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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 4 - Témoignages du 24 octobre 2006


OTTAWA, le mardi 24 octobre 2006

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 30 afin d'étudier, pour en faire rapport, les questions relatives à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers niveaux de gouvernement du Canada.

Le sénateur Nancy Ruth (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente : La séance est ouverte. Nous examinons aujourd'hui l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les différents niveaux de gouvernement du Canada. C'est une question d'actualité qui attire de plus en plus l'attention du public. Nous allons faire fond sur les travaux que nous avons accomplis précédemment relativement à la formule de péréquation, mais notre étude portera également sur les questions générales qui sous-tendent cette notion d'équilibre. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de recevoir deux experts qui ont des connaissances approfondies dans ce domaine.

Al O'Brien est associé à l'Institut d'économie publique de l'Université de l'Alberta. Il a été président du Groupe d'experts chargé d'examiner la péréquation et la formule de financement des territoires établi par le ministre des Finances. Ce groupe d'experts a déposé son rapport en mai 2006.

Robert Gagné est professeur et directeur de l'Institution d'économie appliquée à l'École des hautes études commerciales, et il a été coprésident du Comité consultatif sur le déséquilibre fiscal mis sur pied par le Conseil de la fédération. Ce comité consultatif a déposé son rapport en mars 2006.

[Français]

Robert Gagné, professeur et directeur, Institut d'économie appliquée, École des hautes études commerciales, à titre personnel : Merci madame la vice-présidente. Je remercie les membres du comité de m'inviter à présenter les recommandations de notre rapport. Je prendrai quelques minutes pour commencer et donner quelques définitions, même si cela peut paraître ennuyeux. Ensuite je passerai en revue certaines des plus importantes recommandations de notre rapport.

Nous avions au départ un mandat assez large. Notre mandat nous a été confié par le Conseil de la fédération, qui nous a nommés il y a 18 mois, pour préparer un rapport qui traiterait à la fois des questions de déséquilibre fiscal vertical et de déséquilibre fiscal horizontal.

Bien que la définition du déséquilibre fiscal horizontal soit acceptée et bien comprise de la plupart des gens qui s'y intéressent, la question du déséquilibre fiscal vertical est beaucoup moins connue, beaucoup moins comprise et peut- être, aussi, sans doute, beaucoup moins acceptée.

Nous avons d'abord utilisé la définition « standard » du déséquilibre fiscal vertical, c'est ce que vous retrouvez dans ma présentation aux figures 5.1 et 5.2. Ce que l'on décrit, ce sont des prévisions fiscales du Conference Board pour les 20 prochaines années qui illustrent les équilibres budgétaires des provinces et territoires d'une part, et du gouvernement fédéral d'autre part.

À la figure 5.1 c'est l'ensemble des provinces et territoires ainsi que le gouvernement fédéral. Ce que l'on observe à terme, et même d'ici à une dizaine d'années, c'est que les provinces seront en situation de déficit budgétaire, que ce sera une situation récurrente, et que la situation s'aggravera au fil des ans alors que le gouvernement fédéral profitera de surplus budgétaires.

Évidemment, ces données dont obtenues en projetant la situation actuelle, c'est-à-dire les programmes des provinces et les programmes du gouvernement fédéral tels qu'ils sont actuellement, et la fiscalité des provinces et la fiscalité du gouvernement fédéral telles qu'on l'observe actuellement. C'est la tendance que l'on observera s'il n'y a pas de changements. On ne prétend pas ici que les gouvernements ne réagiront pas à cette situation. Ce graphique est là pour illustrer les pressions fiscales que subissent les provinces, alors que la pression est beaucoup moins grande sur le gouvernement fédéral.

Il y a deux semaines, je crois, le C.D. Howe a publié une étude confirmant ces résultats d'une autre manière, à cause du vieillissement de la population au Canada au cours des 20, 25 prochaines années. Quel est le lien? Le lien, c'est que le vieillissement de la population entraînera beaucoup de pressions sur les services publics et malheureusement ou heureusement, je l'ignore, ces services seront requis par une population vieillissante, notamment et surtout des services de santé, et relèvent de la responsabilité des provinces — du moins aux termes de la constitution actuelle. C'est la réalité ou la définition la plus standard.

Si on regarde la figure 5.2, c'est essentiellement le même calcul mais en retirant l'Alberta. Je vous avouerai que ce n'est pas tout à fait honnête de faire cela parce que l'Alberta fait partie du Canada; je suis professeur et lorsque je calcule la moyenne de ma classe, je n'enlève pas le ou les meilleurs étudiants ou inversement les pires étudiants pour faire monter la moyenne. Je la calcule pour l'ensemble du groupe.

Ici, on enlève l'Alberta parce que cela voile un peu la réalité mais on se rend compte de toute façon que la situation de déficit arrive plus rapidement pour les provinces; évidemment cela ne change rien pour le gouvernement fédéral. À la figure 5.1, la situation de déficit pour les provinces arrivait un peu plus tard.

À terme, si on regarde la dernière année prédite, 2024-2025, toutes les provinces, incluant l'Alberta, sont en déficit profond.

C'est l'approche standard, qui a été critiquée, mais avec laquelle je suis d'accord. Je pense que c'est une bonne façon de voir les choses. Il y en a qui ont de la difficulté à comprendre comment on peut projeter dans le temps la situation actuelle; et ils critiquent en disant que c'est faux, que les gouvernements ne changeront pas leur façon de voir les choses, de dépenser, de taxer l'économie. C'est vrai, il y aura une réforme, des changements, probablement que ces choses-là ne se produiront pas, c'est pour nous donner une idée, une appréciation des pressions fiscales des deux ordres de gouvernement.

L'autre manière de voir le déséquilibre fiscal vertical, c'est de regarder le comportement du gouvernement fédéral. C'est à mon avis encore plus révélateur. Quand on regarde le comportement du gouvernement fédéral en termes de dépense depuis une dizaine d'années, les nouvelles initiatives de dépense du gouvernement fédéral se sont produites dans des secteurs de juridiction provinciale comme la santé et l'éducation. Pourquoi c'est ainsi? À cause de la pression du public. Les Canadiens demandent davantage de services de santé et d'éducation. La pression est là et le gouvernement fédéral et les politiciens fédéraux — en bons politiciens qu'ils sont — réagissent à cette demande de leurs concitoyens et dépensent davantage dans ces secteurs. Encore là, malheureusement ou heureusement, je ne sais toujours pas, ce sont des responsabilités provinciales.

La demande du public est pour des services qui sont de la responsabilité de la province, pendant ce temps, les autres dépenses qui sont plus sous la responsabilité du gouvernement fédéral, ne subissent pas les mêmes pressions. On a vu apparaître des surplus budgétaires importants sur le plan fédéral et on voit la plupart des provinces lutter avec leur budget pour l'équilibrer à la fin de l'année. À mon avis, c'est un signe beaucoup plus révélateur d'un déséquilibre fiscal vertical. Le gouvernement fédéral se comporte, dans certains domaines, comme un gouvernement provincial.

On a besoin de rééquilibrer cela. Nous, avant de faire des propositions pour rééquilibrer la fiscalité entre le gouvernement fédéral et les provinces, on a cherché à comprendre comment cela fonctionnait. On s'est rendu compte qu'il y avait des squelettes dans le placard. Il y a des choses qui n'étaient pas si bien connues du public en général et même des experts.

À la figure 5.5, vous avez le système de transfert aux provinces. On parle ici du transfert en matière de santé et du système de transfert canadien en matière de programmes sociaux. C'est la représentation habituelle que vous allez retrouver dans la plupart des documents du ministère des Finances qui explique comment le système fonctionne. Tous les chiffres sont en dollars par personne et sont pour l'année 2005-2006. C'est déjà terminé et donc moins compromettant, mais l'idée demeure la même. Ce que vous avez en jaune dans le bas, c'est la valeur par habitant de chacune des provinces, la valeur des points d'impôt qui ont été transférés en 1977. C'est la valeur en 2005-2006, bien sûr. Vous voyez par exemple que ces points d'impôt représentent 623 $ par personne en Ontario; 410 $ au Manitoba, et cetera.

Ce que fait le gouvernement fédéral? D'abord il égalise la valeur de ces points d'impôt. Il utilise la norme des cinq provinces et cela donne la première ligne en pointillés et les petits carrés ou rectangles blancs. Les valeurs qui sont dans ces petits carrés ou rectangles blancs représentent le niveau de péréquation des points d'impôt, donc pour ramener la valeur des points d'impôt de chacune des provinces à une norme qui est la norme des cinq provinces.

Le sénateur Fox : Vous êtes à quelle page?

M. Gagné : C'est à la page 4, figure 5.5. Il y a une exception pour la Saskatchewan — que je ne vais pas expliquer parce qu'elle est très technique —, mais vous voyez que toutes les provinces sont ramenées à une norme — la ligne jaune en pointillés — de cinq provinces et donc, ce qui est en blanc vous donne la péréquation associée, qui est un programme intégré au plus large programme de péréquation, mais qui est là uniquement pour égaliser la valeur des points d'impôt de 1977. Les barres en rouge sont les transferts en espèces.

Le sénateur Murray : Nous n'avons pas la machine pour imprimer en couleur.

M. Gagné : Ah! Vous n'avez pas d'imprimante couleur au Sénat! D'accord. Les plus grandes barres sont la valeur des transferts en espèces qui ne sont pas égaux partout parce que deux provinces ont des valeurs de points d'impôt plus élevés, l'Alberta et l'Ontario. Vous avez un peu une explication de la réaction du premier ministre de l'Ontario, M. McGuinty, qui dit qu'il reçoit moins que les autres provinces en matière de transfert en espèces, il dit qu'il reçoit 851 $ par personne alors que dans les autres provinces, c'est 935 $. Pourquoi? Parce que la valeur de ces points d'impôt est plus élevée.

Au comité, on a regardé les choses différemment; c'est la prochaine figure. Il y a moyen de satisfaire M. McGuinty et d'autres personnes dans ce pays en présentant les chiffres différemment.

Ce qu'on peut dire, c'est que les points d'impôt peuvent être facilement égalisés à la province la plus prospère qui serait, dans ce cas-là, l'Alberta. Vous voyez à la figure 5.6, que la valeur des points d'impôt en 2005-2006 pour l'Alberta est de 667 $. On peut ramener toutes les provinces, incluant l'Ontario, à ce 667 $. Cela représenterait par exemple pour l'Ontario une péréquation associée de 44 $. De cette manière, tous sont maintenant à 807 $, donc reçoivent un montant par personne égal dans toutes les provinces.

Cette mesure, qui est notre recommandation 5.1, est tout à fait neutre en termes de dépense pour le gouvernement fédéral. Il s'agit juste de déplacer des transferts en espèces vers un programme de péréquation associé qu'on a appelé un programme de « supplemental equalization ». Ce sont les sommes que vous voyez là, donc 128 $ dans la plupart des provinces, 44 $ en Ontario, et cetera. Tous reçoivent 807 $ par personne au pays et il y a un ajustement des points d'impôt qui ramène la valeur des points d'impôt au niveau de l'Alberta pour toutes les provinces, incluant l'Ontario.

C'est notre première recommandation. Évidemment, cette mesure ne corrige pas le déséquilibre fiscal vertical ni les pressions sur les dépenses des provinces, mais cela clarifie les choses. Maintenant, on sait exactement de quoi on parle et on est en mesure, à partir de là, de modifier le système de manière équitable pour tous. Ce qui n'était pas possible auparavant. D'ailleurs, l'ajout de péréquation associée qui est proposé ici existe de toute façon. C'était simplement caché. Quand on déterre ces choses-là, on les retrouve et c'est là.

Le gouvernement fédéral, dans le fond, égalise actuellement les points d'impôt de deux manières; avec un programme de péréquation associé et avec des transferts par personne qui sont différents d'une province à l'autre. On considère que c'est un peu compliqué et que ce n'est pas très transparent. On suggère des transferts par personne égaux par province et un programme de péréquation associé qui va vraiment égaliser les points d'impôt et cela ne coûte pas un sou, dans l'état actuel des choses, au gouvernement fédéral.

C'est ce que vous avez à la figure 5.7. Vous voyez la valeur des points d'impôt qui sont les barres du bas et le programme de péréquation associée ou supplémentaire qui sont les barres du haut. La seule province qui n'en profiterait pas — et qui n'en profite pas, de toute façon, actuellement — c'est l'Alberta parce que c'est la province qui a la valeur des points d'impôt plus élevée à 667 $.

La deuxième recommandation consiste à ajuster le transfert en espèces qui est pour nous de 807 $ — et non pas à 935 $ — à 960 $, donc une augmentation de 153 $ par personne à la grandeur du pays.

Pourquoi 153 $? Cela permet de rétablir le transfert canadien en matière de programmes sociaux, corrigés pour l'inflation au niveau où ils étaient en 1994-1995. Donc cela rétablit tout juste la situation de 1994-1995.

Le coût de cette mesure, 153 $ par personne au pays multipliés par 32,5 millions de personne, c'est 4,9 milliards de dollars. Ce que vous avez au tableau 5.3, la deuxième partie, le dernier chiffre en bas à droite.

En matière de transfert de santé, on ne fait pas de recommandation spécifique. En fait, la recommandation 5.3 reconnaît ce qui a déjà été entendu, c'est-à-dire une augmentation de 6 p. 100 par année jusqu'en 2013 ou 2014. Cela correspond bien aux prévisions que nous avons commandées du Conference Board. Ils arrivent au même chiffre de 6 p. 100 pour les dépenses de santé au pays au cours des dix prochaines années.

Je regarderai maintenant du côté déséquilibre fiscal horizontal. Évidemment, quand on parle de déséquilibre fiscal horizontal, on parle de capacité fiscale différente d'une province à l'autre. Il y a un programme au Canada qui existe pour corriger ces différences de capacité fiscale des provinces, qui s'appelle le programme de péréquation.

On a une série de recommandations qui visent à corriger le programme actuel. La première recommandation est la recommandation 6.1 qui recommande d'utiliser un régime fiscal représentatif incluant toutes les sources de revenus à 100 p. 100.

Si on applique cette recommandation telle quelle, vous avez les résultats au tableau 6.2. On passerait d'un programme qui en 2005-2006 coûtait environ 9,3 milliards de dollars à un programme qui coûterait 15 milliards de dollars. Vous pouvez toujours objecter que 9,3 milliards de dollars ce n'est pas le coût du programme de péréquation en 2005-2006; non, 1,3 milliards de dollars correspond à de la péréquation associée qu'on a enlevé ici. Si vous ajoutez la péréquation associée, vous retrouvez le chiffre que la plupart des gens connaissent pour la taille globale du programme de péréquation.

Donc 15 milliards de dollars serait le coût d'un programme de péréquation très englobant, avec inclusion à 100 p. 100 de toutes les sources de revenu, avec une norme des dix provinces.

Au fil de nos consultations dans la plupart des provinces, beaucoup de provinces — je dirais même toutes les provinces — se sont montrés agacées par les fluctuations importantes des paiements de péréquation aux provinces. Nous n'avons pas vu cela comme étant un enjeu politique très important, nous pensons que techniquement cela peut se régler assez facilement. C'est donc la recommandation 6.2 qui est une recommandation plus technique. On propose ici un mécanisme pour lisser les paiements de péréquation.

Le sénateur Fox : Le chiffre que j'avais, pour votre présentation, c'était 13,07 milliards de dollars et je vois 15,120 ici. Est-ce qu'il y a 13,07 quelque part?

M. Gagné : Cela va venir plus tard. Je ne suis pas rendu là, mais je pense que c'est important de retenir le 15,12 milliards de dollars parce que c'est le coût global d'un programme de péréquation mur à mur.

Évidemment, toute la question de la capacité de paiement du gouvernement fédéral se présentera, mais ce n'est pas une recommandation de notre part.

Je reviens à la recommandation 6.2 qui est une recommandation technique visant à lisser les paiements de péréquation. Si on applique cette recommandation, on arrive au tableau 6.8, avec un budget de péréquation de 14 milliards pour 2005-2006. C'est moins que pour ce qui serait un programme très global, mais à long terme ces mesures sont tout à fait neutres; cela ne change rien en termes de paiements de péréquation sur une longue période, c'est uniquement un mécanisme de lissage.

Je passe à la recommandation 6.3 et je termine. On peut considérer que les contribuables canadiens n'ont pas les moyens. Où qu'ils habitent d'ailleurs, de consacrer collectivement 14,1 milliard de dollars au programme de péréquation, notre recommandation 6.3, qui est résumée par le tableau 6.9, propose un mécanisme pour réduire la taille du programme de péréquation.

Vous remarquez au tableau 6.8 que si on applique la norme des dix provinces avec une couverture des revenus à 100 p. 100, la capacité fiscale au Canada est de 6207 $ par personne; c'est la norme des dix provinces dans ce cas-là, pour un coût de 14 milliards de dollars.

Si collectivement nous ne sommes pas prêts à mettre autant d'argent pour la péréquation, nous offrons un mécanisme pour réduire ce programme. On pourrait appliquer un facteur de réduction de 1 p. 100 sur la norme. Donc, si on applique un facteur de réduction sur la norme, on passe de 6 207 $ à 6 145 $. Le coût du programme passe de 14 milliards de dollars à 13 milliards de dollars. L'idée avec cela, c'est de séparer la taille du programme de la manière dont on va distribuer ensuite les sommes dans les provinces.

Ce que nous disons dans notre rapport c'est qu'il ne faut pas créer de distorsion dans la manière de redistribuer les sommes entre les provinces. Évidemment, la taille du programme demeure la décision du gouvernement fédéral. C'est à eux de déterminer, et ils ont été élus pour cela, combien ils sont prêts à accorder à ce programme. Nous offrons ici une méthode, un mécanisme, pour satisfaire cet objectif. Les politiciens décident de l'enveloppe qu'ils sont prêts à consacrer à ce programme et ensuite, c'est une formule qui détermine comment on va distribuer cette enveloppe entre les provinces, de manière à faire le meilleur travail possible en matière d'égalisation des capacités fiscales.

Nous prônons une approche qui est très proche de la formule mais, en bout de ligne, nous disons que la taille du programme doit être déterminée par le Parlement. Ce n'est pas aux fonctionnaires ou à un ordinateur de déterminer la taille d'un programme, c'est au Parlement de la déterminer, et à partir de cela, la distribution doit faire en sorte qu'on égalise le mieux possible les capacités fiscales.

C'est l'essence de nos recommandations sur la péréquation. J'arrête ici pour laisser du temps à mon collègue.

[Traduction]

Al O'Brien, associé, Institut d'économie publique, Université de l'Alberta, à titre personnel : J'apprécie grandement cette occasion de présenter au comité les recommandations du Groupe d'experts sur la péréquation et la formule de financement des territoires. Un des premiers documents que notre groupe d'experts a consulté était, bien sûr, le rapport sur la péréquation émis par le comité en mars 2002, sous la présidence du sénateur Murray. Les recommandations du Groupe d'experts sur la péréquation et la formule de financement des territoires sont appuyées par chaque membre du Groupe. Cinq économistes qui arrivent à un consensus, ce n'est pas une mince affaire.

J'aimerais également dire que nous avons grandement apprécié la coopération, les idées et les interventions offertes généreusement par les provinces et les territoires, les universitaires et les experts dans tout le Canada. Dès le départ, nous avons constaté que la situation qui prévaut dans les territoires, ainsi que les approches en matière de péréquation et de formule de financement des territoires, sont fondamentalement différentes Par conséquent, nous avons préparé deux rapports distincts sur les programmes.

Je vais aborder en premier nos principales recommandations en matière de péréquation et passerai ensuite aux aspects les plus importants de notre rapport sur la formule de financement des territoires.

Les questions entourant le programme de péréquation sont de nature complexe, technique et, pour être franc, souvent mal comprises. Même si le gouvernement fédéral consacrera plus de 11,5 milliards de dollars à la péréquation au cours de l'exercice courant, très peu de Canadiens en dehors d'une poignée d'universitaire, de fonctionnaires des finances et de membres du présent comité comprennent vraiment le fonctionnement du programme. Tout au cours de ce processus, nous avons été surpris de constater le peu de connaissances dont disposent les citoyens sur la péréquation et l'objectif de celle-ci.

Permettez-moi de répéter certains éléments fondamentaux de ce programme. Premièrement, la péréquation consiste à évaluer la capacité fiscale des provinces à assurer des services publics. Seules les provinces ayant une moins grande capacité de payer des niveaux relativement comparables de services publics reçoivent des paiements de péréquation.

À notre avis, la péréquation reflète l'engagement du Canada vis-à-vis de l'équité et de l'autonomie provinciale. Elle vise à faire en sorte que peu importe qu'on demeure à Terre-Neuve-et-Labrador ou en Colombie-Britannique, on devrait avoir accès de façon relativement similaire à une bonne éducation, au système de soins, aux services sociaux et au système juridique. Les personnes vivant dans une partie du pays ne devraient pas payer des impôts excessivement élevés pour soutenir ces services, par rapport à leurs compatriotes vivant dans une autre région du pays.

L'accès à une bonne éducation, à une infrastructure adéquate et à de bons soins de santé profite à tous les Canadiens de chaque province et renforce notre fédération.

Comme vous le savez, aucun revenu d'un gouvernement provincial ne sert à soutenir la péréquation. Bien que certaines provinces disent que leurs recettes de l'exploitation des ressources sont « retenues », la seule conséquence de la péréquation est que les provinces reçoivent moins de paiement de péréquation si leurs propres recettes augmentent. C'est de cette façon que le programme est censé fonctionner. Il est également à noter que la péréquation, à elle seule, n'a pas pour but de régler la question plus générale du déséquilibre fiscal entre les provinces et le gouvernement fédéral.

Lors d'un témoignage récent fait devant le comité, le professeur Boadway a souligné de façon admirable l'interconnexion entre l'équité verticale et l'équité horizontale.

Au cours de nos consultations, nous avons entendu des points de vue très divergents sur la façon d'aborder certains éléments de la péréquation. Toutefois, à quelques exceptions près, il y avait un appui solide envers le programme. La plupart des Canadiens souhaitent que la péréquation soit améliorée, et non abandonnée.

Maintenant, en ce qui concerne nos recommandations, que faudrait-il pour que la péréquation revienne sur la bonne voie? C'est la question fondamentale à laquelle nous avons tenté de répondre.

Dans notre rapport, nous proposons un ensemble équilibré de recommandations qui donnent aux gouvernements une solution pratique pour que cet important programme national puisse être remis sur la bonne voie, maintenant et pour l'avenir. Nous recommandons le retour à une méthode faisant appel à une formule et fondée sur des règles, établie à partir de principes clairs.

Tout autour de ces consultations, le Groupe d'experts a entendu des préoccupations concernant ce que bon nombre considèrent comme une approche de plus en plus improvisée de la péréquation. Voilà pourquoi il conviendrait d'élaborer et d'utiliser une formule renouvelée de péréquation, afin de déterminer tant le coût total du programme que le montant que chaque province devrait recevoir. Cette façon de faire permet de tenir compte de changements touchant la capacité fiscale au fil du temps.

De plus, nous recommandons de passer à une norme qui inclut les 10 provinces. Il s'agit d'une approche fondée sur des principes qui reflète la véritable nature de la fédération du Canada et la diversité réelle entre les provinces.

Néanmoins, en accord avec le principe de l'équité, nous recommandons qu'aucune province bénéficiaire n'ait une capacité fiscale plus grande que la capacité fiscale de la province non bénéficiaire ayant la plus faible capacité fiscale. À l'heure actuelle, cela signifie que la capacité fiscale de l'Ontario devient le plafond pour toutes les provinces bénéficiaires.

Au lieu d'une approche du « tout ou rien » en matière de traitement des recettes tirées de l'exploitation des ressources, nos recommandations assurent un équilibre entre les différentes options et fournissent une solution raisonnable et pratique qui produit les meilleurs résultats du point de vue de ses répercussions globales sur les provinces.

Nous avons examiné la distinction entre les ressources renouvelables et les ressources non renouvelables et nous avons conclu que, pour les besoins de la péréquation, cette distinction n'est pas utile. Les gisements de pétrole et de gaz durent pour des générations et certaines soi-disant ressources renouvelables ont en fait une durée économique plus courte. Nous avons donc conclu que toutes les recettes tirées de l'exploitation des ressources devraient être traitées de la même façon.

Nous avons également évalué le principe selon lequel les provinces bénéficiaires devraient recevoir un certain solde fiscal en raison de la propriété des ressources, étant donné que les ressources sont aussi la plus grande source de disparité entre les provinces. Nous avons conclu que 50 p. 100 des recettes réelles tirées de l'exploitation des ressources d'une province bénéficiaire devraient faire partie du calcul de la capacité d'une province à générer des recettes.

Nous recommandons l'instauration d'une nouvelle mesure en matière d'impôts fonciers résidentiels, établie à partir de l'évaluation de la valeur marchande des résidences. De plus, après étude et consultation, nous avons conclu que les frais d'utilisation ne devraient pas être inclus dans la péréquation.

Selon les membres du Groupe d'experts, le programme de péréquation peut aussi être amélioré de façon substantielle en faisant appel à une méthode plus simple et plus transparente. Nous recommandons pour ce faire de regrouper en cinq assiettes les 33 assiettes fiscales actuellement utilisées pour mesurer la capacité fiscale des provinces.

Un élément majeur de cette simplification consisterait à utiliser les recettes réelles de l'exploitation des ressources en remplacement des 14 assiettes des ressources naturelles appliquées selon la formule antérieure. Mais nous recommandons également que 15 assiettes fiscales de ressources autres que naturelles, petites et souvent difficiles à mesurer, soient regroupées dans les assiettes fiscales personnelles, d'affaires, foncières et de consommation.

Je tiens à ce qu'il soit bien clair que nous ne proposons pas l'élimination de la péréquation en ce qui concerne ces recettes plus modestes, à l'exception des 50 p. 100 des frais d'utilisation qui sont actuellement compris. Nous proposons plutôt que la mesure de la capacité fiscale provinciale pour ces sources de recettes de moindre importance soit établie selon l'assiette fiscale la plus appropriée.

Nous proposons de plus que le processus de paiement actuel, qui comporte huit estimations de l'admissibilité s'étendant sur une période presque quatre ans, soit remplacé par une seule estimation, une seule décision en matière d'admissibilité, et un seul paiement, ces derniers étant établis à partir d'une moyenne sur trois ans et comportant un décalage de deux ans en ce qui concerne les données. Voilà une question sur laquelle les deux groupes sont parfaitement d'accord.

Selon le Groupe d'experts, la péréquation devrait continuer d'être axée sur la mesure de la capacité fiscale, plutôt que sur l'évaluation des besoins liés aux dépenses de chaque province. En outre, la péréquation devrait être le véhicule principal qu'on utilise pour équilibrer la capacité fiscale des provinces.

Enfin, un processus plus ouvert d'examen de la péréquation devrait être mis en place au moyen d'un rapport annuel au Parlement.

Dans l'ensemble, nous croyons que des recommandations donnent lieu à des résultats qui sont justes pour toutes les provinces. Nos recommandations auraient pour effet d'augmenter le coût d'ensemble du programme de près de 900 millions de dollars en 2007-2008, comparativement aux montants prévus selon le nouveau cadre. Nous sommes d'avis que ce coût est nécessaire afin de revenir à un ensemble transparent de règles établies sur des principes pour la détermination de l'admissibilité des provinces.

Au cours de la dernière année, le but et l'efficacité du programme ont été remis en question, souvent en raison des préoccupations des provinces concernant le déséquilibre fiscal, tant horizontal que vertical.

Nous craignons que les accords fiscaux au Canada ne soient réduits à des débats visant à déterminer qui devrait payer et qui devrait recevoir. Bien que nous comprenions les défis financiers que doivent relever bien des provinces et leurs préoccupations quant à leur capacité fiscale, en comparaison à celles du gouvernement fédéral, ce genre de fédéralisme bassement mercantile détruit tout sens d'une intention plus noble.

Ainsi nous recommandons une série de modifications visant à ramener la péréquation à une formule viable. Chaque modification que nous proposons a été examinée dans le contexte d'un ensemble d'éléments qui sont en équilibre avec certains principes fondamentaux.

La recommandation d'adopter une norme basée sur les 10 provinces est considérée comme opportune dans le contexte de l'inclusion de 50 p. 100 des recettes tirées de l'exploitation des ressources, et la proposition consistant à inclure 50 p. 100 de ces recettes est considéré comme opportune seulement dans le contexte d'un plafond fiscal visant à garantir que la péréquation n'ait pas pour résultat que la capacité totale d'une province bénéficiaire surpasse celle d'une province qui n'est pas bénéficiaire.

Les répercussions de ces recommandations sur la capacité fiscale provinciale par habitant, avant et après la péréquation, sont indiquées dans un graphique en annexe, qui est tiré de la page 8 de notre rapport sur la péréquation.

Je voudrais maintenant vous parler de la formule de financement des territoires. Tout comme pour la péréquation, le gouvernement fédéral verse certaines sommes d'argent aux trois territoires, sous forme de subvention, afin de combler l'écart entre le montant d'argent dont un territoire a besoin pour assurer des services publics relativement comparables, et le montant des recettes qu'il peut générer à partir des impôts et d'autres sources de financement.

Mais, contrairement à la péréquation, la formule de financement des territoires (FFT) comporte des mesures concernant autant les besoins liés aux dépenses que la capacité de générer des recettes. Lorsque cette formule a été créée au milieu des années 80, on considérait que le financement prévu répondait aux besoins en matière de dépenses des territoires. Malheureusement, nous sommes d'avis que ce n'est plus le cas. Au cours de notre examen qui a duré 14 mois, nous avons beaucoup appris sur le potentiel extraordinaire de développement économique du nord du Canada et nous avons le sentiment que les territoires sont à la veille d'un changement majeur, en particulier dans les Territoires du Nord-Ouest. Ce potentiel ne pourra être réalisé, cependant, sans un investissement considérable et sans que les gouvernements travaillent en collaboration avec les habitants du Nord.

Il est évident que la FFT est essentielle pour les territoires. Les trois territoires dépendent beaucoup de la FFT et d'autres transferts fédéraux pour assurer des services publics essentiels. En 2005-2006, la FFT représentait entre 64 et 81 p. 100 des recettes budgétaires des territoires. La préoccupation que nous avons le plus entendue est que le financement de la FFT est insuffisant, en raison des défis uniques auxquels sont confrontés les territoires et des coûts plus élevés que doivent supporter ces derniers pour assurer les services publics dans ces régions. Notre nouvelle approche nécessitera un financement supplémentaire pour la FFT, afin que les territoires puissent répondre à des besoins pressants dans des secteurs de programmes importants.

D'autre part, nous demandons avec insistance aux gouvernements territoriaux de continuer à chercher les façons les plus efficaces de fournir des services essentiels et de gérer les coûts croissants des services publics. Nous recommandons de remplacer l'ensemble prédéterminé existant par une approche utilisant une formule qui consisterait à accorder trois subventions (une pour chaque territoire) afin de combler les écarts et de les recalculer en fonction des niveaux de financement de 2005-2006. Il est important d'avoir un programme qui traduit les différences entre les trois territoires. Il ne peut s'agir dans ce contexte d'une solution uniformisée.

Nous recommandons d'autre part la simplification de la formule de la FFT et l'amélioration des incitatifs de développement économique par la création d'un bloc de revenus incluant les sept sources les plus importantes de revenus, et ce à un taux d'inclusion de 70 p. 100 les recettes tirées de l'exploitation des ressources devraient être exclues du calcul des recettes autonomes dans la formule de la FFT.

Dans les territoires, contrairement aux provinces, les pouvoirs relatifs à l'exploitation des ressources naturelles et la génération de recettes à partir de ces ressources sont détenus par le gouvernement fédéral. Les territoires devraient pouvoir bénéficier des avantages fiscaux nets qui résultent de l'exploitation des ressources. Cela donnerait en outre aux territoires la marge de manoeuvre nécessaire pour gérer les ententes actuelles et futures de transfert des responsabilités et de soutenir l'exploitation des ressources dans le Nord. La mise en oeuvre de ces recommandations relatives à la formule de financement des territoires coûterait 60 millions de dollars de plus en 2007-2008.

J'espère que le comité trouvera utiles nos rapports sur la péréquation et sur la formule de financement des territoires dans le cadre de ses délibérations sur l'équilibre fiscal entre les différents niveaux du gouvernement du Canada. Il s'agit de programmes canadiens importants qui, pendant trop longtemps, n'ont pas reçus l'attention qu'ils méritent. Nous croyons que nos rapports peuvent être le point de départ d'un exercice visant à remettre la péréquation sur la bonne voie et à établir une nouvelle approche en ce qui concerne la FFT, approche qui permettra au Nord de réaliser sa vision d'un avenir solide et autosuffisant. J'espère que ces brefs commentaires auront donné un aperçu général du raisonnement qui sous-tend nos recommandations, et nous serons très heureux d'en discuter avec vous ce matin.

Le sénateur Murray : J'ai une question à vous poser tout de suite, car j'aimerais que nos témoins se concentrent sur les territoires pour le moment. Nous avons un sénateur de chacun des territoires — c'est-à-dire, trois en tout. Ils ont beaucoup de responsabilités à assumer et un emploi du temps très chargé dans différents autres comités. Comme aucun d'entre eux n'est membre du comité, j'aimerais demander aux témoins de prendre quelques minutes pour nous parler des problèmes particuliers auxquels sont confrontés les territoires, à la fois collectivement et individuellement, et surtout le Nunavut.

Les négociations sur le transfert futur des responsabilités et le partage des recettes tirées des ressources durent depuis un bon moment, semble-t-il, mais n'aboutissent pas.

Je voudrais donc aborder l'importante question des négociations sur les revendications territoriales auxquelles participent les Autochtones des territoires concernés, et quand il y aura un deuxième tour, je pourrai vous parler des questions qui touchent les provinces. M. Gagné pourrait peut-être commencer, étant donné que le comité consultatif dont lui et moi sommes membres a défini un certain nombre de principes généraux, alors que le groupe de M. O'Brien a examiné en détail les mesures à prendre.

[Français]

M. Gagné : Concernant la question des Territoires, dans la situation actuelle avec le New framework avec lequel il n'y a pas de formule qui fonctionne, la règle de base, c'est l'arbitraire. Nous, évidemment, on n'a pas eu toutes les ressources et on n'a pas eu tout le temps pour se consacrer à fond à la question des Territoires. C'est une question excessivement compliquée. Ce qui nous a quand même frappés, c'est à quel point les Territoires ne soient pas propriétaires des ressources naturelles. Ce fait crée des problèmes.

Évidemment, on n'a pas de recommandations à l'effet qu'ils doivent être propriétaires des ressources naturelles, mais il est évident que cela crée des difficultés importantes au sein des Territoires. On a beaucoup entendu parler de l'expression « boom and bust. » C'est-à-dire qu'on ouvre une mine de diamants, on installe les pipelines, cela rapporte beaucoup d'argent rapidement. Quand l'argent n'est plus là, les coûts sociaux et les difficultés sociales demeurent et les coûts sont assumés par les Territoires.

Ce que l'on recommande est très proche que ce que le comité de M. O'Brian recommande, c'est-à-dire d'adopter une formule de financement des Territoires. Deuxième recommandation, accélérer ou intensifier des négociations pour conclure des accords de manière à ce que les Territoires puissent retenir une partie des revenus des ressources naturelles qui sont exploitées dans ces Territoires.

Évidemment ceci pour contrecarrer en partie l'impact ou l'effet boom and bust qu'ils doivent subir. On reconnaît aussi les problèmes particuliers du Nunavut, particulièrement en termes d'infrastructures. Au fil de nos consultations, on a constaté que les infrastructures au Nunavut sont pratiquement inexistantes et il y a un problème spécifique à régler qui demandera une entente particulière pour qu'il soit comme le reste du Canada dans le XXIe siècle, à la même vitesse.

C'est vraiment l'essentiel de nos recommandations pour ce qui est des Territoires. Al, probablement, pourra davantage parler des problèmes techniques.

[Traduction]

M. O'Brien : Merci de me donner l'occasion de commenter davantage nos recommandations relatives aux territoires. Il s'agit en réalité d'un programme fort différent. Le programme de péréquation vise à régler le problème des disparités horizontales qui existent entre les provinces en ce qui concerne leur capacité fiscale. Par contre, la formule de financement des territoires assure entre 60 et 80 p. 100 du financement nécessaire et vise à éliminer les inégalités horizontales entre les trois territoires. Par contre, cette dernière vise surtout le déséquilibre fiscal vertical, soit l'incapacité des territoires à réunir, à partir de leurs propres sources de recettes, la somme requise pour assurer des services publics dans le Nord.

Dans la seconde annexe de notre rapport, nous abordons la question des besoins liés aux dépenses et les problèmes particuliers auxquels sont confrontés les gouvernements du Nord pour ce qui est de la prestation des services publics. Nous avons conclu que le programme de financement de base des territoires devrait surtout viser à assurer en permanence la prestation de services publics dans les trois territoires, et qu'il ne conviendrait pas de s'en servir comme véhicule pour régler les difficultés de rattrapage unique qui se posent au Nunavut en ce qui concerne les besoins importants d'infrastructure. Nous recommandons par conséquent que le gouvernement fédéral étudie en profondeur ces besoins au Nunavut et la façon d'y répondre, et que l'on y réponde en dehors de la FFT. À notre avis, il ne convient pas d'adopter une formule à cette fin.

Il ne fait aucun doute que le Nunavut aura besoin de l'aide du gouvernement du Canada afin d'assurer certains de ces services. Le Nunavut n'a tout simplement pas la structure requise pour régler lui-même certaines de ces difficultés. Par conséquent, nous étions d'avis que ces difficultés particulières du Nunavut devraient recevoir une solution spécifique.

S'agissant de la FFT générale, on pourrait peut-être dire que nos recommandations globales visent surtout à simplifier et à clarifier la situation, tout en prévoyant de bonnes incitations. D'après certains, les seuls capables de comprendre les arcanes du programme de péréquation sont en quelque sorte les grands prêtres des ministères des Finances du Canada. Eh bien, c'est donc plus vrai pour la formule de financement des territoires. D'après nous, cette formule, même si elle était bien intentionnée, est devenue au fil des ans complètement ésotérique. Même après 14 mois, je ne suis pas sûr de pouvoir vous affirmer que je comprends tous les tenants et aboutissants du programme.

Par exemple, la base de dépenses brutes qui détermine le niveau des dépenses que la formule est censée financer, repose sur les données de 1982-1983 qui étaient pertinentes au moment de l'instauration du programme en 1985, soit il y a plus de 20 ans.

Ces dernières ont fait l'objet de certains changements et ajustements. Il en va de même pour les recettes. On applique des facteurs dits de rattrapage et de maintien. Je n'ai pas l'intention de vous gâcher l'appétit en vous expliquant en détail tous ces facteurs, mais selon nous, tous ces efforts — même si c'était bien intentionné, puisqu'il s'agissait de mesurer de façon plus précise la capacité fiscale des territoires, leurs besoins en matière de dépenses, et cetera — ont eu des effets pervers et créent à présent de graves désincitations et complications au sein du programme. Les responsables, à la fois dans les territoires et à Ottawa, doivent investir beaucoup de temps et d'efforts dans des activités qui sont essentiellement improductives.

Donc, nos recommandations ont pour objet de simplifier tout ce système. À notre avis, le nouveau cadre établit à l'automne de 2004 ne donne pas de bons résultats pour tous les territoires. Ce cadre établissait un montant fixe de financement qui devait croître à raison de 3,5 p. 100 par an pendant 10 ans, quel que soit le rythme du développement économique des territoires. Cela signifie donc que si la capacité fiscale des Territoires du Nord-Ouest, par exemple, devait considérablement augmenter, les crédits accordés à ces derniers diminueraient. Mais comme la somme d'argent à répartir est fixe, on pourrait soutenir qu'une telle situation se traduirait par des gains inespérés pour les deux autres territoires. Mais en réalité, ce serait plutôt le contraire. Pour nous, appliquer le principe du jeu à somme nulle pour rétablir le montant des subventions à accorder à ces deux territoires, qui pourraient connaître des taux de croissance économique fort différents au cours des 10 prochaines années, n'est pas approprié.

En conséquence, nous avons dit qu'il convient plutôt de reprendre le principe consistant à mesurer la capacité fiscale de chaque territoire afin de voir si elle est suffisante, et prévoir une subvention distincte pour chacun des territoires.

Notre deuxième grande recommandation portait sur la nécessité de faire disparaître la confusion entourant la base de dépenses, confusion qu'on pourrait sans doute dissiper en adoptant comme base du calcul les niveaux de dépenses en 2005-2006.

Enfin, nous avons dit qu'il faut simplifier le traitement des recettes. Plutôt que de baser les calculs sur les recettes territoriales réelles et d'essayer de déterminer si ces dernières suivent le rythme d'accroissement des taux d'imposition provinciaux, et cetera, il conviendrait à notre avis d'adopter un régime fiscal représentatif pour les territoires également, mais seulement en ce qui concerne les sept sources de recettes les plus fondamentales et les plus importantes. Là il faut mesurer la capacité, mais n'inclure que 70 p. 100 des recettes, de sorte qu'au fur et à mesure qu'augmentent les recettes territoriales, les territoires pourraient conserver 30 p. 100 des recettes fiscales nettes découlant de leur croissance économique pour répondre aux besoins futurs. Voilà pour le financement de base.

Nous avons également conclu que les recettes tirées des ressources devraient être exclues de la formule de financement des territoires. Le gouvernement du Canada accepte déjà le principe selon lequel l'exploitation des ressources naturelles devrait apporter des avantages fiscaux nets à la population des territoires. Ces détails devraient être réglés dans le cadre d'un accord de transfert des responsabilités et de partage des recettes. Pour nous, cette méthode est celle qui offre le plus de souplesse dans le cadre de la formule de financement des territoires, mais nous avons encouragé les gouvernements à s'attaquer dans les plus brefs délais à la question du transfert des responsabilités et du partage des ressources.

Comme l'a dit le sénateur, les discussions ont été retardées considérablement, et malheureusement le gouvernement du Canada a informé les gouvernements territoriaux qu'il ne pourra discuter du partage des recettes avant que notre groupe ait déposé son rapport, si bien que nous sommes devenus un autre obstacle au progrès dans ce domaine.

Nous espérons qu'ils jugeront bon de s'attaquer à cette question, et voilà essentiellement en quoi consistent nos recommandations sur le financement des territoires.

Le sénateur Eggleton : Messieurs, permettez-moi de vous remercier de votre présence. Vos rapports sont grandement appréciés et revêtent une importance critique dans le cadre de l'étude du comité.

Pour ma part, ce qui m'intéresse, c'est l'optique nationale, la création d'un système juste et équitable, le rétablissement d'un système axé sur une formule, etc. Le gouvernement provincial de l'Ontario, d'où je viens, a fait part de certaines préoccupations dont je voudrais discuter avec vous. En tant qu'ancien maire de Toronto qui comprend assez bien les problèmes de financement qui se posent au niveau local, je voudrais justement qu'on en discute.

S'agissant du contexte national, vos rapports ont été déposés à un mois d'intervalle. Je ne sais pas dans quelle mesure vous saviez ce que l'autre allait recommander. Bon nombre de vos recommandations sont semblables, mais il existe tout de même certaines différences. Avec votre permission, j'aimerais qu'on discute de ces différences.

Maintenant que vous avez pu prendre connaissance du rapport de l'un et de l'autre, pourriez-vous me dire si certaines recommandations de l'autre groupe vous semblent intéressantes? Pensez-vous qu'elles soient aussi appropriées que les vôtres?

Vous avez tous les deux proposé une norme axée sur les 10 provinces, mais M. Gagné a proposé que 100 p. 100 des ressources soient incluses, alors que M. O'Brien propose que ce soit seulement 50 p. 100 des ressources. Voilà un petit exemple.

Y a-t-il des éléments dans le rapport de l'autre groupe qui vous semblent intéressants et qui pourraient éventuellement donner d'aussi bons résultats?

M. O'Brien : Le comité de M. Gagné a été le premier à déposer son rapport, mais malheureusement, pas suffisamment longtemps à l'avance, par rapport au dépôt de notre rapport, pour que nous soyons en mesure de modifier le nôtre pour tenir compte des nombreux éléments utiles du rapport du Conseil de la fédération.

Il y a cependant une importante différence entre les recommandations des deux rapports en ce qui concerne la péréquation, et elle concerne la méthode à employer pour établir la norme. Si j'ai bien compris M. Gagné, le comité du Conseil de la fédération dit que même s'il recommande de retenir une norme basée sur les 10 provinces qui inclurait 100 p. 100 des revenus tirés des ressources, selon lui, cela n'aiderait aucunement à déterminer quelle somme globale est requise. En fait, si je ne m'abuse, il a simplement été recommandé que cette décision politique soit prise par le gouvernement du Canada. C'est ce dernier qui devrait avoir à décider ce qu'il peut se permettre, et ensuite, la formule recommandée permettrait de déterminer le montant précis que recevraient les provinces concernées.

Bien que notre rapport reconnaisse clairement qu'en dernière analyse, l'établissement du niveau approprié de capacité fiscale provinciale à prévoir afin de s'assurer que les services importants que les provinces doivent assurer dans leurs domaines de compétence relèvent du fédéral, nous estimons qu'il est tout de même souhaitable d'adopter une approche axée sur certains principes et une formule en bonne et due forme pour prendre cette décision et pour déterminer les montants à affecter.

Nous reconnaissions qu'un gouvernement peut craindre de ne pas pouvoir se permettre de verser les montants requis. Dans ce cas, nous recommandons, et il en va de même pour le rapport du Conseil, que les sommes à affecter soient réduites ou augmentées en fonction de la population des provinces concernées.

Il reste que, selon nous, si le gouvernement du Canada estime que la formule que nous avons recommandée pour déterminer le montant global à affecter aux provinces risque de donner un montant qu'il ne pourra pas se permettre de verser, à ce moment-là, le gouvernement du Canada devrait établir à l'avance un certain nombre de paramètres, afin que les Canadiens et les provinces puissent comprendre sur quoi repose le critère de la capacité financière. Nous abordons justement la question des paramètres éventuels à retenir, y compris la possibilité qu'il s'agisse d'un pourcentage des recettes fédérales.

Dans la mesure du possible, il faut en arriver à un programme qui soit clair et prévisible, robuste, et suffisamment stable pour que les Canadiens et les gouvernements concernés puissent bien comprendre comment il fonctionne et quelles sont les règles du jeu. Nous favorisons une approche s'appuyant sur une formule en bonne et due forme afin de tenir compte des deux éléments de l'équation. Effectivement, il s'agit là d'un domaine où nous avons peut-être adopté une approche quelque peu différente de celle du Conseil.

Mais je précise que l'analyse que renferme le rapport du Conseil sur tout le processus — c'est-à-dire la question des données, etc. — nous a semblé très intéressante. À mon avis, le comité et le gouvernement devraient l'examiner de près. Ce rapport présente de très bonnes idées à ce sujet.

Une autre question qui nous semblait intéressante ne faisait pas partie de notre mandat. Pour notre part, nous avons indiqué qu'il devrait y avoir un seul programme de péréquation. Nous avons également discuté de la péréquation dite associée.

Par contre, notre mandat ne prévoyait pas que nous fassions des recommandations sur le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, mais il faut tout de même préciser que notre approche est quand même assez différente de celle du Conseil. Selon le Conseil de la fédération, pour régler le problème de la péréquation dite associée, il faut établir un compte officiel d'ajustement des points d'impôt. Je pense bien que c'est la terminologie qu'on a utilisée. Donc, il s'agit d'officialiser la péréquation associée, et ce dans le cadre d'un programme de subvention spéciale ou de péréquation spéciale s'appliquant à l'ajustement des taux d'imposition fédéraux et provinciaux mis en place en 1977, soit il y a environ 30 ans.

Quant à nous, nous visons surtout un programme de péréquation qui soit suffisamment robuste pour n'inclure qu'une seule formule et s'appliquer à l'ensemble des provinces. Ce compte d'ajustement des points d'impôt créerait un deuxième palier de péréquation, ou une deuxième formule. Pour ce qui est de la grande majorité des recettes, c'est une norme nationale qui s'appliquera. Mais en ce qui concerne les 12 points pour l'impôt sur le revenu des particuliers et les quatre points pour l'impôt sur les sociétés — selon ce que prévoit l'accord de 1977 — ce serait une formule de 100 p. 100 qui s'appliquerait au niveau atteint en Alberta.

Je vous fais remarquer que, la semaine dernière, le professeur Smart a dit qu'en ce qui concerne le gouvernement du Canada et les provinces, si d'autres ajustements liés à l'impôt sont prévus pour les différents gouvernements au Canada, il recommanderait la même chose. Mais cette approche ne cadre pas avec les principes fondamentaux que nous avons définis dans notre rapport, même si on pourrait dire que cela fait partie d'une formule de péréquation.

Cependant, nous espérons qu'il sera possible de s'entendre sur une formule de péréquation qui soit jugée suffisamment robuste, bien conçue et juste à l'égard de tous les Canadiens pour s'appliquer à l'ensemble des recettes provinciales, et ce dans toutes les circonstances, et pour garantir un niveau raisonnable de comparabilité de la capacité fiscale et de la capacité d'assurer des services publics dans les provinces.

Encore une fois, c'est un domaine où les deux groupes ont préconisé des approches quelque peu différentes en ce qui concerne la péréquation associée.

[Français]

M. Gagné : Pour revenir à la question de départ, y a-t-il des choses dans le rapport de M. O'Brien qui, après coup, nous plaisent? Je pense que, dans ce rapport, il y a eu beaucoup de travail technique sur les assiettes fiscales et je pense que les propositions de regrouper certaines assiettes fiscales sont très intéressantes. Nous n'avons pas eu le temps et les ressources pour faire ce travail. On savait bien sûr qu'il y avait un autre groupe très compétent qui travaillait là-dessus. Je pense que, dans ce rapport, il y a des recommandations intéressantes parce que cela simplifie le programme.

Un des problèmes avec le programme de péréquation actuel, c'est qu'il est compliqué, les gens ne le comprennent pas et quand on ne comprend pas quelque chose, on ne peut pas y adhérer. Lorsqu'on simplifie un programme compliqué, on peut avoir une adhésion plus large. J'écoutais les réactions des politiciens des provinces suite à la publication des deux rapports et je demeure convaincu aujourd'hui que les gens ne comprennent pas comment fonctionne ce programme.

C'est un problème. Si vous avez un programme important dans lequel on met 10 ou 15 milliards de dollars et que les gens ne comprennent pas comment il fonctionne, comment voulez-vous avoir un appui large dans la population? Ce n'est pas possible.

La plus grande différence entre les deux rapports se rapporte au traitement des ressources naturelles. Le rapport O'Brien dit, dans le fond, que pour maintenir l'enveloppe du programme sous contrôle, on exclut une partie des revenus des provinces dans le calcul de la norme nationale. Les revenus qu'on exclut sont des revenus de ressources naturelles, qu'elles soient renouvelables ou non renouvelables. Nous ne voyions pas de raison pour choisir ces revenus en particulier; pourquoi exclure un type de revenus et pas un autre? La proposition de 50 p. 100, je pense que Al O'Brien est d'accord avec moi sur ce point, est un peu à mi-chemin entre ne rien inclure et tout englober.

Je ne vois pas pourquoi ces revenus seraient traités de manière différente des autres revenus. On pourrait toujours dire qu'il y a des coûts sociaux associés au développement des ressources naturelles. C'est vrai mais il y a aussi des coûts sociaux associés aux revenus du tabac, aux revenus des loteries, aux revenus des ventes d'alcool. Il y a des coûts sociaux importants associés à ces sources de revenus pour les provinces, on n'en parle pas. On pourrait dire que certaines de ces ressources naturelles sont non renouvelables donc ce sont des revenus temporaires. Encore là, je pense que le prix des ressources naturelles reflète le fait qu'elles sont non renouvelables. Le prix du baril de pétrole ne serait pas à 60 $ aujourd'hui si le pétrole était une ressource renouvelable.

Les provinces ont déjà une compensation par le fait qu'elles exploitent des ressources naturelles non renouvelables.

Il ne faut pas oublier que ce qui est calculé dans la formule de péréquation, on ne va pas saisir ces revenus dans les provinces, c'est juste aux fins du calcul que l'on considère ces revenus. Les revenus du pétrole, en Alberta, sont d'abord des royautés versées au gouvernement d'Alberta par les compagnies pétrolières, nettes de la plupart des coûts d'exploitation, mais ces royautés ne sont pas saisies. Elles ne s'en vont pas à Ottawa, elles ne sont qu'utilisées dans le calcul du programme de péréquation, programme financé à 100 p. 100 par le gouvernement fédéral. Ce n'est pas financé par le gouvernement de l'Ontario ou par celui de l'Alberta, mais financé par les Canadiens, où qu'ils habitent.

Je disais souvent lors de mes rencontres, que comme payeur de taxes au Québec, je contribue autant au programme de péréquation qu'un payeur de taxes en Ontario, en Alberta, en Colombie-Britannique ou au Nouveau-Brunswick.

C'est un programme fédéral financé par le gouvernement fédéral et je ne vois pas d'arguments solides pour exclure des revenus particuliers. À partir de là, si on tient compte du fait qu'en considérant trop de sources de revenus, le programme explose financièrement, on offre une approche différente pour le maintenir sous contrôle.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : Merci à vous deux pour ces réponses. Si vous permettez, je voudrais vous parler un peu de la position adoptée par le gouvernement de l'Ontario, qui a déclaré que rien ne permet de justifier d'autres accroissements de la péréquation pour le moment. Selon le gouvernement de M. McGuinty, l'ampleur du programme est suffisante à l'heure pour nous permettre de respecter nos obligations constitutionnelles et morales envers les Canadiens, qui doivent s'attendre à recevoir des niveaux comparables de services publics et être visés par des taux d'imposition comparables. Aucune province qui bénéficie de la péréquation ne devrait avoir une capacité fiscale globale plus importante qu'une province non bénéficiaire.

Le premier ministre McGuinty a aussi parlé de la nécessité de maintenir la force économique de l'Ontario, et il a insisté sur l'importance de cette province pour notre économie, pour notre secteur manufacturier, pour les exportations, et cetera. Il a également parlé des affectations en vertu du Transfert canadien en matière de santé et du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, qui nous amènent directement à cette question des points d'impôt. Selon lui, il faut les séparer, et par conséquent, il pourrait peut-être accepter cette recommandation; il est certain, du moins, que d'après lui, il faut absolument trouver un moyen de traiter ces éléments-là.

Il fait remarquer que depuis 2003-2004, la contribution de l'Ontario a augmenté de 30 p. 100. En ce qui concerne le déséquilibre vertical, il estime que, vu l'accroissement des coûts des soins de santé, de l'éducation, et des municipalités, il leur sera impossible de répondre aux besoins. Ainsi les provinces auront du mal à assumer leurs responsabilités car, comme vous nous n'avez signalé, monsieur Gagné, selon l'étude menée par le Conference Board du Canada, les recettes du gouvernement fédéral restent élevées alors que les gouvernements provinciaux se trouvent de plus en plus dans une situation déficitaire.

S'agissant des différentes formules que chacun de vos groupes ont recommandées, il estime que si l'on opte pour une formule basée sur les 10 provinces, cela coûtera davantage; de même, si l'on tient compte de 100 p. 100 des recettes tirées de l'exploitation des ressources, cela coûtera davantage, etc. En fin de compte, l'élément critique à son avis, c'est que rien ne permet de conclure que d'autres augmentations de la péréquation sont nécessaires à présent.

Que répondez-vous aux arguments de M. McGuinty? Il va falloir que j'en parle avec lui à un moment donné, et par conséquent, j'aimerais bien connaître vos opinions. Il sait que je suis sénateur de l'Ontario.

[Français]

M. Gagné : Nous en avons entendu beaucoup parler. C'est un problème différent, c'est un problème complètement politique. Les recommandations de M. O'Brien et nos recommandations font en sorte qu'on a un programme de péréquation efficace, qui fonctionne. C'est M. McGuinty, alors président du Conseil de la fédération, qui m'a nommé comme coprésident de ce comité, et jamais, dans les conversations ou dans le mandat, il n'a été question de la taille du programme de péréquation. S'il m'avait nommé en disant au départ que toutes mes recommandations devraient être faites à coût nul pour le programme de péréquation, je n'aurais pas accepté le mandat. Ce n'était pas sur la table, c'est sorti plus tard.

C'est important de le souligner encore, encore et encore : le programme de péréquation n'est pas financé par le gouvernement de l'Ontario ou le gouvernement de l'Alberta, mais bien par les Canadiens, où qu'ils habitent, en fonction de leur richesse personnelle, et par les entreprises canadiennes en fonction de leurs revenus et profits. À ce compte, l'Ontario n'est pas traité différemment des autres provinces. Elle est traitée exactement de la même manière.

Là où il y a une différence, c'est au niveau des transferts en espèces. On a proposé une mesure pour corriger cette différence, pour ramener tous les habitants au pays, où qu'ils habitent, sur une même base par personne.

Je ne vois pas de problème à ce que vous disiez cela à M. McGuinty. La Constitution est assez claire : il y a des programmes provinciaux qui sont gérés ou administrés par des politiciens provinciaux, et il y a des programmes fédéraux qui sont administrés par des politiciens fédéraux, puis chacun prend ses décisions et il vivra avec les conséquences aux prochaines élections.

C'est pour cette raison que l'on revient sur la taille du programme de péréquation en disant que c'est une décision du gouvernement fédéral et qu'ils vivront avec les conséquences plus tard. Cependant, il ne faut pas oublier que le Canada est une fédération très décentralisée et certains remettent même en cause l'existence du programme de péréquation au Canada. Au Canada, on a un programme de péréquation explicite parce qu'on est une fédération décentralisée. On voit dans le budget qu'il y a une ligne pour le programme de péréquation et cela fait paniquer.

Le sénateur Fox : Il y a des conférences fédérales-provinciales.

M. Gagné : Oui, mais on le voit. Si on compare avec la France, par exemple, et que l'on prend la région de Paris et celle de Marseille, deux grosses villes en France : Paris est une ville riche et Marseille est plus pauvre. Pourtant, les Parisiens et les Marseillais sont touchés par le même système fiscal et profitent des mêmes services publics.

Est-ce qu'il y a de la péréquation en France? Oui, il y a beaucoup de péréquation en France. On ne la voit pas, donc on ne la contredit pas, mais cela se fait. Pourquoi? Parce que la France est un État unitaire. Il n'y a donc pas un programme explicite de péréquation. Il y a un programme implicite, mais il y en a beaucoup.

Est-ce qu'il y a de la péréquation aux États-Unis? Il y a énormément de péréquation aux États-Unis.

Je me rappelle avoir vu un tableau, l'an passé, du gouvernement fédéral qui montrait l'équivalent de l'écart de 23 milliards ou 18 milliards de M. McGuinty en Ontario. Si vous allez voir aux États-Unis, le 23 ou 18 milliards, ce sont des miettes par rapport à l'écart observé aux États-Unis. Est-ce qu'il y a de la péréquation aux Etats-Unis? Oui. Les autoroutes aux États-Unis sont de compétences fédérales. Il y a beaucoup de péréquation cachée derrière les dépenses de défense qu'ils font dans tous les États. Est-ce qu'il y a un système explicite de péréquation aux Etats-Unis? Non. Est- ce qu'il y a de l'égalisation entre les États américains par le gouvernement fédéral? Oui, il y en a beaucoup.

Ici, on est une fédération décentralisée et il faut vivre avec un système de péréquation explicite. Autrement, qu'est-ce qui va tenir le pays ensemble?

Le sénateur Fox : Je voudrais revenir sur la question de la péréquation et faire observer que c'est devenu un des principes fondamentaux de la Fédération canadienne. Les principes sont inscrits dans la Constitution. Dans ce sens, cela me surprend toujours que l'on s'objecte à avoir une discussion sur le déséquilibre fiscal. Une notion de péréquation, c'est fluide dans le temps. Je présume que c'est une période de temps où la capacité financière des provinces change et celle du fédéral change également. On ne devrait donc pas être surpris d'avoir des discussions à ce sujet. Sauf que l'on devrait ajuster la formule occasionnellement au cours de notre histoire. C'est mon premier point.

Mon deuxième point : vous avez mentionné tout à l'heure que ce ne sont pas les provinces qui paient la péréquation, mais plutôt les citoyens du Canada.

À ce sujet, j'aimerais préciser que ce ne sont pas simplement les citoyens de l'Ontario qui la paient, les citoyens du Québec ou de l'Atlantique qui ont des revenus élevés paient des impôts également. Et je présume que c'est sur cette base de regroupement d'impôt général au niveau fédéral que c'est fait. Je crois donc que tous les citoyens du Canada qui ont des revenus taxables significatifs sont appelés à participer à la péréquation. J'aimerais que vous me confirmiez ou m'infirmiez cela.

Troisième question : est-ce que les deux comités de travail avaient des mandats ou des directives différentes? Autrement dit, est-ce que, de votre côté, vous aviez une perspective provinciale et que M. O'Brien, de son côté, il avait une perspective fédérale? Est-ce que vous étiez totalement indépendants dans votre analyse?

Autre question : est-ce que le système que vous proposez en ce moment est suffisamment flexible de part et d'autre pour prendre en considération les fluctuations économiques au cours des années?

Dernière question : pourquoi Robert Gagné et Robert Lacroix ne sont-ils pas capables de s'entendre sur cette question?

[Traduction]

Le sénateur Rompkey : Premièrement, M. O'Brien a dit que toute recette tirée de l'exploitation des ressources devrait être traitée de la même façon. Eh bien, la rivière Churchill au Labrador constitue une ressource naturelle permettant de produire de l'électricité et il sera possible de profiter de cette ressource pendant longtemps, selon la situation en ce qui concerne le réchauffement planétaire et l'environnement. Cependant, le pétrole situé au large de nos côtes appartient essentiellement au gouvernement fédéral, et c'est ce dernier qui bénéficie de la majorité des recettes découlant de l'exploitation de cette ressource. Or il s'agit d'une ressource limitée. Nous n'avons qu'un créneau limité si nous souhaitons réaliser une certain autonomie économique en tirant des recettes de l'exploitation de cette ressource. Je me demande donc pourquoi toutes les recettes tirées de l'exploitation des ressources devraient être traitées de façon identique alors que ces ressources peuvent donner lieu à des avantages économiques différents. Qu'en pensez-vous?

Deuxièmement, à la page 4 du rapport de M. O'Brien, on dit que la péréquation devrait continuer d'avoir comme principal objectif de mesurer la capacité fiscale, plutôt que d'évaluer les besoins liés aux dépenses, même si je constate qu'il était d'accord pour dire que cela devrait se faire dans les territoires du Nord. Pourquoi ne pas tenir compte de la dette? Par exemple, nous avons la dette par habitant la plus élevée du Canada. Nous avons également le revenu par habitant le plus faible et, encore une fois, je reviens sur la possibilité de faire progresser notre économie en exploitant les ressources naturelles non renouvelables.

Si vous allez fournir une infrastructure, vous devez tenir compte de votre dette. Si je demande un prêt à la banque, la première chose qu'on va me demander, c'est mon niveau d'endettement. Il me semble que c'est une considération valable, surtout quand les provinces doivent fournir une infrastructure adéquate. C'est ce que nous avons été obligés de faire. Depuis 50 ans, nous avons emprunté de l'argent en vue de nous rattraper, alors que nous ne sommes guère plus avancés à l'heure actuelle, comparativement à d'autres régions du Canada, que nous l'étions il y a 50 ans.

Mon troisième point concerne l'effet du plafond, dont il est question dans le rapport de M. O'Brien, sur Terre- Neuve-et-Labrador, car il me semble que nous allons finir par perdre de l'argent si l'on applique cette formule.

Mon quatrième point concerne les populations du Nord. Je suis content que le sénateur Murray en ait parlé. Il a justement évoqué la nécessité d'examiner leur situation à part, en raison des revendications territoriales, de leurs besoins en matière d'infrastructure et de leur situation géographique. Mais je vous fais remarquer que la distance entre la partie la plus au sud du Nunavut et la partie la plus au nord du Labrador est de neuf milles. Nous avons tous les deux des populations autochtones. Nous avons tous les deux des ressources naturelles. Et nous avons tous les deux une infrastructure insuffisante.

Je me demande si vous en avez tenu compte. Vous semblez avoir surtout mis l'accent sur les territoires, et je suis d'accord. Il faut que les territoires bénéficient d'une considération spéciale. Il est vrai que les populations ayant les mêmes besoins aient les mêmes possibilités que d'autres territoires du Nord.

Le sénateur Murray : Monsieur O'Brien, j'aimerais revenir sur la question de l'inclusion des recettes tirées de l'exploitation des ressources. Votre groupe a recommandé de calculer les recettes réelles, plutôt que d'utiliser un régime fiscal représentatif, c'est-à-dire un taux d'imposition moyen national qu'on utilise pour toutes les autres assiettes fiscales. Ensuite vous recommandez de n'inclure que 50 p. 100 des recettes tirées des ressources pour les besoins de la péréquation.

Que répondez-vous donc à l'argument qu'on a fait valoir devant nous, y compris par le professeur Boadway, à savoir que votre recommandation aura pour résultat de réduire de façon disproportionnée le montant auquel auront droit les provinces ayant moins de ressources naturelles et d'avantager les provinces bénéficiaires dont les recettes tirées de l'exploitation des ressources dépassent la moyenne? Et que dites-vous à l'argument du professeur Smart, selon lequel l'effet de votre recommandation sera de réduire d'environ 20 p. 100 les impôts sur les ressources naturelles, son calcul étant basé sur la période de 1973 à 1981, pendant laquelle on n'incluait qu'une partie des recettes tirées des ressources naturelles, soit 33 p. 100 au départ et ensuite 50 p. 100?

S'agissant de votre proposition selon laquelle il ne devrait y avoir qu'un seul programme de péréquation, je suppose que vous suggérez que les affectations au titre des programmes sociaux soient les mêmes, c'est-à-dire toujours en fonction de la population des provinces. Écartez-vous donc la possibilité de points d'impôt ou êtes-vous en faveur de l'octroi de points d'impôt?

[Français]

M. Gagné, pourriez-vous nous expliquer pourquoi le Québec semble avoir changé d'avis sur cette question de transfert des points d'impôt? Traditionnellement, le Québec a toujours préféré que les transferts soient faits par points d'impôt plutôt qu'en espèce. Pourquoi est-ce qu'ils ont changé d'avis? Est-ce que c'est une question de principe ou est- ce qu'il s'agit de pur pragmatisme de leur part?

[Traduction]

M. O'Brien : D'abord, je voudrais commenter la préoccupation soulevée par l'Ontario et la Colombie-Britannique concernant les données permettant de prouver qu'il nous faut 11 milliards de dollars, plutôt que 12 milliards ou 11,5 milliards afin d'assurer des services relativement comparables dans les provinces bénéficiaires. Et cela fait partie intégrante de la question de savoir si le programme devrait ou non chercher à mesurer les besoins budgétaires. À notre avis, ce n'est pas souhaitable, même si c'était possible, dans le contexte du système de fédéralisme canadien.

Si le gouvernement du Canada décide de fixer le niveau des paiements de péréquation en fonction de son évaluation de la qualité et de la comparabilité des services publics provinciaux, cela suppose à notre avis un degré de centralisation au Canada qui n'est pas intéressant. Pour nous, le fait qu'il s'agit d'une subvention inconditionnelle est un élément clé, et par conséquent, le critère à appliquer pour déterminer le montant de la péréquation devrait être l'écart entre les provinces en ce qui concerne leur capacité fiscale; voilà tout. C'est pour cette raison qu'à notre avis, la norme devrait s'appuyer sur une formule équilibrée.

Nous avons proposé une formule qui prévoit la participation de 10 provinces, l'inclusion de 50 p. 100 des recettes tirées des ressources et un plafond, afin de s'assurer qu'aucune province bénéficiaire ne possède une capacité fiscale plus importante qu'une province non bénéficiaire, ce qui nous semble non seulement juste mais tout à fait logique.

Pour répondre aux questions du sénateur Fox, d'abord, il s'agit d'un programme fédéral qui est financé par les impôts fédéraux. Le Trésor de l'Alberta ne fait pas de chèques au Trésor du Nouveau-Brunswick.

La différence entre les mandats des deux groupes est importante. Notre groupe était chargé uniquement d'examiner la péréquation et la formule de financement des territoires — soit les disparités fiscales dites horizontales. On ne nous a pas demandé de déterminer s'il existe des écarts entre les recettes et les dépenses du fédéral, par opposition à celles des gouvernements provinciaux, qui auraient pour résultat de créer un déséquilibre vertical. C'est une différence bien importante.

Vous m'avez demandé également si notre proposition est suffisamment souple pour permettre de tenir compte de fluctuations économiques, etc. C'est certainement ce que nous espérons, et nous sommes convaincus qu'elle possède cette flexibilité. L'une des annexes de notre rapport porte sur la sensibilité de notre programme et de nos recommandations aux fluctuations des prix du pétrole et du gaz. Nous n'avons pas examiné des milliers de scénarios, mais nous avons tout de même tenu compte d'une situation de prix élevé et d'une situation de prix modeste.

De même, nous fournissons des données pour trois périodes, soit 2005-2006, 2006-2007 et 2007-2008, en indiquant les résultats de l'application de notre formule en ce qui concerne les paiements de péréquation totaux et la répartition de ces paiements. Selon nous, ces données indiquent que notre approche serait assez robuste et viable au cours de tous les différents cycles économiques que nous connaissons au Canada.

Le sénateur Rompkey a posé une question au sujet du traitement égal des ressources non renouvelables et renouvelables. Dans notre esprit, l'élément le plus important dans ce contexte est celui de la propriété : les provinces sont propriétaires de leurs ressources, qu'elles soient renouvelables ou non renouvelables. Dans le cas du pétrole exploité en mer, la province ne possède pas la ressource, mais le gouvernement de Terre-Neuve, par suite d'un accord entre les gouvernements, en est le propriétaire bénéficiaire.

Le sénateur Rompkey : Sachez que 80 cents de chaque dollar sont versés au gouvernement fédéral en attendant la conclusion d'un accord.

M. O'Brien : Pour nous, la question importante dans l'ensemble du Canada était celle de la propriété. Nous nous sommes dit que les propriétaires de la ressource devraient recevoir un avantage fiscal net de cette ressource. Les discussions tenues au Canada au sujet des ressources laissent supposer que cet élément est primordial.

En même temps, les définitions traditionnelles des ressources renouvelables et non renouvelables sont maintenant remises en question. Lorsque j'étais jeune étudiant des sciences économiques, on nous apprenait que les ressources ichtyques constituaient une ressource renouvelable. L'eau est une ressource renouvelable. Les ressources hydriques sont maintenant très restreintes, et les économistes qui sont spécialistes des ressources en eau en Alberta nous disent que la rivière Athabasca sera à sec avant les sables bitumineux. Mais cela ne nous a pas semblé significatif, du moins pas dans le contexte de la péréquation.

Vous avez également demandé pourquoi nous avons retenu la notion des besoins budgétaires sans tenir compte des dettes, et il est vrai que nous avons beaucoup appris sur la situation financière de Terre-Neuve. Comme j'ai été fonctionnaire dans le domaine fiscal pendant 35 ans en Alberta, je peux dire que les difficultés budgétaires que présente le problème d'endettement de Terre-Neuve sont de taille; il n'y a pas de doute à ce sujet. D'ailleurs, elles sont aggravées par les tendances démographiques actuelles dans cette province. Terre-Neuve et l'Alberta ont adopté la même approche éclairée en ce qui concerne le financement des prestations de retraite des enseignants, par exemple, qui consistait à faire payer ces prestations par les futurs enseignants et contribuables. Voilà qui crée de grandes difficultés en Alberta, car nous avons à présent plus d'enseignants qu'il y a 20 ans et l'effectif dans le domaine de l'enseignement augmente à raison de 1 p. 100 par an. Si je ne m'abuse, il y a la moitié moins d'enseignants actifs à Terre-Neuve à l'heure actuelle, par rapport à il y a 20 ou 30 ans. Il s'agit donc d'une situation problématique.

À notre avis, si le gouvernement du Canada souhaite travailler de pair avec celui de Terre-Neuve afin de trouver des solutions face à ces problèmes démographiques, il n'est pas souhaitable qu'il ait recours à la formule de péréquation pour le faire, étant donné le risque moral évident que cela suppose. Si le gouvernement du Canada voulait tenir compte de cette situation et la considérer comme un besoin budgétaire, il serait obligé d'imposer des restrictions et de réglementer la politique fiscale de cette province, alors que selon nous, ce serait tout à fait contraire au principe de base du programme.

La vice-présidente : Je tiens à ce que vous répondiez à la question du sénateur Murray au sujet des ressources.

M. O'Brien : Je devrais préciser à ce sujet que nous avons effectivement tenu compte des problèmes que connaissent les populations des provinces du Nord qui sont isolées, en nous demandant si ces dernières ont des besoins fiscaux particuliers et s'il convient ou non de leur accorder le même traitement qu'aux territoires. Mais des problèmes de cette nature existent dans presque toutes les provinces, à l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard peut-être. Il existe des populations nordiques isolées et des populations autochtones, etc. qui ont des besoins spéciaux, et nous avons donc recommandé la création d'un programme bien conçu permettant d'établir des comparaisons raisonnables de la capacité fiscale pour y répondre.

Sénateur Murray, vous avez soulevé vos préoccupations en ce qui concerne les recettes tirées de l'exploitation des ressources en disant que la formule est injuste envers les provinces possédant peu de ressources naturelles, comme l'Île- du-Prince-Édouard ou le Nouveau-Brunswick. C'est là qu'est intervenue la question de l'équilibre essentiel à établir entre deux principes concurrents, d'abord, que les provinces sont propriétaires des ressources naturelles et que leurs résidents devraient recevoir un avantage fiscal net de ces ressources, et deuxièmement, que les recettes tirées des ressources représentent un élément important de la capacité fiscale des provinces du Canada et qu'elles sont distribuées différemment d'une région à l'autre — ce dont il faut tenir compte en cherchant à réaliser des niveaux relativement comparables de services publics et d'impôts.

À notre avis, l'équilibre approprié est atteint lorsqu'on inclut 50 p. 100 des recettes, et même si une province comme le Nouveau-Brunswick n'a pas la même capacité de générer des recettes de l'exploitation de ses ressources que la province de l'Alberta, du point de vue des mesures d'incitation et de la reconnaissance fondamentale du droit de propriété, il est tout aussi important pour le Nouveau-Brunswick que pour une autre province de s'assurer que le programme de péréquation ne crée aucune désincitation au développement. Il y a du pétrole au Nouveau-Brunswick à l'heure actuelle, n'est-ce pas? Il y a un puits qui sera bientôt en production, et il y a également les ressources forestières, et on sait que certaines dépenses sont nécessaires pour exploiter ces ressources forestières. Par conséquent dans toutes les régions du pays, il est tout aussi important d'atteindre l'équilibre approprié relativement au traitement des ressources tirées de l'exploitation des ressources.

Il faudrait que j'étudie l'argument du professeur Smart, selon lequel cela aura pour résultat de réduire les taux et que je puisse examiner les preuves empiriques qu'il a fournies. J'ai pris connaissance de la communication du professeur Smart à ce sujet l'été dernier. Pour moi, cela est contre-intuitif. Si je comprends bien l'argument du professeur Smart, étant donné que les provinces peuvent établir des taux très élevés, ce qui découragera les projets de développement, et être protégées par une formule de péréquation qui comprend 100 p. 100 des recettes si elles sont provinces bénéficiaires, la distorsion qui en découle — qu'il qualifie de subvention pour des impôts élevés — sera éliminée si l'on encourage les provinces bénéficiaires à exploiter leurs propres ressources. Personnellement, je ne comprends pas pourquoi cela ne serait pas souhaitable. Je n'ai donc pas bien suivi l'argument du professeur Smart. Il semble nous dire que l'inclusion de 100 p. 100 des recettes entraîne une distorsion, mais qu'il ne serait pas souhaitable d'éliminer cette dernière car, selon lui, il est souhaitable d'imposer l'exploitation des ressources à un taux plus élevé. Or c'est une décision que les gouvernements provinciaux ont à prendre et pour laquelle ils sont comptables envers leurs électeurs; donc, selon nous, cette décision ne devrait aucunement être influencée par la formule de péréquation.

[Français]

M. Gagné : Je répondrai à la question du sénateur Fox au sujet de l'indépendance de notre comité. En annexe 1, on voit notre mandat, qui était beaucoup plus large que celui du panel fédéral. Par ailleurs, je puis vous dire qu'on n'avait pas un mais 13 clients à satisfaire. Je crois qu'il est plus facile de satisfaire 13 clients, car il y a moins de contrôle du client.

Qui finance la péréquation? M. O'Brien l'a bien dit, et je l'avais dit auparavant. Vous et votre voisin, si vous touchez environ le même salaire, vous contribuez exactement le même montant au programme de péréquation fédéral — il en va de même pour les entreprises. Il n'existe aucune discrimination géographique, contrairement à ce que les médias laissent entendre.

Pourquoi Robert Lacroix et Robert Gagné ne peuvent pas s'entendre? Nous pouvons nous entendre, nous voyons les choses différemment quant à l'exclusion des ressources naturelles.

Je pense que — et la discussion avec le sénateur Rompkey l'a fait ressortir — quand on commence à exclure des sources de revenu du calcul de la péréquation, cela crée d'autres problèmes. On n'en a pas parlé nommément, mais cela fait en sorte que la Saskatchewan se retrouve avec une capacité fiscale plus élevée que l'Ontario. Il faut alors prévoir un deuxième « pansement » correctif dans la formule, qui est que personne ne peut être au-dessus de l'Ontario, parce que l'Ontario ne reçoit pas de péréquation. Pourquoi la Saskatchewan est-elle au-dessus de l'Ontario? Non pas parce qu'elle est plus riche que l'Ontario, mais parce qu'on exclurait une partie de ses revenus de ressources pétrolières et cela ferait donc en sorte qu'elle semblerait plus riche que l'Ontario.

En ce qui concerne les points d'impôt, pourquoi Québec semble maintenant tourner le dos aux points d'impôt? Je pense tout simplement qu'ils craignent que ces points d'impôt ne soient pas égalisés, donc il n'y aurait pas de péréquation associée à ces points d'impôts, donc ils vont recevoir des points d'impôt qui ont une moins grande valeur que les points d'impôt reçu de l'Ontario, de l'Alberta ou de la Colombie-Britannique.

D'ailleurs, dans toutes les provinces on nous a dit la même chose, on est très ouvert aux points d'impôts dans la mesure où ils sont égalisés. S'ils le ne sont pas, on ne veut pas en entendre parler parce qu'on aurait l'impression de se faire un peu avoir au change.

[Traduction]

La vice-présidente : Avez-vous quelque chose à dire au sujet des municipalités?

M. Gagné : Oui, j'aurais quelques observations à faire au sujet des municipalités, et cette question ne faisait pas partie de notre mandat.

La vice-présidente : Parlez-nous-en quand même.

M. O'Brien : S'agissant des disparités fiscales entre les municipalités et la suffisance du financement dont bénéficient actuellement les municipalités, à notre avis, la formule que nous avons proposée englobe la plupart des recettes servant à financer les services municipaux. Elle comprend les recettes des gouvernements locaux, de même que les recettes provinciales. Encore une fois, la mesure de la capacité de générer des impôts fonciers a posé gravement problème jusqu'à présent. Nous avions une formule de mesure des impôts fonciers relativement ésotérique par le passé, ces derniers ayant constitué un substitut hasardeux pour la capacité de prélever des impôts fonciers. Nous recommandons que l'on adopte plutôt comme base du calcul l'évaluation de la valeur marchande des résidences, afin que le calcul soit plus robuste et plus pertinent par rapport à l'objectif recherché.

Mais si vous avez un programme robuste permettant d'égaliser les recettes locales et provinciales en fonction d'une norme nationale raisonnable, il n'appartient plus au gouvernement du Canada de régler de tels problèmes pour la province. Cette responsabilité incombe à ce moment-là à la province, et c'est la province qui est comptable envers ses électeurs de la décision qu'elle prend. Ottawa aura déjà fait son travail en s'assurant que la province et les municipalités possèdent une capacité fiscale relativement comparable.

La vice-présidente : Monsieur Gagné, spontanément, qu'avez-vous à dire à ce sujet?

[Français]

M. Gagné : Personnellement, le sénateur Eggleton ne sera pas content, mais je ne vois pas le problème. Si les municipalités ont besoin de fonds supplémentaires pour financer leurs services publics de voirie, de déneigement et d'eau et cetera, ils ont un champ unique d'imposition.

[Traduction]

Pas au Québec. Elles peuvent bénéficier de subventions fédérales et provinciales, mais elles ont une énorme assiette fiscale, à savoir l'assiette fiscale foncière. En Colombie-Britannique, les biens immobiliers ont une très forte valeur, mais le gouvernement ne prélève pas les impôts en fonction de cette valeur. Cet argent est disponible, mais la province ne veut pas y avoir recours. Je peux donc difficilement concevoir qu'il y ait un problème de déséquilibre entre les municipalités. Elles ont des problèmes d'infrastructure. Mais chaque ordre de gouvernement a ses propres problèmes. Les commissions scolaires ont également des problèmes.

[Français]

Le sénateur Murray : Le fait que la formule comprend les revenus municipaux, implicitement cela suggère que les provinces et les gouvernements provinciaux ont une obligation de faire de la péréquation entre les municipalités. N'est- ce pas?

M. Gagné : Il s'agit d'un problème, comme le disait Al O'Brien, entre les provinces et leurs municipalités. Oui, c'est un problème de déséquilibre fiscal vertical entre les municipalités.

[Traduction]

Le sénateur Murray : Voilà justement une question qu'a soulevée l'autre jour un de nos témoins, M. Boadway. En Nouvelle-Écosse, la Municipalité régionale du Cap-Breton a intenté des poursuites contre le gouvernement provincial et prétend que le gouvernement provincial ne lui remet pas sa juste part des sommes qu'il touche du gouvernement fédéral sous forme de péréquation. C'est un argument intéressant. Je ne sais pas s'il s'agit d'une question constitutionnelle ou plutôt politique, mais cette municipalité prétend qu'il s'agit d'une question constitutionnelle qui met en cause le paragraphe 36(1) et le paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle de 1912.

La vice-présidente : Et aucun d'entre nous n'est favorable à l'idée du partage des recettes provenant de la taxe sur l'essence ou d'autres taxes.

Le sénateur Fox : C'est justement la question que j'allais poser.

M. O'Brien : Ayant passé beaucoup trop de temps dans un ministère des Finances provincial, j'avoue que je suis en faveur d'un système aussi simple que possible, afin que la population et les résidents des différentes provinces du Canada sachent qui est responsable de quoi. Il semble logique que les provinces, dans la mesure du possible, fassent augmenter les recettes leur permettant d'assurer des services, qu'elles les partagent de façon appropriée avec les administrations locales de leur province et que le gouvernement d'Ottawa s'assure que les provinces ont la capacité, en tenant compte des différences qui existent au niveau de leur structure économique, d'assurer des niveaux relativement comparables de services sans prévoir des niveaux d'imposition excessifs. C'est ça le principal objectif. Et la meilleure solution consiste à essayer de faire concorder les sources de recettes avec les responsabilités en matière de dépenses. Cette concordance doit exister tout autant entre le gouvernement canadien et les gouvernements provinciaux qu'entre les provinces et leurs gouvernements locaux.

Même si je suis d'accord avec M. Gagné pour dire que l'impôt foncier constitue sans doute une source de revenus plus robuste que ne l'admettraient bon nombre de responsables de gouvernements municipaux, je pense malgré tout qu'étant donné la responsabilité grandissante des municipalités urbaines, et notamment les plus grandes d'entre elles, d'assurer des services, ces dernières peuvent certainement chercher des moyens nouveaux et créateurs de générer des recettes pour lesquels ils seront comptables envers leurs électeurs. Elles ont tout lieu de faire cela. Personnellement, je ne suis pas favorable à l'idée que le gouvernement fédéral essaie de régler cette question de concert avec les municipalités.

[Français]

M. Gagné : Le gouvernement fédéral le fait déjà. Lorsqu'il accorde une subvention de 1 milliards de dollars pour rénover le métro de Toronto et une subvention de 300 millions de dollars pour rénover le métro de Montréal, c'est de la péréquation aussi. Cela réduit le déséquilibre entre les gouvernements locaux et les provinces. Ce n'est pas égal per capita.

[Traduction]

La vice-présidente : Nous sommes ravis que vous ayez pu venir nous rencontrer ce matin et nous avons bien profité de votre présence.

Nous nous réunirons de nouveau mardi matin à 9 heures.

La séance est levée.


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