Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 3 - Témoignages du 27 septembre 2006
OTTAWA, le mercredi 27 septembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 18 h 17 pour étudier le Budget des dépenses déposé au Parlement pour l'exercice se terminant le 31 mars 2007 et pour étudier le projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (élimination du favoritisme bureaucratique et des critères géographiques dans le processus de nomination).
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Le comité se réunit aujourd'hui dans le cadre de son étude du Budget des dépenses. Nous nous penchons en particulier sur le soutien à la magistrature fédérale.
Le premier témoin que nous allons entendre ce soir est David Gourdeau, commissaire à la magistrature fédérale. Le Bureau du commissaire à la magistrature fédérale a été créé en 1978, afin de protéger l'indépendance de la magistrature et d'éviter tout lien de dépendance entre les juges nommés au niveau fédéral et le ministère de la Justice. Le Bureau a également pour mandat de promouvoir l'administration de la justice et d'appuyer la magistrature fédérale.
M. Gourdeau est accompagné de Marc Giroux, sous-commissaire suppléant, ainsi que de Wayne Osborne, directeur des finances et de l'administration.
Je vous remercie beaucoup de votre présence ici ce soir. Le sujet que nous abordons est nouveau pour certains d'entre nous, alors je vous demanderais de bien vouloir prendre le temps de nous expliquer en quoi consiste la commission et ensuite, nous pourrons vous poser des questions et vous demander des éclaircissements.
[Français]
David Gourdeau, commissaire à la magistrature fédérale, Bureau du commissaire à la magistrature fédérale : Je vous remercie, monsieur le président. Je suis commissaire à la magistrature fédérale. Je suis accompagné de Me Marc Giroux, sous-commissaire, et de M. Wayne Osborne, directeur des services financiers et administratifs.
C'est avec plaisir que nous profitons de cette occasion pour vous parler du mandat de notre bureau et pour répondre à vos questions. Nous avons reçu une liste des sujets pour lesquels le comité souhaiterait obtenir de l'information. Je traiterai de ces sujets lors de mon exposé.
[Traduction]
Le Bureau a été créé en 1978 en vertu de la Loi sur les juges et il a pour mandat de protéger l'indépendance de la magistrature et de permettre aux juges nommés par le gouvernement fédéral d'avoir toute l'autonomie nécessaire par rapport au ministère de la Justice. Il a également pour mandat de promouvoir l'administration de la justice et d'appuyer la magistrature fédérale.
Pour répondre à la question formulée au sujet de notre lien avec le ministère de la Justice, je précise que nous travaillons en collaboration avec lui, tout en respectant notre mandat, qui est d'appliquer la Loi sur les juges et de protéger l'indépendance des juges.
Conformément à l'article 73 de Loi sur les juges, le commissaire à la magistrature fédérale est nommé par le gouverneur en conseil après consultation par le ministre de la Justice auprès du Conseil canadien de la magistrature. Comme vous le savez peut-être, le conseil est composé de tous les juges en chef du pays et est présidé par la juge en chef du Canada. L'article 73 précise que le commissaire a le rang d'administrateur général de ministère.
[Français]
Je me penche maintenant sur des questions d'ordre budgétaire et financier. D'abord, notre budget est composé de quatre éléments, à savoir deux crédits et deux crédits législatifs répartis de la façon suivante : le crédit 20, qui vise le Bureau du commissaire à la magistrature fédérale et ses dépenses d'exploitation; le crédit 25, qui vise le Conseil canadien de la magistrature et ses dépenses d'exploitation.
Le premier crédit législatif, qui vise les traitements, indemnités et pensions des juges, pensions aux conjoints et aux enfants des juges et versements forfaitaires aux survivants des juges qui décèdent lorsqu'ils sont en exercice. Un deuxième crédit législatif pour les cotisations aux régimes de prestation des employés du Bureau du commissaire.
Notre bureau suit le processus budgétaire normal du gouvernement du Canada. Chaque année donc, au mois d'août, nous recevons du Secrétariat du Conseil du Trésor la lettre d'appel pour la préparation de la mise à jour annuelle des niveaux de référence. Les niveaux de référence sont attribués à notre bureau et, dans le cadre de ce processus, nous devons les confirmer.
Toujours dans le cadre de ce processus, il faut proposer les rajustements au niveau des ressources nécessaires au respect des exigences réglementaires.
[Traduction]
Une fois que les MJANR sont approuvées, les budgets principaux des dépenses sont produits et les rapports sur les plans et les priorités sont rédigés. Les budgets principaux sont déposés au Parlement par le ministre des Finances et sont assujettis au processus normal d'approbation parlementaire. Les rapports sur les plans et les priorités sont par la suite déposés au Parlement.
À la fin de chaque exercice, le bureau prépare son rapport ministériel sur le rendement. Si, pendant l'exercice, nous avons besoin de financement supplémentaire pour répondre à nos besoins opérationnels, nous avons recours à une présentation au Conseil du Trésor. Si le financement est approuvé, les fonds sont obtenus dans le cadre du processus du Budget supplémentaire des dépenses, lequel ne s'applique qu'aux ressources nécessaires pour les crédits 20 et 25.
Les fonds nécessaires pour les traitements, les indemnités et les pensions des juges, pour les pensions aux conjoints et aux enfants des juges et pour les versements forfaitaires aux survivants des juges qui décèdent lorsqu'ils sont en exercice seront accordés étant donné que ces fonds sont attribués par crédit législatif.
En ce concerne le rôle du Parlement dans la détermination et dans la coordination du niveau du soutien à fournir à la magistrature, notre bureau est un ministère du gouvernement fédéral, et nous devons respecter toutes les politiques gouvernementales et celles du Conseil du Trésor. Notre bureau a établi des contrôles et des procédures visant à garantir que tous les paiements versés aux juges respectent les diverses dispositions de la Loi sur les juges. Bien que nos contrôles ne soient pas régis par la Loi sur la gestion des finances publiques, ils ont été mis au point en fonction des structures en place pour faire en sorte que les exigences de la LGFP soient respectées.
À l'heure actuelle, nous avons établi des lignes directrices sur les dépenses engagées par les juges. Pour les déplacements, par exemple, les juges peuvent se faire rembourser les dépenses réelles et raisonnables qu'ils engagent. Les juges peuvent voyager en classe affaires, mais sont encouragés à voyager en classe économique, ce que font la majorité d'entre eux.
Le maximum remboursable au titre de l'hébergement est de 150 $ par nuit et, pour ce qui est des repas, de 85 $ par jour. Dans des circonstances particulières, les juges seront remboursés des dépenses supérieures au montant prévu par ces lignes directrices, sous réserve toutefois d'une notification préalable ou d'une lettre expliquant les circonstances en question.
À l'interne, étant donné que le bureau a été créé il y a plus de 25 ans, les niveaux de financement fournis par le Conseil du Trésor ont été attribués aux diverses divisions et sont essentiellement demeurés inchangés, mis à part les augmentations accordées pour correspondre aux augmentations des salaires et les fonds reçus pour répondre à des exigences précises approuvées par le Secrétariat du Conseil du Trésor.
Nous faisons chaque année une revue budgétaire de mi-exercice, les directeurs des diverses divisions sont venus à comprendre ce à quoi ils doivent s'attendre en ce qui concerne les niveaux de financement et ont la responsabilité d'affecter les ressources de façon à répondre le mieux possible aux besoins des clients.
Si la magistrature fait des demandes spéciales et que les fonds nécessaires ne peuvent pas être réattribués à l'interne, nous aurons recours à une présentation au Conseil du Trésor pour demander du financement supplémentaire. Notre capacité de répondre favorablement à ces demandes spéciales est subordonnée à l'obtention des ressources nécessaires.
[Français]
Permettez-moi maintenant de vous parler du travail que notre bureau accomplit. Les services et l'appui que nous fournissons à la magistrature découlent de la Loi sur les juges. En ce moment, 1 045 juges nommés par le gouvernement fédéral sont en exercice; nous fournissons également des services aux 400 juges à la retraite et aux 350 survivants de juges.
Je vais commencer par vous donner un aperçu des tâches que nous accomplissons et je vous donnerai ensuite plus de précision sur les points à l'égard desquels vous m'avez demandé des renseignements supplémentaires.
Parmi les principaux rôles et responsabilités du commissaire, on retrouve son devoir d'agir à titre de délégué du ministre de la Justice dans les affaires se rapportant à l'administration de la partie I de la Loi sur les juges, qui porte sur les conditions de nomination, la limite d'âge et le traitement s'appliquant aux juges nommés par le gouvernement fédéral. Nos divisions des finances et des ressources humaines s'occupent de ces questions.
Le bureau comprend aussi un secrétariat des nominations, qui gère les 16 comités consultatifs chargés de l'évaluation des candidats à la magistrature fédérale. Dans le cadre de la dernière nomination à la Cour suprême du Canada, notre bureau a reçu des mandats administratifs supplémentaires. Notre division des recueils des décisions des cours fédérales a la responsabilité de choisir et de publier les décisions de la Cour d'appel fédérale et de la Cour fédérale dans les deux langues officielles. Nous disposons également d'un site intranet, appelé JUDICOM, à partir duquel les juges ont accès au courrier électronique, à un système sécuritaire de conversation à accès restreint ainsi qu'à une bibliothèque virtuelle. Les juges qui souhaitent parfaire leurs compétences en français ou en anglais peuvent bénéficier de notre programme de formation linguistique.
Nous participons à la coordination d'initiatives touchant le rôle de la magistrature du Canada dans la coopération internationale, dont je vous parlerai de façon plus détaillée un peu plus loin. Finalement, nous appuyons le travail de la Commission d'examen de la rémunération des juges. Je reviendrai également sur ce point.
[Traduction]
Je reviens maintenant sur les points à l'égard desquels vous voulez plus de précisions. Tout d'abord, la rémunération des juges. La Division de la rémunération, des avantages sociaux et des ressources humaines gère les attributions que la Loi sur les juges confère au ministre de la Justice pour l'application de la partie 1 et que, conformément au paragraphe 74(1) de la Loi, le commissaire à la magistrature fédérale est chargé de remplir, notamment gérer toutes les affaires relatives aux versements des traitements des juges; gérer toutes les affaires relatives aux versements des pensions des juges à la retraite et des survivants des juges décédés; gérer les dossiers relatifs aux régimes d'assurances établis par le gouvernement (assurance médicale, d'hospitalisation et autres) protégeant les juges et leurs survivants; gérer les affaires relatives à la démission ou à la retraite d'un juge; gérer toutes les affaires relatives à la décision que prend un juge de devenir surnuméraire ou que prend un juge en chef de devenir simple juge; et, au nom du ministre, communiquer avec les juges au sujet de tous les points mentionnés ci-dessus.
Je dis souvent en blague aux nouveaux juges qu'ils seront avec nous même après leur décès. La raison pour cela, ou le processus si vous voulez, est le suivant : il y a d'abord vacance judiciaire; le ministre ou son conseiller nous demande de préparer les documents relatifs à une nomination; notre bureau confirme alors si la candidate ou le candidat proposé est admissible au poste. Nous préparons le document, qui doit être signé par le ministre, et l'ébauche du décret; une fois signés, les documents sont envoyés au Bureau du Conseil privé. Lorsque le décret est signé par la gouverneure générale après l'approbation du Cabinet, nous créons un dossier pour ce nouveau juge, obtenons toute information supplémentaire requise et commençons à verser le traitement au nouveau juge.
À l'heure actuelle, le salaire annuel de la plupart des juges nommés par le gouvernement fédéral, à l'exception des juges de la Cour suprême du Canada et des juges en chef, est de 231 000 $.
Comme vous le savez, le projet de loi C-17, dont la Chambre des communes est présentement saisie, propose de faire modifier la Loi sur les juges pour que le salaire moyen des juges passe à 244 700 $ par an.
Au moment où les juges prennent leur retraite, il faut répéter le même processus de prise de décret; lorsque celui-ci est signé, notre bureau peut commencer à verser la pension au juge à la retraite, qui équivaut aux deux tiers du salaire normal. Au moment du décès d'un juge, il faut encore une fois répéter le processus de prise de décret pour pouvoir verser une pension à ses survivants.
[Français]
Le deuxième point à l'égard duquel on m'a demandé de donner des précisions se rapporte à la coopération internationale. Depuis le début de 1995, notre bureau contribue activement à promouvoir et à faciliter la participation des membres de la magistrature du Canada à des projets et à des initiatives de coopération internationale. Les juges et les tribunaux au Canada sont considérés parmi les meilleurs au monde, c'est pour cela que les juges des pays étrangers manifestent depuis toujours, et de façon de plus en plus soutenue, un intérêt envers l'expertise et le savoir-faire judiciaires de la magistrature du Canada.
En 1996, le juge en chef de l'époque et le ministre de la Justice ont donné à notre bureau le mandat de coordonner les initiatives se rapportant à la participation de la magistrature du Canada à la coopération internationale sur le plan technique. Depuis lors, nous avons mis en œuvre divers projets de réforme judiciaire, soit en Ukraine, en Russie, en Éthiopie et en Chine.
À l'heure actuelle, notre bureau participe à la mise en œuvre de la deuxième étape du Programme de partenariat judiciaire Canada-Russie, qui devrait être en place jusqu'en 2009, et travaille en collaboration avec l'Institut national de la magistrature à la réalisation du Projet quinquennal de renforcement des liens juridiques Canada-Chine.
L'Agence canadienne de développement international — l'ACDI — vient d'approuver un nouveau projet de partenariat judiciaire de quatre ans avec l'Ukraine. De plus, notre bureau continue de répondre aux demandes des gouvernements et des magistratures de pays étrangers désireux d'obtenir l'accès aux connaissances et au savoir-faire de la magistrature du Canada, et ce, en organisant de courtes séances d'échange de renseignements.
Toujours dans le but de répondre à ce genre de demandes, nous avons organisé divers programmes condensés pour les délégations de pays étrangers qui viennent au Canada, y compris l'Inde, le Pakistan, le Tchad, les Philippines, le Rwanda, le Japon, Singapour, la Jamaïque, l'Azerbaïdjan et la Géorgie.
Tous ces projets internationaux sont financés par l'Agence canadienne de développement international.
[Traduction]
Le troisième sujet à l'égard duquel vous voulez de plus amples renseignements est la Commission d'examen de la rémunération des juges. Je vais parler brièvement de la commission étant donné que nous ne lui fournissons qu'un soutien limité. Comme vous le savez sans doute, tous les quatre ans, une commission est établie pour examiner la question de la rémunération des juges et pour faire des recommandations au gouvernement. Le projet de loi C-17, qui est actuellement devant la Chambre des communes, découle des recommandations formulées par la commission. Bien que celle-ci compte trois membres — la magistrature et le gouvernement nomment les deux premiers, qui, à leur tour, nomment le troisième membre — il lui faut un secrétariat pour la prestation des services administratifs.
Notre bureau fournit le soutien administratif dont le secrétariat a besoin pour ses activités. Entre autres, nous fournissons des locaux, du mobilier et du matériel informatique, y compris l'équipement et les logiciels, et nous lui donnons accès à notre réseau interne de communication par courriel et à nos services de comptabilité, d'acquisition, de passation de marchés, de télécommunication et d'entretien de sites Web. Nous distribuons aussi des copies du rapport final à tous les membres de la magistrature et à toutes les autres parties intéressées. De plus, notre bureau répond aux demandes de renseignements statistiques se rapportant à la magistrature ainsi qu'aux questions liées aux pratiques administratives et au soutien accordé à la magistrature.
Une fois que la commission a terminé son travail, nous gardons pour elle le matériel, les dossiers et la documentation dans un secteur distinct et sûr de nos locaux. Nous faisons un suivi des questions posées, nous y répondons et nous transmettons les demandes de renseignements relatives à la commission au président ou au directeur exécutif. Si le ministre de la Justice veut que la commission se penche sur d'autres questions, nous appuyons encore une fois la commission en lui fournissant le soutien administratif dont je viens de parler.
J'espère que j'ai su fournir l'information que vous désiriez et que le tout n'était pas trop long. Je crois avoir respecté le temps de parole de 15 minutes qui m'était alloué. Nous serions bien entendu disposés à répondre à vos questions, surtout si elles sont faciles.
Le président : Je ne peux vous garantir, monsieur Gourdeau, que toutes les questions seront faciles, mais je vous remercie de nous avoir remis vos notes d'allocution à l'avance. Ainsi, nos interprètes ont pu vous suivre dans la lecture rapide que vous en avez faite.
Le sénateur Cools : Je ne sais pas si, en tant que commissaire, vous avez déjà eu l'occasion d'examiner les délibérations relatives au dernier ensemble de projets de loi sur la rémunération des juges ou si vous avez déjà été informé des nombreuses préoccupations qui ont été exprimées au Sénat lorsqu'il a été question de faire de la Commission sur la rémunération des juges une institution permanente. Auparavant, les membres de la commission étaient nommés, et il fallait chaque fois repartir à zéro. Depuis 1998, La commission relève de l'application de la Loi sur les juges.
Ma première question concerne le contrôle des deniers publics et l'obligation constitutionnelle voulant que la rémunération des juges soit imputée au Trésor public. Parce que je tiens à ce que ce soit consigné au compte rendu, je vais lire l'article 100 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, Loi constitutionnelle de 1867.
Les salaires, allocations et pensions des juges des cours supérieure, de district et de comté (sauf les cours de vérification dans la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick) et des cours de l'Amirauté, lorsque les juges de ces dernières sont alors salariés, seront fixés et payés par le Parlement du Canada.
La note en bas de page 53 précise que tout cela est maintenant prévu dans la Loi sur les juges. Autrement dit, la Loi sur les juges n'a qu'un objet, soit de satisfaire à l'obligation constitutionnelle prévue à l'article 100. Pendant un certain nombre d'années après la Confédération, les traitements des juges étaient fixés par des lois individuelles. Je crois que c'est vers 1905 que quelqu'un a proposé d'édicter une Loi sur les juges qui fixerait d'un seul coup les traitements de tous les juges.
Une des préoccupations qui avaient été exprimées au Sénat pendant les délibérations de 1998 portait sur le libellé du paragraphe 53(1) de la Loi sur les juges, dont je vais faire lecture pour qu'il soit consigné au compte-rendu. Le paragraphe dispose que :
Les traitements, indemnités et pensions prévus par la présente loi, ainsi que les montants payables au titre des articles 46.1 et 51, sont payés sur le Trésor.
On s'inquiétait beaucoup du fait que la portée de ce paragraphe de la Loi sur les juges avait été étendue au fil des ans à toutes sortes de traitements, ce qui n'en était pas l'objet au départ. Autrement dit, l'objet, tel qu'il est précisé dans le paragraphe en question, était manifestement « les traitements des juges ». Or, le libellé actuel précise qu'il s'agit des traitements prévus par la présente loi, si bien qu'il pourrait s'agir de toutes sortes de traitements dans le contexte du contrôle des deniers publics par le Parlement, il a beaucoup été question de cela au fil des ans, surtout en ce qui concerne les commissions sur la rémunération.
Je voudrais vous lire une opinion qui a été remise par le professeur Hogg au Conseil de la magistrature il y a quelques années de cela. L'opinion porte sur l'article 100, sur la fixation des traitements par le Parlement. Dans la Constitution, le mot « fixer » a un sens bien précis et le mot « payer » a un sens bien précis. Je n'ai jamais réussi à obtenir le texte de son opinion, mais on en trouve un extrait qui est cité dans l'ouvrage de Martin Friedland intitulé Une place à part : l'indépendance et la responsabilité de la magistrature au Canada.
À l'époque, on s'inquiétait du rôle que jouait vraiment le Parlement relativement à ces traitements. Le professeur Hogg a dit ceci :
[...] à cause de son inaction, on ne peut dire que le Parlement ait fixé les salaires. Il serait plus naturel de dire que les salaires ont été fixés par le tribunal, et n'ont pas été contestés par le Parlement.
Certains estiment que le processus tel qu'il a évolué récemment et tel qu'il a culminé en 1998 est déficient; comme vous le savez, la loi de 1998 a été adoptée à la suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire de la rémunération des juges à l'île-du-Prince-Édouard, et beaucoup d'entre nous étaient d'avis à l'époque que cela posait un sérieux problème à bien des égards. Une des règles fondamentales de la common law veut qu'on ne puisse être à la fois juge et partie.
Le gouvernement avait expliqué qu'il créait la commission sur la rémunération parce que la cour lui avait enjoint de le faire. Tout est bien documenté. La question a fait l'objet d'un débat énergique.
Elle est bien révolue l'époque où, en tant que commissaire, vous ou quiconque deviez travailler très fort pour solliciter des candidats à la magistrature. Les nominations à la magistrature représentent un accroissement salarial important. En fait, ce qui m'intéresse, ce sont ces exigences constitutionnelles et le rôle du Parlement. À votre avis, en tant que titulaire de la charge que vous détenez, dans le sens parlementaire, la formule existante par laquelle les recommandations relatives à la rémunération sont présentées est-elle compatible avec l'obligation constitutionnelle voulant que les traitements des juges soient fixés et payés par le Parlement du Canada?
M. Gourdeau : Je ne suis pas en mesure de vous donner un avis à ce sujet. Étant donné la charge que j'occupe, je ne suis pas en mesure d'émettre une opinion sur le bien-fondé de la loi telle qu'elle est énoncée à l'heure actuelle. Le mandat de notre bureau consiste à administrer la partie I de la Loi sur les juges. Nous partons du principe que la loi qui a été adoptée par la Chambre des communes l'a été en toute légitimité et nous l'appliquons en conséquence.
Le sénateur Cools : J'espérais que vous ne fassiez pas une réponse aussi parcimonieuse. Si l'on a décidé de consacrer dans une loi le régime qui permet de déterminer la rémunération des juges, c'était pour des raisons hautement politiques et constitutionnelles. On a mis au point tout un régime, si bien que la rémunération des juges est maintenant déterminée sans que le Parlement n'ait vraiment son mot à dire. Tout compte fait, un projet de loi est déposé à la Chambre, et les députés sont ni plus ni moins obligés de voter en faveur du projet de loi en raison de la discipline de parti, sinon ils s'exposent à des conséquences.
Le régime a même atteint une démesure effrayante, a tel point que même la rémunération des députés était liée à celle des juges pendant un certain temps. Que pensez-vous de cette déviation par rapport à la Constitution quant à la façon de fixer les traitements. L'idée de créer une commission permanente venait du désir d'écarter les députés trop curieux et d'éviter qu'ils aient vraiment leur mot à dire dans la détermination de la rémunération.
Le président : Le sénateur Cools a dit ce qu'elle avait à dire. M. Gourdeau estime qu'il ne peut rien ajouter à ce qu'il a déjà dit.
Le sénateur Cools : J'ai eu des discussions avec certains de vos prédécesseurs, alors je comprends très bien. La question est sérieuse. La plupart des parlementaires ne savent pas vraiment quelles sont les conséquences des exigences politiques et constitutionnelles et celles des votes de confiance.
Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous me dire si la proposition la plus récente, qui représente une réduction par rapport à ce qu'avait proposé la commission, aura un effet rétroactif?
M. Gourdeau : Je crois savoir que la dernière fois où cela est arrivé, l'effet avait été rétroactif.
Le sénateur Mitchell : La question est d'une importance capitale puisque la commission avait recommandé une augmentation de 10,8 p. 100, qui aurait été rétroactive jusqu'à 2004, mais je ne suis pas sûr que cette fois-ci l'augmentation de 7,25 p. 100 sera rétroactive.
M. Gourdeau : D'après la lecture que je fais du projet de loi C-17, l'augmentation serait rétroactive, bien que le résultat final pourrait être autre chose.
Le sénateur Mitchell : Le gouvernement a-t-il l'habitude de modifier ce qui est recommandé ou de ne pas en tenir compte, ou est-ce la première fois que cela se produit?
M. Gourdeau : Depuis l'instauration du régime des commissions quadriennales en 1998, je crois que nous en sommes seulement à la deuxième commission.
Le sénateur Mitchell : Alors, c'est la première fois?
M. Gourdeau : Oui, à ce que je sache.
Le sénateur Mitchell : Je m'intéresse à cette notion du rejet par le gouvernement. Il est clair que vous ne pouvez pas vous prononcer sur le plan politique, mais je pense bien pouvoir le faire dans une certaine mesure. Je tiens à ce que les nominations à la commission ne soient pas faites de façon frivole, et je trouve important d'y retrouver des membres solides, qui se livrent à un examen complet et détaillé de ce que devrait être la rémunération des juges; la détermination de leur rémunération est bien sûr lourde de conséquences, car il s'agit d'un élément d'importance cruciale pour les juges qui détermine au bout du compte le niveau de compétence de ceux que nous pouvons recruter pour la magistrature, ce qui est d'une importance cruciale pour les Canadiens. Le Canada peut s'enorgueillir d'avoir une magistrature qui, par son équité et ses succès remarquables, jouit d'une renommée internationale et fait l'envie de la communauté internationale. Alors, ce n'est pas rien que le gouvernement décide de réduire de 30 p. 100 l'augmentation qui avait été recommandée par la commission. Comment le gouvernement en est-il arrivé à la conclusion que la rémunération des juges devrait être moindre? Je suppose que vous ne pouvez pas vous prononcer sur cette décision, n'est-ce pas? D'après vous, quelles seraient les conséquences de cette décision, en théorie, sur notre capacité d'attirer des candidats à la magistrature?
M. Gourdeau : Notre bureau n'a pas examiné les conséquences de cette décision. Vous avez raison, sénateur, je ne suis pas en mesure de me prononcer.
Le sénateur Cools : Le gouvernement a parfaitement raison.
Le sénateur Mitchell : Pouvez-vous nous donner une indication de la rémunération à laquelle pourrait raisonnablement s'attendre un membre chevronné du Barreau?
M. Gourdeau : Tout dépend de la région où il exerce au Canada et de la taille de l'étude pour laquelle il travaille, ou encore de son statut d'associé ou d'avocat exerçant le droit en solo. Cela varie énormément d'un bout à l'autre du pays.
Le sénateur Mitchell : Le montant ne peut pas être plus élevé que ce que reçoivent les juges.
M. Gourdeau : Cela varie énormément. Je vous conseillerais de jeter un coup d'œil au travail de la commission, car je crois qu'il en a été question dans ses audiences.
Le sénateur Di Nino : L'information qui nous a été donnée selon laquelle les recommandations de la commission ne sont pas exécutoires et que c'est en fait le gouvernement qui a le dernier mot est-elle exacte?
M. Gourdeau : Je ne sais pas si les recommandations sont exécutoires.
Le sénateur Di Nino : Je tenais à ce que cela soit consigné au compte rendu.
Le président : Vous pourriez peut-être poser la question au témoin suivant.
M. Gourdeau : Les fonctionnaires du ministère de la Justice ou le ministre de la Justice pourraient répondre à cette question, sénateur.
[Français]
Le sénateur Fox : Les membres du comité sont heureux de vous accueillir aujourd'hui. Le travail que vous faites au soutien d'une magistrature indépendante est crucial au sein de notre système judiciaire. Ma première question sera brève. Votre budget est-il sorti indemne de la série de coupures annoncées cette semaine par le gouvernement?
M. Gourdeau : Oui.
Le sénateur Fox : Est-ce que vous rencontrez le Conseil canadien de la magistrature régulièrement?
M. Gourdeau : Le Conseil tient deux réunions générales par année, dont une qui se déroule présentement à Montréal.
Le sénateur Fox : Et quel est le but de ces réunions du Conseil canadien de la magistrature?
M. Gourdeau : Le Conseil canadien de la magistrature a pour rôle d'identifier les sujets susceptibles d'animer la magistrature dans le futur. Il pourrait s'agir de questions relatives à l'administration de la justice, qui sont d'intérêt général pour l'ensemble de la magistrature fédérale.
Plusieurs sous-comités étudient différentes questions, que ce soit en matière de droit criminel, de propriété intellectuelle, de droit civil ou de droit comparé.
Le sénateur Fox : Je vois dans votre présentation que vous ne faites pas partie du ministère de la Justice, mais que vous vous rapportez au ministre de la Justice.
M. Gourdeau : C'est exact.
Le sénateur Fox : Considérez-vous que vous servez de conduit entre le Conseil canadien de la magistrature et le ministre de la Justice?
M. Gourdeau : Tout dépend de ce que vous entendez par « conduit ».
Le sénateur Fox : Est-ce que les recommandations du Conseil canadien de la magistrature passent par vous avant d'aller au ministre de la Justice?
M. Gourdeau : Non. Le Conseil fait des recommandations directement au ministre de la Justice.
Le sénateur Fox : Suite aux récentes discussions avec le Conseil, quels seraient les secteurs dans lesquels votre bureau devrait opérer des changements ou être plus efficace?
M. Gourdeau : Généralement, la magistrature semble satisfaite des services que notre bureau rend. Les préoccupations sont constantes quelle que soit l'époque. Elles portent sur les vacances, les salaires des juges et leur formation. Ce sont habituellement des sujets qui préoccupent le Conseil.
Dans un plus large spectre, il y a aussi des sujets comme l'indépendance et le maintien de l'indépendance de la magistrature.
Le sénateur Fox : Est-ce que des problèmes sont soulevés par rapport à l'indépendance de la magistrature?
M. Gourdeau : Non, c'est plutôt une préoccupation constante. Le Canada est un des rares pays qui possède une magistrature assez indépendante. Il suffit d'aller dans d'autres pays pour constater à quel point notre magistrature est indépendante.
C'est quelque chose qui a été durement acquis au fil des ans, mais c'est aussi quelque chose que le Canada ne devrait pas nécessairement tenir pour acquis.
Le sénateur Fox : Quant aux dépenses remboursables, le montant de 150 $ par jour alloué pour le gîte ne me semble pas particulièrement élevé. Comment vous y êtes vous pris pour trouver des accommodations raisonnables pour nos juges?
M. Gourdeau : Les juges sont raisonnables et ont fait preuve d'une certaine souplesse. Dépendamment de la période de l'année et de la ville, il arrive qu'ils ne puissent trouver des gîtes correctes pour 150 $. À ce moment-là, on leur demande de nous aviser à l'avance ou de nous donner une explication lorsqu'ils présentent leur compte de dépense. Mais dans plusieurs régions du Canada, la somme de 150 $ allouée pour le gîte par nuit se révèle assez élevée. Pour ce qui est des grands centres urbains, cela pourrait paraître insuffisant, mais ailleurs, c'est suffisant.
Le sénateur Fox : Les juges de la Cour fédérale voyagent-ils plus que les juges des cours supérieures?
M. Gourdeau : Cela varie d'une province à l'autre. Les juges de la Cour fédérale et les juges de la Cour canadienne de l'impôt voyagent beaucoup à travers le pays. En Colombie-Britannique les juges voyagent beaucoup à l'intérieur de la province. Au Québec, les juges de la région de Québec voyagent beaucoup dans ce que j'appelle le district d'appel de Québec. Cela va jusqu'à Sept-Îles, Blanc-Sablon.
Le sénateur Fox : Est-ce que vous leur demandez de partager des chambres?
M. Gourdeau : Non, on ne se mêle pas de ce genre de choses.
Le sénateur Fox : Ce montant n'est pas très élevé dans le contexte canadien actuel dans les grandes villes du pays. S'ils doivent vous faire parvenir une demande d'exemption chaque fois qu'ils vont à Vancouver, Toronto ou Montréal, vous devriez peut-être réviser ce point à la hausse.
M. Gourdeau : Je vous dirais que notre norme n'est pas encore devenue l'exception. On vous a donné cette information à titre d'exemple, mais c'est révisé régulièrement.
Le sénateur Fox : Quel rôle jouez-vous lors de la nomination des juges? Vous dites que vous avez un secrétariat, le terme utilisé en anglais est :
[Traduction]
... les 16 comités consultatifs du ministre chargés d'évaluer les candidats à la magistrature fédérale.
[Français]
M. Gourdeau : Ces comités ont été mis sur pied en 1988 pour permettre au ministre de la Justice d'obtenir des conseils auprès des gens dans les différentes régions afin que les personnes nommées à ces comités puissent évaluer les candidatures. À l'heure actuelle, une avocate travaille à temps plein et agit à titre de secrétaire des différents comités. Les gens qui travaillent à ces comités le font à titre pro bono ou à titre gratuit et évaluent les différentes candidatures. Notre rôle consiste également à faire un travail d'épuration lorsque les demandes arrivent pour vérifier si les demandes d'accession à la magistrature rencontrent les exigences statutaires. Les gens qui veulent poser leur candidature à la magistrature peuvent accéder à notre site Internet, appeler ou écrire au bureau pour obtenir des formulaires de demande d'accession à la magistrature.
Le sénateur Fox : Y a-t-il un contrôle de sécurité qui est fait concernant la nomination des juges? Cela se fait-il par votre intermédiaire?
M. Gourdeau : Cela ne se fait pas par notre intermédiaire.
Le sénateur Fox : Cela se fait par qui?
M. Gourdeau : À ma connaissance, c'est le bureau du ministre.
Le sénateur Fox : Vous avez mentionné les pensions des juges. Vous n'avez pas mentionné le montant de la pension des veufs ou veuves des juges. C'est combien?
M. Gourdeau : Le régime normal prévoit que l'époux ou le conjoint survivant obtient la moitié de la pension. Par contre, un nouveau régime a été mis en place il y a quelques années où le ou la prestataire de la pension peut prendre un montant moindre afin que le survivant ou la survivante obtienne un montant majoré.
Le sénateur Fox : Dans vos projections budgétaires, il y a des sommes que vous ne dépensez pas complètement de façon régulière, année après année?
M. Gourdeau : Non, le moins possible.
Le sénateur Fox : Vous dépensez complètement les sommes?
M. Gourdeau : Normalement, on dépense complètement les sommes.
[Traduction]
Y a-t-il un écart de quelques dollars?
Wayne Osborne, directeur, Services financiers et administratifs, Bureau du commissaire à la magistrature fédérale : Les montants d'origine législative qui figurent dans le Budget des dépenses sont des montants estimatifs fondés sur notre expérience. L'écart est généralement inférieur à un million de dollars.
[Français]
Le sénateur Fox : Si je comprends bien, vous êtes une exception à la déclaration du ministre des Finances et du président du Conseil du Trésor selon laquelle dans votre cas, il n'y a pas de « wasteful expenditures » et il n'y a pas lieu de retrancher l'excédent.
[Traduction]
M. Gourdeau : Nous l'espérons bien.
Le sénateur Downe : Permettez-moi de faire suite à la question du sénateur Fox en vous demandant combien de temps il faut à un juge pour être admissible à la pension?
M. Gourdeau : C'est ce que nous appelons le facteur 80 qui s'applique, c'est-à-dire 15 ans comme magistrat plus son âge. Si le total arrive à 80, le juge est alors admissible à la pension. La loi prévoit quelques conditions supplémentaires, mais je ne veux pas entrer trop dans les détails. En règle générale, c'est 15 ans comme magistrat, plus 65 ans.
Le sénateur Downe : S'il part après deux ans, il n'est pas admissible?
M. Gourdeau : Il aurait droit à une remise de ses cotisations. Après un certain nombre d'années, on ferait un calcul au prorata. Tout dépend du nombre d'années de service. Tout cela est précisé dans la loi, mais comme je ne suis ni avocat ni comptable de métier, je ne voudrais pas vous induire en erreur. Je vous invite à vous reporter à la loi plutôt que d'attendre mes explications ou mon interprétation.
Le président : Les comptables ne se gênent pas pour nous induire en erreur.
M. Gourdeau : Ce n'est pas ce que j'ai dit. Mon père est comptable, alors je ne dirais pas cela. Je n'ai pas la compétence professionnelle voulue pour bien vous l'expliquer.
Le sénateur Downe : Pourriez-vous expliquer au comité ce qu'il faut entendre par « juge surnuméraire »?
M. Gourdeau : Quand un juge atteint l'âge de 65 ans — ou, encore là, quand il a le facteur 80 —, il peut faire savoir au ministre de la Justice qu'il souhaite devenir juge surnuméraire, ce qui signifie qu'il continue à exercer ses fonctions de juge mais à temps partiel. Il continuerait à recevoir sa pleine rémunération. Il peut conserver ce statut pendant dix ans.
Le sénateur Downe : Pendant combien de temps doit-il avoir été magistrat avant de pouvoir demander ce statut à l'âge de 65 ans?
M. Gourdeau : Tout dépend de son âge. La loi prévoit une condition supplémentaire qui interdit à quiconque a été nommé à l'âge de 64 ans de demander le statut de juge surnuméraire. Si je me souviens bien, le juge doit avoir exercé ses fonctions pendant au moins dix ans.
Autrement dit, la loi, telle qu'elle est libellée, écarte la possibilité qu'on puisse être juge surnuméraire pendant plus longtemps qu'on a été juge à temps plein.
Le sénateur Downe : Si le juge avait été nommé à la magistrature à l'âge de 55 ans, il pourrait prendre sa retraite en touchant sa pleine rémunération et en travaillant à temps partiel, et ce, pendant dix ans?
M. Gourdeau : Le juge ne prendrait pas sa retraite. Il serait tenu de continuer à exercer ses fonctions de juge. En fait, un certain nombre de juges surnuméraires continuent à travailler presque à plein temps.
Le sénateur Downe : Y en a-t-il d'autres pour qui c'est loin d'être le cas?
M. Gourdeau : Je suppose qu'il vous faudrait poser la question aux juges en chef pour voir un nombre approximatif assez exact.
Le sénateur Downe : Il me semble que le processus d'évaluation des candidatures laisse planer un certain doute en ce sens que les membres du comité sont fortement recommandés ou pas recommandés, mais que les avocats qui se présentent à la magistrature ne sont pas informés du résultat, n'est-ce pas?
M. Gourdeau : Oui.
Le sénateur Downe : Comment cela se fait-il?
M. Gourdeau : Pendant une courte période de temps, ils étaient informés du résultat. C'était avant que je ne devienne commissaire. Il s'agit d'un processus consultatif. Le ministre n'a aucune obligation en vertu de la loi à cet égard.
Quand on leur communiquait les résultats, ceux qui n'avaient pas réussi avaient une réaction étonnante : ils voulaient subitement traîner les comités devant les tribunaux et judiciariser tout le processus. Comme c'était un processus consultatif, il a été décidé à l'époque de ne pas communiquer les résultats aux candidats.
Le sénateur Downe : Le gouvernement s'est-il engagé à ne pas nommer quiconque n'est pas recommandé ou fortement recommandé?
M. Gourdeau : Oui.
Le sénateur Downe : Le gouvernement est-il lié par cette décision?
M. Gourdeau : À ma connaissance, oui.
Le sénateur Downe : Pourtant, il y a des candidats qui ont échoué et qui pourraient avoir l'impression qu'ils ont réussi?
M. Gourdeau : C'est possible.
Le sénateur Downe : Ils mettent tout en œuvre pour être nommés juges, alors qu'en fait ils ne le seront jamais?
M. Gourdeau : C'est une possibilité.
Le sénateur Downe : Je pense que c'est plus qu'une possibilité. Tous ceux qui se portent candidats ont plus de 18 ans. On n'a pas toujours ce qu'on veut dans la vie. Pourquoi ne sont-ils pas informés des résultats?
M. Gourdeau : Apparemment, certains d'entre eux agissaient comme s'ils avaient 18 ans.
Le sénateur Downe : Ceux qui agissaient ainsi étaient nommés?
M. Gourdeau : Pas s'ils n'étaient pas recommandés.
Le sénateur Downe : L'actuel ministre de la Justice, Vic Toews, a critiqué le processus de nomination des juges quand il était dans l'opposition. Il a fait des déclarations publiques en ce sens. A-t-il apporté des changements depuis qu'il est ministre?
M. Gourdeau : Pas à ma connaissance.
Le sénateur Downe : Par conséquent, le nouveau gouvernement n'a apporté aucun changement au processus qui est en place depuis un certain nombre d'années?
M. Gourdeau : Non. Il y a eu un changement qui, je crois, a été amorcé sous le gouvernement précédent et qui a ensuite été modifié, et il s'agissait du processus de nomination des juges à la Cour suprême, pas aux autres tribunaux fédéraux.
Le sénateur Downe : Sur ce dernier point, les témoins ne sont peut-être pas au courant du renseignement demandé. Je me demande s'ils pourraient vérifier.
Je m'interroge au sujet de l'écart croissant entre la rémunération des députés à la Chambre des communes et celle des juges. Je crois que dans les années 1960, les députés à la Chambre des communes avaient un salaire plus élevé que celui des juges, alors qu'aujourd'hui, leur salaire est considérablement inférieur. Ils s'efforcent de se faire réélire et ce n'est évidemment pas populaire de réclamer plus d'argent. Je parle des députés et non pas des sénateurs. Il semble que le salaire des juges ait augmenté considérablement alors que celui des députés n'a pas suivi la même courbe. Saviez- vous que leurs salaires étaient très proches à une certaine époque?
M. Gourdeau : Je l'avais entendu dire, mais je n'ai pas fouillé la question. Il me semble que leur salaire était presque le même ou peut-être même un peu plus élevé.
Le sénateur Downe : Aujourd'hui, les juges gagnent environ 100 000 $ de plus.
M. Gourdeau : Vous connaissez les chiffres mieux que moi.
Le sénateur Nancy Ruth : Mes questions portent sur l'effectif et les catégories de la magistrature.
Qui détermine le nombre de juges dont on a besoin dans la magistrature fédérale pour répondre raisonnablement aux besoins? Où en est-on aujourd'hui sur le plan de l'offre et de la demande? Comment tout cela se passe-t-il?
M. Gourdeau : Sur ce point précis, je m'en remets à Mme Bellis; elle pourra vous répondre.
Le sénateur Nancy Ruth : Qui est chargé de la planification à long terme de la magistrature fédérale, compte tenu du taux de retraite, des arrivées et des départs? Y a-t-il des fluctuations?
M. Gourdeau : Je peux répondre en partie à votre question.
Le sénateur Nancy Ruth : Je veux aussi savoir quelles seront les tendances au cours des dix prochaines années, si l'on peut dégager une tendance.
M. Gourdeau : C'est très difficile de prédire l'avenir. Cependant, si l'on se fie au passé récent, et je suis commissaire depuis un peu moins de cinq ans, on compte en moyenne de 50 à 60 départs à la retraite chaque année et de 50 à 60 nominations chaque année. L'effectif a donc été assez stable.
Le projet de loi C-17 renferme certaines dispositions qui pourraient causer non pas toute une flopée de départs à la retraite, mais peut-être une légère augmentation du nombre. Si le projet de loi C-17 est adopté dans sa forme actuelle, certaines personnes pourront prendre leur retraite un peu plus tôt ou choisir plus tôt de devenir surnuméraires, ce qui créera des postes vacants. Autrement, l'effectif a été assez stable depuis 10 ans.
Le sénateur Nancy Ruth : Le Bureau du commissaire à la magistrature est-il visé par le plan d'équité en matière d'emploi du gouvernement fédéral, et comment l'équité en matière d'emploi est-elle appliquée aux nominations à la magistrature fédérale?
M. Gourdeau : Notre personnel est visé par cette loi; les nominations des juges ne le sont pas.
Le sénateur Nancy Ruth : Savons-nous pourquoi?
M. Gourdeau : Je ne suis pas celui qui peut répondre à cette question.
[Français]
Le sénateur Chaput : J'aimerais parler de la façon dont on évalue les candidats à la magistrature. Dans votre présentation, vous avez dit qu'on retrouve, à travers le Canada, 16 comités consultatifs. Ces comités sont appuyés par le secrétariat des nominations, à qui vous offrez des services d'administration.
De quelle façon choisit-on les membres de ces comités? Comment choisit-on le président et comment évalue-t-on les candidats?
M. Gourdeau : Le ministre de la Justice nomme les membres en consultation avec différents groupes et/ou personnes. De mémoire, je vais tenter de vous expliquer le processus.
Tout d'abord, ces comités sont constitués sur une base géographique. On en retrouve un par province et un par territoire - les deux exceptions étant le Québec et l'Ontario, compte tenu de la population; en Ontario on compte trois comités et au Québec on en compte deux.
Ces comités sont constitués de la façon suivante. On retrouve sept membres par comité, dont un représentant de la magistrature. Le ministre nomme cette personne en consultation avec le ou la juge en chef de la province. Puis, on retrouve un représentant du procureur général et/ou du ministre provincial de la Justice. On retrouve un représentant du Barreau provincial, un représentant du Barreau canadien et trois membres nommés par le ministre.
Le sénateur Chaput : Qu'en est-il de la présidence du comité?
M. Gourdeau : Elle est déterminée une fois que le comité est constitué. Dans la plupart des cas, c'est le représentant de la magistrature qui est président, mais j'ai déjà vu des comités où une autre personne présidait.
Le sénateur Chaput : Si je comprends bien, ces personnes évaluent les candidats, puis présentent une recommandation au ministre. Elles ne nomment personnes.
M. Gourdeau : En effet, elles ne nomment personne. Il se peut que le groupe ne puisse recommander un candidat. Dans les autres cas, un candidat peut être soit fortement recommandé ou hautement recommandé.
Le sénateur Chaput : Est-ce que des critères de base sont remis à chacun des comités, ou est-ce que chaque comité décide de ces critères?
M. Gourdeau : Des critères de base sont remis. Évidemment, on recherche certaines qualités. D'ailleurs, sur notre site Web, on fait état de certaines qualités qui sont recherchées ou préférées des membres de la magistrature.
On parle ici de comités divisés sur une base provinciale. On sait qu'au Canada les provinces ont certains points en commun et certaines différences. Par conséquent, on retrouve parfois des différences régionales quant à la qualité ou à la capacité la plus appréciée.
Le sénateur Chaput : Si, par exemple, j'ai posé ma candidature et après deux ans je n'ai pas été nommée, dois-je recommencer le processus?
M. Gourdeau : C'est exact. Cela donne une nouvelle chance à ceux qui n'auraient pas atteint le niveau requis. Le temps peut parfois arranger les choses ou les détériorer. Effectivement, rien ne demeure à l'état statique. Il faut donc réévaluer les candidats.
[Traduction]
Le président : Une fois qu'un candidat à une nomination à un poste de juge a été coté par un groupe local, qui conserve cette liste? Est-ce vous?
M. Gourdeau : Les rapports des comités sont envoyés à notre bureau et nous les soumettons au ministre de manière exclusive. C'est au ministre de décider de ce qu'il fera de la liste après en avoir pris connaissance.
Le président : À la page 4 de votre exposé, vous dites :
Il y a d'abord vacance judiciaire; le ministre ou son conseiller nous demande de préparer les documents relatifs à une nomination; [...]
Donc, quand le ministre a choisi un nom, il vous demande de donner suite et de vous occuper des formalités de la nomination.
M. Gourdeau : Il nous demande de rédiger un projet de décret du conseil.
Le président : Nous avons un autre témoin qui nous parlera de cette question précise. Il s'agit de Mme Judith Bellis, avocate générale, Services des affaires judiciaires, des cours et des tribunaux administratifs, ministère de la Justice. Si vous avez une question qui porte précisément sur le mémoire de M. Gourdeau, passons au deuxième tour. Sinon, je vous demanderais de garder vos questions pour le tour suivant.
Le sénateur Cools : Je crois qu'il est le seul à pouvoir répondre à cette question. Cependant, je ne doute nullement que Mme Bellis connaîtra elle aussi la réponse.
En 1996, le commissaire à la magistrature de l'époque était chargé d'un projet de loi, nommément celui de la Loi sur les juges. Dans le lexique, on appelle cela « l'amendement Lamer, l'amendement Strayer et l'amendement Arbour ». En conséquence de cela, l'article 56 de la Loi sur les juges a été modifié de manière à accorder une exemption spéciale à Mme le juge Louise Arbour. C'est inhabituel qu'une personne soit nommée dans une loi de portée générale.
Comme ces dispositions ne sont plus pertinentes, à titre de commissaire, envisagez-vous de les faire abroger?
M. Gourdeau : Je pense que ce sera au Parlement d'en décider. Franchement, je ne me rappelle pas avoir vu quoi que ce soit dans le projet de loi C-17 qui permette de les faire abroger.
Le sénateur Cools : Elles ne sont plus pertinentes. Elle n'est plus juge.
M. Gourdeau : Je ne connais pas très bien la procédure parlementaire, à vrai dire.
Le sénateur Cools : Vous dites que cela ne relève pas de vous parce que votre prédécesseur, M. Goulard, s'en occupait; je le sais parce que j'ai eu un entretien avec lui à ce sujet.
Le président : Au nom de tous les sénateurs présents, monsieur Gourdeau, monsieur Giroux et monsieur Osborne, je vous remercie beaucoup d'être venus. Si nous avons d'autres questions à vous poser, maintenant que nous nous connaissons, nous pourrions peut-être vous envoyer une note et vous pourriez nous répondre. Vos observations et vos réponses aux questions ont été très utiles.
Nous accueillons maintenant Mme Judith Bellis, avocate générale, et Mme Adair Crosby, qui est avocate-conseil et directrice adjointe, Cours et tribunaux administratifs; elles travaillent toutes deux au ministère de la Justice.
Judith Bellis, avocate générale, Services des affaires judiciaires, des cours et des tribunaux administratifs, Ministère de la Justice Canada : Merci beaucoup. Si les sénateurs y consentent, je me propose de faire un bref survol du rôle du Service des affaires juridiques du ministère de la Justice relativement à la question de la rémunération des juges. Je vais ensuite m'efforcer de répondre à toutes les questions que les sénateurs pourraient avoir. Je m'engage aussi à faire un suivi et à fournir des renseignements additionnels que je ne serais pas en mesure de donner aujourd'hui.
Le président : Madame Bellis, nous avez-vous remis un document écrit au préalable?
Mme Bellis : J'ai seulement mes notes; je crois qu'on les a remises aux interprètes.
Le président : Peut-être n'ont-elles pas été traduites.
Mme Bellis : Les Services des affaires judiciaires du ministère de la Justice, que je dirige, fait partie du secteur du droit public. Notre service fournit des conseils spécialisés en matière de droit et de politiques au ministre, au sous- ministre, au ministère de la Justice, aux organismes centraux — qui sont bien sûr le ministère des Finances, le Bureau du Conseil privé et le Conseil du Trésor — et à tous les ministères fédéraux relativement à toute question qui surgit et qui est pertinente aux cours supérieures provinciales et fédérales et à la magistrature. Nous fournissons aussi des renseignements et des conseils au sujet des tribunaux inférieurs, au besoin, mais nous nous occupons surtout des juges nommés par le fédéral.
Sur demande, nous donnons des conseils juridiques au commissaire à la magistrature fédérale au sujet de l'administration de la Partie 1 de la Loi sur les juges, dont on vient de vous donner un aperçu.
À titre de directrice des affaires judiciaires au ministère de la Justice, je dirige un groupe de professionnels qui appuient le sous-ministre et le ministre pour toutes les affaires judiciaires et juridiques importantes, en particulier dans le contexte parlementaire et du Cabinet.
Les affaires judiciaires ne sont pas une organisation de grande ampleur. Le service compte actuellement sept avocats, dont moi-même à titre de directrice, ainsi qu'un spécialiste en science sociale et statisticien. Je signale en passant que cette capacité professionnelle est d'une grande importance dans notre travail dans le cadre du processus quadriennal de la commission. Je vais décrire cela tout à l'heure. J'ai remarqué qu'on s'intéressait aux détails. Je vais me faire un plaisir de vous les donner.
Notre capacité professionnelle est toutefois régulièrement renforcée au moyen de contrats accordés à des experts- conseils multidisciplinaires. Ce groupe comprend notamment des spécialistes du secteur privé en rémunération et des universitaires constitutionnalistes, au besoin, et nous faisons aussi appel, au besoin, à d'autres fonctionnaires des organismes centraux et de la Justice Canada. Cela comprend des avocats plaidants. Quant aux organismes centraux, en matière de rémunération des juges, le Conseil du Trésor et le ministère des Finances s'intéressent particulièrement au processus.
Je signale que mon bureau sert aussi de liaison entre le ministère et toutes les grandes organisations du domaine judiciaire, notamment le Conseil canadien de la magistrature, l'Association canadienne des juges de cours supérieures, l'Institut national de la magistrature qui donne des cours et de la formation aux juges des cours supérieures et à d'autres juges; le Conseil canadien des juges en chef, et un certain nombre d'autres organisations.
Au Service des affaires judiciaires, nous sommes chargés de l'élaboration et de la coordination de toutes les initiatives en matière de politiques et de législation pour tout ce qui touche aux tribunaux créés par les autorités fédérales, aux modifications à la Loi sur les juges et à toutes les lois subordonnées connexes. Mes collègues et moi- même donnons des instructions pour la rédaction de règlements qui sont nécessaires aux termes de la Loi sur les juges, par exemple. Comme c'est une loi qui fixe la rémunération, entre autres choses, les règlements portant sur les pensions et d'autres questions peuvent être extrêmement compliqués. J'en reviens encore une fois au fait que nous avons souvent besoin de faire appel à des experts-conseils en matière de rémunération, sur une base contractuelle; nous n'avons pas toute cette expertise à l'interne.
Pour ce qui est de la rémunération des juges, la directrice des affaires judiciaires et l'avocat principal aux litiges civils du ministère sont conjointement chargés de l'élaboration et de la présentation du mémoire du gouvernement à la Commission quadriennale d'examen de la rémunération des juges. Vous êtes évidemment au courant de l'existence de la commission, qui a été créée aux termes du paragraphe 26(1) de la Loi sur les juges et qui est chargée d'examiner la question de savoir si les avantages pécuniaires consentis aux juges sont satisfaisants et de faire des recommandations à cet égard.
L'actuelle commission quadriennale, comme le sénateur Cools l'a fait remarquer, a remplacé l'ancien processus triennal de la commission. Ce processus était en place depuis plus de 20 ans. Il avait également été créé aux termes de la Loi sur les juges, mais il comportait plusieurs différences importantes par rapport à l'actuelle commission quadriennale. La structure actuelle, ainsi que le mandat et la composition de la commission quadriennale, qui sont énoncés dans la Loi sur les juges, ont été expressément conçus pour s'assurer, comme l'a exigé la Cour suprême du Canada dans la décision rendue dans l'affaire portant sur les juges de l'Île-du-Prince-Édouard, que l'on mette sur pied une commission indépendante, efficace et objective chargée de formuler des recommandations au gouvernement pour tout ce qui a trait à la rémunération des juges.
Je n'avais pas l'intention — les interprètes constateront que je m'éloigne maintenant de mon texte — d'expliquer en détail la création et le fonctionnement de la commission. Je constate toutefois que les sénateurs semblent intéressés à en savoir un peu plus là-dessus. Je vais donc passer cela à revue rapidement.
La commission est créée de manière quadriennale. Elle doit siéger tous les quatre ans. La commission continue toutefois d'exister. De même, les commissaires continuent d'être en poste durant toute la période de quatre ans au cas où des questions exigeant leur attention surgiraient.
À la suite d'une recommandation ferme faite par le Sénat en 1998, un nouvel élément a été introduit et la commission se penche maintenant sur le caractère satisfaisant de la rémunération à la lumière de quatre critères qui sont énoncés dans la Loi sur les juges. Ces critères sont l'état de l'économie au Canada et la situation économique et financière globale du gouvernement fédéral; le rôle de la sécurité financière des juges dans la préservation de l'indépendance de la magistrature; le besoin de recruter les meilleurs candidats pour la magistrature; et tout autre facteur objectif que la commission considère pertinent.
Je crois que l'on a spécifiquement demandé à connaître le processus de nomination des commissaires, notamment les critères qui régissent éventuellement leur nomination. Premièrement, je signale qu'au sujet de la composition de la commission, la Loi sur les juges stipule que le gouvernement nomme un membre, la magistrature en nomme un autre et, ensemble, ceux-ci nomment le président. La loi ne précise aucun critère ou qualité requis régissant le choix des membres.
Pour le commissaire choisi par le gouvernement, même si nous, au ministère, n'avons pas participé directement au choix des commissaires nommés par le gouvernement au sein des deux premières commissions, on nous a demandé de faire des suggestions de personnes qui pourraient être qualifiées pour ce poste. En faisant ces suggestions, nous avons recommandé fortement que l'un des membres de la commission ait de solides antécédents et connaissances en administration publique et, de façon plus générale, dans les affaires publiques, quelqu'un qui comprendrait la manière dont fonctionnent les opérations financières au gouvernement et le rôle du Parlement pour l'approbation et l'octroi des fonds.
En fait, le candidat nommé par le gouvernement en 1999 était M. Fred Gorbet, qui avait auparavant été sous- ministre des Finances dans l'administration fédérale pendant 15 ans et qui comptait déjà avant cela de longs états de service à titre de fonctionnaire. M. Gorbet a été un excellent commissaire du point de vue du gouvernement.
Certains sénateurs connaissaient peut-être Mme Greta Chambers, journaliste éminemment connue et respectée, entre autres accomplissements, qui est de Montréal. Elle a aussi été chancelière de l'Université de McGill et elle apportait dans ses bagages un éventail considérable d'expériences et de compétences. Elle a été nommée à la commission en 2003.
C'est tout ce que je puis dire sur les membres de la commission eux-mêmes.
Je vais exposer rapidement ce qui se passe. Aux termes de la loi, la prochaine commission devra amorcer ses travaux le 1er septembre 2007. Les deux dernières commissions ont procédé de la manière suivante : toute personne intéressée était invitée à présenter des mémoires écrits à la commission avant une date prédéterminée. Dans les deux cas, cette date se situait au début décembre. On a donné aux parties l'occasion de répondre, également par écrit, aux autres mémoires.
La commission a ensuite tenu deux jours d'audiences. Je dois dire, et cela n'étonnera personne, que les principales parties intéressées représentaient le gouvernement et la magistrature, quoique n'importe qui peut assister aux audiences de la commission, dont la tenue est largement publicisée, et le grand public est le bienvenu.
Une fois que la commission a terminé l'audition et la réception des mémoires de toutes les parties, elle commence à rédiger son rapport à huis clos. Aux termes de la loi, la commission doit présenter son rapport et ses recommandations au gouvernement dans les six mois suivant le début de ses travaux. Le rapport et les recommandations doivent donc être déposés au plus tard le 31 mai.
Ce qui se passe alors, c'est que le gouvernement examine les recommandations et doit répondre publiquement dans les six mois.
Je savais que l'on poserait des questions sur le rapport et les recommandations de la commission, et je peux confirmer qu'au sujet des juges de l'Île-du-Prince-Édouard, il est clair que les recommandations de la commission ne sont pas exécutoires. Cependant, le gouvernement doit répondre et doit, s'il choisit de modifier ou de rejeter une recommandation, présenter une justification fondée sur des faits. Sa réponse ne peut pas simplement consister en un énoncé de politique privilégiée. Cette réponse peut ensuite être contestée devant les tribunaux, si la justification est considérée insuffisante. Cependant, une fois qu'il a répondu, le gouvernement doit dire ce qu'il compte faire pour ce qui est de modifier la Loi sur les juges. En effet, toute recommandation de la commission doit être mise en œuvre dans le cadre du processus parlementaire, et le texte des recommandations de la commission et le texte intégral de son rapport, y compris l'ensemble des éléments de preuve, sont du domaine public. La réponse du gouvernement ainsi que la justification de la mise en œuvre ou de la modification des recommandations sont également rendues publiques.
C'est ainsi que la Chambre des communes et le Sénat ont l'occasion de se prononcer et de dire si la commission, le gouvernement ou quelque autre partie a raison ou tort.
Pour ce qui est de notre rôle dans ce processus, au ministère de la Justice, nous élaborons et coordonnons l'ensemble de l'intervention gouvernementale, y compris les mémoires écrits auxquels j'ai fait allusion, la réponse du gouvernement et les instructions en vue de la rédaction d'un projet de loi. Nous préparons toute la documentation à l'intention du Cabinet, nous énonçons les options en matière de politique et nous fournissons des conseils juridiques. Nous appuyons le ministre tout au long du processus parlementaire, et nous fournissons tout le soutien qui peut être utile aux membres du comité dans le cadre du processus, en termes d'expertise technique.
Les sénateurs seront peut-être également intéressés de savoir que mon service pourrait être qualifié de client donneur d'instructions dans tout litige important mettant en cause les tribunaux ou la magistrature. C'est toujours l'avocat plaidant ayant le grade le plus élevé au ministère de la Justice qui s'occupe de ces dossiers importants. Cela comprend les litiges portant sur la rémunération et les avantages des juges, en particulier ceux de la Cour suprême du Canada. L'affaire des juges de l'Île-du-Prince-Édouard a fait date dans ce domaine.
Plus récemment, en 2005, dans une affaire intitulé Bodnar, des précisions ont été apportées aux normes de la justification que le gouvernement doit respecter s'il choisit de modifier ou de rejeter une recommandation d'une commission. C'était une affaire importante qui a permis d'apporter d'importantes précisions à la jurisprudence récente.
Sénateurs, je m'excuse si j'ai parlé trop rapidement et je m'excuse de ne pas avoir fourni à l'avance le texte de mon exposé. J'espère que ma collègue Mme Crosby et moi-même seront en mesure de répondre à vos questions.
Le président : Je soupçonne que vous avez abordé beaucoup de questions que les sénateurs auraient posées de toute façon.
Le sénateur Mitchell : J'ai deux questions. Vous serez probablement en mesure de répondre à la première; quant à la deuxième, vous pourriez peut-être y répondre, mais vous ne le voudrez probablement pas.
Mme Bellis : Ce n'est pas la première fois que je comparais devant le Sénat.
Le sénateur Mitchell : C'est ma première fois sur cette question en particulier.
Combien de postes au Canada doivent être comblés? Combien sont vacants actuellement? En quoi cela influe-t-il sur les pressions et l'arriéré auxquels notre magistrature est actuellement confrontée?
Mme Bellis : Je n'ai pas de chiffres précis, mais je crois savoir que, en date d'il y a environ deux semaines, il y avait quelque 45 postes vacants. Douze postes ont été comblés il y a une dizaine de jours. Le ministère de la Justice ne joue absolument aucun rôle dans les nominations à la magistrature et je connais donc ces chiffres simplement parce que je m'intéresse au dossier. Je crois savoir par ailleurs que le gouvernement compte procéder à de nouvelles nominations au cours des prochaines semaines.
Le sénateur Mitchell : Savez-vous ce qu'il en est de l'arriéré de cas?
Mme Bellis : Nous n'avons pas de renseignements précis. Il n'est pas étonnant que les juges en chef aient exprimé de vives préoccupations et souhaité que leurs postes vacants soient comblés, étant donné leur très lourde charge de travail, mais je n'ai pas de données précises.
Le sénateur Mitchell : Ma deuxième question est peut-être davantage une déclaration que je voudrais consigner au compte rendu. Ce n'est un secret pour personne que les membres du gouvernement actuel, avant d'être ministres et même par la suite, ont critiqué sévèrement les juges de notre pays, et je pense qu'ils l'ont fait d'une manière qui est fondamentalement inappropriée. On a entendu à satiété le même refrain, à savoir que les juges se transforment en législateurs. Ils portent ainsi des accusations que je trouve profondément injustes à l'endroit des juges, qui sont littéralement parmi les meilleurs au monde. Je trouve que c'est mal agir, surtout une fois qu'on est au gouvernement. On peut voir les choses de bien des manières. Ce n'est pas que les juges font la loi. C'est qu'ils n'obtiennent pas les résultats qu'ils aimeraient voir. Ce n'est pas une coïncidence que cette accusation en particulier soit fréquente et intense dans des dossiers comme le mariage entre conjoints de même sexe, que mes collègues et moi-même avons appuyé.
On en a vu un exemple précis il y a un certain temps en Alberta. L'un des principaux ministres du gouvernement actuel a fait des insinuations au sujet d'un avocat, auquel il a attribué certaines caractéristiques en fonction des allégations portées contre son client, ce qui est absolument inacceptable et inqualifiable; en fait, il a été poursuivi avec succès pour avoir porté une telle accusation. Or, il est maintenant l'un des ténors du gouvernement. C'est une affaire sérieuse, à mon avis.
Si l'on se penche sur les raisons pour lesquelles ils ont refusé la recommandation de la commission et ont porté l'augmentation de 10 à 7,25 p. 100, même si l'on peut soutenir que ce n'est pas un montant énorme, on constate qu'il y a là un puissant message symbolique adressé à la magistrature, affirmant qu'il faut s'appuyer primordialement sur le critère selon lequel les augmentations doivent être en rapport avec l'état de l'économie au Canada, notamment la situation économique et financière globale du gouvernement fédéral. Dans ce but, on affirme que le gouvernement fédéral va rembourser 3 milliards de dollars de sa dette, et c'est ainsi qu'on a justifié la réduction du pourcentage qui est passé de 10,8 à 7,25. Hier, ils ont remboursé 13 milliards de dollars. La situation financière et économique du gouvernement actuel est maintenant très différente de ce qu'elle était au moment où cet argument a été avancé, mais ils n'ont absolument pas proposé de modifier la rémunération des juges.
Voici où je veux en venir : dans mon esprit, nous avons là une nouvelle confirmation qu'il ne s'agit pas de trouver le niveau approprié de rémunération pour les juges, en invalidant les conclusions d'une commission qui a été créée de manière indépendante justement dans ce but, il s'agit plutôt de dire à la magistrature : « Nous ne sommes pas contents de la manière dont vous vous comportez. Nous n'aimons pas votre attitude et nous allons vous envoyer un message, aussi subtil soit-il. » Je pense que c'est tout à fait manifeste.
Peut-être pouvons-nous convoquer le ministre et je suis sûr qu'il ne serait pas d'accord avec moi quand je dis que le deuxième critère qui sert à déterminer le caractère satisfaisant de la rémunération est le rôle de la sécurité financière des juges pour assurer l'indépendance de la magistrature. Même si ce n'est pas un accroc direct à l'indépendance de la magistrature, c'est évidemment un message très clair émanant du gouvernement qui, tout simplement, n'aime pas « l'attitude » de ses juges, en dépit du fait que nos juges sont parmi les meilleurs au monde, selon moi.
Enfin, n'êtes-vous pas d'accord pour dire que c'est le rôle du gouvernement d'appuyer ces institutions? Si le gouvernement, à l'échelon le plus élevé, n'appuie pas l'intégrité de notre magistrature, de nos institutions judiciaires et de beaucoup d'autres de nos institutions, comment pouvons-nous nous attendre à ce que les Canadiens, surtout les jeunes auxquels on s'en prend souvent, respectent notre système judiciaire et nos lois? Voilà l'argument que je voulais faire valoir. Merci de m'avoir écouté. Si vous voulez répondre à cela, je vous y invite.
Le président : Madame Bellis, croyez-vous pouvoir répondre à cette question?
Mme Bellis : Je suis certaine que vous comprendrez que je ne suis pas en position de parler du projet de loi C-17 ou de ces questions aujourd'hui. Je crois que l'on s'attendrait à ce que le ministre de la Justice parle de ses choix de politique importants. Je regrette, je ne suis pas dans une position de dire oui ou non.
Le sénateur Mitchell : Je comprends. Merci.
Le sénateur Di Nino : Je serais tenté d'inviter mon collègue à prendre part à un débat, mais je crois que nous le ferons dans un endroit plus approprié, c'est-à-dire le parquet du Sénat.
Je voudrais revenir sur un élément mentionné par le sénateur Mitchell lorsqu'il a fait une déclaration au sujet de la justification fournie par le gouvernement pour avoir réduit l'augmentation des salaires. Savez-vous quelle justification a été utilisée, étant donné que le gouvernement doit fournir, si je comprends bien, une telle justification en vertu de la loi?
Mme Bellis : Je n'ai pas apporté la réponse du gouvernement, mais la réponse officielle peut être consultée si vous êtes intéressés par les détails. Vous les trouverez sur le site Web de la commission quadriennale, à l'adresse www.quadcom.gc.ca. En résumé, je peux vous dire que le gouvernement est d'avis qu'une partie de la méthodologie analytique utilisée par la commission et les conseillers techniques de la commission accordait trop d'importance aux salaires des avocats chevronnés dans ce qui est pratiquement les huit plus grands centres urbains au Canada. Voilà une synthèse d'une question très complexe, mais l'un des problèmes fondamentaux consistait en une différence d'opinion pour ce qui est de savoir si davantage d'attention devait être accordée aux données pour ce qui est du revenu des avocats du secteur privé.
Le sénateur Di Nino : Monsieur le président, le sénateur Mitchell vient de faire consigner son interprétation, et je crois qu'il serait approprié d'avoir également la réponse officielle, la réponse que le gouvernement a reçu le mandat de donner, lorsqu'il prend ce type de mesures.
Nous devrions la consigner.
Le président : C'est précisément ce à quoi sert le site Web. Nous nous assurerons que le greffier obtienne la réponse et la transmette à chacun, et elle sera présumée consignée.
Le sénateur Di Nino : Merci. Je l'apprécie. Je voudrais poser des questions au sujet de la commission d'examen de la rémunération des juges. Je m'excuse pour ma voix. J'ai l'impression que quelque chose ne fonctionne probablement pas aujourd'hui.
Premièrement, la commission est une organisation permanente; ai-je raison?
Mme Bellis : Vous avez raison.
Le sénateur Di Nino : Vous avez dit que la commission compte trois membres. Sont-ils des employés de la commission à temps plein?
Mme Bellis : Non, sénateur. Je vous remercie de m'avoir posé la question. Les membres de la commission sont nommés. Ils sont nommés pour des périodes de quatre ans, et je vous expliquerai pourquoi. Normalement, les membres n'accomplissent leurs activités régulières que pendant une période de six mois. Je dois également indiquer qu'ils ne sont pas du tout des employés à temps complet pendant cette période. Ils sont rémunérés sur une base quotidienne; encore une fois, tous ces renseignements se trouvent sur le site Web de la commission.
Je crois qu'une rencontre organisationnelle initiale a habituellement lieu en octobre, lorsque la commission rencontre les principales parties et explique la façon dont elle souhaite procéder. Par la suite, les trois membres ne se réunissent pas avant d'avoir reçu des commentaires, soit en décembre, à l'exception du moment où ils se réunissent pour les objectifs mentionnés plus tôt. C'est en décembre que leur travail commence réellement, c'est-à-dire qu'ils examinent les renseignements. Comme je l'ai dit, ce sont des preuves très complexes pour ce qui est de comparer le gouvernement et le secteur privé. Il y a énormément de chiffres. Je suis plus à l'aise avec les lettres qu'avec les chiffres, ce qui fait que je ne fais que diriger. Je m'assure que les bonnes personnes puissent faire le travail pour nous.
Par la suite, les parties présentent leurs observations en guise de réponse, et nous devons habituellement travailler pendant la période des Fêtes, parce que les délais sont très serrés. Habituellement, les parties demandent des réponses à leurs observations avant la mi-janvier. Les audiences en soi ne prennent habituellement que deux jours, au plus, et c'est à ce moment que la commission se met réellement au travail. Il ne s'agit pas, d'aucune façon, d'un emploi à temps complet. Nous devons remettre le tout en contexte. Ces personnes ont d'autres vies très occupées.
Je devrais dire que Richard Drouin, premier président de la première commission quadriennale, était à l'époque associé dans un grand cabinet d'avocats de Montréal, mais il avait été président d'Hydro Québec. Il est venu avec ses compétences. Il s'agit de gens très occupés qui font ce travail dans l'intérêt du public et font preuve d'un engagement significatif. Ces personnes pourraient sans doute facturer 700 $ l'heure.
Le sénateur Di Nino : Je pense que c'était un message important à faire passer, parce qu'au cours de cette discussion certains pourraient être portés à croire qu'il s'agit d'une institution permanente à laquelle ces trois personnes, ainsi que leur personnel de soutien, sont nommées pour quatre ans, alors que ça n'est pas le cas.
Deux questions brèves à titre de précision : il y a évidemment du personnel de soutien. Ces personnes travaillent-elles sur appel de façon temporaire ou est-ce qu'il y a un secrétariat permanent à la Commission?
Mme Bellis : Non, sénateur, il n'y a pas de secrétariat permanent. Nous pouvons aider les commissaires s'ils ont d'autres tâches à accomplir.
Par exemple, des commissaires, par le passé, ont comparu devant des comités de la Chambre ou du Sénat pour leur faire part de leurs recommandations et pour justifier leur travail; nous pensons que les comités voudront entendre le témoignage du commissaire cette fois aussi. Le commissaire à la magistrature fédérale fournira le soutien administratif dont les commissaires ont besoin pour préparer leurs témoignages aux comités et leurs voyages. Cependant, à moins qu'il y ait une responsabilité supplémentaire, nous fonctionnons au cas par cas. C'est un budget dérisoire.
Le sénateur Di Nino : Une autre question très brève, encore une fois à titre de précision et afin que cela apparaisse au compte rendu.
Savez-vous combien a coûté la commission aux contribuables pendant ces quatre ans?
Mme Bellis : Je suis désolée, je ne le sais pas, sénateur, mais nous pouvons certainement vous fournir le détail des coûts totaux de la Commission pour 2003. Il s'agit de documents publics. Je crois bien que cela figure sur le site Internet, mais je n'en suis pas sûre.
Le sénateur Di Nino : Je vous serais reconnaissant de nous fournir ces chiffres. Je vous remercie de votre franchise.
Le président : Honorables sénateurs, je vous rappelle que nous avons un autre élément à l'ordre du jour ce soir. Il me reste trois noms sur ma liste, et je vous demanderais de vous en tenir aux questions nécessaires, je suis sûr que Mme Bellis sera ravie de recevoir vos questions par écrit à la suite de cette discussion.
Mme Bellis : Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le sénateur Cowan : Ma question est complémentaire à celle du sénateur Di Nino; très rapidement.
Le membre de la commission nommé par la magistrature est-il habituellement juge?
Mme Bellis : Non, il n'est pas juge. En fait, il peut être un ancien juge, sénateur, mais je pense que cela serait jugé inapproprié d'avoir un juge à ce genre de fonction.
Le sénateur Cools : Je souhaite remercier Judith Bellis d'être parmi nous. C'est un formidable témoin, très agréable, très ouverte et bien informée. Merci d'être venue.
Mme Bellis : C'est un toujours un plaisir, sénateur.
Le sénateur Cools : Mon collègue d'en face semble avoir compris, à tort, que le gouvernement aborde de façon inappropriée la question de la rémunération des juges, mais j'y reviendrai à un autre moment.
Ma question porte sur l'affaire du Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l'Île-du-Prince- Édouard de la Cour suprême du Canada, en 1997. Vous vous souviendrez, madame Bellis, que vous venez de rappeler la position préconisée par le juge Lamer selon laquelle, d'abord, les commissions sont tenues de passer par un processus précis et les gouvernements sont obligés de le faire, en vertu de la Constitution. Auriez-vous l'amabilité d'expliquer, afin qu'elles apparaissent au compte rendu, les autres opinions des juges, surtout le juge La Forest à ce sujet? Il était carrément contre.
Mme Bellis : Vous avez tout à fait raison, le juge La Forest était en désaccord avec cette décision. Si je me souviens bien, il estimait que non seulement le point de vue de la majorité ne reflétait probablement pas le contexte dans lequel la rémunération avait été établie mais qu'elle n'était probablement pas, d'un point de vue pratique, une très bonne idée.
Le sénateur Cools : Le juge La Forest a farouchement critiqué la décision et était visiblement préoccupé. Il a dit « L'exigence d'avoir des commissions, a priori, équivaut à l'édiction d'une nouvelle disposition constitutionnelle. », Un argument que j'ai fait valoir à plusieurs reprises. Il a ajouté, « À mon avis, les juges sont capables d'assurer leur propre indépendance en appliquant de façon appropriée la Constitution. »
Il a dit beaucoup plus, mais je vous fais tout simplement un résumé. Je tiens à vous remercier, cependant, d'avoir partagé vos connaissances profondes de cette affaire avec nous.
Je ne sais pas très bien s'il y a un chevauchement entre les activités de votre bureau et celui du commissaire pour ce qui est de ma dernière question. Êtes-vous chargés de la rédaction des projets de loi?
Mme Bellis : Non, nous ne sommes pas chargés de la rédaction. Nous travaillons avec des rédacteurs de lois.
Le sénateur Cools : La rédaction des lois relève, néanmoins, de votre bureau, n'est-ce pas?
Mme Bellis : Oui.
Le sénateur Cools : A-t-on l'intention d'abroger l'article 56 de la Loi sur les juges à la lumière de la situation de l'ex- juge Louise Arbour.
Mme Bellis : Non, pas que je sache, madame. Cependant, comme vous l'avez dit vous-même, ces articles sont périmés; je présume donc qu'il sera supprimé lors de la prochaine refonte de la loi, mais j'avoue que je ne suis pas experte à cet égard. Je pourrais, par contre, me renseigner auprès de notre directeur des services juridiques.
Le président : Merci, et je vous demanderais de faire parvenir la réponse à notre greffier.
Mme Bellis : Certainement. Il s'agit d'une question intéressante.
Le sénateur Cools : Vous êtes sans doute au courant de l'historique de cette affaire.
Mme Bellis : Je m'en souviens très bien, madame le sénateur.
Le sénateur Cools : Quatre décrets en conseil plus tard et vous vous souvenez toujours de l'affaire. Vous avez des connaissances impressionnantes. Merci.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous êtes la première personne du ministère de la Justice à laquelle je parle depuis 24 heures, donc c'est à vous que je dois poser cette question, madame. Le ministère de la Justice a-t-il participé à la décision de supprimer le programme de contestation judiciaire? Avez-vous entendu des rumeurs à ce sujet? Savez-vous si c'est bien le cas?
Mme Bellis : Madame le sénateur, j'étais aussi abasourdie que tout autre Canadien lorsque j'ai lu le communiqué de presse. Cela étant dit, je présume que le ministre aura demandé conseil au sujet de la Commission de réforme du droit avant de prendre une décision.
Le sénateur Nancy Ruth : Était-ce auprès de votre ministère?
Mme Bellis : Normalement, on aurait consulté le sous-ministre de la Justice pour ce genre de question. Je ne pourrais même pas essayer de deviner ce qu'il aurait dit.
Le sénateur Nancy Ruth : Je suis néophyte au Sénat. Je me demande comment on procède dans une telle situation.
Le sénateur Downe : Monsieur le président, ma question s'adresse à vous. Le ministre choisit des juges parmi des noms qui figurent sur une liste fournie par les comités de contrôle judiciaire, peu importe le parti au pouvoir. Tant au niveau fédéral qu'au niveau provincial, ce sont les amis du parti qui deviennent juges. Ils peuvent rester en fonction jusqu'à l'âge de 75 ans. Il s'agit de nominations politiques. Savez-vous si le gouvernement actuel a l'intention de réduire à huit ans le mandat d'un juge?
Le sénateur Cools : Vous avez compris l'aspect constitutionnel.
Le président : Nous terminerons sur cette question de pure forme. Silence, s'il vous plaît. Madame Bellis, madame Crosby, merci beaucoup d'être venues. Comme je l'ai mentionné plus tôt, on aura peut-être quelques questions supplémentaires; le cas échéant, je vous contacterai ou je demanderai à notre greffier de le faire.
Mme Bellis : Nous serons ravies de vous fournir tout renseignement supplémentaire dont vous avez besoin.
Le président : Excellent. Merci beaucoup. Nous allons maintenant passer au projet de loi S-201.
Honorables sénateurs, vous avez reçu une copie de la lettre de Maria Barrados, qui a témoigné hier. C'est la présidente de la Commission de la fonction publique. Sa lettre est datée du 27 septembre et fournit des réponses à certaines questions qui lui ont été posées hier. Elle indique que l'avocat conseil, M. Gaston Arseneault, sera présent, et c'est en effet le cas. Vous vous souviendrez qu'il a témoigné hier en tant qu'avocat conseil de la Commission de la fonction publique.
Hier, nous n'avons pas pu entendre la réponse de l'auteur du projet de loi, le sénateur Ringuette, et c'est ce que nous allons faire à présent. Me David Michaud, son conseiller juridique, l'accompagne. Vous avez la parole, sénateur Ringuette.
L'honorable Pierrette Ringuette, parrain du projet de loi : En ce qui concerne la lettre du bureau de Mme Barrados, allez à la page 3 où figurent les statistiques qu'on nous fournit, statistiques qui commencent au 1er avril de cette année. Il s'agit de la zone de sélection nationale. Le pourcentage des demandes qui proviennent de la région de la capitale nationale est de 67. On indique en dessous que pour les régions autres que la région de la capitale nationale, l'Ontario et le Québec, il s'agit de 9 p. 100. C'est pour les postes de niveau d'agent.
L'autre tableau porte sur le groupe professionnel et dans cet exemple, 81 p. 100 des demandes venaient de la région de la capitale nationale et 5 p. 100 des régions autres que la RCN, l'Ontario et le Québec. Cela montre clairement que malgré l'entrée massive ou la saturation de demandes de partout au Canada, lorsque vous fixez une zone de sélection nationale, les chiffres ne sont pas si importants. Comme en témoignent les données fournies par le bureau de Mme Barrados, l'argument selon lequel la commission est surchargée et les coûts sont trop élevés ne tient pas. Si l'on examine la zone de sélection nationale, l'argument des coûts et de la surcharge de travail pour traiter toutes les demandes supplémentaires vient d'être balayé par le bureau de la commission.
Je suis prête à répondre aux questions.
Le président : Les honorables sénateurs ont entendu votre témoignage hier et ont eu la possibilité de vous poser des questions. Avez-vous d'autres arguments à présenter avant de passer aux questions?
Le sénateur Ringuette : Il n'y a que ce projet de loi à l'étude?
Le président : Oui, ce projet de loi et votre témoignage ainsi que celui de Mme Barrados et de ceux qui l'accompagnaient hier.
Le sénateur Ringuette : C'est exact.
Le président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à passer à l'étude article par article du projet de loi, ou est-ce qu'ils souhaitent poser d'autres questions à son auteur avant de commencer?
Des voix : Oui.
Le président : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que nous procédions à l'étude article par article du projet de loi S-201, Loi modifiant la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (élimination du favoritisme bureaucratique et des critères géographiques dans le processus de nomination)?
Des voix : Oui.
Le président : L'étude du titre est-elle reportée?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 3 est-il adopté?
Le sénateur Stratton : J'ai un amendement à proposer et je demanderais aux honorables sénateurs d'aller à l'article 3 du projet de loi S-201, parce que je vais y faire référence.
Je propose :
Que le projet de loi S-201 soit modifié, à l'article 3, par substitution, aux lignes 17 à 27 à la page 1 et aux lignes 1 à 11 à la page 2, de ce qui suit :
3.(1) L'article 34 de la même loi modifié par adjonction, après le paragraphe (2), de ce qui suit :
(3) Lorsqu'elle établit un critère géographique dans le cadre d'un processus de nomination externe annoncé, la Commission définit une zone de sélection nationale sauf si, selon la Commission, cela est contraire à l'intérêt de la fonction publique.
(2) Le paragraphe 34(3) de la même loi, édicté.
Voilà, c'est tout pour l'amendement.
Il y a de légères divergences quant aux lignes dans la version française, mais il s'agit essentiellement du même amendement.
Le président : Tout le monde comprend l'amendement?
Le sénateur Ringuette : J'aimerais proposer un sous-amendement à l'amendement proposé.
Le président : Pouvons-nous discuter d'abord de l'amendement, après quoi je vous reviendrai?
Le sénateur Ringuette : Oui.
Le président : Tout le monde comprend l'amendement proposé?
Le sénateur Cowan : Pour plus de précision, sénateur Stratton, s'agit-il du même amendement que celui qui avait été proposé par Mme Barrados?
Le sénateur Stratton : Il s'agit essentiellement du même amendement puisque, comme elle l'a expliqué, on est en train de modifier la façon de faire et tout devra se faire graduellement. C'était là son argument fondamental.
Le sénateur Cowan : C'est donc la même chose que ce qu'elle proposait?
Le sénateur Stratton : Oui.
Le président : Tout le monde comprend l'amendement?
Nous avons un sous-amendement, c'est-à-dire un amendement à l'amendement.
Le sénateur Ringuette : Afin d'ouvrir le processus à tous les Canadiens le plus rapidement possible, j'appuie les premières lignes de l'amendement qui est proposé, à savoir qu'il s'agirait d'un « processus de nomination externe annoncé », mais je ne suis pas d'accord pour que nous laissions à la commission le soin de déterminer si « cela est dans l'intérêt de la fonction publique ».
Si je propose le projet de loi en question, ce n'est pas spécialement pour servir « l'intérêt de la fonction publique ». Chose certaine, la fonction publique a tout à gagner du projet de loi que je propose. Mais si nous ouvrons le processus à tous les Canadiens, il ne devrait pas y avoir d'exception ni de pouvoir discrétionnaire supplémentaire pour la commission pour ce qui est de limiter la possibilité qu'ont tous les Canadiens de faire partie de la fonction publique. J'accepte pour le moment qu'on limite l'accès aux emplois fédéraux au moyen d'un processus externe, mais je n'accepte pas que le choix de la zone de sélection continue à appartenir à la commission. Si nous décidons d'ouvrir le processus, ouvrons-le.
Comme vous avez pu le constater d'après les données qui nous ont été envoyées, le nombre de demandeurs dans les différentes régions du pays n'est pas très grand; il n'y aurait pas de surcharge excessive au niveau du processus opérationnel, et il n'y aurait pas non plus de véritable accroissement du coût des opérations.
Je voudrais donc proposer le sous-amendement suivant à l'amendement du sénateur Stratton :
Que l'article 3 du projet de loi S-201 soit modifié par suppression des mots « sauf si, selon la Commission, cela est contraire à l'intérêt de la fonction publique ».
Voilà l'amendement que je voudrais apporter à l'amendement proposé.
Le président : L'amendement serait donc le suivant :
(3) Lorsqu'elle établit un critère géographique dans le cadre d'un processus de nomination externe annoncé, la Commission définit une zone de sélection nationale.
Le sénateur Ringuette : Point.
Le président : Tout le monde comprend le sous-amendement proposé à l'amendement du sénateur Stratton?
Le sénateur Stratton : Je ne peux que réitérer, si vous le permettez, l'argument que nous a présenté très clairement Mme Barrados, à savoir que le processus est déjà prêt à être changé. Cela doit se faire de façon graduelle. Elle demande que nous fassions preuve de patience pour lui permettre de réaliser les changements voulus.
Le sénateur Di Nino : Monsieur le président, je suis quelque peu désavantagé, ou peut-être avantagé, du fait que je n'ai pas assisté à toutes les délibérations. Il me semble que ce que nous offre Mme Barrados est en quelque sorte un compromis, qui ne plaît pas nécessairement au sénateur Ringuette en sa qualité de marraine du projet de loi, mais qui ne plaira sans doute pas non plus aux gens de la fonction publique.
Dans le monde des affaires, quand on se trouve face à un conflit ou à une certaine résistance, la meilleure solution, c'est de faire en sorte que les deux parties soient un petit peu mécontentes.
Le sénateur Stratton nous offre un compromis possible. Nous pouvons faire savoir à Mme Barrados que nous allons réexaminer la situation dans un avenir proche et que, s'il n'y a eu aucun changement, nous allons revenir avec quelque chose de beaucoup plus fort. Au lieu de dire à ceux qui sont chargés de l'administration quotidienne de ce processus qu'ils n'ont pas à avoir d'opinion et que c'est nous qui allons leur dire exactement comment il faut faire — même si cela se défend si c'est vraiment ce que nous voulons faire —, il vaudrait sans doute mieux que nous acceptions l'amendement de Mme Barrados et que nous veillions à ce qu'elle sache que nous allons examiner ce que fera l'organisation et que, en l'absence de progrès soutenus, nous reviendrons à la charge après un délai raisonnable et nous adopterons un autre projet de loi.
Le sénateur Cowan : J'étais là l'autre jour pour entendre Mme Barrados. Ce que j'ai compris de son témoignage, c'est qu'elle veut avancer dans le sens du projet de loi et qu'elle considère tout à fait approprié, là où ce serait souhaitable, de définir des zones de sélection nationale. Elle a toutefois présenté des arguments très convaincants pour montrer que, dans certains cas et dans certaines circonstances, cela pourrait ne pas être souhaitable. Il me semble que, le cas échéant, il doit y avoir une personne ou une institution qui a un certain pouvoir discrétionnaire. J'ai retenu de son témoignage que l'amendement qu'elle recommande, et que notre collègue, le sénateur Stratton, a proposé ce soir, servirait de soutien législatif aux efforts qu'elle déploie et qu'elle serait très heureuse de suivre le processus de près, processus qui, comme l'a expliqué le sénateur Stratton, prend un certain temps.
Même si cela ne satisfait pas entièrement le sénateur Ringuette, nous indiquerions clairement à tout le moins que nous nous attendons, en règle générale, à ce qu'il y ait une zone de sélection nationale. Ceux d'entre nous qui viennent de l'extérieur de la région de la capitale nationale entendent constamment parler de préoccupations semblables à celles qui ont amené le sénateur Ringuette à proposer son projet de loi.
Je suis sensible à l'intention du projet de loi, et j'estime que, dans les circonstances et après avoir écouté Mme Barrados, l'amendement que vient de proposer le sénateur Stratton ce soir sur la recommandation de la Commission de la fonction publique serait une façon raisonnable de procéder à ce moment-ci. J'appuierai donc l'amendement.
[Français]
Le sénateur Chaput : Je n'étais pas ici la semaine passée et je n'ai pas participé à toutes les discussions qui ont eu lieu, mais j'ai suivi de près le projet de loi du sénateur Ringuette parce que j'y crois très fort depuis ses débuts. Donc, j'appuie le sous-amendement du sénateur Ringuette pour les raisons suivantes.
La lettre de Mme Barrados explique certains compromis qu'elle a faits, toutefois, lorsqu'on laisse à la commission le soin d'établir si, en effet, cela va à l'encontre de l'intérêt de la fonction publique, quand je pense à ce qui s'est déjà passé alors qu'on embauchait à court terme, ponctuel et temps partiel, les choses ne se sont pas bien passées. Sans le sous- amendement de madame le sénateur Ringuette, cela pourrait encore être le cas. J'appuie ce sous-amendement.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Je vais m'opposer à l'amendement, non pas parce que les arguments du sénateur Cowan ne sont pas convaincants ni que je n'ai pas été impressionné par Mme Barrados, qui est très impressionnante et qui est aussi bien intentionnée et motivée, mais...
Le président : Vous vous opposez au sous-amendement?
Le sénateur Mitchell : Non, j'appuie le sous-amendement.
Le président : J'inviterais les sénateurs à se prononcer sur l'amendement une fois que nous aurons décidé du sous- amendement.
Le sénateur Mitchell : L'argument que je voudrais faire valoir serait le même. Je peux le présenter maintenant si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Comme ça, je n'aurai plus à intervenir.
Le président : D'accord.
Le sénateur Mitchell : Mon argument tient au fait qu'il nous faut faire rapidement des progrès dans ce dossier. La Commission de la fonction publique pourra prendre tout le temps voulu pour décider des modalités du processus et le mettre en œuvre. Tout ce que cela signifie, c'est qu'elle sera tenue de le faire. Elle en est capable, et elle trouvera le moyen de le faire.
Le sénateur Downe : Je suis d'accord avec le sénateur Mitchell.
Le sénateur Biron : Je suis d'accord.
[Français]
Le president : Le sénateur Biron est d'accord aussi. Êtes-vous prêts à procéder avec le sous-amendement?
[Traduction]
Le sénateur Ringuette : Il nous faut comprendre que nous avons de la chance d'avoir quelqu'un comme Mme Barrados. Elle a déployé des efforts considérables. Il n'en reste pas moins qu'il y a deux autres choses dont il faut tenir compte. Premièrement, Mme Barrados est pleine de bonne volonté, mais elle n'occupera pas son poste indéfiniment. Deuxièmement, une fois que nous aurons décidé ce soir du sort du projet de loi, avec ses amendements et ses sous- amendements, nous devrons en faire rapport au Sénat, qui devra ensuite l'approuver en troisième lecture. Puis, le projet de loi devra être déposé à la Chambre des communes et passer par toutes les étapes là-bas. On aura donc tout le temps voulu pour faire les rajustements nécessaires.
Dans le projet de loi initial, nous avons examiné les nominations internes et externes. L'amendement proposé par le sénateur Stratton supprime le processus interne. Dans l'esprit des négociations, et voulant que quelque chose soit fait, je suis d'accord sur cette partie de l'amendement. Je m'occupe de cette question depuis 13 ans, soit depuis 1993. J'espère que nous pouvons donner aux Canadiens des quatre coins du pays l'espoir d'avoir légalement des chances égales de travailler à la fonction publique du Canada. Voilà le seul objectif de ce projet de loi.
Le président : Honorables sénateurs, je propose que nous procédions au vote.
Le sénateur Straton : Question.
Le président : Le sénateur Stratton a proposé un amendement, lequel vous a été présenté. Un sous-amendement à cet amendement a ensuite été proposé. Le sous-amendement propose qu'au paragraphe (3) de l'amendement proposé les mots « sauf si, selon la Commission, cela est contraire à l'intérêt de la fonction publique » soient rayés, si l'amendement est adopté.
Que tous ceux qui sont faveur disent « oui ».
Des voix : Oui.
Le président : Que tous ceux qui ne sont pas en faveur disent « non ».
Des voix : Non.
Le président : Voulez-vous procéder à un vote à main levée ou êtes-vous d'accord avec moi pour dire que les « oui » l'emportent?
Le sénateur Straton : Les « oui » l'emportent.
Le sénateur Down : Avec dissidence.
Le président : Adopté avec dissidence.
Nous avons maintenant un amendement modifié. L'amendement proposé par le sénateur Stratton, puis modifié par le sénateur Ringuette, se lit comme suit :
3(1) L'article 34 de la même loi est modifié par adjonction, après le paragraphe (2), de ce qui suit :
(3) Lorsqu'elle établit un critère géographique dans le cadre d'un processus de nomination externe annoncé, la Commission définit une zone de sélection nationale.
Si cet amendement est adopté tel que modifié, il s'agirait de la proposition pour l'article 3.
[Français]
Lorsqu'elle établit un critère géographique dans le cadre d'un processus de nomination externe annoncée, la commission définit une zone de sélection nationale.
[Traduction]
Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement modifié disent « oui ».
Des voix : Oui.
Le président : Que tous ceux qui ne sont pas en faveur disent « non ».
Des voix : Non.
Le président : Comme ce n'était pas clair, nous allons procéder à un vote à main levée. Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement modifié lèvent la main droite, s'il vous plaît.
Toux ceux qui sont contre l'amendement modifié?
La motion est adoptée.
L'article 3 modifié est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le sénateur Straton : Avec dissidence.
Le président : Adopté avec dissidence.
Le titre est-il adopté?
Le sénateur Straton : Si vous me le permettez, j'aimerais ajouter un autre amendement. Je propose :
Que le projet de loi S-201 soit modifié, à la page 2, par adjonction, après la ligne 16, de ce qui suit :
4. Les dispositions de la présente loi entrent en vigueur deux ans après la date de sanction de la présente loi.
Le président : Nous allons en discuter. Est-ce que tout le monde comprend l'incidence de cet amendement?
Le sénateur Ringuette : C'est dans cinq ans. C'est injuste.
Le président : Avez-vous tous l'amendement en main? Il est assez explicite. Désirez-vous ajouter quelque chose, sénateur Stratton?
Le sénateur Straton : Je crois simplement qu'il devrait y avoir une date d'entrée en vigueur pour ces dispositions. La commissaire a expliqué de façon très claire qu'elle a besoin de temps pour prendre les mesures que nous demandons. À cette fin, le projet de loi entrera en vigueur deux ans après avoir obtenu la sanction royale. Je préfèrerais fonctionner de cette façon, parce que cela donne la possibilité d'atteindre cet objectif.
Dans les faits, si nous voulons obtenir des résultats, nous devons faire des compromis. On ne peut pas rester à rien faire et ne pas se rendre compte que, si la commissaire n'a pas assez de temps, nous ne l'aidons pas beaucoup — et nous n'aidons pas les Canadiens non plus.
Elle comprend l'objectif de ce projet de loi; elle sait de quoi il s'agit. Une fois que le projet de loi aura été adopté et qu'il aura reçu la sanction royale, elle aura deux ans pour tenter de prendre les mesures que nous avons demandées. Si la loi entre en vigueur immédiatement après la sanction royale, cela ne laisse pas assez de temps pour prendre les mesures nécessaires. Elle aurait à prendre des mesures immédiatement, et je ne vois pas comment elle pourrait vraisemblablement y arriver.
Le président : Voulez-vous discuter de l'amendement proposé?
Le sénateur Di Nino : J'ai un point de vue très différent. Le sénateur Banks a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui indique qu'une fois qu'un projet de loi a reçu la sanction royale, il doit entrer en vigueur dans un délai prescrit, ou il faut s'en débarrasser; il faut y donner suite.
Je crois que le sénateur Ringuette a remporté une grande victoire, et je l'en félicite. Par ailleurs, avec cette mesure, on assure effectivement son entrée en vigueur, en supposant bien sûr que le projet de loi sera adopté par la Chambre des communes. Sans cette mesure, nous pourrions très bien nous retrouver avec un gouvernement qui n'est pas nécessairement favorable ou qui comprend l'opinion de la commission de façon différente, et qui ne promulguera pas cette loi. Le projet de loi risque donc de ne jamais aboutir.
Je crois que ce n'est pas un mauvais compromis.
Le sénateur Mitchell : J'aurais tendance à m'opposer à cet amendement. L'argument des sénateurs Stratton et Di Nino, quoique intéressant, n'est pas convaincant. L'adoption de ce projet de loi ne surprendra tout de même pas la Commission de la fonction publique. Elle sait que cette mesure est demandée par le Sénat et qu'au bout du compte, elle le sera également par la Chambre des communes, si elle est adoptée. La commission dit qu'elle y travaille. Essentiellement, la commission a assez de temps pour mettre cette mesure en place, et cette façon de procéder maintient la pression et accélère le processus.
Il y a aussi l'aspect anti-échec d'avoir à passer par la Chambre des communes, où le projet de loi pourrait être modifié et devoir respecter une date limite. Je ne vois pas pourquoi, au Sénat, à ce moment-ci, nous voudrions réduire la pression. Je crois que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il s'agit d'une mesure très louable. Cette mesure ne concerne pas seulement la fonction publique; elle concerne l'unité du pays, le sentiment d'égalité et le sentiment que tous les citoyens, d'un bout à l'autre du pays, sont traités de façon équitable. Cette mesure est fondamentale au traitement des Canadiens.
Je crois qu'il faut maintenir la pression. Si la commission a déjà commencé à travailler là-dessus comme elle le prétend, elle a encore plusieurs mois pour y arriver. Nous devons maintenir le cap.
Le président : D'autres commentaires?
Le sénateur Ringuette : Ceux qui faisaient partie de notre comité lorsque le gouvernement précédent, en 2003, a présenté le projet de loi C-25 sur la modernisation de la fonction publique, se rappelleront que le Conseil du Trésor et la commission avaient tenu à nous rassurer plusieurs fois. Aussi, ils ont reçu plus de 40 millions de dollars pour mettre à jour la technologie pour faire exactement ce que ce projet de loi devrait faire.
En raison du processus qui doit avoir lieu à l'autre endroit, et ne sachant pas si oui ou non le projet de loi y sera modifié ou si nous devrons recommencer le processus au Sénat, je ne suis certainement pas prête à attendre deux autres années avant que les contribuables canadiens, surtout les jeunes, aient l'occasion de postuler ces postes.
Rappelez-vous ce que Mme Barrados a dit hier : quiconque fait une demande d'emploi dans le cadre d'un concours à zone restreinte, qui a les compétences nécessaires et qui est réputé être le meilleur candidat pour ce poste et qui obtient ce poste sera accusé de fraude et perdra son emploi s'il est découvert par la suite qu'il a menti relativement à son adresse et habitait en fait à l'extérieur de la zone en question. C'est injuste. Je me bats à ce sujet depuis 13 ans et je connais très bien le processus parlementaire, assez bien pour savoir qu'il faudra au moins une autre année. Je refuse d'ajouter deux autres années à ce processus.
Le président : Des commentaires ont été formulés en ce qui a trait aux dates de promulgation; et, c'est ce que vise cette motion. Je demande au greffier d'expliquer la situation lorsqu'il n'y a pas de date de promulgation distincte dans le projet de loi initial.
Till Heyde, greffier du comité : Lorsqu'un projet de loi ne comporte pas un article portant sur la date d'entrée en vigueur, comme c'est le cas pour le projet de loi S-201, tel que présenté actuellement au comité, c'est-à-dire sans amendement, le projet de loi entre en vigueur lorsqu'il reçoit la sanction royale.
Il existe deux autres scénarios. L'un consiste à adopter un article qui prévoit que la ou les dates seront établies par proclamation du gouvernement en conseil; l'autre consiste à fixer une date précise dans le projet de loi, ce que, je crois vise à faire l'amendement du sénateur Stratton.
Il y a donc trois scénarios : premièrement, entrée en vigueur au moment de la sanction royale; deuxièmement, entrée en vigueur à une date fixée dans le projet de loi; troisièmement, entrée en vigueur à une ou des dates établies par le gouverneur en conseil.
Le président : Comme vous le voyez, cet amendement propose que les dispositions du projet de loi entrent en vigueur deux ans après l'obtention de la sanction royale. Il s'agit d'un amendement proposé. Les sénateurs sont-ils prêts à répondre à la question?
Des voix : Question.
Le président : Que tous ceux qui sont en faveur de l'amendement disent « oui ».
Des voix : Oui.
Le président : Que ceux qui ne sont pas en faveur disent « non ».
Des voix : Non.
Le président : La motion est rejetée. Nous procéderons article par article.
Le titre et le projet de loi, tels que modifiés, sont-ils adoptés?
Des voix : D'accord.
Le président : Dois-je faire rapport du projet de loi modifié au Sénat?
Des voix : D'accord.
Le président : Félicitations, je ferai rapport du projet de loi au Sénat.
Le sénateur Ringuette : Je remercie les membres du comité pour leur travail acharné. Aujourd'hui, les Canadiens de partout au pays peuvent être fiers du Sénat canadien.
Le président : Honorables sénateurs, avant de lever la séance, j'aimerais avoir votre approbation quant à la présentation d'un budget très raisonnable. M. Hyde vous en parlera brièvement.
[Français]
M. Heyde : Le projet de budget que vous avez devant vous, sénateurs, est pour l'exercice se terminant le 31 mars 2007, et les travaux du comité ayant trait à l'étude du Budget principal des dépenses.
[Traduction]
Le Sénat a renvoyé cette question au comité le 27 avril 2006. Les sénateurs peuvent consulter les dépenses proposées à la page 3. Une partie importante de ce montant est consacrée aux repas de travail, lesquels sont fournis au comité de temps en temps lorsqu'il se réunit le matin ou tard en soirée.
Certaines personnes ont proposé que des conseillers externes soient engagés relativement à certaines questions, de temps en temps.
[Français]
Le projet de budget propose également que certains fonds soient disponibles au comité pour des conférences — et vous pouvez voir diverses dépenses imprévues qui pourraient surgir.
[Traduction]
Le sénateur Di Nino : Premièrement, où obtenez-vous des petits déjeuners à 50 $ et des dîners à 500 $, ce qui est dix fois plus, pour ce nombre de personnes? Il me semble que c'est peu.
Deuxièmement, sans égard aux dépenses aux points 3 et 1 (conférences), est-ce que le comité donne son approbation?
Le président : Le comité de direction examinerait ces dépenses, mais personne n'a encore fait de demande.
Le sénateur Di Nino : Le comité de direction approuverait ces dépenses; pas notre comité.
Le président : Le comité de direction de notre comité.
Le sénateur Di Nino : Notre comité recevrait-il un rapport à l'issue du processus?
Le président : Certainement, tout fait l'objet d'un rapport.
[Français]
Le sénateur Biron : Est-ce que les montants peuvent être transférés? Est-ce que le budget est adopté comme un tout et les montants peuvent être transférés d'un item à un autre?
M. Heyde : Selon le Règlement administratif du Sénat, les fonds inclus dans les différentes catégories du projet de budget, soit les dépenses professionnelles et autres, le transport et les communications et toute autre dépense, peuvent servir à ces catégories. Par exemple, la somme de 46 500 $ pour des services professionnels et autres peut servir à ces catégories. On peut transférer un montant maximal de 4 000 $ entre les différentes catégories si nécessaire. Sinon, il faut soumettre une nouvelle demande de budget.
[Traduction]
Le président : Que tous ceux qui sont en faveur du budget disent « oui ».
Des voix : Oui.
Le président : Je vais présenter ce budget au comité de la régie interne.
La séance est levée.