Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 4 - Témoignages du 17 octobre 2006
OTTAWA, le mardi 17 octobre 2006
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 35 afin d'étudier, pour en faire rapport, les questions relatives à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers niveaux de gouvernement du Canada.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, le Comité sénatorial permanent des finances se réunit aujourd'hui pour poursuivre l'étude des questions relatives à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers niveaux de gouvernement du Canada. C'est une étude d'actualité qui suscite de plus en plus d'attention. Nous avons déjà de solides connaissances dans ce domaine, grâce aux travaux antérieurs du comité sur la formule de péréquation. Mais nous élargirons les champs de notre étude pour considérer les questions de façon plus globale.
Aujourd'hui, il me fait grand plaisir d'accueillir Michael Smart. M. Smart est professeur d'économie à l'Université de Toronto, chercheur à l'Institut C.D. Howe et spécialiste de l'analyse économique des politiques gouvernementales. Il a publié dans de nombreuses revues spécialisées sur des sujets tels que la politique fiscale, la compétition dans le domaine de l'impôt entre les divers gouvernements, le fédéralisme fiscal au Canada et à l'étranger, ainsi que les politiques liées à l'impôt au gouvernement.
Michael Smart, professeur, Département des sciences économiques, Université de Toronto, à titre personnel : Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier le comité de me donner l'occasion de m'exprimer sur ces importantes et intéressantes questions. Sur un plan plus personnel, je vous confie qu'il est très émouvant pour moi de présenter cet exposé dans la pièce où j'ai occupé mon premier emploi d'étudiant, il y a des années, à titre de messager pour l'ancien bureau parlementaire de la Presse canadienne. J'aime bien ce que vous avez fait de cet endroit. C'est agréable d'être de retour dans ces murs.
Je vais vous entretenir de la réforme de la péréquation telle qu'elle existe actuellement au Canada. Je pense que vous reconnaîtrez avec moi que, depuis quelques années, nous vivons dans ce pays une période assez tumultueuse en ce qui concerne les accords fiscaux. Il est assez curieux qu'un domaine qui, normalement, est assez tranquille suscite un regain d'intérêt dans les hautes sphères. C'est là un aspect positif, à bien des égards. Je pense plus particulièrement aux changements intervenus depuis 2004, lorsque le premier ministre Martin et les premiers ministres des provinces ont négocié une modification fondamentale de nos accords de péréquation — le soi-disant Nouveau cadre. Les diverses ententes particulières relatives à la péréquation ont vu le jour durant cette même période.
De façon plus générale, je pense à l'intérêt croissant suscité dans les hautes sphères politiques par cet écart fiscal entre les provinces. On sent désormais une tendance à considérer les réformes des transferts comme un jeu à somme nulle, dans lequel tout ce qui compte, c'est l'effet d'une réforme sur les résultats budgétaires d'une province ou d'une autre — sans considération aucune pour les principes fondamentaux, contrairement à la situation qui existait dans le passé pour bien des participants. C'est là un des aspects fondamentaux de la situation actuelle que nous devons considérer.
C'est dans cet environnement que le rapport du Groupe d'experts sur la péréquation sous la présidence de M. Al O'Brien a été publié. Dans ce contexte, le rapport doit être vu comme une tentative de revenir à des principes et à une formule comme bases des transferts, ce qui signifie, adopter une formule et s'en tenir à cette formule particulière. Par ailleurs, je pense que le rapport est une tentative pragmatique de s'assurer que les réformes qui devraient être entreprises n'auront aucune incidence importante sur les résultats budgétaires d'une province, ni aucune répercussion substantielle sur les résultats budgétaires du gouvernement fédéral en ce qui a trait aux dépenses totales au titre du programme. Cette approche du problème qui combine à la fois les principes et le pragmatisme est tout à fait louable. Le rapport O'Brien constitue un excellent point de départ pour réfléchir à une réforme.
Je me penche sur ces questions en tant que champion du principe de la péréquation au Canada et, avec certaines réserves, de la formule actuelle d'avant 2004 qui a été mise à contribution, sous diverses formes durant deux générations, dans ce pays. Cela me rend évidemment critique de certains aspects des réformes apportées depuis deux ans et de certains aspects des recommandations du rapport O'Brien.
Aujourd'hui, je cherche à aller au-delà des calculs pour aborder la question des écarts financiers entre les provinces, et pour parler de certaines questions de principes — en particulier, des effets probables de la réforme de la péréquation sur l'économie du pays dans son ensemble. Je traiterai de trois points, puis je m'engagerai dans une discussion plus générale. Le premier et le plus important des trois est la péréquation des revenus associés aux ressources.
Il s'agit des questions les plus intéressantes et les plus complexes que le gouvernement doit affronter actuellement, et que le rapport présente dans ses recommandations. Les récents commentaires du premier ministre Williams, à Gander, attestent le fait que la péréquation des ressources est également l'aspect le plus controversé de la formule de nos jours. Il est impossible de ne pas tenir compte de ces aspects politiques, même lorsque l'on décide de parler de principes.
Dans les très intéressantes propositions de réforme avancées par le Groupe d'experts, je pense qu'il existe une sérieuse possibilité que les conséquences de la mise en œuvre du train de réformes soient de réduire les efforts d'imposition des revenus tirés des ressources, les taux de redevance étant établis par les provinces. J'expliquerai cet argument plus en détail tout à l'heure. Nous devrions penser non pas aux résultats budgétaires d'une province, mais plutôt au niveau d'imposition des ressources que l'on retrouvera dans l'ensemble du pays si ces réformes sont adoptées.
Je considère que les ressources sont déjà assujetties à un régime fiscal préférentiel dans notre système. Il y a beaucoup de preuves à l'appui de cette idée comme quoi le secteur des ressources bénéficie d'un traitement particulier de la part de tous les ordres de gouvernement. La perception comme quoi les réformes de la péréquation entraîneraient une réduction de l'impôt est problématique, et il conviendrait d'y réfléchir plus longuement.
Je vais maintenant aborder deux autres aspects. Premièrement, j'aimerais vous expliquer brièvement comment nous en sommes arrivés là; c'est-à-dire, quelle était la situation d'avant 2004 ayant conduit à ces réformes. Je soutiens qu'il y a eu un sérieux recul des droits à péréquation avec l'ancienne formule qui prévalait entre 2000-2004. Ce recul était entièrement approprié. La formule a fonctionné comme elle le devait. Le hic, ce fut la politisation des négociations entourant la formule. Il faut y réfléchir, parce que ce nouvel environnement politique influera certainement sur la probabilité qu'une réforme soit adoptée et débouchera sur la possibilité que seulement certaines réformes deviendront réalisables sur le plan politique.
Deuxièmement, je vais traiter de façon générale des propositions du Groupe d'experts et de leurs répercussions sur l'abordabilité pour le gouvernement fédéral. Les propositions du Groupe d'experts ont été soigneusement élaborées pour n'avoir qu'un impact relativement faible sur le fisc fédéral. Mais, si le gouvernement décidait d'adopter certaines des propositions, il se pourrait que le programme se révèle plus coûteux. Des modifications relativement peu importantes dans les hypothèses économiques, comme la hausse du prix du pétrole, pourraient aussi entraîner des répercussions dans les résultats du gouvernement fédéral. Dans ce contexte des risques imposés à l'abordabilité, il serait peut-être raisonnable de revenir à l'idée de départ du Nouveau cadre de 2004 d'un plafonnement global imposé aux coûts du programme. Il se pourrait bien que l'on n'ait pas d'autre choix. J'aimerais me pencher sur un certain train de réformes qui empruntent des éléments des propositions du Groupe d'experts ainsi que des éléments du Nouveau cadre et vous expliquer ce que cela pourrait donner.
Permettez-moi de vous donner un bref aperçu de ce que le Groupe d'experts a conclu au sujet des ressources. Les principales recommandations visant les ressources sont, premièrement, une proposition comme quoi nous devrions revenir à la norme des 10 provinces en matière de péréquation. La norme est le niveau auquel nous tentons d'amener toutes les provinces grâce au système de transferts de péréquation. La proposition prévoit que, plutôt que d'utiliser la norme des cinq provinces qui excluait l'Alberta et les provinces de l'Atlantique jusqu'en 2004, nous devrions revenir à la norme des 10 provinces. Il ne s'agit pas des ressources, mais si les revenus associés aux ressources de l'Alberta sont comptabilisés dans la formule, cela risque d'accroître les coûts que devra assumer le gouvernement fédéral pour atteindre son objectif en matière de péréquation.
Le deuxième élément clé est que, ce faisant, nous devrions désormais inclure seulement 50 p. 100 des revenus associés aux ressources naturelles, plutôt que 100 p. 100 comme dans l'ancienne formule. Cette caractéristique a pour effet de tempérer clairement la recommandation relative à la norme des 10 provinces. Cela signifie que nous calculerons les revenus de l'Alberta, mais seulement 50 p. 100 de ces revenus. C'est également le cas avec les autres provinces lors des calculs.
Le troisième élément, qui est tout aussi important, est une proposition voulant que lorsque l'on calcule les droits de chaque province en rapport avec l'imposition des revenus tirés des ressources, on devrait évaluer sa capacité fiscale — c'est-à-dire, sa capacité à générer des revenus tirés des ressources — à partir des revenus réels qu'elles génèrent. Cette mesure globale des revenus réels viendrait remplacer les 14 mesures différentes et compliquées qui existent actuellement pour établir la capacité de chaque province de générer des revenus tirés des ressources.
Le quatrième élément est un plafond imposé aux droits. Après avoir calculé les transferts, il faudrait s'assurer que la capacité fiscale d'aucune province, transferts inclus, n'excède celle d'une province ne recevant pas de paiements de péréquation. Ce serait le cas de l'Ontario. Par conséquent, aucune province ne pourrait recevoir davantage après la péréquation que l'Ontario n'a reçu au cours de la même année. Ce n'est pas une question de ressources, mais cela risque d'imposer des contraintes très probablement à deux provinces, la Saskatchewan et Terre-Neuve. Il est très probable en effet que cela affecte ces provinces, en raison du traitement des revenus associés aux ressources dans la formule proposée.
La norme des 10 provinces n'a pas grand-chose à voir avec les ressources ou même avec la détermination du bon principe de base à adopter pour la péréquation dans notre pays. Il s'agit tout simplement d'un énoncé concernant le niveau auquel élever les provinces bénéficiaires au pays. La décision d'adopter la norme des 10 provinces plutôt que la norme des cinq provinces repose sur la reconnaissance que l'Alberta possède une capacité fiscale supérieure à celle des autres provinces. En adoptant la norme des 10 provinces, nous élèverons toutes les provinces à un niveau supérieur à celui qui existait auparavant. Il s'agit d'une augmentation égale par habitant dans les transferts à toutes les provinces. Cette décision se traduirait par un gain pour toutes les provinces bénéficiaires.
Quant à l'inclusion de 50 p. 100 des revenus, elle aurait deux conséquences. Elle serait avantageuse pour les provinces bénéficiaires qui enregistrent des revenus associés aux ressources qui dépassent la moyenne. Actuellement, leurs paiements de péréquation diminuent en raison de leurs ressources. Si nous incluons seulement la moitié de ces revenus dans la formule, les pertes seront relativement faibles. Cela signifie que Terre-Neuve et la Saskatchewan tireraient profit de l'inclusion de 50 p. 100 des revenus. Toutefois, avec le plafond proposé, qui ne sera peut-être pas mis en œuvre, en tout cas à Terre-Neuve-et-Labrador, étant donné les ententes actuelles sur les ressources extracôtières, la conséquence serait d'imposer en retour tous les gains réalisés par Terre-Neuve-et-Labrador et la Saskatchewan. Le principal impact de l'inclusion de 50 p. 100 des revenus est peut-être de contrôler le coût budgétaire global du programme pour le gouvernement fédéral. Le Groupe d'experts a invoqué certains principes pour étayer cette proposition dans son rapport, mais en réalité, il ne s'agit que d'une mesure d'abordabilité.
Je vais me concentrer sur les effets que ces réformes pourraient avoir, selon moi, sur le taux d'imposition des revenus tirés des ressources par les provinces. C'est un peu technique. Je vais réviser les notions de finances publiques régissant la manière dont les provinces fixent les impôts. Il peut être utile, dans ce contexte, de penser à un exemple hypothétique des négociations actuelles entre le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador et le consortium détenant les droits de mettre en valeur les champs pétroliers au large de Hebron. Je vous signale que je n'ai aucun intérêt particulier dans ces négociations, mais elles illustrent les principes régissant de telles situations. On peut imaginer qu'un gouvernement choisit d'appliquer aux projets de mise en valeur des ressources des taux d'imposition et des taux de redevance tels qu'ils puissent représenter un compromis entre l'intérêt de ses citoyens et les avantages qui découleraient éventuellement des revenus additionnels tirés de taux de redevance plus élevés. Il faut comparer cela aux pertes d'activité économique risquant de résulter de l'abandon de certains projets en raison du taux élevé des redevances. Plus le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador exigera, de manière hypothétique, des redevances de plus en plus élevées sur un projet particulier, et plus il y aura de chances pour que ce projet ne voie jamais le jour. Il y a une compensation entre les avantages tirés de revenus plus élevés et les pertes économiques potentielles associées à l'abandon de projets de mise en valeur. Cette compensation est au coeur des décisions que doivent prendre les gouvernements au sujet des taux d'imposition des revenus associés aux ressources.
Dans ce contexte, il suffit de penser aux répercussions de la formule de péréquation et du soi-disant problème de la réimposition qu'elle entraîne. Rappelez-vous que la péréquation fonctionne comme suit : chaque province reçoit un montant égal à la différence entre le soi-disant rendement de ses assiettes fiscales; c'est-à-dire, le montant de recettes qui peut être généré par ses assiettes fiscales au taux d'imposition national moyen, et la norme retenue, soit celle des cinq provinces ou celle des 10 provinces. Plus les assiettes fiscales de la province seront faibles au titre de la formule, plus les paiements de péréquation seront élevés. Dans cet exemple avec Hebron, en insistant pour imposer des taux de redevance élevés, on diminue la probabilité que ces champs pétroliers soient mis en valeur, ce faisant, les assiettes fiscales mesurées de la province sont plus faibles, et aux termes de la formule de péréquation, cela accroît les transferts que la province reçoit. La péréquation a pour effet de modifier fondamentalement cette compensation entre revenus et pertes économiques issues de l'imposition. En effet, du point de vue de la province, si le projet de mise en valeur ne va pas de l'avant, c'est malheureux, en raison des coûts économiques qu'elle devra assumer; en revanche, ces désavantages seront compensés sous la forme de paiements de transfert plus élevés dans le cadre du programme de péréquation.
Une conséquence inattendue de notre formule de péréquation est de subventionner les hausses d'impôt par les provinces bénéficiaires. Parfois, cette conséquence est considérée comme une chose mauvaise et indésirable. À mon avis, les ressources sont déjà assujetties à un régime fiscal préférentiel dans notre pays. Ainsi, cette conséquence inattendue que représentent les hausses d'impôt sur les revenus associés aux ressources est une partie souhaitable de la formule. C'est là mon point de vue sur la réimposition et sur les revenus associés aux ressources. En effet, ils ont des effets bénéfiques sur la manière dont les ressources sont imposées dans notre pays.
Qu'en est-il des réformes suggérées par le Groupe d'experts dans ce contexte? J'aimerais insister sur deux choses — l'inclusion partielle et les revenus comme base.
Notez que si seulement 50 p. 100 des ressources sont incluses dans le calcul de la péréquation, alors cet effet de récupération sera atténué. Toute perte économique résultant de l'abandon de projets en raison de taux de redevance élevés sera toujours compensée, mais seulement à la moitié du taux où elle se situait auparavant, parce que nous ne comptons plus que la moitié des revenus dans la formule proposée. Cela signifie que les subventions visant à maintenir les taux de redevance relativement élevés diminueraient si la proposition du Groupe d'experts de réduire le taux de 50 p. 100 était adoptée; et je pense que l'on verrait les provinces bénéficiaires de la péréquation imposer des taux relativement bas aux ressources dans notre pays. Mais, bien sûr, c'est la théorie.
Nous pouvons essayer de relever quelque preuve de cette prévision dans ce qui s'est passé historiquement avec ces accords conclus au Canada. Entre 1973 et 1981, il n'y avait qu'une inclusion partielle des revenus associés aux ressources dans la formule — 33 p. 100 et puis, 50 p. 100 durant cette ancienne période durant laquelle les prix du pétrole étaient relativement élevés. Comme je l'ai démontré dans un document de recherche récent, les taux d'imposition effectifs sur les assiettes fiscales liées aux ressources naturelles dans les provinces bénéficiaires durant cette période se conforment exactement à la prévision que je viens de vous décrire. Plus particulièrement, les provinces bénéficiaires ont adopté des taux d'imposition relativement bas sur les ressources par comparaison avec la période d'après 1981, lorsque nous sommes revenus à l'inclusion des revenus à 100 p. 100. Il ne s'agissait pas seulement d'une différence entre les années 70 et les années 80. Les provinces non bénéficiaires ont fait exactement le contraire; elles avaient des taux d'imposition relativement élevés durant la première période des années 70. Si on compare les provinces bénéficiaires aux non-bénéficiaires, j'estime que l'inclusion partielle entraîne des taux d'imposition inférieurs d'environ 20 p. 100, un chiffre très significatif qui, par conséquent, donne à réfléchir au sujet de cette réforme.
Le deuxième point est cette proposition consistant à utiliser une seule catégorie globale, c'est-à-dire les revenus comme base, et à mesurer la capacité fiscale par les revenus effectifs des provinces. Cette proposition fait partie d'un concept plus général et plus souhaitable consistant à simplifier la formule de péréquation. À l'heure actuelle, nous nous servons de 33 bases différentes pour mesurer la capacité d'une province de générer des revenus. C'est beaucoup trop pour que la formule donne de bons résultats et pour que son application soit transparente pour ceux qui l'utilisent. Le Groupe d'experts a proposé que l'on réduise ce nombre à cinq, et je pense que cela fonctionnerait très bien. Nous pourrions réussir à obtenir des transferts équitables en utilisant une méthode de calcul beaucoup plus simple. L'une de ces cinq bases est les ressources, et j'aimerais faire valoir que nous devrions mesurer la capacité de générer des revenus en fonction des revenus effectifs dans cette catégorie.
Le problème est clair, surtout pour une province comme Terre-Neuve. Rappelez-vous que, suivant les propositions du Groupe d'experts, Terre-Neuve serait selon toute probabilité assujettie à un plafond, ce qui limiterait les transferts qu'elle peut recevoir de manière à ce qu'ils n'excèdent jamais la capacité fiscale de l'Ontario. Si nous utilisons les revenus effectifs pour mesure la capacité, cela signifie que chaque dollar de revenu additionnel tiré des ressources générées par Terre-Neuve entraînera un recul de un dollar dans ses paiements de péréquation. Elle n'obtiendra rien : il y aura une réimposition totale de tous les revenus.
Ce genre d'entente sur le partage des recettes rend très peu probable qu'un gouvernement placé devant ces incitatifs choisisse d'imposer ces catégories. Pour les provinces assujetties au plafond — comme Terre-Neuve-et-Labrador et la Saskatchewan — cela ne fonctionnerait tout simplement pas. Ces provinces ne se verraient pas en train d'imposer comme il convient ce secteur, étant donné qu'elles n'en retireraient aucun avantage. Elles se concentreraient tout simplement sur les incitatifs au développement économique. Pour les autres provinces qui ne sont pas assujetties au plafond, le problème est moins grave en raison de l'inclusion de 50 p. 100, mais il demeure toutefois. Par ailleurs, cette notion comme quoi nous devrions utiliser les revenus comme base de calcul entraînerait une baisse générale des revenus associés aux ressources dans le pays.
Je vais maintenant aborder une perspective plus large. Premièrement, dans le mémoire que je vous ai remis, je présente des calculs sur ce qui, à mon avis, a précipité le vif repli des transferts de péréquation en vertu de l'ancienne formule, celle antérieure à 2004, et a donné naissance au Nouveau cadre et au processus de réforme actuel. Ce repli était substantiel, il correspondait en effet à une réduction d'environ 20 p. 100 des paiements totaux reçus par ces provinces en quatre ans. Je pense qu'il était entièrement justifié parce qu'il reflétait un accroissement de la capacité fiscale des provinces bénéficiaires de la péréquation à générer des revenus. L'ancienne formule fonctionnait comme elle le devait : les paiements de péréquation sont versés aux provinces lorsque leur capacité fiscale est réduite, et pas autrement. Ce qui m'amène à penser que l'effondrement de la vieille formule peut être attribuable à la situation politique plutôt qu'à un défaut quelconque. J'aimerais faire quelques brefs commentaires sur le processus politique.
Au cours des 10 dernières années, le processus est passé d'une situation où les arrangements fiscaux étaient déterminés par la voie de consultations menées au niveau des hauts fonctionnaires, par l'entremise de comités nommés par les gouvernements fédéral et provinciaux, à un processus dans lequel les premiers ministres semblent avoir de plus en plus de poids, où davantage de décisions sont prises de façon unilatérale par le gouvernement fédéral, et où le processus de négociation entre premiers ministres semble avoir davantage d'emprise sur des éléments précis des calculs. De plus en plus, étant donné le rôle joué par les premiers ministres dans le calcul détaillé des transferts, les modifications de la législation sur les transferts fédéraux et les programmes semblent désormais exiger une super- majorité ou un consentement unanime des premiers ministres pour être acceptées. Une telle approche n'a aucun sens, et risque de fausser la réforme sur les transferts de manière prévisible dans notre pays dans le futur.
Le premier exemple de ce que j'avance, est que votre comité envisagera le choix entre la péréquation horizontale et l'équilibre fiscal vertical en fonction de combien d'argent de plus devrait être transféré aux provinces par l'intermédiaire des autres grands transferts en matière de santé et de services sociaux. Il me semble désormais que beaucoup d'entre nous pensent qu'il pourrait y avoir des avantages à consacrer davantage de ressources fédérales aux transferts sociaux. Actuellement, six provinces sur 10 préféreraient un appui fédéral accru devant être livré par la voie du programme de péréquation, alors qu'ils reçoivent déjà par son entremise plus que leur part de montants égaux par habitant. Dans ce contexte, étant donné que les premiers ministres jouent un rôle si important, il semble presque inévitable que les réformes penchent davantage vers la péréquation et qu'elles s'éloignent des autres réformes visant les transferts. Vous pouvez penser que c'est un bien ou un mal, mais je ne trouve pas qu'il s'agit d'un processus rationnel pour prendre ce genre de décisions. Nous constatons ce même genre de problèmes à l'intérieur du programme de péréquation aussi.
Une question à ne pas négliger est qu'il serait peut-être avisé d'accroître le montant des paiements versés par l'entremise du programme de péréquation. Le Groupe d'experts a fait valoir, et la majorité des universitaires sont d'accord, que si on décide d'accroître les versements, il faudrait le faire en augmentant les transferts de péréquation en montants égaux par habitant. Voici quelle serait la conséquence de la modification à la hausse de la norme.
Ce n'est pas ce qui s'est produit avec le Nouveau cadre. Au contraire, lorsque des fonds additionnels ont été mis à disposition, on a assisté à une réduction proportionnelle des paiements de transfert reçus par toutes les provinces. Par conséquent, ce processus accorde davantage aux provinces ayant une faible capacité fiscale — et en réalité, il a un effet de surpéréquation dans des provinces comme Terre-Neuve et l'Île-du-Prince-Édouard et entraîne au Québec des augmentations relatives aux montants égaux par habitant.
Toutes les provinces bénéficiaires de péréquation, sauf le Québec, préfèrent que ces hausses se fassent en réduisant proportionnellement les droits à péréquation, même si, bizarrement, cela a pour effet que la capacité fiscale soumise à péréquation de Terre-Neuve dépasse celle de l'Ontario. Cette sorte d'augmentation asymétrique dans la formule est logique pour la majorité des provinces bénéficiaires de péréquation, mais elle ne l'est pas pour les universitaires qui se sont penchés sur ce programme. La question est comment pouvons-nous changer le processus de réforme, le processus de négociation de ces éléments, afin que ces distorsions évidentes n'aient pas d'incidence sur les résultats du processus?
Il est trop tard pour remettre le génie dans la lampe. On ne peut plus s'attendre à ce que les hauts fonctionnaires soient les seuls à définir les éléments importants de ce programme. On pourrait souhaiter remettre ces importantes décisions entre les mains d'un organe distinct constitué de hauts fonctionnaires nommés ou élus. Le Groupe d'experts a rejeté cette solution, mais à mon avis, elle mérite que l'on s'y attarde. On pourrait penser à la manière dont s'y prennent certains pays où l'organe en question est formé à partir d'une représentation appropriée sur le plan régional et assujetti à des règles claires pour la prise de décisions.
En Allemagne, par exemple, la Chambre haute et les tribunaux jouent un rôle déterminant à cet égard. Cela n'a jamais été le cas au Canada. Il se pourrait bien que l'on ait besoin de ces mécanismes officiels de consultation et de prise de décisions parce que les processus existants ne semblent pas fonctionner comme ils le devraient.
Je vais conclure brièvement en revenant sur l'abordabilité. Il y a beaucoup de points intéressants dans le rapport du Groupe d'experts et dans ses recommandations, surtout celle qui insiste sur les principes et sur l'importance de s'en tenir à une formule. Je n'ai pas abordé la simplification des bases, le traitement des impôts fonciers et le rôle que les besoins fiscaux devraient ou ne devraient pas jouer dans la formule. Peut-être que pourrions y revenir, si cela vous intéresse.
Deux choses m'inquiètent. La première, c'est que l'on ne s'attarde pas suffisamment à ces problèmes d'incitatifs que je viens de mentionner; et la deuxième, c'est l'abordabilité. Il y a de fortes probabilités pour que ce programme se révèle beaucoup plus coûteux que ce qui a été estimé par le Groupe d'experts. Si mes prévisions se réalisent, le gouvernement fédéral devra envisager l'imposition d'un plafond général sur l'ampleur totale du programme. Si nous décidions d'adopter certaines des propositions du Groupe d'experts, mais en imposant une limite à ce que le gouvernement pourrait payer au total pour ce programme, nous nous dirigerions vers un nouveau cadre. Ce ne serait pas une mauvaise chose. Il est possible de demander au gouvernement fédéral de s'appuyer sur d'autres principes pour déterminer la taille globale du fonds commun à affecter tout. Toutefois, nous devrions nous servir d'une formule pour le répartir entre les provinces. Même s'il s'agit d'un changement majeur par rapport à la manière dont nous avons fait les choses dans le passé dans notre pays, cela pourrait très bien marcher. Ce genre de compromis ou de proposition hybride vaut la peine qu'on s'y arrête.
Le président : Merci beaucoup. J'ai une liste des sénateurs qui souhaiteraient vous poser des questions. Mais, avant que je n'aille à cette liste, me permettez-vous de vous demander des éclaircissements sur un point que vous avez fait valoir?
Vous parliez du Nouveau cadre, et de l'augmentation proportionnelle lorsqu'il y a davantage d'argent disponible. Vous avez ajouté que la capacité fiscale soumise à péréquation de Terre-Neuve-et-Labrador était supérieure à celle de l'Ontario. Pourriez-vous m'expliquer cela, je vous prie?
Ai-je raison d'interpréter cette déclaration comme si elle voulait dire que si l'on considère les revenus par habitant dans chacune de ces provinces, Terre-Neuve-et- Labrador et l'Ontario, après la péréquation, il y a plus de revenu disponible par habitant à Terre-Neuve-et-Labrador qu'il n'y en a en Ontario? Ai-je bien compris ce que vous avez dit?
M. Smart : Oui, je pense que c'est exact. Je n'ai pas les chiffres sous la main, mais cette affirmation s'applique à un seul exercice financier. Ces chiffres sont recalculés fréquemment, de sorte que ce type d'affirmation peut varier. Si j'ai bien compris, pour l'exercice courant, 2006-2007, l'effet du Nouveau cadre a été d'accroître à Terre-Neuve, et seulement à Terre-Neuve, la capacité fiscale après les transferts à un niveau supérieur à celui de l'Ontario. C'est relativement minime. D'après ces calculs, la capacité fiscale de l'Ontario se situe aux environs de 7 000 $ par habitant; à Terre-Neuve-et-Labrador elle est d'environ 7 010 $. C'est un écart relativement minime à ce chapitre. Mais j'aimerais souligner que cela s'est produit non seulement parce que le Nouveau cadre a prévu davantage d'argent pour la péréquation que l'ancienne formule ne l'aurait permis, mais aussi parce qu'il prévoyait que plus la province recevait d'argent des transferts de péréquation dans le passé, et plus grande serait la part de ces fonds additionnels pour elle. On peut imaginer de calculer la capacité fiscale, et ensuite de verser de l'argent suivant une formule de péréquation destinée à mettre toutes les provinces sur un pied d'égalité. C'est ainsi que les universitaires pensent que le système devrait fonctionner. Au contraire, avec cette proposition, Terre-Neuve et l'Île du-Prince-Édouard ont reçu des augmentations — deux provinces qui recevaient davantage par habitant du programme dans le passé. Il en est résulté un biais dans cette direction.
Le président : Lorsque l'on considère la capacité fiscale, vous affirmez que la valeur de la capacité fiscale en fonction de la population ne tient pas compte des frais additionnels liés à la prestation des services gouvernementaux à une plus petite population. Ce chiffre porte un peu à confusion si on le considère sans tenir compte des autres facteurs.
M. Smart : Vous avez tout à fait raison. C'est vrai qu'avec la formule actuelle, on ne tente pas de mesurer les écarts de coûts liés à la prestation des services publics à l'échelle d'une province. La formule ne comporte aucun ajustement pour tenir compte des besoins fiscaux. Ces besoins fiscaux peuvent varier de manière très marquée entre les provinces. En comparant simplement les revenus en dollars d'une province à l'autre, cela revient un peu à comparer des pommes et des oranges. Le Groupe d'experts a envisagé d'inclure des mesures des besoins fiscaux dans la formule, de prévoir des ajustements pour les différences entre ces besoins, et a finalement rejeté cette option pour diverses raisons. Je ne vous résumerai pas les arguments avancés par le Groupe d'experts, mais introduire les besoins fiscaux reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore pour la formule. En effet, cela viendrait ajouter de la complexité, et pour le moment, nous ne savons pas grand-chose de l'impact que cette mesure aurait sur les droits à péréquation liés à l'affectation de fonds aux termes de ce programme. Actuellement, cette mesure semble plaire à beaucoup de gens parce qu'ils pensent que leur province va s'en tirer mieux que les autres. Une étude réalisée par un universitaire il y a environ 10 ans a laissé entendre que si on introduisait la mesure des besoins dans la formule, les principaux bénéficiaires seraient l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique. Les coûts sont relativement élevés dans ces provinces. Il se peut que les choses aient changé depuis que cette étude a été réalisée, mais il est difficile de dire si les changements démographiques en particulier survenus dans notre pays ont eu une incidence sur les coûts fondamentaux de la prestation des services. Il est certain que nous pourrions examiner cette question de plus près, mais à mon avis, cette solution semble séduisante parce que tout le monde pense qu'elle leur serait favorable.
Le sénateur Ringuette : Merci beaucoup pour votre exposé. Je vois qu'il s'agit d'une question très complexe. Dans le cours de vos recherches, avez-vous réalisé des tableaux comparatifs sur les diverses options que vous pourriez nous transmettre?
M. Smart : J'ai réuni un certain nombre de documents sur le sujet, mais aucun qui donne ce genre de tableau très utile pour comparer les diverses options. Je me ferai un plaisir de vous communiquer ce que j'ai écrit de façon plus détaillée sur ce programme. Je ne pense pas que l'on ait tenté l'exercice utile qui consisterait à organiser toutes ces propositions en fonction des diverses options. C'est sans doute un exercice que vos attachés de recherche pourraient entreprendre.
Le sénateur Ringuette : Est-il préférable d'envisager d'augmenter la péréquation, ou d'examiner le financement de la péréquation et des transferts pour les programmes sociaux et l'enseignement postsecondaire? Il existe trois types de mécanismes de financement. Serait-il préférable de les réunir sous le même programme de financement, ou alors de les instaurer suivant trois programmes de financement différents?
M. Smart : La prémisse de votre question est absolument exacte. Il est impossible de considérer la question de la péréquation en l'isolant des autres grands transferts. Il est impossible d'imaginer l'équilibre horizontal sans tenir compte de l'équilibre vertical — à savoir, combien le gouvernement fédéral devrait-il contribuer à même les recettes fiscales fédérales aux provinces pour financer les programmes sociaux.
Je ne pense pas, cependant, qu'il soit facile de répondre à cette question. En effet, la réponse dépend beaucoup de l'idée que vous vous faites de l'importance qu'attachent les citoyens de ce pays à l'établissement d'une base d'imposition véritablement équitable et de services gouvernementaux véritablement équitables dans toutes les provinces. Il y aura toujours un jugement de valeur associé au choix à faire entre plus d'argent du gouvernement fédéral pour la péréquation, qui vise au moins six des 10 provinces, et davantage de ressources fédérales pour divers types de grands transferts sociaux.
Pour ce qui est de faire un choix, permettez-moi de répéter que je pense que l'ancienne formule fonctionnait relativement bien, même si le montant que le gouvernement devait lui consacrer allait sans cesse en diminuant. La formule continuait d'avoir du sens pour moi, même avec un montant de 8,8 milliards de dollars plutôt que l'actuel 11,5 milliards.
Ce n'est pas le seul angle pour étudier ce sujet. Comme vous le savez, l'ancienne formule n'avait pas pour effet de mettre toutes les provinces sur le même pied, c'est-à-dire dans la moyenne en fonction de la soi-disant norme des 10 provinces. Elle avait plutôt pour effet d'amener les provinces à environ 93 p. 100 de la moyenne. Et même si on parvenait à les amener à 100 p. 100, on n'atteindrait pas le but visé, parce que de cette manière l'Alberta demeure toujours très au-dessus de la moyenne et ne fait aucune tentative en vue de réduire sa capacité fiscale. Tout cela me dit que ce serait tout à fait raisonnable de penser que l'on devrait consacrer davantage de ressources à la péréquation. Après la péréquation en fonction de l'une de ces bases, la différence entre la capacité fiscale soumise à péréquation et les provinces bénéficiaires et l'Ontario est beaucoup plus petite que la différence entre la capacité fiscale de l'Ontario et de l'Alberta. En ce sens, il se peut que des ressources additionnelles doivent être consacrées à l'atteinte d'une marge différente, peut-être dépensée ailleurs dans le système.
Si vous acceptez cela, alors nous devrions nous concentrer sur les écarts verticaux et les transferts pour les programmes sociaux. En ce domaine, mon point de vue personnel diffère de celui de beaucoup d'autres. J'aimerais que davantage de ressources fédérales soient consacrées à ces programmes; toutefois, je ne pense pas qu'augmenter les transferts pécuniaires soit la voie à suivre. D'autant plus qu'à la lumière de l'expérience que nous avons vécue au cours de ces dix dernières années tumultueuses en ce qui concerne les transferts pour les soins de santé, il est difficile de trouver un terrain d'entente pour le gouvernement fédéral et les provinces concernant le niveau suffisant d'aide financière qui devrait être accordé pour soutenir les soins de santé et les services sociaux. Essentiellement, n'importe quel arrangement risque de ne pas être le bon lorsque l'on apprendra à combien se chiffre l'excédent financier courant du gouvernement fédéral au moment du budget. Ce problème d'engagement pour le gouvernement fédéral qui tente, depuis dix ans, d'obtenir un arrangement concernant les transferts pour les soins de santé qui ait du sens pour tout le monde risque de demeurer un enjeu permanent dans le contexte fiscal actuel, et cette situation entraîne des coûts réels. Elle a pour effet de détourner l'attention de nos dirigeants politiques des réformes fondamentales de l'économie et des services publics et de les focaliser sur ce jeu à somme nulle, ce qui est vraiment dommage.
Même si cela nous éloigne un peu du sujet, je tiens à dire que si davantage de ressources fédérales étaient consacrées au transfert pour l'enseignement postsecondaire, auquel on a fait allusion tout à l'heure, cela devrait se faire en révisant la vieille notion du transfert des points d'impôt qui a vu le jour en 1977. Il faut convenir que ce système comportait des lacunes, et peut-être devrions-nous les aborder. Je pense que cela pourrait influencer grandement le contexte politique dans lequel ces décisions sont prises. Il est possible de faire en sorte que l'aide fédérale pour les nouveaux programmes dans ce domaine prenne la forme d'un transfert de marge fiscale du gouvernement fédéral aux provinces. Ainsi, on éviterait ce genre de barattage financier dans lequel le gouvernement fédéral augmente les impôts, et remet ensuite le produit aux provinces. On créerait un lien direct entre les décisions de nature fiscale prises par chaque province individuellement, et le train de services qu'elle choisirait d'offrir à ses résidants. Ce lien direct et les avantages liés à la responsabilisation qui y sont associés valent vraiment la peine que l'on s'y arrête.
C'est en ce sens que j'aimerais voir les gouvernements consacrer leur attention aux réformes dans le futur. S'il fallait repenser le concept du transfert des points d'impôt, il faudrait le faire en partant de la base établie en 1977, parce qu'alors les points d'impôt étaient entièrement soumis à péréquation. Ils devaient avoir la même valeur pour chaque province, sans égard aux capacités fiscales et à la valeur des points d'impôt dans les provinces respectives. Il est possible de construire cette péréquation totale des points d'impôt et néanmoins, de se doter d'un bien meilleur lien apparenté à la responsabilisation entre les décisions fiscales des gouvernements individuels et les services que leurs citoyens reçoivent.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais vous poser des questions au sujet du point de vue adopté par l'Ontario à ce sujet. L'Ontario a déclaré en substance qu'il n'existait pour le moment aucun élément probant pour justifier que l'on réclame d'autres augmentations des paiements de péréquation. La Province a en outre fait valoir que la taille actuelle du programme était suffisante pour remplir nos obligations constitutionnelles et morales afin que les Canadiens jouissent d'un niveau comparable de services publics et de taux d'imposition comparables. Elle a ajouté qu'aucune province bénéficiaire de péréquation ne devrait avoir une capacité fiscale supérieure à celle d'une province non bénéficiaire. Cette dernière déclaration rejoint celle que vous avez faite au sujet de Terre-Neuve et de l'Ontario.
Dans sa défense de son refus d'une augmentation de la péréquation, l'Ontario exprime son inquiétude au sujet de la norme des 10 provinces en particulier, et de l'inclusion des revenus associés aux ressources. Cependant, les résolutions combinées du Groupe d'experts me semblent beaucoup plus acceptables que l'autre proposition. Auriez-vous des commentaires à formuler sur la position adoptée par l'Ontario en général?
Vous avez mentionné les transferts par habitant. Encore une fois, le gouvernement de l'Ontario a déclaré qu'il se situe à la limite inférieure pour ce qui est de l'enseignement postsecondaire, ainsi que pour ce qui est de l'obtention de ces subventions par habitant.
Pourriez-vous faire des commentaires généraux sur la position adoptée par l'Ontario?
M. Smart : Merci de me donner l'occasion de vous répondre; toutefois, j'ai un peu peur qu'en continuant à critiquer la position de l'Ontario aussi souvent que je l'ai fait depuis quelques mois, il se pourrait bien que je ne sois plus le bienvenu à mon bureau, dans les environs de Queen's Park. Je vais donc peser soigneusement mes mots.
Comme vous l'avez dit, la position de l'Ontario est qu'il n'est pas nécessaire d'augmenter les transferts de péréquation. Le gouvernement de l'Ontario l'a répété sur tous les tons. Comme le laisse entendre ma réponse au sénateur Ringuette, il y a deux façons de voir les choses. Il est tout à fait raisonnable d'invoquer des arguments en faveur de la nécessité d'augmenter les transferts de péréquation, et de porter plus d'attention à la situation des provinces bénéficiaires qu'à celle des autres provinces. C'est ainsi parce que, franchement, toute norme aurait pour effet de faire grimper la capacité fiscale jusqu'à ce que l'on atteigne l'ancienne norme de la province la plus prospère, grâce à laquelle l'Ontario recevait des transferts de manière à élever toutes les provinces jusqu'au niveau de l'Alberta. Il s'agit d'une position raisonnable qui repose sur des principes. Mais elle est tout simplement inabordable pour le gouvernement fédéral. Cela signifie que nous devrons adopter un point de vue pragmatique. Nous allons en effet devoir décider à la marge du montant disponible en dollars additionnels, et de la manière de le dépenser de façon optimale.
Je mentionne en passant que la décision d'augmenter ou pas les transferts de péréquation est tout à fait pragmatique. Elle repose entièrement sur votre évaluation des secteurs où les besoins sont les plus criants. Et plus particulièrement, je dirais qu'il n'y a rien de spécial au sujet de la norme des 10 provinces. Beaucoup désapprouvent cet énoncé; toutefois, j'ajouterais qu'il n'est pas plus logique d'affirmer que la norme des 10 provinces est plus naturelle ou qu'elle repose davantage sur des principes. Parce que n'importe quelle norme ferait l'affaire. Il suffirait de faire une déclaration dans laquelle on préciserait dans quelle mesure nous sommes prêts à aider les provinces qui ont une capacité fiscale inférieure à la moyenne. Il suffirait de dire : « Nous sommes prêts à aller aussi loin que X, mais pas plus pour le moment. »
Si vous considérez des arrangements semblables dans d'autres pays ailleurs dans le monde, vous constaterez souvent qu'ils adoptent une formule autre que la moyenne de toutes les provinces. Un volet important du système fédéral de péréquation de l'Allemagne est fondé sur un chiffre de 92 p. 100 de la moyenne, ce qui correspond à ce que nous avons obtenu avec la norme des cinq provinces dans le passé. En Allemagne, on est à l'aise pour affirmer que l'on n'ira pas jusqu'au bout de la moyenne. Et il ne s'agit pas d'une décision de principe. Elle est plutôt naturelle, dans le contexte où la province qui ne reçoit pas ces transferts pourrait dire, « Nous pourrions aller un peu plus loin, mais pas plus que loin que cela », et c'est probablement ce genre de réflexions que l'on se fait.
Mais le plus difficile à accepter, c'est l'attitude de l'Ontario face aux réformes dans les autres grands transferts. J'ai deux commentaires à ce sujet. Vous avez fait allusion à cet argument de la soi-disant péréquation associée, aux plaintes comme quoi l'Ontario recevrait moins en vertu des programmes de transfert pécuniaires par habitant que les autres provinces. C'est tout à fait vrai. Et c'est à la suite du transfert de points d'impôt qui a eu lieu en 1977. Comme vous le savez, à l'époque, l'intérêt de ces transferts était que ces marges fiscales seraient accordées aux provinces pour remplacer les subventions en espèces qui existaient alors, et que l'on entendait procéder de telle manière que la valeur du transfert serait la même pour toutes les provinces. Je n'ai pas participé à ces discussions, mais il me semble qu'il s'agissait d'une approche tout à fait raisonnable. Il faut prendre une décision, lorsque vient le moment de choisir les niveaux de transfert de points d'impôt, au sujet de l'importance de la décentralisation souhaitée dans notre pays, à savoir si les pouvoirs d'imposition devraient appartenir aux gouvernements qui font les dépenses, ou si on laisse le gouvernement fédéral s'occuper de l'imposition et les provinces des dépenses. Si nous prenons cette décision sur le degré de décentralisation en nous fondant sur des principes plutôt que sur des raisons politiques, la meilleure chose que nous puissions faire c'est de nous entendre tous sur le fait que si nous transférons ces pouvoirs d'imposition, ils auront la même valeur dans toutes les provinces. Nous devrions isoler complètement cette question du transfert vertical des pouvoirs des questions horizontales consistant à déterminer quelle province obtient plus ou moins que la moyenne.
Le sénateur Murray : Autrement dit, égaliser ces points d'impôt.
M. Smart : Les points d'impôt devraient être égalisés non seulement jusqu'à la moyenne vers le haut, mais aussi vers le bas. C'est-à-dire que pour l'Ontario, l'Alberta et toutes les autres provinces ayant une capacité fiscale supérieure à la moyenne, le seul moyen de les ramener à la moyenne vers le bas afin qu'elles ne profitent pas plus que de façon proportionnelle du transfert des pouvoirs d'imposition est de réduire les autres transferts pécuniaires du même montant.
C'était logique en 1977, et je ne vois pas pourquoi ce ne serait pas logique dans le futur, dans la mesure où l'on accepte que ces ententes soient là pour durer. Par conséquent, l'Ontario devrait reconnaître que les transferts pécuniaires inférieurs qu'elle reçoit ne sont que le reflet de cette décision prise en 1977, et qu'il est important de respecter ce principe, une bonne fois pour toutes.
Le sénateur Fox : Sur la question du transfert de points d'impôt, une province possède son propre système de perception des impôts. Dans les autres provinces, je suppose que si l'on fait un transfert de points d'impôt — égalisé ou non — ça ne paraît pas sur le formulaire de déclaration parce que le gouvernement fédéral s'en occupe. Au Québec, ce transfert se traduirait par une hausse d'impôt du gouvernement provincial sur son formulaire de déclaration. Dans le cas d'un transfert de point égalisé, Québec a toujours été contre parce qu'elle faisait valoir que les points d'impôt rapportaient moins que les formules de péréquation. Au Québec, cela serait vu comme une taxe additionnelle, n'est-ce pas?
M. Smart : Cela fait très longtemps que je n'ai pas jeté un coup d'oeil à une déclaration d'impôt du Québec, aussi je ne sais pas très bien comment cela fonctionne.
Le sénateur Fox : On ne les regarde qu'une fois par année.
M. Smart : Oui, nous préférons ne pas entendre parler de ces formulaires durant le reste de l'année. Mais si je me souviens bien, la déclaration d'impôt du gouvernement fédéral qualifie d'abattement ces transferts de points d'impôt survenus en 1977 et avant. Le formulaire explique clairement que les impôts du gouvernement fédéral sont réduits pour cette raison et qu'en revanche, les impôts de la province sont plus élevés.
Je ne saurais vous dire si le contribuable québécois moyen est suffisamment informé de ces aspects théologiques des arrangements fiscaux pour apprécier la différence, et pour ne pas se sentir particulièrement troublé par les taux d'imposition plus élevés du Québec. Je pense que vous avez mis le doigt sur un point très important en général, à savoir que si nous devons envisager ce genre de transfert de points d'impôt — ou, de façon plus élargie, la décentralisation des pouvoirs d'imposition, d'une manière ou d'une autre aux provinces — il faudra faire très attention aux préoccupations politiques que cela pourrait susciter au sein des gouvernements provinciaux. Il faut que cela se passe de manière coordonnée et transparente afin que, dès le départ, il ne semble pas y avoir de changement pour les contribuables canadiens.
L'importante question de la responsabilité pourrait surgir si une province décidait d'augmenter ou de réduire les impôts et de modifier ses services aux citoyens en conséquence. D'entrée de jeu, afin de rendre cette décision faisable sur le plan politique, il faudrait faire très attention à la manière dont elle serait présentée au contribuable. Il faudrait en effet faire comprendre au contribuable qu'il s'agit d'une transaction fantôme, et non d'une augmentation d'impôt.
Vous avez également mentionné l'opposition du Québec à ce changement. Il est important de réfléchir à ces choses. Le Québec n'a pas toujours été opposé au transfert de points d'impôt. Bien au contraire, il a été l'une des provinces les plus acharnées à vouloir occuper davantage d'espace fiscal et à permettre à ses politiques d'être différentes de celles des autres provinces. Cette opposition suscite l'admiration à bien des égards.
Pas plus tard qu'en 2002, la Commission Séguin, mise sur pied par le précédent gouvernement du Québec, a produit ce que je considère comme une critique très intelligente du système actuel et un argument en faveur des transferts de points d'impôt. Depuis lors, certains éléments du gouvernement du Québec s'adonnent à ce jeu à somme nulle et se disent, on peut obtenir un dollar par habitant à l'aide de ce genre d'arrangement, mais on pourrait obtenir plutôt 1,60 $ par habitant si ces mêmes ressources fédérales étaient soumises aux réformes de la péréquation. Il faut aller au-delà de ces considérations, et viser plutôt ce qui sera le plus profitable à l'ensemble du pays.
Le sénateur Eggleton : Les deux études les plus récentes sur lesquelles nous nous penchons sont celle du comité consultatif et celle du Groupe d'experts, ou Groupe O'Brien. Avez-vous une préférence entre les deux, et pourquoi?
M. Smart : Vous me mettez dans une situation difficile, sénateur.
Le sénateur Eggleton : Attendez que je vous pose la question suivante.
M. Smart : Je devrais d'abord vous exposer mes préjugés. Comme vous le savez, je n'ai pas fait partie du Groupe d'experts responsables du rapport fédéral, mais j'ai passé beaucoup de temps à discuter avec eux, et j'ai fini par comprendre leurs inquiétudes. En revanche, je crois qu'ils ont compris certaines questions que j'ai soulevées.
Pour ce qui est des différences sur le fond entre les deux rapports, il y en a deux importantes qu'il vaut la peine de souligner. La première est que les sommes en cause sont tout à fait différentes. Je le répète, cela s'explique par l'évaluation que l'on fait de la nécessité des transferts horizontaux — c'est-à-dire les transferts de péréquation — qui vont à certaines provinces et pas à d'autres par rapport à d'autres réformes des arrangements de transfert entre le fédéral et les provinces. Tout est dans l'oeil de celui qui regarde.
Le Groupe d'experts a réussi à trouver un équilibre raisonnable entre ce qui est abordable pour le gouvernement fédéral et ce qui est pratiquement neutre sur le plan fiscal pour chacune des provinces. Le groupe a passé beaucoup de temps à réfléchir à la manière de faire en sorte que les droits à péréquation d'aucune province ne soient beaucoup réduits, et ce genre d'élément pragmatique me plaît.
La deuxième partie du rapport du Groupe d'experts sur laquelle j'insiste est celle qui porte sur certains détails expliquant comment les calculs sont faits. Je suis assez mordu de politique pour penser que ces choses sont importantes. Cette réforme qui propose que l'on utilise cinq mesures de la capacité fiscale plutôt que les 33 qui existent actuellement est une autre caractéristique que j'aimerais souligner. J'espère sincèrement que cette réforme ira de l'avant, d'une manière ou d'une autre, à la suite des recommandations du Groupe d'experts.
Le sénateur Eggleton : Passons aux questions d'équilibre vertical. Les municipalités comme celle où j'habite, et toutes les autres des quatre coins du pays, s'inquiètent au sujet du déséquilibre fiscal. Elles ne disposent pas des ressources dont elles auraient besoin pour s'acquitter de leurs responsabilités. Nous savons tous que cette situation découle du cadre constitutionnel; la responsabilité des municipalités est entre les mains des provinces.
Si l'argent est entre les mains du gouvernement fédéral, comment peut-il être calculé comme faisant partie de la solution? Tout ce qui se passe dans nos municipalités est vital pour la qualité de vie de ce pays, ainsi que pour la croissance de l'économie, aussi nous ne pouvons pas semblant de ne pas le voir. Que suggérez-vous pour régler cette question dans une perspective verticale du déséquilibre fiscal?
M. Smart : C'est une question très épineuse, et je ne possède pas de réponse claire. Nous ne disposons pas d'un rapport d'un groupe d'experts semblable sur les transferts municipaux et les taux d'imposition municipaux dans tout le pays.
Il y a aussi un élément horizontal dans la question municipale, en ce sens que les taxes foncières sont calculées dans l'actuelle formule de péréquation et qu'elles feront partie de toute formule dans le futur. En ce sens, il y a une tentative de tenir compte des différences de capacités entre les diverses municipalités des diverses provinces de notre pays. Cela semble un élément souhaitable de la formule, parce qu'il est très difficile de faire la distinction entre les taxes foncières qui appartiennent aux gouvernements provinciaux par rapport à celles qui appartiennent aux gouvernements municipaux. Il faut traiter cela comme un tout à l'intérieur de la formule. Cependant, nous ne le faisons pas complètement. Comme vous le savez, on a apporté un certain nombre de changements au traitement des taxes foncières. La tension centrale est que si nous égalisions vraiment les différences apparentes entre les valeurs des propriétés de partout au pays — ce qui semble pour certains un indice des différences dans le potentiel d'imposer des taxes foncières — cela représenterait une hausse importante de l'inégalité partout au pays ainsi que du montant total des transferts que certains trouvent inappropriés. En résumé, tout est dans la formule; nous tentons de nous attaquer à ces difficultés, mais cela reste encore à l'état de tentative, et il est clair que nous n'avons pas encore été jusqu'au bout.
Pour ce qui est des aspects verticaux, il est raisonnable de penser que nous devrions chercher à conclure des arrangements fiscaux différents pour les municipalités, étant donné que les municipalités du Canada, pour diverses raisons, dépendent presque exclusivement de l'impôt foncier pour financer leurs propres opérations. Les choses sont différentes dans la majorité des autres pays, y compris la majorité des pays industrialisés où les municipalités dépendent presque exclusivement de l'impôt unique. Cela pose des problèmes. On a des raisons de penser que les municipalités devraient d'abord avoir recours à ce moyen, mais il se pourrait que ce soit insuffisant.
Sur la question du déséquilibre vertical, il faut se poser la question, et tenter de savoir où se trouve la solution au déficit potentiel des municipalités qui n'ont pas accès aux impôts dont elles ont besoin pour financer l'infrastructure municipale. Est-ce que la solution se trouve dans un accroissement des transferts de la part des provinces ou du gouvernement fédéral? Est-ce que la solution se trouve dans une modification en profondeur des pouvoirs d'imposition? Il est naturel que le maire moyen d'une grande ville préfère les transferts. Il ne voudrait pas avoir à choisir entre les transferts du fédéral ou du provincial; le maire voudrait avoir les deux. Et ce n'est pas un principe de base valable pour effectuer des réformes dans ce domaine. Permettez-moi de vous le dire aussi franchement que possible, tout en restant poli, mais si on pense que les grandes villes du pays ont besoin de ressources, je ne vois aucun signe à l'horizon que le gouvernement fédéral soit prêt à fournir ces ressources par l'entremise de transferts pécuniaires. Nous avons vu ce qui s'est passé avec le gouvernement précédent, et il est naturel, étant donné les pressions politiques et financières qui s'exercent sur le gouvernement fédéral, que les ressources de ce type ne soient pas transférées principalement aux grandes villes et aux grands projets d'infrastructure dans la sphère industrielle, mais qu'elles soient plutôt distribuées plus également.
Quelles sont les solutions de rechange? D'autres pays se sont penchés sur des options comme les taxes de vente différenciées et l'impôt sur le revenu à l'échelon municipal. Peut-être devrions-nous envisager de faire quelques pas dans cette direction. Il est difficile d'imaginer que l'on confie ces pouvoirs aux gouvernements municipaux qui ne disposent ni de l'appareil ni de l'expertise nécessaire. Toutefois, des arrangements relatifs au partage des recettes pourraient entraîner de véritables différences de cet ordre. Des différences qui pourraient posséder des caractéristiques plus intéressantes.
Le sénateur Rompkey : J'aimerais revenir sur deux ou trois remarques que vous avez faites, notamment qu'en demandant ou en exigeant des redevances plus élevées, on entraîne une augmentation des paiements de péréquation. Vous semblez dire que si un projet était abandonné, cela entraînerait de toute évidence une augmentation au chapitre de la péréquation. D'un autre côté, un des éléments fondamentaux de la vision du premier ministre Williams, c'est que nous souhaiterions nous débarrasser complètement de la péréquation. Depuis que nous avons joint le Canada, nous avons été dans une situation de dépendance. Nous aimerions que cette situation cesse, et être capables de nous tenir debout tout seuls. C'est là que le bât blesse. Soit nous amassons nos propres revenus en imposant des redevances plus élevés, soit nous obtenons plus de transferts au moyen de la péréquation. Alors, nous préférons la première solution, je pense.
J'aimerais que vous nous reparliez de l'effet du plafonnement, si nous revenons à la recommandation du Groupe d'experts. Il s'agit d'un contexte où l'on applique la norme des 10 provinces et l'inclusion de 50 p. 100 des revenus associés aux ressources non renouvelables. Vous avez dit que Terre-Neuve-et-Labrador en ferait les frais. J'aimerais que vous reveniez là-dessus. Comme l'a fait remarquer le sénateur Ringuette, toute cette question est complexe.
M. Smart : Je vais commencer par la dernière question. Je suis heureux d'avoir l'occasion de revenir sur ces choses. Je vous rappelle que je ne suis pas un initié, que je ne connais pas tous les rouages et que j'ignore comment les principaux acteurs pourraient réagir. Mais je pense que c'est une question importante et qui mérite que l'on s'y attarde davantage.
Pour résumer, dans le rapport du Groupe d'experts, la proposition est que le plafonnement garantirait, dans le calcul de la capacité fiscale de chaque province, plus les transferts qu'elle reçoit au titre de la péréquation, que l'on n'obtiendrait jamais un résultat supérieur à la capacité fiscale de l'Ontario qui est la province non bénéficiaire la moins bien nantie. Il faut faire une distinction cependant, et c'est celle-ci : le Groupe d'experts propose que l'on tienne compte de 50 p. 100 des ressources dans le calcul de la péréquation, mais que le plafonnement s'applique à la mesure de la capacité, y compris à 100 p. 100 des ressources en tant que partie de la capacité fiscale aux fins du plafonnement. Nous mesurerons la capacité fiscale de deux manières pour calculer les transferts sur la base de 50 p. 100 et sur celle de 100 p. 100 afin de voir si le total des ressources est trop élevé et s'il devient nécessaire de réduire les transferts à l'aide du plafonnement. Cette distinction n'est pas une incohérence, elle est plutôt une partie importante de ce calcul parce que l'inclusion de 50 p. 100 des revenus sera une bonne chose pour Terre-Neuve qui se situe au-dessus de la moyenne nationale pour ce qui est de la capacité fiscale en matière de ressources. D'un côté, on réduit le montant des ressources que l'on calcule, et de l'autre, on augmente les transferts que Terre-Neuve reçoit avec la formule. Le plafonnement fait en sorte que l'on devra l'augmenter, mais pas trop, parce qu'il n'est pas question qu'elle dépasse celle de l'Ontario. Le plafonnement a du sens, du point de vue de l'abordabilité pour le gouvernement fédéral. Le Groupe d'experts estime que l'on économiserait 500 millions de dollars par année en imposant un plafonnement à Terre-Neuve-et-Labrador ainsi qu'à la Saskatchewan. Conformément au principe d'équité, est-ce que le bénéficiaire de ces subventions devrait s'en tirer mieux qu'une province qui n'est pas admissible à la péréquation? Je pense que ces recommandations ont du sens.
En ce qui concerne la contradiction entre l'inclusion de 50 p. 100 et celle de 100 p. 100, on pourrait faire valoir que l'option du 50 p. 100 représente un choix intéressant pour Terre-Neuve-et-Labrador en ce qui concerne la péréquation dans le futur. La proposition relative au plafonnement prévoit que l'on ne voudra pas que l'inclusion de 50 p. 100 soit trop asymétrique pour la province. Il existe des contraintes juridiques, politiques et constitutionnelles qui détermineront s'il est possible d'imposer ce genre de plafond d'une manière qui soit conforme aux accords sur les champs pétroliers au large de Terre-Neuve et s'il sera nécessaire ou souhaitable de respecter ces accords. Tous ceux qui sont présents dans cette pièce sont mieux placés que moi pour comprendre à quoi se résume cette discussion, mais c'est là la grande difficulté de cette proposition du Groupe d'experts.
Pour ce qui est de la question de la réimposition, vous avez raison, sénateur Rompkey. Je veux parler de ce que le gouvernement a en tête lorsqu'il dit, comme il l'a fait au consortium qui travaille à la mise en valeur de Hebron, « Les prix du pétrole sont en hausse. Nous voulons conclure un meilleur marché sur le plan des redevances, et obtenir une participation en capital dans le projet ». Ce qu'il veut dire essentiellement c'est : « Nous pensons que ce projet comporte davantage de bénéfices tirés des ressources qu'auparavant, et à titre de propriétaires réels des ressources, nous devrions recevoir davantage ». C'est une déclaration raisonnable, mais elle risque fort de ne pas avoir les résultats escomptés. Il y a certainement des cas où ce genre d'approche est dans l'intérêt des citoyens de Terre-Neuve-et-Labrador, mais elle débouchera sur des retards ou sur rien du tout. C'est peut-être ce qui s'est produit avec le projet de Hebron, même si certains ne seront pas d'accord. Le consortium pourrait dire que des facteurs économiques présents ailleurs dans le monde les ont poussés à se retirer, mais c'est exactement ainsi qu'il faut penser à ce compromis.
Lorsque j'affirme que la péréquation change tout cela, ce que je veux dire en fait, c'est que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador prend en considération les transferts de péréquation qu'il reçoit, mais aussi les avantages en matière de développement économique et de revenus fiscaux associés aux ressources qu'il obtient directement des projets qui se réalisent. J'espère que tout le monde reconnaît que, en tant qu'économiste, c'est précisément de cette manière que je voudrais que mon gouvernement se comporte — qu'il établisse un compromis entre les conséquences fiscales et économiques de toutes ces décisions. C'est une manière d'agir tout à raisonnable pour un gouvernement.
À long terme, la perspective du gouvernement et des résidants de Terre-Neuve-et-Labrador, dans la mesure où j'ai bien compris la situation, s'efforcera de trouver des stratégies de développement qui rendront toutes ces questions sans pertinence dans le futur. À court terme, ce n'est pas ainsi que ces accords se déroulent. L'Accord atlantique précise la nature des droits à péréquation, dans la mesure où Terre-Neuve y est admissible, jusqu'en 2019. À moyen et à long terme, ces incitatifs sous forme de transferts de péréquation jouent un rôle important dans la manière dont ces projets seront mis en valeur à Terre-Neuve-et-Labrador.
Le sénateur Rompkey : Je voulais vous demander de nous parler des accords, mais je pense que je vais garder cette question pour une autre fois.
Le président : Comme vous voudrez, sénateur Rompkey.
Le sénateur Fox : Avec l'ancienne formule, que vous semblez endosser, il y avait un problème majeur de récupération fiscale. Pourriez-vous nous expliquer comment ces récupérations fiscales sont apparues, et ce qui pourrait être fait à ce sujet? Les provinces se retrouvent dans une situation terrible sur le plan financier lorsque, au bout de deux ans, elles se voient contraintes de rembourser des millions de dollars.
M. Smart : Je vais établir une distinction entre les deux dispositions de récupération que j'ai mentionnées. La première se produit lorsqu'une province se développe tellement qu'elle devient admissible à des droits à péréquation inférieurs et par conséquent, à un transfert moins élevé. La deuxième se produit en raison du processus continu de réévaluation des droits à péréquation prévus dans le programme lorsque le ministère des Finances demande à une province d'effectuer des remboursements occasionnels. Les calculs sont compliqués et établis en fonction des données détaillées de Statistique Canada sur l'économie et les finances publiques de toutes les provinces. Il faut du temps avant que les données ne deviennent disponibles. Avec l'ancien système, il fallait recalculer sept fois les droits à péréquation de chaque province pour chaque exercice financier. Il fallait attendre jusqu'à trois ans pour que ces chiffres convergent ou pour obtenir un calcul final. Par conséquent, il fallait attendre jusqu'à trois ans plus tard parfois, pour que le gouvernement fédéral déclare qu'il avait trop versé à une province parce que son économie était plus vigoureuse que ce qu'avait prévu le gouvernement. Je soupçonne qu'une province n'a jamais été forcée de rembourser quoi que ce soit au gouvernement fédéral, mais qu'elle a dû plutôt subir une réduction des montants prévus lors des exercices financiers subséquents. Les provinces ont horreur de cela. De toute évidence, c'est un réel point de friction de la formule. Mais j'aurais tendance à minimiser son importance fondamentale parce qu'il s'agit d'une question de comptabilité, et que c'est important pour un gouvernement qui tente d'équilibrer son budget. Il existe probablement divers moyens de régler ces questions de comptabilité d'une manière qui entraînerait beaucoup moins de perturbations pour la planification des budgets et pour le processus comptable que ce que l'on a fait jusqu'à maintenant. Les gouvernements provinciaux pourraient par exemple mettre de côté un fonds de réserve, au sens comptable, afin de prévoir la possibilité qu'ils aient à affronter ce genre de récupération fiscale dans le futur. Ils pourraient utiliser ce fonds de réserve pour atténuer l'impact de cette récupération d'année en année. Si c'était tellement important pour les provinces, je me demande pour quelle raison elles n'ont pas eu recours à cette méthode. Peut-être parce qu'il aurait été coûteux de constituer un fonds de réserve. Mais à part cela, la difficulté ne tient pas au versement des sommes, mais plutôt à des considérations comptables. Je suis surpris que cette question ait semblé avoir tellement d'importance dans le processus.
Il y a une question connexe qui représente un risque sur le plan économique et sur le fond beaucoup plus fondamental pour le programme, un risque qui a d'ailleurs troublé bon nombre de provinces — et ce risque est lié à la manière de calculer les transferts en se servant de la différence entre le rendement d'une province comme la Nouvelle- Écosse et la norme des cinq provinces, qui, dans la plupart des cas, se révélait être l'Ontario. Les transferts que chaque province recevait correspondaient à la différence entre le rendement de leurs économies respectives et celui de l'Ontario. Lorsque l'économie de l'Ontario donnait un rendement médiocre ou en tout cas moins bon que celui du reste du pays, la situation était encore plus troublante et elle créait un risque économique pour les provinces qui n'était peut- être pas approprié. L'économie de l'Ontario a souffert beaucoup plus lors du repli de 1991-1992 que celle des autres provinces. Même si le gouvernement de l'Ontario réduit ses impôts, il n'est pas sûr que cette mesure ait une incidence directe sur le montant des transferts et sur la santé financière globale des autres provinces bénéficiaires avec la formule.
Même si cela n'a rien à voir avec votre question concernant la continuelle réestimation des anciens transferts, il s'agit d'un risque plus fondamental que celui qu'il fallait juguler avec l'ancienne formule. En effet, le Nouveau cadre était une tentative de s'attaquer à la fois au risque sur le plan comptable et au risque sur le plan économique d'une manière logique. Il précisait non seulement le montant total que le gouvernement fédéral dépenserait dans le programme, mais aussi les parts de ce montant qui seraient distribuées aux provinces, plus ou moins. Ce calcul a pris divers aspects, selon les années, depuis 2004. Les provinces ne devraient pas chercher à obtenir ce genre de garantie pour les transferts reçus, mais elles devraient plutôt tenter de se doter d'une formule d'assurance très bien adaptée aux termes de laquelle une économie provinciale plus faible recevrait davantage de paiements de transfert de la part du gouvernement fédéral. L'ancienne formule possédait certains éléments selon lesquels si la capacité de la Nouvelle-Écosse chutait, les transferts augmentaient. Cet aspect intéressant a été éliminé lors des réformes de 2004 dans une tentative d'instaurer une certaine stabilité et une certaine garantie mais, à mon avis, il en est résulté une stabilité globale beaucoup moins attrayante pour les ressources financières d'après les transferts pour les provinces.
Le sénateur Fox : Il semble que certaines provinces aient changé de perspective à l'égard du programme en cessant de considérer qu'il s'agissait d'un programme de péréquation et que, par conséquent, les paiements de transfert devraient augmenter ou diminuer selon la capacité fiscale relative de chaque province. Durant les années 80, l'ancien gouvernement avait décidé qu'il devait opérer des réductions dans les programmes. Les provinces parlent de revenir à ce niveau de base plus l'inflation depuis ce temps. Pour ce qui est de la péréquation, elles considéraient qu'elle était toujours la même — un montant de base ne devrait pas diminuer et les parts devraient augmenter. Il semble que nous nous éloignions du concept fondamental de la péréquation. Peut-être faudra-t-il changer de vocabulaire, parce que l'expression « déséquilibre fiscal » semble s'être chargée d'une connotation politique d'un bout à l'autre du pays. À partir du moment où la péréquation a été incluse dans la Constitution, j'ai supposé qu'elle serait appliquée durant une certaine période de temps et que, puisqu'il s'agissait de péréquation, que les montants des transferts allaient diminuer ou augmenter suivant la formule retenue.
Existe-t-il un meilleur moyen de décrire les problèmes actuels qu'en utilisant cette expression, le « déséquilibre fiscal », une expression tellement chargée d'émotion et de signification sur le plan politique que certains sont allés jusqu'à nier son existence? Il est question d'un concept fluide qui varie au fil du temps, suivant les fluctuations de la capacité fiscale des provinces.
M. Smart : J'espère qu'il existe un moyen de régler ce problème. Sénateur, vous avez mis dans le mille. Cela revient à remettre le génie dans la lampe. Depuis plus de 10 ans, on assiste à un changement fondamental dans la manière dont les provinces abordent ces questions, y compris le déséquilibre fiscal, mais j'ignore comment changer la donne. On a créé un environnement dans lequel il a semblé exister un certain jeu fiscal à l'échelon fédéral, que cette situation soit le résultat d'excédents anticipé ou non, ou de la manière dont les fonds ont été attribués. Tant que cette situation perdurera, je ne pense pas que l'on parviendra à convaincre les provinces d'envisager la question sous un autre angle. C'est une raison fondamentale pour laquelle les transferts de points d'impôt — qui reviennent à prendre l'argent qui est sur la table et à le répartir de manière à éliminer l'excédent du système — ont la possibilité de changer la manière dont le gouvernement aborde cette question. Ceci dit, il y a d'importants aspects que les provinces se doivent de commenter. Il est logique de vouloir parler de ces questions.
Le sénateur Stratton : Lorsque l'on décide de se pencher sur ce problème et de tenter d'y trouver une solution, on a l'impression que cela revient à marcher sur les eaux. C'est un problème énorme. Si on décidait de l'aborder purement sur la base des principes, et si on établissait un ensemble de principes, quels seraient-ils? Et à partir de ces principes, quelle serait l'approche pragmatique à privilégier selon vous? Je ne m'attends pas à ce que vous puissiez me répondre aujourd'hui absolument, mais il est important pour nous de connaître votre opinion en ce qui concerne cet ensemble de principes, et ensuite, la marche à suivre pour adopter une approche pragmatique pour trouver la solution.
À partir du moment où l'on commence à jouer le jeu de vouloir faire appel aux municipalités, d'avoir recours aux formules axées sur les ressources, et où une province affirme faire les frais du système ou du moins, avoir l'impression de faire les frais du système pendant que les autres rétorquent que c'est faux, je trouverais captivant que vous nous fassiez connaître votre opinion concernant l'ensemble de principes et l'approche pragmatique qui pourraient être retenus. Cela nous aiderait de vous entendre à ce sujet. Je vous pose la question parce que je suis fasciné par ce que vous avez dit au sujet de l'approche du Groupe O'Brien. Aimeriez-vous faire des commentaires à ce sujet?
M. Smart : Vous me donnez l'occasion de recréer complètement le système de péréquation dans ma tête, de décider ensuite s'il s'agit d'une approche pragmatique, et d'en faire part à un prestigieux groupe de personnes. Je serais mal venu de refuser cette occasion en or. Parce que, selon moi, cet exercice est salutaire.
Je vous dirai que le principe que je n'ai pas évoqué directement, et qui régirait le système idéal que j'ai en tête et que beaucoup d'universitaires ont aussi en tête, est celui d'un système de péréquation fondé sur la norme des 10 provinces et offrant un filet de protection complet, qui ferait en sorte de ramener toutes les provinces à la moyenne, soit à la hausse, soit à la baisse. Vous avez entendu parler de cette idée voulant que la capacité fiscale de l'Alberta étant supérieure à la moyenne, on pourrait vouloir en principe la réduire pour la ramener à la moyenne en demandant à l'Alberta de remettre des fonds dans le système. Ça y est, j'ai prononcé les mots fatidiques.
Nous passons ensuite au pragmatisme, et nous réalisons qu'il n'y a absolument aucune chance que cela se produise, en tout cas, pas maintenant. Si on envisage de réaliser une réforme de cette envergure, il est clair qu'elle doit se faire à un moment où le prix du pétrole est bas, pas quand il est élevé. En principe, c'est logique; en termes pragmatiques, le fait que d'autres pays possèdent des éléments importants de ce schéma net, des contributions par des gouvernements qui se situent au-dessus de la moyenne, devrait nous dire que ce n'est pas totalement impossible. Cependant, c'est impossible aujourd'hui, au Canada.
Puis la question à se poser devient : où ce principe un peu fou nous conduira-t-il sur le plan de l'approche pragmatique? Malheureusement, cela dépend beaucoup de l'oeil de celui qui regarde. C'est-à-dire que diverses attitudes semblent raisonnables. Autrement dit, il y a deux écarts horizontaux dont il faut se préoccuper — celui entre la moyenne des provinces bénéficiaires actuelles et l'Ontario, l'Ontario étant exactement la norme dont nous nous servions pour réaliser la péréquation; et l'autre écart supérieur étant celui entre l'Alberta et cette norme.
De quel écart voulez-vous surtout vous occuper? Les deux sont importants. Il est raisonnable de penser que des ressources additionnelles devraient être accordées pour combler l'un ou l'autre. Il faut reconnaître que le premier écart, celui entre les provinces bénéficiaires et l'Ontario, est aujourd'hui beaucoup plus réduit que le deuxième écart. Cela pourrait vous donner à penser que nous devrions nous concentrer sur le deuxième écart dans les réformes additionnelles. Faire cela signifierait s'occuper de ces considérations relatives au déséquilibre vertical — c'est-à-dire décider de ce qu'il faudrait faire pour l'ensemble des 10 provinces en empruntant une solution faisant appel plus ou moins à un transfert égal par habitant plutôt qu'à des transferts qui visent les provinces bénéficiaires moins bien nanties.
C'est à cela que me mène ce principe un peu fou voulant que lorsqu'il s'agit de consacrer davantage de ressources fédérales à ces programmes dans le futur, que ce soit sous la forme de transferts pécuniaires ou de points d'impôt, on se concentre sur l'écart vertical plutôt que sur l'écart horizontal.
Le sénateur Stratton : Existe-t-il des documents décrivant comment d'autres pays se sont attaqués à la question de la péréquation? Connaissez-vous des exemples, ou y a-t-il un endroit où nous pourrions nous adresser pour obtenir des renseignements sur ce qui se passe dans d'autres pays? Comment s'y prend-on en Allemagne, par exemple? Et est-ce que leur méthode donne de bons résultats? Connaissez-vous une ressource à laquelle nous pourrions nous adresser pour obtenir cette information?
M. Smart : À ma connaissance, il n'existe pas beaucoup d'enquêtes générales sur ce genre de questions. Je pourrais vous en suggérer une en particulier, c'est un document d'information qui a été réalisé pour la Commission Séguin, au Québec, en 2002. Ce document utilise les principales fédérations à titre comparatif, et analyse beaucoup de détails de leur système respectif. Les renseignements sont un peu dépassés, mais je pense que la commission a bien retenu les principes de base dans toutes ces formules. Le document en question examine comment les transferts sont calculés, comment les pouvoirs d'imposition sont répartis et expose le processus de prise de décisions, l'élément politique aussi.
Le sénateur Stratton : C'est le genre d'étude qui m'intéresse. Le processus de prise de décisions nous serait très utile.
M. Smart : Je me suis aperçu récemment que la Commission Séguin tient toujours un site Web, quatre ou cinq ans après que le rapport ait été publié. Il vaudrait peut-être la peine de le consulter.
Je me permets de vous dire que ces divers arrangements valent la peine que l'on s'y arrête; on peut apprendre beaucoup sur les différences qui existent entre les systèmes. Nous ne devrions jamais oublier que le Canada est un environnement complètement différent de celui de bon nombre de ces autres grandes fédérations, parce que l'on y constate une telle décentralisation des pouvoirs d'imposition et des pouvoirs de dépenser. Les gouvernements provinciaux sont ici de solides entités par comparaison avec les administrations des États dans des fédérations comme l'Australie, et même l'Allemagne. Je pense que les points à examiner sont très différents ici. Nous vivons dans la fédération la plus évoluée du monde, par conséquent, nous devons adopter une ligne de conduite un peu différente.
Le sénateur Stratton : Je ne suis pas contre. Mais ce que j'aimerais savoir, c'est s'il existe un organisme indépendant nommé ou élu pour prendre les décisions. C'est l'aspect qui m'intéresse le plus — prendre ce mécanisme, et lui enlever le plus de connotation politique possible. Est-ce que ça fonctionne dans certains pays, ou non? C'est dans cette voie que nous devrions aller.
M. Smart : Ça vaut la peine d'étudier la question. Il en est relativement peu question dans le document de la Commission Séguin. Il est aussi relativement peu question des processus fondamentaux de prise de décisions dans les deux excellents rapports, celui du comité consultatif et celui du Groupe d'experts du gouvernement fédéral. En effet, ces deux documents n'examinent pas directement le processus de prise de décisions.
L'autre source qui vaut certainement la peine d'être consultée est le Forum des fédérations. Vous voudrez peut-être inviter George Anderson ou d'autres membres du forum au cours de votre étude, dans le futur. J'ignore s'ils ont réalisé quelque enquête sur les arrangements décisionnels, et s'ils possèdent des documents à ce sujet, néanmoins, cet organisme possède énormément de connaissances sur le fonctionnement de ces mécanismes ailleurs dans le monde.
Le président : J'aimerais que vous me donniez plus de précisions concernant votre premier point sur l'égalisation à la baisse. Vous avez dit que ce processus exigerait d'une province qu'elle remette de l'argent dans le système au lieu de recevoir de l'argent du système. Et vous avez ajouté, bien entendu, que ce processus ne pourrait pas fonctionner. Pourquoi n'avez-vous pas envisagé une situation semblable, lorsque vous avez discuté avec le sénateur Eggleton, et que vous avez mentionné le transfert de points d'impôts en Ontario et l'égalisation de la capacité fiscale dans cette province, par la réduction des droits à péréquation dans le cadre des transferts sociaux verticaux? Il s'agit d'un autre moyen de réaliser l'égalisation à la baisse, n'est-ce pas?
M. Smart : Oui; si vous êtes prêts à envisager cette troisième voie, je vous y encourage.
Le président : Ce serait plus facile que de demander à une province de remettre de l'argent dans le système.
M. Smart : Vous avez tout à fait raison. De fait, il y a quelques références à ce sujet dans le rapport du Groupe d'experts. Elles sont brèves, et sont même assez difficiles à trouver. Vous pourriez trouver quelques partisans de cette perspective au sein du Groupe d'experts.
En ce qui a trait aux problèmes évidents, il est clair que certains pensent que les transferts pécuniaires existants en matière de santé et de programmes sociaux divers fournis par le gouvernement fédéral ont un rôle à jouer. Ils ont une raison d'être. La majorité d'entre nous ne s'entendent pas sur ce qu'est cette véritable raison d'être. Toutefois, si nous commençons à supprimer ces paiements aux provinces dont la capacité fiscale est supérieure à la moyenne de façon assez substantielle, il faudra se demander si ces autres objectifs du programme actuel de transferts pécuniaires sont toujours remplis.
En ce qui a trait à tout ce qui contribue à réduire les transferts fiscaux, il faut se demander si nous perdons quelque chose au change.
Dans le cas de la réduction du Transfert canadien en matière de santé à l'Alberta, par exemple, en vue de réimposer sa capacité fiscale excédentaire, si vous souhaitez prendre cette approche, la majorité sont d'avis que nous devrions examiner la Loi canadienne sur la santé et vérifier si les dispositions de cette loi sont toujours respectées et protégées par l'existence de transferts pécuniaires dans toutes les 10 provinces. Et ensuite, il faudrait se demander si c'est bien la voie que nous souhaitons continuer d'emprunter dans le contexte actuel des réformes de ce processus, et je ne suis pas sûr, pour le moment, d'avoir bien clarifié mon opinion à ce sujet. En effet, se demander si nous devrions continuer d'utiliser un système au sein duquel le gouvernement fédéral établit des normes et des objectifs importants pour les programmes de services sociaux, mais n'avance pas l'argent requis pour leur mise en œuvre, au moins dans quelques provinces, pose évidemment un problème.
Le président : Merci pour ces éclaircissements.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Smart, votre exposé a été intéressant et stimulant, je vous suis reconnaissant de vos commentaires et de votre obligeance.
Je m'intéresse plus particulièrement à la question du transfert des points d'impôt à laquelle vous venez tout juste de faire allusion, encore une fois. De toute évidence, l'un des avantages découlant du transfert de points d'impôt est l'alignement entre ceux qui génèrent de l'argent et ceux qui assument la responsabilité de le dépenser. En règle générale, le problème avec les transferts, c'est que quelqu'un se retrouve dans la position de dépenser de l'argent qu'il n'a pas eu à générer. Dans notre contexte politique où la responsabilisation joue un rôle de premier plan, il est clair que ce mode de fonctionnement présente des attraits. Cependant, il présente aussi des difficultés graves, dont l'une est politique. Les provinces préféreraient de beaucoup que ce soit le gouvernement fédéral qui agisse comme leur percepteur des impôts, au même titre que les municipalités préféreraient que ce soit quelque autre ordre de gouvernement qui agisse comme leur percepteur des impôts. En fin de compte, on pourrait contourner la valeur différentielle des points d'impôt grâce à une formule de calcul et à ce genre de chose.
Ce qui me préoccupe, c'est le rôle du gouvernement fédéral dans l'établissement des normes nationales qui sont profondément importantes pour l'unité canadienne et pour la substance du Canada en tant que nation. Il me semble qu'abandonner le système des points d'impôt risquerait d'éroder cette unité. Accorder des subventions sans lignes directrices à la clé, comme c'est le cas pour une grande partie des transferts à l'heure actuelle, représente un réel problème.
Pourriez-vous développer cette question pour ma gouverne personnelle? Quel est le rôle du gouvernement central du Canada dans l'établissement de normes unifiées? Quelle est le seuil minimal où le gouvernement ne dépense pas assez d'argent pour exercer son influence? En Alberta, on a déclaré que la province ne recevait que 1,8 milliard de dollars pour les transferts en matière de santé, et ce n'est pas énorme, mais bien entendu, il reste que ce montant a un impact.
M. Smart : C'est au coeur de la question du transfert des points d'impôt, comme l'a fait remarquer le sénateur Murray lui aussi dans son intervention précédente. Il s'agit d'une question politique, et sincèrement, assez politique pour que je ne me sente pas complètement à l'aise, en tant qu'économiste, pour faire des pronostics à ce sujet. J'approuve entièrement tout ce que vous avez dit au sujet des avantages sur le plan de la responsabilisation qui découlent d'un transfert de points d'impôt.
Le problème politique tient à ce que certains gouvernements provinciaux s'y opposent. Je pense que nous sommes d'accord pour dire que cette opposition politique est le symptôme du problème que nous appelons parfois l' « illusion fiscale », c'est-à-dire que des gouvernements provinciaux semblent convaincus qu'ils peuvent dépenser de l'argent qui n'a pas été généré par les impôts de certains contribuables ailleurs au pays. La stratégie de communication adoptée par l'Ontario depuis deux ou trois ans est un bel exemple de cette illusion fiscale. Si, dans ses propositions de réformes, la province se préoccupe principalement de la situation de la province d'Ontario et des contribuables ontariens en tant que tels, il ne me semble pas logique que l'Ontario s'intéresse à quoi que ce soit d'autre que le transfert de points d'impôt. Il ne me semble pas logique que la province veuille manifester son appui à une augmentation des transferts par habitant de la part du gouvernement fédéral, alors même que nous savons que chaque dollar versé par Ottawa sous forme de transfert coûte, en moyenne, au contribuable ontarien, quelque chose comme 1,15 $ ou 1,20 $. Dans ce contexte, il me semble qu'un gouvernement qui affirme vouloir obtenir davantage d'argent par habitant ne fait qu'illustrer que l'illusion fiscale est un problème, qui traduit cette coupure entre ceux qui dépensent l'argent et ceux qui ont établi les impôts pour financer ces dépenses. Il faut faire quelque chose à ce sujet.
L'autre problème est horizontal. Je réitère ma position : pour arriver à une solution viable, il faudra admettre, une fois pour toutes, que les points d'impôt transférés doivent être totalement égalisés en amont et en aval, comme dans le passé. C'est un véritable casse-tête pour le gouvernement fédéral, parce que depuis 1977 il se trouve dans un débat sans fin sur la valeur des points. Ce n'est amusant pour personne.
Une des solutions possibles pourrait prendre la forme d'accords de location des domaines fiscaux, qui iraient dans le sens inverse de ceux du passé. À l'époque de la Seconde Guerre mondiale, les accords de location des domaines fiscaux permettaient au fédéral d'emprunter des points d'impôt aux provinces pour une période temporaire indéterminée. Je propose des accords de location qui fonctionneraient en sens inverse puisque ce serait au tour du gouvernement fédéral de louer des points aux provinces, selon des bases contractuelles très claires. La valeur des points serait établie au départ et chaque province, en cas de désaccord avec l'évolution de l'entente après quelque temps, pourrait choisir de remettre les points d'impôt loués en échange d'une somme d'argent majorée d'une façon ou d'une autre. L'objectif serait en fait d'établir une base contractuelle qui nous éviterait de discuter sans fin de la valeur de ces points et de qui a promis quoi et quand. C'est une suggestion qui n'a rien de définitif, mais qui mérite considération.
Vous avez posé des questions sur les normes nationales. C'est une question difficile. Là encore, vous trouverez des personnes fort raisonnables qui ne s'entendent pas sur le rôle du fédéral dans ces programmes. Le gouvernement fédéral aura toujours son mot à dire sur la question de la réglementation de l'économie nationale et sur le dossier éminemment important de la redistribution des revenus entre les citoyens. On ne peut contester le rôle prédominant du fédéral en matière d'économie.
Si on considère certains programmes sociaux en particulier et les normes nationales que nos budgets permettent de soutenir, en sommes-nous arrivés à un point où nous pouvons faire confiance aux gouvernements provinciaux pour donner les services attendus par leurs populations, et le gouvernement fédéral doit-il s'ingérer dans cette relation entre les gouvernements provinciaux et leurs électeurs? À mon avis, c'est une question que nous devons nous poser. Tantôt, nous découvrirons que le fédéral doit s'en mêler. À titre d'économiste, je me permets de vous renvoyer aux notions de coûts externes et de retombées dans les provinces. Chaque province prendra des décisions clés qui auront des conséquences sur l'économie globale et le pays tout entier, ainsi que sur la situation fiscale des autres provinces. Le domaine de l'éducation en est un bon exemple. Le domaine de l'éducation, et plus particulièrement encore celui de l'éducation postsecondaire, joue un rôle énorme sur la qualité de la main-d'oeuvre dans tout le pays. La mobilité interprovinciale est relativement importante, une réalité qui prêche certainement en faveur de la participation du fédéral au financement de l'éducation et, j'irai plus loin, à la réglementation des domaines de l'éducation et des activités de R-D dans toutes les provinces. De toute évidence, nous devrons réfléchir aux modalités de cette intervention. Il reste à voir si un programme de transferts en espèces sur mesure pour l'éducation postsecondaire permettrait d'atteindre des objectifs nationaux établis dans cette sphère d'activité. Dans l'ancien régime, le financement était souvent octroyé au titre d'ententes de partage des coûts, assimilables en quelque sorte à des programmes de contrepartie dans la mesure où plus les gouvernements provinciaux dépensaient, plus le gouvernement fédéral leur versait en transferts. Ces ententes de contrepartie ont perdu du terrain depuis 25 ans. Elles avaient tout leur sens à l'époque où les provinces devaient mettre sur pied des programmes dans des domaines qui prenaient de plus en plus d'importance. Le gouvernement fédéral doit pouvoir dire aux provinces : « Nous allons financer ce domaine d'activités si vous dépensez plus dans... » Jadis, l'accent était mis surtout sur la santé et l'aide sociale. Le fédéral promettait une contribution financière pour chaque dollar dépensé. Actuellement, tout tourne autour des subventions globales. Le fédéral se limite à dire : « Voici une enveloppe d'argent, proportionnelle au nombre d'habitants ou non, un montant X que nous vous donnons pour l'éducation. » Cette nouvelle conditionnalité, qui n'a pas été accompagnée de nouvelles mesures d'incitation économique de base comme l'étaient les programmes de partage des coûts, explique en partie nos problèmes courants. Les subventions globales ont peu à peu miné le sentiment d'un objectif commun à tous les échelons de gouvernement.
Le sénateur Mitchell : Je suis d'accord avec vous. Vous avez abordé un enjeu canadien qui concerne le secteur de l'éducation, celui de la productivité. L'éducation représente une variable clé de la solution, notamment parce que notre secteur industriel consacre beaucoup moins d'argent à la formation de sa main-d'oeuvre que ne le font les industries américaines. C'est le pays tout entier qui doit se mobiliser pour trouver des solutions à ce problème d'envergure nationale. Comme vous l'avez souligné, les subventions globales ont mal servi ce secteur.
J'ai été fort intéressé de vous entendre dire que la fédération canadienne compte parmi les plus décentralisées dans le monde. Vous avez tout à fait raison. Notre Sénat non élu en est-il la cause? Si notre Sénat était élu, le résultat serait à l'opposé de ce que d'aucuns prétendent, c'est-à-dire une décentralisation accrue. Dans les faits, il favoriserait une plus grande centralisation et un resserrement autour des normes nationales. Ce n'est pas en soi une mauvaise idée.
Si j'en reviens à la productivité, New York vient tout juste de célébrer la journée Jane Jacobs. Jane Jacobs a toujours fait un parallèle entre la vigueur économique des villes et la vigueur de l'économie nationale. L'idée n'est pas de diminuer l'importance des régions rurales du pays et leur contribution à l'économie canadienne. Cependant, force est de reconnaître le rôle cardinal des villes, au chapitre de la productivité tout particulièrement. Actuellement, leur financement est inégal. S'il existe une telle chose que le déséquilibre fiscal, ce sont les villes qui sont touchées.
Peut-être est-ce impossible, mais l'intention du gouvernement précédent était de leur donner une partie de la taxe sur l'essence, si j'ai bien compris. Serait-il insensé de demander au gouvernement fédéral de distribuer des points d'impôt aux municipalités, en demandant par exemple à Edmonton : « Combien voulez-vous percevoir en taxe sur l'essence? Nous allons percevoir ce montant pour vous. Nous allons bien expliquer que c'est ce que vous avez demandé, pour que toute la population soit au courant. » L'argent pourrait être redistribué de cette façon. Dans ces conditions, existe-t-il un moyen d'autoriser les municipalités à se retirer du programme fédéral de redistribution de la taxe sur l'essence contre un nombre de points X? La perception serait leur responsabilité.
M. Smart : Concernant le dernier volet de votre question, nous devrions orienter notre réflexion dans cette direction. Il faudrait en venir à des politiques fiscales distinctes qui favoriseraient l'augmentation des investissements dans les infrastructures municipales. Ce type de régime fiscal peut être très difficile à mettre en place.
D'une certaine façon, l'accord sur le partage de la taxe sur l'essence est un programme déguisé de transfert de fonds de l'ancienne génération. Il était fondé sur le rendement, les revenus d'une assiette fiscale donnée. Nous sommes loin d'une réforme de fond de l'approche. Je ne vois vraiment pas comment on pourrait dans la réalité transférer des pouvoirs fiscaux de ce type aux villes. Il est extrêmement difficile de structurer une taxe, à plus forte raison une taxe sur un bien aussi volatile que l'essence, de manière que chaque ville puisse fixer un taux à sa convenance. Les coûts associés à la perception et à l'obligation de conformité seraient astronomiques sans doute. La possibilité pour les consommateurs de se soustraire à la taxe par un moyen aussi simple que l'achat dans une autre ville deviendrait un souci constant.
Quand il est question de politiques fiscales applicables à un rayon aussi local — c'est une autre histoire au provincial, parce que ces enjeux sont loin d'avoir autant d'importance —, il est difficile de déterminer quels pouvoirs fiscaux peuvent être réellement décentralisés et distincts d'une ville à l'autre, sans coûts économiques démesurés. Comme je l'ai dit précédemment, on trouve dans d'autres pays des instruments comme des impôts spéciaux sur le revenu ou une majoration de l'impôt sur le revenu des travailleurs ou des résidents de villes en particulier. D'autres ont opté pour des taxes spéciales de vente. Nous devrions étudier toutes ces avenues. Il faut s'attendre à toutes sortes de tracasseries administratives et économiques. Les accords de partage des revenus sont prometteurs, mais il faudra les concevoir de manière à ce qu'ils aillent dans le sens que vous venez de décrire.
Le sénateur Murray : Je ne sais pas au juste ce que le gouvernement en place décidera au sujet du transfert des points d'impôt. Ce que je sais, et vous le savez aussi, je pense, comme nous tous d'ailleurs, c'est que le gouvernement fédéral oppose depuis quelque temps une réticence institutionnelle à toute augmentation des transferts de points d'impôt. Vos amis des Finances seront d'accord : une fois qu'on les a transférés, ils ne reviennent pas. Le manque de visibilité pose un autre problème, de nature politique celui-là. Le troisième problème ressortit au risque pour le fédéral de perdre son influence dans certains domaines, dans la mesure où les points d'impôt ont pour effet de réduire les transferts de fonds.
Votre idée de location de domaines fiscaux du fédéral aux provinces me sourit assez. Je suis encore plus emballé par votre suggestion d'une base contractuelle entre le gouvernement fédéral et les provinces dans certains de ces domaines, qui présente nettement plus d'avantages que de faire marcher les provinces au fouet des lois fédérales dans des domaines de leur compétence. À mon avis, l'incohérence est à son comble dans le domaine de l'éducation postsecondaire. Le secteur de la santé a demandé et il a obtenu toute l'attention, tirant profit du régime des subventions globales. La santé a pris la part du lion des fonds additionnels débloqués par le fédéral, laissant le secteur de l'éducation postsecondaire mendier les miettes. Le fédéral n'en a pas moins dépensé deux fois plus en versements directs aux particuliers et aux établissements qu'en transferts aux provinces en appui à l'éducation postsecondaire. Les milieux universitaires sont peut-être satisfaits de la tournure des événements, mais c'est loin d'être une bonne nouvelle. Aucun système ne peut sortir gagnant quand son programme principal est réduit à la portion congrue. C'est ce programme qui permet aux provinces d'assurer l'entretien, les salaires et autres dépenses de ce genre dans les universités. Il y aurait beaucoup à dire au sujet de vos recommandations et je propose que nous en fassions un examen approfondi.
Les gouvernements fédéraux n'ont jamais été de fervents adeptes de la péréquation. Les politiciens y sont réticents parce qu'elle ne leur donne pas de visibilité politique. Les gens des finances y répugnent encore plus parce qu'elle ouvre toute grande la porte du fisc. Comme vous l'avez si bien dit, même si les provinces préfèrent la péréquation, cela ne les a jamais empêchées de demander toujours plus de transferts sociaux. Bien entendu, elles préfèrent la péréquation à cause de son caractère inconditionnel. Elles savent que, dès qu'elles mettent le pied dans l'étrier, elles sont désavantagées parce que le programme est entièrement fédéral. Elles sont à la totale merci du ministre fédéral des Finances et du gouvernement pour ce qui est de la part qu'elles obtiendront. C'est un inconvénient pour les provinces.
Cette situation a des fondements constitutionnels. Une ou deux provinces ont mené des analyses juridiques exhaustives pour connaître leurs chances de gagner contre le fédéral au tribunal sur la question de la péréquation. Aucune n'est allée de l'avant, ce qui nous en dit long sur la justiciabilité de la disposition constitutionnelle en matière de péréquation. Les provinces ont un peu plus d'emprise sur la question des transferts sociaux parce qu'elles sont responsables de la prestation des programmes.
Vous avez aussi parlé de santé. À mon avis, le domaine de la santé s'en tire plutôt bien. Le gouvernement fédéral, aux termes des dernières ententes signées par le gouvernement Martin, doit augmenter ses transferts en matière de santé de 6 p. 100 par année jusqu'en 2014, je crois, ce qui m'apparaît plutôt réaliste. Cet engagement incite en quelque sorte les provinces à faire tout leur possible pour maintenir les hausses des coûts de la santé dans cet ordre de grandeur, sous réserve que le gouvernement fédéral ne s'avise pas de se mêler de la micro-gestion du système de santé, dont il a une connaissance directe très sommaire.
En tout, trois rapports sont parus sur la péréquation. En toute modestie, je précise que le comité a rédigé son propre rapport sur la péréquation en 2002. Nous recevrons M. Al O'Brian la semaine prochaine. Il a présidé le groupe d'experts du fédéral. Le troisième rapport est l'oeuvre d'un groupe d'experts du Conseil de la fédération, auquel j'ai siégé. Le mandat du Conseil de la fédération était de loin le plus large. Il visait à étudier le déséquilibre, tant vertical qu'horizontal, alors que le groupe d'experts du fédéral s'est concentré sur la péréquation, au même titre que le comité sénatorial.
L'approche et les recommandations des trois comités partagent beaucoup de points communs. Tout d'abord, les trois préconisent une péréquation fondée sur la capacité fiscale relative des provinces, que le mieux pour mesurer cette capacité est d'appliquer la norme représentative des dix provinces, selon une formule qui inclue toutes les recettes fiscales et un régime fiscal représentatif qui tient compte de toutes les ressources. Les dissensions portent sur des détails, qui plus est de nature technique. Le groupe d'experts fédéral a conclu qu'il fallait intégrer toutes les ressources, comme vous l'avez souligné. Cela signifie que la totalité des revenus tirés des ressources doit être prise en compte dans la mesure de la capacité fiscale relative et celle des droits relatifs de chaque bénéficiaire. Sur la question de l'abordabilité pour l'administration fédérale, le Groupe a tranché que la moitié seulement des revenus tirés de l'exploitation des ressources devrait être considérée pour le calcul des paiements. Une telle formule ne réduirait pas les paiements proportionnels entre les provinces. Le groupe provincial a pour sa part recommandé de calculer l'intégralité des revenus. Si le gouvernement fédéral s'inquiète de l'abordabilité, il n'aura qu'à réduire les paiements de façon proportionnelle, aux yeux et au su de tous, et à défendre ses décisions. C'est la principale différence sur ce point.
J'aimerais vous demander, n'ayant pas eu moi-même l'occasion de réfléchir à la question ni d'en faire une analyse poussée, pourquoi vous appuyez la recommandation du groupe d'experts du fédéral, le Groupe O'Brian, de passer de 32 ou 33 sources de revenus actuelles à 5 seulement. Quel serait l'avantage pour nous de nous en tenir à cinq sources? Certains d'entre nous pensent qu'il faut faire l'inverse. Vous avez fait allusion aux impôts fonciers non qui ne sont pas biaisés, au détriment de la Colombie-Britannique. Vous parlez aussi de frais d'utilisation et d'autres considérations — de façon plus ou moins subtile — comme les sociétés d'hydroélectricité appartenant aux provinces, de leurs taux et de leurs ressources.
Pourquoi ne pas faire le contraire? Nous pourrions augmenter le nombre de sources de revenus et adopter une norme des dix provinces pour nous assurer une méthode fiable et appropriée de mesure de la capacité fiscale relative. Pourquoi pas?
Le président : Monsieur Smart, avez-vous quelque chose à ajouter sur ces différents points avant de répondre à la dernière question?
M. Smart : J'ai beaucoup à dire. C'est un domaine infiniment intéressant et je suis du même avis que le sénateur en général. Je vais reprendre quelques points pour répondre aux différentes interrogations que vous avez soulevées.
Je vais tout d'abord revenir sur la question de l'éducation, la question des transferts de points d'impôt par rapport aux transferts en argent, pour enfin me prononcer sur l'espèce de jeu auquel se livrent les différents ordres de gouvernement depuis quelques années. Comme je travaille pour une université ontarienne, je serais mal venu de vous dire que le gouvernement fédéral n'aurait pas dû investir directement en éducation. De toute façon, ce n'est pas ce que je pense. Vous n'avez pas tort quand vous dites que le gouvernement fédéral a un peu de mal à établir ses priorités parce que, dans la situation actuelle, il a du mal à savoir si, sur les plans constitutionnel et administratif, il devrait subventionner directement l'éducation au lieu de verser des transferts aux provinces.
Le sénateur Murray : Ce qui me choque le plus, c'est le niveau d'incohérence et l'absence, à toutes fins utiles, de consultation entre le gouvernement fédéral et les provinces sur leurs responsabilités respectives concernant le soutien à l'éducation postsecondaire.
M. Smart : Ce n'est pas moi qui vais vous contredire. Nous sommes aux prises actuellement avec le chevauchement vertical que créent le double régime d'imposition du fédéral et des provinces de même que le régime des transferts du fédéral au provincial. Les négociations entourant la réforme des transferts en matière de santé ont été épiques de 1997 à 2004. Dans un tel contexte, j'entends très bien le gouvernement fédéral dire : « La réforme des transferts est très difficile. Nos objectifs ne concordent pas toujours avec ceux des provinces. Selon nous, la réforme des transferts ne nous permettra pas d'aboutir à un régime cohérent et uniforme fidèle à nos objectifs divergents. Permettez-nous d'adopter un régime sur mesure qui risque moins d'être incohérent. » En se concentrant sur la R-D, tant sur les plans constitutionnel que pratique, le gouvernement a tenté de faire de son mieux pour nous convaincre de l'inutilité de nouveaux transferts dans ce domaine, pour l'instant. Selon nos élus, ce n'est pas la bonne solution. Ils ont cherché un domaine le moins susceptible de générer des conflits. En réalité, sans la majoration des subventions fédérales, la situation des universités durant cette période et encore aujourd'hui serait assez catastrophique. Peut-être serait-il avantageux pour le fédéral d'explorer la voie des politiques sur mesure et horizontales, conjuguées à des transferts de points d'impôt. Je n'irai pas plus loin sur ce point.
Le domaine de la santé ne s'en tire pas trop mal. En réalité, c'est un seul et même combat. Vous avez raison, l'accord sur la santé conclu en 2004 a véritablement bouleversé l'attitude du gouvernement fédéral en matière de financement de la santé. De toute évidence, ce dossier n'est plus aussi chaud qu'avant l'accord de 2003. Ce sont les événements précurseurs qui m'inquiètent, c'est-à-dire les compressions massives imposées de 1995 à 1997 dans les transferts sociaux, et l'ajout d'une somme qui ne correspond pas aux compressions initiales, mais qui équivaut en fait au triple de ces compressions.
Vous soulevez un point fondamental quand vous demandez si on incite actuellement les gouvernements provinciaux à contrôler les coûts. Une formule de transfert stable serait beaucoup plus stimulante qu'un environnement dans lequel l'augmentation des coûts sert d'argument pour justifier les demandes incessantes de hausse des transferts. En ce sens, vous avez raison. Si nous anticipons l'avenir, rien ne nous permet de croire que ce cadre de financement, à cause de sa nature même, réglera quoi que ce soit en ce sens. Certes, le gouvernement a gagné en crédibilité en versant une subvention unique pour la santé, très substantielle par ailleurs, mais le processus fondamental demeure inchangé.
En ce qui a trait au rapport du Conseil de la fédération, vous avez raison également. Oui, on peut faire un parallèle entre les recommandations que vous avez évoquées, soit l'adoption d'une formule et de la norme des dix provinces, mais je ne suis pas d'accord dans les deux cas. Au sujet de l'inclusion... Le point de vue du groupe d'experts — qu'Al O'Brian vous exposera la semaine prochaine — diverge pour ce qui est de l'inclusion de la moitié des revenus. Il parle de principes, alors que le sénateur Murray et moi-même sommes plutôt d'avis que le facteur de l'abordabilité prime. Je crois qu'il abordera des thèmes tels que les sociétés appartenant aux provinces et d'autres sujets qui interpellent le sénateur Rompkey, comme les mesures à prendre pour que les profits reviennent aux provinces où se trouvent les ressources et la déduction des coûts de développement.
Honnêtement, aucun de ces arguments ne m'apparaît très convaincant. Je persiste à croire que c'est une question d'abordabilité et qu'il faudra remanier les allocations aux provinces, à l'avantage de certaines mais moins pour d'autres.
La principale divergence entre le rapport du Conseil, qui favorise le calcul de la totalité des revenus et un nouveau plafond global des dépenses du programme, au besoin, alors que le rapport du groupe d'experts va dans la direction opposée en recommandant une majoration mais l'inclusion de la moitié seulement des revenus, plafonnés le cas échéant, nous rappelle qu'il faut revenir au point de départ de la discussion. Je souligne que l'inclusion de la totalité des revenus selon la norme des dix provinces est de l'ordre des 25 milliards de dollars.
Le sénateur Murray : Et c'est le coût approximatif.
M. Smart : Je suis à peu près certain que la plupart d'entre nous jugeront que le gouvernement fédéral n'a absolument pas ces moyens. Le processus ne me convainc pas non plus. Un principe sert de base pour établir les montants, qui sont diminués ensuite. Je suis beaucoup plus à l'aise avec la norme des cinq provinces, comme au bon vieux temps, et avec le nouveau cadre qui prévoit l'augmentation des crédits. Selon moi, et comme le propose le groupe d'experts fédéral, les hausses ou les diminutions devront être établies de façon égale par habitant, et non selon une formule d'échelonnement proportionnel.
Le principal argument favorable à la norme des cinq provinces est son efficacité. À peu de choses près, on pourrait revenir à une méthode d'affectation éprouvée dans le passé, qui garantirait une juste répartition entre les provinces selon une formule de calcul relativement simple qui ferait intervenir seulement cinq termes pour chacune des provinces, comme il est mentionné dans le rapport. Je tiens à faire une distinction entre les nombres utilisés dans la formule de répartition et la valeur de l'enveloppe globale des revenus ou des fonds fédéraux qui servira de base pour déterminer les niveaux de la péréquation dans tous les cas.
Par exemple, vous avez posé une question sur la pertinence d'inclure des frais d'utilisation dans les calculs, soit 100 p. 100 des frais d'utilisation prélevés par les 10 provinces pour calculer le taux d'imposition moyen ou l'enveloppe globale des revenus à l'échelle nationale, dont l'ancienne formule de 2004 tenait compte pour établir la norme. Je ne suis pas contre le principe. Seulement, nous avons de très sérieuses raisons de croire que les frais d'utilisation ne rendent pas compte des écarts entre la capacité fiscale des provinces. Il s'agit beaucoup plus d'une opération commerciale entre le gouvernement et les provinces que d'un impôt.
Le deuxième volet est celui de la valeur de l'enveloppe globale. En réalité, cette question a très peu à voir avec le nombre de calculs à faire pour faire une répartition juste entre les provinces. Si nous décidons qu'il faut inclure les frais d'utilisation dans le calcul, rien ne nous empêche de le faire avec la méthode des cinq termes prônée par le groupe d'experts. La question de la valeur de l'enveloppe globale perd tout intérêt à partir du moment où nous admettons l'idée d'un plafond global.
Le débat devient très émotif quand il est question de passer de la norme des cinq provinces à une norme des dix provinces. Pourtant, si nous nous mettons d'accord pour plafonner les dépenses globales du gouvernement fédéral, force nous sera d'admettre qu'il est absolument inutile de discuter de la façon d'établir la norme. Dans un tel régime, ce n'est plus la norme en usage dans cinq ou dix provinces qui détermine le budget total, mais l'enveloppe est fixée sans égard à l'usage, en tenant compte du critère de l'abordabilité. Nous avons besoin d'une formule pour cela.
Le sénateur Murray : C'est pour cette raison que le nouveau cadre a reçu un accueil plutôt tiède. Il ne tient pas compte de la capacité fiscale relative des provinces.
M. Smart : Le cadre est nouveau parce qu'il introduit le concept du plafond global strict. C'est tout à fait inédit et beaucoup y ont vu une erreur. Je suis venu vous dire qu'il s'agit d'une véritable méthode de péréquation parce qu'elle permet de répartir les ressources comptées du fédéral entre les provinces qui en ont le plus besoin étant donné leur capacité fiscale inférieure. Cependant, au lieu de nous appuyer sur ce qui se passe dans cinq ou dix provinces pour calculer l'enveloppe budgétaire globale, nous allons déterminer la valeur de l'enveloppe selon ce qui est jugé abordable pour le gouvernement fédéral. On retrouve des similarités avec ce qui se fait dans d'autres pays. Une des caractéristiques de cette proposition, déjà adoptée ailleurs mais nouvelle ici, a trait à la somme que le fédéral s'engagerait à affecter au programme, qui serait déterminée selon le rendement de sa propre assiette fiscale. Beaucoup de pays réservent des éléments de leur assiette fiscale au financement du programme de péréquation. Le Canada pourrait choisir cette option et disposer d'une troisième avenue. L'enveloppe totale ne serait plus fonction des rendements provinciaux ni des résultats des négociations entre les premiers ministres comme le propose le nouveau cadre, qui est loin d'être limpide ou facile. La troisième avenue consisterait à fixer la valeur des affectations en tenant compte du critère de l'abordabilité pour le gouvernement fédéral — selon les revenus du fédéral ou certains éléments de ces revenus — et à affecter les fonds selon l'ancienne formule. À l'instar du groupe d'experts, du Conseil et du ministère des Finances, je crois qu'il faut déterminer les montants affectés selon la formule du régime fiscal représentatif. Je suis beaucoup plus ouvert pour ce qui est des méthodes utilisées pour fixer la valeur de l'enveloppe globale.
Le sénateur Murray : Pour 2005-2006, avec la norme des dix provinces et l'inclusion de la totalité des revenus, nous arrivons à un total de 15 milliards de dollars. C'est 5,7 milliards de plus qu'avec les 5 formules antérieures pour 2005- 2006.
M. Smart : Avec ou sans les paiements potentiels à l'Ontario?
Le sénateur Murray : Sans. C'est la hausse qui découle de la norme des dix provinces et du calcul de la totalité des revenus. Sans l'Ontario, donc.
M. Smart : C'est de cela dont il faudra se souvenir quand ces diverses options seront soupesées : 10 provinces — 100 p. 100. L'Ontario pourrait enfin redevenir admissible à la péréquation.
Le sénateur Murray : L'Ontario dépasse à peine la norme, qui est de 6,9.
M. Smart : Je tiens quand même à souligner qu'il serait plus difficile d'estimer le coût total du programme. Effectivement, même si une très légère hausse des revenus de l'Alberta fait augmenter la norme de 10 $, il faudrait verser cette somme à chacun des 12 millions de résidents de l'Ontario, ce qui représente 120 millions de dollars pour une hausse minime des prix de l'essence.
Le sénateur Murray : Nous entendrons d'autres témoins sur la question, dont M. O'Brien, la semaine prochaine.
Le président : Je suis désolé, mais nous avons épuisé le temps que nous avions aujourd'hui. Nous avons été ravis de vous accueillir, monsieur Smart. Merci d'avoir alimenté notre réflexion, notamment en ce qui a trait aux retombées concrètes des politiques sur l'analyse économique.
La séance est levée.