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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 6 - Témoignages du 21 novembre 2006


OTTAWA, le mardi 21 novembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 33 afin d'examiner, pour en faire rapport, les enjeux relatifs à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers ordres de gouvernement au Canada.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs, je déclare que la rencontre du Comité permanent des finances nationales est ouverte. J'aimerais tout d'abord souhaiter la bienvenue à mes collègues. Je vous présenterai notre invitée spéciale dans quelques minutes, après avoir fait mes observations préliminaires.

Les membres du comité se réunissent aujourd'hui afin de continuer le travail sur le déséquilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers ordres de gouvernement au Canada. Cette étude traite d'une question d'intérêt public et tombe à point.

Il s'agit d'une question d'actualité qui revêt beaucoup d'importance pour les gouvernements provinciaux et territoriaux. Voilà pourquoi nous avons invité les provinces et les territoires à nous présenter des commentaires, en personne ou par écrit.

Je suis heureux d'accueillir aujourd'hui l'honorable Marie Bountrogianni, députée, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre responsable du renouveau démocratique de l'Ontario.

Nous vous remercions de votre présence parmi nous aujourd'hui. Il nous tarde d'entendre vos observations préliminaires, qui seront suivies d'une période de questions et de débat.

On m'a dit que vous deviez retourner à Queen's Park. Alors si cela vous convient, cette séance ne durera qu'une heure, soit jusqu'à 10 h 30.

L'honorable Marie Bountrogianni, députée provinciale, ministre des Affaires intergouvernementales et ministre responsable du renouveau démocratique de l'Ontario, province de l'Ontario : Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui. Je vous remercie de votre invitation, car cela me permet de vous parler de cet enjeu important et de faire valoir, une fois de plus, la position de l'Ontario.

Le déséquilibre fiscal est un dossier chaud. Il touche tous les Canadiens, toutes les provinces, tous les territoires ainsi que notre capacité d'investir dans nos citoyens et notre avenir. Il freine notre capacité d'offrir les services dont les Canadiens ont besoin, tels que les soins de santé, l'éducation postsecondaire, des infrastructures bien entretenues et un soutien aux travailleurs sans emploi.

Je suis heureuse que le comité ait décidé de se pencher sur cet enjeu. Je sais qu'à cette étape de vos audiences, les discussions s'articulent autour du déséquilibre fiscal horizontal. Aussi, je commencerai mon exposé en abordant le programme de péréquation fédéral. Tout d'abord, je ne peux traiter de la position de l'Ontario à ce sujet sans parler du traitement inéquitable accordé à notre province et à ses habitants en ce qui concerne les accords fiscaux nationaux. Puis, en terminant, je vous présenterai plusieurs moyens importants qui, selon le gouvernement de l'Ontario, nous permettraient d'aller de l'avant afin de régler la question du déséquilibre fiscal d'une manière équitable pour tous les Canadiens.

En deux mots, l'Ontario croit que la clé de la réussite concernant le déséquilibre fiscal est l'équité. Soulignons qu'une solution durable au déséquilibre fiscal ne pourra être mise en œuvre que dans la mesure où tous les ordres de gouvernement travailleront ensemble à trouver des solutions qui conviennent à tous les Canadiens. Voilà ce qu'attendent les citoyens, ce qu'exige l'économie mondiale, et ce à quoi les Canadiens ont droit.

Les Ontariens se sentent très responsables envers le Canada. Nous sommes la seule province à n'avoir jamais reçu de paiements de péréquation, mais nous sommes fiers de notre engagement historique envers le programme et des services ainsi offerts aux Canadiens sur l'ensemble du territoire. Cette année, le coût du programme de péréquation s'élèvera à 11,5 milliards de dollars. La contribution des Ontariens constitue 43 p. 100 de cette somme, ce qui représente 4,9 milliards de dollars. Au cours des quatre dernières années, le programme de péréquation a connu une croissance de plus de 30 p. 100, et cette croissance annuelle devrait se maintenir à environ 3,5 p. 100 pendant de nombreuses années à venir.

La Constitution doit faire en sorte que toutes les provinces soient en mesure d'offrir à leurs habitants des niveaux de services publics et des taux d'imposition raisonnablement comparables. La taille actuelle du programme de péréquation permet de respecter cet engagement et aucune preuve à l'appui ne permet d'affirmer le contraire. En fait, lorsqu'on inclut les transferts fédéraux, on s'aperçoit que certaines provinces bénéficiaires de la péréquation disposent déjà d'une capacité fiscale supérieure à celle de l'Ontario.

Cela signifie que les Ontariens fournissent des fonds aux gouvernements d'autres provinces afin de soutenir des taux d'imposition inférieurs et des dépenses plus élevées pour des programmes clés, ce que le gouvernement de l'Ontario n'est pas en mesure d'offrir à ses propres citoyens.

Pourtant, certaines provinces continuent de réclamer que des majorations soient apportées au programme, notamment adopter la norme des 10 provinces et tenir compte de toutes les ressources, comme le préconise le Comité consultatif sur le déséquilibre fiscal du Conseil de la fédération. Même les membres du comité consultatif estiment que le coût d'une telle approche pourrait être exorbitant.

Les Ontariens n'ont tout simplement pas les moyens d'absorber d'autres majorations : pas au moment où l'Ontario se classe au dernier rang pour les dépenses générales et au neuvième rang en ce qui a trait aux sommes accordées à l'éducation postsecondaire, d'autant plus que le taux d'imposition des Ontariens correspond à la moyenne nationale.

Vous vous demandez peut-être, tout comme moi, comment il se peut qu'une province relativement bien nantie puisse avoir un taux d'imposition aussi élevé que les autres provinces et, malgré cela, avoir moins de fonds disponibles pour offrir des services publics à ses citoyens. La réponse réside dans le fait que le système des transferts fédéraux, y compris le programme de péréquation, impose aux Ontariens un fardeau fiscal trop lourd et exige d'eux trop d'argent en vue de le redistribuer.

Permettez-moi de vous présenter un seul exemple, bien que je puisse en citer des dizaines. Don Drummond, économiste en chef à la Banque TD, a écrit que le fait de bonifier le programme de péréquation serait comme si l'on fixait un boulet à la cheville de l'Ontario. Il déclare que si l'on compromet la capacité de l'Ontario de servir de locomotive économique, on risque de nuire à la capacité de la province de soutenir le programme de péréquation. M. Drummond écrit aussi que les accords fiscaux sont injustes pour l'Ontario. Comme il le souligne, cela fait en sorte que la province se classe au dixième rang pour les dépenses par habitant.

Depuis la dernière série de changements apportés aux accords fiscaux en 2004-2005, les principaux transferts fédéraux annuels affectés à l'Ontario ont connu une augmentation de 223 $ par habitant. Si l'on compare cette somme aux hausses obtenues par d'autres provinces, on constate que c'est 725 $ pour Terre-Neuve, 648 $ pour le Nouveau- Brunswick, 453 $ pour le Québec, 519 $ pour le Manitoba et 349 $ pour la Saskatchewan.

Nous ne pouvons tout simplement pas continuer à répondre aux besoins des autres provinces sans donner suite aux préoccupations de l'Ontario. Un peu plus tôt, j'ai parlé du Comité consultatif sur le déséquilibre fiscal du Conseil de la fédération. Bien que nous soyons opposés à la méthode de péréquation proposée, nous convenons que le programme doit reposer sur l'utilisation d'une formule de répartition. Un programme qui est censé tenir compte des changements liés à la capacité fiscale restrictive des provinces ne devrait pas simplement croître automatiquement chaque année. L'Ontario étant considéré comme le plus grand cotisant net à la péréquation, il est évident que la taille du programme a des répercussions sur ses habitants.

En effet, il est écrit dans le rapport O'Brien du Comité consultatif du Conseil de la fédération que :

Pour ce qui est des provinces non bénéficiaires qui n'ont pas de ressources naturelles (c.-à-d. l'Ontario), l'inclusion des revenus des ressources naturelles, combinée à une norme des 10 provinces, fait en sorte que leurs contribuables — déjà frappés par la hausse des prix du pétrole et du gaz — se voient demander de payer encore davantage pour aider les provinces bénéficiaires. Plus le pourcentage de revenus tirés des ressources naturelles qui est inclus dans la péréquation est élevé, plus le fardeau supporté par les contribuables de l'Ontario est lourd.

Nous sommes satisfaits que cet état de fait ait été reconnu dans le rapport O'Brien ainsi que dans deux des recommandations formulées par le groupe d'experts. Premièrement, M. O'Brien réclame un plafond pour faire en sorte que la capacité fiscale d'une province qui reçoit la péréquation ne surpasse pas celle d'une province qui ne la reçoit pas. Deuxièmement, nous somme satisfaits des commentaires fournis par le groupe d'experts en ce qui a trait à l'intégration constante des points d'impôt dans le Transfert canadien en matière de santé (TCS) et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux (TPCS). Ainsi, je me permets de citer une partie du rapport O'Brien :

Il s'agit en fait d'une forme détournée de péréquation et d'une source constante d'irritation, aussi bien pour des raisons techniques que sur le plan des principes. Le Groupe d'experts invite le gouvernement fédéral et les provinces à se pencher sur cette question afin que la péréquation soit le principal moyen d'égaliser les capacités fiscales entre les provinces.

En Ontario, nous endossons entièrement cette position. Nous croyons en un programme de péréquation transparent. En dehors de ce programme, les transferts fédéraux devraient être effectués d'une manière telle que toutes les provinces soient traitées également. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas.

Considérons ceci : l'Ontario reçoit 86 $ de moins par personne en vertu du TCS et du TCPS que les provinces qui reçoivent la péréquation. Cette pratique entraîne une perte d'environ 1,1 milliard de dollars annuellement. L'Ontario ne reçoit donc pas une part égale des sommes accordées par habitant par les fonds d'infrastructures fédéraux. À présent, le manque à gagner se chiffre environ à 1,2 milliard de dollars pour la durée de six programmes d'infrastructures fédéraux.

En 2004-2005, le soutien fédéral pour la formation professionnelle s'élevait à 1 143 $ par Ontarien sans emploi comparativement à 1 827 $ par personne sans emploi ailleurs au Canada. Si l'Ontario recevait le même montant de financement fédéral par personne sans emploi que ce qui est accordé en moyenne dans les autres provinces, une somme supplémentaire de 314 millions de dollars pourrait être allouée annuellement à la formation professionnelle en Ontario. Les Ontariens sans emploi reçoivent en moyenne 3 640 $ de moins en prestations d'assurance-emploi fédérales que ce qui est offert aux personnes sans emploi ailleurs au Canada. Cette somme s'ajoute donc au manque à gagner annuel d'environ 1,6 milliard de dollars.

Ces pratiques sont injustes. Un Canadien est un Canadien, peu importe où il vit, et tous méritent d'être traités également par le gouvernement fédéral. Les formules de répartition devraient être justes, fondées sur des principes et transparentes.

Comme dirigeants, vous conviendrez, j'espère, qu'il est nécessaire de trouver des solutions avantageuses pour tous les Canadiens et qui nous permettront de préparer le pays à relever les défis de l'avenir. Dernièrement, le gouvernement fédéral a annoncé une aide relative aux mesures de sécurité dans les systèmes de transport en commun, et cette aide est plus avantageuse à Montréal et à Vancouver qu'à Toronto. Le gouvernement fédéral a annoncé des mesures d'aide aux travailleurs plus âgés touchés par le chômage, mesures qui profitent plus aux travailleurs des autres provinces qu'à ceux de l'Ontario. Lorsqu'on lui demande d'expliquer ces décisions et les principes les justifiant, le gouvernement fédéral ne nous fournit pas d'explications convaincantes.

Assurément, il est frustrant pour les travailleurs ou banlieusards de l'Ontario de réaliser qu'au-delà du programme de péréquation, le gouvernement fédéral choisit de dépenser plus d'argent pour soutenir les travailleurs ou banlieusards d'une autre province.

Comme vous pouvez le constater, je pourrais discuter de ces questions pendant encore un bon moment, mais je sais que le temps qui m'est accordé est limité, tout comme le vôtre. Voilà pourquoi je vous invite à vous rendre sur un nouveau site Internet que le premier ministre McGuinty a lancé la semaine dernière — www.fairness.ca — où vous trouverez de plus amples renseignements à propos de ces enjeux et de l'effet qu'ils ont sur les Ontariens et leurs collectivités.

Comme je l'ai mentionné précédemment, les Canadiens doivent trouver une solution au déséquilibre fiscal qui bénéficie à tous les Canadiens, dont 39 p. 100 vivent en Ontario. Dans notre province, nous voyons des solutions claires qui nous permettraient d'atteindre cet objectif. En premier lieu, le gouvernement fédéral peut donner suite aux préoccupations de l'Ontario en matière d'équité en accordant une aide en espèces égale par habitant lorsqu'il s'agit de transferts fédéraux d'application générale qui ne sont pas assujettis au programme de péréquation. Cette solution est compatible avec les recommandations du Groupe d'experts fédéraux sur la péréquation et du Comité consultatif sur le déséquilibre fiscal du Conseil de la fédération.

Elle reçoit aussi l'appui de nombreux experts, allant de Kenneth Boessenkool à Robin Boadway, lesquels ont comparu devant le comité le mois dernier. Si le gouvernement fédéral tient à axer davantage les accords fiscaux sur les principes de base, à renforcer la transparence et la responsabilisation des accords fiscaux, à créer un milieu intergouvernemental meilleur et plus coopératif, il s'agit là d'un élément indispensable du processus.

En deuxième lieu, le gouvernement fédéral devrait envisager un transfert coordonné de marge fiscale à l'intention des provinces ou accroître les transferts par habitant à toutes les provinces et à tous les territoires en vertu du Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Ce programme a subi une compression importante au milieu des années 1990. Le gouvernement fédéral s'est employé à rétablir les sommes réduites dans les transferts en matière de santé, mais le TCS continue de fournir aux provinces et aux territoires des milliards de dollars en moins qu'il y a dix ans.

Tous les premiers ministres provinciaux et territoriaux ont réclamé le rétablissement du TCPS à ses niveaux de 1994- 1995. Toutes les provinces et tous les territoires pourraient tirer profit de ce changement suivant un montant égal par habitant, ce qui nous permettrait d'investir dans les aptitudes et les connaissances des Canadiens pour bâtir le Canada de demain. Fait peut-être le plus important, cette solution est équitable. Elle n'exclut aucune partie du pays. En revanche, elle aide de façon égale toute la population canadienne, y compris les 39 p. 100 des Canadiens et Canadiennes qui vivent en Ontario.

En troisième lieu, le Canada doit réformer le programme de péréquation, mais une réforme ne signifie pas l'attribution d'encore plus d'argent. Cela signifie revenir à une formule qui s'acquitte de l'engagement énoncé dans la Constitution, tout en reflétant un Canada moderne. Nous privilégions une solution qui puisse être appliquée dans les limites des sommes déjà affectées au programme.

En terminant, disons que l'Ontario estime qu'il nous faut prendre du recul par rapport aux discussions actuelles sur le déséquilibre fiscal afin de nous assurer que nos accords fiscaux pourront appuyer les objectifs de notre pays. Voilà pourquoi le premier ministre McGuinty a réclamé qu'une commission nationale examine les accords fiscaux en ayant comme objectif qu'ils puissent nous aider à prospérer dans une économie mondiale concurrentielle. Un tel examen veillerait à ce que le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les administrations municipales disposent tous des ressources nécessaires pour s'acquitter de leurs responsabilités.

Le moment d'un tel examen est venu. Le dernier examen approfondi de la question a été effectué en 1937 par la Commission Rowell-Sirois. Or, le Canada a beaucoup changé en 70 ans. Nous ne vivons plus dans une économie protégée par des barrières douanières élevées, mais plutôt dans une économie mondiale hyperconcurrentielle. Le retard lié à nos accords fiscaux doit être comblé. Des accords fiscaux désuets qui fixent un boulet à l'économie de l'Ontario ne contribueront pas à la prospérité du Canada.

Il nous faut de nouveaux accords fiscaux qui nous permettent de créer de la richesse dans ce nouveau monde. Il nous faut de nouveaux accords fiscaux qui donnent de bons résultats pour nos villes et il nous faut aussi de nouveaux accords fiscaux qui donnent de bons résultats pour toutes les régions du Canada, y compris l'Ontario. En Ontario, nous discutons de ces questions depuis plusieurs mois déjà. Dans notre province, il existe une unanimité, rarement atteinte, autour de cette question.

Les trois partis de l'Assemblée législative de l'Ontario ont demandé au gouvernement fédéral de régler le problème du déséquilibre fiscal d'une manière équitable pour tous les Canadiens. Plus de 120 municipalités de l'Ontario ont adopté des résolutions analogues. En juin dernier, le premier ministre McGuinty et moi-même avons tenu un sommet « Un Ontario fort » où nous avons écouté les dirigeants du milieu des affaires, du secteur public élargi et des milieux universitaires. Tous ont convenu que les arguments de l'Ontario étaient probants et qu'il convenait de les présenter à la population de la province et aux décideurs à Ottawa.

Je parle ici, aujourd'hui, non seulement au nom du gouvernement McGuinty, mais aussi au nom de millions d'Ontariens et Ontariennes. Mesdames et messieurs les sénateurs, l'Ontario demande l'équité. Nous estimons qu'il s'agit du meilleur point de départ pour l'avenir du Canada. Le déséquilibre fiscal touche l'ensemble de la population canadienne. Des solutions qui n'aident qu'une partie de la population canadienne ne sont pas des solutions.

Je vous remercie et je serai heureuse de répondre à vos questions.

Le président : Votre suggestion concernant la mise sur pied d'une commission nationale sur les accords fiscaux nous amène à la deuxième partie de nos discussions. Comme vous l'avez souligné dans vos commentaires, nous traitons actuellement des accords fiscaux horizontaux à cette étape de notre examen, mais nous prévoyons nous orienter dans la direction que vous proposez. Il est possible que nous vous invitions à nouveau pour venir discuter de cet autre sujet en temps voulu.

Le sénateur Di Nino : Nous vous remercions, madame la ministre, de nous avoir exposé votre point de vue.

Premièrement, il convient de reconnaître que le gouvernement actuel, qui est en en fonction depuis à peine dix mois, soit très peu de temps, a reconnu qu'il existe un déséquilibre fiscal, ce qui n'était pas le cas du gouvernement précédent.

J'aurais quelques questions précises. Lors de votre exposé, vous avez parlé de la nécessité d'avoir un programme d'assurance-emploi qui soit égal pour tous les travailleurs au pays. À ma connaissance, le programme d'assurance- emploi ne traite pas toutes les régions au sein d'une même province de la même manière, ce qui comprend aussi l'Ontario.

Êtes-vous en train de suggérer que l'on devrait traiter les régions, notamment le nord de l'Ontario, l'est de l'Ontario, la ville de Windsor et toutes les autres villes de la province aux prises avec des problèmes de chômage plus importants, de la même manière que les régions qui, heureusement, connaissent une meilleure situation en matière d'emploi?

Mme Bountrogianni : Je reconnais habituellement que ce gouvernement a été l'un des premiers à admettre qu'il existe un déséquilibre fiscal. Nous sommes satisfaits de cela. Il s'agit là d'un premier pas. Cependant, il nous tarde de voir comment cette reconnaissance sera interprétée et comment les solutions seront mises en œuvre.

Le programme de l'assurance-emploi présente plusieurs problèmes en Ontario. Nous estimons que ce programme a besoin d'être revu en profondeur. J'ai mentionné l'écart en question, mais les solutions ne sont pas, à notre avis, aussi simples que les subventions de transfert dans le cadre desquelles l'augmentation des montants en fonction de ce que reçoivent les autres Canadiens semble logique. En raison de la démographie de l'Ontario, seulement environ 29 p. 100 de la population est admissible à l'assurance-emploi. Il peut être erroné de comparer les régions de l'Ontario à cause de cela. Cette comparaison fausse l'analyse et les statistiques.

Nous devons naturellement aider les régions où le chômage est plus élevé, que ce soit ailleurs au Canada ou en Ontario. Toutefois, l'assurance-emploi en Ontario est faussée par la démographie. Nous avons un taux d'immigration élevé et les immigrants mettent plus de temps à accumuler le nombre de mois de travail pour être admissibles. Comme c'est le cas d'autres régions dans certaines provinces, nous comptons un grand nombre de travailleurs saisonniers, en plus de devoir composer avec d'autres enjeux.

Une fois de plus, cet enjeu comporte deux parties. La première concerne le programme d'assurance-emploi actuel et la deuxième se rapporte au financement de la formation. Nous recevons également moins par chômeur pour la formation. Bien que nous ayons signé une entente relative au marché du travail avec le gouvernement précédent, entente que le gouvernement actuel a promis d'honorer, nous n'avons toujours pas reçu les fonds. Si l'argent était versé, ce serait un début, mais il est maintenant temps d'examiner le système d'assurance-emploi en profondeur, pas uniquement en Ontario, mais dans l'ensemble des provinces canadiennes.

Le sénateur Di Nino : Pour être certain que je comprends bien, vous ne préconisez pas un avantage égal pour toutes les régions aux prises avec des problèmes de chômage, n'est-ce pas?

Mme Bountrogianni : Les statistiques font ressortir une autre injustice en Ontario. Contrairement aux transferts, que nous estimons être une injustice flagrante et facile à redresser, la question de l'assurance-emploi, selon nous, doit être étudiée de plus près.

Nous n'avions pas soulevé cette question jusqu'à tout récemment. Nous ne voulons pas désorienter les électeurs ontariens en donnant beaucoup de chiffres. Ils sont tous très occupés et, lorsque nous leur lançons des chiffres, ils supposent que nous sommes des politiciens partisans. Tant sur le plan de la formation que sur celui de l'assurance- emploi, cette question doit être examinée en tenant compte de l'ensemble du pays.

Mes collègues d'autres provinces m'ont dit que le problème existait également dans certaines régions de leur province.

Le sénateur Di Nino : Vous constaterez probablement que le gouvernement actuel est également d'accord. Comme je l'ai dit, après dix mois, son rendement est acceptable, si ce n'est supérieur, et il continue de l'être. Un engagement a été pris dans le budget de 2006 pour traiter des questions de péréquation, et cet engagement se poursuivra dans le budget de 2007.

Vous avez parlé de transferts de fonds par habitant. Je veux être certain de comprendre ce que vous dites. Proposez- vous que des fonds soient transférés par habitant, ce qui voudrait dire que les provinces dont la population est plus petite et qui comptent des collectivités autochtones recevraient moins de fonds qu'elles n'en reçoivent aujourd'hui dans le cadre du programme?

Mme Bountrogianni : Non, pas du tout. Il existe des collectivités autochtones en Ontario. En fait, nous avons présentement d'importants problèmes dans ces collectivités et nous avons également des problèmes géographiques. Des études ont montré que les programmes sociaux coûtent plus cher à administrer en Ontario que dans les autres provinces. Pourtant, nous recevons moins d'argent que le reste du pays pour les soins de santé, les services sociaux et l'enseignement postsecondaire.

Nous disons simplement que, lorsqu'une personne a besoin de se faire remplacer une hanche, elle devrait recevoir le même montant que n'importe quel autre Canadien de toute autre province. Je sais que nous parlons surtout de déséquilibre vertical, mais on ne peut pas aborder l'un sans l'autre puisque l'un affecte l'autre.

Quant à l'enseignement postsecondaire, nos étudiants universitaires et collégiaux reçoivent 100 $ de moins chacun que ceux des autres provinces. Ce montant ne semble pas beaucoup, mais compte tenu de notre population, il est important, et cet argent pourrait beaucoup améliorer notre système d'éducation postsecondaire. C'est un seul et même pays. Nos étudiants vont étudier dans d'autres provinces, et d'autres viennent étudier en Ontario. Nous devrions avoir un excellent système d'éducation postsecondaire et du financement comparable à la grandeur du pays.

Nous avons bon espoir sur le plan de l'enseignement postsecondaire. Quelques sommets ont eu lieu. Les premiers ministres provinciaux étaient tous d'accord sur ce point, et je crois que le premier ministre est à l'écoute.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec moi pour dire que la péréquation repose sur le fait que certaines provinces sont mieux nanties que d'autres. Si vous croyez que l'Ontario reçoit moins d'argent que les autres provinces, cela s'expliquerait en grande partie par le fait que les revenus et la fortune des Ontariens sont supérieurs à la moyenne. Je crois que vous conviendrez également que les Ontariens sont prêts à accepter moins d'argent parce qu'ils sont mieux nantis.

Mme Bountrogianni : Ils n'ont rien de plus. L'analyse montre que la capacité fiscale de certaines provinces bénéficiant de la péréquation est plus grande que celle de l'Ontario. L'Ontario a changé. Nous avons également des défis à relever. Nous sommes fiers de verser 5 milliards de dollars, près de la moitié du paiement de péréquation du pays. Nous en sommes fiers et nous voulons continuer à le faire. Nous disons simplement qu'en tant que province, aucune preuve ne justifie l'augmentation de ce montant. Même si l'argent est recueilli par l'intermédiaire des impôts fédéraux, l'Ontario n'en verra jamais la couleur. Il a été distribué à d'autres provinces. Le taux est porté à 3,5 p. 100 par année, tel qu'établi par l'ancien gouvernement, sans égard à la capacité fiscale de l'Ontario et des provinces bénéficiant de la péréquation. Nous croyons que cette formule doit changer afin de constamment refléter les capacités fiscales.

Nous parlons de régions différentes et de leurs défis. Lorsque j'étais ministre des Services à l'enfance et ministre de l'Immigration, j'ai entendu les mêmes arguments lors de mes déplacements. Nous avons des défis similaires à relever en Ontario. Qu'il s'agisse de problèmes liés aux Premières nations, à la géographie et à d'autres aspects, nous avons des défis que d'autres provinces n'ont pas à affronter. Nous croyons donc que le déséquilibre doit être étudié.

Le président : Le sénateur Di Nino a ouvert la voie à la deuxième phase de notre discussion sur la capacité fiscale verticale, mais j'aimerais rappeler aux honorables sénateurs que nous parlons ici de péréquation et de déséquilibre horizontal. Je comprends que la ministre dise qu'il est difficile de parler de l'un sans traiter de l'autre, mais nous espérons produire un rapport la semaine prochaine peut-être, qui pourrait guider et aider le gouvernement, qui compte faire une déclaration sur la péréquation prochainement. Nous sommes donc un peu pressés par le temps.

Le sénateur Cowan : J'aimerais souhaiter la bienvenue à la ministre. Je ne suis pas certain que tous les gouvernements partageraient l'opinion du sénateur Di Nino sur les progrès réalisés par le gouvernement quant à la question de l'équilibre ou du déséquilibre fiscal. Il me semble que cette opinion dépend d'où vous venez et de ce que ça signifie. Les difficultés surgissent des menus détails, et il reste à voir si le gouvernement peut régler cette question à la satisfaction de tous les gouvernements. Selon les témoins qui ont comparu devant ce comité et ce que j'ai entendu de l'extérieur, ça dépend de la province d'origine. Pour une province comme l'Ontario, ça signifie de ne pas prendre plus d'argent de l'Ontario. Dans d'autres cas, ça signifie que des provinces ont besoin de plus d'argent, lequel doit venir de quelque part. Évidemment, nous suivrons la question avec intérêt au fur et à mesure des événements.

Le sénateur Di Nino a soulevé un point dont je voulais discuter avec vous, soit l'assurance-emploi. Vous en parlez à la page 18 de vos notes d'allocution. À la page suivante, vous parlez du caractère injuste, selon votre point de vue, du traitement de l'Ontario quant aux mesures de sécurité et au soutien financier pour les travailleurs âgés. Pouvez-vous expliquer de quelle façon la province a été défavorisée à cet égard?

Mme Bountrogianni : Des annonces ont été faites récemment sur d'autres villes et sur ce qu'elles recevraient. Cela étant dit, j'ai lu hier ou aujourd'hui que la région de Windsor était prise en considération. Alors peut-être que la question d'injustice sera étudiée. Cependant, d'importantes sommes ont été annoncées pour d'autres villes, mais pas pour l'Ontario.

Le sénateur Cowan : Donc, un montant de x millions de dollars a été versé à Vancouver et à Montréal, un autre chiffre en rapport avec la taille de l'opération, et ces chiffres semblent déséquilibrés?

Mme Bountrogianni : Oui.

Le sénateur Cowan : Ce n'est pas tant une formule qu'un montant?

Mme Bountrogianni : Ce n'est pas une formule du tout.

Le sénateur Cowan : Qu'en est-il du soutien financier aux travailleurs âgés? Comment ça fonctionne?

Mme Bountrogianni : C'est une question relevant d'assurance-emploi, et nous recevons moins pour nos travailleurs âgés que les autres provinces.

Le sénateur Cowan : Cette question n'a-t-elle pas de lien avec les différences régionales dont le sénateur Di Nino a parlé?

Mme Bountrogianni : Non, je ne crois pas. Il ne sera peut-être pas d'accord avec moi. La question concerne plus la situation démographique de l'Ontario.

Le sénateur Eggleton : Merci d'être ici. Vous avez avancé des arguments convaincants tout d'abord au nom du gouvernement de l'Ontario, mais aussi en celui des contribuables ontariens qui, qu'ils soient d'accord ou non avec le gouvernement ontarien, veulent un système équitable.

J'ai été heureux de constater que vous avez traité autant des questions verticales que des questions horizontales parce que je conviens qu'il est difficile de les dissocier. Nous devrons en tenir compte lorsque nous en discuterons. Je remarque avec joie que vous avez également mentionné les villes, et nous examinerons cette question précise de plus près lorsque nous discuterons de la partie verticale du programme.

Dans les comparaisons statistiques des pages 16 et 17 de vos notes, où vous parlez du montant de 86 $ de moins provenant du TCS-TCPS, qui a entraîné un manque à gagner de 1,1 milliard de dollars, que se répercute surtout dans le système d'éducation. Cependant, vous abordez également les programmes d'infrastructure et enfin la formation professionnelle et le grand écart entre les chômeurs ontariens et ceux d'ailleurs au pays, soit 1 143 $ en Ontario et 1 827 $ ailleurs. Certaines personnes soutiennent que les coûts sont plus élevés dans d'autres régions du Canada, notamment au Canada atlantique parfois. Compte tenu des économies d'échelle, les possibilités ne sont pas aussi importantes qu'elles ne le sont à Toronto, et c'est peut-être une partie de la justification. J'aimerais avoir vos commentaires à ce propos.

Enfin, quant à l'idée d'une commission nationale, deux études ont été réalisées : l'étude O'Brien et celle du Conseil de la fédération. Et il y a aussi l'étude antérieure du Sénat. Serait-il raisonnable d'en commander une autre? Qu'est-ce qu'une commission nationale peut faire de plus que ces études?

Mme Bountrogianni : Oui, la relation verticale-horizontale est importante. Dans le rapport O'Brien, même si l'étude devait porter seulement sur la péréquation, il est question de péréquation détournée et du caractère injuste des transferts. L'étude a fait mention d'un plafond fondé sur la capacité fiscale des provinces. Il est difficile de séparer les deux.

En ce qui concerne les économies d'échelle, les recherches ont démontré que l'administration des programmes sociaux coûte plus cher en Ontario, et pourtant, nous dépensons moins pour les programmes sociaux.

Selon une autre étude de l'Atlantic Institute for Market Studies (AIMS) dans les Maritimes, dont vous avez entendu parler, je crois, l'Ontario dépense son argent sagement et efficacement comparativement aux autres provinces. On ne peut donc pas dire que la province a besoin de plus d'argent parce qu'elle manque d'efficacité. Cet argument a été réfuté.

Avons-nous besoin d'une autre commission? En entendant le mot « commission », la plupart des gens présument qu'il s'agit d'une autre étude ou d'une autre excuse pour retarder une solution. Les deux études réalisées, celle commandée par le Conseil de la fédération et l'autre, ont été menées séparément. Celle demandée par les premiers ministres a été réalisée sans la participation du gouvernement fédéral. Les premiers ministres provinciaux ont demandé au gouvernement fédéral d'y participer, mais celui-ci a refusé. Bien qu'il se soit éloigné de l'objectif initial de n'aborder que la péréquation, le rapport O'Brien de la commission sur la péréquation a encore une fois été préparé dans l'isolement. Nous croyons qu'il devrait y avoir une commission nationale où tous les partenaires, y compris les municipalités, auraient le droit de parole.

Personne parmi cette distinguée assemblée ne sera étonné que le Canada ait pris du retard en matière d'infrastructures dans nos villes, puisque vous voyagez partout dans le monde. Ceux qui nous enviaient nous devancent maintenant. C'est merveilleux d'aller dans un autre pays et de se promener librement sans faire face aux problèmes que nous avons ici et d'observer ses infrastructures, ses édifices patrimoniaux et ses manifestations artistiques. Nous rentrons ensuite au pays en nous demandant ce qui a bien pu se passer alors que nous étions en avance il y a 20 ans. Nous étions peut-être trop complaisants dans notre prospérité, et nous ne pouvons plus nous permettre de l'être aujourd'hui. Le Canada a changé, mais le monde a changé encore plus, et nous devons non seulement examiner nos accords financiers et fiscaux nationaux, mais également le lien que ces accords entretiennent avec un monde en évolution.

C'est difficile d'être impartial. Nous avons tous nos propres opinions, mais nous serions mieux servis par une commission nationale ou une commission royale qui prendrait une approche aussi impartiale que possible et examinerait nos accords fiscaux.

Le sénateur Ringuette : Un point a piqué mon intérêt dans votre exposé. C'est à la page 6 où vous dites que les Canadiens qui vivent en Ontario paient 43 p. 100 du montant de péréquation. J'aimerais voir le tableau qui détermine cette contribution.

Vous dites ensuite que ce pourcentage représente 4,9 milliards de dollars pour l'Ontario.

J'y vais parfois. Nous avons tendance à avoir des programmes et des mémoires sélectifs. Pour votre information, lorsque vous dites que l'Ontario verse 4,9 milliards de dollars au programme de péréquation, saviez-vous que la masse salariale du gouvernement fédéral équivaut annuellement à plus de 11 milliards de dollars pour l'Ontario? Cela représente plus de 100 p. 100 de ce que vous avez déterminé être les coûts des paiements de transfert de l'Ontario.

Ensuite, à la page 10 de votre exposé, vous dites : « La réponse réside dans le fait que le système des transferts fédéraux, y compris le programme de péréquation, impose aux Ontariens un fardeau fiscal trop lourd et exige d'eux trop d'argent en vue de le redistribuer. »

Vous parlez ensuite des différents programmes. J'ai peut-être un préjugé favorable à l'égard du Nouveau-Brunswick et du Canada atlantique, comme vous avez le vôtre à l'égard de l'Ontario. Si j'examine les différentes politiques gouvernementales fédérales concernant les allègements fiscaux — les programmes, le financement provenant d'Industrie Canada et des fonds de fiducie d'innovation et de recherche, le transport urbain, les municipalités, certains diraient les villes, les programmes d'infrastructure municipaux où, selon certains, urbains, les transferts pour l'enseignement postsecondaire et le transfert global pour la santé —, à mon avis, dans l'ensemble, l'Ontario n'a pas conclu une mauvaise affaire au sein de cette fédération. Peu importent le déséquilibre fiscal et le système de transferts actuel.

Cependant, si vous demandez une commission royale, je crois alors que chaque point doit être étudié. Au bout du compte, la commission royale conclura peut-être à l'injustice de tous les programmes qui transfèrent de l'argent par habitant ainsi que de tous les programmes et politiques du gouvernement qui semblent favoriser le Canada central au détriment des différentes régions. Le résultat pourrait ne pas être en votre faveur.

Mme Bountrogianni : Nous nous réjouirions de la création d'une commission nationale. Nous croyons que ses conclusions seraient en notre faveur.

Abordons le premier point. Les emplois au gouvernement fédéral sont répartis d'une façon générale à la grandeur du pays, et même si la capitale fédérale est située en Ontario, la proportion d'Ontariens employés par le gouvernement fédéral est inférieure à celle de certaines autres provinces. Son taux de 1,2 p. 100 est inférieur à celui de 2,6 p. 100 à l'Île- du-Prince-Édouard, de 2,5 p. 100 en Nouvelle-Écosse, de 1,8 p. 100 au Nouveau-Brunswick, de 1,4 p. 100 au Manitoba et de 1,3 p. 100 à Terre-Neuve-et-Labrador. Les dépenses directes du gouvernement fédéral en biens et services en Ontario totalisaient 17,5 milliards de dollars en 2003, ce qui ne représente que 3,5 p. 100 de l'économie de l'Ontario, comparativement à 3,6 p. 100 au Québec, à 4,5 p. 100 au Manitoba, à 4,7 p. 100 à Terre-Neuve-et-Labrador, à 6,4 p. 100 au Nouveau-Brunswick et à 9 p. 100 à l'Île-du-Prince-Édouard. Dans l'ensemble, le gouvernement fédéral recueille sensiblement plus de recettes des Ontariens qu'il n'en dépense dans la province en biens et services, comparativement au reste du Canada.

En ce qui concerne les autres exemples que vous donnez sur ce que l'Ontario reçoit, la province compte plus d'habitants. Par habitant, nous recevons quand même moins dans tous les domaines que vous avez mentionnés, qu'il s'agisse d'enseignement postsecondaire, de services sociaux, de soins de santé ou d'infrastructure.

Le sénateur Ringuette : Je me souviens, l'an dernier, monsieur le président, que nous avons reçu de nombreuses personnes concernées par les fonds de fiducie et les questions spéciales d'infrastructure et de recherche, et les tableaux des investissements favorisaient principalement l'Ontario. Je sais que le temps est limité, mais j'aimerais vous revoir pour continuer la discussion.

Le président : J'espère que la ministre reviendra pour une discussion paisible au sujet de tous ces autres points soulevés dans notre examen des paiements de transfert et des injustices apparentes.

Le sénateur Andreychuk : Puisque le président nous rappelle constamment que cette étude est horizontale et non verticale, vous dites en page 24 : « [...] le Canada doit réformer le programme de péréquation, mais une réforme ne signifie pas l'attribution d'encore plus d'argent. Cela signifie revenir à une formule qui s'acquitte de l'engagement énoncé dans la Constitution, tout en reflétant un Canada moderne. »

C'est un énoncé valable. Comment y parvient-on? Vous indiquez vouloir revenir à une formule. Est-ce que ça signifie que nous devons faire des changements? De quels changements s'agit-il? Comment répondre aux besoins du Canada sans ajouter plus d'argent au processus?

Mme Bountrogianni : Nous croyons que rien ne prouve qu'il faille ajouter plus d'argent à l'assiette de péréquation pour assumer les responsabilités prises dans le cadre de la Constitution. Certaines provinces dont la capacité fiscale est plus grande que celle de l'Ontario bénéficient encore de péréquation alors que notre province n'en profite pas et ne l'a jamais fait. Encore une fois, ce n'est pas que nous ne voulons pas contribuer. C'est l'argent des contribuables fédéraux. C'est dans la constitution.

Je vous donne un exemple. En Europe, l'équivalent, en fait pas tout à fait la même chose, est le système de subventions. Je ne dis pas que nous devons adopter le modèle européen, mais nous pouvons apprendre des autres. L'Australie avance les mêmes arguments que le Canada. Par exemple, si nous adoptions le modèle européen, le nord de l'Ontario aurait droit à la péréquation. Nous devons réévaluer la façon dont nous distribuons l'argent au pays. Les besoins régionaux pourraient être un facteur. Cette distribution doit être étudiée attentivement par une commission.

Par exemple, un grand nombre d'Ontariens vivent sous le seuil de la pauvreté. Nous faisons de notre mieux en tant que gouvernement. D'autres gouvernements ont également fait de leur mieux, mais le problème est là. Cette différence régionale devrait peut-être également être examinée.

De nombreuses approches différentes pourraient être envisagées. Nous pourrions discuter avec les nombreux États qui ont été et sont aux prises avec ce problème. Présentement, il faut se pencher sur l'augmentation automatique sans aucune reddition des comptes quant à la façon dont l'argent est dépensé.

Le sénateur Andreychuk : Ça m'intéresse. Vous dites donc que vous ne tenez pas compte des critères provinciaux, mais des critères régionaux?

Mme Bountrogianni : C'est une possibilité.

Le sénateur Andreychuk : Est-ce une possibilité réaliste?

Mme Bountrogianni : D'autres États l'ont fait. Nous pouvons apprendre. Encore une fois, ce n'est qu'un exemple de ce qui pourrait se faire.

Le sénateur Andreychuk : Plusieurs ententes de péréquation ont été mises en œuvre par le gouvernement précédent. L'une d'entre elles ne concerne pas la Saskatchewan. Proposez-vous que nous reprenions ces ententes?

Mme Bountrogianni : C'est une bonne question. Je sais que certains de mes collègues dans les Maritimes se posent également la question. La solution doit être ouverte et transparente. Même si les rapports présentaient dans l'ensemble des recommandations différentes, ils ont tous les deux proposé de mettre fin à cette péréquation détournée, ces ententes actuelles, surtout lorsqu'il s'agit de programmes nationaux universels : soins de santé, services sociaux et enseignement postsecondaire. La solution ou l'étude de la commission doit être juste, ouverte et transparente, principes sur lesquels il faudrait se fonder.

J'ai donné d'autres exemples pour illustrer ce qui pourrait se passer ou comment d'autres États s'attaquent à ces questions. Ce n'est pas de mon ressort, mais de celui de la commission nationale. J'ai également souligné que l'Ontario affrontait aussi des défis.

Au cours d'une réunion, on a dit que c'est un peu comme si l'Ontario voulait enlever les clés de la BMW à ses jeunes frères et sœurs. Au pays, on a l'impression que les Ontariens sont riches. Nous avons notre part de problèmes en Ontario concernant la pauvreté, le transport, les infrastructures et l'économie. Il faut le reconnaître. Il faut en tenir compte en compte lorsqu'on examine le déséquilibre horizontal.

Le sénateur Andreychuk : Pour ce faire, évaluez-vous également quelles sont vos responsabilités provinciales auprès des administrations municipales?

Mme Bountrogianni : Tout à fait.

Le sénateur Andreychuk : Vous n'en avez pas parlé.

Mme Bountrogianni : Oui, j'en ai parlé. Les administrations municipales devraient également participer au processus. Nos villes sont mal en point, et pas seulement en Ontario. La situation est la même à la grandeur du pays.

Le sénateur Murray : Naturellement, l'origine de la péréquation soi-disant cachée date de 1977, à l'époque où le gouvernement Trudeau avait conclu une entente avec les provinces pour payer une partie de la « contribution fédérale » en points d'impôt, soit 13 points d'impôt sur le revenu des particuliers et un point d'impôt des sociétés. Quoi qu'il en soit, puisque la valeur des points d'impôt varie autant d'une province à l'autre, le gouvernement a dû en faire des points d'impôt soumis à la péréquation.

J'en parle simplement parce qu'à la page 23 de votre déclaration, vous demandez au gouvernement fédéral d'envisager un transfert coordonné de marge fiscale aux provinces. Je mentionne en passant que, peu importe que le gouvernement se serve du programme général de péréquation ou de la péréquation cachée, un tel transfert devra tenir compte du fait que la valeur des points d'impôt varie considérablement d'une province à une autre.

Les contribuables ontariens, comme vous le dites, payent 43 p. 100 de la péréquation. Il est juste de dire qu'ils payent 43 p. 100 des Forces canadiennes, du ministère de l'Agriculture et du Carrousel de la GRC parce que nous avons un système d'impôt progressif, et que les revenus et les recettes de l'Ontario sont supérieurs à la moyenne.

Cela étant dit, j'ai cru pendant quelque temps que l'Ontario avait des griefs légitimes : transferts inférieurs à la moyenne sur le plan des accords de développement du marché du travail et de l'immigration, moins de fonds que la moyenne, peu importe l'explication, et je viens juste de la donner, pour le Transfert canadien en matière de santé, le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, ainsi que d'autres griefs similaires. Ces griefs ne sont pas nés avec le gouvernement actuel, loin de là; ils découlent plutôt de l'entente conclue entre le Canada et l'Ontario en 2005. Vous serez heureux de savoir que j'ai consulté votre site web, que j'ai lu votre déclaration de Whitby et que j'ai également consulté le site web sur l'équité. Cependant, l'entente entre le Canada et l'Ontario de 2005 a tenté de traiter notamment de l'enseignement postsecondaire, du logement, des questions que j'ai mentionnées, du développement du marché du travail et des villes, et ce, sur une période six ans et pour 6,8 milliards de dollars.

Vous pouvez me faire une mise à jour — même si j'ai consulté le site Web pas plus tard qu'hier — si la situation a changé d'une quelconque façon. Quelques jours avant l'élection qui a eu lieu plus tôt cette année, M. Harper avait écrit au premier ministre McGuinty pour lui signaler qu'il n'aurait aucune difficulté à accéder à sa demande à ce sujet. Il a dit : « Nous financerons entièrement cet accord jusqu'en 2009-2010 et 2010-2011, ce qui est tout à fait possible dans le contexte de la souplesse financière qui caractérise nos plans. »

Maintenant, l'Ontario fait valoir que, depuis, le gouvernement fédéral a proposé quelques nouveaux programmes nationaux applicables à toutes les provinces et — reprenez-moi si je me trompe et s'il y a eu des changements au cours des derniers jours — récupère, comme avant, des montants de l'entente initiale alors que ces montants reviendraient à l'Ontario dans le cadre de ces nouveaux programmes. Je crois que l'Ontario a le droit d'en être scandalisé. Ce n'est pas comme ça que nous agissons au Canada.

Où en êtes-vous rendus relativement à cette entente? Êtes-vous en train de la négocier? Y a-t-il eu des changements?

Mme Bountrogianni : Pour ce qui est du premier aspect de votre question, qui traite des points d'impôt, il devra s'agir d'un transfert coordonné de marge fiscale convenu et non d'un transfert unilatéral. Depuis la fin des années 1970, comme vous le savez, on a apporté tellement de changements aux transferts et à la péréquation, et nous n'en avons pas vraiment tiré profit. La plupart des experts s'entendent pour dire que la manière de procéder utilisée n'était pas appropriée.

Dans le cadre de l'entente Canada-Ontario de 2005, le premier ministre fédéral nous a promis que celle-ci serait respectée, ce qui n'est pas le cas à quelques égards. Aucun montant n'a encore été versé aux organismes en matière d'immigration. J'ai négocié cela. J'étais ministre de l'Immigration à cette époque. J'ai négocié de bonne foi pour éviter que l'argent ne soit versé ni au gouvernement de l'Ontario, ni au Trésor de l'Ontario, mais bien directement aux organismes. À ce jour, les organismes n'ont absolument rien reçu. Cependant, nous gardons espoir.

Le sénateur Murray : Dans la mesure où il y a des transferts, vous les avez intégrés à votre budget, n'est-ce pas?

Mme Bountrogianni : En effet. On nous l'avait promis. Nous avions reçu une lettre, donc nous l'avons fait. Or, l'entente relative au marché du travail n'est pas honorée. En ce qui a trait à l'enseignement postsecondaire, le gouvernement fédéral compte l'argent qu'il versera à l'ensemble du pays dans le cadre de l'entente Canada-Ontario. Ce n'est pas ce qui était convenu; l'entente Canada-Ontario devait constituer la première étape permettant de réduire l'écart, la première étape pour régler le déséquilibre fiscal entre l'Ontario et le gouvernement fédéral. C'est ainsi que les choses se passent.

Maintenant, nos deux ministres des Finances sont en total désaccord, et nous continuerons à défendre le point de vue de l'Ontario, selon lequel cette entente doit être honorée.

D'autre part, d'autres éléments de l'entente Canada-Ontario n'ont pas encore été respectés. Par contre, nous avons en main la lettre du premier ministre fédéral; c'est pourquoi nous espérons qu'il y fera honneur à un moment donné.

Le sénateur Murray : Je n'irai pas plus loin, pour être juste avec les autres, monsieur le président. J'aurais aimé soulever d'autres questions, mais cela peut attendre.

Le président : J'espère que la ministre Bountrogianni aura l'occasion de revenir pour que nous puissions aborder d'autres éléments.

[Français]

Le sénateur Nolin : Madame la ministre, merci d'avoir accepté notre invitation. Ma question sera assez simple pour ne pas perdre l'attention des auditeurs qui nous écoutent. Dans le dossier du déséquilibre fiscal, les hyperboles financières sont de mise. Au Québec, nous entendons nos adversaires indépendantistes parler d'un retour obligatoire de près de quatre milliards de dollars et, du point de vue de l'Ontario, le chiffre qui revient souvent est de 23 milliards de dollars, qui semblerait être l'écart avec ce que vous prétendez être votre contribution à l'effort canadien; de la part du gouvernement fédéral, on entend le chiffre de 18 milliards de dollars.

Je voudrais savoir si vous maintenez toujours cet argument selon lequel il doit y avoir un rapprochement ou si l'écart entre ce que vous voulez et ce que le gouvernement fédéral offre est de 23 milliards de dollars?

[Traduction]

Mme Bountrogianni : Les 23 milliards de dollars correspondent essentiellement à la différence entre les impôts versés par les Ontariens au gouvernement fédéral et les services qu'ils reçoivent en retour. Ce n'est pas le montant que nous demandons au gouvernement fédéral. Nous lui demandons des transferts par habitant pour obtenir ce que les autres provinces reçoivent. Nous avons également demandé les mêmes transferts par habitant en matière de soins de santé, de services sociaux, d'enseignement postsecondaire, d'infrastructure et d'assurance-emploi.

Ces 23 milliards constituent un montant qui change d'une année à l'autre : 18 milliards, 22 milliards et 23 milliards de dollars. Par contre, il importe de remarquer que l'écart a augmenté pour passer de 2 milliards au début des années 1990 à 23 milliards aujourd'hui. Des groupes de réflexion et des tiers, comme les banquiers, l'Institute for Competitiveness and Prosperity de l'Université de Toronto, l'Atlantic Institute for Market Studies et la CIBC, ont dit que cet écart de plus en plus important ne peut plus durer ni continuer de croître.

Nous n'avons jamais demandé 23 milliards de dollars. Ce montant constitue la différence entre ce que nous donnons et ce que nous recevons en retour. Nous demandons des transferts par habitant en matière de soins de santé, de services sociaux, d'enseignement postsecondaire et d'infrastructure. Nous demandons également la tenue d'une étude du programme d'assurance-emploi, car les intervenants nous répètent sans cesse que nous sommes aussi traités injustement à cet égard.

[Français]

Le sénateur Nolin : Le fait que notre système de taxation au Canada soit progressif et que l'Ontario soit la province où il y a le plus de citoyens et de corporations riches fait en sorte que celle-ci produit le plus de revenus fiscaux. Pour rééquilibrer cela, dois-je comprendre que vous nous suggérez de changer notre méthode de taxation au Canada et d'aller vers un système de taxation à taux unique?

Le fait que l'Ontario ne reçoive pas de péréquation tient compte de sa richesse per capita, et j'admets, Madame, que vous avez des problèmes sociaux comme toutes les provinces. Mais lorsqu'on regarde la capacité fiscale, la fourniture en revenus publics de l'Ontario, la province est la plus riche et c'est pour cette raison que vous n'avez pas accès à la péréquation. C'est certainement l'élément le plus important dans le calcul de cet écart entre ce que les citoyens ontariens payent et reçoivent du gouvernement fédéral.

[Traduction]

Mme Bountrogianni : Je dispose d'une analyse relative à cet écart de 23 milliards de dollars, et je peux vous la transmettre. Près de 50 p. 100 de cet écart s'explique par le fait que nous avons une population plus grande et, par conséquent, que nous payons davantage d'impôt. Une autre tranche de 10 p. 100 constitue notre contribution aux programmes nationaux, tels que la défense. Nous sommes fiers que nos contribuables puissent donner de la plus-value au revenu du pays. Nous sommes également fiers de notre contribution à la défense. Par contre, il y a un pourcentage de cet écart qui correspond à des transferts injustes.

De plus, une partie des 23 milliards constitue de l'argent que nous versons en péréquation. Nous en sommes également fiers. Par contre, environ 40 p. 100 de ce montant, ou peu importe à combien le montant s'élève pour une année donnée, sont fondés sur les transferts. C'est précisément ce qui, selon nous, doit être étudié par une commission nationale.

Le président : Je m'excuse auprès des sénateurs Di Nino, Murray, Mitchell et Eggleton, qui ont tous des questions à poser au sujet de l'équilibre vertical. Nous traiterons de cette question une autre fois.

J'aimerais remercier madame Bountrogianni de nous avoir permis de prendre connaissance de certains éléments intéressants.

Nous espérons vous revoir.

[Français]

Le sénateur Nolin : La ministre a offert de nous envoyer de l'information. Serait-il possible d'obtenir cette information, entre autres, sur l'explication de la composition de l'écart?

[Traduction]

Le président : Si vous pouvez transmettre cette information à notre greffier, qui remettra le tout aux honorables sénateurs. Merci encore de votre exposé. Nombre d'éléments abordés constitueront un bon fondement à une discussion ultérieure.

Mme Bountrogianni : Merci.

Le comité poursuit sa séance à huis clos.


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