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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 13 - Témoignages du 8 mai 2007


OTTAWA, le mardi 8 mai 2007

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 31 pour examiner, pour en faire rapport, les questions relatives à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers niveaux de gouvernement du Canada.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je tiens à vous remercier tous d'être ici ce matin. Nous allons donc entreprendre cette réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Le 27 septembre 2007, le Comité sénatorial permanent des finances nationales a été autorisé par le Sénat à examiner, pour en faire rapport, les questions relatives à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers niveaux de gouvernement du Canada, et à déposer son rapport au plus tard le 30 juin 2007.

À l'automne 2006, les membres du comité ont entendu des hauts fonctionnaires de différents ministères de gouvernements provinciaux et territoriaux, des universitaires ainsi que des experts en matière de politiques et de marchés de partout au pays. Les audiences ont été tenues sur une période six semaines. Le 12 décembre 2006, le comité a déposé un rapport intérimaire, intitulé L'équilibre fiscal horizontal : Vers une démarche fondée sur des principes, dans le cadre de son étude continue des arrangements fiscaux du Canada pour les provinces et territoires.

Nous aimerions croire que le rapport a, lors du dernier budget, eu une certaine influence sur l'approche du gouvernement à l'égard de l'équilibre fiscal horizontal, l'aspect péréquation des choses.

Dans la phase suivante, celle en cours, le comité se penche sur l'équilibre fiscal vertical, revoyant plus particulièrement la répartition des ressources financières et des responsabilités en matière de dépenses entre les différents paliers de gouvernement au Canada.

[Français]

Il me fait plaisir d'accueillir le président de la Fédération canadienne des municipalités, le conseiller Gord Steeves de Winnipeg. Il est accompagné par Gabriel Miller et Christian Laverdure.

[Traduction]

M. Steeves a été élu au conseil municipal de Winnipeg en novembre 2000 et il a récemment entrepris son mandat en tant que président de la Fédération canadienne des municipalités, succédant à l'ancienne conseillère municipale de Guelph, en Ontario, Gloria Kovach. Félicitations, monsieur Steeves, pour votre accession à ce nouveau poste. Cela intéressera le comité de savoir que vous siégez au caucus des maires des grandes villes. Est-ce un caucus de la Fédération canadienne des municipalités?

Gord Steeves, président, conseiller municipal, Ville de Winnipeg, Fédération canadienne des municipalités : C'est exact.

Le président : En juin 2006, la Fédération canadienne des municipalités a publié un rapport intitulé Édifier des fondations solides pour notre prospérité — Rétablir l'équilibre fiscal municipal. Nous avons eu l'occasion d'examiner ce rapport

Votre prédécesseur a livré ce rapport au comité et nous a exprimé le désir de la fédération de comparaître devant nous pour nous exposer la perspective municipale.

Je crois comprendre que vous avez quelques remarques liminaires à faire, après quoi nous aurons, comme à l'habitude, une période de questions et de réponses, si cela vous convient.

M. Steeves : Merci beaucoup. Je suis très heureux d'être ici. Avant de me lancer dans ma déclaration, je tiens à dire que j'apprécie le travail que fait le comité. Je veux en tout cas souligner votre travail formidable, relativement aux déficits horizontal et vertical et aux difficultés que vivent les villes et les collectivités de partout au Canada.

C'est la reconnaissance que nous inspire le travail du comité qui amène la FCM à en souligner l'importance et l'impartialité. Cela est très apprécié par les représentants des villes et des collectivités du Canada.

Vous avez tout à fait raison de dire qu'en ma qualité de président de la Fédération canadienne des municipalités je siège de facto au caucus des maires des grandes villes, qui est une branche de la Fédération canadienne des municipalités. Avant même de devenir président, lorsque j'étais conseiller municipal et maire adjoint de Winnipeg, j'étais souvent le représentant qui siégeait à ce comité, Winnipeg comptant, bien sûr, parmi les 22 grandes villes qui sont représentées au sein de ce comité.

Je suis heureux de comparaître ici devant vous ce matin. C'est une belle expérience à vivre. En ce qui nous concerne, nous disposons d'abondamment de temps ce matin, et j'inviterai le comité à poser toutes les questions qu'il souhaite. Nous ferons de notre mieux pour y répondre après notre exposé.

Je tiens à saluer mon ami, le sénateur Stratton, qui vient du même coin du monde que moi. Il est bien agréable de voir un visage familier à la table.

[Français]

Bonjour à vous tous. Il me fait plaisir d'être ici.

[Traduction]

Je vous remercie de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître devant le comité au nom de la Fédération canadienne des municipalités. Ensemble, les plus de 1 600 municipalités membres de la fédération représentent 90 p. 100 des Canadiens, et les questions dont nous allons discuter aujourd'hui ont une incidence sur eux tous.

J'aimerais vous entretenir aujourd'hui du besoin pressant de rétablir l'équilibre fiscal avec les villes et collectivités canadiennes. J'aimerais également traiter des précieux engagements qu'a pris le gouvernement du Canada en vue d'appuyer les gouvernements municipaux à court et à moyen terme.

J'aimerais surtout discuter avec vous de la façon dont le gouvernement fédéral pourrait favoriser l'établissement d'une vision à long terme qui nous aide à bâtir de meilleurs endroits où vivre et travailler et un avenir plus prospère pour le Canada.

Il n'est nul besoin que je vous rappelle l'importance de villes et de collectivités saines pour la prospérité et la qualité de vie canadiennes. Dans ces villes et collectivités, ce sont les gouvernements municipaux qui assurent les services de base qui sont l'armature de notre bien-être social et économique.

En dépit de l'importance vitale des services que nous livrons, les gouvernements municipaux ne disposent pas des ressources financières requises pour s'acquitter de leurs responsabilités et nous sommes en conséquence piégés dans un étau financier qui entrave notre capacité de livrer les services dont ont besoin nos collectivités pour prospérer.

[Français]

C'est une situation qui doit être prise au sérieux.

[Traduction]

Comme vous le savez peut-être, sur chaque dollar perçu en taxes au Canada, 92 ¢ vont aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Cela ne laisse que 8 ¢ pour les gouvernements municipaux. Avec ces 8 ¢, les gouvernements municipaux doivent assurer des services comme le réseau routier, le transport en commun, l'entretien des trottoirs, la distribution d'eau, les services d'égout, l'éclairage des rues, l'entretien des parcs, la gestion des déchets et les services d'urgence sur lesquels comptent nos collectivités chaque jour de l'année. Il n'y a que 8 ¢ pour exécuter une liste croissante de responsabilités, allant du logement social aux services d'établissement pour immigrants, en passant par le changement climatique et l'adaptation.

Voilà quelle est la cause fondamentale du déséquilibre fiscal municipal. Ce déséquilibre a son illustration la plus évidente dans le déficit d'infrastructure municipal de plus de 60 milliards de dollars. Les membres de la FCM ont fait appel au gouvernement fédéral pour que celui-ci aide à éliminer ce déficit et à corriger le déséquilibre fiscal dans nos collectivités. Il faut faire remarquer à son honneur que le gouvernement du Canada a pris un certain nombre de mesures importantes face à nos besoins.

[Français]

Il y a eu certains pas dans la bonne direction.

[Traduction]

Le budget 2005 a pénétré dans un domaine inexploré avec un plan de partage de la taxe fédérale sur l'essence avec les gouvernements municipaux. Un an plus tard, le gouvernement du Canada a renouvelé d'importants programmes d'infrastructure qui ont aidé les collectivités à répondre à certains de leurs besoins les plus pressants.

Le budget 2007 a inclus certains engagements importants à court et à moyen terme à l'endroit des villes et collectivités. Il a prolongé pour quatre années supplémentaires le transfert de la taxe fédérale sur l'essence et maintenu le financement des programmes d'infrastructure existants. Il a également maintenu le remboursement de 100 p. 100 de la TPS pour les gouvernements municipaux.

Malheureusement, le budget n'a pas livré le plan à long terme dont ont besoin nos collectivités. Cela étant, nous aimerions vous soumettre pour examen trois recommandations clés en vue du rétablissement de l'équilibre fiscal dans nos villes et collectivités.

Premièrement, le gouvernement du Canada doit prendre un engagement à long terme pour aider à éliminer le déficit d'infrastructure municipal. Les municipalités doivent en permanence maintenir et réparer leur infrastructure et elles planifient leurs investissements dans l'infrastructure sur 20, 30, voire même 50 ans. C'est pourquoi les investissements en infrastructure doivent être permanents et à long terme, et l'appui fédéral en leur faveur doit lui aussi être permanent et à long terme.

Un tel plan à long terme inclurait un transfert permanent de la taxe fédérale sur l'essence avec une clause de sauvegarde pour protéger sa valeur au fil du temps et assurerait la prolongation à long terme des programmes d'infrastructure fédéraux.

Le gouvernement fédéral doit également œuvrer avec ses pendants provinciaux, territoriaux et municipaux pour établir la taille, l'envergure et la nature du déficit d'infrastructure. Il serait alors possible d'élaborer un plan national qui guiderait concrètement les investissements gouvernementaux et livrerait aux Canadiens des résultats tangibles.

Un tel plan national devrait également être adapté aux changements environnementaux et démographiques ayant une incidence sur nos besoins en matière d'infrastructure. Il devrait, plus particulièrement, tenir compte des effets du changement climatique sur les éléments d'infrastructure essentiels et aider les gouvernements municipaux à protéger les avoirs publics et la sécurité de tous nos citoyens.

Le gouvernement devrait également veiller à ce qu'une bonne part des nouveaux programmes d'infrastructure soit consacrée expressément à des projets municipaux et à ce que le financement pour les projets soit disponible et accessible pour répondre aux besoins des communautés urbaines plus petites ainsi que rurales, éloignées et dans le Nord.

[Français]

Notre seconde recommandation est le développement d'une stratégie pour le transport en commun.

[Traduction]

Les transports en commun sont essentiels à la qualité de vie et à la santé environnementale de nos collectivités urbaines. Ils sont également essentiels à notre compétitivité économique. Un récent sondage effectué par le Toronto Board of Trade a révélé que l'engorgement routier était la priorité numéro un des plus grosses entreprises dans cette ville. Une étude fédérale de 2006 a fait ressortir que la congestion routière coûte jusqu'à 3,7 milliards de dollars par an aux économies urbaines du Canada. En dépit de cette situation, le Canada demeure le seul pays du G8 qui ne se soit pas doté d'un programme national de transport. La nécessité d'un engagement financier fédéral à long terme réservé aux transports en commun se fait plus pressante. L'Association canadienne du transport urbain estime que les réseaux de transport public du Canada auront besoin de 200 milliards de dollars en nouveaux investissements d'immobilisations d'ici 2010. En mars 2007, la FCM a dévoilé sa stratégie nationale des transports en commun et demandé au gouvernement fédéral d'élaborer sa stratégie d'ici 2008-2009.

Notre troisième et dernière recommandation est que l'on éclaircisse les rôles et responsabilités. Au cours des deux dernières décennies, les gouvernements municipaux ont dû assumer de nombreuses nouvelles responsabilités, par exemple dans des domaines tels que le logement et l'immigration, en l'absence des ressources financières requises. En même temps, les gouvernements ne mettent pas suffisamment à profit les possibilités de collaboration dans des secteurs comme l'environnement, la sécurité et la planification d'urgence.

Afin que les ressources correspondent aux responsabilités et que l'argent des contribuables soit dépensé de la façon la plus efficiente possible dans les domaines de compétences chevauchantes, les gouvernements doivent mieux travailler ensemble. Notre rapport, Édifier des fondations solides pour notre prospérité : Rétablir l'équilibre fiscal municipal, illustre ce point. Ces questions touchent tous les Canadiens. Elles réclament une plus grande collaboration intergouvernementale et un rôle fédéral continu dans nos villes et collectivités.

Monsieur le président, le Canada a besoin de villes et de collectivités qui fonctionnent bien. Malheureusement, nos villes et collectivités sont accablées sous le poids d'un déséquilibre fiscal et de son symptôme le plus visible, le déficit d'infrastructure.

Le gouvernement du Canada a pris des mesures à court et à moyen terme pour aider les gouvernements municipaux à résoudre ces problèmes, mais le défi de l'établissement de collectivités saines exige une vision à long terme. En prenant un engagement à long terme en vue de l'élimination du déficit d'infrastructure, en établissant une stratégie nationale de transports en commun et en favorisant la clarification des rôles et responsabilités, le gouvernement du Canada pourra faire sa part pour que les villes et collectivités demeurent fortes

[Français]

C'est le moins que l'on puisse faire si nous croyons à l'importance de nos communautés.

[Traduction]

Ce serait là un point de départ en vue de corriger une fois pour toutes le déséquilibre fiscal municipal. La FCM et les gouvernements municipaux de tout le pays sont prêts, désireux et en mesure de travailler avec vous en vue de l'atteinte de cet objectif.

Merci. Monsieur le président, si vous avez des questions, je me ferai un plaisir d'y répondre.

Le sénateur Eggleton : Monsieur Steeves, merci d'être venu comparaître devant le comité aujourd'hui.

Je vais vous poser des questions au sujet de deux choses : le délestage et la dépendance à l'égard des taxes foncières. Lors des compressions au niveau fédéral dans les années 1990, et qui ont été répercutées sur les paliers provincial puis municipal, il y a eu beaucoup de délestage. Il s'agit là d'un gros sujet de préoccupation en Ontario, mais dans quelle mesure cela est-il aussi important dans les autres provinces?

Vous pourriez peut-être nous donner quelques exemples de programmes dont le fédéral s'est déchargé. Lorsque je parle de programmes abandonnés, j'y inclus ceux qui ont été déchargés de facto, par suite des compressions imposées dans le cadre des programmes fédéraux, comme par exemple l'établissement des immigrants. Dans ce dossier, c'est au palier de gouvernement le plus bas que revient le fardeau de faire quelque chose pour l'établissement des immigrants, en dépit du manque de paiements de transfert.

M. Steeves : Merci de cette question, qui en est certainement une que seul un ancien maire puisse vraiment comprendre, car il s'agit d'un grave problème pour les municipalités, et je vais vous fournir quelques exemples.

En Alberta, nous avons vu les services suivants abandonnés : les aéroports régionaux, les terrains de camping provinciaux, les logements pour aînés, les conseils de services agricoles, les services pour les nouveaux établissements scolaires et les routes secondaires provinciales. À Terre-Neuve et en Saskatchewan, le coût des évaluations foncières a été déchargé sur les municipalités. Dans certaines régions de l'Alberta et du Québec, le logement a été transféré aux municipalités. En Ontario, les forces policières municipales se font demander d'assurer la surveillance policière des palais de justice. Dans la ville de Winnipeg, à cause de changements et de l'évolution du droit de la preuve du fait des tribunaux, nos forces de police sont en train de dire à la FCM qu'un policier qui, il y a dix ans, pouvait faire huit arrestations dans le courant d'une journée, est aujourd'hui limité à une ou deux arrestations pendant le même quart de travail. La seule raison à cela, ce sont les obligations en matière de rassemblement de preuves, d'enregistrement de preuves sur bande magnétoscopique, et cetera. Les sénateurs peuvent fort bien s'imaginer les pressions que cela exerce sur nos forces de police locales.

J'aimerais fournir aux sénateurs un exemple qui vient du coin de pays du sénateur Stratton et de moi-même. La Commission de protection de l'environnement du gouvernement fédéral a élaboré une directive fondée sur la pollution s'écoulant dans le lac Winnipeg. Cette directive était fondée sur les niveaux de phosphates dans la rivière Rouge et qui s'écoulaient dans le lac Winnipeg, et la CPE a décidé, tout à fait à juste titre, qu'il importait de corriger la situation. Par suite de cela, le gouvernement provincial a décidé que Winnipeg devait réduire de moitié sa contribution de phosphates aux eaux de la rivière Rouge. Winnipeg ne compte que pour 3 p. 100 de la charge totale en phosphates aboutissant dans le lac Winnipeg. Le rapport de la CPE, dont les conclusions doivent être appliquées par le gouvernement provincial, résultera en un coût en capital de 1,3 milliard de dollars pour les contribuables de la ville de Winnipeg. Winnipeg a commencé à recueillir cet argent il y a de cela trois ans par le biais d'augmentations d'environ 30 p. 100 des tarifs de services d'eau et d'égout pendant cette période, et les tarifs sont censés doubler au cours des quatre prochaines années. Tout cela doit servir à couvrir le coût en capital des améliorations à apporter à notre usine de traitement des eaux usées. La ville de Winnipeg a un budget annuel d'environ 900 000 $ et on lui demande de couvrir une dépense en capital de 1,3 milliard de dollars. Voilà un exemple parmi bien d'autres du genre de déchargement que nous avons constaté de la part des gouvernements provinciaux. Pour être tout à fait juste, la province du Manitoba nous a offert un montant de 24 millions de dollars afin de nous aider à régler notre problème.

Le sénateur Eggleton : J'apprécie ces exemples, mais la même chose vaut-elle pour toutes les provinces du Canada?

M. Steeves : Absolument, et ce ne sont pas les exemples qui manquent. Je m'excuse de vous avoir donné un exemple de Winnipeg, mais c'était mon cœur qui parlait.

Le sénateur Eggleton : Cela se comprend. Pour ce qui est des taxes foncières, une statistique donnée dans le rapport du Conference Board of Canada concernant les villes était que nous comptons sur les taxes foncières municipales pour environ 53 p. 100 des recettes, alors qu'aux États-Unis ce pourcentage n'est que de 23 p. 100. Pourriez-vous confirmer si cela correspond à vos constatations? Avez-vous d'autres comparaisons internationales qui pourraient nous éclairer quant au degré de dépendance à l'égard des taxes foncières que l'on vit au Canada au niveau local?

Sur quelles autres taxes d'autres villes et gouvernements dans le monde comptent-ils pour obtenir les revenus dont ils ont besoin pour faire leur travail et offrir leurs services?

M. Steeves : Vos chiffres sont justes. De 45 à 50 p. 100 des recettes totales des villes comme Winnipeg, Edmonton, Calgary, Vancouver, Toronto et Montréal proviennent de l'impôt foncier résidentiel. Si vous ajoutez les impôts fonciers payés par les entreprises — pas l'impôt des entreprises mais l'impôt foncier des entreprises —, alors vous frisez les 60 p. 100 et plus.

Selon nos estimations, et celles de quiconque, d'ailleurs, la chose est difficile et il s'agit, dans une certaine mesure, d'une forme régressive d'obtention de revenu. Dans une ville de 500 000 habitants, comme Hamilton, Burlington et Surrey, une augmentation de 2 p. 100 de l'impôt foncier vous procurera environ 5 millions de dollars de plus par an. Mais pour une ville de 500 000 habitants, ce n'est pas beaucoup d'argent. C'est pourquoi l'on a vu les villes et les collectivités prendre au fil du temps de plus en plus de retard avec leurs projets d'infrastructure. Si vous comparez une augmentation annuelle de 5 millions de dollars de vos revenus au coût de la construction d'un passage inférieur dans la plupart des villes, qui se chiffre à environ 60 millions de dollars, vous comprenez très vite pourquoi les villes accumulent du retard avec ce genre de formule.

C'est pourquoi des programmes tels le FIMR, ou Fonds de l'infrastructure municipale rurale, et le FCIS, ou Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique, qui sont financés par le gouvernement fédéral, sont devenus si importants pour les villes. En fait, si ces programmes venaient jamais à disparaître, j'irais jusqu'à dire que vous verriez la fin de ces genres de programmes dans les villes et collectivités.

Songez à de petites collectivités comme Estevan, en Saskatchewan, ou Rimouski, au Québec, qui comptent de petites populations. Si de telles collectivités augmentent leurs taxes de 2 p. 100, elles obtiendront 20 000 $ de plus. Essayez d'imaginer ces 20 000 $ dans le contexte d'un réseau d'aqueduc ou d'une usine de traitement d'eaux usées de 12 millions de dollars, et la chose devient presque impensable.

Le sénateur a parlé des différentes méthodes de taxation qui existent sous différents paliers de gouvernement. Aux États-Unis, surtout, et dans une moindre mesure au Canada, ainsi que dans d'autres régions du globe, les municipalités reçoivent des taxes à la consommation qui augmentent avec l'économie.

Nous nous plaisons à citer l'exemple de Phoenix et d'autres villes en Arizona où, chaque fois qu'il y a une transaction commerciale, la municipalité reçoit une portion de l'argent dépensé, un peu à la manière du fonctionnement de la TVP ou de la TPS. Cela veut dire qu'il y a un financement permanent et croissant pour les villes au fur et à mesure de l'expansion économique.

Cela est important dans le contexte de villes comme Calgary et Edmonton, compte tenu de la croissance massive et de l'expansion de ces économies. Avec le système du taux par mille, les villes comme Calgary ne parviennent pas à suivre le rythme de cette formidable expansion économique comme peuvent le faire les gouvernements fédéral et provincial du fait de leur lien avec l'économie par le biais de la TPS et de la TVP. Il s'agit d'un modèle différent qui, comme le comprend, je pense, parfaitement bien le sénateur, ne fonctionne pas très bien. Nous avons toujours prôné le concept du partage avec les municipalités des revenus en provenance de la croissance amenée par la consommation. Nous n'y sommes pas très souvent parvenus, mais il a été question, dans les plus grosses collectivités, de revoir une nouvelle fois cette question. Vous avez peut-être entendu parler de ce concept.

Le sénateur Eggleton : Vous avez mentionné la taxe de vente ou la taxe à la consommation. Qu'en est-il de l'impôt sur le revenu? Y a-t-il, aux États-Unis ou en Europe, d'autres paliers de gouvernement qui reçoivent un pourcentage de l'impôt sur le revenu?

M. Steeves : C'est exactement la même chose. Je suis tout à fait d'accord. Je ne connais aucun modèle canadien que nous pourrions suivre, mais nous avons vu d'autres endroits dans le monde qui font cela : il y a une formule de participation. Cela est meilleur que de faire compter les municipalités sur l'expansion de leur assiette territoriale comme unique moyen d'augmenter leur revenu, et c'est ce qui explique l'expansion tentaculaire des villes. La raison à cela, et c'est ce qui séduit les planificateurs urbains, est que cela représente leur seule vraie source de nouveaux revenus.

Si vous changiez le cadre et élaboriez un modèle axé sur le renversement d'impôt sur le revenu ou de taxe à la consommation, alors vous verriez des administrations municipales davantage entrepreneuriales. Celles-ci chercheraient à augmenter la vitesse de circulation des capitaux au sein de leur économie, comme le peuvent les gouvernements fédéral et provinciaux du fait de leur lien aux taxes expansionnistes des genres que j'ai mentionnés.

Le sénateur Eggleton : Le maire Miller était présent à une soirée à laquelle j'ai moi aussi assisté hier soir à Toronto. M. Miller a souligné que le National Trade Centre, dans le centre-ville de Toronto, dont j'avais appuyé la construction lorsque j'étais responsable de l'infrastructure au sein du gouvernement fédéral, avait bénéficié d'investissements considérables de la part des gouvernements fédéral, provincial et municipal. Les trois paliers de gouvernement se sont partagé les coûts. Cependant, les gouvernements fédéral et provincial ont, depuis, récupéré tout leur argent de l'investissement, alors que le gouvernement municipal n'a rien retiré en retour, les taxes foncières ne s'appliquant pas à cet immeuble à propriété municipale.

Je pense que cela illustre le fait que, bien que les gouvernements de niveau supérieur récupèrent de l'argent par le biais des taxes à la croissance, dont ne disposent pas les gouvernements locaux, cela ne crée pas la même situation équitable pour les municipalités.

Le sénateur Stratton : L'impôt foncier résidentiel me déplaît. Cela ne fonctionne pas, comme vous l'avez clairement fait ressortir, monsieur Steeves. Le sénateur Eggleton a fait état de ses antécédents comme maire de Toronto.

Lorsque vous parlez d'une taxe à la consommation, vous l'examinez dans le but d'en traiter sans que cela ne devienne trop compliqué. À mon avis, vous ne voudriez même pas vous intéresser à l'impôt sur le revenu, car cela devient assez terrifiant.

Une réduction d'un point de pourcentage de la taxe de vente, par exemple de la TPS, contribuerait-elle sensiblement à résoudre ce genre de problème? Je pense que vous devriez vous concentrer et insister là-dessus. Pour réaliser ce que vous voulez, il vous faut, comme vous l'avez dit, quelque chose qui croîtra dans le temps et qui ne sera pas fixe. Votre approche devrait être de pousser le gouvernement pour qu'il vous consente un point de taxe.

À mon avis, nous devrions nous attacher à éliminer dans toute la mesure du possible l'impôt foncier sur les résidences et les taxes scolaires. Les propriétaires ne devraient pas avoir cela dans leur assiette, et nous devrions avancer dans ce siècle avec cela en tête. Je sais que vous devez discuter avec le palier provincial des taxes scolaires. De toute façon, c'est sur les municipalités qu'est rejeté le blâme.

Ne voudriez-vous pas vous concentrer sur quelque chose comme cela au lieu de naviguer dans le flou? Qu'on lance la charge et qu'on exerce des pressions pour que la chose se fasse.

M. Steeves : Absolument, et je tiens à remercier le sénateur de ces commentaires. Franchement, il vient de dire des choses dont j'aurais dû faire état dans ma déclaration.

Les taxes scolaires sont un dossier énorme pour les municipalités. La raison pour laquelle la situation est si aiguë au Manitoba et en Saskatchewan est que ces taxes représentent plus de 50 p. 100 du rôle de perception d'impôts fonciers locaux. Si vous payez des impôts fonciers au Manitoba ou en Saskatchewan, plus de la moitié de cet argent est versé directement à la division scolaire locale, ce qui est onéreux et empêche la levée de revenus supplémentaires pour les municipalités dans ces deux provinces.

Dans le reste des provinces, les taxes scolaires tournent autour de 25 p. 100. Il y a cinq provinces et territoires pour lesquels il n'y a aucune composante de taxes scolaires. Voilà encore un autre exemple des inégalités provinciales qui existent dans le pays.

Le sénateur a tout à fait raison dans son affirmation qu'un pourcentage de la TPS qui serait fonction de la croissance serait idéal. Comme vous le savez tous, 1 p. 100 de l'actuelle TPS correspond à environ 5 milliards de dollars de revenu pour le Canada. Nous savons que le gouvernement fédéral est en train de discuter de la possibilité d'apporter des changements sur ce plan.

Il y a environ cinq ans, nous avons lancé l'idée que ce serait peut-être la façon la plus prudente et la meilleure d'améliorer la situation économique des municipalités grâce à un financement axé sur la croissance, mais rien n'a été fait. Cependant, nous sommes passés de cela au financement axé sur la taxe sur l'essence. Cela était principalement lié à l'infrastructure, car c'était là la principale préoccupation, et c'était un modèle de paiement par l'utilisateur. Voilà vers quoi nous avons évolué.

Vous avez entendu les maires des grandes villes parler de ce point de pourcentage de la TPS, encore une fois parce qu'ils voient la même chose que le sénateur, soit que ce serait une solution plus directe et plus conséquente en ce qui concerne le déficit d'infrastructure. Cela viendrait également changer du tout au tout la mentalité et la structure de l'administration municipale, la transformant d'une économie fondée sur les avoirs immobiliers en une économie davantage entrepreneuriale caractérisée par une plus rapide circulation des capitaux. Je maintiens qu'il s'agit là de l'une des choses les plus excitantes que nous pourrions faire en tant que pays.

Cela transformerait Montréal, Winnipeg, Vancouver, Estevan et Lethbridge en des endroits qui essaieraient de générer des événements et des revenus dans leurs propres municipalités, au lieu de tout simplement ériger davantage d'immeubles.

Le sénateur Eggleton : Vous réclamez une stratégie nationale de transports en commun, Vous avez souligné que le Canada est le seul pays du G8 dans lequel il n'y a pas de participation fédérale au financement de transports en commun nationaux.

D'après mon souvenir, la situation à ce niveau-là est semblable à la situation des taxes foncières, en ce sens qu'au Canada l'on compte beaucoup plus sur la boîte de perception que dans d'autres pays, tout comme on compte beaucoup plus ici qu'ailleurs sur l'impôt foncier.

Sauf erreur, mon propre réseau à Toronto est tel qu'environ 80 p. 100 du financement provient de la boîte de perception, tandis qu'à New York, c'est 45 p. 100, le restant, dans chaque cas, relevant d'un programme fédéral ou fédéral-provincial, ou fédéral-État aux États-Unis. Comment cette situation se compare-t-elle à celle d'autres pays?

M. Steeves : Merci, encore une fois, de cette question. Ma réaction instinctive à ces 80 p. 100 et 40 p. 100 est de dire que ces parts s'inscrivent sans doute en haut de la fourchette pour les municipalités, pour ce qui est de ce que cette boîte de perception représente dans le coût total d'exploitation d'un système de transports en commun.

Je sais que dans l'ouest du pays, et surtout dans les municipalités qui n'ont pas de réseau de transport rapide, ce serait sans doute inférieur à 40 p. 100. Dans des localités comme Winnipeg et Québec, où il n'y a pas de transport terrestre à grande vitesse qui puisse produire de tels revenus d'exploitation, le pourcentage tomberait sans doute à environ 30 p. 100 des revenus d'exploitation. La raison pour laquelle des villes comme New York et Toronto affichent de si forts pourcentages est sans doute parce qu'elles sont dotées de réseaux de transport rapide qui leur procurent beaucoup de revenus.

Bien sûr, le côté négatif, ou la difficulté, est que les réseaux de transport rapide coûtent extrêmement cher, comme vous le savez fort bien. Ce n'est rien de dépenser 1 milliard de dollars pour un important tronçon de métro dans une grande ville. Une personne est venue nous rendre visite de New York et a parlé de l'installation de la ligne de métro de Second Avenue. Croyez-le ou non, il en a coûté 1 million de dollars le pied pour construire cette ligne de métro. Les coûts sont astronomiques. Si une ville comme Winnipeg ou Québec envisage de se lancer dans le monde du transport en commun rapide, le prix de la construction de lignes neuves est presque prohibitif. Calgary et Edmonton sont en train d'essayer d'élargir leurs réseaux relativement modestes. Il est essentiel que les gouvernements fédéral et provinciaux deviennent d'importants joueurs dans ces projets.

Vous me corrigerez si j'ai tort, mais nous avons constaté l'élimination graduelle de la Fiducie d'investissement pour les transports en commun. Tout a été versé dans le nouveau Fonds Chantiers Canada, et on nous dit que les municipalités pourraient y puiser des fonds pour des projets comme le transport en commun, mais cela demeure encore vague. L'important est qu'en l'absence de fonds réservés au transport en commun, il s'agit d'une rubrique si coûteuse que certaines municipalités ne disposeront peut-être pas des moyens nécessaires.

Le président : Monsieur Steeves, lorsque vous parlez de municipalités, quel est l'ordre de grandeur que vous avez en tête? Vous avez parlé des grandes villes.

M. Steeves : Sénateur, j'ai en tête les villes de toutes les tailles. Je m'excuse si je vous ai donné l'impression de ne m'intéresser qu'aux grandes villes. La Fédération des municipalités canadiennes représente toutes les municipalités du pays, quelle qu'en soit la taille, dans le pays tout entier. Cela inclut la ville de Toronto jusqu'aux municipalités d'une centaine d'âmes seulement.

Le président : La Fédération canadienne des municipalités est-elle une organisation bénévole?

M. Steeves : Chaque membre paie une cotisation par tête d'habitant.

Le sénateur Nancy Ruth : Je suis fascinée par cette discussion car, dans votre rapport, vous dites très clairement que les Canadiens paient suffisamment de taxes. Cette discussion parle de prendre un point de ceci, un point de cela et peut- être d'ajouter une nouvelle taxe. De quel côté êtes-vous quant à l'augmentation des taxes ou la création de nouvelles pour le contribuable?

M. Steeves : Très juste, et c'est là une question tout à fait légitime et excellente qui mérite une réponse.

La politique de notre organisation est que nous ne voulons pas augmenter le fardeau fiscal total des Canadiens. Le Conference Board of Canada nous a dit que les gouvernements municipaux se débrouillent en fait assez bien dans les limites de leurs possibilités financières. Notre sentiment est qu'au cours de la dernière décennie on a vu les gouvernements fédéral et provinciaux travailler, dans une plus grande ou une moindre mesure selon le cas, avec de très importants surplus. Notre impression est qu'il y aurait moyen, dans le contexte des régimes fiscaux fédéraux- provinciaux-municipaux généraux, de satisfaire aux besoins des municipalités avec un rajustement fiscal destiné à combler le déficit d'infrastructure. C'est pourquoi nous aimons bien citer cette statistique au sujet du fait que les municipalités ne reçoivent que 8 ¢ par dollar d'impôt. Cela est très parlant.

Lorsque les gens se promènent dans leur ville, se rendent à diverses activités municipales ou, dans leur petite localité, à leur centre communautaire, tout cela est couvert, sur une base quotidienne, par la municipalité. La statistique que je viens de citer illustre clairement qu'il s'agit d'un scénario fort difficile à l'intérieur duquel travailler. Franchement, nous n'essayons pas d'augmenter ce dollar, mais d'augmenter cette part de 8 ¢, à l'intérieur du dollar.

Le sénateur Nancy Ruth : Qui va perdre étant donné que vous voulez que le fédéral paie pour les métropolitains et tout le reste?

M. Steeves : Nous n'aimons pas utiliser le mot « perdre ». Nous savons que le gouvernement fédéral a la bonne attitude pour ce qui est des surplus. Le gouvernement sait comment traiter, de façon équitable, des surplus. Nous avons vu le gouvernement fédéral éliminer un point de la TPS, et il serait question d'en enlever encore un. Nous savons que chaque point représente environ 5 milliards de dollars.

Nous sommes, périodiquement, obligés de regarder des exemples terribles et tragiques, comme par exemple l'effondrement du passage supérieur à Laval, et un incident semblable l'autre jour à Toronto. Notre suggestion est que si nous savons qu'il y a un surplus au niveau fédéral, et nous le savons, et si nous savons qu'il y a un déficit dans l'infrastructure, et nous le savons, alors le gouvernement fédéral devrait transférer ce surplus aux gouvernements municipaux. La chose serait assez facile à appuyer. Nous suggérons ce transfert car nous voyons en nos villes et collectivités les moteurs de l'économie canadienne. Nous voyons l'infrastructure comme étant l'armature même de nos économies. Il n'y a pas un seul élément de notre économie qui n'utilise pas chaque jour le réseau d'infrastructure.

Il s'agit là d'un virage cognitif que nous essayons de faire prendre aux Canadiens, au Sénat, nous l'espérons et, bien sûr, à l'autre Chambre également. Je reviens à la discussion que nous avons eue plus tôt au sujet des taxes foncières. Nous nous en occuperions nous-mêmes s'il n'y avait pas cette idée que les municipalités sont liées poings et pieds à un régime plutôt régressif de génération de revenu.

Le sénateur Nancy Ruth : Pourriez-vous nous dire quel serait votre échéancier pour obtenir que les roues des différents gouvernements repartent dans la direction que vous souhaitez? Vous n'êtes pas simplement en train de comparaître devant le comité; vous avez esquissé tout un plan. Pourriez-vous nous éclairer quant à votre plan?

M. Steeves : Avec plaisir. Peut-être que je n'ai pas été assez gentil envers le gouvernement fédéral dans mes remarques. Je reconnais que le gouvernement fédéral a fait beaucoup de chemin au cours des six ou sept dernières années sur le plan du financement en faveur des municipalités. Il y a eu la taxe sur l'essence et la TPS. Il y a eu un certain nombre d'améliorations formidables. Nous avons vu, dans le cadre du dernier budget, le prolongement de l'arrangement relatif à la taxe sur l'essence de 2010 à 2014.

Notre échéancier est dicté par le fait que le déficit existe à l'heure actuelle. Nos demandes sont sur la table en ce moment. Nous suivons le dossier depuis suffisamment longtemps, maintenant, tout comme vous, pour comprendre que ces choses ne peuvent pas se faire du jour au lendemain. Nous avons toujours travaillé avec des délais raisonnables dans le cas de n'importe quel autre palier de gouvernement avec lequel nous avons traité. Nous espérons voir une augmentation annuelle du montant correspondant à la taxe sur l'essence et au nouveau Fonds Chantiers Canada.

Nous n'avons à l'heure actuelle pas une très bonne prise avec le gouvernement fédéral pour des choses comme la TPS et le partage des recettes en provenance de taxes à consommation, alors j'hésiterais à fixer des délais pour cela. Je ne voudrais pas faire de promesses exagérées ni laisser entendre que la chose pourrait être faite dans un délai donné, mais cela est sur la table depuis plusieurs années.

Le sénateur Di Nino : J'aimerais demander un ou deux éclaircissements. Lorsque vous avez parlé du délestage, je pense vous avoir entendu dire que le logement a été abandonné en aval dans différentes parties du pays. Parliez-vous là des logements subventionnés et(ou) de l'aide au logement, par opposition au logement en général?

Christian Laverdure, directeur adjoint, Politiques, Fédération canadienne des municipalités : Oui, nous parlons de logements abordables, avec l'aspect sans-abri. Le cas le plus visible est la province de l'Ontario, mais il se fait du délestage dans d'autres provinces également. Je pense que le Québec et l'Alberta vivent des problèmes du fait du délestage.

Le sénateur Di Nino : Le deuxième point d'éclaircissement concerne votre fameux exemple du dollar et des huit cents. Ai-je raison de dire que les huit cents n'englobent pas les taxes foncières, les droits ou d'autres revenus que touchent les municipalités?

Gabriel Miller, analyste principal des politiques, Fédération canadienne des municipalités : Merci de la question. Les huit cents englobent toutes les taxes qui sont perçues et versées aux gouvernements locaux. Cela n'inclut pas les frais d'utilisation. Les frais versés en contrepartie d'un service ne sont pas considérés comme une taxe, mais cela inclut toutes les taxes foncières ainsi que les paiements tenant lieu d'impôts que nous recevons du gouvernement fédéral.

Le sénateur Di Nino : En ce qui concerne la planification urbaine, nous avons entendu parler de l'étalement tentaculaire des zones urbaines. Aux yeux de beaucoup de gens, cet étalement est coûteux, crée un ensemble de problèmes différents et amène un problème encore plus coûteux pour les villes.

Il a été suggéré par certains que les villes de demain, par opposition tout particulièrement aux plus petites municipalités, seront des villes du genre de Hong Kong, avec des gratte-ciel et ainsi de suite. Auriez-vous quelque commentaire à faire à ce sujet?

M. Steeves : Cela est essentiel au développement des villes. Je devine, à la question que vous venez de poser, que vous avez étudié les toutes dernières données de recensement montrant que les zones qui enregistrent la plus forte croissance dans notre pays sont en vérité les ex-zones urbaines des régions métropolitaines. Je veux parler des villes qui connaissent une croissance rapide : Mississauga, Surrey et Sherwood Park. Le problème est qu'au fur et à mesure de l'expansion à plus faible densité des villes, vous avez, proportionnellement, moins de contribuables qui paient pour davantage d'infrastructure. Comparez Winnipeg à la ville de Manhattan. Si vous avez 20 pieds de rue devant une maison de banlieue par opposition à 20 pieds de rue devant une tour à Manhattan, vous avez 15 contribuables à Manhattan qui paient pour ce tronçon routier, et un seul contribuable payeur à Winnipeg. C'est l'illustration la plus simple que je peux donner.

Au fil du temps, du fait des régimes de taxes foncières, les villes sont devenues dépendantes de nouvelle expansion pour de nouvelles recettes, et la seule façon pour elles de réussir cela est d'être myopes en ce qui concerne l'élargissement des zones ex-urbaines autour de leur cœur. Les plus petites villes, dont vous parliez, sont celles qui ont de plus en plus de désincitatifs à l'étalement sur le plan zonage et d'incitatifs de zonage en faveur de développement plus intense dans le centre-ville, dans le but de créer des collectivités davantage axées sur la marche. Vancouver, avec son métro GVRD, est l'un des meilleurs exemples de ce phénomène.

Encore une fois, une partie du défi pour ces genres d'endroits est que lorsqu'il y a de la place pour de l'expansion autour d'une ville, les municipalités voisines s'efforcent d'obtenir une part du développement. Si les temps de déplacement domicile-travail sont suffisamment raisonnables, les villes se trouvent en concurrence avec les municipalités environnantes qui n'ont pas de régime de planification régionale, et cela devient le défi de la croissance urbaine.

Le régime fiscal dont nous parlons ce matin a fait de cela un incitatif valable pour les urbanistes. Cela est malheureux, mais c'est ce qui s'est passé.

Le sénateur Di Nino : Cela rejoint également la question du jour, soit l'environnement. Il y aurait encore des avantages de ce côté-là, n'est-ce pas?

Vous avez parlé du transfert de recettes fiscales. Y a-t-il dans le monde des municipalités qui ont des pouvoirs de taxation? J'ai comme l'impression qu'il doit y en avoir. Que diriez-vous de la cession aux municipalités d'une certaine taille, qui serait à déterminer, de pouvoirs propres de taxation?

M. Steeves : Pour répondre directement à votre première question, oui, il y a plusieurs exemples de municipalités, aussi proches qu'aux États-Unis. Il existe différents régimes d'impôt sur la consommation et d'impôt sur le revenu pour ce qui est des proportions qui sont versées aux villes, mais les exemples de villes qui bénéficient de ce genre de revenu ne manquent pas.

Le défi direct qui existe au Canada est qu'en ce qui concerne les provinces, c'est le palier provincial qui a le pouvoir exclusif d'accorder un tel pouvoir à une municipalité. Que les municipalités se voient accorder une partie de la TPS, par exemple, dans une province donnée, a fait l'objet de débats vifs et vigoureux dans plusieurs villes et provinces du Canada.

La réalité politique est que cela exigerait du gouvernement provincial qu'il cède un point de pourcentage de sa source de revenus pour l'allouer aux municipalités. Pour parler gentiment, la chose est toujours difficile à vendre dans le cadre de négociations municipales-provinciales, mais ce n'est pas faute d'en discuter vigoureusement et continuellement au niveau municipal-provincial. Mais nous aurons peut-être de plus en plus cette même discussion au niveau fédéral également, cette fois au sujet de la TPS.

Aussi difficile que cela puisse parfois être de faire adopter des taxes à la consommation, une fois celles-ci bien en place, les gens les reconnaissent comme étant une importante source de revenus, surtout dans le contexte d'une économie forte comme celle que nous avons ici au Canada depuis 10 ans maintenant. Il aurait été bien qu'une partie de cette croissance économique bénéficie au palier municipal.

Le sénateur Di Nino : Vous avez parlé de la réalité politique. Nous comprenons tous cela, surtout dans ce sport qui est le nôtre. Le problème est que vous demandez aux provinces et au gouvernement fédéral d'augmenter ou de réduire les impôts en fonction des avantages qui reviendraient aux municipalités. L'un des arguments mis de l'avant par les municipalités quant à la possibilité qu'elles aient leur propre pouvoir de taxation est que le contribuable verrait alors la municipalité comme étant l'instigateur de la taxe, ou le responsable de la non-réduction des taxes. Cela n'est-il pas également une réalité politique?

M. Steeves : Je suppose que c'est là une réalité politique aux deux niveaux. Si je comprends bien votre question, et si tout d'un coup les municipalités avaient le pouvoir, par exemple, d'imposer une TVP ou taxe de vente municipale, qui est l'expression un peu fantaisiste que l'on utilise périodiquement, il se pourrait que des pressions soient de temps à autre exercées sur le palier municipal.

Notre réponse serait que nous avons remporté énormément de succès au niveau municipal en parlant aux contribuables de la nécessité d'éléments d'infrastructure dans leurs collectivités. Il est vraiment remarquable de voir à quel point les contribuables semblent comprendre le fait que l'infrastructure a besoin d'aide dans les collectivités canadiennes. Les gens semblent saisir cela de façon intuitive. Ils voient leurs centres communautaires, leurs routes et ils disent, oui, j'appuie cette prémisse.

De l'autre côté de la médaille, nous avons vu certains gouvernements opter pour un modèle de TVH, de taxe de vente harmonisée, s'il y a moyen de combiner TPS et TVP. Je ne suis pas un expert en matière de taxe de vente harmonisée, car ce n'est pas ce que nous avons en Alberta, mais s'il y a moyen de faire cela, alors il y aurait moyen de faire cela avec, également, une taxe de vente municipale, sans que cela n'alourdisse le fardeau d'ensemble.

Ces possibilités existent et, sur le plan politique, j'aimerais bien connaître pendant un temps ce problème afin de voir ce que cela donne, mais je pense que ce serait gérable.

Le sénateur Murray : Passons à vos recommandations. Vous voulez que la taxe fédérale de vente sur l'essence soit permanente, et assortie d'une clause de sauvegarde pour protéger sa valeur au fil du temps.

Le dernier chiffre que j'ai pu obtenir indique que la taxe fédérale sur l'essence est de 11 ¢ le litre. Nous savons, d'après les comptes publics de 2005-2006, que le gouvernement fédéral a recueilli 3,9 milliards de dollars au titre de la taxe d'accise sur le combustible et l'essence. Si la taxe est de 11 ¢ le litre, pourquoi pensez-vous avoir besoin d'une clause d'indexation? Pensez-vous que les gens achèteront moins d'essence? Craignez-vous que le gouvernement fédéral réduise la taxe sur l'essence?

M. Steeves : Pour que les choses soient bien claires, je ne sais pas quelle est la taxe d'accise totale sur l'essence. Notre part n'est pas de 11 ¢ le litre.

Le sénateur Murray : Bien sûr que non. Il s'agit là de la part du gouvernement fédéral, qui en reverse une partie aux municipalités.

M. Steeves : Cette année, les remises de taxe sur l'essence sont de l'ordre de 800 millions de dollars.

Le sénateur Murray : J'ai moi aussi ces chiffres.

M. Steeves : Elles vont atteindre environ...

Le sénateur Murray : Deux milliards.

M. Steeves : D'ici 2010-2011.

Le sénateur Murray : Pourquoi avez-vous besoin d'une clause de sauvegarde? Ce n'est pas un pourcentage; c'est un tarif fixe de 11 ¢ le litre.

M. Steeves : Vous avez raison. La taxe sur l'essence est en quelque sorte une notion, et le chiffre lui-même est notionnel. Bien que cela s'appuie sur la taxe sur l'essence à ce stade-ci, il s'agit d'un chiffre fixe, quoi qu'il advienne des ventes de carburant.

Le sénateur Murray : Connaissez-vous le chiffre fixe?

M. Steeves : Oui, pour les cinq prochaines années. Est-ce cela que vous demandez?

Le sénateur Murray : Je connais le montant total. Il est de 800 millions de dollars cette année. Il sera de 1 milliard de dollars l'an prochain et de 2 milliards de dollars par la suite. Que cela représente-t-il? Est-ce un pourcentage de ce qui est prélevé? Comment le montant total est-il calculé?

M. Miller : À l'origine, l'idée était que cela passerait progressivement à cinq cents le litre.

Le sénateur Murray : Vous voulez dire cinq cents sur les 11 ¢?

M. Miller : Je pense que oui, cependant, comme le disait M. Steeves, l'idée au départ était celle d'un pourcentage de la taxe sur l'essence perçue, mais aujourd'hui on parle du transfert total que le gouvernement s'engage à nous verser.

Pour pousser un pas plus loin la discussion et répondre à votre question quant à la nécessité d'une cause de sauvegarde, nous voyons un engagement à faire passer cela à 2 milliards de dollars par an, et un transfert du gouvernement fédéral aux municipalités, par l'intermédiaire des provinces. Notre souci, si cela devait devenir permanent, est que nous aimerions conserver la valeur de ce transfert à nos collectivités en la protégeant contre l'inflation mais également contre les effets de la croissance démographique et de l'expansion économique.

Le sénateur Murray : Les gens continueront d'acheter de l'essence au moins au même rythme qu'aujourd'hui. La clause de sauvegarde, c'est la croissance économique.

M. Miller : Je comprends ce que vous dites, sénateur, mais pour ce qui est de la façon dont nous discutons présentement de cela avec le gouvernement fédéral, son approche est fondée sur le montant qu'il nous transférera. Elle n'est pas tant liée à la consommation, sauf de façon conceptuelle.

Le sénateur Murray : Vous dites que le gouvernement fédéral pourrait entamer la transition en élargissant les critères d'admissibilité des projets pour le transfert de taxe sur l'essence. Cela permettrait aux gouvernements municipaux de consacrer leur part des fonds en provenance de la taxe sur l'essence à leurs priorités locales, et vous dites « qu'il s'agisse d'éléments d'actif comme les transports en commun ou les réseaux d'aqueducs, comme c'est le cas actuellement, ou de nouveaux projets admissibles comme des installations sportives, des bibliothèques, des parcs ou d'autres infrastructures sociales ».

Ce n'est pas pour être argumentatif ou contrariant, car je n'ai pas de parti pris en la matière, mais ce que vous êtes en train de dire ici est que vous voulez que la taxe sur l'essence soit transférée de façon inconditionnelle. L'alternative, une fois élargie l'admissibilité des projets, est tout un tas de fonctionnaires à Ottawa qui épluchent différents projets pour en déterminer l'admissibilité.

M. Steeves : Moins il y a de conditions, bien sûr, mieux ce sera. Mais je tiens à souligner que nous ne nous immiscerions jamais dans le cadre opérationnel du financement. Cela ne ferait jamais partie de nos demandes. Ce serait toujours axé sur l'infrastructure. Voilà ce que je dirais.

Le sénateur Murray : Très bien.

M. Steeves : Ce serait fondé sur les immobilisations.

Le sénateur Murray : Cela serait suffisamment large.

Le même commentaire vaut pour la déclaration suivante que vous faites :

Le gouvernement devrait aussi garantir qu'une bonne part des nouveaux programmes d'infrastructure soient consacrés expressément à des projets municipaux et que le financement pour les projets soit disponible pour répondre aux besoins des petites villes et des collectivités rurales, isolées et du Nord.

Qu'entendez-vous par « une bonne part des nouveaux programmes d'infrastructure soient consacrés expressément à des projets municipaux », par opposition à quoi, à des routes provinciales? Est-ce de cela que vous parlez?

M. Steeves : Ce sont, j'imagine, les mots « province » et « territoire » qui posent problème. Avant le nouveau Fonds Chantiers Canada, il y avait des fonds comme le Fonds sur l'infrastructure municipale rurale et le Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique.

Le sénateur Murray : Le Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique, le Fonds pour l'infrastructure frontalière, le Fonds sur l'infrastructure municipale rurale et la Fiducie d'investissement pour les transports en commun sont en train d'être éliminés graduellement.

M. Steeves : Tous ces fonds prévoyaient une importante participation municipale dans la détermination des priorités, ce que nous souhaitions. Notre inquiétude quant au nouveau Fonds Chantiers Canada est que nous ne savons pas très bien où s'y inscriront les municipalités, pour ce qui est des priorités.

Le sénateur Murray : Faut-il que l'argent soit réservé exclusivement à des projets municipaux? Pourquoi les provinces ne tirent-elles pas un trait en disant que tel pourcentage est le nôtre et tel pourcentage est le vôtre? Elles peuvent vous donner un peu de leur part, « leur » étant la province. Je suis à la recherche de solutions.

M. Steeves : Une certaine clarté autour de cette question serait tout à fait la bienvenue. C'est ce que nous recherchons. Nous sommes inquiets car cette clarté n'existe pas à l'heure actuelle.

Le sénateur Murray : Passons maintenant aux transports en commun. Ce sera ma dernière question.

Il m'a fallu 90 minutes, comme tous les matins à l'heure à laquelle je pars, pour faire 60 kilomètres sur une très bonne route à chaussées séparées. Or, je sais très bien qu'il y a d'autres endroits dans ce pays qui ont des besoins bien plus grands que la région de la capitale nationale, alors je ne me plains pas.

La question est la suivante : un gouvernement fédéral peut-il établir un ordre de priorité lorsqu'il est question des transports en commun? Je pense que ce sont les grandes villes qui ont les plus grands besoins. Un gouvernement fédéral oserait-il dire que votre besoin est moindre, lorsqu'il est question de financement de ce genre? Un gouvernement fédéral pourrait faire cela sur la base de quelque examen rationnel, mais il y aurait tout un tollé politique et vous autres ne nous aideriez pas du tout. Vous partiriez vous cacher car vous ne voudriez pas monter les municipalités les unes contre les autres. De combien de marge disposerait un gouvernement fédéral s'agissant d'établir un ordre de priorité des besoins face aux problèmes des transports en commun dans ce pays?

M. Steeves : Vous avez mis dans le mille en ce qui concerne notre organisation. J'apprécie votre intuition.

Notre organisation se démène bien sûr pour équilibrer les intérêts des petites et des grosses municipalités. Vous avez tout à fait raison en ce qui concerne les défis politiques. Ce vers quoi nous avons évolué, et ce qui a fonctionné du point de vue municipal, est que lorsque le gouvernement fédéral, comme il l'a fait par le passé, consacre des fonds à une stratégie de transport en commun national, si c'est ce qu'il choisit de faire, alors, de facto, il se concentre sur les grandes villes. En réalité, il n'y a, dans les plus petites localités, aucune grosse composante transports en commun. Cela peut paraître difficile au départ, mais, d'une façon un petit peu étrange, cela permet aux plus grosses villes de s'occuper des besoins de transport en commun rapide des plus grosses collectivités. Cela permet au Fonds sur l'infrastructure municipale rurale, anciennement le Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique, et tous les fonds destinés à l'infrastructure, de fonctionner de façon plus égale d'un bout à l'autre du spectre, qu'il s'agisse de petites ou de grandes collectivités. Les plus petites collectivités reconnaissent tacitement depuis plusieurs années que s'il existe un fonds distinct pour les transports en commun, alors les petites municipalités diront : « Nous reconnaissons qu'il existe un besoin dans les grosses villes, que c'est une bonne chose à avoir et que cela fonctionne ». Cela donne à tout le monde de bonnes chances aux autres niveaux de financement d'infrastructure municipale, conformément à l'évolution que cela a vécu au cours des cinq dernières années. Le défi avec le nouveau Fonds Chantiers Canada, dont vous avez fait état directement, est qu'aujourd'hui tout se retrouve de nouveau dans le même bassin et nous pourrions recommencer à connaître les mêmes problèmes. C'est pourquoi notre stratégie nationale pour les transports en commun demande, si je vous comprends bien, exactement ce que vous préconisez. Il existe un besoin de stratégie nationale de transport en commun ciblée, un volet de financement particulier qui a été supprimé et, espérons-nous, reviendra apaiser les inquiétudes entre les petites et les plus grosses municipalités. Je pense en vérité que cela s'imbrique bien avec la fiducie d'investissement pour les transports en commun et tout le reste, la plus grosse partie, à la disposition des plus grandes municipalités, dans ce contexte. Lorsque je dis que cela « fonctionne », j'entends par là que cela fonctionne, sur le plan pratique, pour les projets d'infrastructure et que cela fonctionne sur le plan politique, et cela a fonctionné pendant nombre d'années. Nous aimerions bien, si la chose était possible, revenir à cela.

Le sénateur Murray : L'une des choses que je dois comprendre, tout comme d'autres, est la suivante : cela ignore-t-il le rôle des provinces? Pendant de nombreuses années, nous avons été accusés d'ignorer les municipalités dans nos discussions au sujet des relations intergouvernementales, tout particulièrement en ce qui a trait aux finances intergouvernementales. Je prends pour moi ce reproche. Nous sommes maintenant engagés dans des discussions directes avec les municipalités, ce qui est une bonne chose. J'espère que nous ne courons pas le risque d'ignorer les provinces. Il nous faut faire en sorte de tenir compte des trois paliers.

M. Steeves : Je comprends ce que vous dites, sénateur, mais, compte tenu du dernier budget que nous avons vu, je ne pense pas que l'actuel gouvernement fédéral puisse être accusé d'ignorer les provinces.

Le sénateur Murray : Non, je voulais parler des dossiers municipaux.

M. Steeves : Oui.

Le président : Le sénateur Eggleton a une courte question supplémentaire, pour enchaîner sur la question du sénateur Murray.

Le sénateur Eggleton : Le sénateur Murray a parlé des transports en commun. Le dilemme qui s'est présenté avec l'ancien gouvernement lorsque des fonds ont été transférés a été celui de savoir quelle était la base du transfert. La plupart des fonds visant l'infrastructure sont transférés selon une formule par tête d'habitant. Pour ce qui est du financement du transport en commun, en tout cas dans le contexte torontois, la ville de Toronto, avec deux millions et demi de personnes, représente la moitié de la population de la région métropolitaine de Toronto. Avec une formule par tête d'habitant et les cinq millions d'habitants de la région du Grand Toronto, 50 p. 100 de l'argent serait allé à la ville de Toronto. Le maire a fait valoir que la formule de 50 p. 100 par tête d'habitant est une chose, mais que 90 p. 100 des usagers des transports en commun se trouvent dans la ville de Toronto, et sont clients de la Toronto Transit Commission. Comment travailleriez-vous avec cette formule?

M. Steeves : Voici comment nous avons fait, et cela a fonctionné.

Il y avait des fonds alloués spécifiquement pour le transport en commun dans le cadre du financement d'ensemble de l'infrastructure, et il y avait une proportion variable selon la province. Par exemple, dans une province, il pouvait y avoir une allocation de 75 p. 100 par tête d'habitant, les 25 p. 100 restants du financement pour l'infrastructure étant en vérité distribués selon le coefficient de remplissage au transport en commun. Ce que cela a donné, sur le plan pratique, c'est que dans les provinces, les 75 p. 100 étaient répartis entre tout le monde, et les plus grosses villes conservaient malgré tout leur part; les autres 25 p. 100 étaient répartis selon le taux de fréquentation des transports en commun, ce qui éliminait, de facto, la plupart des plus petites localités, et cet argent pouvait donc être directement affecté aux besoins en matière de transport en commun. Je ne suis pas aussi renseigné au sujet de l'expérience torontoise, mais ces allocations par tête d'habitant ont été faites par les provinces. Encore une fois, la situation dans chaque province était différente, mais le système a fonctionné. Les provinces et les municipalités, à condition d'être à la table et de comprendre, ont toujours réussi à trouver un moyen de s'entendre. Voilà quelques exemples de la façon dont cela a fonctionné.

Le sénateur Eggleton : Si vous disposez de suffisamment d'argent, vous pouvez faire en sorte que cela fonctionne.

M. Steeves : Oui, assurément.

[Français]

Le président : Je donne la parole maintenant à un sénateur venant d'une petite collectivité, le sénateur Biron, de Mille-Îles au Québec.

[Traduction]

Le sénateur Biron : Comment la province de Québec réagit-elle à votre proposition que le gouvernement fédéral augmente son intervention ou ses subventions aux municipalités, et en quoi les municipalités du Québec proposent-elles des mécanismes qui soient acceptables au Québec?

[Français]

M. Steeves : Avec ses municipalités, la province de Québec est unique. Le Québec est la province la plus forte et la plus progressiste du pays.

Encore aujourd'hui, le Québec craint que le gouvernement fédéral négocie directement avec les municipalités. Actuellement, on travaille avec la province de Québec et il est plus difficile pour le gouvernement de faire son travail avec les municipalités du Québec. Christian a peut-être des détails à ajouter.

M. Laverdure : La Fédération canadienne des municipalités collabore avec l'Union des municipalités du Québec et la Fédération québécoise des municipalités. La plupart des municipalités apprécient le fait que la Fédération canadienne des municipalités parle au gouvernement fédéral au nom des municipalités.

La Fédération canadienne des municipalités veut faire partie des discussions et des consultations. Si le gouvernement fédéral établit des politiques qui affecteront les municipalités en bout de ligne, il doit parler aux intervenants au début du processus. Dans la mise en œuvre de ces politiques, il faut passer par la juridiction des provinces et des territoires. Notre intervention consiste à faire en sorte que la voix des municipalités puisse être clairement entendue.

Le président : Pour l'intérêt des sénateurs, nous avons invité l'Association québécoise des municipalités à assister à la réunion d'aujourd'hui. Les représentants de cette association ont dit que la Fédération canadienne des municipalités peut très bien parler au nom de tout le Canada, incluant le Québec.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Si on vous donnait le choix entre un pourcentage de la taxe sur l'essence et un pourcentage de la TPS, qui est la solution de 1 p. 100 dont sont en train de discuter David Miller et d'autres maires de grandes villes, que choisiriez-vous? Aimeriez-vous être dans la situation d'avoir à choisir?

M. Steeves : Je vais être tout à fait franc avec vous, sénateur. Clairement, 1 p. 100 de la TPS représente beaucoup plus d'argent qu'un pourcentage de la taxe sur l'essence, alors c'est ce que nous préférerions. Cependant, nous ne sommes pas activement engagés dans des négociations avec le gouvernement fédéral relativement à cette solution de 1 p. 100. J'imagine que la porte n'a pas été ouverte à la discussion depuis une perspective fédérale-municipale. Nous nous démenons pour obtenir quelque chose du côté du Fonds Chantiers Canada, de la taxe de l'essence et du financement pour les transports en commun. C'est là notre modus operandi depuis quelques années.

D'autre part, nous faisons mijoter l'idée de 1 p. 100 de la TPS, mais je ne voudrais certainement pas donner au comité ici réuni l'impression que cela est sur la table en tant que point de discussion actif.

Le sénateur Mitchell : Vous ne voulez pas perdre l'impulsion que vous avez dans les efforts que vous déployez à l'heure actuelle en ce sens. J'estime que l'un des plus importants dossiers de développement économique auxquels est aujourd'hui confronté notre pays est l'édification et le financement de nos villes, car ce sont elles qui sont les moteurs de l'économie. Je suis plutôt sensible à ce que vous dites et je penche en faveur de la solution de 1 p. 100.

Pour ce qui est de la stratégie nationale pour les transports en commun, vous avez mentionné une chose que nous entendons souvent. En ce qui concerne les transports en commun, une seule et même stratégie ne pourrait pas fonctionner et pour les grandes villes et pour les plus petites collectivités. Pourriez-vous, à cet égard, résumer les différents éléments et nous expliquer ce que cela veut dire? J'ai de la difficulté à comprendre ce que serait une stratégie nationale pour les transports en commun.

M. Steeves : La remarque est juste. Je pourrais peut-être demander aux deux administrateurs fort capables qui sont ici avec moi de fournir au comité le détail de la stratégie pour les transports en commun.

M. Miller : Pour vous situer un peu le contexte, cela signifie, tout d'abord, avoir une conversation entre les villes et les petites collectivités, et, comme l'a indiqué le sénateur Murray, avec les provinces, qui partagent la responsabilité quant aux transports en commun et qui y ont un intérêt clé.

Pour ce qui est de recommandations, je me ferais un plaisir de fournir au comité copie de la stratégie nationale pour les transports en commun de la FCM dans laquelle sont esquissées nos recommandations. Je vais peut-être oublier un ou deux éléments, mais l'une des recommandations, clairement, est qu'il y ait un financement permanent, prévisible et stable à long terme. Cela devrait être accompagné d'un plan pour intégrer nos investissements dans les transports en commun avec d'autres politiques à l'appui de l'utilisation des transports en commun et de l'occupation intelligente du territoire. L'efficacité de l'investissement dans les transports en commun dépend en grande partie, mais non pas entièrement, du genre de villes qui se construisent autour des réseaux de transport. Si le Canada décidait investir dans les transports en commun, alors nous aurions intérêt à veiller à ce que les investissements soient sages et efficaces. Au- delà de cela, il y a un rôle de leadership pour le gouvernement fédéral, afin de veiller à ce que les renseignements sur l'utilisation et la planification des transports en commun soient communiquées à l'échelle du pays d'une bien meilleure façon que ce n'est le cas à l'heure actuelle. Cela supposerait, entre autres, la réalisation de travaux de recherche à l'échelle tant nationale qu'internationale et l'établissement de mécanismes qui permettent aux villes et aux provinces de communiquer ces informations de façon plus efficace. Ainsi, lorsque les villes et les provinces utiliseraient leur part de toute contribution fédérale aux transports en commun ainsi que leurs propres fonds pour les transports en commun, elles le feraient conformément aux meilleures pratiques.

Le sénateur Mitchell : Excellent. Cela m'amène à la question de Kyoto, du changement climatique et du rôle que cela joue dans le contexte de la construction de villes. Les collectivités sont de plus en plus nombreuses à se pencher sur le défi posé par le changement climatique. Okotoks, en Alberta, a fait un travail remarquable sur le plan de la conservation d'énergie et de sources d'énergie de remplacement, et cela mérite d'être souligné.

M. Steeves : Nous faisons cela, sénateur.

Le sénateur Mitchell : Qu'est-ce qu'est en train de faire, généralement, votre organisation relativement aux objectifs de Kyoto et au changement climatique? Il me faudrait souligner le cas de Calgary et son engagement à dépasser les objectifs de Kyoto. Deuxièmement, quel élément du Protocole de Kyoto s'inscrirait dans la stratégie nationale pour les transports en commun? Existe-t-il un potentiel pour les villes de vendre des crédits, si elles dépassent leurs objectifs, de créer une nouvelle source de revenus?

M. Steeves : Ce sont là d'excellentes questions. Je vais faire quelques remarques générales, après quoi j'inviterai les membres de mon administration qui sont ici présents à compléter.

La bonne nouvelle dans la lutte contre le changement climatique, et vous avez mentionné Okotoks, dont nous avons souligné l'exemple, est que les villes de ce pays approchent dangereusement de la neutralisation de leurs GES. Il s'est fait des progrès remarquables, que les gens n'ont pas pleinement compris. Les villes approchent de ce niveau, et cela a été formidable. Les villes albertaines sont certainement des chefs de file.

Nous avons Partenaires pour la protection du climat, qui est un réseau de villes qui s'échangent leurs meilleures pratiques. Ce réseau PPC — quel acronyme — passe par toutes les étapes, à commencer par la ligne de base en ce qui concerne leurs émissions de GES. Les villes passent alors par cinq étapes d'élimination et de réduction, au niveau administratif — à l'interne et à l'intérieur de la ville — pour ensuite les étendre à la communauté dans son entier. Les villes ont effectué un travail formidable pour en arriver là.

Nous administrons pour le gouvernement fédéral le Fonds municipal vert, sorte de prêt tournant que nous mettons à la disposition des municipalités. Celles-ci font une demande de fonds en vue d'entreprendre des projets novateurs dans leur collectivité, par exemple traitement de l'eau, réseaux de transports en commun, planification urbaine et ainsi de suite, et elles remboursent alors l'argent au gouvernement fédéral.

Le facteur déterminant pour obtenir les fonds est l'aspect novateur — ce n'est pas qu'un projet fonctionne qui compte, mais bien qu'il soit novateur. Nous avons ainsi contribué à des projets d'une valeur de plusieurs centaines de millions de dollars et qui sont mesurés et attribuables à la plate-forme de Kyoto.

La dernière question — qui était spectaculaire — concernait la vente de crédits, ce sur quoi nous travaillons tout juste maintenant et que nous élaborons par le biais de notre fonds FMV et du Centre pour le développement des collectivités viables. Je ne veux pas paraître trop enthousiaste à ce sujet, mais nous sommes véritablement engagés, avec ce financement du FMV, dans le processus de lancement de ces projets. Par exemple, la ville de Nanaimo pourra obtenir l'argent auprès de la FCM et entreprendre son projet — dans ce cas-ci, je pense qu'il s'agit d'un projet de traitement de méthane —, puis vendre les crédits ainsi obtenus à une organisation. Dans ce cas-ci, c'est EPCOR, dans la ville d'Edmonton, qui utilise les crédits à sa manière. Puis la ville peut recevoir en retour des fonds servant au remboursement. C'est un système aggrégateur.

Nous attendons encore de voir ce que cela donnera sur le plan des mesures compensatoires volontaires versus obligatoires du côté du gouvernement fédéral, et comment cela va fonctionner, mais c'est le genre de structure vers lequel nous tendons. Il est tout à fait plausible qu'il s'établisse une situation dans laquelle des municipalités mèneraient ces projets et toucheraient de l'argent en retour, aussi incroyable que cela puisse paraître.

Le sénateur Mitchell : Ce qu'il y a de plus probant dans tout cela est que vous n'achetez pas simplement de l'air chaud. Ceux qui résistent au Protocole de Kyoto dénigrent les droits d'émission négociables. Il s'agit ici de réductions réelles, qui sont véritablement échangeables et qui valent de l'argent, ce qui m'amène à ma question suivante : cela ne serait-il pas avantageux d'établir au Canada un marché national — de préférence dans la ville de Calgary, car ce serait l'endroit tout logique — pour l'échange de crédits d'émission? Il nous faudrait un certain leadership au niveau fédéral pour que cela puisse se faire.

M. Steeves : Je suppose que ces commentaires sont justes. Je vais demander à mes collègues de réagir. Nous sommes en ce moment aux prises avec tout cela. Nous suivons les choses de très près et voulons savoir où cela va mener car nous voulons, nous aussi, agir.

M. Laverdure : Si vous permettez que j'ajoute quelque chose, l'automne dernier, nous avons déposé auprès du ministre de l'Environnement un mémoire au sujet de la qualité de l'air. Nous avons traité de beaucoup de choses, dont le changement climatique et l'adaptation au climat. Nous serions heureux de fournir le texte de ce mémoire au comité, afin que vous puissiez en examiner les différents éléments.

Nous y établissons des liens très solides avec les transports en commun et l'efficience énergétique. Nous sommes également très favorables à l'idée d'une stratégie de biocarburants pour les collectivités rurales, et cela a été extrêmement bien reçu par ces dernières. Si cela vous intéresse, c'est avec plaisir que nous vous fournirons notre mémoire.

Le sénateur Mitchell : Oui, s'il vous plaît.

Le président : Nous songeons à instaurer un système d'amendes chaque fois que vous utilisez un acronyme que nous ne comprenons pas. J'ai entendu FMV et, je pense, CDCV. Pourriez-vous nous dire ce que signifient ces sigles? Je sais ce qu'est la FCM.

M. Steeves : Le FMV est le Fonds municipal vert, soit les fonds qui nous viennent du gouvernement fédéral et que nous administrons.

Le président : « Nous » étant qui?

M. Steeves : La FCM. Le CDCV est notre Centre pour le développement des collectivités viables, qui est le volet de la Fédération canadienne des municipalités qui administre la totalité de notre programme de durabilité. La FCM comprend trois groupes. Il y a notre groupe des politiques, qui s'occupe de la plupart de nos tâches quotidiennes; nous élaborons des politiques pour le compte des municipalités. Nous avons également le CDCV que je viens de mentionner, et qui s'occupe de tout le travail de durabilité avec les municipalités; puis nous avons ce que nous appelons notre CIDM, ou Centre international pour le développement municipal, qui assure le travail international avec nos municipalités et des associations de municipalités à l'étranger.

Le président : S'agit-il d'une source de revenu pour la Fédération canadienne des municipalités?

M. Steeves : Cela n'a aucune incidence sur nos revenus. Nous administrons cela pour le compte du gouvernement fédéral, mais il s'agit d'un volet qui fonctionne à part. Cela ne produit pas de revenu pour notre travail de défense des politiques. Il y a certains avantages du fait que cela fasse partie de notre organisation, bien sûr, mais nous ne nous en servons pas pour financer nos dossiers politiques. Cette activité est payée par les municipalités membres.

Le président : Merci. Ces explications sont utiles.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Mes compliments, monsieur Steeves, pour votre français. Vous n'avez probablement pas souvent l'occasion de le parler et j'apprécie vos efforts.

[Traduction]

J'apprécie l'exemple que vous avez donné tout à l'heure au sujet des 20 pieds de route à Manhattan et des 20 pieds de route à Winnipeg. Je pourrais peut-être ajouter à cela un troisième niveau, soit 20 pieds de route à Edmundston, au Nouveau-Brunswick.

Vous avez confirmé ce que je dis depuis quelque temps, notamment que la densité démographique pour payer ces 20 pieds de route est meilleure à Manhattan et à Winnipeg, mais elle n'est pas trop bonne à Edmundston. Et cela vaut pour l'ensemble des différents services. Si vous avez une densité de population suffisante, alors votre coût de service est moindre. Il s'agit d'un phénomène économique normal.

Je conviens de la nécessité d'infrastructure. Nous avons entendu le ministre des affaires intergouvernementales de la Saskatchewan, qui nous a entretenus du grand besoin d'infrastructure, municipalités comprises. Quelles discussions y a-t-il avec le gouvernement provincial pour lequel les municipalités que vous représentez fournissent certains des services? En ce qui concerne vos besoins d'infrastructure, vos besoins opérationnels et vos besoins en matière de revenu, vous avez indiqué que les taxes foncières sont peut-être un moyen quelque peu archaïque d'obtenir des revenus. Les municipalités canadiennes sont essentiellement une créature des gouvernements provinciaux. C'est donc là que se situe la première ligne de dialogue et de modernisation de votre façon de fonctionner.

Si le gouvernement fédéral n'était pas dans une situation de surplus, quelles seraient vos autres possibilités en vue du financement de vos besoins?

[Français]

M. Steeves : Ce sont de bonnes questions. Dans chaque province et territoire, il y a un représentant de l'association et dans quelques provinces et territoires, il y en a deux ou trois. Par exemple, en Alberta, il y a un représentant de la Alberta Urban Municipalities Association et un représentant de la Alberta Association of Municipal Districts & Counties. C'est la même chose pour chaque province.

Nous dépendons beaucoup de cette association pour établir des pourparlers avec leur gouvernement provincial. Ce qui pose des difficultés à notre association est le fait que la situation soit différente dans chacune des provinces et dans chacun des territoires, mais nous allons essayer de comparer les provinces les unes avec les autres afin de repérer les pratiques exemplaires de chacune des provinces.

Cela demeure toutefois difficile pour nous, même si année après année nous travaillons très fort afin de corriger ce problème, parce que certaines provinces sont en communication constante avec leurs municipalités, par exemple le Manitoba, alors que d'autres gouvernements provinciaux, pour une raison ou une autre, éprouvent des difficultés à établir une communication régulière avec leurs municipalités.

Notre organisation travaille constamment à établir des relations directes avec le gouvernement fédéral et il serait difficile de donner l'assurance à nos membres que nous pouvons influencer les gouvernements provinciaux puisque notre organisation n'a pas de relations directes avec les gouvernements provinciaux ou les gouvernements territoriaux, à l'exception de quelques membres qui sont les représentants des associations provinciales et qui eux sont en relation directe.

L'année dernière, par exemple, nous avons mis en place un processus de rencontre annuelle afin de rencontrer les représentants du ministère des Affaires intergouvernementales dans chacune des provinces et territoires afin de parler de ces divers sujets.

Quant à votre deuxième question concernant les surplus, il m'est difficile de répondre. Nous avons la chance, pour le moment, de profiter de surplus au pays, mais si nous devions ne plus en bénéficier ou que ces surplus ne s'avéraient plus suffisants, nous devrions poursuivre les discussions concernant l'infrastructure à corriger, et c'est dans cette optique que nous travaillons. Ce sont mes commentaires généraux, mais j'aimerais que mon collègue élabore davantage à savoir ce qui se passerait s'il n'y avait plus de surplus.

M. Laverdure : C'est une chance qu'il y ait des surplus. Comme M. Steeves l'a dit, je tiens à mentionner une autre fois que nous avons de très bonnes relations avec toutes les associations provinciales, territoriales et municipales; 18 en sont membres dont 13 provinces et territoires.

Lorsque nous devons établir des pourparlers avec les provinces et territoires, nous laissons cela aux associations provinciales et territoriales. Nous poursuivons les discussions de façon quotidienne, ce qui est excellent. Notre rôle est de préparer des allocutions auprès du gouvernement fédéral, et les associations provinciales et territoriales se tournent vers nous pour jouer ce rôle. Ensuite, à notre tour, nous nous tournons vers les associations afin qu'ils transigent avec leur gouvernement respectif des provinces et territoires.

Quant à votre deuxième question au sujet de ce qui se passerait s'il n'y avait plus de surplus, je peux préciser que la TPS ou les autres points qui nous permettraient de récupérer des sommes d'argent ne sont que quelques-uns des nombreux outils à la disposition de la Fédération canadienne des municipalités.

Ce que nous voulons vraiment faire, c'est définir le déficit d'infrastructure municipal et nous entendre avec les provinces, les municipalités, ainsi que tous les ordres du gouvernement fédéral afin de décider comment combler ou détruire ce déficit.

Une fois cette définition établie, il s'agit d'élaborer un plan à long terme — cela ne se fait pas en trois ans ou cinq ans — et voir comment on peut arriver à bout de ce déficit. La TPS ou l'exemple que vous avez donné, ou le surplus, ne sont que certains outils possibles, mais il existe une panoplie d'outils.

Le sénateur Ringuette : Lorsque vous dites qu'il existe une panoplie d'outils, vos membres à l'échelle provinciale discutent-ils actuellement avec les provinces des différentes méthodes ou d'une modernisation de la formule de taxation? Afin que le gouvernement provincial prenne la responsabilité de toutes les taxes de propriété pour, ensuite, en refaire une redistribution. Parlez-vous de ce type de discussion?

Lors des délibérations de notre comité, nous avons entendu des gouvernements provinciaux demander des fonds additionnels pour leurs responsabilités provinciales, dont essentiellement la santé, l'éducation postsecondaire, et l'infrastructure. Bien sûr, il faut, dans une certaine mesure, différencier les infrastructures provinciales des infrastructures municipales.

M. Laverdure : Je ne peux pas parler des démarches que font toutes les associations provinciales, territoriales et municipales auprès de leur gouvernement respectif, mais je peux vous assurer qu'ils ont établi des pourparlers avec les provinces et les territoires dont ils s'occupent, pour essayer de revoir certaines formules sur l'allocation des montants.

Ils le font auprès de leur propre province et territoire. Je ne peux pas vous dire quelle province ou quelle association fait quoi, mais j'en suis certain. Nous ne sommes pas les seuls en pourparlers avec le gouvernement fédéral; les associations territoriales, provinciales et municipales font leur part auprès de leur propre gouvernement.

Le sénateur Ringuette : La semaine dernière au comité, des gens du Conference Board du Canada ont comparu et présenté leur étude sur les municipalités et leurs problèmes. Essentiellement, l'étude concernait la province de l'Ontario qui avait transféré vers le palier municipal une gamme de responsabilités provinciales sans nécessairement avoir transféré les budgets en conséquence.

Le Conference Board du Canada se dit une institution nationale, et venant du Nouveau-Brunswick, j'ai été très déçue que l'on prétende qu'une étude concernant ce dossier en particulier soit nationale, alors qu'elle ne concernait que la province de l'Ontario. J'espère que ce n'est pas le cas pour votre association.

Il me semble que vous considérez toutes les municipalités et toutes les provinces et non pas uniquement l'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique.

M. Laverdure : Il y a plus de 1 600 membres à travers le Canada, incluant toutes les provinces et les territoires, les plus grosses métropoles, Vancouver, Toronto, Montréal, jusqu'aux plus petites municipalités de 250 personnes. Nous représentons tout le monde. Nos plaidoiries sont d'envergure nationale. Lorsque M. Steeves a parlé de téléchargement dans son allocution, cela englobait toutes les provinces.

Le sénateur Ringuette : Pas dans les mêmes mesures.

M. Laverdure : Selon que les services soient de compétence provinciale ou fédérale. Il a donné des exemples de logements abordables, de municipalités qui font face à des vagues d'immigration. Il s'agit également de toutes sortes d'autres responsabilités de compétence fédérale qui ne relèvent plus des municipalités.

[Traduction]

Le sénateur Eggleton : J'imagine que s'il n'y avait pas de surplus, vous ne seriez pas ici aujourd'hui. L'important est qu'il y a un déséquilibre entre les gouvernements qui dépensent l'argent et les montants d'argent qu'ils sont en mesure d'aller chercher. C'est là la grosse question. Le contribuable a différents besoins, et certains d'entre eux sont satisfaits par le gouvernement local, d'autres par la province et d'autres encore par le gouvernement fédéral. Idéalement, chaque palier de gouvernement devrait être en mesure de lever les fonds nécessaires pour couvrir ce qui est de son ressort. Or, ce n'est pas ce qui se passe, et c'est pourquoi il y a un déséquilibre.

Comme l'ont fait remarquer les témoins, le palier de gouvernement local reçoit 8 ¢ sur chaque dollar perçu. Il retire le gros de ses revenus des impôts fonciers, qui ne sont pas une taxe de croissance, mais il ne cesse de voir augmenter son fardeau de responsabilités. Il nous faut une combinaison de mesures, et ce que la FCM a esquissé est tout à fait raisonnable. Par exemple, en ce qui concerne le déficit d'infrastructure, la contribution des gouvernements fédéral et provinciaux doit être à long terme, au lieu de varier d'un budget à l'autre. Il est impossible de planifier sur une telle base. Pour pouvoir faire de la planification, une municipalité doit avoir 20 années de fonds d'infrastructure. Il en est de même dans le cas de l'infrastructure des transports en commun, et les municipalités préconisent en la matière une stratégie nationale pour les transports en commun.

L'idée d'un transfert permanent de la taxe sur l'essence est elle aussi très bonne. Cela procurerait aux municipalités une base sur laquelle elles pourraient compter chaque année. Une clause de sauvegarde est une bonne idée, car le déficit d'infrastructure demeure important. Les municipalités ont besoin de plus de sources de taxes progressives afin de pouvoir combler le déficit d'infrastructure, et cette demande est raisonnable.

D'après ce que j'entends de la part de la Fédération canadienne des municipalités, le déchargement de plus en plus de responsabilités sur les municipalités est un phénomène qui se produit d'un bout à l'autre du pays. Ou leur donner l'argent ou leur enlever la responsabilité y correspondant est une solution raisonnable.

J'aimerais vous interroger au sujet de la campagne One Cent Now lancée par les grandes villes. Le 1 p. 100, soit les 5 milliards de dollars, serait facile à réaliser. Pour répondre à l'inquiétude de la sénatrice Nancy Ruth au sujet de l'augmentation des taxes, au lieu d'éliminer ce 1 p. 100, celui-ci pourrait être versé aux municipalités. Nous remarquerions à peine ce 1 p. 100, et les 5 milliards de dollars permettraient de faire beaucoup de choses.

Il se pose ici une question constitutionnelle, et la situation constitutionnelle n'est pas idéale. Lors de l'élaboration de la Constitution, lorsque les municipalités ont vu le jour en tant que créatures de la province, 20 p. 100 de la population canadienne vivaient en région urbaine. Aujourd'hui, 80 p. 100 des Canadiens vivent en zone urbaine et le gouvernement municipal est un gros intervenant dans le quotidien des gens et dans le développement économique. Ne nous lançons pas dans une discussion sur la Constitution.

Cependant, il y a ici un aspect qui intervient : le gouvernement fédéral devrait-il céder inconditionnellement 5 milliards de dollars aux municipalités, ou bien devrait-il dire que 5 milliards de dollars iront à des programmes d'infrastructure? Vous obtiendriez l'argent d'une façon ou d'une autre, mais je relève une divergence de vues quant à savoir s'il s'agit là d'une entrave. Qu'en pensez-vous?

M. Steeves : En ce qui concerne cette discussion sur l'infrastructure en particulier et la question de savoir où devrait aller l'argent, les maires des grandes villes ont justement traité de cela à Toronto. Les maires des grandes villes, réunis la semaine dernière à Toronto, ont abordé les questions du fonctionnement et du transfert inconditionnel de fonds. Je pense que la position adoptée par ces maires de grandes villes — encore une fois, ce n'est pas encore là la politique de la FCM — est que l'argent ne devrait viser que l'infrastructure. Il n'est pas du tout question que cet argent puisse migrer vers les fonds d'exploitation ou s'y introduire. La position des municipalités continue d'être qu'elles devraient pouvoir financer leurs propres dépenses de fonctionnement dans le cadre de leurs régimes actuels. Cela vaut tout particulièrement dans le cas des éléments d'infrastructure.

Le sénateur Nancy Ruth : Ceci n'est pas une question, mais une préférence que j'aimerais vous exposer. Vous parliez de puiser dans le surplus du gouvernement fédéral. Je siège ici en tant que sénatrice conservatrice, alors ne soyez pas étonné de m'entendre dire ceci, mais je préférerais de beaucoup rembourser la dette à même le surplus. La dernière fois que la dette a ainsi été entamée, cela a procuré à la génération suivante de Canadiens l'équivalent de 660 millions de dollars en allègements fiscaux. Cependant, si vous encouragiez le remboursement de la dette au niveau fédéral, cela réduirait progressivement le fardeau fiscal des contribuables. Je préférerais que les municipalités aillent chercher leur propre point d'impôt, qu'il serait politiquement responsable de prélever auprès des électeurs et dont elles auraient à rendre compte, au lieu qu'elles courent après l'argent du fédéral.

M. Steeves : Je vous entends.

Le président : Merci, sénatrice Nancy Ruth. Je pense que nombre d'entre nous, et pas seulement les conservateurs, aimeraient voir réduire la dette fédérale de près de 500 millions de dollars.

Le sénateur Eggleton : Il y a également beaucoup de dettes municipales.

Le président : Pour ceux et celles qui nous suivent à la télévision, le rapport intérimaire du comité, déposé en décembre 2006, a pour titre L'équilibre fiscal horizontal : Vers une démarche fondée sur des principes. Vous pouvez l'obtenir en vous rendant à www.parl.gc.ca, sous la rubrique des rapports du Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Il ne me reste plus qu'à remercier chacun de nos témoins, le président de la Fédération canadienne des municipalités, M. Gord Steeves, et MM. Gabriel Miller et Christian Laverdure, qui l'ont accompagné.

Merci beaucoup d'être venus ici aujourd'hui et de nous avoir livré vos commentaires.

La séance est levée.


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