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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 5 - Témoignages du 1er novembre 2006


OTTAWA, le mercredi 1er novembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 18 h 16 pour étudier, en vue d'en faire rapport, les questions relatives à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers niveaux de gouvernement du Canada.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Nous poursuivons notre étude sur les questions relatives à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers niveaux de gouvernement du Canada. Cette étude, qui tombe à point nommé, porte sur un sujet qui attire beaucoup l'attention du public. Elle revêt une importance directe et immédiate pour les gouvernements, les provinces et les territoires, ce qui explique pourquoi nous avons invité les provinces et les territoires à faire connaître leur opinion, soit par écrit, soit directement en venant témoigner devant notre comité.

Nous sommes heureux d'accueillir ce soir des représentants du plus récent des territoires du Canada, le Nunavut, en l'occurrence M. David Simailak, député de l'Assemblée législative et ministre des Finances du gouvernement territorial, ainsi que M. Robert Vardy, sous-ministre délégué des Finances.

L'honorable David Simailak, député à l'Assemblée législative, ministre des Finances, territoire du Nunavut : Je vous remercie de votre invitation. Je suis également accompagné ce soir de M. Chris Lalande, mon chef de cabinet, qui voyage avec nous cette semaine.

Notre comparution devant votre comité ne pouvait mieux tomber car nous voulons faire le point avec vous sur certains des développements formidables qui se produisent au Nunavut ainsi que vous aider à examiner les enjeux touchant le déséquilibre fiscal au Canada.

Pour la plupart des Canadiens, le Nord du pays est une énigme. Peu d'entre eux y ont déjà mis les pieds, et encore moins comprennent ses problèmes, ou, plus important, reconnaissent sa capacité de les surmonter.

Je suis ici aujourd'hui pour vous parler de l'avenir prometteur de notre territoire, de la capacité qu'a le Nunavut de devenir un partenaire important au Canada ainsi que des promesses qu'ont faites les divers gouvernements fédéraux aux habitants du Nord depuis 50 ans. Déjà dans les années 50, le gouvernement du Canada affirmait que le Nord ne devait pas être oublié. L'ancien premier ministre St-Laurent déclarait à la Chambre des communes en 1953 :

[...] les territoires sont extrêmement importants pour le Canada et il est temps que l'on se concentre sur leur potentiel et sur leur apport à la nation canadienne.

En 1958, le premier ministre Diefenbaker faisait écho à ce sentiment en annonçant la publication du document intitulé « Programme d'établissement des voies d'accès aux ressources », lorsqu'il a dit : « J'entrevois un nouveau Canada — un Canada du Nord! »

Encore l'été dernier, lorsque le premier ministre Harper s'est rendu à Iqaluit, il a renouvelé cet appel. Il a parlé du potentiel du Nord et de son importance indéniable pour la souveraineté canadienne. Il a décrit sa vision du Nord, non pas sa vision actuelle, mais sa vision future, un Nord plus fort, plus prospère et libéré du joug des politiques paternalistes du passé. Le premier ministre s'est engagé à aider le Canada à faire de ce rêve une réalité.

Le gouvernement et la population du Nunavut apprécient cette reconnaissance et ce soutien. Nous souhaitons vivement jouer un rôle essentiel dans la vie de notre magnifique pays, au même titre que nous sommes déterminés à bâtir un territoire autonome. Les chances d'atteindre ces objectifs n'ont jamais été aussi bonnes. La plupart des Canadiens sont au courant du développement économique qui se fait actuellement dans les Territoires du Nord-Ouest qui affichent le PIB le plus élevé par habitant au Canada, loin devant celui de l'Alberta. Cette croissance rapide de l'économie du territoire est alimentée par l'extraction minière des diamants ainsi que par l'exploration pétrolière et gazière depuis quelques années à peine.

Ce que bien des gens, y compris les parlementaires, ne réalisent pas, c'est que le Nunavut a un potentiel égal, sinon supérieur, à celui des T.N.-O. La région est de l'Arctique renferme des richesses énormes qui n'ont pas encore été exploitées, tant en ce qui concerne les ressources naturelles que les ressources humaines, c'est-à-dire les Nunavummiut.

Le Nunavut a ouvert sa première mine de diamants, Tahera, et deux nouvelles mines d'or devraient bientôt ouvrir, Doris North et Meadowbank, à 70 km à peine au nord de ma collectivité de Baker Lake. La mine de Meadowbank à elle seule créera environ 200 emplois et apportera environ 200 millions de dollars par année à l'économie du Nunavut, ce qui représentera une augmentation du PIB de 20 p. 100. Il y a chez nous de nombreux autres projets prometteurs d'exploration et d'exploitation. Il est fort possible que l'on ouvre d'autres mines de diamants et d'or, et que l'on fasse de la prospection pour l'argent, le zinc, le cuivre, le fer, le saphir et l'uranium. À plus long terme, nous prévoyons nous lancer dans l'exploitation pétrolière et gazière.

Le milieu des affaires au Nunavut est également en meilleure posture. Notre gouvernement a pris les mesures nécessaires pour créer un régime fiscal concurrentiel, pour éliminer les obstacles qui gênent la croissance des entreprises et pour promouvoir le développement économique au Nunavut. Nous nous sommes dotés d'une politique visant à offrir des remboursements de taxe sur le carburant utilisé pour l'exploitation minière et nous sommes en train d'élaborer une stratégie sur les minéraux et les mines. En outre, nous nous affairons à jeter les bases d'une pêche durable pour tirer pleinement profit de nos stocks de turbot et de crevettes en haute mer. De même, nous faisons la promotion du tourisme pour encourager les Canadiens à explorer notre magnifique territoire. Nos collectivités et la Nunavut Tunngavik Incorporated, la NTI, qui est responsable de la gestion de toutes les terres qui appartiennent aux Inuits au Nunavut, sont en faveur d'un développement responsable. Par exemple, la NTI est en voie de revoir sa position sur l'exploitation minière de l'uranium, une source d'énergie propre qui intéresse tous les Canadiens en cette ère de réchauffement de la planète.

Le Nunavut a aussi les ressources humaines nécessaires pour réaliser ses ambitions. Notre population est jeune et connaît le taux de croissance le plus important du Canada. En exploitant cette précieuse ressource et en donnant à nos jeunes les compétences et l'éducation nécessaires, nous leur permettrons de réaliser leur propre potentiel et celui de notre territoire. Les possibilités qu'offre le Nunavut sont énormes. Si nous les saisissons, nous assisterons alors aux débuts d'une croissance économique et d'un développement social sans précédent qui appuieront les efforts que déploie le Canada pour renforcer sa souveraineté dans l'Arctique.

Cependant, certaines conditions doivent être respectées pour atteindre ces objectifs. En tant que nouveau territoire canadien, le Nunavut en est encore à ses premiers pas et ne peut exploiter tout son potentiel seul. À court terme, le Nunavut aura toujours besoin des investissements stratégiques du gouvernement fédéral.

En mai dernier, le Groupe d'experts sur la péréquation et la formule de financement des territoires du gouvernement fédéral a recommandé une nouvelle méthode de financement des territoires qui tienne compte des différences qui existent entre les territoires et qui viendrait combler l'écart entre les dépenses nécessaires et la propre capacité financière de ceux-ci.

Depuis sa création, le Nunavut est défavorisé. La subvention initiale qui lui a été accordée n'était pas suffisante pour répondre aux besoins essentiels des citoyens du Nunavut dans des secteurs comme le logement, la santé, l'éducation et les infrastructures. À l'instar du Groupe d'experts, nous croyons que la base des dépenses brutes pour répondre aux besoins du territoire doit être élargie dans le cadre d'un effort de rattrapage pour nous permettre d'effectuer des investissements stratégiques en vue d'exploiter davantage le potentiel économique du Nunavut.

Nous avons bon espoir que l'engagement qu'a pris le gouvernement fédéral de rétablir l'équilibre fiscal viendra régler ce problème. Le fait que le gouvernement fédéral reconnaisse le problème est encourageant. L'équilibre fiscal entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux est essentiel pour que notre gouvernement puisse avoir les ressources nécessaires afin de se doter d'une fonction publique de niveau relativement comparable pour un niveau d'imposition également comparable. Le Nunavut s'attend à être traité sur un pied d'égalité et de façon équitable.

Dans l'ensemble, notre gouvernement endosse les recommandations formulées dans le rapport du Conseil de la fédération sur le déséquilibre fiscal. Les auteurs du rapport ont recommandé précisément que le Nunavut reçoive des investissements exceptionnels dans le domaine du logement, des infrastructures ainsi que du développement économique et social. Le rapport du gouvernement fédéral et celui des provinces et des territoires constituent un bon point de départ pour examiner la formule de financement des territoires. Bien sûr, l'argent seul ne résoudra pas tous nos problèmes. Si nous ne prenons pas les mesures nécessaires pour être moins dépendants des crédits du gouvernement, notre avenir demeurera entre les mains du gouvernement fédéral et non pas entre les nôtres. Ce n'est pas le genre d'avenir que nous souhaitons pour notre territoire ni pour les Nunavummiut des générations futures.

Nous souhaitons travailler en partenariat avec le gouvernement du Canada et les Canadiens pour générer une véritable croissance économique et créer des emplois au Nunavut. Nous voulons accroître l'emploi et les revenus et réduire notre dépendance à l'égard des transferts fédéraux.

Même si les stratégies que nous élaborons ensemble nécessiteront peut-être certains investissements, nous avons également besoin de soutien dans d'autres domaines. Par exemple, les exigences environnementales et socio- économiques actuelles sont très rigoureuses. Nous souhaitons contrebalancer cette situation avec des politiques de soutien aux investisseurs pour qu'ils se sentent les bienvenus dans un régime réglementaire favorable, équitable et rentable. Nous voulons également tabler sur l'appui du public pour l'exploitation minière et encourager plus d'investissements du secteur privé dans l'exploration et l'exploitation en simplifiant les processus réglementaires et les processus d'approbation, les mesures fiscales, l'éducation et la sensibilisation du public, les programmes de formation et de perfectionnement professionnel, l'accès aux données géoscientifiques et les infrastructures essentielles. Nous aimerions coupler ces efforts à une campagne de relations publiques commune bien coordonnée pour dire au monde que notre porte est ouverte aux entreprises. Nous envisageons l'avenir avec optimisme et nous considérons que notre territoire est un bon endroit où investir. Nous voulons être source de bonnes nouvelles et d'espoir pour un avenir plus reluisant au Nunavut afin de changer l'image que nous projetons au Canada et de ne plus être considérés comme un élément de passif, mais comme un atout national.

Monsieur le président, comme vous le voyez, nous ne voulons pas quémander, nous voulons plutôt que quelqu'un puisse nous aider à prendre la place qui nous revient en tant que partenaire au même titre que les autres au sein de la Confédération. Les relations financières qu'entretient le gouvernement du Nunavut avec le gouvernement du Canada doivent être envisagées sous un angle nouveau. Nous devons modifier notre dialogue qui ne sera plus axé sur la dépendance mais sur une autonomie renforcée. C'est exactement pour cela que nous sommes venus vous rencontrer aujourd'hui. Merci, monsieur le président.

Le président : Merci, monsieur Simailak.

Le sénateur Adams : Je tiens à souhaiter la bienvenue au ministre des Finances du Nunavut. Ce qui est bien dans les comités du Sénat, c'est que le Règlement nous permet d'intervenir dans n'importe quel d'entre eux.

[Le sénateur Adams s'exprime en inuktitut.]

Monsieur le président, je viens de m'adresser au ministre en inuktitut pour lui souhaiter la bienvenue à Ottawa.

Le président : Merci de le faire sentir à l'aise et chez lui parmi nous. Je l'apprécie.

Le sénateur Adams : J'aimerais poser quelques questions au ministre des Finances concernant la faible population du Nunavut et ses 26 collectivités. Je ne sais pas exactement combien de kilomètres séparent Iqaluit d'Ikaluktutiak, mais pour m'y rendre, je dois passer par Rankin Inlet, puis aller à Yellowknife et de Yellowknife je dois gagner le nord jusqu'à Cambridge Bay. C'est la collectivité que l'on appelle Ikaluktutiak, la plus éloignée de la capitale du Nunavut.

Les revendications territoriales nous ont permis de découvrir que le territoire du Nunavut faisait 1 900 000 km2 et comptait 26 collectivités. Je me suis également rendu compte, en tant que membre du comité des pêches, que le Nunavut possède 60 p. 100 des eaux côtières du Canada. Dans le reste du pays, y compris à Terre-Neuve, en Nouvelle- Écosse, au Yukon et en Colombie-Britannique, les eaux côtières ne représentent que 40 p. 100. Vous comprenez donc maintenant à quel point le Nunavut est étendu.

Si je ne m'abuse, monsieur le ministre, notre population du Nunavut est d'environ 35 000 personnes. Les Inuits constituent 85 p. 100 de cette population, le reste, 15 p. 100, sont des Canadiens non autochtones. Je suis allé au Nunavut il y a environ deux semaines et demie pour des rencontres avec diverses associations inuites. Le premier ministre était présent aux côtés des organisations inuites de Baffin. Il nous a dit que depuis l'entente sur les revendications territoriales, on compte désormais jusqu'à 47 p. 100 d'Inuits au service du gouvernement du Nunavut. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Dans certaines régions habitées, nous avons réglé les revendications territoriales, mais nous avons assisté au décrochage scolaire de beaucoup d'Inuits. Selon la politique du gouvernement du Canada, les jeunes doivent terminer leur secondaire V.

La politique du gouvernement du Nunavut est telle que nous pouvons avoir trois langues à l'école, soit le français, l'anglais et l'inuktitut, qui n'est pas reconnu comme langue officielle du Canada. La plupart des gens au Nunavut comprennent notre langue maternelle, comme c'est le cas de M. Simailak et moi. La plupart du temps, les députés parlent dans leur propre langue, comme le font les fonctionnaires d'Iqaluit, au Nunavut.

Le président : Sénateur Adams, M. Simailak est venu de loin. Je me demande si vous pourriez lui poser une question de sorte que nous puissions l'entendre.

Le sénateur Adams : Monsieur le président, ce qui m'inquiète, c'est la façon dont le système fonctionne entre le gouvernement fédéral et le Nunavut et les trois territoires. Ma question concerne l'augmentation du coût de la vie, surtout avec la hausse de près de 50 p. 100 des prix du gaz et du pétrole dernièrement. Certains fonctionnaires fédéraux sont en train d'établir des coûts pour les gens qui vivent au Nunavut.

Le ministre pourrait-il faire des commentaires sur le coût de la vie au Nunavut? C'est très cher. Au Nunavut, si vous ne gagnez pas plus de 120 000 $ par année, vous ne pouvez pas vous permettre d'acheter une maison. Tout y est cher, y compris le carburant, l'électricité, les taxes foncières et les réseaux d'aqueduc et d'égout des collectivités. Presque 70 p. 100 des gens vivent dans des logements gouvernementaux. Avec une telle économie, qu'adviendra-t-il des gens qui vivent là-bas et qui veulent élever une famille? C'est très difficile. Nous n'avons pas de biens à donner en garantie, comme dans le Sud, et nous vivons toujours dans des collectivités qui sont établies sur des terres fédérales. Entre-temps, nous payons des taxes foncières et si quelqu'un veut se construire une maison aujourd'hui dans n'importe quelle municipalité, il doit débourser entre 50 000 $ et 70 000 $ pour acheter un terrain.

Je me demande, monsieur le ministre, si vous connaissez bien la situation et si vous avez des commentaires à faire.

Le président : Monsieur le ministre, si vous pouviez faire des observations sur la formule actuelle de financement des territoires, les deux recommandations qui sont dans l'air, soit celle du Groupe d'experts et celle du Conseil de la fédération, nous indiquer si vous avez une préférence pour l'une ou pour l'autre et nous dire quelles sont les faiblesses de chacune, nous vous en serions très reconnaissants.

M. Simailak : Nous endossons les recommandations formulées dans les deux rapports, soit celui du Groupe d'experts et celui du Conseil de la fédération. Dans les deux cas, les recommandations sont assez semblables. Nous savons pertinemment que le gouvernement du Canada doit faire d'importants investissements au Nunavut pour que nous puissions rattraper le terrain perdu. Cependant, je n'ai pas en main le montant exact qu'il faut maintenant pour effectuer ce rattrapage. Au niveau officiel, nos fonctionnaires et ceux du gouvernement du Canada font actuellement beaucoup de travail pour faire le calcul.

Le Nunavut a encore besoin de beaucoup d'infrastructures, de beaucoup de logements, d'investissements majeurs en éducation, en développement économique, etc., pour l'amener là où il devrait être et pour devenir un partenaire à part entière au Canada.

Le président : Merci, nous apprécions vos commentaires.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais poser quelques questions. En ce qui concerne le changement de formule de financement, vous avez dit à la fin de votre exposé qu'il fallait que le dialogue ne soit plus un dialogue de dépendance mais d'autonomie. C'est exactement pour cela que nous sommes venus vous rencontrer, mais vous dites que vous n'avez pas de chiffres précis quant aux sommes qu'il faudrait débourser pour combler le manque à gagner des formules de financement actuelles. Pourriez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet? Cependant, je n'ai pas l'intention de m'attarder là-dessus.

M. Simailak : Non, nous n'avons pas ce chiffre en main pour l'instant. Comme je l'ai dit, il se fait actuellement, au niveau des fonctionnaires, beaucoup de travail entre le Nunavut et le gouvernement du Canada pour déterminer ce dont on a besoin.

Le sénateur Mitchell : On nous parle aujourd'hui beaucoup des changements climatiques et de leurs effets sur le Nord. Actuellement, Peter Mansbridge de la CBC est dans le Nord. Pourriez-vous nous dire si vous commencez à penser aux répercussions que ce phénomène pourrait avoir sur vos collectivités, à l'augmentation des coûts que cela pourrait provoquer, aux coûts d'adaptation, et ce que cela pourrait vouloir dire, en retour, pour la péréquation et la nécessité de vous accorder du soutien financier?

M. Simailak : Je peux vous donner un bon exemple de ce qui est en train de se produire. Ma collectivité de Baker Lake est à environ 1 000 milles directement au nord de Winnipeg. Normalement, nous jetons nos filets sous la glace à l'Action de grâces. Nous nous promenons sur les lacs et sur la terre en motoneige à l'Action de grâces. Lorsque je suis parti hier matin, il n'y avait aucune trace de glace sur le lac. Que ce soit le réchauffement climatique, ou tout simplement des conditions météorologiques bizarres, je n'en sais rien, mais les aînés disent qu'il s'est produit des changements majeurs dans les conditions météorologiques au cours des dernières années. D'après eux, le climat se réchauffe.

Je pourrais bien vous dire que ça fait mon affaire. Ce n'est pas aussi froid que d'habitude. Mais ce serait pour des raisons très égoïstes. En ce qui concerne les mesures d'adaptation, avec un peu de chance, cela réduira nos besoins en matière de chauffage pour nos maisons et nos immeubles. Pour ce qui est de la souveraineté, cela voudra dire ouvrir le passage du Nord-Ouest, et le Canada devra dire haut et fort que c'est un territoire canadien, que ce sont nos eaux. Je crois que le Nunavut peut jouer un rôle majeur à cet égard.

Le sénateur Mitchell : Nous avons entendu le témoignage d'un groupe nommé AIMS, l'Atlantic Institute for Market Studies, un groupe de réflexion économique de droite de la région de l'Atlantique. Ces gens-là ont affirmé avec vigueur, mais je ne suis pas d'accord avec eux, que la péréquation est en réalité une mesure qui incite à créer un endettement entre les provinces et les territoires. Quel est votre budget actuellement? Quel est votre niveau d'endettement? Avez- vous un budget déficitaire?

M. Simailak : Notre budget s'élève à un peu plus de un milliard de dollars par année. Notre dette est actuellement d'environ 150 millions de dollars. La limite de dette du Nunavut est de 200 millions de dollars.

Le sénateur Mitchell : Vous ne pouvez que rajouter 50 millions de dollars à votre déficit, si je comprends bien?

M. Simailak : Nous prévoyons cette année un déficit d'environ 13 millions de dollars.

Le sénateur Mitchell : Ce n'est pas beaucoup.

Le président : J'ai oublié de mentionner, lorsque j'ai présenté le sénateur Mitchell comme étant le prochain intervenant, qu'il est de l'Alberta. Vous savez que le sénateur Adams est du Nunavut. La prochaine personne à poser des questions est le sénateur Cowan, de la Nouvelle-Écosse, d'où est issu le groupe AIMS.

Le sénateur Cowan : Je ne reprends aucunement le credo de ce groupe à mon compte. Si le groupe AIMS savait que j'ai défendu son point de vue, il serait en état de choc. Nous sommes d'accord pour ne pas être d'accord.

Je voulais vous parler des ressources naturelles. Peut-être pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste le régime actuel pour la propriété de vos ressources naturelles. Je crois savoir que certaines discussions et négociations sont en cours entre le gouvernement du Nunavut et le gouvernement du Canada concernant le transfert des pouvoirs et le partage des recettes. Pouvez-vous nous dire brièvement où en sont ces discussions? Je suppose que si vous deviez contrôler les nombreuses ressources naturelles que vous avez chez vous, ou à tout le moins les recettes qui en découlent, l'impact sur votre indépendance et votre bien-être financier serait énorme.

M. Simailak : Actuellement, toutes les ressources non renouvelables au Nunavut appartiennent au gouvernement du Canada. Je pense que l'on ne doit en tirer qu'une très petite redevance en ce moment. En outre, la Nunavut Tunngavik Incorporated, notre organisme qui s'occupe des revendications territoriales, touche également des redevances sur certaines terres de surface et de subsurface.

Le sénateur Cowan : À combien s'élèvent approximativement ces redevances par année?

M. Simailak : Je n'ai pas ce chiffre. L'exploitation vient tout juste de commencer.

Le sénateur Cowan : Avez-vous une idée du pourcentage?

M. Simailak : Actuellement, Ottawa perçoit toutes les redevances et nous en redonne un petit peu, mais je ne suis pas certain du pourcentage. C'est minime, au mieux. Les négociations sur le transfert des pouvoirs et le partage des recettes n'ont pas encore commencé. Nous avons nommé notre négociateur en chef et Ottawa est en train de faire de même.

Le président : Dans les formules proposées pour le calcul du financement des territoires, est-ce qu'on tient compte des redevances?

Robert Vardy, sous-ministre délégué des Finances, gouvernement du Nunavut : Selon la recommandation du Groupe d'experts, 70 p. 100 des recettes autonomes entreraient dans ce calcul. Dans l'état actuel des choses, il y aurait un remboursement de 100 p. 100 des redevances si nous avions un régime en place et qu'il générait des recettes. Le Groupe d'experts a recommandé 70 p. 100.

Le président : Est-ce un remboursement fiscal de 70 p. 100? Les redevances sont incluses, elles sont réimposées, est-ce exact?

M. Vardy : Sénateur, c'est ce que je comprends de la recommandation.

Le président : Oui, 70 p. 100. C'est ce qu'a recommandé le Groupe d'experts.

M. Vardy : C'est exact.

Le président : Et est-ce que le groupe consultatif a adopté une approche différente à cet égard?

M. Vardy : De l'avis des membres du groupe, il devrait y avoir une entente sur le partage des recettes. Je crois que les deux groupes ont reconnu que les coûts de l'exploitation des ressources naturelles sont importants, tant les coûts directs qu'indirects, et que le territoire devrait obtenir un remboursement suffisamment important pour compenser ces pertes. Actuellement, dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a beaucoup d'activités. Toutes les redevances et la plupart des impôts sur les sociétés sont versés au gouvernement fédéral; le territoire doit donc porter le fardeau des dépenses associé au développement.

Le sénateur Di Nino : Je suis de l'Ontario. Donnez-moi 25 secondes pour faire un petit éditorial. La première fois que je suis allé au Nunavut, en fait à Iqaluit, même si j'ai passé un peu de temps à terre, j'ai été très impressionné particulièrement par la beauté naturelle des lieux. Je suis allé dans les trois territoires plus d'une fois. Si je me fie à mon expérience, je décrirais le Nord du Canada comme un géant endormi prêt à bondir. Je dois admettre que j'ai été déçu de voir que les progrès sont très lents. Ce n'est là qu'un commentaire, parce que je vante l'Arctique chaque fois que je le peux, particulièrement lorsque je suis à l'extérieur du pays. Vraiment, c'est un endroit unique au monde offrant des expériences incroyables qui, à mon avis, devrait être exploité davantage. Je ne suis pas ici pour vous donner des commentaires, mais je voulais vous dire que je suis allé dans la région d'Iqaluit à trois reprises, à Whitehorse trois fois et à Yellowknife au moins une fois.

En parlant de géant endormi, je désignais tout le Nord. Est-ce que les trois territoires travaillent ensemble? Avez- vous une approche et une cause communes lorsque vous examinez ces questions avec le gouvernement fédéral?

M. Simailak : Oui, nous en avons une. Nous travaillons en étroite collaboration avec les Territoires du Nord-Ouest et le Yukon lorsque vient le temps de discuter de la formule de financement des territoires, de péréquation et ainsi de suite. Nous travaillons aussi très étroitement avec les Territoires du Nord-Ouest parce que nous sommes voisins et que nous en avons fait longtemps partie.

Le sénateur Di Nino : Vous avez effectivement une cause commune si bien que lorsque vous discutez avec le gouvernement fédéral, vous pouvez présenter un front unique plutôt que d'aborder les problèmes séparément.

M. Simailak : Oui, c'est ce que nous faisons.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais poser quelques questions sur les recommandations du Groupe d'experts. Les deux groupes ont fait des commentaires sur la façon dont le financement devrait être accordé. Je crois comprendre que l'on dit que les besoins du Nunavut devraient être pris en charge grâce à des programmes ciblés plutôt que par des ajustements à la formule de financement des territoires.

Êtes-vous d'accord?

M. Simailak : Oui, tout à fait.

Le sénateur Di Nino : Vous seriez disposé à accepter la recommandation des deux groupes selon ces paramètres?

M. Simailak : Oui.

Le sénateur Di Nino : J'espère que la question ne sera pas trop délicate, mais le Groupe d'experts a également déclaré que les questions de gouvernance, de responsabilisation et de règlement des différends doivent être abordées, élargies et plus transparentes. Est-ce que c'est un problème au Nunavut et dans le Nord?

M. Simailak : Non, ce n'est pas du tout un problème majeur au Nunavut, en particulier. La vérificatrice générale aimerait que nous produisions nos états financiers à temps. Nous cherchons à atteindre cet objectif et nous comptons y parvenir dans un avenir très rapproché.

Le sénateur Di Nino : Les objectifs que les deux groupes recommandent ne vous posent pas de problème?

M. Simailak : Je ne crois pas.

Le sénateur Di Nino : À mon avis, l'un des problèmes qui touche toute la région de l'Arctique, c'est la faible densité de la population. Avez-vous un programme, ou y a-t-il un désir de la part du Nunavut en particulier d'attirer plus de gens au Nunavut, ou si cela présente toute une gamme d'autres problèmes?

M. Simailak : Comme je l'ai dit dans mes observations préliminaires, le Nunavut est ouvert aux entreprises. Nous accueillons avec plaisir les investissements, que ce soit des investissements financiers ou en ressources humaines, ou encore tout ce qu'il nous faut pour assurer la croissance du Nunavut. Nous voulons former nos gens, nous voulons que nos gens aient des emplois. Par exemple, la mine de Meadowbank est en train d'ouvrir à 70 km à peine au nord de ma collectivité. Cela représente environ 300 emplois durant la construction et à peu près 200 durant la production, avec une durée de vie présentement évaluée entre huit et dix ans. Oui, le Nunavut est ouvert aux entreprises et nous avons besoin de ces investissements.

Le sénateur Di Nino : En ce qui vous concerne, il n'y a pas d'obstacles ni pour le commerce ou les entreprises, ni non plus pour les gens qui peuvent vouloir aller chez vous pour leur retraite et afin d'y chercher un emploi. Bref, est-ce que ces gens-là sont les bienvenus chez vous?

M. Simailak : Oui. Quiconque peut aider le Nunavut à prendre de l'expansion est le bienvenu. La seule contrainte que nous avons, c'est l'absence d'infrastructures. Comme l'a déclaré le sénateur Adams, il n'y a pas d'autoroutes au Nunavut, donc tout est transporté par avion, ce qui peut être très coûteux et très long.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais vous faire part d'une expérience personnelle. Je suis allé déjà au Nunavut une fois en plein milieu de l'hiver. Nous avons fait du ski de randonnée et nous nous y sommes promenés. Il y a effectivement un système d'autoroutes. Ce sont des autoroutes qui sont toutes glacées, et merveilleuses. Si vous n'y êtes jamais allé, il faut le faire. C'est une expérience magnifique. Rendez-vous là où les glaces dérivent et, avec un peu de chance, vous verrez peut-être un ours.

Le président : D'après ce que je comprends, vous êtes passés il y a deux ans d'un programme de transfert territorial axé sur une formule à une enveloppe dans le cadre du nouveau régime, et maintenant on recommande de revenir à l'un ou l'autre des programmes axés sur une formule. Dans le programme initial, contrairement à ce que font les provinces, vous aviez calculé dans les fonds qui devaient vous être transférés le coût de la prestation des services, ce qui ne s'applique pas. Cette question a été soulevée à maintes reprises par les provinces, et certaines des petites provinces estiment que cela devrait constituer un facteur. Est-ce que ce facteur sera pris en considération si l'une des nouvelles approches axées sur la formule est adoptée et que vous n'avez plus le système des enveloppes?

M. Vardy : Le programme de la formule de financement des années 80 reposait sur les calculs des besoins de chacun des deux territoires qui existaient à l'époque. On en augmentait ensuite la valeur à l'aide d'une clause d'indexation, laquelle reposait en grande partie sur le taux de croissance des dépenses des territoires, des administrations locales de la province et était ajustée en tenant compte de la croissance démographique. La formule incluait un élément portant sur les dépenses nécessaires. Lorsque le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest se sont divisés, ils ont partagé l'assiette entre les deux territoires, mais cela reposait sur les dépenses effectives qui avaient été engagées durant les années précédant cette situation. Le Nunavut ne croit pas que c'était là un reflet exact des besoins effectifs, surtout compte tenu de toute l'infrastructure de départ qui était requise pour un nouveau territoire, une compétence indépendante. Pensez aux hôpitaux, aux prisons et aux tribunaux, il n'y avait rien de tout cela.

Le Nunavut devait pouvoir répondre aux besoins de toute sa population. Nous ne pouvions plus désormais nous en remettre à un autre centre. Conformément à la nouvelle entente que l'on est en train d'élaborer, le montant sera établi à un taux fixe et sera augmenté par la suite selon une clause d'indexation de 3,5 p. 100. Il est question de rétablir la clause d'indexation des administrations provinciales-locales pour la population dans la formule, mais cela ne serait pas suffisant pour répondre aux besoins du Nunavut. Cela serait mieux que l'entente actuelle, mais ne serait pas suffisant pour faire le rattrapage qui s'impose. Comme les deux groupes en ont convenu, l'écart ne serait pas comblé entre notre niveau de service et celui des autres provinces ou territoires.

Le président : Je crois que l'approche établie en fonction de la formule est ce que l'on a appelé le nouveau cadre de 2004. Êtes-vous en train de dire que si une telle formule devait être réintroduite, cela ne serait toujours pas suffisant et que vous devriez négocier une somme forfaitaire en plus de cela?

M. Vardy : Oui. C'est ce que nous prétendons. Les deux groupes ont reconnu qu'il y a des besoins spéciaux. Peu importe que l'on y réponde à l'aide de la formule de financement ou de programmes de partage des coûts, ou quelque autre mécanisme. Lors de la création du nouveau territoire, on n'a pas répondu aux besoins de départ, par exemple, dans le domaine de l'énergie, où nous dépendons totalement des produits pétroliers pour répondre à tous nos besoins énergétiques, et c'est le gouvernement qui assume presque la totalité de la facture. Il n'y a rien dans la formule, même avec le rétablissement d'une clause d'indexation, qui nous permettrait de compenser l'augmentation des prix du pétrole qui sont passés de 20 $ à 70 $ le baril.

Nous soutenons avec vigueur, et les autres territoires sont d'accord, que les besoins du Nunavut sont différents de ceux du Yukon ou des Territoires du Nord-Ouest. Comme je l'ai dit, les deux groupes sont d'accord.

Le président : Pourquoi ne pas simplement négocier une somme forfaitaire ou une enveloppe et y ajouter une clause d'indexation, comme celle que vous avez dans le nouveau cadre, mais seulement un petit peu plus, plutôt que de vous embarquer dans une formule?

M. Vardy : C'est ce que nous souhaiterions le plus et c'est ce que nous essayons d'obtenir depuis 1998. Nous en discutons actuellement avec le ministère fédéral des Finances et nous comptons bien faire la preuve à nouveau de la nécessité de ce genre d'approche. Les mécanismes actuels de financement ne permettent pas de répondre aux besoins supplémentaires qu'a un nouveau territoire.

Le sénateur Murray : Monsieur le ministre, avez-vous participé aux négociations initiales qui ont créé le Nunavut ou est-ce que vous étiez trop jeune pour cela?

M. Simailak : J'aimerais bien avoir été trop jeune. Non, j'étais dans le secteur privé à ce moment-là.

Le sénateur Murray : Nous n'avons pas fait un très bon travail, n'est-ce pas, comme l'a laissé poliment entendre M. Vardy, en prévoyant les besoins d'un nouveau territoire avec un gouvernement inuit de facto devant répondre aux besoins de 30 000 personnes dans un territoire six fois celui de la Nouvelle-Écosse. Nous avons mal planifié les choses, n'est-ce pas? Outre la formule de financement permanent des territoires, vous avez besoin de l'argent qui aurait dû être fourni dès le départ pour absorber les coûts de création d'un territoire. C'est ce dont vous avez besoin, n'est-ce pas?

M. Simailak : Oui.

Le sénateur Murray : Des 30 000 personnes, combien sont rassemblées dans deux ou trois collectivités, ou est-ce qu'elles sont dispersées?

M. Simailak : Il y a 30 000 personnes réparties dans 26 collectivités, dont les trois plus importantes sont Iqaluit, avec plus de 6 000 personnes, Rankin Inlet, qui compte 2 800 personnes, et Cambridge Bay. Nombre de ces 26 collectivités ont de petites populations de moins de 1 000 personnes.

Le sénateur Murray : Il est très important que vous ayez fait passer le message positif que vous avez transmis ce soir. Je pense qu'il est primordial que tout le monde autour de cette table et tous les Canadiens, qui sont intéressés par la question et qui suivent les débats à la télévision, entendent ce que vous avez à dire au sujet du potentiel du Nunavut et de la détermination de votre gouvernement à promouvoir ce potentiel et à contribuer à le réaliser.

Cependant, en ce qui concerne les besoins, je pense qu'il est important que les gens, ici à Ottawa en particulier, comprennent l'ampleur de certains des problèmes auxquels vous faites face. Lorsque je faisais partie du Conseil de la fédération, nous avons, dans un rapport, indiqué que le taux de mortalité infantile au Yukon était trois fois plus élevé que celui du reste du Canada. Quant à l'espérance de vie moyenne, elle est de dix ans de moins au Nunavut. Les niveaux d'instruction sont considérablement plus faibles chez les peuples autochtones. Votre population est autochtone dans une proportion de 80 p. 100 environ?

M. Simailak : Environ 85 p. 100.

Le sénateur Murray : Le taux de suicide au Nunavut est sept fois plus important que la moyenne nationale.

Commençons par l'éducation, que vous avez mentionnée parmi les défis que vous devez relever. Comment vous arrangez-vous? Avez-vous des enseignants? Avez-vous une infrastructure pédagogique? Est-ce que les jeunes restent à l'école? Quel est le taux de décrochage?

M. Simailak : Le taux de décrochage au Nunavut est très élevé — environ 75 p. 100 des jeunes décrochent avant d'atteindre le niveau secondaire. Nous n'avons aucune école de métiers au Nunavut. Nous en construisons une à Rankin Inlet. Nous sommes en train de rénover un immeuble des travaux publics pour en faire une école de métiers. Nous offrons la douzième année dans toutes les collectivités maintenant. Nous avons des enseignants, mais inciter les jeunes à rester à l'école constitue un véritable défi.

Le sénateur Murray : Pourquoi en est-il ainsi, pour les fins du compte rendu?

M. Simailak : Le problème remonte au moment où nos jeunes ont été déracinés de leurs terres pour aller dans les collectivités. Mes parents me disent toujours qu'on leur avait promis que tous les enfants seraient instruits et obtiendraient des emplois. Ce n'est pas ce qui s'est produit.

Je pense que nous commençons à renverser cette tendance. Cette année, il y a eu plus d'étudiants du Nunavut que jamais dans les universités du Sud. Nous avons un programme de nursing maintenant qui est très apprécié au Nunavut. Nous avons un programme d'une école de droit qui est en train de se tailler une place.

Le sénateur Murray : Votre première avocate y a obtenu son diplôme. J'ai fait sa connaissance lorsque j'y étais.

M. Simailak : Les gens s'intéressent beaucoup aux métiers. Nous avons pas mal d'ouvriers qualifiés au Nunavut aujourd'hui. Je pense que la tendance est en train de se renverser et nous devons continuer de déployer des efforts en ce sens.

Le sénateur Murray : Quel est le pourcentage d'emplois dans les territoires qui sont des emplois du gouvernement, approximativement?

M. Simailak : Je dirais plus de la moitié.

Le sénateur Murray : Allez-vous en venir au point où, avec tout le respect que je dois à des gens comme M. Vardy, vous allez être capable de pourvoir certains des postes de haute direction dans la fonction publique avec vos propres gens?

M. Simailak : Éventuellement. Pour l'instant, il y a seulement 47 p. 100 d'Inuits qui travaillent au gouvernement du Nunavut, mais certains occupent maintenant des postes de cadre supérieur.

Le sénateur Murray : Lentement mais sûrement.

Le sénateur Mitchell a posé une question au sujet du réchauffement de la planète, de l'environnement et ainsi de suite. Dans votre déclaration, vous dites ceci :

Même si les stratégies que nous élaborons ensemble nécessiteront peut-être certains investissements, nous avons également besoin de soutien dans d'autres domaines. Par exemple, les exigences environnementales et socio-économiques actuelles sont très rigoureuses. Nous souhaitons contrebalancer cette situation avec des politiques de soutien aux investisseurs pour qu'ils se sentent les bienvenus [...]

Lorsque vous dites que les exigences environnementales et socio-économiques sont actuellement très rigoureuses, est-ce que vous parlez des exigences d'Ottawa?

M. Simailak : Oui.

Le sénateur Murray : Avez-vous une critique à faire à l'endroit des exigences environnementales et socio- économiques du gouvernement fédéral? Vous êtes à l'endroit tout désigné.

M. Simailak : Nous déployons de nombreux efforts avec Ottawa pour nous assurer que le Nunavut est ouvert aux entreprises, mais il faut que ces entreprises fassent du développement responsable.

Le sénateur Murray : Est-ce qu'Ottawa est trop exigeant sur le plan environnemental et socio-économique? Quelles sont ces exigences socio-économiques? De quoi parlez-vous exactement?

M. Simailak : Ce n'est pas seulement Ottawa. L'entente sur les revendications territoriales renferme des conditions qui sont très rigoureuses aussi, et, avec le recul, je dirais que nous voulons apporter des améliorations dans tous les secteurs, et que l'entente doit être améliorée.

Le sénateur Murray : J'entends ce que vous dites, mais je ne comprends pas mieux les secteurs où les exigences sont trop rigoureuses. Est-ce que les processus sont trop compliqués? Je comprendrais cela.

M. Vardy : Une partie des exigences a trait au processus des revendications territoriales et il y a aussi toute la bureaucratie qui est impliquée dans le développement.

Les exigences du gouvernement fédéral ont alourdi le fardeau du gouvernement du Nunavut. Je ne suis pas porte- parole du ministère de l'Environnement, mais, du point de vue des finances, nous avons 30 000 personnes réparties sur deux millions de kilomètres carrés de terre. Il y a 26 collectivités, dont chacune a son usine de traitement des égouts. Cela coûte cher, il y a aussi les exigences concernant la sécurité. Nous comptons 26 aéroports. Une grande partie du budget des immobilisations est engloutie pour satisfaire aux exigences qui sont de plus en plus strictes, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Chaque fois que les exigences changent, elles exercent des pressions sur les finances du gouvernement.

Le sénateur Murray : Nous n'avons pas le temps d'entrer dans les détails. Dites-vous que les règlements qui conviennent pour le Sud du pays vous sont imposés et que ces règlements sont peut-être excessifs ou peut-être pas complètement nécessaires dans les territoires?

M. Vardy : Du point de vue d'un fonctionnaire du ministère des Finances, cela coûte plus cher.

Le sénateur Murray : Nous le savons. Tout coûte plus cher.

M. Vardy : Oui, les coûts de construction, particulièrement dans le Nord, sont très élevés.

Le sénateur Murray : Je vais céder la parole à des personnes qui connaissent davantage la politique environnementale et ainsi de suite, pour qu'elles posent des questions et décident s'il est sage que le gouvernement fédéral adopte une position plus rigoureuse en ce qui concerne les normes environnementales, entre autres choses. Je n'ai pas la réponse à la question. Je vais m'en tenir à cela. Merci beaucoup.

Le sénateur Adams : Comment pouvons-nous accroître l'emploi? Le gouvernement du Canada compte de nombreux ministères qui sont présents dans le Nord, y compris Affaires indiennes et du Nord Canada, le ministère des Pêches et des Océans et Environnement Canada. Comment engager plus d'Inuits? Le gouvernement du Canada et le Nunavut leur ont-ils fait passer des tests? Je pense qu'au moment où le bureau d'Affaires indiennes et du Nord Canada a été construit, 60 personnes ont pu y travailler. Je me demande comment le système fonctionne et comment les Inuits pourraient obtenir plus d'emplois du gouvernement du Canada.

M. Simailak : Dans notre gouvernement, nous essayons de former nos gens du mieux que nous pouvons. Nous essayons de les garder le plus longtemps possible. Chaque personne est laissée à elle-même. C'est à elle de décider où elle veut travailler, mais nous essayons effectivement de les garder le plus longtemps possible.

Le sénateur Adams : Est-ce que le gouvernement ou Affaires indiennes et du Nord Canada, le MAINC, vous approchent vous ou les politiques en disant qu'il leur faut accroître leur personnel?

M. Simailak : Pas particulièrement. Tout poste qui est ouvert est annoncé au Nunavut. Tout le monde est libre de présenter sa candidature, que la personne travaille actuellement pour nous ou qu'elle veuille aller occuper un autre poste au MAINC ou dans un autre ministère fédéral. Parfois, nous leur volons des gens. Mais ils le font aussi.

Le président : Monsieur le ministre Simailak et monsieur Vardy, merci beaucoup d'être venus nous rencontrer. Je sais que vous avez parcouru une longue distance pour ce faire et nous l'apprécions. Le message que vous nous apportez est un message encourageant. Nous nous réjouissons à l'idée de poursuivre le dialogue. Il est tout à fait indiqué que le sénateur représentant le Nunavut au Sénat ait ouvert la période des questions et qu'il vienne la clore, et je suis certain qu'il portera, comme il le fait de façon régulière, ces questions à l'attention du Sénat en votre nom.

Nos témoins suivants sont du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard. Je tiens à souhaiter la bienvenue à l'honorable Mitch Murphy et à M. Nigel Burns.

L'honorable Mitch Murphy, député à l'Assemblée législative, trésorier provincial, province de l'Île-du-Prince-Édouard : D'abord, je tiens à remercier le Sénat pour l'invitation qu'il nous a lancée à venir parler de ce que nous considérons comme des questions extrêmement importantes à l'égard desquelles le Sénat devrait tenir des audiences.

Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous faire part du point de vue de l'Île-du-Prince-Édouard au sujet de l'équilibre fiscal au Canada, plus particulièrement du rôle que joue la péréquation pour maintenir l'équilibre horizontal.

Je vous signale que la péréquation a subi des changements majeurs depuis la dernière fois que j'ai eu le plaisir de comparaître devant votre comité en avril 2004. Le programme a été renouvelé, puis abandonné en faveur d'un nouveau cadre, et plusieurs études ont été lancées. J'espère que ces efforts ciblés se traduiront par un programme de péréquation renforcé pour le bénéfice de tout le pays.

D'entrée de jeu, je vous dirai que nous avons un intérêt direct majeur à nous assurer que le programme de péréquation est compris, accepté, bien évalué et bien financé. Nous comptons sur le gouvernement fédéral pour qu'il s'assure que le programme atteint les objectifs constitutionnels qui lui ont été fixés.

Je tenais également à cette occasion de comparaître devant votre comité parce que je suis tous ses travaux sur la question et j'aimerais bien avoir la possibilité, peut-être à la période des questions, de répondre à certains des témoins précédents et de m'inscrire en faux contre certains de leurs points de vue.

De toutes les provinces, l'Île-du-Prince-Édouard est celle qui compte le plus sur les transferts fédéraux. Cela est principalement attribuable à notre dépendance à l'égard de la péréquation. Comme le comité le sait, la péréquation est la plus importante source de recettes de l'Île-du-Prince-Édouard, qui se chiffre actuellement à 291 millions de dollars et représente le quart des recettes totales de notre gouvernement.

Pour mettre les choses en perspective, les paiements de péréquation sont de 43 p. 100 supérieurs aux impôts sur le revenu des particuliers que nous percevons et de 60 p. 100 supérieurs aux recettes provinciales tirées de la taxe de vente. Bien sûr, à cela s'ajoutent d'autres transferts fédéraux, particulièrement en matière de santé et de services sociaux, calculés par habitant. Je tiens à dire, toutefois, que le fait que nous comptions sur la péréquation ne nous a pas empêchés d'essayer d'exploiter notre potentiel économique. Une partie importante de notre budget est consacrée précisément à cette activité.

J'aimerais vous faire part de quelques-uns des succès de l'Île-du-Prince-Édouard. Depuis 1995, nous avons été les leaders dans l'Atlantique pour la croissance de l'emploi et nous nous en enorgueillissons de la diminution la plus importante du taux de chômage de toutes les provinces de la fédération. Les revenus personnels et le PIB par habitant à l'Île-du-Prince-Édouard ont augmenté à un rythme plus rapide qu'en Ontario au cours de la même période. En ce qui concerne le développement économique, nous estimons que la province a fait un pas dans la bonne direction à plusieurs égards.

Les industries primaires et de la transformation des aliments, c'est-à-dire les pommes de terre transformées, les produits de la pêche et les produits laitiers, dominent nos secteurs manufacturiers. Cependant, l'économie est en train de se diversifier. Bien des sénateurs sont déjà au fait de la croissance que connaît l'industrie aérospatiale à l'Île-du- Prince-Édouard. Je demande souvent à des collègues et à des gens à l'extérieur de la province de me dire quel est le troisième produit d'exportation en importance de l'Île-du-Prince-Édouard. Après les produits agricoles et la pêche, ce sont les composantes aérospatiales. Ce marché est extrêmement dynamique, avec plus de 800 emplois à temps plein et des ventes d'environ 275 millions de dollars par année. Nous sommes sur le point de répéter et, si vous me permettez un peu de vantardise, de dépasser cet exploit dans le secteur de la bioscience en créant un milieu favorable qui permettra aux entreprises de s'établir plus facilement et de rémunérer les gens davantage.

Nous sommes fiers d'avoir pu renforcer le tissu social et économique de l'île. Cependant, ces réalisations ont un coût. Selon les calculs du gouvernement fédéral, nous sommes actuellement la seule province en situation déficitaire.

Je dirais cependant que les provinces ne tiennent pas toutes leurs livres de la même façon, et nous pourrons en discuter plus tard si vous le voulez.

Notre préoccupation principale est de corriger le déficit horizontal qui existe entre les provinces. Les déficits provinciaux sont le résultat de trois choses : les dépenses, les recettes autonomes et les recettes fédérales insuffisantes.

Certains diront que les déficits sont dus à l'augmentation des dépenses provinciales et aux politiques sur les recettes. Cependant, une simple comparaison des dépenses provinciales par habitant suffit à déclasser cette prétention. En se fondant sur les dépenses consolidées des gouvernements provinciaux par habitant, on peut voir que l'ensemble des dépenses gouvernementales à l'Île-du-Prince-Édouard sont tout à fait conformes à celles des autres provinces. Nous dépensons environ 900 $ de moins par habitant que Terre-Neuve-et-Labrador et un peu plus que le Nouveau- Brunswick et la Nouvelle-Écosse, seulement un tout petit peu plus que l'Ontario, 1 600 $ de moins que la Saskatchewan et 1 200 $ de moins que l'Alberta.

La nature des dépenses provinciales varie d'une province à l'autre. Cependant, il est étonnant de voir à quel point les dépenses en soins de santé par habitant sont uniformes d'un bout à l'autre du pays.

Si l'Île-du-Prince-Édouard semble dépenser un peu plus que les autres provinces dans certains secteurs, cela peut être attribué en grande partie à des déséconomies d'échelle. On le remarque plus particulièrement dans la prestation des services gouvernementaux généraux à une petite population, ce qui n'est pas tellement différent de ce que nous avons entendu du témoin précédent. En tant que petite province qui évolue dans une économie moderne, il nous faut une infrastructure gouvernementale qui puisse offrir de l'expertise et des conseils semblables à ceux que reçoivent d'autres provinces.

En 2005-2006, le gouvernement a entrepris un examen complet de tous ses programmes dans le but de réduire les dépenses pour libérer des fonds qui seront affectés aux demandes croissantes dans les ministères de la Santé et de l'Éducation. Le fonctionnement d'un gouvernement provincial s'accompagne de certains coûts fixes comme l'Assemblée législative, les tribunaux, les routes, le maintien d'une fonction publique qui, à notre avis, ne peut tout simplement être réduite davantage.

Je dois vous faire remarquer que nos dépenses par habitant dans certains secteurs sont moindres que celles d'autres provinces. Même après avoir fait des investissements records dans les services sociaux et dans l'éducation primaire et secondaire, nous continuons toujours d'être à la traîne en ce qui concerne les dépenses moyennes dans ces catégories et ce, selon une marge assez importante, comparativement à d'autres provinces du Canada. Il est difficile de soutenir que notre position déficitaire est le résultat des dépenses que le gouvernement provincial a décidé d'engager.

L'Île-du-Prince-Édouard compte dans une plus grande mesure sur ses recettes autonomes, davantage que presque toutes les autres provinces. Les impôts à l'Île-du-Prince-Édouard sont 10 p. 100 plus élevés que la moyenne nationale. Les recettes que nous tirons de la taxe de vente dépassent de loin la moyenne des autres provinces. Nous comptons plus que la moyenne des autres provinces sur ces recettes. Notre taux de taxe de vente est effectivement de 10,7 p. 100, comparativement à 8 p. 100 dans les autres provinces de l'Est et à 7 p. 100 dans l'Ouest. En termes simples, si nous adoptions le régime fiscal d'autres provinces, sauf celui du Québec et de la Saskatchewan, pour l'assiette fiscale qui existe à l'Île-du-Prince-Édouard, nos recettes seraient réduites. Les réductions d'impôt annoncées récemment en Saskatchewan vont venir rétrécir cet écart. En moyenne, l'Île-du-Prince-Édouard tire 67 millions de dollars de plus de sa propre assiette fiscale que ce que nous pourrions obtenir en utilisant les taux d'imposition moyens à l'échelle nationale.

Nous sommes désavantagés par une absence totale de recettes provenant des ressources naturelles. Pour les provinces qui ont des ressources naturelles, comme les vastes réserves de bois, la capacité hydroélectrique, le pétrole, le gaz naturel et les mines, ces recettes sont utilisées pour améliorer les services au public ou pour garder d'autres taxes peu élevées. L'Alberta n'a pas de taxe de vente et parle souvent d'éliminer d'autres taxes.

Bien que certaines provinces où les impôts sont faibles aient la capacité de recueillir des recettes supplémentaires de leur propre assiette fiscale, l'Île-du-Prince-Édouard n'a tout simplement pas ce loisir. Comme je l'ai déjà mentionné, notre taxe de vente est de 51 p. 100 plus élevée que ce qu'imposent les trois provinces de l'Ouest qui ont une taxe de vente. Une économie en pleine effervescence et les nouvelles recettes tirées des ressources naturelles en Saskatchewan lui ont permis de réduire son taux de taxe de vente, qui est passé de 7 à 5 p. 100.

Le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard a réduit l'impôt sur les sociétés pour les petites entreprises dans le budget de 2006 et est à la recherche de moyens pour réduire les impôts de façon plus générale pour demeurer concurrentiel par rapport aux autres provinces. Cependant, il est difficile d'offrir des réductions d'impôt importantes quand on essaie d'équilibrer la nécessité d'offrir des services publics de qualité et les ressources financières dont nous disposons.

Tout compte fait, quand on regarde les dépenses et les recettes autonomes de l'Île-du-Prince-Édouard, il est évident que ni les unes ni les autres ne peuvent être attribuées à la situation déficitaire de la province. Je soutiens que si l'assiette fiscale de l'Île-du-Prince-Édouard était équivalente à la moyenne nationale, notre position financière serait pire.

En tant que responsable des finances de la province, j'ai l'obligation de m'assurer qu'il se crée un équilibre dans les secteurs que la province peut contrôler. Ainsi donc, le programme fédéral de péréquation pour appuyer les provinces constitue le pilier qui permet à celles qui ont une assiette fiscale en deçà de la moyenne, comme l'Île-du-Prince- Édouard, de demeurer intactes.

Le déséquilibre fiscal entre les provinces semble être plus évident lorsque toutes les provinces, sauf une, ne sont pas en déficit. Les finances des provinces ne sont pas toutes sur le même pied, et l'Île-du-Prince-Édouard ne peut tout simplement pas se permettre d'afficher des déficits, de percevoir des impôts supplémentaires ou d'offrir des services publics en deçà de la norme. La population nous dit que c'est inacceptable, et ça l'est également pour le gouvernement de la province quel qu'il soit.

Étant donné que les dépenses de ma province ne sont pas décalées par rapport à celles des provinces voisines et que ma province compte suffisamment sur sa propre assiette fiscale pour obtenir des recettes, l'équilibre du cadre fiscal des provinces, ce sont les crédits fédéraux qui, à mon avis, sont tout à fait insuffisants pour garder la province dans une position fiscale comparable aux autres provinces.

D'autres programmes fédéraux pour l'Île-du-Prince-Édouard sont nécessaires simplement pour équilibrer les livres, mais cela ne s'arrête pas là. Améliorer les services dans les secteurs où l'Île-du-Prince-Édouard dépense actuellement moins que la moyenne et réviser les taxes provinciales vont nécessiter un soutien additionnel important. De toute évidence, corriger le déséquilibre fiscal horizontal est la question fiscale la plus urgente que la province doit régler.

On ne manque pas de conseils sur la façon de corriger l'équilibre horizontal. Trois rapports sur la péréquation et l'équilibre fiscal au Canada ont été publiés cette année. Le Conseil de la fédération, le Groupe d'experts du gouvernement fédéral et le document du budget du gouvernement fédéral intitulé « Rétablir l'équilibre fiscal au Canada », tous donnent une image assez claire des problèmes auxquels doivent faire face les provinces en matière d'équilibre horizontal.

Peu importe l'uniformité des opinions sur le déséquilibre fiscal horizontal, ces trois instances en sont venues à des recommandations différentes sur la façon de renforcer le programme de péréquation. À mon avis, le rapport du Groupe d'experts sur le déséquilibre fiscal a vu juste dans son évaluation et dans ses recommandations visant à restaurer l'équilibre vertical et horizontal. Cela tient au mandat plus large qu'il avait d'examiner les déséquilibres fiscaux horizontaux et verticaux et les liens qui existent entre les deux.

Je suis tout à fait d'accord avec la recommandation 6.1 visant à établir le programme de péréquation sur une norme fondée sur les dix provinces et sur un éventail complet des recettes assujetties à la péréquation incluant 100 p. 100 des recettes tirées des ressources naturelles. C'est la façon la plus exacte de mesurer les disparités fiscales et de compenser les provinces pour ces disparités. Le rapport O'Brien a également reconnu ce fait, mais s'est trompé lorsqu'il a recommandé la suppression de 50 p. 100 des ressources naturelles et de toutes les recettes tirées des frais d'utilisation. Mesurer la capacité des provinces de façon précise et complète, voilà sur quoi repose le programme de péréquation. L'établissement d'une somme standard maximale pour laquelle les provinces devraient obtenir de la péréquation devrait tenir compte des normes nationales ou des moyennes nationales.

Les groupes d'experts ont tous été bien accueillis lorsqu'il a été question d'utiliser la norme des dix provinces et de maintenir le régime fiscal représentatif pour mesurer les assiettes fiscales individuelles. Je suis également en faveur de rendre le programme plus prévisible. Cependant, la pertinence du programme viendra toujours éclipser la prévisibilité. Il est clair pour moi que la pertinence du programme doit être améliorée. Le rapport sur la péréquation que votre comité a publié en 2002 en venait sensiblement à la même conclusion.

Il est important de nous rappeler que le programme doit bien fonctionner afin de permettre aux provinces d'offrir des services gouvernementaux qui sont raisonnablement comparables sans recourir à des niveaux extraordinaires d'imposition. Tout l'objectif du programme est de veiller à ce que les règles du jeu soient les mêmes pour les particuliers et les entreprises de sorte que l'économie canadienne puisse fonctionner à plein régime. Le programme concerne l'équilibre horizontal entre les provinces. Si le programme a des ratés à certains égards, alors les niveaux d'éducation, les normes de soins de santé, les conditions routières et d'autres services provinciaux vont se détériorer et on devra hausser les taxes, ce dont souffriront les économies provinciales.

En tant que trésorier provincial, je comprends pourquoi le gouvernement fédéral aimerait un contrôle d'office des coûts du programme. Cependant, je ne suis pas tout à fait en accord avec la recommandation visant à réduire la norme, advenant que le gouvernement fédéral ait des préoccupations au sujet de l'abordabilité du programme. Je crois fermement que le gouvernement fédéral continue de perpétuer le mythe que les provinces pauvres sont particulièrement bien traitées pour avoir de bonnes raisons de continuer à limiter les coûts du programme.

Je tiens à préciser que le programme de péréquation ne conférait aucun traitement favorable aux provinces moins riches durant les compressions des années 1990, comme on le laisse entendre dans le document du budget du gouvernement fédéral intitulé « Rétablir l'équilibre fiscal au Canada ». En fait, les paiements du programme étaient essentiellement à la baisse pendant la majeure partie de la décennie quand tous les niveaux de gouvernement luttaient avec leur déficit et la compression des recettes. En 1982, le programme de péréquation correspondait à 1,3 p. 100 du PIB, soit environ 8 p. 100 des recettes fédérales. En 1999-2000, il était à 1,1 p. 100 du PIB, ou 6,6 p. 100 des recettes fédérales.

Il faut se rappeler qu'en 1982, le gouvernement fédéral était en déficit. En 1999-2000, il était sur la bonne voie pour enregistrer des excédents importants et entreprendre des réductions massives d'impôts échelonnées sur plusieurs années. En 2006-2007, le programme a fléchi pour équivaloir à 0,8 p. 100 du PIB, soit 5,1 p. 100 des recettes fédérales; il est passé d'un sommet de 1,3 p. 100 du PIB national en 1982 à 0,8 p. 100 du PIB actuellement. Si on utilise l'année de 1999-2000 comme repère, les coûts abordables du programme fédéral dépasseraient 16 milliards de dollars cette année. Cette somme est suffisante pour financer le renforcement du programme qui repose sur la norme des dix provinces et un éventail complet des recettes assujetties à la péréquation.

Bien que le gouvernement fédéral puisse prétendre que le programme n'a pas été explicitement victime de compressions au cours de cette période, il faut reconnaître que la formule elle-même impliquait automatiquement des réductions. La réduction la plus importante s'est produite en 2002-2003, une fois la révision des estimations démographiques et du parc immobilier terminée. Je dis depuis longtemps que les réductions du programme de péréquation depuis 2000 ont payé l'augmentation des transferts aux provinces en matière de santé.

Recommander l'élimination d'une partie des recettes tirées des ressources naturelles et des autres recettes provenant des frais d'utilisation du programme de péréquation, comme cela est proposé dans le rapport O'Brien, contribuerait à affaiblir encore davantage le soutien du gouvernement fédéral à l'Île-du-Prince-Édouard en termes absolus et en termes relatifs par rapport au reste du pays. À la page 9 du rapport O'Brien, on montre que l'Île-du-Prince-Édouard aurait la capacité fiscale la moins importante avant et après la péréquation. Cela aurait des conséquences négatives sur les déficits futurs, les niveaux de services et la compétitivité fiscale.

Ne plus inclure les ressources naturelles et les frais d'utilisation est un bien piètre choix pour contrôler les coûts du programme et ce, pour deux raisons. Premièrement, cela n'est pas nécessaire parce que le programme est tout à fait abordable. Deuxièmement, toutes les économies que réalise le gouvernement fédéral se font sur le dos des provinces les plus faibles en faisant de la discrimination systématique à l'égard de celles qui n'ont pas de ressources naturelles. La justification des recommandations du rapport O'Brien sur les ressources naturelles, manifestement, ne tient pas la route. L'analyse la plus détaillée des arguments, y compris les ressources naturelles et la péréquation, a été faite par le professeur Robin Boadway de l'Université Queen's. Il a comparu devant votre comité pour discuter de la question le 3 octobre et sa récente critique des recommandations du rapport O'Brien paraît dans le numéro de septembre de Policy Options. Qu'il suffise de dire que ces arguments concernant l'inclusion des ressources naturelles sont connus du comité et que je suis d'accord pour qu'on les inclue.

Il ne fait aucun doute que le gouvernement fédéral peut se permettre un programme de péréquation qui repose sur la norme des dix provinces et l'inclusion complète des recettes. L'excédent fédéral en 2005-2006 a été de 13,8 milliards de dollars, même après plusieurs milliards de dépenses ponctuelles pour des fiducies aux provinces et au titre de l'aide étrangère. D'après le moniteur fiscal, l'excédent fédéral à ce jour se situe aux alentours de 6,7 milliards de dollars. Nous savons ce qui doit être fait. Il est temps que le gouvernement fédéral aborde la disparité fiscale.

Comme je l'ai déclaré lors d'une réunion des ministres des Finances à Niagara-on-the-Lake cet été et dans la correspondance que j'ai entretenue avec le ministre fédéral des Finances, je ne peux accepter les recommandations du rapport qui seraient de couper les recettes tirées des ressources naturelles en deux et d'éliminer totalement de la formule les recettes tirées des frais d'utilisation. La situation qui en résulterait serait des plus difficiles pour l'Île-du-Prince- Édouard, puisque de toutes les provinces, l'Île-du-Prince-Édouard serait la plus mal lotie et ce, d'après une somme estimative de 65 millions de dollars par année.

En ce qui concerne la correction de l'équilibre fiscal vertical entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, je crois qu'il faut absolument améliorer les ententes de financement à long terme du gouvernement fédéral au chapitre de l'éducation postsecondaire et des infrastructures publiques. Le gouvernement fédéral a l'intention de présenter ses propositions cet automne en ce qui concerne une nouvelle approche pour le soutien financier à long terme de l'éducation postsecondaire et de la formation ainsi qu'un nouveau cadre pour le financement à long terme des infrastructures.

Le gouvernement fédéral a laissé la porte ouverte à la possibilité de transférer des points d'impôt additionnels aux provinces. Je crains que ce transfert additionnel de points d'impôt aux provinces ne cause plus de torts à la fédération à longue échéance qu'il ne résolve de problèmes. Premièrement, le transfert de points d'impôt aux provinces viendra accroître la part des recettes qui sont recueillies par des gouvernements subnationaux. Par conséquent, les disparités fiscales entre les provinces vont augmenter. Par exemple, pour chaque dollar de TPS fédérale transféré à l'Alberta par habitant, l'Île-du-Prince-Édouard recevrait environ 66 cents. Il ne fait aucun doute que cela augmenterait les disparités fiscales entre les provinces ainsi que les montants nécessaires à la péréquation. Deuxièmement, cela aurait des effets négatifs sur l'efficacité du régime fiscal canadien, compromettant ainsi l'une des conditions préalables essentielles à l'établissement d'une économie plus compétitive que nous recherchons tous. Enfin, cela viendrait réduire le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral pour atteindre des objectifs nationaux en matière d'équité et d'efficience. Il faut examiner sérieusement les répercussions à long terme du transfert de points d'impôt additionnels.

À mon point de vue, tout transfert de points d'impôt proposé serait mieux utilisé d'abord pour renforcer la péréquation, et ensuite pour effectuer les investissements nécessaires dans l'éducation postsecondaire, dans le perfectionnement professionnel et les infrastructures. Ces investissements créeraient un Canada mieux protégé et plus concurrentiel dès maintenant et à long terme.

Je suis d'accord avec l'orientation que le gouvernement prend actuellement pour renforcer l'union économique du Canada. Je crois également que le succès de cette entreprise est tributaire d'une meilleure collaboration des gouvernements pour éliminer les obstacles à la compétitivité et à l'efficience de l'union économique et sociale du Canada. Cependant, si cela était une tâche facile, elle serait déjà accomplie. Il s'agit effectivement d'une tâche difficile parce que les provinces subissent les contrecoups de toutes les politiques économiques et fiscales des autres. Cela ne fait que renforcer l'importance de mettre un terme aux chicanes et d'actualiser les accords fiscaux en solidifiant la péréquation et en effectuant les investissements nécessaires en éducation et en infrastructures pour jeter les bases d'un Canada plus concurrentiel et plus productif au XXIe siècle.

Le président : Merci, monsieur le ministre.

Le sénateur Ringuette : Merci de votre exposé. Ma question était prête avant que vous ne commenciez : compte tenu de tous les groupes d'experts qui ont été créés et de toutes les recommandations qui ont été proposées, quelle formule préférez-vous? Vous avez dit dans votre exposé que vous préfériez la recommandation du groupe consultatif du Conseil de la fédération.

M. Murphy : C'est exact.

Le sénateur Ringuette : Ce n'est probablement pas une coïncidence. Plus j'analyse la question, plus je réalise que c'est probablement la meilleure solution. Étant donné la densité de la population de l'Île-du-Prince-Édouard, le financement de la santé et de l'éducation postsecondaire approuvé en fonction du nombre d'habitants vous empêche plus que les autres provinces d'investir dans ces deux secteurs.

M. Murphy : Je suis tout à fait d'accord avec vous, sénateur. Nous pourrions appliquer ce principe à l'ensemble de l'Atlantique. Les transferts par habitant dans ces secteurs sont difficiles pour tous les gouvernements simplement parce qu'on se base sur la population. D'abord, lorsqu'on a une population relativement faible répartie sur un territoire géographique important, le coût de base pour la prestation des services est plus élevé. Les transferts en fonction du nombre d'habitants sont un défi pour nous et c'est la raison pour laquelle nous avons insisté fortement pour dire que la péréquation doit être examinée au regard de la prévisibilité, de la suffisance et de la stabilité. Vous avez parlé de la santé. Les transferts de péréquation que nous recevons à l'Île-du-Prince-Édouard sont des crédits au titre des soins de santé. Nous avons un budget pour les soins de santé d'environ 460 millions de dollars par année et les transferts de péréquation se chiffrent à 291 millions de dollars. Ils correspondent à environ 50 p. 100 du budget des soins de santé, si vous voulez, plus les transports, les tribunaux et les autres services publics qu'il faut offrir. J'ai parfois l'impression que certains de mes collègues dans différentes régions du pays ne comprennent pas comment les crédits de péréquation sont appliqués dans notre économie, alors qu'ils servent simplement à offrir des services publics.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous exprimé vos opinions aux différents groupes d'experts sur l'absence d'économies d'échelle concernant ces services? Avez-vous insisté là-dessus? Quels résultats avez-vous obtenus auprès de vos homologues?

M. Murphy : En 2004, les premiers ministres s'étaient engagés à formuler une recommandation pour que l'on établisse une norme de péréquation fondée sur dix provinces. L'inclusion des recettes tirées des ressources naturelles a toujours été un problème, comme vous le savez. Je dirais que collectivement, en tant que région, jusqu'à ce que les accords soient signés en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador, la région de l'Atlantique avait toujours préconisé une telle formule. Les provinces maritimes la réclament toujours. Terre-Neuve-et-Labrador est dans une position telle qu'elle ne veut pas que les recettes des ressources naturelles soient pleinement intégrées. Le Manitoba, le Québec, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick s'entendent pour adopter la norme des dix provinces et l'inclusion totale des recettes tirées des ressources naturelles. Les opinions sont différentes dans le reste du pays.

Le sénateur Ringuette : Vous avez parlé du Québec, qui, je croyais, voulait que l'on passe à une formule en fonction du nombre d'habitants.

M. Murphy : Oui, je crois que le Québec veut faire cela pour les transferts sociaux, le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. En ce qui concerne sa position sur la péréquation, je dirais que nous sommes d'accord avec la province de Québec.

Le sénateur Ringuette : Je suis intriguée par ce message contradictoire. J'ai ici une déclaration que vous avez faite devant le Sous-comité de la Chambre des communes sur le déséquilibre fiscal en février 2005. Vous avez dit :

Dans la mesure où l'on tient compte de l'incidence horizontale, on pourrait modifier les points d'impôt que le gouvernement fédéral accorde aux gouvernements provinciaux.

Je suis surprise par cette déclaration, surtout compte tenu de votre niveau d'imposition comparativement à d'autres provinces. Dans votre exposé ce soir, vous avez dit : « Par conséquent, les disparités fiscales entre les provinces seront augmentées. Par exemple, pour chaque dollar de TPS fédérale transféré en Alberta par habitant, l'Île-du-Prince- Édouard recevrait environ 66 cents. »

Ce montant de 1 p. 100 de la TPS, à votre avis et probablement de l'avis de bien d'autres provinces, n'est pas une option retenue.

M. Murphy : Je parle du transfert de points d'impôt où le gouvernement fédéral abandonnera son pouvoir de taxation pour laisser le champ libre aux provinces. Je ne parlais pas d'une diminution de la TPS comme telle. Les commentaires que j'ai faits devant le comité de la Chambre des communes sont conformes à ce que j'ai dit ce soir mais je les ai formulés d'une manière différente. Le transfert de points d'impôt à l'Île-du-Prince-Édouard n'équivaut pas à un transfert de points d'impôt à une autre région du pays. Si les points d'impôt étaient un jour considérés comme une option, il faudrait les pondérer en fonction des conséquences qu'ils auraient sur l'économie de chaque province. À cause de nos économies d'échelle, nous nous attendrions à recevoir une indemnisation de plus de un dollar en péréquation, oui. En ce qui concerne la TPS, peut-être parlons-nous de deux choses différentes. Je parle de transfert de points d'impôt et de champ d'impôt laissé aux provinces, pas nécessairement d'une réduction d'impôt ou d'une réduction de la TPS.

Le président : J'aimerais obtenir une précision concernant les deux rapports. Vous avez le rapport du Groupe consultatif du Conseil de la fédération constitué des gouvernements provinciaux sur le déséquilibre fiscal et le rapport du Groupe d'experts du gouvernement fédéral sur la péréquation et la formule de financement des territoires. Vous avez dit préférer le rapport du Groupe consultatif des provinces quant à l'approche proposée par rapport à celle du Groupe d'experts du gouvernement fédéral. Si vous aviez le choix entre ce rapport et le nouveau cadre mis à jour pour 2004 — l'enveloppe d'argent avec une augmentation annuelle prévisible de 3,5 p. 100 — qu'est-ce que vous préféreriez?

M. Murphy : Je vais répondre à la question de cette façon : je pense qu'il y a beaucoup de similitudes entre le rapport de M. O'Brien et celui du Conseil de la fédération.

Le président : M. O'Brien est le président du Groupe d'experts.

M. Murphy : La grande différence, c'est comment régler le déséquilibre fiscal ou le problème de la disparité fiscale entre les provinces. Je préfère le rapport du Conseil qui recommande une norme en fonction des dix provinces, en incluant les ressources naturelles. C'est le principal point sur lequel les rapports divergent.

Ce qui m'inquiète avec les ajustements de 2004 apportés à la péréquation, c'est qu'ils cessent d'être axés sur une formule. En ce qui concerne l'ancien programme de péréquation, j'en ai déjà contesté la suffisance et la prévisibilité. Je ne me suis jamais opposé au fait qu'il s'agissait d'un programme axé sur une formule basée sur 33 facteurs dans un régime fiscal représentatif, parce que selon l'ancien système, il s'agissait d'une norme basée sur cinq provinces. L'économie de l'Ontario était l'une des provinces qui faisait partie de la formule — la région de l'Atlantique était exclue du calcul de même que l'Alberta — et, en raison de sa taille, l'économie de l'Ontario avait une telle influence sur cette formule que, lorsque les choses allaient bien dans cette province, la norme augmentait et nous en bénéficiions. Lorsque les choses n'allaient pas si bien en Ontario, la norme baissait et nous étions perdants. Cependant, c'était un système axé sur une formule et nous savions que cela allait se produire. Nous avons toujours demandé à l'époque d'établir une moyenne sur trois à cinq ans pour tenir compte de certains des sommets et des chutes. Je n'ai jamais contesté le fait qu'il s'agissait d'un système axé sur une formule.

Ce qui me préoccupait le plus au sujet des changements de 2004, le cadre fiscal présenté en 2004, était que le cadre abandonnait essentiellement le processus axé sur une formule; il commençait à la base en disant que l'assiette augmenterait de 3,5 p. 100 par année. Cela ne règle pas vraiment le problème de la suffisance. C'est ma grande inquiétude. On parle d'un chiffre arbitraire qui est basé sur un exercice financier et on dit qu'à partir de là, le pourcentage va augmenter au taux de 3,5 p. 100.

Le président : Ce n'était pas totalement arbitraire; c'était la somme basée sur la formule antérieure plus un petit quelque chose qui était ajouté à l'enveloppe.

M. Murphy : Vous avez raison, parce que la base à partir de laquelle on partait était dérivée d'une formule, mais essentiellement, après cela la formule a été jetée par la fenêtre.

Une autre chose qui m'inquiète, et cela m'amène à revenir au point soulevé par le sénateur Ringuette, ce n'est pas la totalité de l'augmentation qui serait strictement axée sur la formule, mais on procéderait maintenant à un calcul en fonction du nombre d'habitants, ce qui, à mon avis, pénaliserait les provinces bénéficiaires, surtout celles qui ont de petites populations comme la nôtre dans l'Atlantique.

Le président : C'est utile. Il est ici question de la formule par habitant dont on entend parler à l'occasion. Vous n'êtes pas en faveur d'une telle formule.

M. Murphy : Non.

Le sénateur Murray : On n'a jamais su vraiment comment le gouvernement fédéral avait l'intention de distribuer l'argent. Il partait à 10,9 milliards de dollars, ou quelque chose du genre, et la cagnotte devait augmenter de 3,5 p. 100 par année. Quant à savoir comment l'argent serait réparti entre les provinces bénéficiaires, on ne le savait pas vraiment. On a laissé à un futur comité le soin de prendre une décision et de faire une recommandation. Le nouveau cadre n'avait pas nécessairement de lien avec la capacité fiscale relative. Votre capacité pouvait fluctuer — cela n'avait pas d'importance — et c'était arbitraire.

Le président : C'est devenu plus arbitraire avec le temps.

Le sénateur Murray : La plupart des provinces bénéficiaires se sont plaintes de l'ancienne norme de cinq provinces, de la formule, et cetera, mais une fois que cela a été écarté et qu'elles avaient ce nouveau cadre, elles ont dit souhaiter revenir à l'ancien système, à tout le moins en principe, en ce qui concerne le calcul selon une formule.

M. Murphy : Je suis d'accord, sauf que nous avons toujours soutenu que la norme des cinq provinces n'était pas une véritable mesure qui reflétait la disparité ou la capacité fiscale. Je suis d'accord avec le sénateur Murray. En 2004, comme il l'a dit, la répartition de l'argent n'avait dès lors plus grand-chose à voir avec la capacité fiscale, mais bien plutôt avec là où vous vous trouviez lorsqu'il a été décidé que la cagnotte de 10 millions de dollars augmenterait à un taux de 3,5 p. 100.

Le sénateur Murray : C'est exact. Monsieur le ministre, simplement pour les fins du compte rendu, pouvez-vous nous dire pourquoi l'Île-du-Prince-Édouard n'a pas adopté le régime de taxe de vente harmonisée? Les trois autres provinces de l'Atlantique l'ont fait. Est-ce que c'est votre gouvernement ou le sénateur Callbeck qui a pris cette décision?

M. Murphy : C'était juste au moment des élections en 1996. Le premier ministre Milligan, qui a remplacé le premier ministre Callbeck, avait indiqué que le gouvernement de l'époque, son gouvernement, n'allait pas dans cette direction. C'est également la position que nous avons prise.

Le sénateur Murray : C'était votre parti.

M. Murphy : Oui. Nous avons maintenu cette position pendant que nous avons été au pouvoir, surtout pour une raison d'autonomie fiscale. Nous voulons avoir notre mot à dire en ce qui concerne la politique fiscale. À notre avis, certains secteurs ne devraient pas être frappés d'une taxe de vente provinciale, comme le mazout et l'électricité pour le chauffage des maisons. Ces produits sont frappés de TPS, mais pas de TVP. Nous avons pris la décision il y a quelques années d'essayer de favoriser la croissance du commerce de détail en éliminant la TVP sur les vêtements et les chaussures. Nous avons annoncé la semaine dernière que nous allons effectivement éliminer l'impôt des sociétés pour le secteur de la bioscience au cours des dix prochaines années.

Nous avons surtout invoqué une question d'autonomie fiscale. Nous ne voyons pas de grands avantages à passer à la taxe de vente harmonisée. Dans la région, certaines provinces voisines ont un impôt sur le capital. Nous n'en avons pas. Le régime fiscal renferme certains éléments qui, à notre avis, viennent atténuer certains des coûts supplémentaires engagés pour faire des affaires ou certains des avantages que les entreprises peuvent tirer de la taxe de vente harmonisée.

Le sénateur Murray : J'imagine que vous avez fait les calculs, non?

M. Murphy : Nous avons fait les calculs en vitesse. Si nous avions adopté la taxe de vente harmonisée, nous aurions renoncé à environ 45 à 50 millions de dollars par année.

Le sénateur Murray : Vous perdriez de l'argent si vous acceptiez l'harmonisation?

M. Murphy : Oui.

Le président : Cela ramènerait vos taxes de vente de 10 p. 100 ou à peu près à 8 p. 100.

Le sénateur Murray : C'est ce qui coûte cher.

M. Murphy : Oui.

Le sénateur Murray : Même avec une base plus large, vous perdriez de l'argent?

M. Murphy : Oui.

Le sénateur Murray : C'est la réponse à la question. Vous avez entendu certains témoins parler du plafonnement recommandé par ce que j'appelle le groupe O'Brien. Vous avez entendu l'argument voulant que le plafonnement soit nécessaire parce qu'aucune province bénéficiaire ne devrait se retrouver avec une capacité fiscale supérieure à celle de la province non bénéficiaire ayant la capacité fiscale la plus faible, actuellement, l'Ontario.

Vous n'en avez pas parlé dans votre déclaration, parce que ça ne vous touche pas. Qu'est-ce que vous en pensez?

M. Murphy : Je vais avancer avec précaution ici. Si vous revenez à l'approche axée sur la formule, je pense que le plafonnement n'est plus un enjeu parce que cela reflète le rendement de l'économie canadienne. Si vous utilisez la norme des dix provinces, alors toutes les provinces versent leur contribution à la cagnotte fédérale que nous appelons la péréquation. L'argent est versé au Trésor et redistribué aux provinces à l'aide du programme de péréquation. Si on utilise la formule basée sur les 33 facteurs, alors à mon avis, le plafonnement n'est plus un problème parce que si l'économie se porte mieux, la capacité fiscale du gouvernement fédéral de financer le programme est plus grande; si l'économie ralentit, alors la formule comme telle automatiquement souffre une réduction.

Le sénateur Murray : Je n'aurais peut-être pas dû vous poser la question parce que ce dont nous parlons ici, et ce dont le Groupe d'experts parle, c'est de prendre la totalité des recettes tirées des ressources naturelles aux fins du plafond tout en ne comptant que 50 p. 100 pour la répartition; mais la totalité aux fins du plafond vient annuler dans une certaine mesure l'effet des accords sur les ressources extracôtières conclus avec Terre-Neuve et éventuellement avec la Nouvelle-Écosse. C'est cela le problème, n'est-ce pas?

M. Murphy : La position de notre gouvernement à ce sujet est que ces accords ont été négociés avec Terre-Neuve-et- Labrador et la Nouvelle-Écosse. J'ai l'impression qu'il y a beaucoup de confusion qui entoure ces accords et des gens indiquent qu'ils ont d'importantes répercussions sur la péréquation et les ententes spéciales. Ce n'est pas le cas si vous comprenez les accords qui ont été négociés avec ces deux provinces en particulier. Je ne suis pas d'accord avec les gens qui adoptent cette position. C'est le même argument que la Saskatchewan apporte pour exercer plus de contrôle sur ses ressources naturelles.

Notre principe fondamental n'est pas compliqué. Si l'objectif du programme est de donner aux provinces, par le biais d'un transfert, la capacité de respecter les conditions énoncées dans la Constitution, alors le meilleur moyen d'y parvenir, c'est de refléter la véritable capacité fiscale du pays en incluant les dix provinces qui génèrent des recettes pour constituer cette capacité fiscale, tant les ressources naturelles que les frais d'utilisation.

Le sénateur Murray : Pourquoi faites-vous tant un problème de la question des frais d'utilisation? Est-ce qu'ils représentent tant que cela?

M. Murphy : Absolument. Pensez aux contacts quotidiens que vous avez avec le gouvernement. Si vous obtenez votre permis de conduire, vous payez des frais. Si vous obtenez un certificat de mariage, vous payez des frais. Actuellement, beaucoup d'opérations avec le gouvernement impliquent des frais. En fait, la Cour supérieure de l'Ontario a dit que si les frais dépassent les dépenses dans un programme, cela devient alors une taxe et elle doit être adoptée par voie législative.

Le sénateur Murray : L'exemple des frais de scolarité dans les universités a été mentionné. C'est une chose qui est difficile à mesurer, n'est-ce pas?

M. Murphy : Oui, ce l'est. Nos discussions avec les ministres des Finances ont porté sur des frais d'utilisation centrés sur le gouvernement. Nous ne sommes pas allés jusqu'aux frais de scolarité et à des choses de ce genre. Nous n'avons tenu compte que des opérations directes avec le gouvernement. Notre argument est qu'il s'agit d'une mesure de la capacité fiscale. Une partie des recettes que perçoivent les gouvernements au pays repose sur des frais que les citoyens doivent payer pour obtenir des services gouvernementaux. Dans certaines provinces, la capacité fiscale est grandement influencée par la mesure des frais qu'elles perçoivent. Si vous voulez une véritable mesure de la capacité fiscale et, partant, de la différence dans la capacité fiscale, alors vous devez inclure les frais d'utilisation.

Le sénateur Murray : Vous ne les appelez jamais une taxe, cependant, lorsque vous les mettez dans votre budget, n'est-ce pas?

M. Murphy : Seulement si ces frais correspondent aux critères établis dans la décision de la Cour supérieure de l'Ontario.

Le sénateur Murray : Voici un tableau que l'on trouve dans le rapport du groupe O'Brien. À ma surprise, je constate qu'en ce qui concerne les recettes par habitant perçues par le gouvernement fédéral en 2003, l'Île-du-Prince-Édouard verse plus de ces recettes au gouvernement fédéral que toute autre province de l'Atlantique, et plus que le Manitoba, comme je le lis à la page 27. Pourquoi en est-il ainsi? Je suppose que les revenus moyens sont plus élevés à l'Île-du- Prince-Édouard?

M. Murphy : J'aimerais bien.

Le sénateur Murray : C'est à cause de tous ces employés fédéraux.

M. Murphy : C'est une bonne question; je n'ai pas la réponse comme ça à brûle-pourpoint, mais nous allons essayer d'en trouver une.

Le sénateur Murray : Puisque vous êtes ici, je me suis dit que je pourrais peut-être satisfaire ma curiosité à ce sujet.

Le président : Il y a moins d'enfants. Tout le monde travaille et paie des impôts.

Le sénateur Murray : Peut-être sont-ils plus efficaces.

M. Murphy : Je pense que nous avons inclus dans notre mémoire un tableau qui indique les recettes du gouvernement fédéral en pourcentage du PIB provincial en 2003.

Le président : Nous l'avons ici; c'est un graphique à barres.

Le sénateur Murray : Vous êtes pas mal haut.

M. Murphy : Nous avons effectivement une réponse. Je vais demander à M. Burns de vous donner l'explication.

Nigel Burns, analyste principal, Relations fiscales fédérales, gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard : Le tableau que nous avons fourni indique les recettes du gouvernement fédéral par province en pourcentage du PIB, ce qui est un autre dénominateur du tableau dans le rapport O'Brien. Il montre effectivement que les recettes du gouvernement fédéral provenant de l'Île-du-Prince-Édouard sont un peu plus élevées en pourcentage de notre économie que les recettes provenant d'autres provinces.

Les provinces qui se démarquent véritablement sont Terre-Neuve, la Saskatchewan et l'Alberta, situation attribuable en grande partie aux ressources naturelles. Les recettes fédérales tirées des ressources naturelles sont un peu moins élevées que ce que le gouvernement fédéral perçoit, disons, de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés ou de la taxe de vente.

M. Murphy : Je crois que cela reflète notre pénurie de ressources naturelles. C'est un autre argument, soit dit en passant, qui explique pourquoi les ressources naturelles devraient être incluses dans la formule.

Le sénateur Murray : Je suppose que je ne devrais pas poser une question fondée sur une rumeur, mais les informations les plus fréquentes qui circulent en ville sont que le gouvernement fédéral va adopter le rapport O'Brien, soit la formule de 50 p. 100. Vous savez que M. Harper avait promis une norme de dix provinces, mais sans inclusion des ressources non renouvelables. Cela poserait beaucoup de problèmes financiers et politiques. Le rapport O'Brien a proposé un compromis entre 0 et 100 p. 100, et l'on a choisi 50 p. 100. Il y a aussi d'autres mises en garde dans le rapport, comme vous le savez. Le programme est un programme fédéral à 100 p. 100. Le gouvernement fédéral a beau jeu.

Qu'est-ce qu'il faudrait pour que vous puissiez vous accommoder de ce rapport?

M. Murphy : Je ne dirais pas que je suis prêt à accepter cette recommandation pour l'instant. Il faut replacer les choses dans leur contexte et voir ce qui arrivera au financement des infrastructures ou de l'éducation postsecondaire.

Le sénateur Murray : L'équilibre vertical.

M. Murphy : Le déséquilibre vertical. Cependant, je ne suis pas d'accord avec l'approche et je ne le serai pas non plus si c'est ce qui est recommandé. À mon avis, ce n'est pas la meilleure recommandation à ressortir d'un rapport d'experts sur la question au cours des années. Certains membres ont contribué au rapport du Sénat en 2002. L'argumentation et les points soulevés ne changent toujours pas. Si j'ai 30 étudiants dans ma classe, pour obtenir une note moyenne, je fais bien mieux d'additionner les notes des 30 étudiants et de les diviser par 30, que de choisir celles de 20 étudiants et de les diviser. Quelle formule me donne une mesure plus juste? C'est ce que j'ai dit ici, pour obtenir la meilleure mesure de la capacité fiscale, pour avoir le meilleur moyen de respecter le critère de la Constitution, nous avons la norme des dix provinces, l'inclusion des ressources naturelles à 100 p. 100 et des frais. Nous allons devoir assumer les conséquences de ce qui est recommandé.

J'aimerais préciser ceci, si vous le permettez, monsieur le président, parce que je l'ai escamoté dans mon exposé. Le progrès va de pair avec une économie en expansion, et nos recettes autonomes sont, en bout de ligne, la réponse aux transferts fiscaux du gouvernement fédéral.

Je sais que certains témoins ont comparu devant votre comité et ont soutenu que la meilleure chose qui pouvait arriver dans les Maritimes ou dans l'Atlantique, ce serait d'éliminer graduellement ou complètement la péréquation. Cette suggestion a été faite ici, mais de toute évidence, pas par quelqu'un qui essaie d'assurer la prestation de services publics. Voici mon point de vue : toutes les provinces dans la région de l'Atlantique font des pieds et des mains pour que leurs régimes fiscaux soient plus concurrentiels. Je crois que le Nouveau-Brunswick a l'impôt sur les sociétés le moins élevé pour les petites entreprises de tout le pays. Le gouvernement a pris la décision d'aller dans cette direction parce qu'il veut attirer les entreprises et faire progresser son économie.

Dans mon dernier budget, j'ai annoncé que d'ici à cinq ans, nous en serons à 1 p. 100 d'impôt sur les sociétés pour les petites entreprises. Nous avons toujours le taux d'imposition général sur les entreprises le plus élevé du pays. Je pense que nous sommes à égalité avec la Saskatchewan. Nous sommes plus élevés maintenant, mais la Saskatchewan s'est engagée à baisser son taux. La capacité fiscale, c'est avoir les moyens d'offrir des services publics de qualité. C'est aussi faire en sorte que notre économie prenne de l'expansion. Ces soutiens sont nécessaires pendant que les provinces cherchent les moyens de faire croître leur économie.

J'ai pleinement confiance qu'au cours de la prochaine décennie, ou des 15 prochaines années, l'écart fiscal entre le reste du Canada et l'Île-du-Prince-Édouard, et le Canada atlantique en général, se comblera considérablement, sinon complètement. J'ai pleine confiance parce que les économies sont en croissance. Actuellement, l'Île-du-Prince-Édouard connaît une pénurie de main-d'œuvre. Il y a des postes qui demeurent vacants. L'économie est en pleine croissance. La province voisine du Nouveau-Brunswick a fait d'importantes annonces en ce qui concerne le développement énergétique. Nous savons qu'il se passe de bonnes choses en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve.

Cependant, on ne peut pas, comme le prétend l'Atlantic Institute for Market Studies, tout à coup retirer les transferts du gouvernement fédéral et se faire dire de pousser notre économie, de combler l'écart fiscal avec le reste du pays du jour au lendemain. Je pense que nous allons effectuer cette transition au cours de la prochaine décennie, peut- être une deuxième, nous allons voir une grande amélioration, sinon l'élimination de l'écart fiscal entre notre région et le reste du pays. J'ai vraiment confiance que cela se réalisera, mais il faut que ce soit un processus planifié, ce qui explique pourquoi j'appuie le mécanisme de péréquation axé sur la formule qui prend en considération le plus grand nombre possible de facteurs relatifs à la capacité fiscale.

Nous allons automatiquement abaisser nos transferts fiscaux au fur et à mesure que notre économie prendra de l'expansion. Je suis d'accord avec cela à 100 p. 100. C'est la raison pour laquelle la péréquation est établie. Si nous générons plus de recettes autonomes et que notre capacité financière se rétrécit par rapport au reste du Canada, est-ce que notre péréquation devrait être plus faible? Absolument; c'est ainsi que le programme a été construit. Je fais appel au gouvernement fédéral pour qu'il laisse le programme faire le travail pour lequel il a été créé.

Le sénateur Mitchell : Vous dites que l'approche fondée sur la formule serait votre préférence, que cela se traduise par une réduction ou par une augmentation, car les économies subissent des fluctuations. Êtes-vous d'accord avec une réduction absolue ou si vous dites que vous devriez avoir une certaine marge, mais que votre part pourrait être relativement moindre une année?

M. Murphy : Si le mécanisme est mis en place, et à mon avis, ce devrait être la norme des dix provinces et l'inclusion de toutes les ressources naturelles, alors il s'agit d'une mesure de la capacité fiscale de tout le pays. Si l'économie se porte bien, le gouvernement fédéral a plus d'argent qui entre dans ses coffres. Il redistribue cet argent grâce au programme de péréquation. Si l'économie va moins bien, alors le problème de la capacité financière devient certainement un facteur. Je sais pertinemment qu'Ottawa doit assumer de nombreuses responsabilités que les provinces n'ont pas. De grands enjeux nationaux comme la défense font partie de ses responsabilités. Je ne propose pas de voler le Trésor fédéral. Je dis que, si le programme est axé sur une formule, alors à ce moment-là c'est cohérent. Ce ne sont alors pas des décisions arbitraires prises par le gouvernement du jour. On ne part pas d'une base arbitraire, qui va augmenter selon un pourcentage arbitraire, et pour laquelle il n'y a pas de mesure permettant de déterminer si elle est adéquate ou pas.

Il y a des années où j'ai vu nos transferts de péréquation diminuer, étant fondés sur la norme des cinq provinces et du rendement économique qui est inclus dans cette norme. Notre gouvernement a dû décider de ce que nous ne ferions pas à cause de cette perte de revenus voire d'augmenter les taxes pour compenser cette perte. Cela faisait partie de la formule. Notre problème à l'époque était que ce n'était pas une véritable mesure de la capacité fiscale nationale parce que cela n'incluait pas l'Alberta et les provinces atlantiques. Je ne dis pas que la formule aurait dû inclure seulement l'Alberta. Elle aurait dû inclure tout le monde. Les dix provinces constituent la norme.

Ce sera le cas, mais ce sera le cas en raison même de la formule sur laquelle on se sera entendu et parce que la capacité fiscale de toutes les provinces sera prise en compte. Ce serait déraisonnable de la part d'une province bénéficiaire de prétendre que si, pour une raison quelconque, l'économie de l'Ouest du Canada ralentissait ou tombait en récession, nous devrions nous attendre à ce que nos paiements de péréquation augmentent, je ne soutiendrai jamais un tel argument.

Le sénateur Mitchell : En ce qui concerne les transferts d'impôt à la page 8 de votre mémoire, vous avez dit que, pour chaque dollar de TPS fédérale transféré à l'Alberta par habitant, l'Île-du-Prince-Édouard recevrait environ 66 cents. Dois-je comprendre que je peux tirer une ligne franche et simplement dire que, par conséquent, l'habitant moyen de votre province dépense deux tiers de plus que l'Albertain moyen? Si tel est le cas, est-ce que je peux en parler à mes enfants?

M. Murphy : Cela concerne le revenu par habitant et les dépenses dans la province.

Le sénateur Mitchell : La TPS est imposée sur les dépenses.

M. Murphy : Oui, c'est exact, mais aussi sur la consommation et sur les sommes qui sont dépensées, ainsi que sur la taille de votre économie.

Le sénateur Mitchell : Est-ce que vous offrez des mesures incitatives pour faciliter le développement de l'industrie aérospatiale ou attirer celle-ci chez vous?

M. Murphy : Oui, nous avions une base militaire qui a été fermée, et l'accord dans le secteur de l'aérospatiale qui, je crois, est pour 14 ou 20 ans, consiste essentiellement en un rabais d'impôt sur les sociétés, de taxes de vente et de taxes foncières. Nous avons un programme fiscal pour inciter les entreprises à s'installer dans l'ancienne base militaire.

Le sénateur Mitchell : En ce qui concerne l'éducation postsecondaire, pouvez-vous me dire ce que vous pensez des restrictions quant à la façon dont cet argent est dépensé, comment il doit être attribué par le gouvernement fédéral et sur quoi doit-on mettre l'accent? Hier, nous avons entendu un témoin selon qui le gouvernement fédéral devrait stimuler l'éducation postsecondaire, notamment grâce à la recherche et à l'aide au développement et en effectuant des dépenses directes, mais que le gouvernement fédéral ne fait littéralement rien pour l'instant.

M. Murphy : Je suis d'accord. Le gouvernement précédent avait mis en place des chaires de recherche, ce qui était un bon investissement pour le pays.

Le sénateur Mitchell : C'était le gouvernement libéral.

M. Murphy : Oui, et il avait accordé des crédits pour la R-D. Je crois qu'il est presque impossible qu'un pays comme le nôtre puisse jamais dépenser assez d'argent pour la R-D. Dans une économie mondiale, c'est une dépense essentielle. Si d'autres transferts au titre de l'éducation postsecondaire nous sont versés, je sais, avec les transferts additionnels en matière de santé, qu'il existe un mécanisme de responsabilisation, un cadre qui a été établi pour que la province indique où l'argent a été investi et comment il a été dépensé. Cela ne nous cause aucune difficulté. C'est une question de responsabilisation : le gouvernement fédéral et les Canadiens ont le droit de savoir clairement où l'argent de leurs impôts est dépensé et quels résultats ces investissements donnent également.

Le sénateur Cowan : J'aimerais vous poser une question ou deux sur ce qui se passe actuellement en Nouvelle-Écosse avec la Municipalité régionale de Cap-Breton qui s'en prend au gouvernement provincial. Il est donc question de péréquation au sein de la province. Je suppose que vos municipalités exercent des pressions pour obtenir plus d'argent du gouvernement provincial, et la dépendance du gouvernement provincial à l'égard des recettes du gouvernement fédéral, des paiements de transfert d'un genre ou l'autre, vous crée des problèmes.

Avez-vous été poursuivis en justice comme le gouvernement de la Nouvelle-Écosse?

M. Murphy : Non, mais nous avons de la difficulté avec les municipalités de la province. Nous avons également un programme de péréquation fédéral-municipal. C'est un problème quand on pense que la suffisance de financement est un problème entre les niveaux fédéral et provinciaux. Les municipalités ne sont pas différentes dans leurs relations avec les provinces que nous ne le sommes dans nos rapports avec le gouvernement fédéral. Elles souhaiteraient que le programme soit amélioré pour répondre à leurs besoins d'infrastructures, etc.

Comme ce sont des compétences provinciales, il y a des différences. Par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard, la province est responsable des routes et des écoles. C'est peut-être la même chose en Nouvelle-Écosse. Les impôts locaux ne sont pas affectés à ces postes, bien que, dans certaines provinces, ils le soient. Je crois que nous offrons une plus grande gamme de services à nos municipalités que la plupart des provinces du pays. Même la plupart des municipalités de l'Île-du-Prince-Édouard comptent un pourcentage de routes dont la province est responsable. La province est responsable à 100 p. 100 de l'éducation et de la santé. Dans une grande mesure, la province couvre ces dépenses. Cela est différent dans d'autres provinces.

La réponse directe à votre question est oui, c'est un problème pour nous. Les municipalités de l'Île-du-Prince- Édouard ont une position légitime. Oui, leurs coûts augmentent. J'aimerais être en mesure de leur accorder plus de péréquation municipale.

Le président : Vous serez peut-être heureux d'apprendre qu'une fois que nous aurons fini notre discussion sur l'équilibre horizontal de la péréquation et que nous aurons produit un rapport intérimaire, notre comité étudiera l'équilibre fiscal vertical; alors surveillez nos rapports.

Le sénateur Di Nino : Il y a bien des années, lorsque je faisais découvrir le Canada à mes enfants, nous sommes allés dans les provinces maritimes, mais pas à Terre-Neuve. Quand nous sommes allés à l'Île-du-Prince-Édouard, nous voulions y passer la journée, ce qui était tout ce que j'avais parce que ma femme nous rencontrait au Cap-Breton. On disait qu'on pouvait nous amener à l'Île-du-Prince-Édouard, mais qu'on ne pouvait pas nous promettre de nous ramener. Quel impact le pont a-t-il eu sur l'économie de l'Île-du-Prince-Édouard?

M. Murphy : Le pont a eu un impact positif important sur l'économie de l'Île-du-Prince-Édouard. Je peux vous donner des statistiques pour appuyer ce que je dis. L'été avant l'ouverture du pont, nous comptions environ 750 000 visiteurs. Depuis que le pont est ouvert, on a en moyenne dépassé plus d'un million de visiteurs. Du point de vue économique, surtout des ressources primaires, de l'agriculture et des produits de la pêche, un vaste marché pour nos produits de la pêche se trouve dans la région de Boston. Il est difficile de signer un contrat avec un fournisseur ou un acheteur de Boston et garantir la livraison à temps s'il est possible qu'on soit pris dans la glace pendant 18 heures durant l'hiver. Ainsi, le pont nous a ouvert des marchés dans toute l'Amérique du Nord.

Honnêtement, je ne vois aucun aspect négatif qui découle de la construction du pont. Il y a eu tout un débat dans la province à l'époque, mais le pont a des répercussions économiques positives et importantes sur la province.

Le sénateur Di Nino : Une autre question qui vient de nulle part. Les ressources naturelles sont des possibilités de création de recettes pour les régions. L'une des différences entre l'Île-du-Prince-Édouard et la Saskatchewan, par exemple, est que vous avez de belles plages qui attirent les gens, qui vous donnent des possibilités de créer des recettes. Ces recettes devraient-elles être incluses dans la définition des recettes tirées des ressources naturelles?

M. Murphy : C'est un point intéressant. Cela fait partie de la thèse que nous avons fait valoir, à savoir que je serais d'accord pour dire que les plages de l'Île-du-Prince-Édouard sont une ressource naturelle. Notre produit touristique génère environ 400 millions de dollars par année en dépenses directes dans la province, mais nous n'avons pas de pétrole ni de gaz naturel. Or, en calculant notre capacité fiscale, nous comptons l'argent tiré du tourisme et des ressources naturelles, alors que d'autres ne le font pas. C'est un concept intéressant. Comment définir une ressource naturelle? Où s'arrête-t-on? Cela fait partie de notre dilemme.

Je félicite les autres provinces qui génèrent des recettes de leurs ressources naturelles et qui offrent de meilleurs services publics à leurs citoyens. Je n'ai aucune objection à cela. Cependant, l'impact ne se fait pas sentir seulement sur les services publics. Mon collègue de la Saskatchewan a été capable d'annoncer cette semaine qu'il réduisait sa taxe de vente provinciale pour la ramener de 7 à 5 p. 100, en grande partie pour faire concurrence à son voisin de l'Ouest. Cela a exercé des pressions sur son voisin de l'Est, mon collègue du Manitoba, qui a dû réagir.

Lorsque l'exploitation des ressources naturelles fait augmenter vos recettes, cela a des répercussions sur la prestation des services publics et sur la compétitivité fiscale de la région, etc. Cela a un impact très vaste.

C'est pourquoi nous devrons inclure toutes les sources de recettes lorsque nous établirons la formule. Avec tout le respect que je dois à M. O'Brien, je ne comprends pas la logique qui sous-tend la recommandation visant à inclure 50 p. 100 des recettes tirées des ressources naturelles. Pourquoi voulez-vous mesurer seulement 50 p. 100 du potentiel fiscal d'une province dans ce secteur? Cela ne concorde pas avec l'objectif du programme.

Le sénateur Di Nino : Je suis d'accord pour dire que M. Murphy a présenté sa position de façon éloquente.

Le président : Monsieur le ministre Murphy, permettez-moi de reprendre les mots du sénateur Di Nino. Au nom de tous nos collègues ici au Comité sénatorial permanent des finances nationales, nous sommes heureux que vous et M. Burns soyez venus nous rencontrer pour nous présenter une position claire et convaincante. Nous souhaitons pouvoir poursuivre le dialogue.

La séance est levée.


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