Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 11 - Témoignages du 27 mars 2007
OTTAWA, le mardi 27 mars 2007
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été déféré le projet de loi S-215, qui vise à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'accorder des allègements fiscaux, se réunit aujourd'hui à 9 h 31 pour en étudier la teneur.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. La séance du Comité sénatorial permanent des finances nationales est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue ici ce matin pour étudier une mesure législative précise, le projet de loi S-215.
Le comité s'intéresse aux dépenses publiques, soit directement au moyen de budgets, soit indirectement au moyen de projets de loi qui donnent un pouvoir d'emprunt ou influent sur les propositions de dépenses prévues dans les budgets.
Le projet de loi S-215 vise à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu afin d'accorder des allègements fiscaux. Il a été déposé au Sénat le 17 mai 2006 par le sénateur Austin et renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales le 20 février 2007. Vous savez, honorables sénateurs, que depuis le dépôt du projet de loi d'initiative parlementaire, le sénateur Austin a pris sa retraite. Nous avons essayé de communiquer avec le sénateur Austin pour voir s'il pouvait venir à titre de témoin, mais il n'était pas en mesure de le faire.
Pour leur donner un aperçu et une compréhension du contexte du projet de loi, je renvoie les honorables sénateurs aux transcriptions du Sénat de la deuxième lecture qui a eu lieu le 30 mai 2006. Le sénateur Austin s'est prononcé sur le projet de loi. Le 27 juin 2006, le sénateur Di Nino a parlé des principes fondamentaux du projet de loi avant qu'il ne nous soit présenté.
J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins du ministère des Finances, qui nous aideront à comprendre certaines complexités de l'impôt et des finances et les répercussions des propositions du projet de loi. Nous avons avec nous M. Baxter Williams et M. Don Wilson, de la Direction de la politique de l'impôt.
Messieurs, je vous remercie infiniment d'être ici. Avez-vous une déclaration préliminaire à faire?
Baxter Williams, Division de l'impôt des particuliers, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : J'avais cru comprendre que nous allions comparaître pour répondre aux questions du comité. Nous n'avons pas de déclaration préliminaire comme telle.
Le président : Merci beaucoup. C'est correct. Vous avez eu l'occasion de passer en revue le projet de loi, je présume, et vous comprenez le contenu du projet de loi d'initiative parlementaire dont nous sommes saisis, le projet de loi S-215.
M. Williams : Oui.
Le président : Avant de passer aux questions, pourriez-vous nous éclairer sur les répercussions de la proposition de réduire le taux d'imposition des particuliers pour la tranche d'impôt la plus basse, pour qu'il passe de 16 à 15 p. 100?
M. Williams : Nous pourrions commencer par discuter des coûts fiscaux associés à cette réduction.
Le président : Ce serait utile.
M. Williams : Nos budgets, basés sur l'examen des prévisions de coûts figurant dans la Mise à jour économique et financière de 2005 pour ce qui est de la proposition de réduire le taux de 16 à 15 p. 100, relativement à ce qui était mis en œuvre dans le budget de 2006, révélaient que les coûts d'une baisse additionnelle du taux s'élèveraient à environ 1,35 milliard de dollars en 2007-2008, et que ces coûts augmenteraient avec l'économie par la suite. De plus, les coûts d'une hausse additionnelle du montant personnel de base représenteraient 1,1 milliard de dollars en 2007-2008. Ces coûts diminueraient à mesure que la proposition accélère une hausse prévue par la loi qui était déjà légiférée et ne donneraient pas lieu à une hausse nette du montant personnel de base en 2009 et dans les années suivantes. Par conséquent, ces coûts sont temporaires et diminueront en 2008-2009.
Le président : Veuillez m'éclairer sur la série d'événements qui se sont produits. Nous pourrions peut-être d'abord examiner le pourcentage d'impôt sur le revenu pour la tranche d'impôt la plus basse des contribuables. Si je comprends bien, tous les particuliers qui paient de l'impôt le paient dans la première tranche, et certains le paient dans d'autres tranches.
M. Williams : Pour ce qui est de l'impôt net, le pourcentage de l'impôt total sur le revenu des particuliers versé dans la première tranche est relativement faible. En général, l'impôt que les particuliers paient est compensé par des crédits remboursables comme le crédit pour taxe sur les produits et services ou la Prestation fiscale canadienne pour enfants. En fait, corrigez-moi monsieur Wilson si j'ai tort, je crois que les 50 p. 100 des contribuables qui constituent la tranche inférieure paieraient moins de la moitié d'un pourcentage de tout l'impôt sur le revenu net des particuliers.
Don Wilson, chef principal, Division de l'impôt des particuliers, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Permettez-moi de donner une réponse un peu différente. Le taux minimal était fixé à 16 p. 100 jusqu'au 1er janvier 2005, après quoi il a été réduit à 15 p. 100. Cette réduction a été mise en œuvre à la suite de la Mise à jour économique et financière de 2005 du gouvernement précédent. Le taux a ensuite été modifié à 15,5 p. 100, qui est le taux en vigueur depuis le 1er juillet 2006.
Le président : Le projet de loi devant nous veut ramener le taux à 15 p. 100. On parle de réduire le taux d'un demi- point de pourcentage dans la tranche d'impôt la plus basse.
M. Wilson : Oui.
Le président : Le chiffre de 1,35 milliard de dollars que nous a donné M. Williams se rapporte à un demi pour cent?
M. Williams : C'est exact.
Le président : Un demi pour cent. Si le projet de loi est adopté et que le gouvernement le met en œuvre, le coût pour le Trésor sera de 1,35 milliard de dollars en 2007-2008.
M. Williams : En fait, le projet de loi renferme deux éléments. Il vous faudrait aussi tenir compte du second, qui est la majoration du montant personnel de base, ce qui engendrerait 1,1 milliard de dollars de coûts supplémentaires.
Le président : Cela devient assez complexe quand on essaie de s'attaquer à ces deux éléments en même temps. L'annexe A qui se trouve dans notre documentation montre d'abord la proposition faite dans le budget de 2005, puis le changement accéléré dans la tranche d'impôt la plus basse effectué dans le cadre de la Mise à jour économique et financière de novembre 2005, et un autre changement qui est venu s'ajouter à tout cela, soit le changement de gouvernement en 2006.
D'après ce que je comprends, d'ici 2010-2011, chacune de ces augmentations prévues se traduira par un montant de 10 000 $ exempt d'impôt avant que le contribuable ne s'inscrive dans la tranche d'impôt.
M. Wilson : Vous faites référence au montant personnel de base et vous avez parfaitement raison. Dans tous les scénarios, nous sommes censés atteindre sur le plan législatif un montant minimal de 10 000 $ en 2009.
Le président : Autrement dit, le montant de 1,1 milliard de dollars a une incidence sur le budget de 2007-2008, ce qui disparaîtra progressivement parce que toutes ces augmentations prévues, avant que le particulier ne commence à payer de l'impôt, convergeront en bout de ligne et formeront un tout.
Je crois que je comprends l'idée générale.
Le sénateur Ringuette : D'après ce que j'ai compris, le sénateur Austin a présenté ce projet de loi d'initiative parlementaire parce qu'il croyait que c'était dans l'intérêt de l'économie canadienne, des consommateurs et de l'ensemble de la population et qu'il était préférable que toute réduction d'impôt provienne de la première source d'imposition, qui est l'impôt sur le revenu, plutôt que d'une réduction de la TPS qui a été présentée par le gouvernement actuel.
Vous avez établi le coût de la réduction de 16 à 15,5 p. 100. Quel a été celui de la TPS?
M. Wilson : Il y a plusieurs façons de répondre à cette question, mais je crois que c'est environ 5 milliards de dollars par année. Je peux vous donner un chiffre plus précis, mais en gros, c'est juste au-dessus de 5 milliards de dollars.
M. Williams : Je vais vous donner une réponse plus précise. Le coût est de 5,17 milliards de dollars en 2007-2008 et de 5,375 milliards de dollars en 2008-2009.
Le président : En guise de clarification, parle-t-on du 1 p. 100?
M. Williams : C'est la réduction de 1 p. 100.
Le sénateur Ringuette : Je sais que le ministère des Finances établit toutes les perspectives économiques, à moins que vous ne le fassiez aussi, mais quelles ont été les répercussions sur les achats des consommateurs et le fait que les Canadiens aient plus d'argent dans leurs poches pour subvenir à leurs besoins de base? Avez-vous mené une étude sur les répercussions économiques de cette réduction de 1 p. 100 de la TPS?
M. Williams : Les évaluations que nous avons faites sur les avantages éventuels pour différentes familles ayant des revenus différents ont été publiées dans le budget de 2006. Ce sont des estimations plus axées sur le plan monétaire, que nous pourrions passer en revue avec vous pour vous donner une vue d'ensemble.
Le sénateur Ringuette : Oui, je crois que cela nous aiderait à comprendre l'incidence d'une telle décision.
À mon avis, une réduction de la TPS est plus profitable aux Canadiens dont le revenu est plus élevé, toutes proportions gardées. J'aimerais voir et comprendre les chiffres des différentes tranches de revenu et l'effet des réductions de 1 p. 100 et de 5 p. 100 de la TPS. Avez-vous un tableau comparatif?
M. Williams : Je vais parler de façon générale. Il faut garder à l'esprit que l'allègement fiscal total accordé aux contribuables dans le budget de 2006 était considérablement plus élevé que celui proposé dans la Mise à jour de 2005 dans l'ensemble. Je crois que ce sont les deux points de comparaison.
Si vous examinez notre horizon budgétaire actuel de 2006-2007 à 2008-2009, la valeur totale de l'allègement octroyé aux particuliers dans le budget de 2006 se chiffrait à environ 29,5 milliards de dollars. À titre de comparaison, la Mise à jour économique et financière prévoyait environ 13 milliards de dollars.
Le sénateur Ringuette : À quelle tranche de revenu des Canadiens faites-vous référence?
M. Williams : Naturellement, en ayant plus de ressources, on s'attendrait à ce que tout le monde reçoive un montant plus élevé d'allègement fiscal aux termes du budget de 2006 plutôt qu'aux termes de la Mise à jour, compte tenu de l'allocation des ressources.
La distribution du budget de 2006 comportait deux volets, dont le crédit canadien pour emploi, qui était efficace pour les Canadiens. Il augmente le revenu que les contribuables pouvaient toucher avant de payer de l'impôt, et cette somme était ajoutée à un montant personnel de base d'un travailleur à faible revenu. Cela signifie que dès qu'ils atteignaient 11 000 $ en revenus gagnés, ils pouvaient tirer pleinement parti de ce crédit, qui offrait un allègement considérable. En 2007, il donne environ 155 $ d'allègement.
Par comparaison, la valeur d'une réduction dans la tranche d'impôt la plus basse augmente avec votre revenu jusqu'à ce que vous atteigniez environ 37 000 $. Vous ne pouvez pas profiter pleinement de la valeur de la réduction de taux si vous touchez un revenu inférieur à 37 000 $. Cela signifie que cette mesure particulière offrirait un allègement fiscal aux Canadiens à faible revenu, du moins à ceux faisant partie de cette tranche de revenu, plus grand que celui qu'offrirait la réduction de taux proposée par le sénateur Austin.
Le sénateur Ringuette : Vous serait-il possible de fournir aux membres de ce comité ces données comparatives?
M. Williams : Nous pourrions certainement le faire.
Le président : Si vous pouviez les remettre à la greffière, je veillerai à ce qu'elles soient distribuées à tous les membres du comité. Cela nous serait utile.
M. Williams : D'accord.
Le sénateur Stratton : Depuis que le projet de loi S-215 a été présenté pour la première fois par le gouvernement précédent, deux budgets ont été déposés par le nouveau gouvernement : un l'année dernière et un actuellement. Ce dont nous avons besoin, à titre de comparaison, n'est pas seulement ce que le projet de loi S-215 montre à l'égard des contribuables canadiens, mais aussi quelle incidence ont les deux récents budgets par rapport au projet de loi S-215? Si vous comparez des pommes avec des pommes, vous devez le faire dans l'intérêt de tout le monde ici. Ce serait la mesure la plus appropriée à prendre.
Je ne connais pas la réponse à cette question, étonnamment. Il importe que le public voie la comparaison. Si le gouvernement conservateur a fait son travail de la façon qu'il juge indiquée, comme le gouvernement précédent a fait son travail de la façon qu'il jugeait indiquée, il serait intéressant de comparer. Pouvez-vous le faire, messieurs, ou est-ce que cela représente beaucoup de travail?
M. Williams : Nous ne manquerons pas de nous renseigner.
Le sénateur Stratton : À l'heure actuelle, ce sujet est très nébuleux et difficile à comprendre. Pouvez-vous énoncer clairement pour le sénateur Ringuette quelle incidence aurait le projet de loi S-215 et, en comparant des pommes avec des pommes, quelles seront les répercussions des deux nouveaux budgets?
M. Williams : Je crois que vous voudrez également inclure le plan d'équité fiscale.
Le président : Tout renseignement que vous pouvez fournir pour analyser l'incidence de cette décision politique par rapport aux décisions politiques du gouvernement précédent nous aide à interpréter les répercussions du projet de loi proposé par le sénateur Austin, qui cherche en effet à mettre de nouveau en œuvre la décision politique antérieure. Nous vous demandons de remettre cette information à notre greffière pour que nous puissions ensuite la distribuer à tous les membres du comité.
Le sénateur Stratton : Nous pourrions alors réinviter les témoins.
Le président : Oui, pour nous l'expliquer.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous avez commencé par nous donner des chiffres qui mettent en évidence les conséquences du projet de loi sur le Trésor. Je suis aussi intéressée à son incidence sur la population. Qui seront visés par les réductions et par les augmentations du taux d'imposition marginal le plus bas et Des montants personnels de base? Comment les particuliers en profiteraient-ils?
M. Williams : Je pourrais vous donner une idée approximative et peut-être vous donner plus de précisions dans le futur. Est-ce que cela vous serait utile?
Le sénateur Nancy Ruth : Ce serait bien.
Avez-vous songé aux répercussions selon le sexe de telles modifications dans la loi ou dans la Loi de l'impôt sur le revenu? Comment les femmes seraient-elles touchées?
Qui plus est, il reste la grande question à savoir ce que le ministère des Finances du Canada fait dans son tour d'horizon du régime fiscal concernant son incidence sur les femmes. C'est toujours une question qui m'intéresse.
M. Williams : Nos propositions renferment une analyse comparative entre les sexes, que nous pouvons vous faire parvenir ultérieurement.
Le sénateur Nancy Ruth : Ce serait bien de la voir parce que tout le monde dit qu'ils effectuent l'analyse, mais nous n'avons pas la chance de voir le résultat ni comment ça se passe vraiment. Ce serait merveilleux.
Le sénateur Ringuette : Menez-vous aussi une évaluation des répercussions sur les régions ou les provinces?
M. Wilson : Nous en faisons une généralement. Cela dépend de la politique en question, mais quand il s'agit d'un projet tel qu'un changement des taux ou des tranches d'impôt qui est systémique et à grande échelle, nous examinons d'abord et avant tout l'incidence sur les contribuables des différentes tranches de revenu. Enfin, nous nous penchons sur les répartitions régionales, ce qui fait partie de la responsabilité d'informer les provinces, par exemple, pour voir les répercussions qu'ont à leur tour chacun des budgets fédéraux sur leur propre budget.
Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous remettre cette information à la greffière du comité? Cela nous serait utile.
Le président : Monsieur Williams, le sénateur Nancy Ruth a posé une série de questions, auxquelles vous avez répondu que vous tenterez de fournir des observations générales qui pourraient susciter d'autres questions de notre part. Vous avez signalé que vous assurerez un suivi et confirmerez nos demandes de renseignements. Si vous voulez formuler certaines de ces observations générales maintenant, cela nous serait utile.
M. Williams : Je pourrais parler de la réduction du taux. Le montant maximal que retireraient les particuliers touchant environ 37 000 $ à l'heure actuelle serait d'à peu près 120 $. Le montant déclinerait avec le revenu jusqu'à environ 10 000 $, où il n'y aurait pratiquement aucun avantage fiscal, puisque le particulier n'aurait pas à payer d'impôt. Nous pourrions vous fournir un peu plus de précisions sur ces chiffres plus tard.
Le président : Si vous additionnez tous les revenus des particuliers touchant entre 10 000 et 37 000 $, toutes les économies qui résulteraient d'une réduction supplémentaire de 0,5 p. 100 donneraient lieu à une perte pour le Trésor ou à une réduction des fonds du Trésor de 1,35 milliard de dollars.
M. Williams : C'est exact. C'est étonnant, mais sur 17 millions de contribuables, un changement comme celui-ci profite à une grande majorité d'entre eux. Même si l'avantage fiscal est petit, la note gonfle rapidement quand l'avantage s'applique à un grand nombre de personnes.
M. Wilson : En guise de clarification, ce crédit s'applique à tous les particuliers assujettis à l'impôt. Tout le monde profite de cette réduction de taux.
M. Williams : Quoi que pour les gens à plus faible revenu, le crédit est moindre.
Le président : Est-ce toutes les observations générales que vous pouvez fournir en réponse à la série de questions posées par le sénateur Nancy Ruth?
Sénateur Nancy Ruth, aimeriez-vous ajouter quelque chose qui pourrait susciter certaines réponses maintenant?
Le sénateur Nancy Ruth : Je ne pense pas, mais j'aimerais voir un exemple de la façon dont vous vous y prenez.
M. Williams : Nous vous ferons parvenir une analyse comparative entre les sexes.
Le président : Nous attendons avec impatience cette analyse et l'analyse des répercussions régionales. Il sera intéressant de voir les documents que vous nous fournirez.
Le sénateur Stratton : Les témoins pourront alors revenir et nous expliquer ce que ça signifie.
Le sénateur Mitchell : Moi aussi, je suis très intéressé par l'analyse comparative entre les sexes et j'ai hâte de la voir. Menez-vous réellement un processus d'analyse comparative entre les sexes structuré et institutionnalisé? Est-ce que vous le faites systématiquement?
M. Williams : C'est une question d'usage.
Le sénateur Mitchell : Est-ce que ce serait un document public ou un document pour lequel il faut soumettre une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information?
M. Wilson : Ces documents ont en fait déjà été assujettis à une demande d'accès à l'information et ont été rendus publics intégralement. Nous nous ferons un plaisir de vous les fournir.
Le sénateur Mitchell : Faut-il une demande d'accès à l'information? Est-ce que ce sont des documents que vous rendriez publics systématiquement?
M. Wilson : Non, pas systématiquement.
Le sénateur Mitchell : Ce serait bien si nous pouvions les avoir.
Vous avez mentionné que le demi-point correspondrait à 120 $ d'épargne fiscale pour les contribuables faisant partie de la première tranche d'impôt qui va jusqu'à 37 500 $, mais un demi-point équivaut à plus de 120 $. Comment arrivez- vous à 120 $?
M. Williams : C'est essentiellement 24 000 $, car le premier montant n'est pas imposable. Je fais une estimation rapide. Je crois que ce serait à peu près ce montant quand tous les autres crédits sont pris en compte.
Généralement, sur le revenu que vous touchez, le premier montant serait non imposable en raison du montant personnel de base. En outre, vous auriez droit à des crédits pour les primes d'assurance-emploi ou les cotisations au RPC que vous avez versées. Lorsque tous ces éléments sont pris en considération, vous arrivez à ce montant.
Le sénateur Mitchell : C'est 37 500 $ de revenu, mais pas de revenu imposable.
M. Williams : Oui, le revenu sur lequel vous ne payez pas d'impôt. Ce serait un revenu imposable mais, techniquement, les crédits s'appliquent au revenu imposable.
Le sénateur Mitchell : Existe-t-il une différence philosophique fondamentale dans la politique fiscale entre les réductions d'impôt générales de 16 à 15 p. 100 adoptées par le gouvernement précédent et les réductions d'impôt ciblées d'un crédit d'impôt pour enfants? Ce n'est évidemment pas tout le monde qui a des enfants. Voyez-vous ce changement comme un changement philosophique fondamental à notre politique fiscale? Y avait-il une certaine uniformité? Était- ce généralement sous forme de réductions d'impôt générales et est-ce maintenant un changement fondamental?
M. Williams : Les deux plans prévoyaient des éléments d'allègement fiscal généralisé offerts par le truchement du régime de l'impôt sur le revenu des particuliers et ensuite dans le budget au moyen d'une réduction de la TPS. Certains gouvernements ont instauré des crédits pour atteindre des objectifs sociaux précis. Je peux seulement émettre des hypothèses, mais je dirais que les objectifs du nouveau gouvernement ont changé pour répondre à ses priorités.
Le sénateur Mitchell : Quelle est l'incidence d'une réduction d'impôt sur le revenu par rapport à une réduction de la TPS sur la productivité économique? Est-ce une évaluation que vous faites?
M. Williams : Nous n'avons pas d'évaluation précise des deux propositions, non.
Le sénateur Mitchell : Vous conviendrez qu'il est généralement admis qu'une réduction de la TPS n'est pas particulièrement utile à la productivité économique, tandis qu'une réduction de l'impôt sur le revenu l'est probablement?
M. Williams : Du point de vue du ministère des Finances du Canada, nous considérons que toutes les réductions d'impôt contribuent à la productivité. Il existe des différences selon le type d'instrument fiscal. Il est vrai que nous avons publié par le passé des analyses qui montraient que, dans certaines circonstances, des réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers contribueraient beaucoup plus à l'efficience économique qu'une réduction de la TPS, mais il demeure que les deux améliorent la productivité.
M. Wilson : Je tiens à souligner que cette analyse n'a pas été menée pour des types de réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers précis. L'analyse est menée de façon très générale. Nous ne pourrions parler d'une proposition précise relative à la TPS avec l'analyse qui a été effectuée aujourd'hui.
Le sénateur Mitchell : Avez-vous fait une analyse sur les répercussions des réductions ciblées pour les enfants dans l'éventualité qu'un des parents reste à la maison et ne travaille pas?
M. Williams : Non, nous n'avons pas d'analyse de cette situation.
Le sénateur Mitchell : Je m'écarte peut-être un peu du sujet, mais je suis intéressé par l'idée selon laquelle les crédits d'impôt pour le patinage artistique, le polo ou le hockey ou les nouveaux crédits d'impôt pour enfants s'appliquent seulement aux particuliers qui ont un revenu imposable. L'envers de la médaille serait un revenu annuel garanti minime, alors même si vous ne payez pas d'impôt, vous pourriez recevoir cela seulement comme un crédit. A-t-on étudier la question de sorte que les familles qui n'ont pas un revenu imposable puissent obtenir l'argent pour acheter les patins que M. Flaherty peut subventionner?
M. Williams : L'approche générale est que les crédits visent à compenser l'impôt payé sur le revenu pour certaines dépenses. C'est pourquoi les crédits ont été mis en œuvre comme étant non remboursables.
Le sénateur Mitchell : Lorsque vous parlez de crédits remboursables, s'agit-il de crédits que vous obtenez même si vous ne payez pas d'impôt?
M. Williams : Oui.
M. Wilson : Il convient de signaler qu'il existe actuellement un crédit de TPS pour les particuliers à faible revenu, une prestation universelle pour la garde d'enfants de 100 $ par mois pour chaque enfant de moins de six ans, de même que l'ensemble des avantages prévus au titre de la Prestation fiscale canadienne pour enfants et le supplément de la prestation nationale pour enfants. Ce sont tous des crédits remboursables destinés à des familles qui, pour revenir à votre exemple, n'achèteraient pas de patins ou ne paient peut-être pas d'impôt.
Le sénateur Mitchell : Nous avons un tableau ici, que vous avez probablement vu. Il révèle, dans la Mise à jour de 2005, qu'une augmentation prévue de 1 200 $ du montant personnel serait additionnée au montant personnel de base de 2005 qui se chiffre à 8 148 $, ce qui le porterait à 9 348 $. La Mise à jour était fondée sur l'idée que le montant personnel de base augmenterait à 10 000 $ d'ici 2009. L'écart est-il attribuable à ces hausses inflationnistes structurelles?
M. Williams : Absolument.
Le sénateur Mitchell : Quel est le taux d'inflation? Est-ce 3 p. 100?
M. Wilson : Non, il tourne plus autour de 2 p. 100. Il varie d'une année à l'autre, mais il est à 2 ou à 2,2 p. 100.
Le président : Je tiens à apporter une précision concernant le taux d'imposition de 15 p. 100 dans la tranche d'impôt la plus basse qui a été mis en œuvre durant l'année 2005. Au départ, ce changement a été amené par la Mise à jour économique et financière de novembre 2005, puis une motion de voies et moyens l'a mis en œuvre avec effet rétroactif au 1er janvier 2005. Pour l'année 2005, le taux était de 15 p. 100. Le gouvernement a changé en janvier 2006 et a proposé le projet de loi C-13, qui a fixé le taux à 15,5 p. 100 à compter du 1er juillet 2006, mais il a confirmé la position du gouvernement antérieur pour que le taux soit établi à 15 p. 100 pour toute l'année 2005 et pour six mois en 2006. Nous avons maintenant ce projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi S-215, que nous étudions aujourd'hui, dont l'une des dispositions traite de l'année 2005. Il vise à imposer par voie législative une réduction pour l'année 2005 et faire passer le taux à 15 p. 100. Je veux que vous vous concentriez uniquement sur l'année 2005. Sur le plan juridique, avons-nous besoin d'un projet de loi pour réduire le taux d'imposition pour l'année 2005 à 15 p. 100?
M. Williams : Non.
Le président : Merci. C'est ce que je pensais, mais j'avais besoin que vous me le confirmiez.
M. Williams : En termes clairs, il faudrait qu'il prenne effet le 1er janvier 2006, car sur le plan juridique, le taux pour 2006 est de 15,25 p. 100. Pour les retenues à la source, l'Agence du revenu du Canada les a administrées au taux de 15 p. 100 pour la première moitié de l'année et au taux de 15,5 p. 100 pour l'autre moitié.
Le président : D'un point de vue juridique, le taux était de 15,25 p. 100 pour l'année?
M. Williams : C'est exact.
Le président : C'était pour 2006.
M. Williams : Oui.
Le président : Si nous acceptons ce projet de loi, nous devrions en amender certaines sections. Les dispositions relatives à l'année 2005 dans le projet de loi sont inutiles. Nous devrions établir le pourcentage en 2006, en tenant compte de ce qui s'est passé avec le nouveau gouvernement, du changement de gouvernement et de la façon dont il a géré cette augmentation de taxes en 2006 et pour les années suivantes.
Le sénateur Ringuette : Vous soulevez peut-être un point intéressant. Vous dites que le taux était de 15,25 en 2006, mais ce n'est pas vrai.
Les contribuables canadiens auraient dû payer 15 p. 100 entre le 1er janvier et le 1er juillet sur cette portion de leur revenu, puis 15,5 p. 100 sur le revenu gagné entre le 1er juillet et le 31 décembre. Avez-vous procédé de cette façon? Il pourrait y avoir une énorme différence sur les plans individuel et collectif car certains particuliers — je pense plus particulièrement aux travailleurs saisonniers — touchent un revenu pour une partie de l'année seulement. L'écart de 0,5 p. 100 lorsqu'ils remplissent leur déclaration de revenus aurait pu avoir un effet important en bout de ligne. Nous parlons d'une différence juridique.
Avez-vous appliqué le taux de 15,25 p. 100 pour l'année entière plutôt que d'appliquer le taux de 15 p. 100 pour les six premiers mois et le taux de 15,5 p. 100 pour les six derniers mois de l'année? Je sais que c'est une question délicate, car cela pourrait représenter beaucoup d'argent. Des répercussions juridiques y sont aussi liées.
M. Williams : Sur le plan juridique, en ce qui concerne les obligations fiscales et les dispositions législatives mises en vigueur, le taux appliqué était de 15,25 p. 100 pour l'année. Dans les déclarations de revenus, il n'y a aucune façon de déterminer à partir des dossiers des particuliers la période de l'année ou le mois où ils ont touché le revenu. Ils reçoivent un feuillet T-4 à la fin de l'année qui leur donne leur revenu total pour l'année, mais rien n'indique que le revenu a été gagné en janvier ou en décembre. Par conséquent, ce serait une entreprise administrative colossale d'un point de vue juridique de changer le taux à partir du 1er juillet. En recueillant les remises d'impôt, l'ARC peut faire ces ajustements, mais l'objectif est de veiller à ce que les retenues à la source soient sensiblement égales aux obligations fiscales à la fin de l'année.
Pour ce qui est des chiffres dont nous discutions plus tôt, je tiens à signaler que la valeur maximale de l'écart était d'environ 120 $ d'allègement fiscal pour un particulier touchant 37,000 $ annuellement. Il faut se demander si nous voulons entreprendre un travail aussi complexe sur le plan administratif compte tenu du montant de l'allègement fiscal en jeu.
Le sénateur Ringuette : Cela soulève de nombreuses questions. D'abord, le Parlement a adopté un projet de loi le 1er juillet que le gouvernement savait impossible à administrer. Je comprends ce que vous dites. Changer la tranche d'impôt au milieu de l'année est différent de changer le taux de la TPS au milieu du mois, car la TPS peut être calculée presque quotidiennement.
Essentiellement, le gouvernement a présenté un projet de la loi visant à changer une tranche d'impôt en milieu d'année alors qu'il savait que ce changement ne pouvait être mis en œuvre, car il était irréaliste.
Je sais que cette question est technique.
M. Williams : Pour que ce soit clair, je confirmerai ce point et passerai en revue le projet de loi C-13.
La mesure législative stipulait un taux de 15,25 p. 100 pour l'année. Je crois que le matériel de communication qui a été élaboré visait à montrer l'incidence qu'a eue le changement apporté aux retenues à la source sur les contribuables, et c'est là que le taux de juillet prend forme. Je crois que c'est une façon de tenter de décrire l'incidence sur les contribuables plutôt que la modification législative qui a été mise en vigueur.
Le sénateur Ringuette : Vous dites que les outils de communication utilisés par le gouvernement ne reflétaient pas véritablement la mesure législative. J'entre peut-être trop dans les détails, mais notre discussion m'a éclairée sur le fait que changer le pourcentage du taux d'imposition au milieu de l'année est une mission impossible. En tant que sénateurs, qui siégeons beaucoup plus longtemps que les députés de la Chambre des communes, nous devrions être bien conscients de cela à l'avenir.
M. Wilson : Il y a une question de comptabilité fiscale par rapport à l'administration. L'aspect administratif du taux de 15,25 p. 100 était clairement énoncé dans l'annexe du budget de 2006. Il y avait une explication sur la façon dont le changement au milieu de l'année serait mis en vigueur. L'administration est tout à fait conforme aux engagements établis dans le budget de 2006 et à la façon dont elle a été finalement légiférée dans le projet de loi C-13.
Le sénateur Mitchell : L'initiative de fractionnement du revenu des aînés s'appliquerait aux pensions. Si vous prenez votre retraite de l'enseignement à l'âge de 55 ans avec une pleine pension, vous pouvez partager votre pension avec votre conjoint, mais si vous prenez votre retraite à 60 ans en ayant seulement des REER, vous ne pourriez pas partager ce revenu avant l'âge de 65 ans; est-ce exact?
M. Williams : C'est exact.
Le sénateur Mitchell : Cette initiative repose sur l'idée qu'elle s'applique aux revenus de pension, et les REER ou les FERR ne deviennent pas des revenus de pension en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu avant l'âge de 65 ans; est-ce exact?
M. Williams : La distinction a été établie en reconnaissant que les particuliers pouvaient retirer de l'argent de leurs REER à tout moment et que les REER n'étaient pas nécessairement utilisés comme revenus de pension. La limite d'âge fixée reflète l'âge approximatif où les gens peuvent être considérés comme retraités.
Le sénateur Mitchell : Il est ironique de noter que le ministre des Finances a annoncé l'initiative permettant aux particuliers de partager leurs revenus de pension en réponse aux revers subis par des particuliers en raison des changements apportés aux fiducies de revenu. Ce qui est paradoxal, c'est que vous ne dépendez pas des fiducies de revenu pour vos revenus de pension mais vous l'êtes pour vos REER ou vos FERR, et pourtant vous pouvez partager votre pension avant de partager vos FERR ou vos REER. C'est un paradoxe intéressant, à mon avis. Ne trouvez-vous pas? L'initiative a été présentée tout de suite comme une indemnité pour les particuliers qui ont subi un coup dur à la suite du changement aux fiducies de revenu et, bien qu'ils pourront en profiter un jour, ils n'en profiteront pas aussi rapidement qu'une personne qui prend une retraite anticipée et qui a accès à un vrai régime de retraite.
Si vous souscrivez à un REER collectif avec une entreprise ou un régime de retraite à cotisations déterminées, qui est essentiellement un REER, pourriez-vous partager ce revenu si vous prenez votre retraite à l'âge de 55 ans, ou pouvez- vous le faire seulement à 65 ans? Est-ce seulement un régime de retraite à prestations déterminées qui y ouvrira droit?
M. Williams : Il faudrait que je vérifie.
Le sénateur Mitchell : Pourriez-vous le faire pour moi, s'il vous plaît?
M. Williams : Certainement.
Le président : J'ai une brève question à poser. L'exemption personnelle de base est le droit d'entrée pour les particuliers qui touchent un revenu et qui ne paient pas d'impôt avant d'atteindre un certain seuil. Je crois que nous pouvons oublier le budget de 2005. La Mise à jour économique et financière de novembre 2005 et le budget de 2006 prévoyaient deux augmentations de cette exemption personnelle de base avant qu'un particulier commence à payer de l'impôt. La Mise à jour économique et financière de novembre 2005 accélérait la proposition, mais les taux ont été rétablis par la suite. Chacun prévoit des hausses du montant personnel de base mais à des taux différents, jusqu'en 2010 où il s'élèvera à environ 10 000 $ plus le taux d'inflation. Avez-vous mené une analyse relative au nombre de contribuables qui ne seront plus visés par le taux d'imposition et qui n'auront plus à payer d'impôt dans chacun des scénarios jusqu'en 2010?
M. Williams : Nous avons une analyse pour des années données, mais je ne suis pas certain que les données sont parfaitement comparables.
M. Wilson : Dans la Mise à jour de 2005, le précédent gouvernement a fait état que la hausse du montant personnel de base à 10 000 $ en 2009 rayerait 860 000 personnes du rôle d'imposition.
Le président : Je présume que ce chiffre augmenterait à mesure que vous majoriez le montant personnel de base, et ce, jusqu'au bout du processus.
M. Wilson : Vous obtenez la valeur maximale lorsque vous atteignez 10 000 $. C'est une hausse cumulative de 1 200 $ plus, comme il l'a été souligné à juste titre, les répercussions de l'indexation ou de l'inflation sur ces hausses au fil du temps.
Le président : Je ne veux pas vous demander de commencer à faire une analyse, mais si vous avez déjà quelque chose de prêt que vous aimeriez partager avec nous, ce serait fort utile pour que nous sachions comment vous en êtes arrivé à ce chiffre. J'aimerais comprendre l'impact des deux différentes décisions au niveau de l'accélération des montants annuels jusqu'en 2009-2010.
M. Wilson : Il s'agit d'une analyse compliquée, non pas à cause de ces mesures en particulier, mais à cause d'un certain nombre d'autres modifications apportées au régime fiscal dans les récents budgets. Par exemple, le crédit canadien pour l'emploi annoncé dans le budget de 2006 a le même effet qu'une augmentation du montant personnel de base pour les individus qui y sont admissibles. Il s'agit là d'un montant de crédit de 1 000 $ pour les personnes ayant un revenu d'emploi.
Le président : Je crois que nous pouvons exclure les programmes. J'envisage plutôt une approche qui englobe tout le monde. Tous les programmes gouvernementaux qui ciblent certains groupes peuvent être exclus de cette analyse.
Le sénateur Ringuette : La différence ici, comme l'a indiqué M. Wilson, est que nous devons bel et bien examiner la question dans son ensemble. Quinze pour cent des enfants au Canada sont pauvres et j'irais même jusqu'à affirmer que les prestations de revenu imposable sont importantes pour ce groupe de Canadiens. Si vous avez un crédit d'impôt de 500 $ pour un article lié au travail, ce montant n'est pas admissible à l'exemption de base. En ce qui a trait aux efforts visant à avoir plus de fonds pour les Canadiens les plus démunis, cela ne règle pas nécessairement le problème. Augmenter la tranche d'imposition est une chose, mais la réduire pour introduire des mesures comme l'achat de patins à glace — chose que 15 p. 100 des familles canadiennes ne peuvent se permettre — en est une autre. De plus, il arrive parfois que le revenu ne soit pas lié à l'emploi, notamment dans le cas des mères de famille monoparentale. L'impact sur le segment le plus pauvre de notre population est considérable. Je crois qu'il nous est impératif de comprendre cela. Si l'on examine la situation globale, on constate que, certes, le montant de 500 $ a été augmenté dans la tranche du revenu personnel, par le biais d'un crédit d'impôt pour le travail. Eh bien, l'impact sur les gens qui en sont touchés et celui sur ceux qui ont le plus besoin d'un investissement de la part de notre pays ne sont pas du tout les mêmes.
M. Williams : Le crédit canadien pour l'emploi revient à augmenter le montant personnel de base des gens qui travaillent, tout comme le crédit pour revenu de pension revient à augmenter le montant personnel de base pour ceux ayant un revenu de pension. Si l'on veut « comparer des pommes avec des pommes », je crois que votre analyse devrait tenir compte de ces deux aspects.
Le président : En des termes simples, au lieu de dire que tout le monde va obtenir un allègement fiscal et qu'il y aura moins de gens qui paieront des impôts, il faut dire que plus de personnes paieront des impôts, mais nous disposerons de programmes qui cibleront certains groupes plutôt que d'avoir une politique générale. Telle est la décision de principe qui a été prise, et je crois que nous la comprenons.
Vous dites que nous devrions examiner l'impact sur les groupes ciblés, car ces groupes pourraient être les mêmes.
M. Williams : Vous pouvez obtenir le même résultat.
Le président : Peut-être obtiendriez-vous plus de mérite politique si vous le faisiez vous-même. Je plaisante un peu, car c'est hors de notre portée.
M. Williams : Oui.
Le sénateur Mitchell : Il est rare que nous ayons ce genre de moment de détente avec des gens de votre expertise. Donc, si vous me le permettez, j'aimerais pousser la question plus loin.
Avez-vous déjà fait une analyse entre les réductions d'impôt et les votes? Ce serait une analyse fort intéressante.
Pour en revenir à l'analyse entre les hommes et les femmes, un des enjeux est le fait que, dans notre société, nous n'accordons pas beaucoup de valeur économique au travail des personnes, surtout des femmes, qui restent à la maison pour élever leurs enfants ou pour s'occuper de leurs parents âgés. Je suis sûr que dans votre ministère, comme ailleurs, on a longuement réfléchi à la façon dont nous pouvons, en tant que société, accorder une valeur économique à ce genre de travail, car celui-ci a bel et bien une valeur économique et, évidemment, une valeur qui a des ramifications plus profondes.
Pouvez-vous nous faire part de vos commentaires sur l'idée de permettre à un couple — ce qui n'est pas d'un grand secours aux familles monoparentales — de cotiser dans le RPC du conjoint ou de la conjointe qui reste à la maison pour élever les enfants ou d'accorder un maximum déductible plus élevé au titre des REER? Par exemple, vous pourriez attribuer un revenu nominal de 12 000 $ à la personne qui reste à la maison avec les enfants pour les élever, tout en accordant un maximum déductible de 18 p. 100 au titre des REER. Ce montant serait toutefois payé par l'autre partenaire qui gagne un revenu. A-t-on déjà envisagé une telle possibilité?
M. Williams : Je ne peux pas parler précisément du RPC, mais j'aimerais signaler que cette situation est en quelque sorte prise en considération dans les REER. Ainsi, il est possible de cotiser dans un REER de conjoint. Cette option offre généralement un avantage fiscal plus important à une personne qui fait partie d'une famille à revenu unique que si le salarié avait décidé de cotiser uniquement dans son REER. Il y a donc une certaine reconnaissance de cette situation particulière.
Le sénateur Mitchell : Mentionnons que cet avantage fiscal sera moindre si vous pouvez retirer votre revenu de pension de votre REER à l'âge de 65 ans, car il n'importera pas s'il s'agit d'un REER de conjoint ou non. Par ailleurs, on n'obtient pas un maximum déductible supplémentaire en guise de reconnaissance du travail supplémentaire d'une personne qui élève ses enfants ou qui s'occupe d'un parent âgé.
Dans le budget, il me semble qu'on ait haussé de 69 à 71 ans l'âge limite pour la conversion d'un REER, ce qui est une bonne idée, mais on y mentionne aussi une mesure qui permettrait à un salarié de recueillir sa rente tout en continuant de travailler et d'accumuler des prestations de retraite. Est-ce exact?
M. Williams : C'est exact.
Le sénateur Mitchell : Est-ce qu'un sénateur ou un député ou un fonctionnaire aurait le droit de le faire? Comment cela fonctionnerait-il? Non que je veuille le faire, mais parce que je suis intéressé d'en connaître les grandes lignes.
M. Williams : Il y a deux aspects : l'aspect lié aux normes de prestation de pension et l'aspect lié aux impôts. La législation proposée dans le budget prévoit des changements au code des impôts qui permettraient à une situation comme celle-ci de se produire sans qu'une pénalité fiscale ne soit imposée.
Des modifications afférentes seront apportées à la Loi fédérale sur les normes de prestations de pension afin de tenir compte de la proposition. Toutefois, les régimes de pension relèvent aussi des gouvernements provinciaux. Nous ne disposons pas, pour l'instant, d'une analyse détaillée des particularités qui prévalent dans chaque province, mais des changements seraient de mise à ce niveau-là.
Ajoutons aussi l'aspect lié à la politique de l'employeur, qui aura à décider si cette option est avantageuse et, le cas échéant, qui devra apporter des changements aux règlements en matière de régime de pension pour donner le feu vert. Je sais, à titre de fonctionnaire, que notre régime de pension actuel ne me permettrait pas, par exemple, de retourner au travail et de recevoir, en même temps, une rente. Telle est la décision de principe que le gouvernement fédéral a prise pour un certain nombre de raisons. Il s'agit d'une mesure législative permissive; d'autres mesures devraient donc être prises.
Le sénateur Mitchell : Le risque que des employeurs utilisent le fonds de pension pour réduire les coûts salariaux et, de ce fait, compromettent la capacité de la pension de maintenir ses obligations à long terme, serait l'une des conséquences non voulues qui devrait occuper toute notre attention.
M. Williams : C'est l'une des raisons pour lesquelles cette possibilité n'est limitée qu'aux situations où les gens sont admissibles à une pension non réduite.
Le sénateur Mitchell : On ne peut pas l'utiliser à cette fin.
M. Williams : Exact.
Le président : Voilà toutes les questions que nous avions pour aujourd'hui. J'aimerais donc clore notre réunion.
Monsieur Williams et monsieur Wilson, merci beaucoup de votre présence. Nous avons eu droit à une discussion intéressante ce matin. On devrait régulièrement s'adonner à un tel exercice. Nous en tirons toujours des leçons utiles, et nous attendons avec impatience de recevoir le document que vous allez nous envoyer.
Je vais maintenant suspendre cette réunion, et nous allons reprendre dans environ deux minutes pour parler des travaux futurs.
La séance est levée.