Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 10 - Témoignages du 20 février 2007
OTTAWA, le mardi 20 février 2007
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce auquel a été déferré le projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur la Banque du Canada (rapports financiers trimestriels) se réunit aujourd'hui à 9 h 35 pour examiner ce projet de loi.
Le sénateur Nancy Ruth (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Le comité s'intéresse aux dépenses gouvernementales, que ce soit directement en examinant les budgets ou indirectement en analysant des projets de loi. Aujourd'hui, nous poursuivons l'étude du projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur la Banque du Canada (rapports financiers trimestriels). Ce projet de loi propose de modifier la Loi sur la gestion des finances publiques afin d'exiger que les organismes de la fonction publique fédérale désignés dans cette loi soient tenus de présenter des rapports financiers trimestriels au Parlement. Cette exigence s'étendrait également aux sociétés d'État.
Nous avons déjà tenu deux réunions sur ce projet de loi, et nous avons entendu son parrain, le sénateur Hugh Segal de Kingston, en Ontario, ainsi que des fonctionnaires du Bureau du contrôleur général du Canada et du Conseil du Trésor.
Nous accueillons aujourd'hui des représentants de trois sociétés d'État et du Bureau du vérificateur général, soit M. Ken Kember d'Exportation et Développement Canada, MM. Paul Buron et Stefano Lucarelli de la Banque de développement du Canada, MM. John Wiersema et Doug Timmins du Bureau du vérificateur général du Canada et M. Paul Jenkins de la Banque du Canada.
Ken Kember, vice-président et contrôleur général, Exportation et développement Canada : Je vais débuter en formulant quelques brefs commentaires concernant Exportation et développement Canada (EDC), avant de vous faire part de notre point de vue sur ce projet de loi et de répondre à toutes questions que les membres de ce comité pourraient avoir.
Exportation et développement Canada est l'organisme officiel de crédit à l'exportation du Canada. Nous assurons des services de financement, d'assurance et de garanties aux entreprises canadiennes qui fournissent des biens et des services dans d'autres pays, ou qui investissent dans ceux-ci. Le savoir et les services de notre société profitent chaque année à plus de 7 000 entreprises. Nos clients exportent dans plus de 200 pays à travers le monde.
EDC est un organisme financièrement autosuffisant qui applique les principes commerciaux. Nous ne recevons pas de crédits annuels.
Nous reconnaissons l'importance de l'obligation de rendre compte au public. Nous produisons déjà des états financiers trimestriels, qui sont soumis à notre comité de vérification puis approuvés par notre conseil d'administration.
Si, actuellement, ces états financiers trimestriels ne sont pas rendus publics, nous ne pensons pas que nous aurions beaucoup de difficulté à les remettre au Parlement s'il nous les demandait.
Nous avons trois observations à vous soumettre. La première concerne le calendrier. Le projet de loi prévoit que les rapports trimestriels seront déposés pendant les 45 premiers jours de séance suivant la fin du trimestre, et selon l'époque de l'année et le calendrier parlementaire, le temps réellement écoulé pourrait beaucoup varier. Nous serions plutôt partisans d'une période fixe de 90 jours, à compter de la fin du trimestre, pour le dépôt de ces rapports trimestriels. Cela nous permettrait d'adapter le calendrier des travaux de notre conseil d'administration.
La seconde observation porte sur les états financiers du quatrième trimestre. Nous proposons d'intégrer ces états financiers au rapport annuel plutôt que d'avoir à produire deux états financiers distincts à la fin de l'exercice, l'un trimestriel et l'autre annuel.
Notre dernier commentaire porte sur la vérification. Le projet de loi n'exige pas actuellement que ces états financiers soit vérifiés ou examinés par le Bureau du vérificateur général du Canada (BVG). Nous sommes d'accord avec cette approche. Le Bureau du vérificateur général du Canada consacre actuellement 6 000 heures par année à vérifier nos états financiers, et cela uniquement pour notre vérification d'attestation. Il lui faut beaucoup plus de temps quand il procède, par exemple, à un examen spécial.
Cela prend également beaucoup de temps au personnel d'EDC pour faciliter le travail des vérificateurs. Le BVG est présent dans nos locaux en septembre, revient en janvier et en février, puis en juillet. S'il lui incombait également d'examiner les états financiers trimestriels, nous éprouverions passablement de difficultés à lui assurer le niveau de soutien nécessaire.
Ce sont les trois observations que je voulais vous faire. Je vais maintenant me faire un plaisir de répondre à vos questions.
[Français]
Paul Buron, vice-président exécutif et chef de la direction financière, Finance, Systèmes et technologie, Trésorerie et Gestion des risques de l'entreprise, Banque de développement du Canada : Comme on l'a mentionné, j'occupe les fonctions de vice-président exécutif et chef de la direction financière pour la Banque de développement du Canada.
Au nom de la BDC, il me fait plaisir de vous rencontrer tous et de vous apporter mon soutien dans l'examen du projet de loi S-217 concernant les rapports financiers trimestriels.
Les sénateurs membres de ce comité savent qu'à titre de société d'État commerciale, la BDC rend compte de ses activités tous les ans au Parlement dans son rapport annuel et en la personne du ministre de l'Industrie. Les rapports annuels des sociétés d'État contiennent beaucoup plus de renseignements que ceux des entreprises privées. Ce sont des éléments de politique publique et d'entreprise publique et c'est très bien ainsi.
[Traduction]
Outre son cycle annuel de planification et de rapports annuels au Parlement, la Banque de développement du Canada (BDC) transmet ses résultats mensuels, trimestriels et cumulatifs à la haute direction de la Banque, ses résultats trimestriels et cumulatifs à son comité de vérification et à son conseil d'administration, ses états financiers trimestriels cumulatifs au Bureau du vérificateur général du Canada et au ministère de tutelle, Industrie Canada, des rapports trimestriels au sous-ministre de l'industrie, qui ne comportent pas de notes parce que cela a été jugé trop coûteux et n'apportait pas de valeur additionnelle, et enfin les rapports trimestriels (CC plates) à la Direction des rapports des comptes publics et centraux. J'aimerais plus précisément discuter aujourd'hui des questions que nous avons soulevées dans notre lettre adressée au Comité en date du 5 février 2007.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
John Wiersema, sous-vérificateur général, Bureau du vérificateur général du Canada : Je vous remercie de nous avoir invités à présenter des commentaires sur le projet de loi S-217, qui porte sur les rapports financiers trimestriels. Comme l'a indiqué madame la présidente, je suis accompagné ce matin de M. Douglas Timmins, vérificateur général adjoint, qui est entre autres chargé des questions relatives à la vérification des comptes publics du Canada. Le gouvernement du Canada a lancé de nombreuses initiatives pour améliorer la reddition de comptes. Elles visent entre autres à préciser les rôles et les responsabilités, à renforcer les fonctions de la vérification interne, à établir des comités de vérification indépendants et à fournir une assurance sur les contrôles internes. À notre avis, deux initiatives en particulier sont très importantes : l'adoption de la comptabilité d'exercice pour l'établissement des budgets et l'affectation des crédits, et la préparation et la vérification des états financiers des ministères.
[Français]
Le projet de loi S-217 ajouterait une autre initiative : l'obligation pour la plupart des ministères, organismes et sociétés d'État mères de préparer à chaque trimestre un jeu complet d'états financiers suivant la comptabilité d'exercice, selon les principes comptables généralement reconnus et ce, dans les 45 jours suivant la fin du trimestre.
Honorables sénateurs, nous craignons que le gouvernement n'ait pas la capacité de mettre en œuvre toutes ces initiatives.
[Traduction]
La vérificatrice générale a déclaré, encore récemment dans son rapport de mai 2006, que les ministères et organismes n'utilisent pas l'information financière préparée selon la méthode de la comptabilité d'exercice de manière efficace, car leurs budgets et leurs affectations sont en grande partie établis selon la méthode de comptabilité de caisse. Comme les ministères gèrent en majeure partie selon la méthode de comptabilité de caisse pendant toute l'année, il leur sera difficile de préparer des états financiers trimestriels selon la méthode de la comptabilité d'exercice.
Le gouvernement étudie comment mettre en œuvre la comptabilité d'exercice pour le budget et les affectations depuis 1998. Le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires a publié un rapport en décembre, qui présente un très bon historique et une analyse poussée de la question. Le Comité permanent des comptes publics a également reconnu l'importance de cette question. Dans son rapport de décembre 2006, il a recommandé une fois de plus au gouvernement d'adopter la comptabilité d'exercice pour l'établissement des budgets et l'affectation des crédits. Jusqu'à maintenant, le gouvernement ne s'y est pas engagé fermement.
[Français]
Le gouvernement a aussi annoncé que les 22 plus grands ministères devront préparer des états financiers annuels prêts pour la vérification le 31 mars 2009. C'est là une entreprise de taille qui sera difficile à réaliser dans ce délai.
Plusieurs grandes sociétés d'État gèrent leurs activités et en font rapport selon la méthode de comptabilité d'exercice. Ces grandes sociétés pourraient donc être en mesure de produire des états financiers trimestriels en temps voulu. Cependant, les petites sociétés d'État auront certainement plus de mal à le faire.
[Traduction]
Nous reconnaissons les objectifs de ce projet de loi. Cependant, jusqu'à ce que le gouvernement adopte la comptabilité d'exercice pour l'établissement des budgets et l'affectation des crédits des ministères et jusqu'à ce qu'il soit en mesure de préparer des états financiers ministériels annuels vérifiables, les ministères auront du mal à produire des rapports financiers trimestriels fiables dans les délais prévus par ce projet de loi.
Voilà qui met un terme à mon intervention. C'est avec plaisir que M. Timmins et moi-même répondrons à vos questions.
Paul Jenkins, premier sous-gouverneur, Banque du Canada : Permettez-moi de commencer par vous signaler que je suis aujourd'hui accompagné de Mme Sheila Vokey, notre comptable en chef.
[Français]
J'apprécie la possibilité qui m'est donnée de vous rencontrer aujourd'hui à l'occasion de votre examen du projet de loi S-217, qui vise à modifier la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur la Banque du Canada.
Le préambule du projet de loi aborde au moins deux questions d'une importance capitale. D'une part, le fait que les Canadiens et les Canadiennes doivent avoir confiance dans la gestion des fonds publics et, d'autre part, la transparence et la reddition des comptes.
Je vous assure que le Banque du Canada prend ces questions très au sérieux. La Banque évoque justement la gestion des fonds publics dans son nouveau plan à moyen terme qui a été téléversé ce mois-ci au site web de l'institution. Elle s'y engage explicitement à suivre de saines pratiques de gouvernance afin de préserver la confiance des Canadiens en matière d'intendance, et à rendre compte de ses actes, de ses décisions et de son utilisation des fonds publics.
[Traduction]
En ce qui concerne la question de l'ouverture et de la transparence, celle-ci touche, à bien des égards, à l'essence même de la principale responsabilité de la Banque du Canada, à savoir la conduite de la politique monétaire. La transparence avec laquelle la Banque mène la politique monétaire est essentielle pour deux raisons fondamentales. Premièrement, la politique monétaire est d'autant plus efficace que les Canadiens comprennent ce que la Banque du Canada fait et pourquoi elle le fait. Deuxièmement, c'est à la transparence dont elle fait preuve dans ses communications que le public canadien peut juger de la manière dont la Banque rend compte de ses actes.
Comment la Banque s'y prend-elle pour respecter son engagement envers la transparence? Elle publie son bilan chaque semaine et à la fin de chaque mois. Les résultats qu'elle obtient sur le front de la politique monétaire peuvent être évalués à la lumière de la cible de 2 p. 100 qu'elle s'est fixée pour le taux d'augmentation de l'indice global des prix à la consommation. La Banque annonce huit fois l'an le taux cible du financement à un jour. Elle publie son rapport sur la politique monétaire et une mise à jour de l'analyse qui y est présentée quatre fois par an. Le gouverneur de la Banque du Canada, et moi, témoignons deux fois l'an devant le Comité permanent des finances de la Chambre des communes et devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Les cadres supérieurs de l'institution prononcent régulièrement des discours d'un bout à l'autre du pays, et nous déposons son rapport annuel au Parlement. Cela ressemble beaucoup à des modalités de rapports en temps réel.
La Banque fournit sur une base annuelle, sous une forme ou une autre, la totalité de l'information exigée par le projet de loi. Comme ses dépenses d'exploitation fluctuent beaucoup d'un trimestre à l'autre et que la Banque planifie ses activités et définit les résultats à atteindre pour une année complète, il est bien plus utile de produire l'information demandée sur une base annuelle.
Il convient de se demander aujourd'hui si les modifications que le projet de loi S-217 se propose d'apporter à la Loi sur la Banque du Canada procurent de la valeur ajoutée par rapport aux nouvelles obligations d'information qu'elles imposeraient. Nous pouvons, bien sûr, fournir cette information financière additionnelle, mais nous estimons que les avantages à en tirer ne sont peut-être pas contrebalancés par les coûts. La Banque du Canada n'est pas une entreprise commerciale. Son bilan est structuré de manière à lui permettre de s'acquitter de ses deux grandes responsabilités, à savoir la conduite de la politique monétaire et les activités liées à son rôle de prêteur de dernier ressort. En 2006, la Banque a versé 1,9 milliard de dollars au gouvernement grâce aux revenus qu'elle tire du seigneuriage. Pour cette même année, ses dépenses d'exploitation se sont établies à 264 millions de dollars. Nous ne voyons pas bien comment, par exemple, la production de l'état de l'évolution de la situation financière, ou encore celle de l'état des bénéfices non répartis, contribuerait à la réalisation des objectifs du projet de loi S-217.
En résumé, la Banque du Canada appuie entièrement les objectifs du projet de loi, soit la promotion d'une saine gestion des fonds publics, de la transparence et de la responsabilité. Comme le projet de loi l'énonce bien, « les contribuables canadiens doivent sentir que les fonds publics sont gérés avec prudence ». Dans le cas de la Banque du Canada, cependant, il n'est pas clair, compte tenu de son mandat, que les avantages découlant d'un supplément d'information l'emporteraient sur les coûts. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Le sénateur Di Nino : Je vais commencer en demandant à M. Jenkins une précision. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste le versement de 1,9 milliard de dollars au gouvernement du Canada provenant des revenus du seigneuriage?
M. Jenkins : Le bilan de la Banque du Canada se présente de la façon suivante : au passif, nous inscrivons les devises que nous émettons et à l'actif, figurent pour l'essentiel les titres gouvernementaux dont nous avons fait l'acquisition. Nous retirons des intérêts sur ces investissements.
Comme je l'ai indiqué, nous devons déduire des intérêts encaissés par la Banque du Canada, c'est-à-dire des intérêts totaux obtenus pour financier les activités de la Banque en 2006, des dépenses d'exploitation de l'ordre de 260 millions de dollars. Le solde des recettes provenant de ces investissements est versé au gouvernement, et ce montant a atteint 1,9 milliard de dollars. D'autres banques centrales fonctionnent de façon différente, mais c'est l'écart entre ce qui figure au passif de notre bilan et les sommes qui ont été générées par les actifs dont nous avons fait l'acquisition pour assumer notre rôle, qui consiste à faire circuler les billets de banque dans l'économie canadienne. C'est, dans les grandes lignes, ce que nous appelons le seigneuriage.
Le sénateur Di Nino : Je vous remercie de cette précision.
Le projet de loi S-217 propose d'apporter des modifications qui sont loin d'être négligeables à la Loi sur la gestion des finances publiques et à la Loi sur la Banque du Canada.
Nous avons entendu toute une gamme d'opinions pendant ces auditions. La question que j'aimerais poser à tous est : estimez-vous que, pour rendre public ce qui doit l'être, nous avons besoin actuellement des dispositions du projet de loi S-217?
M. Jenkins : Je peux peut-être commencer. Je limiterai mes commentaires aux activités de la Banque du Canada. Nous sommes bien évidemment d'avis que les objectifs du projet de loi — la divulgation publique, l'ouverture et la transparence — sont très importants et nous en sommes fermement partisans à la Banque du Canada.
La différence entre la Banque du Canada et les autres sociétés d'État est que nous ne sommes pas une entreprise commerciale. Il nous incombe avant tout de conduire la politique monétaire et, la présentation de notre bilan vise à nous permettre d'assumer cette responsabilité. Je vais vous en donner quelques exemples.
En vérité, il y a eu un exemple la semaine dernière. Quand nous mettons en œuvre la politique monétaire, le principal instrument dont nous disposons à cet effet est le taux cible de financement à un jour, auquel nous fixons un objectif. L'objectif actuel est de 4,25 p. 100. Pour des raisons techniques, sur lesquelles je ne vais pas m'attarder ici, ce taux est tombé la semaine dernière en dessous de la cible, et la Banque du Canada est intervenue sur les marchés monétaires pour ramener ce taux à 4,25 p. 100. Notre bilan est organisé de façon à nous permettre d'intervenir sur le marché pour atteindre cet objectif de taux cible de financement à un jour.
En ce qui concerne la divulgation d'information et le type d'information que ce projet de loi voudrait nous voir fournir, nous le faisons en vérité sur une base annuelle. Il ne nous paraît pas évident que les avantages de la production de cette information sur une base trimestrielle l'emportent sur les coûts.
M. Buron : En m'exprimant au nom de la Banque de développement du Canada, je vous redis, comme dans la lettre que nous vous avons remise, que nous disposons déjà de procédures pour fournir les données et les détails de nos résultats sur une base trimestrielle à divers niveaux. Le comité de surveillance et le conseil d'administration de la BDC exercent déjà une surveillance des activités et du rendement de la Banque tout au long de l'année, et procèdent aux examens voulus.
Nous tenons tous les mois notre comptabilité, de façon naturelle, en appliquant les principes comptables généralement reconnus. Nous sommes une société commerciale et nous agissons et réagissons dans une large mesure comme le font les sociétés ouvertes de nos jours. Nous adoptons exactement les mêmes principes. Nous sommes favorables à une plus grande transparence et à plus de rapports.
Nous fournissons déjà des données, des résultats et des renseignements par divers canaux. Nous pensons que nous pouvons utiliser ces canaux, et peut-être les améliorer, pour produire de meilleurs rapports, mais le système le permettant est déjà en place.
M. Wiersema : Au nom du Bureau du vérificateur général du Canada, je ferai mes commentaires, avec votre permission, d'un point de vue pangouvernemental.
Comme je l'ai indiqué dans mon exposé préliminaire, le projet de loi S-217 imposerait aux ministères, aux organismes et aux sociétés d'État de préparer des états financiers trimestriels conformément aux principes comptables généralement reconnus (PCGR). Il se fait actuellement quantité de choses au gouvernement, et je suis sûr que vous le savez fort bien, pour améliorer la comptabilité, en particulier dans certains domaines touchant à la gestion et aux contrôles financiers au gouvernement.
Le Bureau du vérificateur général du Canada a incité le gouvernement à agir et à prendre position sur l'utilisation de la comptabilité d'exercice pour l'établissement des budgets et l'affectation des crédits. À notre avis, comme l'établissement des budgets ne repose pas encore sur la comptabilité d'exercice, les ministères ne peuvent guère recourir qu'à la méthode de la comptabilité de caisse pour gérer leurs activités quotidiennes. Ils auraient donc de la difficulté à commencer à préparer des rapports financiers trimestriels reposant sur la comptabilité d'exercice.
La seconde question concerne les états financiers vérifiés des ministères. Je sais que vous avez reçu récemment le contrôleur général. Celui-ci a annoncé qu'il aimerait que les états financiers ministériels des 22 ministères les plus importants, responsables de plus de 90 p. 100 des dépenses fédérales totales d'environ 200 milliards de dollars, soient vérifiés d'ici 2009. Il faudra énormément de travail dans l'ensemble du gouvernement pour que ces ministères soient prêts à subir ces vérifications. Le gouvernement y procède à des évaluations de leur état de préparation. Il reste beaucoup à faire pour que les ministères soient en mesure de produire des états financiers vérifiés en 2009, et cela sur une base annuelle.
Le Bureau du vérificateur général du Canada s'interroge, si ces deux initiatives ne sont pas mises en œuvre, sur la capacité du gouvernement à lancer une autre initiative qui consisterait à produire des états financiers trimestriels respectant les principes comptables généralement reconnus et ceux de la comptabilité d'exercice.
Il nous paraît important de procéder à l'affectation des crédits en utilisant la comptabilité d'exercice. Le gouvernement ne s'est toujours pas engagé à adopter cette comptabilité, et nous n'avons pas d'indication du moment où cela pourrait se faire. Pour préparer des états financiers trimestriels fiables, reposant sur la comptabilité d'exercice, le gouvernement doit d'abord disposer d'états financiers annuels vérifiés des ministères.
Comme la Banque du Canada, nous appuyons les objectifs de ce projet de loi. Les objectifs et les principes qui le sous-tendent sont sains. Nous nous interrogeons simplement sur la capacité du gouvernement à satisfaire les exigences du projet de loi de façon fiable et en temps voulu, étant donné les autres initiatives en cours, et à venir.
Le sénateur Di Nino : Je ne veux pas vous influencer, mais je crois vous avoir entendu dire également que le moment conviendrait mal. Il pourrait y avoir dans un avenir pas trop éloigné un meilleur objectif, où nous parviendrions peut- être au même résultat lorsque les autres changements auraient eu lieu. Est-ce exact?
M. Wiersema : C'est exact. Nous pourrions discuter de ce qu'on entend par un avenir pas trop éloigné.
Le sénateur Di Nino : Je suis d'accord. Je voulais préciser pour moi une partie de votre énoncé.
M. Wiersema : Les états financiers trimestriels respectant les PCGR peuvent favoriser et améliorer la responsabilisation au gouvernement. Je ne crois pas que le gouvernement soit en mesure de le faire de façon fiable et significative pour l'instant, et je crois qu'il faudra plusieurs années avant d'y parvenir.
M. Kember : Tout comme la Banque de développement du Canada, nous appuyons les objectifs du projet de loi, et nous ne sommes pas contre les résultats qu'il veut obtenir. Nous n'avons cependant pas constaté de demande importante pour cette information.
Nous nous sommes concentrés jusqu'à maintenant dans deux domaines. Nous publions en milieu d'exercice un communiqué de presse dans lequel nous donnons l'essentiel de nos résultats du premier semestre de l'année. Nous nous consacrons ensuite à la préparation de notre rapport annuel pour dresser un portrait complet d'EDC, divulguant l'information en détail. Ce sont là, jusqu'à maintenant, nos deux priorités en matière de divulgation publique d'information.
M. Wiersema : Cela fait de nombreuses années que les sociétés d'État utilisent les concepts de la comptabilité d'exercice. En vérité, la législation leur impose de préparer leurs états financiers conformément aux principes comptables généralement reconnus, et cela remonte au début des années 1980.
La plupart d'entre elles utilisent cette comptabilité d'exercice pour leurs activités quotidiennes, leur planification et la préparation de leur budget. Comme je l'ai indiqué dans mes remarques préliminaires, les sociétés d'État utilisant la comptabilité d'exercice et faisant vérifier leurs états financiers annuels, au moins les plus importantes d'entre elles, elles seraient en mesure de publier certains types de rapports trimestriels. Il en va cependant différemment dans les grands ministères et les organismes importants.
Le sénateur Di Nino : Exportation et développement Canada, la Banque du Canada et la Banque de développement du Canada ont toutes des conseils d'administration indépendants, ou des comités présidés par des administrateurs et composés de membres indépendants. Est-ce exact?
M. Jenkins : C'est effectivement le cas de la Banque du Canada avec sa structure de comités, qui comporte un comité de vérification présidé par l'un de nos administrateurs.
Le sénateur Mitchell : Certaines des initiatives que nous voyons mettre en œuvre, comme le renforcement de la vérification et de la responsabilisation, émanent de secteurs de la société qui n'ont pas une confiance absolue envers un gros appareil gouvernemental ni envers les fonctionnaires. Je ne partage pas cette opinion. Je suis d'avis que le Canada a beaucoup de chance d'avoir la fonction publique qui est la sienne. C'est l'une des plus professionnelles, des plus compétentes au monde, et qui fait probablement preuve du plus haut niveau d'intégrité.
On peut probablement prétendre que cela tient à notre excellent système de responsabilisation et de rapports et que la situation est très éloignée de ce qu'elle aurait pu devenir autrement et que, en réalité, il y a tous ces problèmes corrosifs dans la fonction publique.
En même temps, j'ai siégé brièvement au conseil d'administration d'une société d'État avant d'être nommé au Sénat. J'ai été frappé par l'importance extrême de la responsabilisation, des vérificateurs vérifiant les vérificateurs, des rapports suivant les rapports. J'ai participé à des réunions auxquelles quatre membres de la direction du Bureau du vérificateur général étaient présents du début à la fin. Les réunions s'enchaînaient.
Le pendant de tout cela est que vous risquez d'aboutir à une paralysie et j'ai l'impression que c'est une crainte que l'on voit apparaître. Les fonctionnaires sont tellement pris à préparer des rapports et à couvrir les responsabilités qu'on leur impute qu'il ne reste pas grand-chose dont on pourrait vraiment les tenir responsables. La fonction publique commence à être paralysée, ce qui lui fait perdre sa créativité, sa motivation, son sens de l'avenir et sa capacité à élaborer des politiques créatrices et efficaces.
Dans les grandes lignes, cette initiative qui me paraît bonne a été bien accueillie. Il ne s'agit pas seulement d'un outil de responsabilisation, mais bien de gestion parce qu'il permet à la direction de cibler rapidement son action.
Je ne dirai pas que cette initiative a suscité certaines critiques, mais plutôt des préoccupations. Étant donné toutes les procédures auxquelles vos ministères ou vos organismes sont déjà soumis, toutes les procédures en matière de responsabilisation et de rapport, si vous deviez définir des priorités, certaines de vos préoccupations actuelles seraient- elles amplifiées par la mise en œuvre de ce projet de loi? Certaines de ces préoccupations vous amèneraient-elles à dire « Pourquoi ne pas arrêter de faire ceci et le remplacer par cela, avec le temps que cela fait gagner? Si vous deviez définir des priorités, y a-t-il des choses que vous faites actuellement qui perdraient de leur utilité avec l'adoption du projet de loi?
M. Jenkins : La réponse courte est NON et je vais vous expliquer pourquoi. Nous prenons la responsabilisation très au sérieux. Nous dépensons l'argent des contribuables; nous devons être responsables envers les Canadiens. La structure du cadre de responsabilité de la Banque du Canada est, avant tout, axée autour de notre responsabilité première, soit la conduite de la politique monétaire. Si vous envisagez ce cadre de responsabilité de ce point de vue, comme je l'ai indiqué dans mes remarques préliminaires, je place notre objectif explicite concernant la conduite de la politique monétaire en tête de liste. Nous sommes tenus directement responsables envers les Canadiens de l'atteinte ou non de cet objectif : faire que le taux d'inflation reste faible, qu'il soit stable et prévisible.
Nous avons, de plus, conçu d'autres éléments de ce cadre de responsabilité en produisant régulièrement des publications qui expliquent aux Canadiens ce que nous faisons et pourquoi. De la même façon, nous nous présentons régulièrement devant le Parlement.
Nous devons également être responsables des dépenses engagées pour le fonctionnement de la Banque du Canada. Pour ce volet de notre structure de responsabilisation, nous nous sommes dotés de ce qui me paraît un processus de planification stratégique très détaillé. Je fais ici référence au plan à moyen terme, sur trois ans, que nous avons publié sur notre site Web la semaine dernière. Il passe en revue toutes les fonctions dont la Banque du Canada est responsable, indiquant ce que nous voulons faire au cours des trois années à venir, les stratégies que nous suivrons pour y parvenir et les activités qui y contribueront.
Nous sommes assez à l'aise avec les progrès que nous avons réalisés et il me semble que la question qui se pose ici est de savoir si les modifications proposées à la Loi sur la Banque du Canada conféreraient des avantages additionnels en regard des coûts à engager pour fournir cette information. Il n'est pas manifeste pour nous que ce serait le cas.
M. Kember : Pour répondre à votre question, je ne pense pas qu'il y a quoi que ce soit que nous recommanderions d'abandonner mais c'est à notre conseil d'administration et à notre comité de vérification que nous accordons la priorité pour exercer la surveillance voulue de notre gestion financière. Ce dernier se réunit habituellement six fois par an pour des périodes de deux ou trois heures au cours desquelles nous examinons les résultats du dernier trimestre et les résumons pour le conseil d'administration. Nous avons un processus de surveillance trimestriel très efficace du fonctionnement d'Exportation et Développement Canada, et c'est à celui-ci que nous accordons la priorité.
Je ne crois pas qu'il y ait d'autres rapports que nous envisagerions d'abandonner au profit de ceux-ci. Toutefois, comme je l'ai dit dans mes remarques préliminaires, il ne serait pas très difficile de rendre cette information publique et de la mettre à la disposition du Parlement.
M. Wiersema : En formulant mes commentaires, j'adopte le point de vue d'un bureau de vérification par opposition à celui d'un organisme soumis à toutes ces différentes obligations de rapport et de responsabilisation. Je crois que nous sommes enregistrés ici, et je reviens aux commentaires du sénateur sur la lourdeur des vérifications. Les vérifications représentent un poids, pour les sociétés d'État, par exemple. Comme l'a évoqué M. Kember, dans la plupart d'entre elles, le Bureau du vérificateur général procède à une vérification financière annuelle. De plus, tous les cinq ans, nous réalisons un examen spécial, une vérification du rendement de l'optimisation des ressources des sociétés d'État. La loi nous oblige à procéder à ces examens spéciaux tous les cinq ans. Il y a de bonnes raisons d'affirmer que la fréquence de ces examens est peut-être trop importante. Les espacer dans le temps, en tenant compte des risques et de l'importance du calendrier, ne serait pas sans intérêt. C'est pourquoi le Bureau du vérificateur général apporterait son appui à des modifications de la Loi sur la gestion des finances publiques visant à allonger le temps écoulé entre les examens spéciaux, et à faire que ceux-ci soient davantage motivés par des considérations de risque.
Le sénateur Mitchell : Le sénateur Segal voudra peut-être saisir la balle au bond et présenter un projet de loi sur cette question.
Le sénateur Segal : Je ne m'en tire pas si bien avec celui-ci.
M. Wiersema : Je crois que c'est une question que le gouvernement étudie.
M. Buron : En ce qui concerne la BDC, au cours des dernières années, j'ai travaillé pour une société ouverte et j'ai eu à m'intéresser à la Sarbanes-Oxley Act (SOX) de 2002, aux développements en la matière et aux questions de responsabilisation et de transparence. Quand je me suis joint à la banque, il y a quelques mois, j'ai pu examiner et comparer ce que nous faisons à la banque et ce qui se faisait dans le secteur public. Nous faisons pratiquement la même chose. Nous avons un service de vérification interne qui procède à la vérification de toutes les fonctions et de toutes les activités de la banque de façon régulière.
Nous avons un comité de vérification, qui étudie les résultats tous les trimestres en procédant à un examen détaillé, le rapport annuel et quantité d'activités de rapport sur une base annuelle, trimestrielle ou mensuelle. Toutes ces procédures et tout ce que nous faisons relèvent d'une grande rigueur.
Quant à savoir s'il y a des éléments que nous abandonnerions, nous n'abandonnerions rien parce qu'il s'agit tout simplement de pratiques exemplaires. Nous avons dit, dans la lettre que nous vous avons fait parvenir, que vous devriez probablement envisager de ne pas ajouter une autre couche de rapport, mais plutôt, utiliser comme bases les systèmes et les procédures de rapport que nous avons déjà, parce qu'elles sont précises et bonnes.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Wiersema, pour le profit des nombreux téléspectateurs qui vont visionner nos débats en soirée, quel est le principal avantage de la comptabilité d'exercice par rapport à la comptabilité de caisse, et pourquoi les ministères ont-ils commencé par adopter la comptabilité de caisse au départ?
M. Wiersema : Je ne vais certainement pas vous donner une description complète des avantages de la comptabilité d'exercice, mais celle-ci tente de tenir compte des transactions et des activités au moment où elles se produisent par opposition au moment où les flux monétaires interviennent.
Le sénateur Ringuette : Je crois que nous sommes tous d'accord pour convenir que l'objectif du projet de loi est bon, mais nous avons relevé quelques obstacles.
Monsieur Wiersema, lors de la dernière réunion, nous avions comme témoin le contrôleur général. Il a fait part de problèmes de faisabilité quant à la mise en œuvre de ce projet de loi, dont l'un concernait la comptabilité d'exercice, dont l'emploi n'est pas normalisé dans tous les ministères du gouvernement.
L'autre problème important est que vous en êtes actuellement à la phase de mise en œuvre du projet de loi C-2, et il a précisé qu'il faudra six ans avant de pouvoir dire que toutes les vérifications ministérielles et les autres choses du même ordre sont intégrées au fonctionnement usuel des activités gouvernementales.
Il nous a aussi parlé du manque de ressources humaines, au sujet des comptables professionnels, pour faire face aux exigences de la législation actuelle, sans parler de celles que ce projet de loi propose d'ajouter.
C'était là le point de vue du contrôleur général. J'aimerais avoir le vôtre, celui du Bureau du vérificateur général.
M. Wiersema : J'ai lu le hansard pour prendre connaissance du témoignage de M. St-Jean devant vous, et il me semble qu'il soulève pour l'essentiel les mêmes préoccupations que celles que j'ai évoquées dans mes remarques préliminaires en termes de capacité.
Le sénateur a mentionné le projet de loi C-2. Celui-ci impose, entre autre, aux ministères de mettre en place des comités de vérification ministériels auxquels siègent des membres indépendants. C'est une tâche qui est loin d'être terminée. Nous avons entendu les représentants de chacune des trois sociétés d'État présentes aujourd'hui dire qu'elles sont des comités de vérification avec des membres indépendants, c'est donc quelque chose qui est en place dans les sociétés d'État. Nous n'en sommes pas encore là au sein des ministères et des organismes.
En ce qui concerne la comptabilité d'exercice pour l'établissement des budgets et l'affectation des crédits, le gouvernement n'a pas encore pris de décision définitive sur l'époque à laquelle celle-ci sera mise en œuvre, ni sur la mise en œuvre de la comptabilité d'exercice pour l'établissement des budgets pour l'affectation des crédits.
L'autre question que M. St-Jean a soulevée, dont je n'ai pas traité explicitement aujourd'hui, est celle des personnes, soit celles des compétences professionnelles et de l'embauche des comptables professionnels qui seront nécessaires pour le faire. Le marché, et je suis sûr que mes collègues pourront en témoigner, comme nous l'observons au Bureau du vérificateur général du Canada, est restreint, parce que nous sommes en situation de concurrence pour obtenir les mêmes ressources, en particulier pour embaucher maintenant des comptables professionnels de niveau supérieur. M. St-Jean s'efforce également de doter le gouvernement de cette capacité financière afin de mettre un plus grand nombre de comptables professionnels dans des postes clés au sein des ministères.
Étant donné toutes ces pressions, ces initiatives et ces contraintes, le gouvernement aurait énormément de difficulté à mettre en œuvre les dispositions du projet de loi S-217 en temps relativement opportun dans les ministères et dans les organismes pour réussir à appliquer ses dispositions de façon significative et fiable.
Le sénateur Ringuette : Vous disposez des six ans à venir pour mettre en place la législation actuelle et sa réglementation d'application.
M. Wiersema : Je ne suis pas sûr qu'il m'incombe de dire combien de temps il faudrait au gouvernement pour le faire, mais il serait possible de mettre en place certains principes sous-jacents, comme le renforcement de ces comités de vérification ministériels avec des membres indépendants et de mettre en œuvre la comptabilité d'exercice. Ceci faciliterait beaucoup quelque chose comme cela. Je vais laisser au contrôleur général l'évaluation du temps qu'il faudrait.
Le sénateur Ringuette : Que pense le Bureau du vérificateur général de l'obligation de rendre publics les rapports trimestriels? Certains ont craint devant nous que les chiffres suscitent une certaine confusion si les rapports trimestriels ne sont pas vérifiés. Vous l'avez lu dans les commentaires du contrôleur général quand il a témoigné devant nous.
Que pense le vérificateur général de la publication de rapports trimestriels non vérifiés?
M. Wiersema : Le Bureau du vérificateur général ne s'oppose pas au principe de publier et de déposer au Parlement des rapports financiers trimestriels qui ne seraient pas accompagnés du rapport d'un vérificateur. La question qui se pose alors est la confiance que le Parlement et les utilisateurs peuvent avoir envers ces chiffres. Le contrôleur général s'est inquiété de la capacité des ministères à produire des chiffres fiables sur une base trimestrielle. Je crois qu'il a parlé de préoccupations concernant le moment d'arrêt des comptes, et ce sont des préoccupations importantes. Quand les gestionnaires préparent des budgets destinés à des états financiers trimestriels ou annuels, ils utilisent un certain nombre d'évaluations qui émanent d'eux et les budgets en question intègrent donc des évaluations. Le gouvernement du Canada le fait chaque année dans le cadre de la préparation des comptes publics, mais il faut des mois après la fin de l'exercice avant que le gouvernement ne soit en mesure de finaliser les comptes publics du Canada. Les comptes publics en date du 31 mars d'un exercice ne sont pas prêts avant la fin août ou le mois de septembre de cette même année. Une partie du problème est liée à la production de budgets préparés par des gestionnaires qui utilisent leurs propres évaluations.
Si les ministères devaient produire ces états financiers et y insérer ces évaluations de gestionnaires tous les trimestres, on pourrait sérieusement s'interroger sur l'intégrité et la fiabilité de cette information.
Comme je l'ai dit précédemment, le contrôleur général a dit qu'il aimerait que les 22 ministères les plus importants préparent des états financiers annuels distincts respectant les PCGR et qu'ils soient prêts à être vérifiés d'ici 2009. Il reste beaucoup de travail à faire pour en arriver là.
Lorsque le contrôleur général les présente au Bureau pour les faire vérifier, nous aimerions être en mesure de les vérifier et de déclarer qu'ils sont fiables. Je crois que cela ne servirait l'intérêt de personne si le Bureau du vérificateur général examinait les états financiers annuels et concluait qu'ils ne sont pas fiables, qu'ils posent des problèmes. Nous aimerions donc qu'ils soient prêts à être vérifiés et être en mesure d'émettre une opinion et un rapport sans ambigüité affirmant qu'on peut se fier à ces états financiers.
Le sénateur Ringuette : Je réalise les problèmes de mise en œuvre et de faisabilité que soulève ce projet de loi.
Le sénateur Eggleton : J'adhère à l'objectif de ce projet de loi, plus précisément à l'obligation de faire rapport tous les trimestres. C'est une bonne idée, mais il se pourrait qu'elle ne s'applique pas de la même façon à tous les organismes. M. Jenkins nous a expliqué que la Banque du Canada est d'accord avec l'esprit du projet de loi S-217, mais qu'elle procéderait de façon un peu différente. Le comité pourrait peut-être, en poussant cette idée plus loin, envisager diverses modalités d'application autres que l'approche unique pour tous adoptée par le projet de loi.
J'ai posé mes questions sur la comptabilité d'exercice au sous-vérificateur général et je suis étonné que, en 2007, nous n'ayons pas progressé davantage dans ce domaine. Vous nous dites cela, mais le gouvernement ne s'y est pas encore engagé fermement. Un engagement a été pris en 1995, alors que j'étais président du Conseil du Trésor et que j'ai poussé à l'adoption de la comptabilité d'exercice. Dans le budget de 1995, le gouvernement a annoncé son intention de mettre en œuvre la comptabilité d'exercice. Que s'est-il donc passé entre 1995 et 2007? Pourquoi faut-il autant de temps pour mettre en œuvre cette comptabilité d'exercice?
M. Wiersema : Il faut que j'apporte une précision, madame la présidente. Comme le sénateur l'a indiqué, le gouvernement a annoncé en 1995, si je me souviens bien, qu'il voulait adopter la comptabilité d'exercice pour la préparation des Comptes publics du Canada. Concrètement, les états financiers sommaires du gouvernement joints aux Comptes publics du Canada ont été présentés sur une base de comptabilité d'exercice en 2003 ou en 2004, je crois. Pour la préparation des états financiers sommaires qui sont joints aux Comptes publics du Canada et pour le budget présenté chaque année par le ministère des Finances, le gouvernement a utilisé les principes de la comptabilité d'exercice, au moins pour les deux derniers exercices. La vérificatrice générale a bien précisé que, pour les états financiers sommaires des Comptes publics du Canada, le gouvernement fédéral fait figure de leader parmi les autres gouvernements nationaux de par ses modalités de rapports financiers.
La question que j'ai soulevée dans mes remarques préliminaires avait trait à l'élaboration du budget et à l'affectation des crédits. Le Parlement vote les affectations de crédit qui sont préparées en utilisant, pour l'essentiel, la méthode de la comptabilité de caisse. Comme les systèmes d'établissement des budgets et d'affectation des crédits utilisés au quotidien dans les ministères du gouvernement fonctionnent de cette façon, ces derniers accordent largement la priorité à la gestion de l'encaisse et au montant d'argent restant dans leurs crédits votés respectifs. Les pratiques et les concepts de la comptabilité d'exercice n'ont pas encore réussi à pénétrer le domaine de la gestion au quotidien des affaires du gouvernement. Afin de tirer tout le parti possible des avantages de la comptabilité d'exercice, dont la mise en œuvre a débuté en 1995, il nous semble que le gouvernement doit prendre les dernières mesures en la matière et imposer la comptabilité d'exercice pour l'établissement des budgets ou pour l'affectation des crédits. Cela provoquera le début d'un changement de culture et d'état d'esprit dans les ministères du gouvernement quant à la façon dont ils gèrent leurs activités au quotidien. Quant au projet de loi S-217, les ministères seraient alors en meilleure posture pour préparer des états financiers trimestriels en utilisant les concepts de la comptabilité d'exercice.
Le sénateur Eggleton : Voulez-vous dire qu'il est indispensable de mettre en œuvre les méthodes de la comptabilité d'exercice pour réussir à mettre en œuvre des états financiers trimestriels?
M. Wiersema : Je dis que si on n'utilise pas la comptabilité d'exercice pour l'établissement des budgets et l'affectation des crédits, les ministères n'auront pas la tâche facile pour préparer des états financiers trimestriels en utilisant la comptabilité d'exercice et le système d'affectation des crédits.
Le sénateur Eggleton : Sommes-nous encore loin de la mise en œuvre complète de la comptabilité d'exercice au quotidien?
M. Wiersema : Je n'en ai aucune idée. Le Bureau du vérificateur général a incité le gouvernement, avec l'appui d'au moins deux comités permanents de l'autre Chambre, à mettre en œuvre la comptabilité d'exercice pour l'établissement des budgets et l'affectation des crédits depuis de nombreuses années. Comme je l'ai signalé dans mes remarques préliminaires, le gouvernement n'a pas encore pris d'engagement ferme en la matière, ni indiqué quand cela devrait intervenir. C'est une question qu'il vaudrait mieux poser aux représentants gouvernementaux.
Le sénateur Eggleton : Certains ont indiqué aujourd'hui que la question de la période de rapport les préoccupe. La BDC est d'avis que l'exigence de présenter des rapports financiers trimestriels au Parlement dans les 45 jours qui suivent la fin du trimestre est impérative. Ces représentants sont d'avis qu'un délai de 60 jours serait raisonnable et EDC a parlé de 90 jours, si je me souviens bien. À votre avis, quel délai serait raisonnable, en faisant l'hypothèse que nous mettions en œuvre la comptabilité d'exercice avant d'appliquer le projet de loi?
M. Wiersema : La question est un peu hypothétique, en faisant l'hypothèse que nous utilisions la comptabilité d'exercice pour l'établissement des budgets et l'affectation des crédits. Il est important de faire la distinction entre la situation des sociétés d'État, en particulier les plus grosses, et celles de ministères et des organismes. Les sociétés d'État ont utilisé les concepts de la comptabilité d'exercice depuis de nombreuses années, et elles se trouvent donc en meilleure situation. Je n'ai pas d'opinion tranchée sur le délai qui convient, qu'il soit de 45 ou de 60 jours. Actuellement, produire ces rapports dans un délai de 45 jours de séance constituerait un défi énorme pour les ministères. Si la comptabilité d'exercice était plus intégrée à la gestion quotidienne des ministères, cela serait plus réaliste, mais nous n'en sommes pas encore rendus là.
Le sénateur Eggleton : Quel devrait être, à votre avis, le rôle du Bureau du vérificateur général dans ces états financiers trimestriels? Certains se sont inquiétés de ces vérifications qui peuvent être extrêmement coûteuses. Toutefois, si je comprends bien le texte du projet de loi, celui-ci ne propose pas ces vérifications. Quelques autres témoins ont affirmé que les notes aux états financiers devraient être exclues; j'imagine qu'il s'agit là des notes des vérificateurs. S'il n'y a pas de fonction directe de vérification, je ne comprends pas bien pourquoi cela pose un problème. Le rapport sur les commentaires et l'analyse de la direction est couvert par le projet de loi, mais deux témoins nous ont dit qu'ils ne veulent pas que cela s'applique aux notes. À votre avis, quel rôle le Bureau du vérificateur général devrait-il jouer dans ces états financiers trimestriels?
M. Wiersema : Nous poursuivons les discussions avec le contrôleur général du Canada sur le rôle du vérificateur général et sur le moment de son implication dans les états financiers annuels des ministères. Le contrôleur général a indiqué qu'il aimerait que les états financiers des 22 ministères les plus importants soient vérifiés. Si nous devons donc examiner les états financiers du ministère de la Défense nationale ou ceux de Ressources humaines et Développement social Canada, dans notre rôle de vérificateurs du Fonds du revenu consolidé, pour le compte du Parlement, c'est alors le Bureau du vérificateur général qui devrait procéder à ces vérifications annuelles.
Nous ne voyons pas de raison particulière de procéder à la vérification des états financiers trimestriels. Il y a une norme professionnelle sur l'implication des vérificateurs dans le cas d'états financiers intérimaires, et nous pourrions nous reporter à cette norme professionnelle.
Le sénateur Eggleton : Tous les ministères ont des fonctions ou des services de vérification interne. Êtes-vous prêt à vous en remettre à eux?
M. Wiersema : Nous ne voyons pas de justification précise à une intervention du vérificateur général sur des états financiers trimestriels, au moment où nous les recevrions, si ce devait être le cas. Quant à la question des notes qui a été évoquée, je vais demander des précisions à mes collègues. Il me semble qu'il s'agissait là des notes préparées par la direction qui sont jointes aux états financiers, et non pas des notes des vérificateurs.
Le sénateur Eggleton : Ces notes ne constituent-elles pas les commentaires et l'analyse de la direction?
M. Wiersema : Nous parlons ici de trois éléments. Il y a tout d'abord les états financiers, soit le bilan, l'état des résultats et le relevé des bénéfices non répartis, puis les notes aux états financiers, qui fournissent des explications et des renseignements supplémentaires et, enfin, il y a les commentaires et l'analyse de la direction qui donnent l'interprétation que la direction fait de tout ceci. Il y a donc trois choses différentes. Certains ont proposé que, si la présentation des rapports financiers trimestriels est imposée, nous n'aurions pas besoin des notes aux états financiers, qui relèvent de la responsabilité de la direction. C'est là un commentaire qui mérite qu'on en discute.
M. Buron : C'est précisément ce que nous disons dans notre lettre : il s'agit de notes aux états financiers et non pas des notes des vérificateurs.
Le président : Je vais maintenant aborder un autre sujet et poser des questions sur les normes internationales en matière de rapport financier. Quand le contrôleur général a comparu devant le comité, il a suggéré de tenir compte de ces normes, en particulier parce qu'elles doivent s'appliquer aux grands organismes d'ici 2011, aussi bien au Canada qu'ailleurs dans le monde. Comment vos organismes respectifs réagissent-ils à ce commentaire?
M. Kember : C'est bien évidemment quelque chose que nous envisageons à EDC pour l'avenir.
Le président : Cet avenir-là est dans quatre ans.
M. Kember : Oui. Le temps va passer beaucoup plus vite que nous le voudrions et cela va nous imposer des efforts importants de mise en œuvre. Le contrôleur général a indiqué que le projet vise à remplacer toutes les normes canadiennes sur les rapports financiers par les normes internationales, qui deviendraient alors, pour l'essentiel, les nouvelles normes canadiennes. Je ne mesure pas les répercussions que cela aurait sur la Loi sur la gestion des finances publiques dont la formulation actuelle exige des sociétés d'État qu'elles préparent des états financiers conformément aux principes comptables canadiens généralement reconnus ( PCGR).
Nous ne savons pas encore avec précision comment les choses vont évoluer, mais il s'agit, à l'avenir, d'adopter cette nouvelle base de comptabilité. Pour être juste, j'ai l'impression que les normes internationales et les normes canadiennes en matière de rapports financiers ne sont pas très éloignées les unes des autres. Le Canada a contribué de façon importante à la formulation de certaines de ces normes par le passé, et il s'agit de normes qui reposent sur des principes. Nous ne pensons pas que cela constituera un défi énorme, mais il faudra engager des efforts importants, et nous avons bien l'intention d'aller dans cette direction.
M. Wiersema : Au Canada, il y a deux organismes qui définissent des normes de comptabilité sous les auspices de l'Institut canadien des comptables agréés (ICCA). Le premier est le Conseil des normes comptables qui prépare le guide des principes comptables généralement reconnus intitulé Normes et recommandations de l'ICCA, destinées essentiellement aux sociétés ouvertes et au secteur privé.
Toutefois, la plupart des sociétés d'État suivent les normes comptables du Conseil des normes comptables quand elles préparent leurs états financiers. Le Conseil des normes comptables a indiqué, dans le cadre de sa stratégie d'harmonisation, qu'il a l'intention d'harmoniser ses propres normes aux normes internationales sur les rapports financiers (NIRF) d'ici 2011. Cela pourrait avoir des répercussions sur la collectivité des sociétés d'État.
L'autre organisme canadien qui définit des normes comptables, qui fait lui aussi partie de l'Institut canadien des comptables agréés, est le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public (CCSP). Celui-ci prépare les normes destinées aux gouvernements du Canada. Ce conseil n'a pas encore fait part de son intention de procéder à une harmonisation ou de viser la convergence avec les normes internationales pour le secteur public, et les normes canadiennes continueront donc à s'appliquer pour l'avenir prévisible, en restant les normes comptables du secteur public, essentiellement destinées aux gouvernements du Canada. Les normes du secteur privé et celles que suivent nombre de sociétés d'État vont beaucoup se rapprocher des NIRF d'après le plan rendu public par le Conseil des normes comptables.
M. Jenkins : Tout comme Exportation et développement Canada, à ce que nous a dit M. Kember, la Banque du Canada se conforme au PCGR canadien. Dans la mesure où les normes canadiennes vont évoluer en se rapprochant des normes internationales, cela aura des répercussions pour nous, tout comme pour EDC et pour les autres sociétés d'État.
Le sénateur Segal : J'aimerais demander à M. Wiersema du Bureau du vérificateur général du Canada s'il peut nous dire comment les choses seraient perçues selon lui dans les ministères à vocation opérationnelle. Si ce projet de loi devait être adopté pratiquement sans modification, et si les dispositions mises en œuvre n'obligeaient que progressivement au respect de la conformité, comment pensez-vous que vos collègues de la fonction publique réagiraient?
M. Wiersema : Dans un bureau de vérification, nous sommes toujours réticents à anticiper ce qui se passera ou à interroger une boule de cristal. Comment la fonction publique réagirait-elle? J'imagine que certains diraient « Oh, pas encore une autre exigence. Comment allons-nous pouvoir y faire face? »
Je suppose que cela pourrait détourner des ressources et des efforts consacrés actuellement à la préparation des états financiers annuels vérifiés. Les moyens disponibles au gouvernement pour mettre en œuvre tous ces processus sont limités et la concurrence est vive pour accéder aux ressources. Si on ajoute à la série d'obligations actuelles, cela détournera l'attention d'autres initiatives importantes.
Le sénateur Segal : La loi impose au Bureau du vérificateur général de vérifier les ministères et de faire rapports sur une base régulière. Êtes-vous donc troublé, en sachant que dans certains cas, votre rapport qui peut paraître 18 mois après que les dépenses aient été faites, puisse être la première divulgation publique réelle de ce qui s'est passé dans un ministère donné? Espérez-vous que, si l'obligation de produire des rapports trimestriels était adoptée, le public, le Bureau du vérificateur général, le Parlement et les médias auraient accès à cette information au cours de l'exercice pendant lequel les dépenses ont été faites?
Je suis frappé que, avec le système que nous défendons, nous puissions formuler notre problème de la façon suivante : le Parlement n'obtient pas d'information en temps réel. Il obtient cette information en temps réel de la Banque du Canada et des sociétés d'État. Je sais bien la distinction. Toutefois, dans le cas des ministères à vocation opérationnelle, le Parlement n'obtient aucune information financière en temps réel avant que l'argent ait été dépensé.
À moins que quelque chose m'échappe dans le texte de la Grande charte, celle-ci ne concernait pas les droits des vérificateurs à prononcer des jugements soignés, détaillés et prudents 18 mois après que le roi ait dépensé l'argent. Il s'agissait du droit du Parlement à comprendre comment l'argent serait dépensé avant qu'on se rende compte qu'il l'avait été. Actuellement, les ministères à vocation opérationnelle n'ont pas à respecter de règles de divulgation dans un délai qui permettrait au Parlement de faire quoi que ce soit si, par exemple, un programme était très largement sous- utilisé et dépensait beaucoup moins que les crédits qui lui ont été affectés, ou si, à l'inverse, un autre défonçait son budget avec des dépenses trimestrielles réelles nettement supérieures aux crédits votés par le Parlement, pour des raisons que la fonction publique pourrait peut-être parfaitement expliquer.
Nous réalisons tous que la mise en œuvre du projet de loi pose des problèmes. Tout comme le sénateur Mitchell, je suis d'avis que nos fonctionnaires sont surchargés, largement sous-payés et qu'on leur confie des charges très lourdes; quand on leur ajoute de nouvelles obligations, on ne leur donne pas le personnel additionnel pour assumer ces fonctions. Je partage cette préoccupation. Toutefois, en soulignant ces lacunes, nous prônons pour l'essentiel le maintien du statu quo, avec lequel le Parlement ne participe pas actuellement au processus de décision, que ce soit lors de l'approbation des budgets — à cause de ce qu'on appelle la règle de prudence — ou au cours d'une année. Je me demande si le distingué sous-vérificateur général du Canada que vous êtes en est affligé. La question n'a rien d'hypothétique.
M. Wiersema : Pour répondre en un mot, Oui. J'ai lu la transcription des débats antérieurs du comité sur cette question, au cours desquels vous avez discuté de la règle de prudence en matière de budget. Loin de moi l'intention de dire au Parlement quoi faire. Je ne ferai jamais cela. Toutefois, je fais remarquer au Parlement qu'il y a là une occasion, dans le cadre des rapports sur les plans et les priorités préparés par les ministères et les organismes, et au moyen des documents budgétaires, d'obtenir plus d'information en temps réel et donc d'influencer les décisions de dépense avant que ces dépenses n'interviennent. Est-ce que de l'information financière publiée tous les trimestres serait une autre façon d'y parvenir? Oui, elle le permettrait, mais il faut que cette information soit précise et fiable.
Pour toutes les raisons que j'ai citées, tout comme le contrôleur général quand il s'est présenté devant vous, nous nous inquiétons de la capacité du gouvernement à produire cette information à votre intention de façon fiable, précise et en temps opportun.
Sommes-nous tous préoccupés par la nécessité d'information en temps réel et par la possibilité pour le Parlement d'exercer une influence sur les dépenses gouvernementales quand elles se produisent ou avant? Bien sûr! Vous disposez toutefois d'un autre outil, qui serait d'examiner le processus budgétaire, les rapports sur les plans et les priorités.
Le sénateur Stratton : Ce qui me frappe est la capacité du gouvernement à fournir de l'information en temps opportun et de façon précise, comme on l'a dit. Toutefois, tous les ministères ne devraient-ils pas s'efforcer d'adopter la comptabilité d'exercice? Seriez-vous d'accord pour convenir qu'il s'agit là d'une première étape? La seconde étape concernerait alors le calendrier. Une comptabilité trimestrielle serait très coûteuse. Nous serions inondés par des montagnes de documents que ni le Sénat ni ce comité n'auraient le temps d'étudier comme il convient.
La comptabilité d'exercice est-elle la voie à suivre? Si c'est le cas, comment faudrait-il procéder pour faire rapport en temps opportun?
Le président : Avant que vous répondiez, le sénateur Di Nino a une question complémentaire sur ce sujet.
Le sénateur Di Nino : Ma question est simple : nous avons entendu des inquiétudes au sujet de la capacité, des ressources disponibles et de l'analyse coûts-avantages. Ai-je raison de faire l'hypothèse que s'il ne s'agissait pas d'une question de coût, nous pourrions y parvenir relativement facilement dans un délai raisonnable?
M. Wiersema : Au sujet de la comptabilité d'exercice, le Bureau du vérificateur général du Canada serait ravi si le gouvernement annonçait une décision concernant la mise en œuvre des concepts de la comptabilité d'exercice pour l'élaboration des budgets et l'affectation des crédits. Nous avons incité le gouvernement à le faire depuis de nombreuses années. À ce jour, le gouvernement n'a pas encore décidé s'il adoptera la comptabilité d'exercice pour l'élaboration des budgets. Nous incitons le gouvernement à faire le premier pas en déclarant son intention de le faire.
Je sais que le gouvernement est préoccupé par l'importance des changements que cela entraînerait. Cela exerce réellement une influence sur la façon dont le Parlement procède au contrôle de l'utilisation qui est faite des fonds publics. Cette modification ne pourrait pas être mise en œuvre du jour au lendemain. Si le gouvernement devait décider d'aller de l'avant, l'étape suivante serait de mettre en œuvre un plan pour y parvenir et de déterminer le temps que cela nécessitera.
Il vaut mieux que ce soit le gouvernement qui indique quelle période serait raisonnable. S'il décide de mettre en œuvre ces modifications, cela prendra quelques années. Je laisserai le gouvernement dire combien.
Le sénateur Stratton : Si le gouvernement décide de mettre en œuvre cette comptabilité d'exercice et fixe un délai pour le faire, à quelle fréquence les rapports devraient-ils être produits, si ce n'est pas sur une base trimestrielle? Comme je l'ai dit, si les rapports sont trimestriels, nous aurons assez de papier pour remplir un entrepôt. Si ce n'est pas sur une base trimestrielle, à quelle fréquence?
M. Wiersema : Si la comptabilité d'exercice est utilisée pour l'établissement des budgets, pour l'affectation des crédits et dans la préparation des états financiers annuels ministériels vérifiés, que nous devrons attendre tous les deux encore un certain temps — si cela se produit — des modalités de rapports financiers trimestriels s'approchant de celles en vigueur dans le secteur privé seraient utiles et significatives, mais je ne crois pas que nous soyons en mesure d'y parvenir pour l'instant.
Le sénateur Stratton : Je le sais.
M. Wiersema : En réponse à la question du sénateur Di Nino, à savoir si cela serait possible sans limitation de ressources, tout serait possible si nos ressources étaient illimitées. Ce n'est toutefois pas le cas et les modules nécessaires pour y parvenir ne sont pas en place.
Le président : Comme il n'y a plus de questions, je vous remercie, messieurs, d'avoir comparu devant nous aujourd'hui. Nous tiendrons compte de ce que vous nous avez expliqué.
La séance est levée.