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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 13 - Témoignages du 1er mai 2007


OTTAWA, le mardi 1er mai 2007

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 35 pour étudier, pour en faire rapport, les questions relatives à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers niveaux de gouvernement du Canada.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : La séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je m'appelle Joseph Day et je suis le président du comité. Je représente la province du Nouveau-Brunswick au Sénat.

[Traduction]

En septembre 2007, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a été autorisé par le Sénat à étudier les questions relatives à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers niveaux de gouvernement du Canada et de faire rapport à ce sujet au plus tard le 30 juin 2007.

À l'automne 2006, les membres du comité ont entendu des exposés de hauts responsables de divers ministères des gouvernements provinciaux et territoriaux, d'universitaires et de spécialistes de la promotion des politiques venant de toutes les régions du pays. Les audiences se sont étalées sur une période de six semaines.

Le 12 décembre de l'an dernier, le comité a publié un rapport intérimaire intitulé L'équilibre fiscal horizontal : Vers une démarche fondée sur des principes dans le cadre de son étude permanente des arrangements fiscaux conclus par le gouvernement fédéral avec les provinces et les territoires.

Le comité débute son étude de la phase suivante en examinant la répartition des ressources budgétaires et des responsabilités en matière de dépenses entre les divers niveaux de gouvernement du Canada.

[Français]

Aujourd'hui, il me fait plaisir d'accueillir le premier vice-président et économiste en chef du Conference Board du Canada, M. Glen Hodgson. Il est accompagné de Matthew Stewart, économiste.

[Traduction]

M. Hodgson, premier vice-président et économiste en chef du Conference Board du Canada, compte 25 ans d'expérience et de spécialisation dans les questions économiques et financières internationales. Il est le principal porte- parole du Conference Board sur les questions économiques et a beaucoup écrit sur les questions économiques et fiscales. Il est l'un des auteurs d'un rapport publié récemment intitulé Mission Possible : Stellar Canadian Performance in the Global Economy. Il s'agit là de l'un des trois volumes constituant le rapport final du Projet Canada, un programme de recherche et d'échanges structurés sur trois ans qui vise à proposer des moyens pour relever le niveau de vie au Canada et pour permettre à notre pays de jouer un plus grand rôle en Amérique du Nord et dans le monde.

Je crois savoir, monsieur Hodgson, que vous avez des remarques préliminaires. Nous vous écoutons.

Glen Hodgson, premier vice-président et économiste en chef, Conference Board du Canada : Je serai ravi de faire quelques remarques préliminaires, simplement pour situer le contexte.

Vous avez déjà évoqué, monsieur le président, les recherches que nous avons faites. Voici à quoi ressemble le volume un, en version imprimée. Je constate que nombre d'entre vous l'ont devant eux. Cet ouvrage représente trois années de recherches. Il est intéressant de signaler que sa réalisation a été financée en presque totalité par le secteur privé. Il s'agissait de répondre à la question suivante : que faire pour permettre au Canada d'accéder à une prospérité durable? Nous avons abouti à 76 recommandations, réparties en trois volumes. C'est toute une brique à lire. Si vous souffrez d'insomnie, c'est peut-être là une bonne solution. En étant plus sérieux, il y a beaucoup à dire sur les moyens à mettre en œuvre pour permettre au Canada de devenir prospère de façon durable.

Nous avons eu l'occasion d'organiser des séances d'information à l'intention de sous-ministres, de cabinets de toutes les régions du pays, de hauts responsables des gouvernements provinciaux et fédéral, et beaucoup prennent au sérieux les recommandations que nous formulons dans ce domaine.

La question du déséquilibre fiscal vertical ne constitue, dans cette somme de travail, qu'un thème secondaire. Un encadré y est consacré aux pages 62 et 63 du rapport. Nous l'avons ajouté parce que ce thème est récurrent dans les trois volumes lorsqu'on traite de la capacité des divers niveaux de gouvernement à mettre en œuvre nos recommandations.

Nous convenons que le déséquilibre fiscal vertical est une question structurelle. Il ne s'agit pas uniquement de l'équilibre ou du déséquilibre aujourd'hui. Nous savons que, actuellement, la situation budgétaire de tous les niveaux de gouvernement est excédentaire ou équilibrée. L'Ontario vient de publier son budget pour l'exercice 2007-2008 qui n'affiche qu'un très faible déficit, 400 millions de dollars, mais qui comporte également une réserve pour éventualités supérieure à ce montant. Si cette province n'utilise pas cette réserve, elle sera alors en situation équilibrée ou excédentaire. Terre-Neuve et le Labrador arrive à l'équilibre, avec peut-être un excédent.

En nous fiant aux soldes actuels des budgets, nous pouvons donc déclarer avoir gagné la bataille. Nous pouvons affirmer que les problèmes ont été résolus, que les montants transférés ces dernières années par le gouvernement fédéral aux provinces ont apporté des solutions. Nous sommes toutefois d'avis qu'il faut aller au-delà de cette constatation ponctuelle. Nous nous attendons en effet à ce que des déséquilibres structurels apparaissent à l'avenir dans deux domaines. Toute d'abord, si nous tenons compte en même temps des coûts de la santé, qui représentent la part du lion dans les dépenses des provinces, et du vieillissement de la population, du ralentissement éventuel de la production de notre économie au cours des cinq, 10 et 15 ans à venir, et de la capacité fiscale globale des provinces, nous sommes convaincus que nous allons revoir des budgets provinciaux déficitaires aux alentours de 2015. L'année précise au cours de laquelle cela se produira dépend des hypothèses que vous utilisez pour déterminer la part des coûts de la santé dans les budgets, en tenant compte, par exemple, des transferts additionnels aux provinces de 39 milliards de dollars au cours des sept ans à venir que le gouvernement fédéral vient d'annoncer. Une telle mesure aura des répercussions.

L'analyse que nous avons réalisée il y a quelques années pour le Conseil de la fédération montre que, en faisant des hypothèses de dépenses très conservatrices en soins de la santé, l'ensemble des provinces reviendra à une situation déficitaire en 2013 ou en 2014. Ce déficit n'ira qu'en s'accentuant avec le vieillissement de notre population et le ralentissement éventuel du taux de croissance de notre économie dans le temps.

C'est là une question structurelle à moyen et à long terme. Le moment convient particulièrement bien pour en parler. Il ne saurait y avoir de meilleur moment pour s'attaquer à un problème structurel important que lorsque vous êtes dans une situation excédentaire. Nous disposons d'une certaine marge de manœuvre budgétaire pour nous y attaquer.

Les déséquilibres structurels auxquels sont confrontées nos villes aujourd'hui sont peut-être encore plus importants. Je sais que c'est là une question qui tient à cœur au sénateur Eggleton, parce qu'il a fait preuve de leadership dans ce domaine à la ville de Toronto. Le volume 3 de notre étude, Mission Possible, traite de cette question en profondeur. Nous y examinons la capacité actuelle des villes à acquitter la facture des services qu'elles assurent.

Les diverses prévisions de déficits liés aux infrastructures s'étalent entre 50 et 120 milliards de dollars, en tenant compte uniquement des besoins actuels, et sans prévoir de développements additionnels des divers systèmes. La part des recettes des villes venant des transferts des gouvernements provinciaux et fédéral a diminué au cours des 15 à 20 dernières années. Tout cela nous amène à penser que les villes canadiennes sont confrontées à un problème structurel grave.

Nous avons quelques idées préliminaires sur la façon de nous y attaquer. En examinant comment les gouvernements de toutes les régions du pays s'efforcent de répondre aux besoins de nos villes, nous avons observé plusieurs phénomènes. Le gouvernement de Québec a pris récemment des mesures pour permettre de couvrir une petite partie du passif découlant des régimes de retraite auxquelles est confrontée la ville de Montréal. Ces mesures ne résolvent toutefois pas le problème d'infrastructures. La province de l'Ontario a également procédé récemment à quelques ajustements dans son budget.

Si vous tenez compte de tous ces éléments, nos villes sont toujours confrontées à un déficit structurel important. Il s'agit probablement là du vrai déséquilibre fiscal qui touchera notre pays à l'avenir. Hormis les effets de l'évolution démographique, c'est le principal problème auquel nos villes seront confrontées, et qui aura des répercussions sur les budgets des provinces.

L'analyse figure dans cette étude. Comme je l'ai dit, si vous vous intéressez sérieusement à la situation des villes, Anne Golden devrait revenir devant vous à une date ultérieure pour vous parler de la recherche faite pour le volume 3 de notre étude. Elle a été la responsable du chapitre consacré de façon détaillée à l'avenir des villes canadiennes.

Le président : Avant de passer aux questions des sénateurs, vous avez indiqué que la ville de Montréal enregistre un déficit. Pourriez-vous nous donner des précisions?

M. Hodgson : Ce n'est pas un déficit. La ville fait face à un problème de passif découlant de ses régimes de retraite. Nous avons observé que le gouvernement du Québec, dans son budget de ce printemps, accorde des fonds additionnels à la Ville de Montréal pour lui permettre d'y faire face. Ce n'est là qu'un des nombreux problèmes auxquels sont confrontées les villes.

Vous pourriez probablement étudier l'un après l'autre les budgets des villes et vous constateriez alors qu'elles sont confrontées au même problème de passifs découlant des régimes de retraite pour les déboursés de l'exercice en cours et, de façon plus fondamentale, à la même question structurelle liée aux infrastructures. Le fait que toutes les villes du pays voient leurs obligations au même poste ne cesser de s'accroître montre bien qu'il s'agit là d'une situation chronique maintenant. Il faut vraiment s'attaquer à cette question à deux ou trois niveaux différents.

Le président : Il s'agit du déficit lié aux infrastructures dont vous parliez dans votre rapport.

M. Hodgson : C'est exact.

Le président : Pratiquement aucune ville, dont les modalités de fonctionnement sont régies par les législations provinciales, ne peut enregistrer de déficit ou accumuler de dettes. Est-ce bien exact?

M. Hodgson : Il est manifeste que, avec notre constitution, les villes sont les créatures des provinces. En toute franchise, je ne suis pas un spécialiste des finances municipales. Il faudrait étudier leurs relations province par province.

En règle générale, les dettes que les villes peuvent assumer sont plafonnées. L'un des conseils que nous donnons au volume 3 de notre rapport est d'accorder aux villes une plus grande capacité d'emprunt. Cela présente, bien sûr, un danger. Si les flux de revenus permettant aux villes de couvrir le service de la dette ne sont pas là, on pourrait faire face à un problème d'endettement plus grave à l'avenir.

Pour s'attaquer de façon plus fondamentale à la racine du problème, il faudrait permettre aux villes d'accéder à des taxes dont le montant augment avec la croissance de l'économie, avec la hausse des revenus des contribuables. Elles devraient avoir accès à la taxe de vente, ou même pouvoir imposer les revenus, comme cela se fait dans d'autres pays à travers le monde. Aux États-Unis et en Europe, certaines villes ont accès à des taxes dont le montant peut augmenter, sous une forme ou sous une autre. Cela signifie qu'elles dépendent moins des transferts des niveaux de gouvernement supérieurs et sont mieux en mesure de s'attaquer directement aux problèmes qui les touchent.

Le président : Y a-t-il maintenant des villes au Canada qui aient cette possibilité?

M. Hodgson : Pas à ma connaissance.

Le sénateur Stratton : Quand vous examinez les façons dont d'autres pays ont résolu leurs problèmes, avez-vous relevé des exemples de réussite?

M. Hodgson : Au volume 3, dont je ne suis pas l'auteur, nous donnons une série d'exemples, au Royaume-Uni et aux États-Unis, de villes qui ont eu accès dans une certaine mesure à des taxes dont le montant peut augmenter.

Le sénateur Stratton : Par exemple?

M. Hodgson : Je n'ai pas d'exemples qui me viennent à l'esprit.

Le sénateur Stratton : Je ne veux pas que vous me citiez de villes en particulier, mais quand vous dites que certaines ont eu la possibilité d'accéder à des taxes dont le montant augmente, faites-vous référence à des taxes de vente?

M. Hodgson : Oui, c'est un exemple.

Le sénateur Stratton : Est-ce le principal mécanisme?

M. Hodgson : Certainement, aux États-Unis, le principal mécanisme est le recours à la taxe de vente. C'est ainsi, qu'en Europe, certaines villes ont des taxes calculées en fonction des revenus. Lors de la répartition de l'impôt sur le revenu, les villes en obtiennent un pourcentage.

Personnellement, je ne tiens pas à devoir remplir une section additionnelle sur ma déclaration de revenu. Il faudrait trouver une façon de gérer un tel mécanisme de façon efficace. Toutefois, la solution logique, pour permettre aux villes de disposer des recettes dont elles ont besoin, serait de leur donner accès à une partie de l'impôt sur le revenu ou de la taxe de vente.

Le sénateur Stratton : Je l'ai bien lu, mais je voulais que cela figure au procès-verbal.

Le président : Le rapport du Conference Board est-il disponible sur votre site web?

M. Hodgson : Oui, les trois volumes y sont disponibles. Le volume 1 traite de la place du Canada dans l'économie mondiale. Étant donné l'expérience que j'ai acquise au gouvernement fédéral avec le FMI et la SEE, il était naturel pour moi de diriger ce travail. Le volume 2 est consacré à l'économie des ressources et à la façon de parvenir à l'équilibre qui convient entre la prospérité et la durabilité dans les secteurs pétroliers et gaziers, de l'agroalimentaire, des forêts et des mines. Le volume 3 est consacré à la situation des villes canadiennes. C'est Anne Golden, ma présidente, qui en a dirigé la préparation étant donné son expérience manifeste de direction de groupes de travail à Toronto.

Le président : Le volume 4 est un résumé destiné à ceux qui veulent une synthèse.

Le sénateur Nancy Ruth : Vous dites à la page 51 de votre rapport que « Les villes canadiennes réussissent relativement bien au chapitre de la viabilité sociale, comme le révèlent les mesures de la qualité de la vie, du coût de la vie et du logement, de l'éducation et des soins de santé. Par contre, bon nombre de mesures indiquent que leurs résultats économiques accusent un retard marqué par rapport à ceux de leurs concurrentes des autres pays. »

Le Projet Canada semble formuler certaines recommandations concernant la main-d'œuvre et la cohésion sociale. Voici ma question : Y a-t-il un endroit dans le rapport, et dans les études ayant abouti à sa réduction, où vous définissez les mesures de la durabilité sociale pour tous les groupes, pour la population du Canada? Quel est le niveau de référence dans ce domaine et que signifie « réussissent relativement bien »? Où le rapport étudie-t-il les effets de ses recommandations sur les divers groupes de notre société?

M. Hodgson : Je vous remercie de cette série de questions auxquelles les réponses ne sont pas évidentes. Vos questions tombent parfaitement à point parce que le Conference Board veut justement, entre autres, élaborer sous peu une série de repères pour permettre les comparaisons entre les villes canadiennes, y compris dans la dimension sociale. Nous nous efforçons actuellement de lever des fonds pour élaborer une méthodologie nous permettant de faire précisément ce que vous demandez, soit élaborer des mesures du rendement dans six grands domaines, dont la dimension sociétale. Nous voulons étudier divers aspects, comme la répartition des revenus et la mesure dans laquelle notre mode de vie en milieu urbain est une réussite.

Nous ne disposons pas maintenant de ces outils de mesure, mais nous tentons actuellement d'obtenir des fonds des villes, des gouvernements provinciaux et d'autres entités pour élaborer une méthodologie nous permettant de faire ce que vous demandez. Cette méthodologie ne se trouve pas dans notre rapport; ce sera l'étape suivante.

Le sénateur Nancy Ruth : Puis-je faire l'hypothèse que 45 participants ont investi dans la réalisation de cette étude?

M. Hodgson : Oui.

Le sénateur Nancy Ruth : Les ONG n'en faisaient probablement pas partie?

M. Hodgson : Non.

Le sénateur Nancy Ruth : Quand vous avez procédé à la collecte de vos données, est-ce que des groupes de niveau local y ont participé? Si oui, dans quelle mesure ont-ils été impliqués?

M. Hodgson : Je vais faire un retour en arrière et vous expliquez ce qu'est le Conference Board. Nous existons depuis 55 ans comme organisme d'affaires, mais nous développons de plus en plus notre capacité de recherche pour étudier les questions de politique publique. Nous ne sommes pas financés par une fondation. Nous ne recevons pas d'argent directement, nous devons donc aller vendre nos services. Les gens qui ont de l'argent dans notre société appartiennent le plus souvent au secteur privé. Ce rapport est le résultat d'une conférence que nous tenons tous les ans avec des PDG. Lors de celle-ci, on a vu apparaître au sein de leur collectivité la crainte d'une sorte de dérive nationale dans ce domaine et ils se sont adressés au Conference Board pour lui demander, comme organisme de recherche, de préparer un document de vision sur les orientations à venir du Canada et sur ce que nous pourrions faire pour améliorer notre avenir. Nous impliquons des ONG dans d'autres projets de recherche. Nous sommes également régulièrement en relation avec les syndicats. Pour quantité de travaux, nous sommes assis autour de la table avec des entreprises et des syndicats, et nous parlons de l'avenir des relations industrielles.

Dans le cas précis de ce projet, le financement est venu du secteur privé, un peu du gouvernement de l'Ontario et d'un organisme fédéral de financement, mais nous n'avons reçu aucune aide financière des ONG et ils ne se sont pas impliqués dans cette étude.

Le sénateur Nancy Ruth : Si vous parlez avec des sous-ministres de vos recherches et de la façon d'accroître la productivité au Canada, j'ai du mal à comprendre pourquoi vous n'en parlez pas aux gens qui s'efforcent de modifier le système.

M. Hodgson : Notre objectif est de faire de la recherche fondamentale. Il s'agit de recherche reposant sur des données. Nous ne sommes pas un organisme qui entend élaborer des politiques sur une base consultative. Je suis d'avis que c'est là le rôle du gouvernement.

Nous sommes effectivement là comme prestataires de services, analysant des chiffres. C'est là notre force comme économistes, analyser des données et essayer de montrer les tendances qui s'en dégagent.

Le sénateur Stratton : Il faut que je revienne à la question. Au Manitoba, ma province, la ville de Winnipeg accueille environ 65 p. 100 de la population de la province, mais reçoit nettement moins des recettes de ladite province, quand vous tenez compte de toutes les recettes.

En ayant cela à l'esprit, si vous cherchez à accorder une part équitable à ces villes plus importantes, jusqu'à quel niveau de détail êtes-vous allé? Vous penchez-vous uniquement sur les grandes villes? Au Manitoba, on peut s'intéresser à Brandon, Portage la Prairie ou Flin Flon. Où se trouve le seuil? Même une petite ville de 1 800 habitants a des problèmes d'infrastructures. Comment y faisons-nous face? Vous ne pouvez pas oublier qu'il y a des villages et des villes qui ont des problèmes comparables à ceux des villes les plus importantes, même si c'est à plus petite échelle. Comment faisons-nous face à cette question? Nous pourrions, par exemple, dire que l'une des solutions est le partage des recettes de la taxe de vente. Jusqu'à quel niveau de détail êtes-vous allé? Avez-vous étudié cette question? C'est une énigme.

M. Hodgson : Je suis également originaire du Manitoba et je sais ce dont vous parlez.

Nous voyons actuellement le problème inverse. L'approche faisant précisément appel aux transferts fédéraux vers les villes a consisté à « tartiner », si vous me permettez l'expression. Vous étalez une couche régulière sur toute la surface, sans tenir compte du fait que les grandes villes ont des problèmes particuliers.

Le modèle que vous décrivez est légitime parce que les centres plus petits seront également confrontés à des problèmes d'infrastructures. Toutefois, il nous semble que les grandes villes ont des problèmes particuliers. Elles ont des problèmes de sans-abri, nécessitent des infrastructures urbaines, ont des systèmes d'aqueduc qui vieillissent et se détériorent... et d'autres problèmes sérieux.

Nous avons procédé à une recherche, dont les résultats sont reproduits au volume 3, sur ce qu'on appelle « les villes- centres ». Elle a retenu beaucoup l'attention. À Halifax, les habitants étaient ravis d'apprendre qu'ils se trouvaient dans une ville-centre et tous les autres habitants du Canada Atlantique en ont été fâchés.

Le président : En autant que vous incluiez Saint John.

M. Hodgson : Nous essayions de montrer qu'il y a un effet de locomotive. Permettez-moi de vous signaler un élément de corrélation. S'il y a une croissance supérieure de un pour cent dans les villes-centres, vous obtenez en réalité une croissance plus rapide à la campagne, dans les centres plus petits et dans les régions rurales. On appelle l'hypothèse qu'on utilise pour expliquer ce phénomène l'hypothèse de la convergence. Avec le temps, vous obtenez une convergence des niveaux de revenu et des taux de croissance entre les régions rurales et les grandes villes.

Nous n'avons pas procédé à cette analyse pour dire que nous devrions accorder 80 p. 100 des ressources aux dix villes les plus importantes. La définition d'un seuil présente également des difficultés, avec le 10e rang occupé par Halifax et le 11e par Québec. Les villes qui sont laissées de côté vont poser les mêmes questions. Il s'agit davantage d'essayer de protéger le financement actuel pour toutes les zones urbaines, tout en prenant des mesures spécifiques aux grandes villes, en tenant compte du fait qu'on y observe des besoins qui leurs sont propres.

Je comprends parfaitement votre préoccupation. Un certain nombre de centres plus petits et de regroupements de régions rurales se sont adressés à nous pour déterminer si nous pourrions réaliser une analyse des besoins particuliers des centres plus petits, parce qu'ils ont également leurs besoins. C'est le problème classique d'un gouvernement qui dispose de ressources limitées et qui doit définir des priorités. Il nous a semblé que nous devions accorder une priorité plus élevée aux besoins des grandes villes.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais revenir sur le sujet abordé par ma collègue de Toronto, le sénateur Nancy Ruth.

Il est relativement facile de dire « Nous pourrions émettre un chèque pour résoudre le problème, si nous avions l'argent. » Comme vous l'avez dit, les ressources sont limitées et nous ne pouvons donc pas le faire.

Dans votre étude et votre recherche, avez-vous trouvé des cas se prêtant à l'étude ou à la vérification de programmes pour déterminer s'ils étaient efficaces, s'ils présentaient encore un intérêt ou s'ils assuraient un certain niveau d'efficacité? Avez-vous été en mesure de le faire?

M. Hodgson : Le Conference Board l'a fait à de nombreuses occasions au cours des années lorsque nous avons obtenu des contrats pour faire des recherches ou des analyses sur un programme précis, mais cela ne faisait pas partie de la recherche du Projet Canada.

Nous avons adopté dans ce cas-ci une vision panoramique pour voir la place du Canada dans le monde et pour déterminer ce que nous pourrions mieux faire pour équilibrer la prospérité et la durabilité. Nous n'avons pas procédé ici à une analyse détaillée de programmes précis. Nous l'avons fait de nombreuses fois dans d'autres domaines. L'un des secteurs d'activité dont je suis responsable en est un de recherche à contrat dans le cadre duquel nous analysons des propositions de politiques ou des cadres actuels de politique.

Le sénateur Di Nino : Dans ces cas, vous souvenez-vous si vous avez pu obtenir l'assurance, dans une certaine mesure, que les programmes desservent bien les personnes visées et sont mis en œuvre de façon efficace, ou est-ce une question déloyale?

M. Hodgson : Je n'ai pas passé toute ma vie au Conference Board. Je n'y suis que depuis deux ans et demi.

Je suis d'avis que les analyses du Conference Board sont en béton. Je crois que nous avons une excellente réputation d'analyste objectif et indépendant des politiques et des propositions.

Je peux vous donner un exemple précis d'un travail que nous avons fait récemment et qui a contribué, je crois, à modifier la politique du gouvernement. Je fais ici allusion au traitement fiscal des travailleurs à faible salaire. Nous avons fait partie du groupe de travail municipal qui s'est consacré à la modernisation de la sécurité du revenu pour les adultes en âge de travailler, appelé MISSWA, qui a examiné la situation des bénéficiaires du bien-être social et des travailleurs à faible revenu en se demandant si notre système fiscal les pénalisait de façon injuste. Nous avons fait une partie du travail de fond pour ce groupe.

L'une des recommandations qui s'en est dégagée portait sur un crédit d'impôt sur le revenu des personnes qui travaillent afin de réduire le nombre de personnes prises dans le piège de l'aide sociale. Il s'agissait effectivement de réduire un taux élevé et punitif d'imposition marginale qu'ont à subir les travailleurs à faible revenu ou les personnes qui sortent de l'aide sociale et qui retournent au travail, et qui découragent ces gens de rester dans la population active. Nous avons utilisé nos outils d'économistes pour analyser cette situation, en même temps que d'autres organismes. J'ai eu l'occasion de transmettre des conseils aux ministres des Finances de divers niveaux de gouvernement sur cette question. Nous avons vu ensuite, aussi bien au niveau fédéral que provincial, des gouvernements prendre des mesures à la suite de ce genre de recherche. C'est là un exemple manifeste de cas dans lequel le Conference Board peut analyser de façon utile l'état actuel de la politique et proposer des modifications pour qu'elle fonctionne mieux.

Le sénateur Di Nino : Je ne suis pas sûr que vous ayez répondu à la question que je vous ai posée. Ce qui me préoccupe est qu'il y a souvent des pressions pour apporter une solution à un petit aspect d'un problème parce qu'on ne dispose pas d'assez d'argent pour traiter toute la question. Je me demandais simplement si, quand vous faites ce type d'analyse, vous êtes satisfait dans une certaine mesure, ou vous étudiez le besoin d'un examen continu et constant de l'intérêt, de la validité et de l'efficacité du programme et si vous déterminez si le programme est mis en œuvre par le palier de gouvernement, à l'endroit et par l'organisme les mieux à même de le faire.

M. Hodgson : Cette réflexion est à la base de tous nos travaux. C'est pourquoi nous avons adopté une attitude énergique. Notre analyse montre clairement que, de nos jours, les villes subissent un déséquilibre fiscal vertical. Il faudrait s'attaquer à la dimension structurelle du problème. En toute franchise, des transferts plus importants des niveaux supérieurs de gouvernement vers les villes ne suffiront pas. À la suite de notre analyse, nous sommes convaincus qu'il faut donner les outils nécessaires aux villes. J'espère que cela répond mieux à votre question. Cela s'applique à toute une gamme de questions que nous avons étudiées dans le cadre de notre plan de recherche.

Le sénateur Di Nino : La Fédération canadienne des municipalités et la Banque Toronto-Dominion ont toutes deux réalisé d'importantes recherches et sont parvenues à des chiffres époustouflants sur les montants dont les municipalités, en particulier les plus importantes, auront besoin au cours de la prochaine génération, soit d'ici 15 à 20 ans. Toutes deux évoquent des fourchettes entre 50 et 70 milliards de dollars et augmentant à des taux rapides. Êtes-vous parvenus au même type de résultat? Est-ce quelque chose qui vous inspire des commentaires?

M. Hodgson : Nous avons fait une analyse préliminaire dans certaines villes et extrapolé à l'ensemble du pays. La fourchette que nous indiquons dans notre rapport va de 55 à 120 milliards de dollars, ce qui correspond à l'évaluation du retard en infrastructures dont souffrent les villes maintenant. Les chiffres de la Fédération canadienne des municipalités et de la Banque Toronto-Dominion sont donc exactement du même ordre. Nous n'avons pas réalisé un inventaire complet de tous les besoins en infrastructures à travers le pays. Le chiffre de 120 milliards de dollars semble énorme. Il se peut toutefois qu'il soit sous-évalué quand on y ajoute les coûts d'entretien et le fait que la ville de Toronto est particulièrement mal desservie en infrastructures de transport, par rapport à une ville de taille comparable en Europe ou aux États-Unis. Il lui manque probablement de trois à cinq lignes de métro. Ces évaluations sont donc tout à fait crédibles.

Le sénateur Di Nino : Il y a des pays européens, l'Allemagne en particulier, dans lesquels certaines villes ont des statuts qui se rapprochent de ceux d'un État ou, dans notre cas, de villes assimilées à des provinces. Avez-vous étudié cette question et avez-vous une opinion?

M. Hodgson : Nous avons étudié cette question dans le cadre de la recherche sur le Royaume-Uni qui figure au volume 3 de notre rapport. Anne Golden a rencontré des dirigeants municipaux de Londres et de diverses villes britanniques, qui subissent actuellement une transformation étonnante. Une ville comme Manchester est en train de renaître. Nous n'avons toutefois pas étendu cette démarche au continent européen.

Le président : Pourriez-vous être plus précis au sujet de la renaissance de Manchester et de ce qui se passe dans cette ville?

M. Hodgson : Tout d'abord, le gouvernement britannique a un plan. C'est là un point de départ utile. On reconnaît sans ambigüité en Grande-Bretagne que Londres est un cas spécial, distinct, et elle dispose donc de pouvoirs réglementaires particuliers, qui lui confèrent la possibilité de générer des recettes que les autres villes n'ont pas. Le fait que le gouvernement central, dans un État unitaire, dispose d'un plan pour les villes a été un élément déterminant.

En Grande-Bretagne, ce n'est pas uniquement l'intervention du gouvernement national, ni même de la politique publique, qui ont joué un rôle déterminant, mais plutôt le leadership au niveau local. Une grande partie du redressement que l'on observe dans des endroits comme Manchester, Liverpool et Leeds se fait à l'initiative des collectivités locales, de leurs élus, des leaders du monde des affaires et de la société civile qui se réunissent et conviennent d'une stratégie et d'un plan communs. C'est quelque chose de facile à dire et de difficile à faire, mais c'est une indication intéressante de l'élixir magique nécessaire pour apporter des changements dans une ville. Il s'agit d'harmoniser le plan ou la stratégie.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie à la fois d'être ici et du travail fait par le Conference Board sur le Projet Canada. J'ai parcouru le résumé et lu en détail le volume consacré aux villes canadiennes. Le Comité sénatorial des affaires sociales que je préside va consacrer une importante étude aux villes au cours des trois ans à venir, et celle-ci est bien entamée. L'apport de ce document est très précieux pour nous.

Comme l'indique votre rapport, le Canada est devenu l'un des pays les plus urbanisés dans le monde. Le recensement récent révèle que plus de 80 p. 100 de la population vit dans des régions urbaines. En réalité, les dix régions les plus importantes urbaines du pays regroupent la moitié de la population nationale et sont le siège de la moitié de notre activité économique. Il n'est donc pas difficile de comprendre les commentaires formulés par le Conference Board, et par d'autres, qui disent que la prospérité de notre pays dépend de ce qui se passe dans nos grandes villes. Il ne s'agit pas de « nous », le gouvernement fédéral, qui « les » aidons, « les » villes. Il ne s'agit pas de demander aux personnes vivant dans les régions plus petites ou rurales d'aider celles vivant dans les villes. C'est une question qui « nous » concerne tous, puisqu'il s'agit de déterminer comment assurer la prospérité de notre économie. La réponse tient en partie dans la façon dont nous ferons face aux défis auxquels sont confrontées nos villes.

La question des taxes foncières est un bon exemple de ce type de défi. Au Canada, les taxes foncières représentent 53 p. 100 des recettes des agglomérations situées dans nos zones urbaines. Aux États-Unis, les mêmes taxes ne représentent que 23 p. 100 des recettes. Chez nos voisins du Sud, les villes ont beaucoup plus accès à ce qu'on appelle couramment des « taxes sur la croissance », c'est-à-dire des éléments comme la taxe de vente ou des taxes sur les revenus. Cela ne signifie pas que tout le monde impose et prélève de telles taxes. Nous avons l'Agence du revenu du Canada qui recouvre les recettes fiscales pour les provinces et le gouvernement fédéral. Vous pouvez utiliser ces systèmes. Il n'est même pas nécessaire que les municipalités prélèvent elles-mêmes des taxes, mais pour qu'elles obtiennent une part plus importante des recettes, il faudra l'implication des gouvernement fédéral et provinciaux.

Pour aider les municipalités de toutes tailles, nous avons jusqu'à maintenant eu recours au programme des infrastructures. Étant donné ce que ce document et d'autres affirment au sujet du déficit de 60 milliards de dollars dans nos infrastructures, nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir. Les gens impliqués dans le secteur du transport en commun disent qu'il faudra ajouter à ce montant un autre 20 milliards de dollars pour que les infrastructures de nos grandes villes puissent jouer leur rôle complémentaire, afin de faciliter les déplacements des personnes et des marchandises dans le cadre du développement économique, et cetera. Le transport des personnes a une importance vitale dans des endroits comme ma ville, Toronto, et c'est un domaine dans lequel le déficit est lourd. Nous n'avons pas eu d'infrastructures de cette nature depuis longtemps.

Vous posiez une question, monsieur le président, au sujet de la dette. Les municipalités de l'Ontario, et j'imagine qu'il en va de même dans le reste du pays, n'ont pas le droit d'emprunter à des fins d'exploitation. Elles n'ont pas le droit d'enregistrer un déficit d'exploitation, mais elles peuvent emprunter pour réaliser des investissements, et elles le font. Leur poste du service de la dette est important. Celui de la ville de Toronto est très élevé. Une grande partie de l'argent des contribuables sert donc à payer des intérêts sur la dette. Cela s'applique à tous les projets d'investissement qui sont liés aux infrastructures.

Nous avons des besoins très vastes. Le « nous » ne désigne pas villes ni les grandes villes, mais bien notre pays, parce qu'il en va de notre intérêt à tous, car cela touche les déterminants de l'économie, et donc de notre prospérité.

Il y a diverses façons d'aborder cette question. On peut retourner à la case départ et dire, révisons la Constitution, ce qui va susciter quantité de plaintes, pour reconnaître qu'il y a trois niveaux de gouvernement. En revenant à 1867, lors de la rédaction de la Constitution, ce n'était pas le cas. Il y avait les provinces et un gouvernement fédéral, qui se partageaient les responsabilités et les administrations locales relevaient des provinces. Toutefois, cela ne correspond plus à la réalité. Les chiffres étaient alors très différents de ce qu'ils sont aujourd'hui. Notre réalité n'est plus du tout la même.

Par contre, le fait de toucher à la Constitution ne réjouit personne. C'est un long processus. Nous en viendrons peut- être là. Dans l'intervalle, nous devons travailler avec les paramètres que nous avons aujourd'hui, ce qui veut dire que nous aurons beaucoup plus d'argent des gouvernements fédéral et provinciaux acheminé vers les administrations locales, que ce soit en finançant les infrastructures ou en leur accordant une part des recettes, ou une taxe sur l'essence. Le gouvernement fédéral a eu recours à cette taxe sur l'essence dans certains cas, tout comme les provinces.

Ce sera probablement là la racine de cette solution pendant un certain temps. Ayant siégé au gouvernement dans les années 1990, je reconnais qu'à cette époque, pour parvenir à contrôler le déficit, pour l'éliminer, on s'est beaucoup déchargé sur les provinces. Les provinces, à leur tour, se sont déchargées sur les administrations locales et les administrations locales n'ont plus de solutions qui s'offrent à elles, sauf de s'en prendre aux mêmes pauvres contribuables qui paient aux trois niveaux de gouvernement.

Nous devons faire quelque chose à ce sujet. Les municipalités disent qu'elles ont besoin de plus d'argent pour financer les infrastructures. Elles ont besoin de moyens comme d'un fonds national pour le transport urbain. Nous sommes apparemment le seul pays membre du G8 qui n'offre pas un tel financement du transport urbain.

Les municipalités disent « Vous continuez à ouvrir le robinet des infrastructures, mais vous ne vous engagez à nous donner de l'argent que pendant deux ou trois ans. Comment pouvons-nous faire des plans dans ces conditions? » Elles veulent des plans sur 20 ans et elles affirment qu'elles ont besoin d'un accès permanent à une taxe sur l'essence.

Pourriez-vous réagir à ces demandes précises des administrations locales. À votre avis, dans quelle mesure cela aiderait-il à résoudre le problème du déséquilibre et, si vous avez d'autres idées qui pourraient nous aider à sortir de cette impasse, à part une importante révision constitutionnelle, pour faire ce que nous aurions dû faire depuis longtemps, et cela touche les trois niveaux de gouvernement.

M. Hodgson : Il est évident que nous sommes parfaitement d'accord avec vos commentaires. C'est là, dans une très large mesure, la position adoptée par le Conference Board au cours des dernières années en ce qui concerne les villes. Je ne crois pas que nous ayons de solution magique à proposer. Dans notre rapport, nous présentons officiellement quatre solutions. Vous avez raison au sujet de la Constitution. Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'intérêt dans notre pays pour cela, mais vous avez peut-être une vision différente. Mis à part cela, il y a quatre solutions. La première est d'accroître les transferts, comme vous l'avez déjà mentionné. On a déjà vu apparaître des mesures en ce sens. On peut citer à ce sujet un certain nombre des derniers budgets fédéraux et provinciaux qui reconnaissaient la nécessité d'accorder davantage de fonds aux villes.

Vous avez le volume 3 de notre rapport devant vous. Il y a un tableau que j'ai parcouru hier soir qui montre que la part des transferts dans les recettes totales des villes a chuté de 25 à 15 p. 100 au cours des 15 dernières années. Revenir au moins au ratio d'il y a 15 ans contribuerait dans une large mesure à répondre aux besoins financiers des villes. C'est la première étape.

La première solution est de rapatrier les responsabilités. Les sénateurs ont mentionné que les niveaux supérieurs s'étaient déchargés de leurs responsabilités sur les villes. J'étais au ministère fédéral des Finances au milieu des années 1990, et c'est le prix que nous avons dû payer comme pays pour corriger le désastre budgétaire que nous connaissions en 1994. La situation est maintenant corrigée.

Il serait maintenant possible de rapatrier les responsabilités antérieures, aussi bien au niveau fédéral que provincial, parce que ces niveaux de gouvernement ont maintenant des situations budgétaires équilibrées ou excédentaires, et cela pourrait se faire entre chaque palier de gouvernement. On observe une tendance en ce sens dans le budget ontarien qui reconnaît la nécessité pour la province de rapatrier certaines responsabilités dans le domaine social, comme le logement social et divers autres éléments. Nous ne sommes encore qu'au début de cette tendance. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que les niveaux supérieurs de gouvernement rapatrient des responsabilités afin d'alléger la charge des villes.

La troisième solution est d'instaurer une nouvelle fiscalité, une solution qui ne séduit pas beaucoup les politiciens. Aussi bien dans les budgets fédéral que provinciaux des dernières années, nous avons eu des réductions de la fiscalité des particuliers et des entreprises. Les deux phases de réduction de la TPS, la première déjà en vigueur et la seconde à venir sous peu, auraient pu permettre aux provinces d'ajouter 1 p. 100, 1,5 p. 100 ou 2 p. 100 aux transferts vers les villes. Cette solution n'a pas été retenue parce qu'il n'est jamais populaire d'augmenter les impôts. C'est pourquoi nous avons un débat intéressant au sujet du changement climatique et de l'échange des permis en regard d'une fiscalité sur le carbone. Les économistes affirment que l'impôt sur le carbone est la bonne façon de procéder, mais les élus ne sont, en général, pas prêts à y toucher. Ce comportement s'applique également dans le contexte urbain.

La solution quatre vise à accorder aux villes un accès direct aux taxes sur la croissance. Indépendamment des défis posés par la Constitution, c'est la solution qui, comme économiste, aurait ma préférence. J'étais assez d'accord avec ce que disait le maire David Miller, il y a un mois. Il se peut que le mécanisme qu'il a proposé ne soit pas parfait, mais demander directement à tenir compte du besoin de la ville de Toronto, et des autres grandes villes, à avoir accès à une forme de taxe sur la croissance est la bonne solution. L'administration est une chose complexe.

Nous ne disposons pas actuellement d'un système bien intégré de taxes de vente fédérales et provinciales. Le Canada Atlantique est manifestement le leader dans ce domaine avec la taxe de vente harmonisée qui va un pas plus loin et harmonise le tout en un seul système. C'est pratiquement comme s'il nous fallait une solution du genre « big-bang » pour parler de taxes de vente sous forme de taxes sur la croissance pour les villes. C'est là que se trouvent les plus grandes responsabilités, quand les villes reçoivent des revenus directement et sont tenues responsables de la façon dont elles les utilisent plutôt que de dépendre en permanence des niveaux supérieurs pour obtenir des transferts sans être en mesure de prendre des engagements à long terme. Il est alors difficile de planifier. Même des engagements sur trois ans ne facilitent pas la planification des infrastructures pour l'avenir.

Le président : En ce qui concerne la responsabilisation, sont-elles tenues responsables d'autres façons qu'en devant se présenter périodiquement devant les électeurs? S'il y avait un transfert de points d'impôt de la province vers la municipalité, imaginez-vous qu'il devrait y avoir certaines restrictions et que le gouvernement provincial devrait imposer la présentation de rapports sur la façon dont cet argent est dépensé?

M. Hodgson : Je pensais davantage aux responsabilités à assumer devant l'opinion publique. Cette responsabilité s'exerce manifestement au moment des élections, mais nous sommes de nombreux observateurs. Nous surveillons le comportement des gouvernements et voulons nous assurer que l'argent que nous leur donnons est bien utilisé, plutôt que d'imposer au sens strict des conditions, ce qui se rapprocherait davantage d'un transfert traditionnel de ressources, dans lequel vous imposez des conditions en échange des fonds que vous versez. Il devrait davantage s'agir de mettre en place des capacités, en précisant clairement ce que les villes vont recevoir, disons 1 p. 100 de la taxe de vente provinciale, qu'elles inscriront à leur budget. Il faudra aussi veiller à s'assurer qu'il pourra y avoir un débat public clair pour déterminer si ces fonds ont été bien utilisés.

Le sénateur Eggleton : Je peux vous affirmer que les responsables des administrations locales font l'objet d'examens beaucoup plus attentifs qu'aux autres niveaux de gouvernement. Ces gens-là sont là, sur la rue, tout à côté de vous. L'action démocratique est beaucoup plus présente à ce niveau local qu'à n'importe quel autre.

Le président : Il est bien agréable de profiter de l'expérience d'un ancien maire de Toronto.

Le sénateur Mitchell : Bienvenue. Je suis époustouflé par ce que nous raconte le sénateur Eggleton. Je ne sais combien d'entre nous se souviennent de ce que nous avons lu à l'université. Cela fait presque 40 ans, et je me souviens d'avoir lu Jane Jacobs, et je n'ai jamais oublié qu'elle concluait déjà, même à cette époque, que l'économie d'un pays est l'économie de ces villes. C'est une question qui m'intéresse et je suis fasciné par le problème.

Vous avez mentionné la proposition de David Miller, et je ne crois pas qu'il souhaite qu'elle apparaisse uniquement comme la sienne. Elle reçoit aussi l'appui de maires de tout le pays. Lorsque vous avez indiqué ne pas être certain qu'il avait la bonne formule ou la bonne structure, que vouliez-vous dire?

M. Hodgson : C'est au sujet du lien à la responsabilisation. S'il suffit que la province ajoute 1. p. 100, y a-t-il un lien clair entre la façon dont la ville utilisera ces fonds et celle dont elle en sera tenue responsable? Ce n'est pas là une question soumise aux conditions imposées par la province. C'est une taxe de vente provinciale qui est perçue et il faut manifestement préciser les mécanismes que cela nécessite. Il me semble que le principe de base est bon. Il serait toutefois difficile à appliquer en Alberta, puisqu'il n'y a pas de taxe de vente dans cette province.

Le sénateur Mitchell : J'en suis bien conscient. Si vous appliquez cet argument aux transferts entre le gouvernement fédéral et les provinces, il y aurait de nombreux transferts qui seraient touchés. Vous n'en feriez aucun, parce qu'ils n'impliquent que très peu de « responsabilisation ».

L'un des problèmes avec les transferts sociaux est que vous ne pouvez pas imposer l'utilisation qui en est faite. Vous ne pouvez pas réglementer la solution du 1 p. 100, la solution Miller, sur la base de la responsabilisation parce que vous devriez alors réglementer de nombreux transferts, des milliards de dollars de transferts.

M. Hodgson : Vous avez tout à fait raison. Le premier principe en politique fiscale est que ceux qui dépensent de l'argent sont ceux qui devraient lever les impôts parce qu'il y a alors un lien entre les deux. J'ai été surpris de constater que le gouvernement fédéral transfère des ressources, tente d'imposer des conditions mais, au bout du compte n'y parvient pas de façon absolue. Lorsque vous avez transféré l'argent, il est parti. C'est pourquoi nous avons eu l'idée de laisser place à l'imposition de nouvelles taxes par les divers autres niveaux de gouvernement sur notre liste. Dans un monde parfait, ce sont ceux qui assurent les services que génèrent les recettes eux-mêmes. Je m'inspire ici de mon expérience au FMI, qui impose des conditions rigoureuses quand il transfère de l'argent à des pays confrontés à une lourde dette.

Le sénateur Mitchell : Je poursuis dans le sens des questions du sénateur Stratton et de l'analogie intéressante que vous avez faite avec la « tartinade. » L'une des questions qui se présentent régulièrement dans la ville d'où je viens, Edmonton, est le problème des résidents de la grande banlieue qui utilisent les services offerts par la ville d'Edmonton mais qui n'en paient pas les coûts. Y a-t-il une façon de résoudre ce problème, où est-ce beaucoup trop compliqué?

M. Hodgson : Une ville comme Londres, en Angleterre, a essayé de s'y attaquer en imposant un péage à la circulation en ville. Les gens doivent payer £7 pour avoir le droit de conduire au centre de Londres. Ce fut un défi politique énorme, mais Ken Livingston est parvenu à mettre ce système en place et à être réélu.

Cela dépend du niveau de créativité de nos administrateurs publics. Sommes-nous prêts à faire quelque chose d'aussi énergique que cela, qui en apparence, semble présenter des défis? La technologie est disponible aujourd'hui si la ville d'Edmonton voulait prélever des revenus auprès des gens vivant à Sherwood Park ou à St. Albert. Il vous suffit de lire les plaques d'immatriculation et d'envoyer à leur détenteur une facture, ou d'installer un transpondeur dans leur voiture. Le même système existe sur l'autoroute 407 à Toronto. C'est une question de volonté politique. Voulez-vous vraiment trouver une façon pour la ville d'Edmonton de recueillir les recettes dont elle a besoin et que vous n'avez pas accès à l'assiette de l'impôt foncier?

Le sénateur Mitchell : Ils n'ont aucun pouvoir constitutionnel, mais cela serait-il conforme aux pouvoirs qu'ils ont actuellement?

M. Hodgson : Personnellement, je ne vois aucune limite. Cependant, je ne suis pas constitutionnaliste.

Le sénateur Mitchell : Dans vos commentaires, vous avez parlé du système fédéral dans son ensemble, du lien entre les villes et les provinces et du lien entre les provinces et le gouvernement fédéral. Y a-t-il des provinces qui arrivent à mieux financer leurs villes que d'autres et à leur venir en aide de façon plus efficace?

M. Hodgson : Je suis réticent à poser un tel jugement parce que je n'ai pas procédé à l'analyse détaillée moi-même. Quand je me rends à Vancouver ces jours-ci, je suis impressionné de voir comment les trois niveaux de gouvernement travaillent efficacement sur le portail du Pacifique. Cela s'explique dans une large mesure par la tenue des Jeux olympiques, mais les choses semblent bouger également dans les basses terres continentales de la Colombie- Britannique, ce qui ne semble pas être nécessairement le cas dans d'autres provinces. Comme organisation, nous n'avons pas réalisé une analyse détaillée province par province.

Le président : L'un des bons exemples que vous avez pour nous est la coopération municipale dans la région de Vancouver et dans celles des basses terres continentales de la Colombie-Britannique. La législation adoptée par l'Ontario pour la ville de Toronto en est-elle un autre exemple? Est-ce un bon exemple à étudier?

M. Hodgson : Cela me paraît être un autre bon exemple de pratique améliorée, allant certainement dans la bonne direction. La région du Grand Toronto est confrontée à un défi particulier à cause de son empreinte économique énorme qui se manifeste réellement maintenant de Niagara Falls jusqu'à Cobourg. Parvenir à un mode de gouvernance à niveaux multiples est un défi énorme. La Loi sur la cité de Toronto est une étape dans la bonne direction, qui commence à conférer le pouvoir aux responsables locaux de prendre des décisions et d'en être tenus responsables.

Le sénateur Ringuette : Je trouve votre étude éclairante. À la page 63 du volume 1 de votre rapport, vous indiquez que les provinces se sont déchargées de leurs responsabilités dans les domaines du transport public, des services de garderie, de l'éducation, du logement social, de certains aéroports et de l'évaluation foncière. Le gouvernement ontarien a transféré la responsabilité de l'entretien des autoroutes provinciales.

J'examine cette liste et, venant du Nouveau-Brunswick, je ne peux m'empêcher de m'interroger quand vous parlez des provinces. Il me semble que l'Ontario s'est déchargée de certaines responsabilités. Il me semble y avoir là un petit manquement.

Quand le gouvernement Harris a transféré l'ensemble de ces responsabilités aux municipalités, pendant les années 1990, le transfert de ces fonds aux municipalités a-t-il été calculé sur une base par habitant? Comment l'Ontario transfère-t-il des fonds à ses municipalités pour assumer l'ensemble de ces responsabilités provinciales?

Matthew Stewart, économiste, Conference Board of Canada : Pratiquement tous les transferts sont calculés par habitant, si ce n'est de quelques exceptions, je crois. Les transferts dans le domaine du transport ne sont pas calculés par habitant, mais négociés directement avec les villes.

Le sénateur Ringuette : Pourriez-vous donner plus d'information à ce comité sur la façon dont l'Ontario procède à ces transferts et pourquoi les montants de ces transferts ne sont pas calculés par habitant dans le cas des transports. Cela semble, pour les Ontariens, une question importante en ce qui concerne les infrastructures.

M. Stewart : En règle générale, le calcul par habitant sert de base. Ensuite, les fonctionnaires provinciaux vont voir les villes et négocient. Je sais que la taxe sur l'essence de l'Ontario est transférée à toutes les villes en fonction du nombre d'habitants.

M. Hodgson : Ce serait bien si nous avions un principe simple et commun pour régir les transferts, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Comme l'a dit M. Stewart, les gens commencent à calculer par habitant avant d'aborder le monde de la réelle politique, et que la politique l'emporte.

Le sénateur Ringuette : Ce n'est pas uniquement la politique. Je suis d'avis qu'un transfert rigoureux, uniquement en fonction du nombre d'habitants, ne correspond pas nécessairement au niveau des besoins.

M. Hodgson : Il faut évaluer les deux termes de l'équation — un montant X de dollars par habitant, ainsi que procéder à une évaluation des besoins. Vous avez tout à fait raison.

Le président : Ou une prestation constante de services.

M. Hodgson : C'est aussi une solution.

Le sénateur Ringuette : Les économies d'échelle font que les services que vous devez fournir à une population plus petite coûtent plus cher par habitant que si vous aviez une population plus importante. Je vois que nos deux économistes approuvent de la tête.

J'essaie de faire le lien entre tout ceci, c'est-à-dire l'Ontario qui s'est déchargé de ses responsabilités provinciales sur ses municipalités et le déséquilibre fiscal vertical dont tout le monde parle. Je viens du Nouveau-Brunswick. J'ai une propriété ici à Ottawa et une autre au Nouveau-Brunswick. Mes taxes foncières sont au même niveau dans les deux provinces. La province du Nouveau-Brunswick continue à assumer ses responsabilités sociales dans les domaines de la garde des enfants, de l'éducation, du logement, de l'aide sociale, et cetera. Elle a gardé tout cela. Ce n'est pas le cas de la province de l'Ontario.

Je ne sais pas si je m'explique bien. Je paie le même montant en taxes foncières. Par contre, au titre de l'impôt sur le revenu, ma facture est plus lourde comme habitant du Nouveau-Brunswick payant ses impôts dans cette province que comme un Ontarien qui le ferait au gouvernement de l'Ontario.

D'un côté, vous pouvez dire que vos municipalités manquent d'argent dans les domaines des infrastructures, du logement, du transport, et cetera. Par contre, votre population paie beaucoup moins d'impôt sur le revenu. Cette question va bien au-delà de celle des responsabilités dont le gouvernement provincial s'est déchargé sur les municipalités. Comme politiciens fédéraux, nous devons examiner tous les aspects de la question.

M. Hodgson : Je ne sais pas ce que représente le volet entreprise de l'assiette fiscale au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Ringuette : C'est beaucoup plus qu'en Ontario.

M. Hodgson : Vous pouvez avoir un taux plus élevé et une assiette fiscale plus étroite. Dans une ville comme Toronto, vous disposez d'une base énorme d'entreprises que vous pouvez imposer.

Le sénateur Ringuette : Alors, vous faussez vos arguments en faveur d'un calcul par habitant...

M. Hodgson : Sur les transferts par habitant, oui. Il y a une chose que nous ne pouvons pas mesurer, et nous ne l'avons même pas évalué sérieusement : c'est l'écart qui s'accroît. Si vous ne financez pas correctement les infrastructures dans le temps, les problèmes restent invisibles jusqu'à ce que, par exemple, une grosse canalisation d'eau se rompe. Il faut alors trois ou quatre jours pour faire les réparations, ce qui se traduit par des inconvénients pour les gens. C'est là le déficit invisible qui va probablement rebondir un jour : quelque chose que nous ne voyons pas mais dont il faudra s'occuper à un moment donné.

Le sénateur Ringuette : Oui, il faut que nous envisagions de construire pour l'avenir. Je suis aussi d'avis que le gouvernement fédéral a certaines responsabilités, mais j'aimerais que les gouvernements provinciaux assument les leurs. C'est une chose que de parler de façon négative du déséquilibre fiscal fédéral-provincial, mais si vous ne parvenez pas à faire le ménage fiscal dans votre propre maison, la question se résume à des politiciens qui se renvoient la balle d'un gouvernement à l'autre.

Je trouve votre étude très intéressante, mais nombre des hypothèses sur lesquelles elle repose découlent, il me semble, de la situation ontarienne. Comme Canadien de l'Atlantique, j'ai plus de mal à faire le lien avec tout cela et avec les quatre solutions que vous envisagez pour résoudre cette question.

M. Hodgson : Cela ne me surprend pas trop, étant donné l'organisme que nous sommes et en sachant qui sont ceux qui retiennent nos services pour faire des recherches. Je serais absolument ravi d'avoir plus fréquemment l'occasion de faire des analyses politiques pour les provinces du Canada Atlantique.

Le sénateur Ringuette : Nous n'avons pas l'argent.

M. Hodgson : La vérité est que notre siège est à Ottawa, que nous avons une représentation à Toronto, et que nous travaillons davantage dans le Canada central que n'importe où ailleurs au pays. Nous sommes toutefois présents dans l'Ouest du pays maintenant puisque nous avons ouvert un bureau à Calgary. J'ai l'impression que je prends l'avion toutes les trois semaines, que ce soit pour aller à Calgary ou à Vancouver.

Le sénateur Ringuette : Il me semble que nous convenons qu'il y a certains partis pris concernant la cible de cette étude. Le Nouveau-Brunswick n'a pas contribué financièrement à sa réalisation.

M. Hodgson : Non, sénateur, mais ces observations découlent uniquement de notre base de connaissances. J'ai eu l'occasion, comme je l'ai indiqué précédemment, de me rendre à Halifax ce printemps et de parler à 250 personnes des villes-centres. J'ai discuté avec les Canadiens de l'Atlantique de l'importance d'investir à Halifax pour susciter une croissance économique dans toutes les provinces atlantiques. Notre analyse fait apparaître un lien manifeste entre la réussite de Halifax et celle de Saint John et de Moncton, en remontant jusqu'à la côte acadienne au Nouveau- Brunswick. C'était le message essentiel provenant de notre recherche. Le dynamisme de nos villes se répercutera sur toute notre économie nationale.

Le président : C'est là un aspect intéressant de votre recherche qui s'intéresse surtout aux secteurs d'où vient votre financement. Cela fait partie du problème avec certaines des régions plus petites qui s'efforcent de participer avec les trois niveaux de gouvernement, versant chacun un tiers. Certaines des régions rurales et des régions urbaines à plus faible population ne disposent pas du tiers en question pour participer aux programmes. Elles doivent obtenir l'approbation de la province pour le faire et la province ne la leur accorde pas.

C'est là un dilemme intéressant que nous éludons. Nous y reviendrons plus tard.

Le sénateur Murray : Je crois savoir que la municipalité régionale du Cap-Breton, comme on l'appelle maintenant, a poursuivi la province de Nouvelle-Écosse en narguant qu'elle n'obtient pas une part équitable de l'argent de la péréquation versé par le gouvernement du Canada à la province de la Nouvelle-Écosse. Il sera intéressant de voir ce que cette poursuite donnera.

Dans vos remarques préliminaires, vous avez fait allusion au passage à un ralentissement de notre potentiel de croissance économique au cours des cinq, 10 ou 15 ans à venir. Pourquoi?

M. Hodgson : C'est l'évolution démographique qui l'explique. La croissance économique à long terme d'une économie est alimentée par trois éléments. L'un est la croissance de la population active. Notre population vieillit. Le recensement récent de Statistique Canada révèle que, d'ici 2030, la totalité de la croissance de la population active viendra des immigrants et cela aura un effet réel d'interruption sur le potentiel de croissance de notre économie.

Nous pouvons compenser ce phénomène en réalisant des investissements ou grâce à des augmentations rapides de la productivité. C'est pourquoi mon volume met tant l'accent sur une stratégie nationale de productivité pour compenser le ralentissement de la croissance de la population. Au Conference Board, nous faisons des prévisions économiques sur 20 ans. Cela dépend beaucoup de notre capacité à accroître la productivité, mais surtout la main-d'œuvre.

Le vieillissement de la population active ne commencera à jouer un rôle important qu'après 2010. Je suis sûr que le sénateur de l'Alberta entend beaucoup parler des problèmes de pénurie de main-d'œuvre dans cette province, mais nous n'en sommes qu'au début où la situation va s'aggraver. Malheureusement, la faible croissance de la main-d'œuvre se traduit par un ralentissement de la croissance économique. Nous prévoyons que nous passerons d'une croissance se situant entre 2 et 3 p. 100 à une croissance de 2 à 2,5 p. 100 au cours des 20 ans à venir.

Le sénateur Murray : En termes de potentiel?

M. Hodgson : Oui. Tout taux supérieur commencerait à alimenter l'inflation, et nous pourrions alors subir des pressions à la hausse sur les taux d'intérêt.

Le sénateur Murray : Je voulais juste entendre la réponse à la question pour qu'elle figure au procès-verbal.

M. Stewart : De la même façon, la croissance nominale alimente notre capacité à financer les soins de santé. De 2005 à 2009, la croissance nominale de l'économie sera d'environ 5,4 p. 100, en nous fiant à nos dernières recherches. Si les dépenses en soins de santé augmentent plus rapidement que cela, elles augmentent également en part du PIB. D'ici 2015, celui-ci ralentira à un niveau légèrement supérieur à 4 p. 100 à cause du ralentissement de la croissance de la main-d'œuvre et de l'augmentation en pourcentage de la population âgée de plus de 65 ans.

Le sénateur Murray : Corrigez-moi si je me trompe, mais certaines dépenses provinciales en soins de la santé ont augmenté de plus de 6 p. 100, n'est-ce pas? Était-ce 7 p. 100?

M. Hodgson : Il faudrait passer les provinces en revue une par une, mais vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Murray : Je veux dire, en général.

M. Hodgson : Une partie de la difficulté à laquelle nous sommes confrontés en travaillant pour le Conseil de la fédération est que nous voulons être prudents, et non pas alarmistes. C'est pourquoi nous utilisons une tendance sur 20 ans pour les dépenses par habitant en soins de la santé, et le pourcentage était de 5,7 p. 100. Quand vous tenez compte du vieillissement...

Le sénateur Murray : Mais 5,7 p. 100 est inférieur au taux que l'on a vu auparavant, qui dépassait les 7 p. 100, si je ne me trompe.

M. Hodgson : Malgré les diverses déclarations des gouvernements provinciaux qui affirment vouloir plafonner la hausse des dépenses en soins de santé à 5 p. 100, notre analyse du budget ontarien montre qu'ils ont dépensé presque 10 p. 100 de plus au cours de l'exercice qui vient de se terminer.

Le sénateur Murray : Ils se dirigent vers une situation dans laquelle ils dépenseront de 40 à 50 p. 100 de leur budget en santé.

M. Hodgson : Disons que d'ici 2020 à 2025, la moitié du total de leurs dépenses sera consacrée aux soins de la santé. C'est pourquoi nous soulignons à nouveau le risque à long terme d'un problème structurel de déséquilibre fiscal vertical et de dette imputables aux éléments qui font grimper les coûts de la santé.

Le sénateur Murray : Pour en revenir à nos municipalités, vous avez insisté sur la nécessité pour elles d'avoir directement accès à des taxes dont les montants sont liés aux revenus de la croissance économique, les taxes de vente, et cetera. Le sénateur Eggleton a fait, à juste titre, la distinction entre le partage des recettes et l'imposition directe d'une taxe. Le gouvernement fédéral ou son homologue provincial peuvent dire, par exemple, « Nous allons remettre 1 p. 100 de l'impôt sur le revenu aux municipalités ». Êtes-vous partisans ou non de cette solution?

M. Hodgson : Ma réponse tient en un mot : Non. Nous ne nous sommes pas penchés sur la mécanique.

Le sénateur Murray : Toutes les solutions soulèvent des problèmes, mais vous avez certainement conscience de ceux que soulèverait le fait de permettre à plusieurs municipalités de prélever des taxes sur les revenus et sur les ventes, et tout ce que cela entraîne.

M. Hodgson : Bien sûr.

Le sénateur Murray : Nous reviendrons au fouillis fiscal dont on parlait il y a quelques années.

M. Hodgson : Toute la pagaille de la fiscalité. Dans mon monde, nous avons un régime fiscal simple : nous voulons une norme pour chaque ville dans une province donnée. Nous avons déjà des taux d'imposition des revenus et de taxes de vente qui varient selon les provinces.

Le sénateur Murray : Non. Ce dont je parle est le partage des recettes. Cela semble être à la fois la façon la plus simple et la plus équitable de procéder.

M. Hodgson : La notion de « plus équitable » vous ramène à la question des transferts par habitant par opposition aux transferts en fonction des besoins. L'équité est fonction de la personne qui parle. Si, comme nous l'avons montré, les grandes villes ont des besoins plus importants, un partage égal des recettes pourrait ne pas être la solution. Nous pourrions avoir besoin d'un « transfert plus important » pour les centres plus importants.

Le sénateur Murray : Permettez-moi de consulter l'un de vos tableaux. Il a été réimprimé dans un document, mais il provient de l'étude Mission Possible.

Sénateur Ringuette, je soupçonne que vous payez des taxes foncières plus élevées à Edmundston, au Nouveau- Brunswick, à cause de la hausse de la valeur des propriétés foncières à cet endroit et parce que le Nouveau-Brunswick lie de façon plus agressive ses évaluations à la valeur réelle du marché que ce n'est le cas en Ontario.

Le sénateur Ringuette : Je paie également plus d'impôt sur le revenu.

Le sénateur Murray : Je le sais. Dites-moi si je me trompe, mais je crois que les évaluations sont centralisées à Fredericton. Est-ce bien le cas? Vous n'êtes pas la première personne que j'entends se plaindre des taux de taxe foncière, mais cela peut s'expliquer par les évaluations centralisées et la valeur sur le marché.

J'ai devant moi ce tableau qui présente la situation de dix grandes villes. Je crains fort que le Nouveau-Brunswick n'y figure pas.

Le sénateur Ringuette : C'est bien ça. Nous n'avons pas financé la recherche.

Le sénateur Murray : C'est intéressant au sujet du commentaire que vous avez fait sur la façon de se décharger de ses responsabilités. Sous le titre « dépenses », et il s'agit de chiffres par habitant, si vous regardez un poste comme « Services sociaux et à la famille », Toronto dépense 613 $ par habitant. Je ne sais pas à quelle année s'applique ce chiffre, monsieur Hodgson.

M. Hodgson : C'est un tableau du Conference Board, mais je ne suis pas l'auteur du volume. Je n'ai pas le tableau en question devant moi.

Le sénateur Murray : Faisons l'hypothèse qu'il s'agit du tableau le plus récent. Toronto dépense 613 $ par habitant en services sociaux et à la famille, Ottawa dépense 459 $ par habitant au même poste, Vancouver pratiquement rien et Montréal, Winnipeg, Halifax et Regina zéro dollar. Les autres villes n'y consacrent que des montants relativement négligeables.

En ce qui concerne la santé, les dépenses sont de 125 $ par habitant à Toronto; de 118 $ à Ottawa et zéro ou pratiquement rien dans ces catégories pour les autres villes. Venons-en maintenant au logement social où les dépenses sont de 291 $ par habitant à Toronto et de 169 $ à Ottawa. Là encore, deux ou trois autres villes n'y consacrent que des montants négligeables et la plupart d'entre elles n'y consacrent rien.

Cela montre bien comment le gouvernement provincial de l'Ontario s'est déchargé de ses responsabilités. Je ne sais pas ce que le gouvernement de l'Ontario dirait, confronté à ces chiffres. Quand j'arrive à la case des recettes, je vois « Transferts d'autres gouvernements — provincial et fédéral » et je fais l'hypothèse que l'essentiel venait de la province. Les chiffres sont de 645 $ pour Toronto et de 246 $ pour Ottawa. La moyenne des dix villes est de 302 $.

Je ne sais pas si vous pouvez commenter ou expliquer ce déchargement manifeste des responsabilités du gouvernement provincial vers les villes. Avez-vous le tableau devant vous?

M. Hodgson : J'ai le tableau maintenant.

Le sénateur Murray : Y a-t-il quelque chose qui m'échappe? J'ai entouré certains chiffres.

Le président : Si vous faites le total des dépenses, elles dépassent certainement de loin le montant des recettes qui est transféré.

M. Hodgson : Il me semble que vous avez probablement bien saisi ce qu'on appelle le déchargement des responsabilités du gouvernement provincial vers les villes en Ontario. Il y a une autre variable à laquelle nous devons prêter attention, et c'est le fait que la moitié des immigrants du pays se retrouvent à Toronto. Cela représente des factures additionnelles pour Toronto, Mississauga et les banlieues environnantes. L'implantation des immigrants est une autre dépense importante que les villes ont à supporter.

Le sénateur Murray : Je suis sûr que c'est bien le cas. Le gouvernement fédéral a conclu récemment une entente avec la province de l'Ontario à ce sujet. En réalité, c'est le gouvernement fédéral qui devrait assumer l'essentiel de ces dépenses. C'est le résultat des politiques du gouvernement fédéral. J'ai entendu dire la même chose au sujet de l'enseignement de l'anglais langue seconde à Vancouver, et probablement à Toronto également. Je l'ai entendu dire sur d'autres questions.

Il serait justifié de revoir l'harmonisation des responsabilités des gouvernements provincial et fédéral qui doivent assumer en partie la responsabilité financière des effets de leurs propres politiques. Je crois que cela devrait être combiné avec une forme quelconque de partage des recettes. Comment faire la distinction entre les villes plus importantes et les plus petites, si ce n'est en fonction du nombre d'habitants. Je ne sais pas. Le savez-vous?

M. Hodgson : Non. Je ne le sais pas.

Le sénateur Di Nino : Permettez-moi de poursuivre rapidement dans le prolongement de la question de mon collègue le sénateur Murray. Sur la question de l'immigration, nous devons pouvoir nous pencher sur une analyse coûts- avantages. C'est un avantage énorme. Vous avez auparavant parlé du marché du travail et des retombées économiques de cette question. Nous ne devrions pas examiner cette question uniquement comme une dépense ou en tenant compte du volet négatif de l'état des revenus et des dépenses? Pouvez-vous commenter rapidement cet aspect des choses?

M. Hodgson : Vous avez tout à fait raison. Les immigrants sont la nouvelle source d'énergie dynamique au sein de notre économie. Il est manifeste que Toronto bénéficie énormément du nombre de gens qui s'y implantent.

Le sénateur Di Nino : Tout comme Vancouver.

M. Hodgson : Oui. Les villes comme Calgary et Edmonton ont maintenant un besoin criant de plus d'immigrants parce que, de façon traditionnelle, la part qu'ils en ont obtenue n'a pas été importante. L'Alberta connaît actuellement une pénurie de travailleurs compétents. Les immigrants sont manifestement une partie de la solution pour ces villes, si nous pouvons obtenir la bonne combinaison, c'est-à-dire si nous pouvons permettre aux gens d'apprendre la langue d'usage au travail et de s'adapter rapidement à notre culture.

Le sénateur Di Nino : Quand nous parlons de ces questions, nous mettons en général l'accent sur les villes les plus importantes et sur les centres urbains, mais il y a certains besoins différents et particuliers propres aux collectivités rurales.

Il me semble que nous ne discutons pas de ces questions dans leur intégralité. Les gens qui habitent ces collectivités doivent parfois se sentir comme des citoyens de seconde classe. Je crains que, à moins que nous n'abordions ces questions également, les pressions incitant les résidents des régions rurales à déménager dans les villes, où un plus grand nombre de services de meilleure qualité sont disponibles, que ce soit réel ou perçu, ces pressions vont donc aggraver le problème.

Avez-vous analysé ce que l'on peut faire pour aider les municipalités rurales à résoudre les problèmes qui les concernent, comme pour les villes?

M. Hodgson : Un certain nombre d'associations des régions rurales se sont adressées à nous récemment pour procéder à une analyse comparable du lien entre la croissance des centres des régions rurales et l'économie nationale. Nous envisageons actuellement d'analyser cette question de façon plus détaillée.

Au cours des dernières années, nous nous sommes essentiellement intéressés aux grandes villes, parce que c'est là que nous avons vu des besoins criants, que les ressources fiscales étaient inadaptées et que le monde politique n'y accordait probablement pas l'attention nécessaire. C'est pourquoi nous avons choisi de cibler ainsi notre recherche.

Le sénateur Di Nino : je suis d'avis que le besoin est aussi important de l'autre côté. Nous attendrons votre prochain rapport.

Le sénateur Eggleton : Permettez-moi de revenir un moment sur cette question des calculs par habitant. Dans toutes les régions du pays, rurales ou urbaines, grandes, intermédiaires ou petites, il y a des besoins de financement des infrastructures et la façon de procéder aux transferts a, pour l'essentiel, été jusqu'à maintenant de s'appuyer sur les calculs par habitant.

Il y a toutefois des besoins propres aux grandes villes qui cadrent mal avec ce type de situation. Je sais que, dans le cas de Toronto, quand des fonds ont été transférés pour le transport public, on a d'abord envisagé de le faire par habitant, mais on a vite observé que, pour la totalité des systèmes de transport en commun de la région du grand Toronto, 90 p. 100 des passagers utilisaient le système de la Commission des transports de Toronto. Il n'était pas logique dans ce contexte d'utiliser une base de calcul par habitant.

En reprenant le commentaire du sénateur Ringuette au sujet de certains systèmes de transport dans les grandes villes, qui bénéficient d'économies d'échelle plus importantes, et je comprends peut-être mal, mais j'ai eu l'impression qu'un autobus à Toronto peut se révéler une solution plus économique qu'un même autobus à Fredericton tout simplement parce qu'il y a une population plus importante et des économies d'échelle plus élevées. Tout cela est vrai pour l'autobus, mais ne l'est plus quand il est question d'un centre urbain plus important comme Toronto, où les autobus ne suffisent pas. Vous devez alors disposer d'un réseau plus coûteux englobant le rail, le métro et diverses plates-formes dont ont besoin les grandes villes pour transporter les gens, et dont les localités plus petites n'ont pas besoin.

Il me semble que vous dites dans votre rapport qu'il est nécessaire non seulement de reconnaître le déficit généralisé des infrastructures manifeste dans toutes les tailles de municipalités à travers le pays, mais également les besoins propres aux grandes régions, besoins uniques et plus complexes. J'ai parlé du transport en commun dans le cadre d'une grande ville, mais on a également fait état de l'immigration. Trois quarts des immigrants qui arrivent au Canada s'installent dans trois grandes villes, soit Toronto, Vancouver et Montréal. Si cela s'est avéré avantageux pour elles, il y a une période d'installation qui entraîne des coûts.

Il y a également le maintien de l'ordre. Les structures sociales dans les grandes villes sont beaucoup plus complexes. On y trouve des gens aux niveaux de revenu et aux antécédents socioéconomiques différents. Le maintien de l'ordre est une activité plus complexe et plus coûteuse.

Je comprends que vous êtes d'avis que, alors que nous devrions veiller à continuer à mettre en œuvre des programmes destinés à toutes les tailles de municipalités et d'infrastructures, les besoins particuliers des grandes villes qui nécessitent qu'on y accorde une attention particulière ne se prêtent pas à des calculs par habitant mais nécessiteront des programmes ciblés plus précisément afin de faire face à ces défis.

M. Hodgson : Il faudrait qu'il s'agisse de programmes ciblés ou de portions ciblées des transferts globaux ou des recettes versées aux villes. C'est exactement ce que nous disons. Nous n'avons pas défendu une solution de transfert égal par habitant qui accorderait 80 p. 100 aux 10 villes les plus grandes. Nous disons clairement qu'elles devraient obtenir plus que les autres parce que leurs besoins sont particuliers, qu'il s'agisse du domaine du maintien de l'ordre, des systèmes de transport public ou des infrastructures.

Nous n'avons pas élaboré d'algorithme pour illustrer cela avec des chiffres, mais c'est le bon concept, qui vous permet de disposer d'une base puis d'ajouter quelque chose de spécial pour les 10 villes les plus importantes.

Le sénateur Eggleton : En ce qui concerne le partage des recettes, la situation idéale pour chaque palier de gouvernement est d'être en mesure de lever les impôts dont il a besoin pour faire le travail qu'il est tenu de faire. Il semble que certaines des responsabilités dont les provinces se sont déchargées, que ce soit en Ontario ou dans d'autres régions du pays, même si la tendance a été plus lourde en Ontario, mais je crois que toutes les parties du pays ont été touchées, doivent être rapatriées et ramenées dans le secteur de responsabilité d'où elles venaient. Les municipalités disent « Donnez-nous l'argent des impôts ou reprenez les responsabilités en matière de logement, de services sociaux, d'immigration, et cetera. Dans les deux cas, la solution est équitable. »

Le seul problème pour parvenir à la situation idéale, comme je l'ai dit auparavant, dans laquelle chaque palier de gouvernement lève les fonds dont il a besoin, est qu'elle nécessitera sinon une modification constitutionnelle au moins des modalités différentes en matière de responsabilité fiscale. Il pourrait s'agir d'un autre programme de péréquation. Il est certain que les niveaux supérieurs de gouvernement répugneraient à céder leurs pouvoirs en matière de fiscalité.

Cela nous amène à envisager les programmes pour lesquels les niveaux supérieurs de gouvernement auraient encore des exigences de responsabilisation. Le programme que le maire Miller propose, avec quantité d'autres maires, demande à accéder à 1 p. 100 de la TPS. Certains seraient tentés de dire oui, mais si cet argent est prélevé par le gouvernement fédéral, c'est lui qui en assume la responsabilité, et il ne peut donc dire aux municipalités prenez-le et faites-en ce que vous voulez. Le gouvernement fédéral pourrait dire qu'il leur ménagera la place pour ce 1 p. 100, mais que les municipalités devront assumer la responsabilité de cette mesure fiscale. Bien évidemment, l'ARC procéderait au recouvrement des fonds, mais c'est là un sujet complexe.

Il serait beaucoup plus facile pour le gouvernement fédéral de dire qu'il va donner l'équivalent de ce montant, soit, par exemple, cinq milliards de dollars par an, aux municipalités de tout le pays, peu importe comment ce montant est réparti, à condition qu'il aille aux infrastructures comme pour les autres programmes d'infrastructure. Cela permettrait de contourner le problème de la responsabilisation.

Toutefois, je ne sais pas si vous avez d'autres idées, sur la façon de faire face à ce type de question.

M. Hodgson : Nous n'avons pas encore franchi les limites. Nous voulons tout d'abord mettre l'accent sur les bons principes. À ce que j'entends de vos commentaires, il me semble que vous êtes parfaitement d'accord sur les principes de base, soit que les villes reçoivent davantage de revenus, de leur permettre de répondre à leurs besoins grâce à l'accès à une forme quelconque de taxe sur la croissance. Nous n'avons pas étudié en détail les mécanismes pour déterminer si les transferts de fonds devraient s'accompagner de conditions ou s'il faudrait envisager une solution rendant les municipalités directement responsables.

Le président : Merci. Au nom du Sénat du Canada et du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je tiens à remercier les représentants du Conference Board du Canada, M. Glen Hodgson et M. Matthew Stewart, d'avoir été parmi nous aujourd'hui.

Vous avez précisé que vous faites de la recherche fondamentale et vous avez partagé avec nous de nombreux points intéressants de celles-ci. Cette recherche fondamentale nous sert à tenter d'élaborer des initiatives de politiques et des recommandations destinées au gouvernement et à faire progresser ce dossier. Nous vous remercions beaucoup de votre présence.

La séance est levée.


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