Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 15 - Témoignages du 29 mai 2007
OTTAWA, le mardi 29 mai 2007
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit ce jour à 9 h 34 afin d'étudier, pour en faire rapport, les questions relatives à l'équilibre fiscal vertical et horizontal entre les divers niveaux de gouvernement au Canada.
Le sénateur Nancy Ruth (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Le 12 décembre 2006, le comité a publié un rapport d'étape intitulé L'équilibre fiscal horizontal : Vers une démarche fondée sur des principes, dans le cadre de l'étude entreprise sur les accords fiscaux s'appliquant aux provinces et aux territoires. Lors du mois passé, le comité a entendu toute une série de témoins, dans le cadre de son examen de l'équilibre vertical, soit la répartition des ressources fiscales et des responsabilités en matière de dépenses entre les différents pouvoirs publics au Canada.
Se joignent à nous aujourd'hui, par vidéoconférence, de Toronto, Douglas Reycraft, président de l'Association des municipalités de l'Ontario, qui est accompagné de Brian Rosborough, directeur des politiques.
Bonjour messieurs et merci d'avoir accepté de comparaître. Nous avons reçu vos documents et nous apprêtons à suivre votre allocution sur ceux-ci, avant de passer aux questions et aux réponses.
Doug Reycraft, président, Association des municipalités de l'Ontario : Merci. Je suis maire de Southwest Middlesex, petite municipalité rurale d'environ 6 000 âmes, près de London, en Ontario. Je suis aussi conseiller du County of Middlesex, qui entoure la ville de London, histoire de placer les choses sur la carte. Je suis enfin président de l'Association of Municipalities of Ontario, l'AMO.
Comme vous le savez, le Canada est reconnu comme l'un des pays qui offrent les meilleures conditions de vie au monde. Cette réputation internationale découle en grande partie de la qualité de vie dans les villes du pays. En Ontario, cette qualité de vie est menacée par la diminution des ressources municipales et la détérioration des infrastructures.
Le cœur du problème est une relation fiscale provinciale-municipale fondamentalement tordue qui fait que 50 p. 100 des taxes municipales sont siphonnées dans les programmes provinciaux, notamment l'éducation et les services sociaux. En Ontario, nous percevons environ 18 milliards de dollars d'impôt foncier. Quelque six milliards de dollars par année sont consacrés à l'éducation et un autre trois milliards de dollars est perdu dans les programmes obligatoires à frais partagés en santé et en services sociaux comme les prestations d'invalidité et les soins à long terme pour les personnes âgées.
Aucune autre province ne fait cela — et, pour cette raison, les municipalités de l'Ontario n'ont pas accès à des revenus durables proportionnels à leurs responsabilités. Nous le voyons dans nos rues, sur nos routes, dans nos réseaux de transport en commun et dans nos centres communautaires. Dans la plupart des cas, les grands projets d'immobilisation de nos municipalités ont été réalisés dans une autre décennie, voire par la génération précédente. Ce n'est pas ce à quoi on pourrait s'attendre de la province où l'impôt foncier est le plus élevé au monde.
Aujourd'hui, les Ontariens paient 237 dollars par personne de plus en impôt foncier que le reste du Canada, mais le gouvernement provincial consacre 258 dollars de moins que le reste du Canada aux programmes de santé et aux services sociaux. Selon moi, ce n'est pas un hasard si ces deux chiffres sont si proches.
Nous pouvons faire mieux et, pour le bien de nos collectivités, nous devons faire mieux. Les citoyens du Canada s'attendent à ce que tous les ordres du gouvernement travaillent main dans la main pour bâtir un pays fort et concurrentiel — et cela commence par des collectivités dynamiques et durables qui répondent aux besoins les plus immédiats des citoyens.
Je crois qu'il faut rendre à César ce qui appartient à César — et aussi tenir les gouvernements responsables de leurs décisions politiques. Il faut féliciter le gouvernement fédéral d'avoir reconnu le gigantesque besoin d'investissements dans les infrastructures de la province et d'avoir établi une importante source de financement au moyen de la taxe fédérale sur l'essence. Ce financement s'est révélé très utile pour les municipalités, qui ont exprimé leur gratitude en utilisant ces fonds pour bien servir leurs collectivités. Fait important, ce financement se fonde sur des droits plutôt que sur des demandes, ce qui permet aux municipalités d'y avoir accès et de planifier pour l'utiliser au meilleur escient.
Les municipalités de l'Ontario se sont réjouies et ont été encouragées lorsque le budget fédéral de 2007 a annoncé la prolongation de ce financement pendant quatre autres années. Au fond, ce financement devrait devenir permanent pour que le pays demeure concurrentiel au lieu de laisser se creuser le déficit énorme et croissant des infrastructures.
Les municipalités de l'Ontario, en grande partie par l'entremise de l'AMO, procèdent avec la province à un examen des structures financières partagées. De toute évidence, la relation fiscale entre la province et le gouvernement fédéral a de profondes répercussions sur ces structures.
Que les municipalités atteignent ou non les objectifs de l'examen fiscal conjoint provincial-municipal, il n'en demeure pas moins que le déficit des infrastructures remonte à une décennie et continue d'augmenter à raison de milliards de dollars par année. Cela limite notre capacité de fournir de l'eau potable, de protéger l'environnement et d'offrir des réseaux de transport en commun fiables et efficients.
Ces limites n'ont pas seulement des répercussions négatives sur les collectivités directement touchées — elles ont des répercussions négatives sur la perception de la qualité de vie du pays. La seule façon de protéger notre réputation durement méritée d'offrir des collectivités qui procurent une excellente qualité de vie et des conditions propices aux consiste à remettre les municipalités sur des assises financières solides et durables.
Ce dont les municipalités de l'Ontario ont besoin pour prospérer, c'est d'une relation provinciale-municipale qui fonctionne — pas ce que le gouvernement de l'Ontario nous offre, soit des programmes visant à maintenir un système qui ne fonctionne pas.
Il faut une meilleure relation fiscale fédérale-provinciale afin de jeter des bases d'une relation fiscale municipale en Ontario qui soit durable, prévisible et responsable. En réalité, le déséquilibre fiscal vertical entre le Canada et l'Ontario a des conséquences directes sur les administrations municipales de l'Ontario et, par ricochet, sur la qualité des programmes et services municipaux dans la province.
L'équilibre vertical avec le Canada rendra la province plus équitable à l'égard des municipalités et mettra fin à sa dépendance envers l'impôt foncier municipal pour financer les programmes et services provinciaux — une dépendance qui coûte aux propriétaires fonciers ontariens plus de 3 milliards de dollars par année, uniquement pour les programmes de redistribution du revenu et de santé.
La dépendance de la province envers l'impôt foncier municipal nuit à la prospérité future de l'Ontario — et le premier ministre de la province l'a bien reconnu. Le problème, c'est que la province a des moyens limités pour trouver d'autres solutions.
Il est grand temps qu'on élabore une politique fiscale saine et durable pour tous les ordres de gouvernement. Les municipalités de l'Ontario demandent que le gouvernement fédéral fasse les premiers pas en ce sens.
Les municipalités de l'Ontario ne feraient pas cette demande si elles ne croyaient pas pouvoir offrir une précieuse contrepartie. En échange d'une source de financement durable, nous offrons : des collectivités financièrement viables; des taux de l'impôt foncier stables et abordables; une croissance financée entièrement par le développement; des collectivités sûres et bien entretenues; des rues attrayantes, des parcs florissants et un accès à des activités récréatives; des collectivités où les familles choisissent de vivre et de travailler et où les entreprises choisissent d'investir. En contrepartie d'une saine politique publique et fiscale, nous offrons des collectivités concurrentielles pour appuyer un Canada concurrentiel. Cet objectif devrait venir en tête de liste pour tous les gouvernements.
Une autre façon importante d'appuyer cet objectif commun consiste à faire en sorte que le financement fédéral parvienne vraiment aux municipalités. L'AMO appuie un cadre national souple permettant d'adapter les programmes aux besoins de chaque ordre de gouvernement — c'est d'ailleurs en partie ce qui fait le succès de la taxe fédérale sur l'essence. Mais en combinant le financement des projets provinciaux et municipaux dans le Fonds Chantiers Canada dans le budget fédéral de 2007, il se pourrait que les intérêts des municipalités du Canada soient éclipsés par ceux de la province ou du territoire.
Ce n'est qu'avec du financement fédéral des infrastructures durable, prévisible et désigné que les municipalités peuvent tourner la page et planifier de façon progressiste leurs immobilisations et réaliser leurs travaux de construction.
L'AMO serait ravie de travailler avec Infrastructure Canada au développement du Fonds Chantiers Canada pour assurer la réussite continue de l'économie nationale par des investissements dans les infrastructures locales. Nous avons présenté des conseils judicieux et des recommandations durant les consultations de l'automne dernier et nous espérons que ces conseils se refléteront dans le Fonds Chantiers Canada.
L'AMO croit que les objectifs fondamentaux de tous les ordres de gouvernement sont identiques. Nous voulons tous appartenir à un pays concurrentiel, caractérisé par une économie florissante, des infrastructures de haute qualité et des collectivités en santé — et nous avons tous besoin de sources de revenu durables pour pouvoir atteindre ces objectifs.
Nous demandons que le gouvernement fédéral examine en profondeur et avec sérieux le rôle que jouent les municipalités dans le maintien de cette vision — et les conséquences nationales du siphonage de l'impôt foncier qui devrait rester dans le trésor municipal. Il est grand temps de mettre fin à une ère de délestage provincial et de report des investissements dans les infrastructures dont souffrent depuis trop longtemps nos collectivités, notre province et notre pays.
Le sénateur Ringuette : C'est une excellente allocution. D'autres sources nous ont indiqué que le gouvernement de l'Ontario s'était délesté de ses responsabilités sur les municipalités.
Vous indiquez, à la première page de votre exposé, que vous assurez au niveau municipal des programmes de services sociaux comme les prestations d'invalidité et les soins à long terme pour les personnes âgées.
M. Reycraft : C'est exact. Depuis la fin des années 1990 ou le début de notre décennie, les 445 municipalités de l'Ontario doivent assumer 20 p. 100 du coût des services et des prestations fournis aux résidants handicapés de la province et 50 p. 100 des coûts d'administration de ce programme. Le programme est conçu par le gouvernement provincial, administré par des fonctionnaires provinciaux; mais ce sont des impôts fonciers municipaux qui financent une partie du programme. Le seul lien entres les municipalités et le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, ce sont les chèques que doivent signer les municipalités afin de couvrir une partie des coûts.
Le sénateur Ringuette : Quel est le pourcentage net des impôts fonciers que reçoivent les administrations municipales, une fois déduits 20 p. 100 pour les programmes et 50 p. 100 pour l'administration de ces programmes? Quel est le pourcentage de vos impôts fonciers que vous conservez?
M. Reycraft : Nous conservons 50 cents sur chaque dollar perçu en impôt foncier; cela va à la prestation de services municipaux. La valeur totale de l'impôt foncier perçu par les 445 municipalités de l'Ontario se chiffre à quelque 18 milliards de dollars par an. Sur ces 18 milliards, 6 milliards de dollars vont aux conseils scolaires, pour l'éducation élémentaire et secondaire, une contribution de la province s'y ajoutant. Environ 3 milliards de dollars sur ces 18 milliards de dollars vont au paiement de services de santé ou de services sociaux, tels le soutien aux personnes handicapées, le logement social, les services d'ambulance et d'autres programmes qui, dans d'autres provinces, sont financés par l'impôt sur le revenu et les taxes de vente.
Le sénateur Ringuette : Vous conservez 50 p. 100 de l'impôt foncier, ce qui inclut l'impôt pour l'éducation.
M. Reycraft : Effectivement.
Le sénateur Ringuette : Qu'en est-il dans les autres provinces? Quelle part de l'impôt foncier les municipalités conservent-elles?
M. Reycraft : Je ne suis pas sûr d'avoir vu ce chiffre. La meilleure façon pour moi de répondre à votre question est de vous renvoyer à quelque chose que j'ai dit dans mes commentaires. Des études effectuées par le professeur Harry Kitchen, de Trent University, à Peterborough, en Ontario, montrent que les Ontariens paient en moyenne 237 $ de plus par personne en impôt que la moyenne au Canada. Si vous prenez ces 237 $ supplémentaires et si vous les multipliez par la population de la province, soit environ 12 millions de personnes, vous arrivez à un total s'approchant de 3 milliards de dollars.
Le sénateur Ringuette : Vous avez également dit que vous êtes en train de négocier un nouveau cadre fiscal provincial-municipal avec le gouvernement provincial. Vos négociations comprennent-elles une redistribution par habitant, comme celle que la province de l'Ontario a demandée au gouvernement fédéral?
M. Reycraft : Nos négociations n'en sont pas encore là. Le premier ministre a annoncé le lancement d'un examen de la fiscalité et de la prestation des services provinciaux et municipaux en août dernier, lors de notre assemblée générale annuelle à Ottawa. Nos négociations ont progressé dans le cadre de cet examen, peut-être plus lentement que nous l'aurions espéré, mais pour l'instant, les négociations portent principalement sur les fonctions et responsabilités des deux ordres de gouvernement plutôt que sur le partage financier, que ce partage se fonde sur le nombre d'habitants ou sur d'autres critères. Nous n'en sommes pas encore arrivés à la question de savoir comment les coûts devraient être partagés.
Le sénateur Ringuette : Avez-vous envisagé de proposer à la province de l'Ontario une redistribution par habitant à titre de mesure préventive? Avez-vous examiné cette question?
Brian Rosborough, directeur des politiques, Association des municipalités de l'Ontario : En ce qui concerne la relation fiscale provinciale-municipale en Ontario, la province n'offre pas de financement stable aux municipalités pour les aider à s'acquitter de leurs responsabilités. Il existe par conséquent un déséquilibre structurel en fonction du partage des coûts des programmes sociaux, y compris les prestations d'aide sociale et d'invalidité, ce qui fait en sorte que les municipalités fournissent à la province une subvention nette au titre des coûts de fonctionnement. Nos négociations porteront sur les moyens d'améliorer la relation fiscale structurelle entre la province et les municipalités et, dans toute la mesure du possible, d'éliminer notre responsabilité en matière de partage des coûts à l'égard de programmes qui, dans d'autres provinces et territoires, sont entièrement financés par la province, plutôt que par les municipalités.
La province dispose d'un programme de financement que l'on appelle le Fonds de partenariat municipal de l'Ontario, mais ce programme est conçu principalement en vue d'atténuer certains des problèmes liés à nos structures de partage des coûts.
Le sénateur Ringuette : Je comprends. Je ne veux pas monopoliser tout notre temps. Je suis sûre que mes collègues ont d'autres questions à poser. Si nous en avons le temps, j'y reviendrai plus tard.
Le sénateur Eggleton : J'ai une question au sujet du délestement. Vous avez parlé du délestement des responsabilités provinciales vers les municipalités et du fardeau que cela a imposé à ces dernières. Avez-vous entrepris un délestement inverse? Je n'en ai pas vu de mention dans votre mémoire.
M. Reycraft : C'est l'un des résultats importants qu'aura l'examen fiscal que nous faisons actuellement conjointement avec le gouvernement provincial. Nous nous concentrons sur le coût des services qui sont généralement financés par les gouvernements provinciaux et territoriaux ailleurs au Canada, et non sur la prestation de ces services.
L'un des effets positifs du délestement qui s'est fait à la fin des années 1990, par le gouvernement Harris, alors qu'il était au pouvoir en Ontario, c'est que les municipalités peuvent maintenant offrir des services. Par exemple, avant ce délestement, les services d'ambulance terrestre étaient offerts par la province dans la plupart des régions de l'Ontario. Les municipalités sont toutefois en mesure d'offrir ce service de façon plus efficace et plus efficiente que le gouvernement provincial, pour la simple raison qu'elles connaissent les facteurs démographiques et géographiques de leur territoire et qu'elles peuvent ainsi planifier l'emplacement des postes et le déploiement des auxiliaires médicaux mieux que ne le faisait le gouvernement provincial lorsqu'il était chargé de ce service.
Nous ne nous opposons pas à ce que les municipalités prennent en charge la prestation de services provinciaux pour le gouvernement provincial. Ce qui nous dérange, c'est de payer ces services.
Le sénateur Eggleton : Je comprends cela. Vous avez besoin de ressources. Il existe au moins deux modèles quant à la façon dont le gouvernement fédéral peut accroître ses ressources. Le gouvernement précédent avait mis en place le nouveau pacte pour les villes. Ce nouveau pacte permettait d'offrir directement des fonds destinés à l'infrastructure, des ententes tripartites et d'autres mesures.
Il existe également au sein du gouvernement fédéral actuel une école de pensée selon laquelle il ne faut pas accorder autant d'importance à l'intervention directe. Les ententes devraient prévoir moins d'interventions directes mais accorder davantage de ressources supplémentaires aux provinces dans le cadre d'un rééquilibrage vertical. Ainsi, ce sont les provinces qui assumeraient la responsabilité. Je dois ajouter que les deux théories respectent le régime constitutionnel.
Que pensez-vous de l'idée que le gouvernement fédéral soit plus ou moins engagé dans des dossiers municipaux urbains comme l'infrastructure, par exemple?
M. Reycraft : J'ai deux réponses à cela. Pour commencer, les municipalités sont très reconnaissantes du remboursement entier de la TPS mis en place par le gouvernement Martin au Canada. L'argent supplémentaire qui est ainsi accordé est utilisé partout au Canada pour faciliter la prestation des services municipaux et pour construire et remplacer l'infrastructure. Nous sommes également très heureux du remboursement de la taxe fédérale sur le carburant, qui est encore en train d'augmenter progressivement pour atteindre son niveau de 5 ¢ le litre partout au pays. Ce maximum sera atteint en 2009-2010. Nous sommes très satisfaits de ce que le gouvernement actuel a prolongé cette mesure pendant quatre années supplémentaires.
D'autres programmes pourraient et devraient s'aligner sur le modèle de la taxe fédérale sur le carburant. C'est un modèle souple qui donne de bons résultats. En Ontario, par exemple, l'argent de cette taxe est versé directement par le gouvernement du Canada à notre association et à la Ville de Toronto. En tant qu'association, nous distribuons à notre tour cet argent aux 444 municipalités de la province. Cela fonctionne bien. Nous avons un canal direct de communication avec ces municipalités. Nous travaillons de concert avec elles pour veiller au respect des principes du programme et des modalités du contrat que nous avons signé avec le gouvernement fédéral et que les municipalités ont signé avec nous. Je crois qu'il existe des mesures semblables en Colombie-Britannique en ce qui concerne leur association des municipalités. En outre, le programme est suffisamment souple pour permettre que d'autres dispositions soient prises dans d'autres provinces où la relation avec les municipalités et le gouvernement provincial est différente de celle qui existe en Ontario.
L'approche directe adoptée par le gouvernement fédéral en Ontario par le truchement du Programme de la taxe sur le carburant est efficace, et le gouvernement fédéral aurait intérêt à permettre que ces futurs programmes de financement possèdent la même souplesse afin qu'ils puissent s'appliquer convenablement dans les dix provinces et les deux territoires.
Le sénateur Eggleton : Je comprends que vous préfériez un financement inconditionnel ou assorti de conditions limitées, mais lorsque le gouvernement fédéral accorde un financement, il faut toujours tenir compte de la reddition de comptes.
Je sais que la ville de Toronto n'est pas actuellement membre de votre association, mais son maire et ceux des grandes municipalités ont proposé le versement d'un cent sur la TPS. Cela soulève également la question de la reddition de comptes. Faudrait-il adopter une telle formule ou devrait-on mettre en place une mesure qui permette aux municipalités de réserver une marge fiscale, mais de prendre la décision elle-même et d'en assumer la responsabilité directe? Je ne sais pas très bien comment cela pourrait être administré par vos 440 municipalités.
M. Reycraft : En ce qui concerne le Programme de la taxe fédérale sur le carburant, la reddition de comptes se fait au moyen des contrats que l'AMO et la Ville de Toronto ont signés avec le gouvernement fédéral. En ce qui nous concerne, nous avons des contrats avec les 444 municipalités auxquelles nous distribuons les fonds. Elles sont tenues de nous fournir des états financiers vérifiés indiquant à quoi l'argent de cette taxe a été utilisé afin que nous puissions garantir que cet argent a servi selon les principes du programme. Il y a donc reddition de comptes pleine et entière. La même responsabilité pourrait être réalisée si le gouvernement fédéral faisait droit à la demande du maire de Toronto et du caucus des maires des grandes villes de la Fédération canadienne des municipalités pour qu'un cent de la TPS soit versé aux municipalités. Il n'est pas nécessaire de mettre en place une nouvelle structure pour qu'il y ait reddition de comptes dans un tel programme, alors que ce serait le cas si les municipalités appliquaient la règle fiscale qui pourrait être mise en œuvre pour qu'elles puissent augmenter leurs ressources. Il vaudrait mieux avoir recours aux structures qui existent déjà afin que nous puissions tous utiliser cet argent pour offrir des services et construire l'infrastructure, au lieu de l'utiliser au paiement de frais d'administration.
Le sénateur Ringuette : Selon quelle formule l'argent du fonds de la taxe sur le carburant est-il redistribué aux municipalités membres de votre association?
M. Reycraft : Il est distribué en fonction du nombre d'habitants, selon les renseignements tirés du recensement 2001 de Statistique Canada. Ainsi, les municipalités savent déjà dès maintenant non seulement combien elles recevront en 2005 et 2006, combien elles recevront en 2007, mais aussi combien elles recevront jusqu'en 2013 et 2014. Les municipalités sont ainsi en mesure de planifier, et celles qui ont des besoins urgents en matière d'infrastructures nouvelles peuvent construire cette infrastructure en empruntant pour le faire, sachant qu'elles recevront plus tard de l'argent pour payer cette nouvelle infrastructure. Dans d'autres municipalités dont les besoins ne sont pas aussi urgents, l'argent peut être versé dans un fonds de réserve pour servir à des besoins ultérieurs dans ce domaine.
Le sénateur Murray : Je suis né en Nouvelle-Écosse, et comme bon nombre de Néo-Écossais, je suis venu vivre en Ontario et j'ai été nommé au Sénat. Quel pays, n'est-ce pas?
Nous avons eu une bonne discussion dans nos dernières réunions sur le sujet abordé par le sénateur Eggleton, c'est- à-dire la marge fiscale, le partage des revenus, ou toute autre formule. Pour ma part, j'aurais tendance à préférer qu'il y ait aussi peu de conditions que possible. Cependant, j'en arrive à croire ce qu'ont dit certains de nos témoins, c'est-à- dire que la meilleure façon de procéder serait de prévoir une marge fiscale, de laisser les municipalités imposer des impôts et en rendre compte. Je ne suis pas trop préoccupé par votre objection, c'est-à-dire la question de l'administration. Il faudrait pour cela signer une entente avec les provinces, et je suppose que les mesures de recouvrement continueraient d'être les mêmes, mais les municipalités lèveraient tout simplement un impôt.
Je ne comprends pas parfaitement comment fonctionne le transfert de la taxe sur le carburant. Monsieur Reycraft, vous avez dit dans votre déclaration liminaire que ce financement se fonde sur des droits plutôt que sur des demandes, et vous avez parlé de la souplesse de ce programme. Mais les représentants de la Fédération canadienne des municipalités qui ont comparu devant notre comité ont demandé à ce que ce programme devienne permanent, qu'il soit doté d'une clause d'indexation pour protéger sa valeur future, ce qui est également votre opinion, et que le gouvernement fédéral étende les critères d'admissibilité des projets au transfert de la taxe sur le carburant. De cette façon, les administrations municipales pourraient investir leur part des fonds de la taxe sur le carburant dans des priorités locales, par exemple des réseaux d'eau potable ou des réseaux de transport en commun, comme cela est actuellement autorisé, ou dans d'autres nouveaux projets admissibles, par exemple des installations sportives, des bibliothèques, des parcs ou d'autres éléments d'infrastructures sociales. À la lecture du mémoire de la fédération, j'ai eu l'impression que ses membres jugeaient insuffisante la souplesse du fonctionnement de ce programme. Aurais-je mal compris?
M. Reycraft : Non, je ne crois pas que vous ayez mal compris. Quand j'ai parlé de souplesse, je parlais de la souplesse dont dispose le gouvernement fédéral pour traiter avec les provinces et les territoires. À l'heure actuelle, le programme de la taxe sur l'essence est plus souple qu'il ne l'était au moment de sa mise en place. Initialement, les grandes municipalités de l'Ontario n'étaient pas autorisées à utiliser l'argent de cette taxe pour financer la construction de routes et de ponts. Le gouvernement actuel a éliminé cette interdiction, de sorte que les municipalités peuvent maintenant utiliser cet argent à cette fin. Le fait est que les priorités sont bien différentes dans les 445 municipalités de l'Ontario. Certaines municipalités ont accordé la priorité absolue à leur réseau d'eau potable et d'égout, ce qui fait qu'elles n'ont pas besoin de grands investissements dans l'infrastructure des ponts et chaussées.
Le sénateur Murray : Cela vient renforcer ma préférence pour l'absence de conditions.
M. Reycraft : Effectivement, s'il n'y a pas de conditions, les municipalités peuvent investir en fonction de leurs besoins les plus grands. Celles qui ont choisi leur grande priorité ne sont pas limitées par les conditions qui assortiraient ce financement. En ce qui concerne les revenus des municipalités, je me dois de signaler que notre grande préoccupation, en Ontario, c'est que nos impôts fonciers sont plus élevés que partout ailleurs au Canada. Cela nous inquiète pour deux raisons. Premièrement, cela nuit à notre compétitivité avec les autres provinces pour ce qui est d'attirer de nouveaux projets en Ontario. Deuxièmement, si nous devons avoir un impôt le plus élevé au pays, il vaudrait mieux que ce ne soit pas celui-là. Les impôts fonciers sont régressifs puisqu'ils obligent les Ontariens à faible et moyen revenu à payer une part plus grande de leurs revenus en impôt que les autres Ontariens. Il est plus juste pour financer le gouvernement de compter davantage sur les impôts sur le revenu et les taxes de ventes, comme le font les deux autres ordres de gouvernement.
Le sénateur Murray : Si le gouvernement fédéral décidait d'appliquer vos recommandations, quel en serait l'effet sur les impôts fonciers?
M. Raycraft : Nous croyons que cela aurait pour effet de réduire ces impôts, au bout du compte. En Ontario, puisque les municipalités doivent verser plus de trois milliards de dollars par année au titre des soins de santé et des services sociaux, elles ont été empêchées d'investir ces sommes dans l'infrastructure. Certaines ont réussi mieux que d'autres à le faire. Celles dont l'infrastructure est en bon état pourraient affecter ces revenus supplémentaires à réduire leur taux d'imposition. D'autres qui ont des besoins pressants en infrastructure seraient ainsi en mesure d'utiliser cet argent pour répondre à ces besoins et, une fois que ces besoins seraient satisfaits, elles pourraient réduire leur taux d'imposition. En fin de compte, nous souhaitons que les impôts fonciers en Ontario soient alignés de plus près sur ceux qui sont payés dans le reste du pays, ce qui signifie qu'ils doivent être réduits en Ontario.
Le sénateur Murray : Êtes-vous d'accord avec la Fédération canadienne des municipalités, selon laquelle les réseaux de transport en commun du Canada nécessitent un investissement en capitaux frais de 20 milliards de dollars d'ici 2010, et selon laquelle le gouvernement fédéral devrait élaborer une stratégie nationale du transport en commun pour répondre à ces besoins?
M. Raycraft : Nos commettants sont les municipalités de l'Ontario. Nous n'avons pas examiné de près la situation à l'échelle nationale, mais en Ontario, il existe des besoins pressants pour ce qui est d'améliorer l'infrastructure, surtout dans les régions métropolitaines de Toronto et d'Ottawa, où l'on trouve la plus grande densité démographique. C'est d'une grande évidence pour tous ceux qui conduisent dans ces zones, surtout aux heures de pointe du matin et de l'après-midi.
Le sénateur Murray : Je comprends cela; cependant, vous dites à la page 4 de votre texte que l'AMO appuie un cadre national souple permettant d'adapter les programmes aux besoins de chaque ordre de gouvernement. En fait, c'est en partie cela qui fait que la taxe fédérale sur le carburant est une telle réussite. Quand vous parlez des ordres de gouvernement, je suppose qu'il s'agit des provinces et des municipalités.
J'aimerais savoir si vous appuieriez des politiques qui établiraient une distinction entre les grandes agglomérations et les plus petites.
L'un des problèmes auxquels sont confrontés les décideurs fédéraux, lorsqu'ils élaborent des politiques pour répondre aux besoins urgents de certaines grandes métropoles, c'est que dès que ces politiques sont mises en place, on demande à ce que ces politiques ne soient pas adaptées uniquement aux métropoles, mais plutôt qu'elles soient conçues afin que tout le monde puisse en bénéficier. Dès que je parle des problèmes de Toronto, mon collègue d'Edmundston, au Nouveau-Brunswick, me dit qu'il y a des problèmes chez lui aussi. Croyez-vous que votre organisation pourrait demeurer unie si le gouvernement fédéral ou même les gouvernements provinciaux faisaient une distinction claire entre les municipalités de diverses tailles, en fonction de leurs besoins pour commencer, mais aussi de leurs différentes conditions sociales et économiques?
M. Raycraft : Pour répondre à votre question, il est essentiel, effectivement, que nos 445 municipalités demeurent unies. Cependant, ce problème ne nécessite pas une solution uniforme. La Ville de Toronto, je crois, utilise tout l'argent qu'elle reçoit de la taxe sur les carburants pour financer des programmes de transport en commun. Dans les petites villes et les localités rurales de l'Ontario, par contre, ce sont les routes et les ponts qui sont notre réseau de transport en commun, et le programme de la taxe sur les carburants nous offre des capitaux frais pour aider ces programmes. Grâce à cette souplesse, nous avons un système ou une structure qui donne de bons résultats. Je ne suis pas certain d'avoir répondu à votre question; si vous voulez la préciser, j'essaierai d'y répondre à nouveau.
Le sénateur Murray : Ce que je voulais dire, c'est qu'un traitement égal et équitable ne signifie pas nécessairement un traitement identique. Les politiques doivent pouvoir tenir compte des différences considérables qui existent entre les besoins et les situations des grandes agglomérations et ceux des plus petites municipalités. Comme vous le savez, la plupart de nos immigrants s'orientent vers plusieurs grandes agglomérations, et il existe des différences considérables de nature sociale et légale dans les provinces. À mon avis, si nous voulons concevoir une politique nationale utile, nous devons tenir compte de ce facteur.
M. Raycraft : Je pense que nous sommes d'accord là-dessus, sénateur Murray.
La vice-présidente : Vous avez dit que la Province de l'Ontario avait admis que les impôts fonciers municipaux ne sont pas la meilleure chose pour favoriser la prospérité future de l'Ontario. Pourriez-vous expliquer pourquoi il existe des moyens limités d'offrir des solutions de rechange et de quelle façon vous voyez cela?
Ma deuxième question revient à celle du sénateur Murray au sujet du cadre national. Vous avez dit, à propos du Fonds Chantiers Canada annoncé dans le dernier budget, que les intérêts des municipalités canadiennes pourraient venir après ceux des provinces et des territoires. Pouvez-vous m'expliquer?
M. Raycraft : Pour répondre à votre première question, je parlais de déséquilibre fiscal dont le premier ministre McGuinty a fait mention ces dernières années. Il parlait de la relation entre le gouvernement provincial de l'Ontario et le gouvernement du Canada. Selon lui, l'Ontario recevait un montant par habitant moins élevé que les autres provinces pour ce qui est des services d'éducation postsecondaire et de santé. Dans son dernier budget, le gouvernement fédéral a, dans une certaine mesure, réglé le problème; le premier ministre McGuinty a reconnu qu'il s'agissait d'une étape importante, parce qu'elle fournit au gouvernement provincial des recettes fédérales additionnelles, ce qui devrait augmenter sa capacité de régler la question du déséquilibre fiscal provincial-municipal en Ontario. Étant donné que les transferts fédéraux de l'Ontario augmenteront maintenant et au cours des prochaines années, la capacité du gouvernement provincial de régler notre problème s'en trouvera accrue. C'est ce que je voulais dire lorsque j'ai parlé de la capacité limitée du gouvernement provincial de régler le déséquilibre fiscal provincial-municipal.
Votre deuxième question portait sur le Fonds Chantiers Canada. À l'heure actuelle, nous sommes préoccupés du fait que nous ne savons pas quelle partie de cet argent sera utilisé par le gouvernement provincial pour réaliser les projets d'infrastructure qu'il souhaite entreprendre et quelle partie sera en réalité remise aux municipalités, sous forme de fonds d'infrastructure municipal-rural ou d'une autre forme de financement pour les infrastructures. Nous ne savons pas quelle partie de cet argent se retrouvera réellement dans les coffres des municipalités; c'est ce qui nous préoccupe.
Le sénateur Mitchell : Mes questions portent sur des problèmes environnementaux, sur l'émergence constante de Kyoto et sur les questions que cela peut soulever à tous les ordres de gouvernement.
Monsieur Raycraft, pouvez-vous nous dire si l'atteinte des objectifs de Kyoto devient un facteur stratégique ou si elle a mené à des initiatives stratégiques dans votre organisation, parmi vos municipalités? Deuxièmement, si c'est le cas, les municipalités voient-elles ces initiatives comme des économies ou comme des coûts à encourir? Troisièmement, quelle pourrait être la participation du gouvernement fédéral et quelle pourrait en être la structure pour faciliter les initiatives dans ce domaine?
M. Raycraft : Selon moi, dire que les questions environnementales sont de plus en plus au cœur des préoccupations de tous les gouvernements au pays est un euphémisme. Nous adhérons tous aux principes sous-tendant l'accord de Kyoto, et je pense que nous reconnaissons tous qu'il faut que les Canadiens et tous les gouvernements au Canada reconnaissent les effets négatifs que nous avons sur notre environnement et changent leur façon de faire afin de mieux respecter l'environnement. Des municipalités de partout au pays modifient leur processus d'élimination des déchets, leurs sources d'énergie et, plus généralement, leurs habitudes et leurs méthodes. Nous espérons ainsi réduire les effets négatifs que nous avons sur notre environnement et, au bout du compte, ralentir les changements climatiques que nous voyons actuellement.
Le sénateur Mitchell : Je mettrais l'accent sur cet argument. J'ai été frappé par ce que vous avez dit pendant votre exposé, c'est-à-dire que le Canada a la réputation, à l'échelle internationale, d'être l'un des meilleurs pays au monde où il fait bon vivre. Vous avez dit que cette réputation est largement tributaire de la qualité de vie dans les villes et les municipalités canadiennes. À l'échelle internationale, les questions environnementales sont de plus en plus importantes et notre capacité de réagir efficacement face à ces questions renforcera ou affaiblira notre réputation sur la scène internationale. La qualité de vie est essentielle dans le cadre des politiques municipales en général, mais également pour ce qui touche l'environnement.
Le sénateur Stratton : C'est intéressant que nous parlions de Kyoto, parce qu'il s'agit d'un défi, comme vous dites, auquel nous faisons tous face, tant au pays qu'à l'échelle mondiale. Il est aussi intéressant de voir ce qui se passe au niveau municipal. En général, c'est là qu'une situation naît, puis elle s'étend aux provinces et au gouvernement fédéral.
À l'heure actuelle, notre problème, c'est que nos émissions dépassent l'objectif du Protocole de Kyoto de 32 p. 100. Pour atteindre cet objectif, il nous faudrait des réductions massives. Selon vous, combien de temps votre groupe de municipalités mettrait-il à atteindre les réductions qui sont, à votre avis, nécessaires?
Tenter d'atteindre les objectifs de Kyoto à court terme serait désastreux pour le pays, les municipalités et les villes où nous vivons, du point de vue économique. Selon vous, comment faire ce qui doit être fait, de façon réaliste?
M. Rosborough : Je ne me considère pas un spécialiste, et nous n'avons pas évalué ce qu'il en coûterait aux municipalités ontariennes pour se conformer aux dispositions de Kyoto dans un avenir rapproché. Les municipalités de l'Ontario sont préoccupées par la capacité de s'adapter et de changer des pratiques afin que nos collectivités soient aussi en mesure de limiter les effets des changements climatiques également. Cela touchera notre aménagement du territoire, notre capacité d'entretenir les digues et les bermes et nos coûts énergétiques; il faut donc réaliser des analyses significatives.
Les municipalités ont pris un certain nombre de mesures. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que de nombreuses innovations partent du niveau local et s'étendent par la suite. Par exemple, nous veillons à ce que nos membres sachent que les améliorations du rendement énergétique constituent une catégorie admissible pour le financement fédéral découlant de la taxe sur l'essence, dans la catégorie de l'énergie. En Ontario, les municipalités sont responsables des logements sociaux et des soins de longue durée pour les aînés, de sorte que certaines municipalités utilisent leurs fonds fédéraux découlant de la taxe sur l'essence pour améliorer le rendement énergétique des infrastructures municipales, ce qui réduit directement les coûts énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre.
À mon avis, les municipalités ontariennes utilisent tous les outils qui s'offrent à elles. Certaines montrent la voie à suivre pour combler les besoins en matière de réduction des gaz à effet de serre. D'autres veulent savoir ce que les ordres de gouvernement supérieurs ont en tête dans le domaine du travail avec les communautés locales.
Le sénateur Stratton : Ça n'arrivera pas de sitôt. Il s'agit d'un problème assez considérable, ce qui fait qu'il faudra beaucoup de temps pour le régler. Je n'essaie de vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais j'aimerais que vous conveniez au moins que, oui, c'est un problème important et que, oui, il doit être réglé, mais que cela prendra du temps. Êtes-vous d'accord sur ce point?
M. Reycraft : Tout à fait.
La vice-présidente : Je crains que nous n'ayons plus de temps. Merci, messieurs Reycraft et Rosborough, d'avoir été ici aujourd'hui. En passant, j'ai toutes sortes de liens avec Middlesex, Woodstock et Arva, en Ontario, de sorte que j'ai été ravie de vous entendre.
Honorables sénateurs, je suis heureuse d'accueillir maintenant Rober Gagné, professeur et directeur, Institut d'économie appliquée à l'École des hautes études commerciales à Montréal.
Les membres du comité se souviendront qu'à l'automne 2006, nous avons entendu les témoignages de fonctionnaires de différents ministères provinciaux et territoriaux, d'universitaires et de spécialistes des politiques et des marchés de partout au pays. Les audiences ont eu lieu pendant six semaines. En sa qualité d'ancien coprésident du Comité consultatif sur le déséquilibre fiscal du Conseil de la fédération, M. Gagné n'est pas étranger au comité. En fait, il a comparu devant nous le 24 octobre 2006 pour parler du rapport du comité consultatif publié en mars 2006 et intitulé Réconcilier l'irréconciliable : S'attaquer au déséquilibre fiscal au Canada.
Monsieur Gagné, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui, et merci de venir nous parler du déséquilibre fiscal vertical.
[Français]
Robert Gagné, professeur et directeur, Institut d'économie appliquée, École des hautes études commerciales à titre personnel : Plusieurs questions concernent les transferts par personne et la valeur des points d'impôt. Pour répondre à plusieurs questions, j'ai fait distribuer des tableaux provenant de l'annexe 4 du budget déposé en mars dernier.
Je crois que les tableaux 10 et 11 répondront à plusieurs questions, notamment celles qui concernent le financement par personne du transfert canadien en matière de programmes sociaux et à la comparaison de ce qui était proposé dans le rapport du Conseil de la fédération, à savoir si c'est une bonne méthode pour des transferts en espèces.
Le tableau 10 représente l'ancien système tel qu'on le connaissait avant le dépôt du dernier budget. Ces choses vous ont peut-être déjà été expliquées, mais je pense qu'il est important d'y revenir. Bien sûr, c'est un peu technique, mais tout est là, tout se cache là.
Dans l'ancien système, ce qu'on voit en plus foncé au bas du tableau, c'est la valeur des points d'impôt transférés en 1977, avec la valeur en 2006-2007 par personne dans chacune des provinces. Vous ne les voyez pas parce que vous n'avez pas l'original. Sans avoir les valeurs en dollars, on voit qu'exception faite des territoires (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut), c'est en Alberta que la valeur des points d'impôt est la plus élevée par personne, suivi de l'Ontario.
Au-delà, le gouvernement fédéral opérait un système satellite de péréquation appelé « péréquation afférente » ou en anglais « associated equalization », qui visait à égaliser la valeur des points d'impôt selon la norme des cinq provinces. Les colonnes du haut illustrent les transferts en espèces pour les programmes sociaux.
Pour la plupart des provinces, on voit que le transfert s'élevait à 282 dollars par personne. C'est moins élevé qu'en Ontario et en Alberta parce que la valeur des points d'impôt est plus élevée. En Alberta, c'est 187 dollars et en Ontario c'est 249 dollars.
Vous avez ici la source des demandes de l'Ontario. Lorsque le gouvernement ontarien disait ne pas vouloir de péréquation en dehors du système de péréquation, vous avez ici l'explication. L'Ontario recevait 249 dollars par personne versus 282 dollars pour les autres provinces.
La réponse dans le dernier budget, vous l'avez dans le tableau 11, le tableau de droite. Le gouvernement fédéral s'est rendu aux arguments de l'Ontario et a ramené les transferts en espèces à un niveau égal par personne, soit 289 dollars, partout au pays. Ce chiffre n'a pas été tiré au hasard.
Vous remarquerez qu'avant, partout au Canada, sauf en Alberta et en Ontario, le transfert était de 282 dollars. Il a augmenté essentiellement de sept dollars. Mais en Ontario il a augmenté de 50 dollars et en Alberta de 102 dollars.
Dans le cas de l'Ontario, une augmentation du transfert de 50 dollars par personne représente au-delà de 600 millions de dollars en transferts dans le dernier budget. La répartition se fait entre les trois missions que sont l'enseignement postsecondaire, l'aide aux enfants et l'aide sociale.
Que s'est-il passé entre les deux budgets? La péréquation afférente semble avoir disparu. En fait, elle n'y est plus parce que la péréquation afférente a été transférée dans le vrai programme de péréquation. Aujourd'hui, le but n'est pas de discuter du programme de péréquation, mais on n'a pas le choix d'en parler.
Avant, le gouvernement fédéral jouait sur les deux tableaux en disant qu'il transférait 500 dollars par personne en vertu des programmes sociaux. En fait, ce n'est pas ce qu'il faisait. Il transférait dans certaines provinces 282 dollars et 249 dollars en Ontario. Les points d'impôt ont été transférés il y a 30 ans. Le gouvernement disait qu'il y avait de la péréquation afférente, sauf qu'il l'annonçait aussi dans son programme de péréquation.
L'argent était dépensé dans le programme de péréquation, mais il y avait une espèce de double annonce. Ce qu'on se dit entre nous, c'est qu'il y avait double annonce, mais il y avait seulement un chèque qui était émis.
Un aspect positif du dernier budget du 19 mars, c'est que les choses sont beaucoup plus claires. Maintenant on ne prétend plus transférer 500 dollars par personne. On fait ce qu'on prétend, on transfère 289 dollars partout au pays. Le programme de péréquation afférente est là où il doit être dans le programme de péréquation, mais continue quand même de fonctionner en égalisant la valeur actuelle des points d'impôt qui ont été transférés il y a 30 ans. Le gouvernement le fait en utilisant la norme des dix provinces et ce programme fonctionne de manière autonome avec le programme de péréquation.
Je pense avoir répondu à plusieurs questions. Qu'a fait le gouvernement fédéral? Il a fait trois choses. Il a égalisé les transferts par personne partout au pays, donc même transfert en Alberta et en Ontario que dans le reste du Canada. Deuxièmement, il a annoncé une seule fois le programme de péréquation afférente dans son programme de péréquation. Troisièmement, il a augmenté les transferts par personne de sept dollar par habitant au pays. C'est donc sept dollars multiplié par 32,5 millions d'habitants. Vous pouvez faire le calcul, c'est ce qui a été fait.
S'ajoute à cela une clause d'indexation de 3 p. 100 par année. Dorénavant, pour le transfert en matière de programmes sociaux, le 289 dollars sera indexé de 3 p. 100 pour les cinq ou sept prochaines années, de la même façon que cela avait été fait avec le transfert en matière de santé.
La bonne chose, c'est que les choses sont plus claires. Mais une autre question se pose. Est-ce que le 289 dollars indexés à 3 p. 100 par année est suffisant? Malheureusement, je n'ai pas de réponse à cela. N'oublions pas que 289 dollars, c'est maintenant le point de départ et que même si la clause d'indexation de 3 p. 100 était adéquate, si on ne part pas du bon point, on ne règle rien.
Le rapport du Conseil de la Fédération recommandait une indexation à 4,5 p. 100. Ce pourcentage se base sur des simulations de croissance des coûts, notamment en matière d'éducation. Évidemment, si on compare le taux à ce qu'on proposait, la clause d'indexation n'est évidemment pas suffisante. Le point de départ ne semble pas suffisant non plus par rapport à ce qu'on proposait.
Il faut comprendre qu'exception faite de l'Ontario et de l'Alberta, c'est sept dollars par personne qui ont été ajoutés dans l'ensemble de ces programmes. On est loin du compte.
Je pense avoir bien expliqué le changement qui a été proposé ou la manière dont je le comprends. Est-ce la meilleure manière de transférer les fonds? Peut-être pas, mais c'est mieux que c'était. Le système est plus transparent et plus clair. Il y a eu une amélioration. Est-ce que le point de départ est adéquat à 289 $? Personne ne le sait. C'est une question de jugement de valeur. Est-ce que la clause d'indexation est suffisante à 3 p. 100? Je ne crois pas. Je serais plus à l'aise avec une clause à 4,5 p. 100. Est-ce que ce système suffira à contenir les augmentations? Je ne crois pas. On part déjà avec un retard et une clause d'indexation trop faible. Il est clair qu'on ne pourra pas combler les écarts.
Il y a une série de questions avec lesquelles je suis moins à l'aise dont la conditionnalité. Est-ce qu'on devrait imposer le même type de conditions aux transferts en matière de programmes sociaux conclus en matière de santé? Je ne sais pas. Ce n'est pas une question économique mais une question politique. Si j'étais un ministre fédéral, je voudrais mettre des conditions parce que c'est moi qui ai l'odieux d'imposer les taxes, donc je voudrais que l'argent aille où j'ai dit qu'elle irait. Je pense que c'est légitime. Il ne faut pas trop mettre de conditions non plus pour ne pas attacher les mains des gouvernements des provinces. Avec les conditions que l'on retrouve à l'intérieur de grandes familles, comme on en a actuellement dans l'enseignement postsecondaire, personne ne va déchirer sa chemise dans la mesure où les fonds sont dépensés dans ce secteur.
Il y avait une série de questions aussi sur les transferts de points d'impôt. Est-ce mieux ou non? Le transfert de 1977 est là. Actuellement, nous tentons de l'égaliser à la norme des dix provinces. L'année passée, on l'égalisait non pas à la norme des dix provinces mais à la norme de la province la plus prospère.
On ne le voit pas dans le graphique dix. Si vous prenez le graphique dix, la seule manière dont le gouvernement fédéral peut prétendre transférer un même montant à tout le monde, c'est de jouer avec les transferts en espèces et le programme de péréquation associée.
Il utilisait les deux outils combinés pour obtenir une belle boîte rectangulaire. Dans le graphique dix, le Programme de péréquation qu'on appelle la péréquation associée n'est pas suffisant pour égaliser les points d'impôt partout au Canada et ensuite prétendre avoir des transferts en espèce égaux. La preuve, c'est qu'en Ontario et en Alberta, ils avaient moins qu'ailleurs. Il y a une ligne en dessous du 250 $. Prenez cette ligne et placez-là au-dessus de la colonne de l'Alberta, vous n'avez rien changé. Vous avez toujours un transfert de 500 $ par personne au pays. Cependant, je viens de changer le programme de péréquation associée de façon considérable. Je suis passé de la norme des cinq provinces ou dix provinces à la norme de la province la plus prospère. Cela n'a pas coûté un sous de plus au gouvernement fédéral. Je n'ai rien changé. Tout ce que j'ai fait, c'est réduire les transferts en espèces et augmenter le programme de péréquation afférente. Cela n'a cependant rien changé.
Appelons les choses par leur nom, ce que le programme fait actuellement, c'est d'appliquer la norme de la province la plus prospère. Vous le voyez ici, j'ai tracé ma ligne et je n'ai absolument rien changé. Je ne sais pas si M. McGuinty en Ontario est content, mais on retrouve une égalité au plan des transferts par personne au pays. Après, avec les rectangles tous égaux dans toutes les provinces, on peut appliquer la clause d'indexation qu'on souhaite. Or, ce n'est pas ce qu'on a fait actuellement.
En transférant le programme de péréquation associée là où il doit être dans le Programme de péréquation mais en conservant la norme des dix provinces maintenant, on a clairement accru dans le pays les disparités, parce qu'on est passé implicitement de la norme de la province la plus prospère à la norme des dix provinces. On peut le comprendre. Peu importe où l'on vit, ce n'est pas une question de jugement de valeur, c'est un fait.
Exception faite du Programme de péréquation comme tel, ce que le budget 2007-2008 a fait, c'est qu'il a transféré beaucoup d'argent à l'Ontario et à l'Alberta, les deux provinces les plus riches au Canada. Je suis d'accord avec ce qu'ils ont fait, mais lorsqu'on transfère proportionnellement plus d'argent à deux provinces plutôt que dans les autres, c'est clair qu'on accroît les disparités. Par ailleurs, on a un programme de péréquation qui vient réduire d'autres disparités. Au net, les choses ne sont pas si claires, mais il est évident qu'avec cela, on a accru les disparités. Or, si à plus long terme, on s'en allait sur une tendance où il y a des pressions, si le Programme de péréquation était attaqué et qu'on voulait en réduire l'importance et tout cela, clairement, dans ce cas, la méthode de transfert qui a été modifiée ne réglerait pas le problème. Au contraire, on accroîtrait ce problème pour les raisons que je viens de donner. On a égalisé les transferts partout au pays, mais notamment dans les deux provinces les plus riches.
Dans notre rapport, on proposait d'y aller avec la norme de la province la plus prospère, parce que d'abord c'était « cost neutral », c'était neutre sur le plan des coûts. Ensuite, cela permettait d'avoir un programme de transfert en espèces qui n'avait pas pour effet d'accroître les disparités, indépendamment de ce qui arrive du côté de la péréquation. On n'a pas fait de recommandations sur les transferts de points d'impôt dans notre rapport. On a eu beaucoup de discussions à ce sujet. Ma position est que si on doit transférer les points d'impôt, il faut les égaliser comme ceux de 1977, donc à la norme de la province la plus prospère, mais faire cela coûte pas mal cher. On n'a pas fait de simulation, mais il est clair que chaque fois qu'on égalise à la norme de la province la plus prospère, cela coûte très cher. Si on transfère les points d'impôt, mais qu'on ne les égalise pas, on accroît les disparités dans le pays, les disparités de capacité fiscale dans le pays. Si on s'entend pour transférer, égaliser ou pas, peu importe, si on transfère ces points d'impôt, évidemment toute la question de la conditionnalité tombe. Cela va devenir politiquement difficile d'imposer aux provinces des conditions sur de l'argent qu'elles vont collecter elles-mêmes. Les provinces ne vont pas accepter les conditions et je les comprends très bien. Cela était pour les transferts de points d'impôt, qui sont de l'impôt sur le revenu personnel et les corporations. Il n'y a pas de TPS là-dedans pour le moment.
Évidemment, si on choisissait plutôt de transférer des points de TPS, ce serait la même mécanique. C'est juste une assiette fiscale différente. Les points de TPS n'ayant pas la même valeur partout au pays, si on transfère des points de TPS, on accroît les disparités. C'est pour cela que j'ai toujours trouvé assez curieuse la recommandation d'un des premiers rapports sur le déséquilibre fiscal, celui de la Commission Séguin au Québec, qui proposait des transferts importants de points de TPS dans les provinces. Pour une province comme le Québec, cela aurait impliqué un certain appauvrissement parce que la valeur des points de TPS au Québec est plus faible qu'en Ontario ou qu'en Alberta.
Je pense avoir fait le tour des questions qui m'ont été adressées. Je peux maintenant répondre à vos questions pour apporter des clarifications. Pour quelqu'un qui ne joue pas avec ces notions tous les jours, ce ne sont pas des choses si simples, mais ce n'est pas trop compliqué non plus, surtout lorsqu'on a de beaux dessins.
[Traduction]
Le sénateur Eggleton : Vous et moi sommes d'accord sur l'idée d'amener l'Alberta et l'Ontario au même niveau que les autres régions du pays pour ce qui est du montant par habitant des transferts sociaux. Le premier ministre de l'Ontario est certainement d'accord avec ces idées, et c'est peut-être aussi le cas pour le premier ministre de l'Alberta. Bien entendu, la perception liée au fait, pour les deux provinces les plus riches au pays, d'obtenir des fonds supplémentaires contrarie certaines personnes, et d'autres disent que cela désavantagerait injustement les régions les moins peuplées du pays — les régions rurales et les provinces moins peuplées — qui sont aux prises avec des problèmes particuliers. Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires au sujet de la formule mise en place par le gouvernement?
[Français]
M. Gagné : Il y a les communautés rurales éloignées et il y a l'assistance sociale. Ce sont des problèmes similaires. Je n'ai pas fait de calculs récents, mais je me demande si l'Alberta ne fait pas un peu d'argent avec les transferts en matière d'assistance sociale. Comme c'est transféré par personne, c'est en fonction de la population de la province et non en fonction du nombre actuel d'assistés sociaux. C'est peut-être une source de profits pour l'Alberta, je ne sais pas.
C'est certain que cela pose un problème. C'est la même chose en matière d'enseignement postsecondaire où la fréquentation universitaire n'est pas la même partout. Pendant la préparation de notre rapport, on a entendu des gens de la Nouvelle-Écosse nous dire qu'ils recevaient beaucoup d'étudiants de partout au pays et qu'ils ne recevaient pas les subventions fédérales s'y rapportant. Les provinces reçoivent des subventions en fonction de leur population. Un jeune qui déménage temporairement de l'Ontario pour aller étudier en Nouvelle-Écosse est compté comme un résident de l'Ontario. Donc c'est le gouvernement de l'Ontario qui reçoit la subvention et non le gouvernement de la Nouvelle- Écosse.
Ce sont des choses qui deviennent excessivement complexes et qui peuvent créer, à mon avis, des incitatifs dangereux. Par exemple, si en matière d'aide sociale, au lieu de transférer per capita, on transférait en fonction des besoins actuels, ce ne serait pas une incitation très forte de la part d'une province pour mettre en place des politiques pour limiter le nombre d'assistés sociaux.
C'est la même chose en éducation. Cela devient excessivement complexe de savoir exactement combien il y a d'étudiants dans chaque province. Très vite, on arrive à des situations comme au Québec, où les frais de scolarité sont très bas. On présume alors que cela encourage une plus grande fréquentation universitaire. Pourquoi devraient-ils être subventionnés plus que les autres? Ils n'ont qu'à augmenter leurs frais de scolarité. On tombe rapidement dans de telles discussions. Il n'y a pas vraiment moyen de s'en sortir.
À mon avis, il y a des difficultés avec le per capita, mais il y a des difficultés plus grandes avec les autres méthodes. C'est une méthode juste et équitable. Elle a quand même des qualités. On va nous parler de la péréquation qui n'est plus là, mais en fait, il y a encore beaucoup de péréquation. Quand on transfère en Ontario, au Québec ou en Alberta le même montant par personne, on vient de faire pas mal de péréquation aussi parce que les coûts pour offrir les services ne sont pas nécessairement les mêmes partout.
Il y a des vertus intéressantes au transfert par personne. Il y a des problèmes, mais dans la balance, c'est mieux comme ça. Politiquement, c'est probablement plus vendable et plus viable.
Le sénateur Murray : En ce qui a trait à l'indexation de 3 p. 100 pour le TCS, je trouve votre position inadéquate sur trois plans. D'abord, elle est inadéquate pour permettre aux provinces de rattraper le terrain qu'elles ont perdu depuis le budget de 1995. Deuxièmement, elle l'est par rapport au taux de croissance des dépenses provinciales, surtout dans le domaine de l'éducation postsecondaire. En tant que professeur d'université, vous n'êtes pas sans ignorer les problèmes. Troisièmement, elle est inadéquate étant donné la disparition de la péréquation afférente. À mon avis, vous ne pouvez pas dire qu'il y a une compensation suffisante pour la disparition de la péréquation afférente dans la nouvelle formule de péréquation. Ai-je tort?
M. Gagné : Vous avez raison. En fait, la péréquation afférente est demeurée intacte. On ne l'a pas changée. On l'a maintenant mise uniquement dans le programme de péréquation principal, mais on n'y a pas touché.
C'est la première chose; il n'y a rien là de nouveau. Tout ce que cela fait, c'est qu'on suit l'évolution de la valeur des points d'impôt. Actuellement, la valeur des points d'impôt augmente beaucoup en Alberta, par exemple. Cela change un petit peu le programme de péréquation afférente, mais pas de manière importante.
Deuxièmement, il est clair que les transferts qui sont là ne nous ramènent pas en 1995. On avait fait des calculs pour l'année précédente, ce qui nous ramènerait au niveau de 1995 et ce sont des chiffres pas mal plus considérables, donc on parle de transferts de plusieurs milliards de dollars additionnels.
C'est ce que je disais dans ma présentation tantôt. Non seulement la clause d'indexation est trop faible à 3 p. 100 — plutôt que 4,5 p. 100 qui serait plus raisonnable en fonction de ce qu'on observe en termes de croissance des coûts —, mais on ne part pas du bon point, on part d'un niveau beaucoup trop faible. On part d'un niveau très faible sur lequel on applique une indexation de 3 p. 100 qui est trop faible. Il est clair que c'est la tendance des coûts et les transferts s'en vont dans cette direction. L'écart va s'agrandir, à moins que les provinces réussissent à freiner la croissance des coûts à ce niveau.
Le sénateur Murray : Parlons un peu des prévisions faites, au Conseil de la fédération, concernant les dépenses.
M. Gagné : Les dépenses en éducation postsecondaire et à l'assistance sociale?
Le sénateur Murray : Oui.
M. Gagné : Nous avons considérés des scénarios raisonnables, et non des scénarios catastrophiques utilisés pour « gonfler » les chiffres. Selon les scénarios les plus conservateurs, la croissance de ces dépenses serait à peu près de 4,5 p. 100.
Le sénateur Murray : Et si la prévision est excédée par un seul point de pourcentage?
M. Gagné : Mettons de côté les dépenses de santé, qui sont un autre problème.
Le sénateur Murray : Qui est réglé, semble-t-il?
M. Gagné : Un taux de 4,5 p. 100 représente un scénario très moyen, rien de fantastique. Clairement, si cette prévision ne se réalise pas, si on a 5 p. 100 ou 5,5 p. 100, tout ce qu'on avait prévu en termes de déficit anticipé des gouvernements provinciaux sera beaucoup plus grand que prévu.
Je voulais dire que si les provinces réussissent à limiter la croissance des coûts en éducation postsecondaire à 3 p. 100 — d'ailleurs je suis un peu en conflit d'intérêts par rapport à ce que je vais dire —, je ne suis sûr que ce soit une bonne nouvelle pour notre pays que de réduire les ressources des collèges et universités à ce moment de notre existence et faire en sorte que les collèges et universités soient encore plus sous-financés qu'ils ne le sont actuellement.
Les prévisions de croissance de dépenses ont en fait été réalisées de manière autonome par le Conference Board, qui nous a présenté différents scénarios et nous avons insisté pour avoir le scénario le plus conservateur possible, le moins flamboyant, pour obtenir un plancher. Cela ne pourra pas être moins que 4,5 p. 100. Ce pourrait être certainement plus, auquel cas la situation sera plus difficile. Et on n'a pas parlé de santé, on parle de transferts en matière de programme sociaux. Déjà, les prévisions les plus réalistes sur la santé sont battues, à mesure qu'un gouvernement provincial dépose son budget avec des croissances de dépenses de 6, 7 ou 8 p. 100 en matière de santé. Les chiffres prévus ont été dépassés.
Je ne sais pas si le budget va être adopté, mais le gouvernement du Québec essaye de faire approuver un budget qui prévoit une augmentation des dépenses de santé de 6 p. 100, une augmentation des dépenses en éducation de 5 p. 100. Et je ne pense pas que, à ce titre, le Québec soit une société distincte; je pense que c'est ainsi partout au pays.
Même en matière de santé, le gouvernement du Québec est un des gouvernements, sinon le gouvernement, qui dépense le moins. Donc il contrôle les dépenses de manière très serrée en santé. Un taux de 6 p. 100 est probablement un des taux les plus faibles au pays en matière de croissance.
Ces scénarios sont très optimistes. Ce qui est proposé dans le budget fédéral n'est pas réaliste en termes de taux de croissance à 3 p. 100, cela semble clair.
Le sénateur Murray : J'ai une question d'ordre politique.
M. Gagné : Ce sont les meilleures.
Le sénateur Murray : Vous préférerez peut-être l'éviter. Vous avez pu entendre les témoignages des représentants des municipalités de l'Ontario. Nous sommes en train, comme comité, d'étudier le problème des municipalités. Un point qui saute aux yeux est la préoccupation traditionnelle du Québec de garder ses prérogatives constitutionnelles, y compris ses responsabilité envers les municipalités, ses juridictions.
Croyez-vous que le gouvernement fédéral jouirait d'une marge de manœuvre qui nous permettrait d'élaborer une politique fédérale sur les municipalités sans risquer une guerre constitutionnelle avec votre province?
M. Gagné : Je ne sais pas. En fait, ce que je sais, et je l'ai encore appris ce matin, c'est que la situation des municipalités est très différente d'une province à l'autre. La situation de l'Ontario, par exemple, et cela m'a été confirmé en écoutant la présentation de ce matin, est très différente de celle du Québec. Les municipalités au Québec n'ont pas les mêmes responsabilités que celles en Ontario. Au Québec, les municipalités fournissent de l'eau potable, déneigent les rues, coupent les pelouses et s'occupent des terrains de soccer ou des patinoires, mais elles n'interviennent pas dans les affaires sociales, ou pas beaucoup, en tous cas, pas autant qu'en Ontario.
Elles n'ont pas la pression que les municipalités de l'Ontario peuvent avoir sur leurs dépenses; un peu de la même façon que les gouvernements provinciaux ont des pressions importantes à cause notamment des dépenses de santé. Les municipalités en Ontario semblent connaître des pressions importantes à cause de certaines dépenses sociales, ce qui n'est pas le cas au Québec.
Pour répondre à votre question, je pense que oui, il y aurait une réaction forte au Québec, mais la raison officielle mentionnée serait l'ingérence. Je pense que la vraie raison est que le gouvernement du Québec, et pas mal de gens au Québec, considèrent que les municipalités ne manquent pas d'argent. En fait, elles en dépensent trop en salaires. Plusieurs études montrent que les employés municipaux au Québec sont 25 à 30 p. 100 mieux payés que les fonctionnaires provinciaux. Il y a donc un problème sérieux de relation de travail et la pression sur leurs dépenses vient de là.
Donc je verrais mal le gouvernement fédéral établir un programme national conçu pour régler des problèmes comme on en observe en Ontario et arriver avec le même programme au Québec. Cela ne marcherait pas. Le gouvernement du Québec demanderait à ce qu'on ne vienne pas jouer dans son jardin car les municipalités du Québec n'ont pas ces problèmes.
D'un point de vue économique, il faut faire attention au point de vue des municipalités, et ce dans l'ensemble du pays. Le témoin précédent a dit que, en Ontario, les propriétaires payent en moyenne 275 $ de plus de taxe foncière. Une partie de cela provient du fait que les valeurs foncières sont plus élevées en Ontario qu'au Nouveau-Brunswick. Comme les propriétés valent plus cher, il est normal que les comptes de taxe soient plus élevés.
Il y a de grosses villes en Ontario comme au Québec, et il a été démontré que les grosses villes ne sont pas nécessairement les plus efficaces.
Le sénateur Eggleton : À certains points de vue.
M. Gagné : Mais je serais inquiet de voir un programme national ou une politique nationale qui serait uniforme, parce que les problèmes et les systèmes semblent très différents d'une province à l'autre. Cela ne marcherait pas.
Le sénateur Mitchell : Merci de votre présentation. Je l'ai beaucoup appréciée.
[Traduction]
Professeur Gagné, j'aimerais poursuivre au sujet de la question de l'éducation postsecondaire. Il se peut que je n'aie pas suivi toute la discussion. Selon vous, l'éducation postsecondaire devrait-elle être davantage orientée de façon à accroître la reddition de comptes et à s'assurer que l'argent du transfert canadien en matière de programmes sociaux réservé à l'éducation postsecondaire atteint en fait son objectif?
Pourriez-vous également parler du rôle des fonds fédéraux en matière de recherche et développement versés par le truchement des universités dans ce contexte? Comment cela devrait-il se faire? Ce rôle devrait-il être mieux ciblé ou devrait-il plutôt être plus général et moins conditionnel?
[Français]
M. Gagné : Lorsque nous avons visité toutes les provinces l'an dernier, je crois bien que nous avons entendu le même message dans toutes les capitales provinciales. Il est clair que les programmes comme ceux de la Fondation canadienne de l'innovation ou des Bourses du millénaire créent des pressions importantes sur les budgets des provinces. Le gouvernement fédéral finance directement des activités dans les universités en faisant fi des provinces, et cela crée des pressions sur les coûts des universités et, ultimement, ceux des provinces.
Certaines conditions doivent être présentes, sans qu'elles ne soient trop élevées. Dans la mesure où le gouvernement fédéral détermine que c'est l'enveloppe destinée à l'éducation postsecondaire et que cet argent est effectivement dépensé dans l'enveloppe de l'enseignement postsecondaire, cela me semble être suffisant comme condition. Aller plus loin voudrait dire que le gouvernement fédéral se substituerait aux provinces pour gérer leur réseau d'universités.
Nous avons constaté ce phénomène partout au pays, et tous s'entendent pour dire que lorsque le gouvernement fédéral fait fi des provinces en envoyant des chèques directement aux universités, cela cause des problèmes. J'ai créé un laboratoire au sein de mon université avec la Fondation canadienne pour l'innovation; nous avions des fonds pour la mise sur pied du laboratoire, mais pas de fonds ensuite pour assurer la pérennité du laboratoire, pour les locaux, le chauffage, et cetera. Nous l'avons tout de même créé et il est maintenant à la charge de l'université.
Dans un monde idéal, le gouvernement fédéral ne devrait pas intervenir sur des choses aussi pointues en matière d'éducation postsecondaire. Il peut souhaiter que les collèges et les universités se développent parce que c'est important, mais c'est à lui de s'entendre avec les provinces sur la manière de développer le tout.
En bout de ligne, toutefois, comme la majorité du financement provient des gouvernements des provinces, ce sont elles qui devraient établir les priorités à ce niveau. Je ne pense pas, de toute façon, que les provinces soient irresponsables en matière de développement des collèges et des universités. Ils cherchent à satisfaire les besoins les plus pressants. Mais il est clair que tous ces programmes spécifiques augmentent par ailleurs les dépenses. L'exemple de mon laboratoire en est un que j'ai à l'esprit et cela ne fonctionne pas très bien.
[Traduction]
Le vice-président : Merci beaucoup d'être venus encore une fois.
La séance est levée.