des sénateurs voudraient poser à Mme Barrados et à la Commission de la fonction publique, après cela, nous reprendront demain cette partie de la séance.

Le sénateur Nancy Ruth : Je voulais poser une question au sujet des besoins à court terme en ce qui concerne les processus de dotation interne. Y a-t-il un bassin de candidats qui peuvent être affectés en rotation dans les divers ministères pour des périodes de moins de six mois. Ce processus de dotation inclut-il, jusqu'à un certain point, les congés de maternité et des congés parentaux.

Mme Barrados : Le système interne accorde des pouvoirs discrétionnaires aux gestionnaires. En proposant ces mesures législatives, nous essayons de faire une plus large place à la dotation collective de manière à ce que les processus que nous utilisons permettent de préqualifier les gens. Il s'agit souvent de besoins imprévus et à court terme. Le congé de maternité est prévu mais les dates précises demeurent souvent inconnues jusqu'à la dernière minute. Ce qui me préoccupe, ce sont les besoins qu'il n'est pas possible de prévoir dans le cadre des processus de planification. Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Ringuette lorsqu'elle exprime des inquiétudes au sujet de la planification des ressources humaines.

Mon rapport annuel sort la semaine prochaine, sénateur Ringuette, et vous serez heureuse d'apprendre qu'il y a eu des améliorations. Les choses vont mieux. Nous mettons l'accent sur les types de besoins imprévisibles dans les processus de planification.

Le sénateur Nancy Ruth : Quel est le pourcentage d'emplois à court terme qui peuvent être comblés par les candidats du bassin de la CFP? Combien devez-vous aller recruter à l'extérieur.

Mme Barrados : S'agit-il du bassin interne ou externe?

Le sénateur Nancy Ruth : Je parle du bassin interne. Je voudrais savoir si ce bassin permet de combler la plupart des postes à court terme vacants. S'il permet de combler la plupart des postes à court terme, la restriction géographique n'est peut-être pas nécessaire. Je suis certaine que la réponse est oui.

Mme Barrados : La Commission de la fonction publique couvre l'ensemble du pays, avec 40 p. 100 dans la région de la capitale nationale et 60 p. 100 dans le reste du pays. Les besoins sont différents selon la région et la dotation tend à être effectuée par ministère. Je ne crois pas que le genre de bassin de ressources auquel vous pensez existe, Mais je n'en suis pas certaine. M. Lemaire voudrait peut-être ajouter un mot à ce sujet.

Donald Lemaire, vice-président, Direction générale des services de dotation et d'évaluation, Commission de la fonction publique du Canada : Pour la réalisation des processus actuel, une initiative de dotation collective nous permet de pourvoir plus d'un poste. Pour les affectations à court terme, afin de remplacer quelqu'un qui est en congé de maladie à court terme ou en congé de maternité, etcetera, il n'existe pas de bassin de ressources. Nous avons songé à avoir une agence interne, mais celle-ci aurait besoin de fonds pour maintenir un groupe de personnes pour les affectations à court terme en fonction des besoins. Il faudrait pour cela que nous négocions avec nos partenaires afin d'établir les conditions d'utilisation, car aucun organisme gouvernemental n'a pour mandat de mener ce genre d'action. Actuellement, il incombe à chaque ministère responsable de pourvoir à ses besoins à court terme.

Par exemple, pour que notre Direction générale puisse disposer d'un bassin d'employés, il faudrait que ceux-ci puissent obtenir des affectations dans divers ministères. Une telle pratique exigerait une infrastructure appropriée pour pouvoir fonctionner. C'est pourquoi ce sont les agences de recrutement qui fournissent actuellement ce service. Il n'existe pas de mécanisme interne au gouvernement qui soit similaire à celui des agences de recrutement.

Le sénateur Mitchell : Madame Barrados, pouvez-vous confirmer la remarque suivante et y répondre? J'ai cru comprendre que certains tournent parfois cette restriction géographique en empruntant une adresse dans la zone qualifiée. Qu'arrive-t-il lorsque vous le découvrez? Est-ce que vous jugez qu'il s'agit là d'une initiative louable ou au contraire d'une tromperie rendant cette personne inadmissible?

Mme Barrados : Nous effectuons une enquête et si nous constatons qu'une telle situation existe, nous révoquons le poste car nous considérons qu'il y a eu fraude.

Le sénateur Mitchell : Lorsque vous ne trouvez personne pour occuper un emploi dans une zone restreinte donnée, levez-vous automatiquement cette restriction, et allez-vous chercher un candidat ailleurs, ou est-ce difficile?

Mme Barrados : La décision de fixer, ou non, une zone géographique, est prise par les gestionnaires, car nous nous attendons à ce qu'ils comprennent qui constitue leur bassin de candidats disponibles. Notons cependant qu'il y a des exigences, dans certains cas, pour tous les postes d'agent dans la région de la capitale nationale : il n'y a pas de choix. Si vous affichez un processus de dotation particulier et que vous ne trouvez personne, parce que vous avez limité la zone géographique admissible, vous recommencez en modifiant la restriction géographique : vous l'élargissez.

Le sénateur Mitchell : On nous a dit, il y a quelque temps — c'est du moins un exemple d'embauche sur lequel je suis tombé — que l'on avait exigé, pour la dotation d'un poste de directeur général des pêches, que les candidats vivent dans un rayon de 50 kilomètres autour d'Ottawa. Est-ce faux ou s'agit-il d'un cas réels?

Mme Barrados : Si cela s'est produit, ce n'est plus autorisé.

Le sénateur Mitchell : Est-ce à cela que vous faites allusion lorsque vous dites que tous les postes d'agent à Ottawa ne doivent être assujettis à aucune restriction?

Mme Barrados : Cela inclut tous les postes de la catégorie EX pour l'ensemble du pays, ainsi que les postes de EX moins 1 et moins 2. Nous avons également deux projets pilotes dans la région; cette exigence ne vaut donc pas seulement pour la capitale nationale.

Le sénateur Mitchell : Pour les emplois qui seraient autrement limités à une région donnée, le Cap Breton ou Regina, par exemple, les employés de ces régions placés en concurrence avec des candidats amenés de l'extérieur en éprouvent- ils du ressentiment? Est-ce là le revers de la médaille?

Mme Barrados : Cela m'a toujours préoccupé. Si nous créons des possibilités d'emploi dans une région à des fins de développement économique, nous ouvrons le processus à la compétition. En principe, c'est donc un processus national. Or, nous constatons que lorsqu'il s'agit de décider de déménager, les gens y renoncent parfois. Je ne pense pas que ce changement entraînera un mouvement massif de personnes. Il vise celles qui s'intéressent vraiment à un emploi et qui sont prêtes à déménager avec leurs familles. À mon avis, quelque soit l'endroit du pays, cette possibilité devrait être offerte partout.

Le sénateur Ringuette : Une brève question au sujet de la restriction géographique. Vous avez dit qu'il appartient aux gestionnaires de décider s'ils veulent inclure une restriction géographique pour une offre d'emploi. Cependant, vous avez une politique, et vous avez aussi la loi, selon lesquelles c'est à la commission de décider. Il y a indiscutablement là un conflit parce que la commission détient l'autorité législative en ce qui concerne la restriction géographique, et pourtant, vous nous avez dit, il y a quelques minutes, que c'est aux gestionnaires qu'il appartient de fixer cette restriction.

Je comprends que la délégation de pouvoir fait partie du mandat de la commission, mais cela confirme précisément ce que je disais. En fin de compte, lorsqu'il s'agit de politique et de délégation de pouvoir, cette politique laisse exister des possibilités d'injustice dans le système.

Mme Barrados : Madame le sénateur, permettez-moi de vous rappeler que la politique en vigueur dit qu'il doit y avoir une zone nationale de sélection pour les catégories EX et EX moins 1 et moins 2, et que vous devez également avoir une zone nationale de sélection pour les emplois d'agent dans la région de la capitale nationale. Nous examinons les offres d'emploi affichées et nous ne les faisons retirer que si elles ne comportent pas cette précision. Le pouvoir discrétionnaire peut être exercé dans les autres cas où la politique ne s'applique pas encore. C'est là que le gestionnaire peut exercer ce pouvoir. Au fur et à mesure que nous déploierons cette politique, le pouvoir discrétionnaire continuera à exister dans les cas où nous jugeons que leur inclusion dans la politique n'est pas fonctionnelle ou lorsque nous ne sommes pas sûrs qu'elle le serait. La même latitude continuera à exister pour le recrutement interne — vous avez raison sur ce point — dans notre proposition.

Le reste du recrutement ne serait pas discrétionnaire. Nous disposons des instruments nécessaires pour appliquer cette mesure.

Le président : Madame Barrados, je voudrais que vous nous apportiez des éclaircissements sur deux points. Le premier est à la page 4 du texte de votre présentation, lorsque vous dites que les processus de dotation prendraient beaucoup plus de temps, seraient plus lents et plus coûteux. Disposez-vous d'une information objective à cet égard?

Mme Barrados : Oui. Nous avons effectué une étude, par rapport à l'ancienne loi, sur le temps requis pour la dotation. Nous essayons d'établir les temps moyens depuis le moment où le concours démarre jusqu'au moment où l'employé occupe son poste. Lorsqu'il s'agit d'un petit concours auquel participent cinq ou six personnes, les chiffres sont bons. L'embauche demande en moyenne de 13 à 14 semaines, depuis le début du processus jusqu'à l'affectation du candidat à son poste. Lorsqu'il s'agit de processus plus importants, cela peut demander six mois environ. Plus le processus est important, plus il faut de temps. C'était là la situation lorsque les systèmes électroniques n'existaient pas. J'espère que ceux-ci sont maintenant en place. Ils ne représentent pas une panacée car leur bon fonctionnement demande beaucoup de travail mais ils devraient permettre de réduire les délais.

Le président : Vous avez dit qu'une évaluation de l'impact serait une condition préalable à l'adoption d'un processus pancanadien pour tous les postes, pour toutes les offres d'emploi affichées à l'extérieur. Cette évaluation est-elle en cours? Quand pensez-vous qu'elle sera terminée?

Mme Barrados : Elle est actuellement en cours et j'ai apporté un certain nombre de chiffres préliminaires. Ces chiffres ne représentent qu'une première estimation. Nous devrions savoir ce qui se passe d'ici novembre ou décembre, parce que, naturellement, la politique est entrée en vigueur le 1er avril et il nous faut donc calculer le temps pris pour ces concours. Je m'intéresse aux résultats obtenus en ce qui concerne les candidatures à des emplois dans la capitale nationale et je voudrais aussi savoir si les candidats prennent effectivement les postes qui leurs sont offerts.

Selon les données préliminaires, il y a un phénomène d'expansion au-delà de la capitale nationale si bien que la zone géographique a tendance à être surtout l'Ontario et le Québec, avec environ cinq pour cent en dehors de ces deux provinces. Lorsque les processus auront été effectivement menés à leur terme, il restera à savoir ce qu'auront été les résultats de l'embauche.

Le président : Nous allons nous occuper de ce projet de loi demain soir. Si vous avez d'autres renseignements à nous communiquer par écrit en ce qui concerne vos remarques préliminaires, ils nous seraient utiles.

Par ailleurs, je tiens à vous remercier très vivement d'être venue. Nous attendons avec impatience la sortie de votre rapport la semaine prochaine. Mes vifs remerciements également à M. Arseneault et M. Lemaire.

Le sénateur Stratton : Je tiens à informer le comité que le sénateur Cool a décidé de se démettre de ses fonctions de vice-présidente de notre comité et de participer aux travaux du comité dans l'intérim. Je voudrais donc proposer Nancy Ruth comme vice-présidente.

Le président : Y a-t-il d'autres nominations? S'il n'y en a pas, je déclare, le sénateur Nancy Ruth, vice-présidente du comité national des finances.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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