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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 18 - Témoignages du 19 juin 2007 - Séance du matin


OTTAWA, le mardi 19 juin 2007

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 9 h 9 pour étudier le projet de loi C- 52, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2007.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je suis Joseph Day, je représente la province du Nouveau-Brunswick au Sénat et je suis le président de ce comité.

[Traduction]

Le comité examine les dépenses du gouvernement soit directement, en étudiant les budgets des dépenses, soit indirectement en étudiant les projets de loi portant pouvoir d'emprunt ou autorisant les propositions de dépenses annoncées dans les budgets des dépenses. Aujourd'hui, le comité entreprend son étude du projet de loi C-52, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2007, lequel a été adopté à l'étape de la deuxième lecture et renvoyé à notre comité par le Sénat hier soir.

Le comité reçoit ce matin le ministre des Finances, l'honorable James Flaherty. M. Flaherty a été élu pour la première fois à la Chambre des communes en 2006. Il a siégé à l'Assemblée législative de l'Ontario de 1995 à 2005. Dans le gouvernement Harris, il a été vice-premier ministre et ministre des Finances et a aussi occupé un certain nombre d'autres portefeuilles. M. Flaherty est diplômé de l'Université Princeton et a un diplôme en droit de la Osgoode Hall Law School. Il est devenu membre du barreau en 1975 et a pratiqué le droit pendant plus de 20 ans avant de se lancer en politique.

M. Flaherty est accompagné de fonctionnaires de la Direction de la politique de l'impôt du ministère des Finances. Afin d'accélérer les choses, monsieur Flaherty, je vais présenter vos collaborateurs : M. Paul Rochon, sous-ministre adjoint intérimaire, Direction des politiques économique et fiscale, Mme Barbara Anderson, sous-ministre adjointe, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale; M. Frank Vermaeten, directeur général, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale; M. Brian Ernewein, directeur général, Direction de la politique de l'impôt; et M. Alfred LeBlanc, directeur, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale.

Monsieur Flaherty, nous croyons savoir que vous pouvez passer une heure avec nous mais que les fonctionnaires pourront rester plus longtemps s'il y a d'autres questions. Vous êtes un homme très populaire à Ottawa. Beaucoup de sénateurs sont venus vous entendre aujourd'hui. Je crois savoir que vous avez un exposé liminaire à nous livrer après quoi nous passerons à la suite. J'ai sur ma liste un grand nombre de sénateurs qui souhaitent discuter avec vous.

L'honorable James Michael Flaherty, C.P., député, ministre des Finances : Merci. J'aimerais vous entretenir de certaines des dispositions centrales du projet de loi C-52. Je resterai tant que je le pourrai. Je rencontre mes homologues des provinces et des territoires aujourd'hui au lac Meech pour discuter de la réglementation du secteur des valeurs mobilières au Canada de sorte que j'aborderai plus tard en matinée et cet après-midi un sujet bien différent au lac Meech.

[Français]

Je suis heureux de comparaître aujourd'hui devant votre comité pour discuter du projet de loi C-52.

[Traduction]

Comme le savent les honorables sénateurs, vous étudiez le premier projet de loi portant exécution des dispositions du Budget 2007. Les deux projets de loi portant exécution des dispositions du Budget 2006 présentés comme à l'habitude, l'un au printemps et l'autre à l'automne, ont été adoptés par la Chambre des communes et le Sénat et ont reçu la sanction royale. Le gouvernement a déposé son second budget, le Budget 2007. Comme je l'ai déjà dit, il s'agit du premier projet de loi portant exécution des dispositions du budget, le projet de loi du printemps, qui a été adopté par la Chambre et dont vous êtes maintenant saisis.

Ce projet de loi comporte un certain nombre de dispositions importantes. J'aborderai dans un instant la question de la péréquation. Cela représente des sommes considérables, si les dépenses du gouvernement vous préoccupent. Le total s'élève à environ 39 milliards de dollars pour les sept prochaines années au titre de la péréquation, soit un transfert massif aux provinces et aux territoires du Canada.

En ce qui a trait aux sociétés, le projet de loi porte sur les fiducies de revenu et comporte des dispositions pour assurer l'équité fiscale entre les diverses catégories de personnes morales au Canada afin qu'aucune d'entre elles n'ait un avantage par rapport aux autres.

Cette distorsion, ce rendement élevé synthétique, que les fiducies de revenu représentent, cessera d'exister. Nous réduisons de nouveau le taux général de l'impôt des sociétés d'un demi-point de pourcentage. Le taux sera de 18,5 p. 100 à compter du 1er janvier 2011. Cette mesure cadre avec la politique générale du gouvernement de réduire le fardeau fiscal.

Pour les aînés, nous augmentons de 1 000 $ le crédit en raison de l'âge qui passera de 4 066 $ à 5 066 $ le 1er janvier 2006. Nous proposons une autre mesure fiscale très importante pour les aînés et les retraités, à savoir le fractionnement du revenu de pension. Pour la première fois, les aînés et les retraités pourront, en vertu de notre système fiscal, fractionner leur revenu de pension.

Les aînés bénéficieront aussi du relèvement de la limite d'âge pour la conversion des régimes enregistrés d'épargne- retraite (REER) et des régimes de participation différée au bénéfice, qui passera de 69 à 71 ans à compter de 2007. Je peux vous assurer, sénateurs, que les aînés du Canada accueillent très favorablement ce changement comme vous l'ont sans doute dit ceux que vous représentez ici.

Une autre mesure qui bénéficiera aux aînés, à savoir l'élargissement de la liste des placements pouvant être détenus dans un régime enregistré d'épargne et d'autres régimes de revenu différé entrera en vigueur à la date du dépôt du projet de loi d'exécution des dispositions du budget, soit le 19 mars 2007.

Nous annonçons aussi une importante modification fiscale au profit des familles. Nous instaurons un nouveau crédit d'impôt pour enfant de 2 000 $ par enfant multiplié par le pourcentage fixé pour une année fiscale donnée, mesure qui entrera aussi en vigueur en 2007.

Nous augmentons la limite des cotisations aux REEE. C'est une mesure très importante pour les jeunes familles du Canada qui veulent économiser pour payer les études de leurs enfants. Nous modifions la Loi canadienne sur l'épargne-études afin d'augmenter le montant maximum de la subvention canadienne pour l'épargne-études au titre des cotisations à un régime enregistré d'épargne-études faites après 2006.

Nous supprimons aussi du droit fiscal au Canada les dispositions qui pénalisaient les conjoints. À mon avis, il était grand-temps de corriger cette situation.

Nous allons adopter la Loi sur les allègements fiscaux garantis. Nous avons réduit la dette publique d'un montant record, soit plus de 22 milliards de dollars au cours des 16 mois suivant l'arrivée de notre gouvernement au pouvoir. Les allègements fiscaux garantis qui se trouvent dans le projet de loi C-52 font en sorte que les économies de frais d'intérêt découlant de la diminution de la dette fédérale seront transférées à des réductions d'impôt sur le revenu des particuliers, ce qui profitera aux consommateurs canadiens.

Le projet de loi renferme aussi d'importantes dispositions en matière d'environnement. L'écoFiducie Canada pour la qualité de l'air et les changements climatiques sera dotée d'un budget de 1,5 milliard de dollars qui permettra aux provinces et aux territoires de financer des projets verts.

Le projet de loi autorise des dépenses considérables au titre de l'enseignement postsecondaire et de la formation et plus particulièrement un transfert de 574 millions de dollars à l'Ontario pour l'enseignement postsecondaire et la formation dans le cadre de l'Entente Canada-Ontario. Il y a 21,7 millions de dollars pour le Manitoba et 18,4 millions de dollars pour la Saskatchewan, dans les deux cas au titre de la formation.

Le projet de loi renferme par ailleurs une importante initiative annoncée par le gouvernement du Canada dans le secteur de la santé et plus particulièrement de la santé des femmes et des jeunes filles. Il s'agit d'une affectation de 300 millions de dollars à un programme de vaccination pour protéger les femmes et les jeunes filles contre le papillomavirus.

Les provinces et les territoires recevront 612 millions de dollars pour mettre en application des garanties de délais d'attente pour les patients.

Les territoires recevront d'autres transferts dans le cadre de la formule de financement des territoires.

Voilà donc les principales mesures auxquelles s'ajoutent les dispositions en matière de péréquation qui occupent une place importante dans le budget. Cela n'a rien de surprenant.

Dans le Budget 2006, nous nous sommes engagés à corriger le déséquilibre fiscal entre les administrations au Canada. Nous nous sommes engagés à mener des consultations et nous l'avons fait. Nous nous sommes engagés à écouter les provinces et les territoires et à les rencontrer, et nous l'avons fait. Les premiers ministres provinciaux et les dirigeants des provinces et des territoires se sont aussi rencontrés au sein du Conseil de la Fédération et en d'autres occasions. Comme vous le savez, ils ne sont pas parvenus à s'entendre entre eux. Par conséquent, le gouvernement national, le gouvernement du Canada, a dû agir dans ce dossier important dans l'intérêt du pays tout entier.

Toutes les provinces ont dit clairement au groupe d'experts sur la péréquation et la formule de financement des territoires — que dirigeait comme vous le savez M. O'Brien, ancien trésorier adjoint de l'Alberta — qu'elles souhaitaient un retour à un programme de péréquation fondé sur une formule. Nous venons de faire le premier pas en ce sens.

Nous avons fait cela. D'ailleurs, les provinces qui reçoivent des paiements de péréquation réclament depuis 1982 une norme de 10 provinces. Cette norme de 10 provinces est la deuxième mesure que nous avons prise.

Dans le budget, le gouvernement a mis en place un programme de péréquation fondé sur des principes en adoptant les recommandations du rapport O'Brien à une grande exception près. Le groupe d'experts dirigé par M. O'Brien avait recommandé que l'accord de l'Atlantique soit assorti d'un plafond. Nous avons rejeté cette recommandation et il n'y a pas de plafond à l'accord de l'Atlantique.

Nous avons toutefois adopté la norme de 10 provinces comme le réclamaient les provinces. La formule impose par ailleurs un plafond afin que la capacité fiscale d'une province qui reçoit des paiements de péréquation n'excède pas celle d'une province qui n'en reçoit pas. C'est là une mesure essentielle pour assurer l'équité au sein de la fédération canadienne.

Les provinces recevront des transferts au titre de la péréquation selon la formule comportant un taux d'exclusion de 50 p. 100 ou les montants qu'elles auraient reçus en vertu de la même formule avec exclusion totale de tous les revenus provenant des ressources naturelles. Les paiements seront plus stables et plus prévisibles et le programme sera plus limpide et simplifié. En adoptant la nouvelle formule, nous verserons aux provinces et aux territoires, comme je l'ai dit, 39 milliards de dollars de plus au cours des sept prochaines années.

Comme vous le savez, il y a des cas uniques, sénateurs, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador. Cela tient au fait que chacune de ces provinces a conclu des accords avec le gouvernement du Canada. Par conséquent, ce sont les seules provinces au Canada qui doivent choisir une option en vertu du nouveau plan. Elles peuvent choisir les accords qu'elles ont signés avec le gouvernement du Canada, en faisant abstraction du budget et du projet de loi C-52. Le choix sera maintenu tant que ces provinces auront droit à des paiements de péréquation et cela jusqu'à l'échéance de ces accords. Les accords ne sont assortis d'aucun plafond, même si le groupe d'experts dirigé par M. O'Brien avait recommandé l'instauration d'un tel plafond. Les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador ont demandé que les accords restent inchangés et qu'il n'y ait pas de plafond.

La Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador peuvent aussi choisir le nouveau système de péréquation axé sur des principes et fondé sur les recommandations du groupe d'experts O'Brien créé par le précédent gouvernement libéral à Ottawa. Les provinces qui ont signé un accord ont le choix permanent d'adhérer au nouveau système avec les autres provinces si elles constatent que ces avantages financiers sont supérieurs à ceux qu'elles obtiendraient en vertu des accords et de l'ancien système de péréquation.

Je précise pour dissiper tout doute que chacune des provinces sera avantagée par le nouveau régime. La Nouvelle- Écosse a obtenu 95 millions de dollars de plus qu'en vertu de l'accord en choisissant le nouveau système pour l'exercice financier actuel. Les transferts à la Nouvelle-Écosse incluent près de 1,5 milliard de dollars aux termes de la nouvelle formule de péréquation, 68 millions de dollars en compensations en vertu de l'accord sur les hydrocarbures extracôtiers, le Transfert canadien en matière de santé et d'autres avantages.

Le rétablissement de l'équilibre fiscal signifie que l'aide fédérale versée à Terre-Neuve-et-Labrador s'élèvera à plus de 1,5 milliard de dollars en 2007-2008. En vertu des mesures liées au rétablissement de l'équilibre fiscal, Terre-Neuve- et-Labrador recevra, en 2007-2008, 54 millions de dollars de plus qu'en 2005-2006. Ces sommes incluent des transferts additionnels de 477 millions de dollars au titre de la péréquation, de 494 millions de dollars en vertu des accords sur les hydrocarbures extracôtiers, de 34 millions de dollars pour le Transfert canadien en matière de santé, de sommes additionnelles en vertu du Transfert canadien en matière de programmes sociaux et de 52 millions de dollars au titre de l'infrastructure. Tout cela pour Terre-Neuve-et-Labrador.

Afin de faciliter la transition au nouveau système pour chacune des provinces ayant signé un accord, nous avons offert certaines dispositions particulières de mise en œuvre parce que chacune a signé un accord avec le gouvernement du Canada : chacune pourra une seule fois renverser sa décision si les développements économiques rendent l'ancien système de péréquation et les accords plus avantageux que le nouveau système. Cela est particulièrement vrai pour la Nouvelle-Écosse. Avant le budget du 19 mars et par la suite, j'ai eu des discussions avec le ministre des Finances de la Nouvelle-Écosse au sujet des réserves qu'il avait exprimées à l'égard des avantages garantis par l'accord qui prendra vraisemblablement fin en 2019, environ — bien qu'il soit plutôt difficile de deviner quel sera le coût du pétrole et du gaz jusqu'en 2019.

Pendant plusieurs mois, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse a dit craindre que s'il choisissait la formule O'Brien, ce qu'il a fait pour cette année, il constaterait plus tard qu'il aurait été plus avantageux de conserver la formule prévue dans l'accord. Nous nous sommes dit prêts à adopter des règles relatives à la mise en œuvre afin de pouvoir tenir notre engagement selon lequel toutes les provinces étaient avantagées par le nouveau système. Des pourparlers avec la Nouvelle-Écosse se poursuivent.

J'aimerais dire quelques mots au sujet du plafond parce que c'est une notion qu'il faut bien comprendre pour participer de façon bien informée à la discussion. Dans une fédération comme celle du Canada, les arrangements fiscaux ne se résument pas à un poste de transfert dans un budget fédéral. À maints égards, ils sont l'expression politique de la façon dont notre pays est gouverné. Ces arrangements sont étayés par les valeurs des Canadiens, soit le partage mais aussi l'équité et le caractère raisonnable. C'est autour de ces valeurs que s'articulent les mesures visant à rétablir l'équilibre fiscal. Le rapport O'Brien recommandait l'instauration d'un plafond afin d'éviter que la capacité fiscale d'une province qui reçoit des paiements de péréquation n'excède pas celle d'une province qui n'en reçoit pas. Ça c'est un plafond. Les accords ne sont assortis d'aucun plafond mais il y a un plafond dans la nouvelle formule de péréquation O'Brien. À notre avis, cette approche est équitable. Comme le savent les sénateurs, le paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 explicite clairement le but du programme de péréquation et je vous le cite :

Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

Tel est notre objectif et la raison pour laquelle nous avons adopté la formule O'Brien avec plafond comme l'ont recommandé M. O'Brien et son groupe d'experts. La péréquation n'est pas censée servir à accroître la capacité fiscale d'une province qui reçoit des paiements de péréquation jusqu'à ce qu'elle excède celle d'une province qui n'en reçoit pas. Il y a tout lieu de célébrer la nouvelle prospérité des provinces qui ont signé un accord. C'est une bonne chose qu'une province s'évertue à devenir une province nantie. La conjoncture économique, notamment la hausse du prix des marchandises et l'appréciation du dollar canadien, a changé la dynamique dans tout le Canada. Les provinces riches en ressources, dont l'Alberta, la Saskatchewan et les provinces qui ont signé un accord sont bien placées pour profiter de la conjoncture tandis que les provinces comme l'Ontario et le Québec qui ont des économies manufacturières plus traditionnelles subissent d'énormes pressions.

Étant ministre des Finances pour tous les Canadiens, je dois rester sensible à cette conjoncture et veiller à ce que les transferts soient équitables pour toutes les provinces, qu'elles reçoivent des paiements de péréquation ou pas, ou encore comme c'est le cas de l'Ontario ou de l'Alberta, que leurs citoyens soient par les impôts qu'ils payent au niveau fédéral des contributeurs financiers nets à notre fédération. On ne peut pas et on ne devrait pas demander aux Canadiens d'appuyer un système de péréquation inéquitable en vertu duquel des fonds sont transférés des provinces les moins riches aux provinces les plus riches. La nouvelle formule de péréquation du budget fait en sorte que les transferts sont plafonnés lorsqu'ils ont pour effet de relever la capacité fiscale d'une province qui reçoit des paiements de péréquation au niveau d'une province qui n'en reçoit pas et qui a une capacité fiscale moins grande, ce qui est actuellement le cas de l'Ontario. Cette approche est responsable et équitable. Pour ce qui est de l'exclusion des revenus provenant des ressources aux fins des calculs de péréquation, la nécessité de préserver l'équité du système de péréquation explique la décision prise dans le budget quant au traitement des revenus provenant des ressources non renouvelables qui entrent dans le calcul comparatif de la richesse interprovinciale aux fins de l'établissement des paiements de péréquation.

Comme le savent les sénateurs, nous nous sommes engagés à exclure les revenus tirés de ressources naturelles non renouvelables sans que les provinces ne soient désavantagées par les changements apportés à la formule de péréquation. Nous tenons cet engagement dans le Budget 2007. Le nouveau programme de péréquation donnera aux provinces le paiement le plus élevé selon le résultat obtenu par exclusion de 50 p. 100 des revenus provenant des ressources naturelles ou par l'exclusion intégrale de ces revenus. Nous avons calculé que dans la plupart des cas l'exclusion de 50 p. 100 des revenus tirés des ressources naturelles donnerait des paiements plus élevés parce que cette formule fait augmenter la norme de péréquation. Or, cela dépend des niveaux de production des ressources et du cours des ressources naturelles. Si les cours diminuent de façon importante, l'exclusion intégrale pourrait se solder par un paiement plus élevé. En garantissant aux provinces l'avantage maximum résultant de l'exclusion intégrale ou de l'exclusion à 50 p. 100, le gouvernement tient son engagement d'exclure totalement les revenus provenant des ressources naturelles non renouvelables de la formule de péréquation sans diminuer les paiements à quelque province que ce soit.

Enfin, il est important de ne pas oublier, honorables sénateurs, que ce sont là des questions sur lesquelles les provinces sont foncièrement et profondément divisées. Les provinces et les territoires ont tenté d'en arriver à un consensus sur les questions liées à l'équilibre fiscal au sein du Conseil de la Fédération mais n'ont manifestement pas réussi de sorte qu'elles ont publié des communiqués distincts pour faire état de leurs sujets de divergence. Il n'y a pas lieu de s'en étonner puisque tous les premiers ministres et leur ministre des Finances ont le devoir, dans le cadre de leur mandat, de veiller à ce que leur population respective reçoive la plus grosse part possible du gâteau. Je respecte les efforts qu'ils ont déployés en ce sens. Croyez-moi, ils ont tous très bien réussi à défendre leur cause mais, en ma qualité de ministre des Finances de tous les Canadiens, je dois veiller à ce que le gâteau soit partagé équitablement et de façon à assurer à tous les Canadiens le maximum d'avantages à long terme.

Heureusement, le gouvernement a pu s'appuyer sur la sagesse du groupe d'experts indépendant dirigé par M. O'Brien et nommé par le précédent gouvernement et sur celle d'un grand nombre de Canadiens qui ont trouvé le temps de participer activement à nos consultations sur l'équilibre fiscal. Je suis fier du Budget 2007 et des mesures que nous avons annoncées pour rétablir l'équilibre fiscal. C'est un point tournant dans notre histoire. Le nouveau gouvernement du Canada non seulement a reconnu l'existence controversée du déséquilibre fiscal, dont certains nient l'existence, mais s'est aussi attaqué au problème de front et a proposé une solution équitable et raisonnable axée sur des principes, prévisible et susceptible de résister au temps, comme le réclament les provinces et les territoires depuis des décennies.

[Français]

Il me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions sur le projet de loi d'exécution du budget. Des fonctionnaires du ministère des Finances sont également parmi nous aujourd'hui. Ils pourront vous donner toute précision que vous jugerez utiles au sujet du projet de loi.

[Traduction]

Le président : Merci, monsieur Flaherty. Je rappelle aux sénateurs que le ministre ne peut passer qu'une heure avec nous de sorte qu'il reste 45 minutes pour les questions.

Je vous prie de poser des questions courtes en espérant que les réponses seront toutes aussi succinctes. Je vais d'abord donner la parole au porte-parole du projet de loi C-52 au Sénat, le sénateur Rompkey de Terre-Neuve-et- Labrador.

Le sénateur Rompkey : Vous ne serez pas étonné de constater que mes premières questions porteront sur les accords. Je vous recommande la lecture d'une chronique publiée ce matin dans le Globe and Mail signée par John Crosbie et Roland Martin. Ils ont aussi écrit au premier ministre pour lui dire qu'à leur avis, le budget apporte à l'accord de l'Atlantique des changements de fond, voire l'éviscère. Cela signifie qu'en raison du budget nous recevrons moins d'argent, et cela à l'encontre de la parole donnée.

J'ai écouté très attentivement votre témoignage et je tenais à vous le dire parce que nous avons maintenant deux ministres des Finances qui témoigneront, à savoir vous-même et un ancien ministre des Finances qui était là à l'époque de la signature des accords et qui a suivi de très près l'évolution de la situation.

Je veux d'abord parler avec vous de la nature des accords, de la raison d'être des accords et de ce que les accords doivent réaliser. Je cite le Globe and Mail :

Ces deux ententes bilatérales sont des ententes de développement économique, au même titre, en principe, que les divers pactes fédéral-provincial de l'automobile, que le financement de centaines de millions de dollars accordés récemment à l'industrie aérospatiale au Québec ou que l'occasion économique que présente la porte d'entrée du Pacifique en Colombie-Britannique, qui contribuent tous à rendre le Canada plus prospère.

N'oublions pas que dans les années 1950 et 1960, l'Alberta a reçu à la fois des paiements de péréquation et des revenus de pétrole et d'essence jusqu'à ce que son économie soit suffisamment développée.

J'ai une question d'ordre fondamental à poser au ministre. La péréquation ne traite pas de dette, d'infrastructure ou d'éducation; il s'agit de questions à régler. Nous avons la plus importante dette par habitant au pays. Si nous ne la remboursons pas, nous ne pouvons pas changer de style de vie, nous ne pouvons pas contribuer à l'essor du Canada. C'est une question fondamentale parce qu'elle est considérée comme une question de péréquation, comme un transfert, un problème d'argent entre les provinces et le gouvernement fédéral. Il s'agit d'une question de développement économique.

Je veux vous citer le sénateur Murray, qui connaît la question autant que nous, qui a dit, au Sénat, en ce qui a trait à Terre-Neuve-et-Labrador et à la Nouvelle-Écosse :

J'ajouterai que les provinces, ainsi que le gouvernement fédéral, ont toujours considéré ces accords sur les ressources extracôtières comme ne faisant pas partie de la péréquation, comme n'étant pas visés par le paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle de 1982, mais plutôt par le paragraphe 36(1) de cette loi qui nous impose à tous des obligations fédérales et provinciales en matière de développement économique régional.

C'est une question fondamentale. Le ministre reconnaît-il que l'Accord atlantique relève du paragraphe 36(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 et n'a vraiment rien à voir avec la péréquation? La péréquation a de toute évidence un impact parce qu'elle existe; il s'agit d'un programme; on ne peut pas l'éviter. C'est pourquoi des compensations ont été versées; pour neutraliser la récupération. Si vous gagnez un dollar grâce aux revenus des ressources et que le gouvernement fédéral récupère un dollar en péréquation, vous faites du surplace, vous faites du tapis roulant. Vous n'allez nulle part.

Le problème de la péréquation a de toute évidence des conséquences, mais ces ententes sont des ententes de développement économique. Le ministre reconnaît-il fondamentalement qu'il s'agit ici d'ententes de développement économique avec les provinces? À propos, le premier chèque versé à la Nouvelle-Écosse a été affecté au service de la dette. Il s'agit essentiellement d'une politique, d'un programme, d'efforts de réduction de la dette et d'amélioration des infrastructures. Le ministre est-il d'accord?

M. Flaherty : Non.

Le sénateur Rompkey : Il est alors clair que nous n'avons vraiment rien à discuter.

M. Flaherty : Sénateur, vous m'avez posé une question, et au lieu de tourner autour du pot, je vous ai donné une réponse.

Laissez-moi expliquer. Les calculs prévus dans l'accord, comme vous le savez certainement, sont fondés sur la péréquation. De dire que les accords sont simplement un genre d'entente de développement économique non liée à la péréquation au Canada est au mieux pas très sincère.

Le sénateur Rompkey : Vous voulez dire trompeur.

M. Flaherty : Très bien, sénateur. Merci.

Le sénateur Rompkey : Je ne vous demande pas de commenter mon intelligence, mais plutôt la nature du programme. C'est une question de sémantique, c'est tout.

Le président : Silence, s'il vous plaît. Monsieur le ministre, vous avez la parole.

M. Flaherty : Il y a conflit avec Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse parce qu'à leur avis, la formule O'Brien ne devrait pas comporter de plafond. Honnêtement, la majorité des provinces canadiennes n'adhère pas à ce point de vue, surtout maintenant que le gouvernement du Canada a adopté les recommandations O'Brien.

Nous reviendrions à une situation où il n'y a pas de formule de péréquation organisée et fondée sur des principes au Canada. C'est pourquoi nous avons pris des mesures, relativement à un sujet difficile, en suivant les meilleurs conseils prodigués au Canada relativement à l'accord.

Si Terre-Neuve-et-Labrador veut maintenir l'accord, elle peut le faire tant et aussi longtemps qu'elle reçoit des paiements de péréquation, c'est-à-dire pendant seulement environ deux ans encore.

Le sénateur Rompkey : À votre avis, il n'importe pas que Terre-Neuve continue d'avoir la plus importante dette au Canada, que la Nouvelle-Écosse continue à être endettée pendant des années et ne pourra jamais devenir une province contributrice au Canada?

La comparaison fiscale avec l'Ontario m'intéresse. Je veux citer le premier ministre Harper. C'est ce qu'il a dit à propos de la comparaison avec l'Ontario avant de devenir premier ministre, parce que ce sujet semble être important pour vous, monsieur le ministre. Nous ne pourrons jamais au grand jamais excéder la capacité fiscale de l'Ontario.

Le premier ministre, avant de devenir premier ministre, a dit, en citant les remarques d'un ministre des Finances libéral :

[...] pendant une période de huit ans, soit de 2004-2005 à 2011-2012, attendu que ces paiements annuels supplémentaires ne doivent pas faire en sorte que la capacité fiscale des provinces en cause dépasse celle de la province de l'Ontario au cours d'une année donnée.

C'était une recommandation de M. Martin, qu'il n'avait pas accepté. À l'époque, M. Harper a dit :

La limite de temps de huit ans et la clause relative à l'Ontario ont, dans les faits, démoli l'engagement pris envers la population de Terre-Neuve-et-Labrador pendant la campagne électorale.

Pourquoi limiter à une période artificielle de huit ans la capacité de Terre-Neuve d'atteindre des niveaux de prospérité comparables à ceux du reste du Canada? Souvenez-vous [...] qu'il s'agit [...] de richesses non renouvelables qui [...] vont s'épuiser.

La conjoncture nous est favorable, monsieur le ministre. Si vous connaissez notre histoire, vous saurez qu'il s'agit d'une bouée de sauvetage pour nous. Nous pouvons soit la saisir, soit faire du surplace à tout jamais. C'est la même chose en Nouvelle-Écosse. Il y a une bouée de sauvetage, et si nous ne la saisissons pas, les ressources non renouvelables, comme l'a dit M. Harper, vont s'épuiser. Parlant du gouvernement libéral, il dit :

Pourquoi le gouvernement tient-il tellement à s'assurer que Terre-Neuve-et-Labrador demeure sous le niveau économique de l'Ontario?

M. Harper avait raison à l'époque. Pourtant, il dit :

La comparaison relative à l'Ontario est injuste et insultante pour la population de Terre-Neuve-et-Labrador. Le message qu'elle envoie à cette province ainsi qu'à la Nouvelle-Écosse et à l'ensemble du Canada atlantique est tout à fait clair. Ces provinces obtiendront ce qu'on leur a promis uniquement si elles acceptent de rester des provinces pauvres pour toujours. C'est absolument inacceptable.

Je vous citais M. Harper, et il avait raison.

Le président : Avez-vous une question, sénateur Rompkey?

Le sénateur Rompkey : C'était ma question.

M. Flaherty : C'est une bonne chose que le pays connaisse une croissance économique importante. En fait, il s'agit de notre deuxième période de croissance économique en importance depuis la période qui a immédiatement suivi la Deuxième guerre mondiale. Il en est de même pour Terre-Neuve-et-Labrador, qui devrait connaître la deuxième croissance économique en importance au pays.

Il est extraordinaire, sénateur, que dans deux ans, Terre-Neuve-et-Labrador ne sera plus admissible aux paiements de péréquation. Nous devrions nous réjouir de la croissance économique que connaissent toutes les régions du pays.

Je voulais simplement vous parler du plafond. La question n'est pas de savoir quelle province se retrouve dans une meilleure position qu'une autre. L'idée est la suivante : une province qui ne reçoit pas de paiement de péréquation ne devrait pas avoir une capacité fiscale inférieure à celle d'une province qui reçoit des paiements de péréquation.

Le sénateur doit être d'accord sur ce principe de base, n'est-ce pas?

Le sénateur Rompkey : Non, monsieur le ministre. Je ne suis pas d'accord, parce que c'est une vision étroite. Il s'agit d'une vision fiscale de calcul d'addition. Il s'agit d'une façon claire et froide de calculer les finances.

Le président : Je suis désolé, vous n'avez plus de temps. Je n'avais pas fixé une limite de temps, mais j'ai bien peur qu'il faille poursuivre. Je vais remettre votre nom sur la liste si nous avons le temps de faire un second tour. Nous allons débattre de ces questions pour les deux prochaines semaines, il est donc possible que le ministre revienne si nous n'avons pas le temps de lui poser toutes nos questions.

Le sénateur Murray : Je sais que d'autres honorables sénateurs veulent poser des questions, donc je serai bref. Aujourd'hui, nous allons entendre le témoignage du premier ministre de la Nouvelle-Écosse, du premier ministre de la Saskatchewan, de M. Crosbie et de M. Martin. Comme vous le savez, ils auront une perspective différente de celle que vous nous avez présentée.

Je veux des renseignements. Pourriez-vous expliquer ou clarifier l'annonce que vous avez faite récemment concernant une police d'assurance pour les provinces du Canada atlantique touchées.

Vous avez dit ce matin que la province aurait l'occasion de revenir sur sa décision une fois, puis vous avez dit que la police d'assurance lui assurerait la meilleure situation possible.

Si j'ai bien compris votre annonce, si la Nouvelle-Écosse, par exemple, choisissait la formule de 2007 pour découvrir ensuite qu'il aurait été préférable de choisir la formule précédente, vous verseriez la différence à la province. Vous tireriez un chèque pour combler l'écart.

Ai-je bien compris? Le statu quo, si on peut dire, consiste en ce qui est convenu dans le budget plus ce que vous avez annoncé aujourd'hui?

M. Flaherty : En général, le statu quo consiste en ce qui est contenu dans le budget, ce que nous avons annoncé; autrement dit, il y a deux choix. Le premier choix pour la Nouvelle-Écosse est l'Accord atlantique avec tous les avantages et les droits y afférents. Le deuxième choix consiste en la formule O'Brien modifiée.

Le sénateur Murray : Et qu'est-ce que cette police d'assurance?

M. Flaherty : Vous soulevez un très bon point. Nous y avons travaillé très fort avant et après le 19 mars, et ce, non seulement avec le ministre des Finances, mais aussi avec le ministre des Finances par intérim de la Nouvelle-Écosse, leurs fonctionnaires et le premier ministre MacDonald lui-même.

Cette politique concerne la mise en œuvre. Elle s'applique surtout à la Nouvelle-Écosse parce que cette province aura probablement droit aux paiements de péréquation jusqu'en 2019, contrairement à Terre-Neuve-et-Labrador et à la Saskatchewan, selon toute vraisemblance.

Légitimement, la province soulève la question de savoir s'il est préférable de choisir une option ou l'autre, à un moment donné. Nous avons réglé le problème pour cette année parce que de toute évidence la province est en avance de 95 millions de dollars en choisissant la nouvelle formule. Nous avons convenu avec la Nouvelle-Écosse que, aux fins du budget, elle pouvait y penser pendant un an et profiter de l'argent frais et de la nouvelle formule cette année.

Nous avons beaucoup parlé de la mise en œuvre à l'avenir et avons tenté de trouver une façon d'assurer la province qu'elle sera dans la meilleure situation possible jusqu'en 2019. Personne n'a de boule de cristal pouvant nous permettre de prévoir clairement les prix pour l'avenir; nous avons donc tenté de trouver une façon d'offrir une assurance à la Nouvelle-Écosse. Les discussions se poursuivent.

Le sénateur Murray : Il peut y avoir toutes sortes d'interprétations. La question est de savoir si les provinces pourront changer d'option, et non s'il sera préférable pour elles de le faire. La question est de savoir si vous allez leur tirer un chèque pour combler l'écart si elles se rendent compte une année donnée qu'elles ont fait le mauvais choix financièrement.

M. Flaherty : Je crois que nous disons la même chose.

Le sénateur Murray : Vous croyez?

M. Flaherty : Oui. Il n'y a aucun changement important aux dispositions du budget ni aux dispositions du programme de péréquation. Il n'y aura pas d'ententes spéciales particulières avec une province ou un territoire du Canada. Nous pouvons, pour ce qui est de la mise en œuvre, faciliter la mise en œuvre surtout compte tenu des choix que la Nouvelle-Écosse doit faire et voir à ce qu'aucune province ne soit défavorisée; toutes les provinces se retrouveront dans une meilleure situation.

Le sénateur Murray : Faudra-t-il des mesures législatives?

M. Flaherty : Cela dépendra de la façon dont les discussions se termineront. Il pourrait être nécessaire d'adopter un amendement; le cas échéant, nous proposerions de le présenter dans le budget à l'automne.

Le sénateur Murray : La décision a donc été prise. Les provinces peuvent compter là-dessus.

M. Flaherty : Aucune décision n'a été prise. Nous en avons parlé, mais nous n'avons rien conclu. Il a été décidé il y a longtemps qu'aucune province ne serait défavorisée et que toutes les provinces s'en tireraient mieux. Cette mesure coûte cher : 39 milliards de dollars sur sept ans.

Le sénateur Murray : La police d'assurance n'est pas un fait accompli en ce moment.

M. Flaherty : Je veux être franc avec vous, sénateur. Nous tenons des discussions, il y a différentes façons de procéder et nous ne nous sommes pas encore entendus.

[Français]

Le sénateur Fox : Monsieur le président, étant donné le peu de temps dont nous disposons avec le ministre ce matin et l'importance pour mes collègues de l'Atlantique de lui poser des questions, je cède mon temps de parole au sénateur Baker.

[Traduction]

Je voulais simplement céder mon temps au sénateur Baker.

Le sénateur Baker : Ma première question concerne le plafond dont vous avez parlé. Ce facteur est important, puisqu'il détermine le montant d'argent qu'il faudra dépenser en vertu de ce projet de loi. Vous avez dit il y a quelques instants que le projet de loi indique qu'une province qui a, lors d'un exercice financier donné, une capacité fiscale totale par habitant supérieure à la capacité fiscale par habitant d'une autre province ne recevrait pas un paiement de péréquation pour l'année en question.

Il y a trois jours, le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador a écrit au premier ministre pour lui demander des éclaircissements à ce sujet, parce que vous avez écrit au premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador presque trois mois après la présentation du budget, durant toutes ces négociations qui ont cours en coulisse, et vous l'avez décrit dans votre lettre comme un plafond de la capacité fiscale qui limite les paiements de péréquation en fonction de la capacité fiscale de la province non bénéficiaire la plus riche.

Cela changerait entièrement la donne et garantirait à Terre-Neuve 11 milliards de dollars supplémentaires. Vos négociations en sont-elles là? Cela augmenterait le niveau de la capacité fiscale de l'Alberta, et je suis sûr que les provinces verraient cela comme une solution au problème.

M. Flaherty : Belle tentative, sénateur. Bel essai. J'ai écrit au ministre provincial des Finances et lui ai confirmé que la lettre contenait une erreur; il aurait fallu lire « pauvre » au lieu de « riche ».

Le sénateur Baker : C'était une coquille de 11 milliards de dollars alors?

M. Flaherty : C'était une erreur dans la lettre et j'ai fourni des éclaircissements.

Le sénateur Baker : Les mots « au lieu de n'importe quelle province » devraient se lire « la province non bénéficiaire la plus riche »; c'est toute une coquille.

Vous avez envoyé la lettre; vous avez signé la lettre sans la lire, c'est ce que vous êtes en train de me dire?

M. Flaherty : J'ai lu la lettre, elle contenait une erreur et je l'ai signée. Dès que nous nous sommes aperçus de l'erreur, j'ai fourni des éclaircissements. Vous pouvez rabâcher tant que vous voudrez; allez-y gaiement.

Le sénateur Baker : Le premier ministre provincial veut des éclaircissements de la part du premier ministre fédéral. Maintenant nous avons ces éclaircissements : en fait, vous n'allez rien faire à ce sujet. Ça demeure tel quel dans le projet de loi.

Ce projet de loi modifie-t-il l'Accord atlantique?

M. Flaherty : Je sais où vous voulez en venir, les dispositions du projet de loi qui créent des options pour passer d'un système à l'autre.

Le sénateur Baker : Non. Je vous pose une simple question.

M. Flaherty : C'est ce que contient le projet de loi, sénateur. Si vous voulez me demander ce que contient le projet de loi, les dispositions du projet de loi sont celles qui offrent l'optionalité.

Le sénateur Baker : À partir de l'article 78 du projet de loi, il y a environ quatre pages de modifications accessoires à la Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada-Terre-Neuve. Ensuite il y a les amendements à la Loi sur les paiements de péréquation compensatoires supplémentaires à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador qui remontent à l'Accord atlantique et à l'Accord avec la Nouvelle-Écosse. Ce projet de loi contient des amendements à l'Accord atlantique Canada-Terre-Neuve. Il y a donc des amendements. Oui ou non?

M. Flaherty : Oui, il y a des amendements pour offrir l'optionalité. Sinon, les provinces ne pourraient pas passer de l'accord à la nouvelle formule. Ne croyez-vous pas que la législation devrait exprimer nos intentions?

Le sénateur Baker : Ces amendements représentent vos intentions et vous les avez présentées. Permettez-moi de revenir à l'Accord atlantique signé par Brian Mulroney, et John Crosbie, avec le gouvernement conservateur de Terre- Neuve. L'article 60 se lit comme suit :

Sauf par consentement mutuel, aucun des deux gouvernements n'apportera de modifications à la loi ou au règlement.

Dans le préambule de la Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada-Terre-Neuve, on peut lire :

[...] et sont convenus de subordonner à leur consentement mutuel les modifications de la présente loi ou de ses règlements [...]

Plus loin dans cette loi de mise en œuvre, que vous êtes en train de modifier actuellement, il y a une disposition, l'article 4, qui dit :

Les dispositions de la présente loi et de ses textes d'application l'emportent sur les dispositions incompatibles de toute loi fédérale d'application extracôtière — sauf la Loi sur l'Accord sur les revendications territoriales des Inuit du Labrador — et de ses textes d'application.

Manifestement, il y a conflit dans ce cas particulier parce que vous n'avez pas obtenu l'approbation des provinces.

Vous avez avoué qu'il s'agissait ici d'amendements. Dans les lois que vous modifiez, des lois adoptées par le Parlement, on dit bien que vous ne pouvez pas faire de modifications sans l'approbation des gouvernements provinciaux. Vous pouvez nous expliquer cela?

M. Flaherty : Absolument. Vous voulez que je le fasse?

Le sénateur Baker : Oui.

M. Flaherty : Cela me fera plaisir. Le gouvernement fédéral n'a jamais dit que les formules de péréquation étaient gravées dans le béton, point à la ligne.

Alors, les dispositions auxquelles vous faites référence dans le projet de loi C-52 sont les dispositions sur l'optionalité. Ce que je veux dire par cela c'est qu'il doit y avoir un mécanisme en place pour le bénéfice des provinces signataires de l'accord — par exemple, cette année, la Nouvelle-Écosse recevra 935 millions de dollars de plus — pour donner à cette province la possibilité de choisir une nouvelle formule. Ces dispositions auxquelles vous faites allusion n'entreront en vigueur qu'une fois que la province choisit la nouvelle formule par écrit, comme vous le constaterez à la lecture du projet de loi en entier.

Le sénateur Baker : Je comprends cela, mais vous êtes en train de modifier trois lois qui disent bien qu'aucun amendement ne peut être apporté sans l'approbation des deux paliers de gouvernement.

M. Flaherty : Cela ne s'applique pas à la péréquation.

Le sénateur Baker : Non, mais vous modifiez ces lois sous leur forme originale qui avaient été adoptées par les assemblées législatives provinciales aussi — des ententes fédérales-provinciales d'abord et ensuite les lois ont suivi. Je me souviens d'avoir voté à ce sujet. John Crosbie, qui était un des signataires a dit « Ceci ne peut pas être changé. » Néanmoins, c'est en noir et blanc; je viens de vous le lire. Vous êtes en train de modifier ces lois et vous avez dit que c'est à cause d'une formule de péréquation. Soit vous la modifiez ou non. Vous dites que vous la modifiez mais que cela ne s'applique à l'Accord atlantique. Verriez-vous un inconvénient à ce que nous supprimions ces amendements à l'Accord atlantique sous forme d'un amendement?

M. Flaherty : La première objection serait de la part de la population de la Nouvelle-Écosse, parce que cela leur coûterait 95 millions de dollars cette année. Cela coûterait de l'argent aussi à la population de Terre-Neuve-et- Labrador. Il ne s'agit pas d'argent pour un fédéralisme d'entreprise. Il s'agit de transferts d'argent pour les soins de santé et l'éducation postsecondaire dans ces provinces. Il s'agit d'argent qui compte pour beaucoup dans la vie quotidienne de tous ceux qui habitent au Canada, y compris les gens de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et- Labrador. Ces accords demeurent complètement intacts.

Le sénateur Baker : Cependant, vous êtes maintenant en train de le modifier.

M. Flaherty : Si votre province désire continuer à adhérer à l'Accord atlantique tel qu'il existait le 18 mars de cette année, le jour avant le budget, elle peut le faire.

Le sénateur Baker : Oui, mais l'Accord atlantique se trouve modifié par ce projet de loi.

M. Flaherty : Oui, et selon cet amendement, si votre province choisit de...

Le sénateur Baker : Vous ne pouvez pas faire ça.

M. Flaherty : Vous me permettez de terminer, sénateur?

Le sénateur Baker : Oui, bien sûr.

Le président : Silence, s'il vous plaît. Sénateur Baker, vous avez fait valoir votre point de vue. Je pense que la question est claire.

Le sénateur Baker : Je pense que j'ai aussi la réponse.

Le président : Je le crois aussi. Le prochain sénateur sur la liste vient de Montréal, le sénateur Angus. Il est également le parrain de ce projet de loi au Sénat.

Le sénateur Angus : Merci, monsieur le président. Je ne peux pas m'empêcher de remarquer que notre comité est un peu plus animé que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce où je me tiens d'habitude. Je me plais beaucoup ici. Ces conseillers sont excellents.

Monsieur Flaherty, je vous souhaite la bienvenue ainsi qu'à vos fonctionnaires. Vous avez mentionné que vous êtes très fier de ce budget, et je vous en félicite. Puisque nous avons très peu de temps à notre disposition, je vais passer tout de suite à ma question.

On a dit que si le budget n'était pas adopté le 30 juin, ou à une date quelconque cet été, plusieurs avantages importants y figurant n'entreraient pas en vigueur, en particulier pour l'année financière qui vient de s'écouler. Est-ce exact? Pourriez-vous en décrire quelques-uns?

M. Flaherty : Oui, il y a, par exemple, des paiements très importants aux provinces et territoires, tels que 1,5 milliard de dollars pour appuyer les efforts provinciaux et territoriaux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et les polluants atmosphériques. La question de la protection et de la valorisation de l'environnement est extrêmement importante partout au Canada. Il s'agit d'un gros transfert aux provinces et territoires. Comme je l'ai mentionné précédemment, les délais d'attente sont importants pour les soins de santé des Canadiens dans leur quotidien. Il y a pour ça 612 millions de dollars; 570 millions de dollars pour l'éducation postsecondaire et la formation en Ontario; 54 millions de dollars aux Territoires du Nord-Ouest pour les paiements reliés aux arrangements précédents, ce qui est très important pour ce territoire; 30 millions de dollars pour promouvoir les pratiques environnementales durables dans la Great Bear Rain Forest et aux îles de la Reine-Charlotte; et 21 millions de dollars au Manitoba ainsi que 18 millions de dollars à la Saskatchewan pour la formation de la main-d'œuvre. Je rencontre mes homologues des finances des provinces demain. Je suis sûr qu'ils vont exprimer à nouveau leurs désirs de voir ces fonds déboursés, en présumant que le budget sera adopté dans le temps voulu.

Le sénateur Angus : Pour ce qui est de la liste que vous venez de décrire, ainsi que d'autres avantages, vous, moi et d'autres avons fait valoir qu'ils seraient perdus si le budget n'est pas adopté maintenant. Pour leur part, d'autres sénateurs, y compris le chef de l'opposition au Sénat, ont fait valoir que ce n'était pas vrai; que ces dispositions s'appliqueront. Pourriez-vous nous expliquer clairement quels avantages seront perdus si le budget n'est pas adopté?

M. Flaherty : Il s'agit des dispositions fiduciaires signées par le gouvernement du Canada et les provinces et territoires respectifs. Si le projet de loi n'est pas adopté en temps voulu, ils viendront à échéance; ces choses ne se feront pas.

Le sénateur Angus : J'ai rangé mes Kleenex, mais j'écoutais le sénateur Rompkey et le sénateur Moore qui lui faisait écho à propos de la situation dans les Maritimes. Je crois comprendre que vous avez tenu des pourparlers avec le premier ministre de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Rompkey : Rappel au Règlement, monsieur le président. Cette région est connue sous l'appellation provinces de l'Atlantique. Les Maritimes sont constituées de trois provinces, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince- Édouard et le Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Angus : Ah bon. Je vous prie de m'excuser. J'ai bien hâte d'en apprendre plus sur l'Île-du-Prince- Édouard.

Le président : Silence. Les choses ont été tirées au clair. Continuez, sénateur Angus.

Le sénateur Angus : Tout d'abord, je crois comprendre que vous avez eu des pourparlers avec le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, M. Rodney MacDonald. À un moment donné, il n'y a pas longtemps, il a dit qu'il était tout à fait à l'aise avec le budget tel quel. Ensuite, il a changé d'idée. Cela me laisse perplexe. Pour mettre cela en perspective, j'aimerais citer une des personnalités bien connues en Nouvelle-Écosse, Angus MacIsaac, qui a dit :

Nous sommes très contents de voir ces nouveaux programmes de financement de l'infrastructure annoncés dans le récent budget fédéral. La part de la Nouvelle-Écosse dans ces programmes sera de l'ordre de plusieurs centaines de millions de dollars au cours des sept prochaines années. La Nouvelle-Écosse et d'autres provinces et territoires ont fait du lobbying auprès du gouvernement du Canada pour obtenir un financement d'infrastructure à long terme, stable et prévisible pendant de nombreuses années. Jusqu'à ce qu'on voie ce nouveau budget fédéral, ces demandes étaient tombées dans l'oreille d'un sourd. Cependant, les nouveaux programmes à frais partagés annoncés dans le budget fédéral de cette année vont beaucoup aider la Nouvelle-Écosse à atteindre son plein potentiel comme porte d'entrée du transport international et pour faciliter les améliorations aux routes dont nous avons grandement besoin.

En fait, le premier ministre Rodney MacDonald a dit :

La porte d'entrée de l'Atlantique est une occasion qui se présente une fois en une génération et qui pourra avoir des effets profonds et durables sur l'économie future de notre région.

Comment conciliez-vous ça avec le pessimisme que l'on entend de la part de nos collègues d'en face?

Le président : Monsieur le ministre, je vous signale que nous entendrons la personne qui a prononcé ces paroles plus tard. Le premier ministre Rodney MacDonald sera ici aujourd'hui à 14 heures.

Le sénateur Angus : Le ministre ne sera pas là, alors je voulais lui faire profiter de cette occasion.

M. Flaherty : Le budget prévoit des dépenses massives en matière d'infrastructures — 33 milliards de dollars — qui, avec la part des provinces, des municipalités et du secteur privé au Canada engendreront les plus grandes dépenses en infrastructures de l'histoire du Canada au cours des sept prochaines années, c'est-à-dire probablement plus de 100 milliards de dollars. Une partie importante de ces dépenses sera consacrée à l'initiative de la porte d'entrée, non seulement la Porte de l'Asie-Pacifique dont on entend beaucoup parler, mais aussi la Porte d'entrée de l'Atlantique dans les provinces de l'Atlantique. C'est très important pour la ville d'Halifax, pour la province de la Nouvelle-Écosse et pour le Canada atlantique tout entier. Cela fait partie du budget.

J'ai tenu ces discussions avec le ministre MacIsaac de même qu'avec le premier ministre MacDonald. Comme je l'ai dit plus tôt en réponse à la question du sénateur Murray, leur préoccupation se situe au niveau de la mise en œuvre. Ils veulent s'assurer qu'ils vont protéger les intérêts des résidants de la Nouvelle-Écosse, d'ici à 2019. C'est une préoccupation tout à fait légitime. Il s'agit d'une question très complexe avec laquelle nous devons composer, et nous avons quelques difficultés à le faire.

Le sénateur Nancy Ruth : Comme c'est mon habitude, j'aimerais examiner le budget du point de vue des femmes et des pauvres. Je suis ravie de ce qu'on ait décidé d'éliminer la taxe d'accise sur les services de sage-femme et de financer l'inoculation contre le papillomavirus, puisque ce vaccin sauvera la vie à au moins 400 femmes et filles au Canada.

Le projet de loi C-52 propose l'adoption d'une nouvelle loi fédérale, la Loi sur les allègements fiscaux garantis. Cette loi obligerait le gouvernement du Canada à consacrer toutes les économies de frais d'intérêt effectives attribuables à la réduction annuelle de la dette fédérale à la réduction progressive de l'impôt sur le revenu des particuliers et à faire rapport tant sur les économies que sur les allègements d'impôts sur le revenu des particuliers.

Ai-je raison de penser que les frais d'intérêt sur la dette publique constituent le plus important poste de dépenses prévu dans le budget fédéral et qu'il représente environ 15 ¢ sur chaque dollar de dépense? Pouvez-vous nous donner une estimation des économies de frais d'intérêt qu'occasionnera la Loi sur les allègements fiscaux garantis sur une certaine période de temps, disons trois, cinq ou dix ans? À partir de quel exercice financier aurons-nous droit à ces économies et à ces rapports? Les allègements fiscaux seront-ils généralisés ou cibleront-ils certains groupes ou certains particuliers? Comment les rapports publics sur les allègements d'impôts sur le revenu des particuliers seront-ils présentés? Le public pourra-t-il savoir qui a profité de ces allègements, selon le niveau de revenu, le lieu de résidence, l'âge, le sexe ou le degré de participation à la vie active? Autrement dit, je souhaiterais que ce soit ceux qui ont le plus besoin de ces allègements qui en profitent. Comment pourrais-je faire pour le savoir?

M. Flaherty : Il y a là beaucoup de questions.

Le président : Pouvez-vous répondre en cinq minutes?

M. Flaherty : Je vais commencer par parler de la prémisse fondamentale. Nous faisons une analyse sexospécifique, non pas seulement de toutes nos mesures fiscales, mais aussi de toutes celles qui sont proposées, car chaque année des milliers de propositions en ce sens sont faites au gouvernement du Canada, et nous faisons passer les mesures proposées par le prisme de l'analyse sexospécifique.

Bien entendu, des mesures comme le financement de l'inoculation contre le papillomavirus profitent directement aux femmes et aux filles du Canada. Les allègements fiscaux garantis sont de 1,1 milliard de dollars pour 2007-2008. En 2008-2009, ils devraient atteindre 1,3 milliard de dollars. L'engagement que nous avons pris vise à réduire le fardeau fiscal des particuliers au Canada en fonction des économies de frais d'intérêt sur ce qui est en fait notre hypothèque nationale, à savoir notre dette publique accumulée. Nous ferons rapport de façon précise sur les allègements fiscaux attribuables à ces économies.

Comme l'a indiqué le sénateur, il y a bien des façons d'alléger le fardeau fiscal des particuliers au Canada. Ainsi, nous pouvons réduire les taux d'imposition marginal, accroître le montant de l'exemption personnelle de base ou encore prévoir des crédits ou des avantages fiscaux pour certains particuliers. Nous ferons rapport sur tous ces allègements, de façon à ce que tout soit clair pour les sénateurs, pour les députés et pour les Canadiens.

Le sénateur Nancy Ruth : Ce qui m'intéresse, ce sont les conséquences pour les contribuables canadiens qui paient le moins d'impôt ou qui n'en paient pas du tout et qui ont besoin d'argent.

M. Flaherty : Nous nous pencherons sur cette question dans le cadre de notre processus de budgétisation. Nous allons poursuivre les discussions sur ce sujet. Je suis heureux que nous ayons pu inclure dans le budget de cette année une prestation fiscale pour le revenu gagné. Cette mesure sera incluse dans le projet de loi d'exécution du budget qui sera présenté à l'automne, tout comme le Régime enregistré d'épargne invalidité, qui aidera certains des Canadiens les plus pauvres.

Le sénateur Eggleton : J'ai des questions à vous poser sur deux sujets, le premier étant les accords fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, plus particulièrement les transferts par habitant. Le rapport O'Brien recommandait de mettre fin à la péréquation dissimulée, de façon à ce qu'il y ait un seul régime de péréquation et que les transferts pour la santé, les services sociaux et l'éducation se fassent en fonction du nombre d'habitants. Bien entendu, l'Ontario soutient que la province ne recevra pas sa juste part si le calcul se fait par habitant. Certains de mes collègues, bien qu'ils viennent d'autres régions du pays, affirment que cette formule coûtera plus cher. L'argument fondamental au sujet de la capacité fiscale nous amène à l'essence même de la formule de péréquation. Comme l'a dit M. O'Brien, le programme existant est une forme de péréquation dissimulée.

Pourriez-vous nous parler un petit peu du fondement de la péréquation et nous dire ce que vous pensez de ce coût standard qui entrerait en ligne de compte dans les transferts?

Le deuxième sujet est celui des fiducies de revenu. Il y a deux aspects aux fiducies de revenu. Premièrement, il y a la question de ce qui avait été promis. Ceux qui critiquent la décision du gouvernement disent sans ambages que le Parti conservateur avait promis pendant la campagne électorale de préserver les fiducies de revenu en ne les soumettant pas à une nouvelle formule d'imposition. M. Harper a également dit pendant la campagne que quiconque proposerait d'imposer les fiducies de revenu s'attaquerait aux économies des Canadiens et des aînés. Ces propos nous montrent clairement que la promesse a été violée.

Le deuxième aspect concerne le bien-fondé de la décision sur le plan fiscal. Nombre de personnes critiquent la décision en disant que vous avez soutenu que cet impôt très punitif de 31,5 p. 100 est ce qui vous a motivé. Bien entendu, l'imposition des distributions se fera de façon progressive sur un certain nombre d'années, mais il n'en reste pas moins que c'est un impôt punitif. Vous dites que c'est en raison de Bell Canada Entreprises, BCE, et de TELUS. Pourtant, la décision a aussi occasionné un grand nombre de prises de contrôle, car beaucoup de ces entreprises sont maintenant à vendre pour pas cher.

Il y a, bien sûr, les 25 milliards de dollars en placements que beaucoup d'investisseurs à revenu moyen ont perdus en conséquence de la décision. On dit ici que, d'après HLB Decision Economics Inc., qui a travaillé de concert avec le ministère des Finances à évaluer les pertes fiscales, il n'y aurait pas de perte fiscale. Certains disent même que la décision entraînera en fait des pertes fiscales. Ils citent aussi le secteur pétrolier et gazier, qui soutient qu'il existe des dispositions semblables aux États-Unis qui marchent très bien et qui se demande pourquoi on veut le pénaliser ainsi. Il dit qu'il était en bonne voie de mieux gérer les leviers économiques que constituent les placements des Canadiens dans le secteur et que cette tendance est maintenant renversée.

À en juger par ces propos, on peut se demander si c'est bien fondé sur le plan fiscal. Dans les circonstances, étant donné que la péréquation est un terrain miné, et même si je reconnais la validité de beaucoup des observations faites par mes collègues du Canada atlantique, la formule O'Brien était celle qu'il fallait retenir. Deuxièmement, je tiens à vous féliciter pour la Commission de la santé mentale. Le sénateur Kirby, qui a présidé avant moi le comité, a joué un rôle important à cet égard. C'est là un pas dans la bonne direction.

Je vous inviterais à nous faire part de vos observations sur ces deux questions, les transferts par habitant et les fiducies de revenu.

M. Flaherty : Je préférerais en fait vous parler des deux autres questions. Vous avez tenu d'aimables propos.

Voici ce que j'ai à dire au sujet des transferts par habitant. C'est une question importante. Je vais en parler de façon assez générale, mais nous avons opté pour une formule de péréquation qui prévoit des transferts par habitant, notamment pour l'éducation, les services sociaux et la santé. Cette façon de faire est équitable. Je reviens à l'idée de l'équité entre les membres de la fédération. Peu importe où l'on vive au Canada, l'éducation universitaire ou collégiale entraîne certains coûts, si bien que la question n'est pas liée aux particularités géographiques ou régionales, contrairement à d'autres questions.

Nous avons tout de même prévu certains transferts qui ne sont pas des transferts par habitant, comme les fonds pour les portes d'entrée dont parlait le sénateur Angus tout à l'heure. Si, par exemple, le financement de la porte d'entrée dans le Canada atlantique se faisait par habitant, il y aurait un manque de fonds. Il ne serait pas possible de construire les ouvrages nécessaires à cette fin dans le Canada atlantique.

De même, les transferts pour l'éco-infrastructure de 25 millions de dollars par province étaient un transfert forfaitaire qui ne tenait pas compte du nombre d'habitants; encore là, c'est parce qu'il s'agit de coûts d'infrastructure qui ne sont pas directement liés au nombre d'habitants vivant dans la province ou le territoire, mais plutôt au fait que les ouvrages d'infrastructure sont nécessaires.

En ce qui concerne la question des fiducies de revenu en général, c'était là une décision difficile, bien sûr, et qui nous amène à nous poser une question importante : quelle est la responsabilité du gouvernement? Vous êtes, tout comme moi, des parlementaires. Quelle est la responsabilité du gouvernement lorsqu'il se trouve aux prises avec un phénomène économique d'envergure qui a un effet de distorsion sur l'économie, distorsion qui pourrait s'accentuer encore davantage, et qui se fonde sur un rendement élevé synthétique reposant sur le principe que l'argent sort du pays au lieu qu'il serve à la recherche, au développement et à l'accroissement de la productivité? C'est là tout un défi pour un gouvernement. Nous nous sommes attaqués à ce problème. Si nous ne l'avions pas fait, à l'heure où nous nous parlons, nos banques seraient déjà en train de se transformer en fiducies de revenu, tout comme la plupart de nos sociétés pétrolières et la majeure partie des entreprises de télécommunications d'importance au Canada.

Je vous le demande, pensez-vous que cela aurait été quelque chose de souhaitable pour les Canadiens et pour nos enfants et nos petits-enfants à l'avenir et pensez-vous que c'est là le genre d'économie que devrait favoriser par sa politique fiscale un pays jeune et en pleine croissance comme le Canada?

Certains qualifient cet impôt de punitif. Il s'agit simplement d'égaliser les règles du jeu. Il s'agit de faire en sorte que les fiducies de revenu payent des impôts au même titre que les sociétés. La plupart des Canadiens n'auront guère de mal à le comprendre. Ce qu'ils avaient du mal à comprendre, c'est qu'un type de structure commerciale avait un avantage fiscal considérable par rapport à un autre type de structure commerciale.

Pour ce qui est des 25 milliards de dollars qui auraient été perdus, chacun y va de ses estimations. Quand on regarde quelle est la valeur en bourse des fiducies de revenu à l'heure actuelle par rapport à ce qu'elle était le 1er novembre dernier, on se rend compte que la plupart des fiducies sont remontées à un niveau tout à fait acceptable. Vous dites que certaines se vendent bon marché, mais on voit que la plupart se vendent en fait à un prix plus élevé.

Chacun y va, sauf le respect que je vous dois, de ses estimations quant aux montants et quant à savoir qui a perdu quoi. Pour tout vous dire, quand on prend la peine de voir quelle a été l'évolution du marché ces derniers mois, depuis le 31 octobre, on constate que les estimations ne sont pas avérées.

Le sénateur Mitchell : Monsieur le ministre, si vous me permettez de passer maintenant à l'environnement et à l'économie, il est frappant de constater combien de fois nous entendons dire — et vos sénateurs conservateurs au Sénat se font un devoir de nous le répéter — que le fait d'investir dans l'environnement, d'appliquer le Protocole de Kyoto, de prendre des mesures énergiques pour atténuer les effets du changement climatique, et cetera. nous entraînera vers une catastrophe économique.

Soit dit en passant, je trouve étonnant que votre gouvernement parle de dépenser littéralement des milliards de dollars pour des hélicoptères, des balles et des conflits à l'autre bout du monde en disant que l'économie, loin d'être compromise, s'en trouvera stimulée. L'économie s'en trouvera effectivement stimulée, mais sans doute pour des raisons très désolantes.

Dans votre budget, vous prévoyez un certain nombre — pas assez, mais un certain nombre — de mesures relatives au changement climatique. Il y a notamment l'appui technologique du développement durable, qui recevra 500 millions de dollars environ sur sept ans. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est quand même quelque chose. Il y a aussi ÉcoFiducie Canada pour la qualité de l'air et les changements climatiques, pour laquelle 1,5 milliard de dollars environ sont prévus. Êtes-vous le moindrement enclins à penser que ces investissements visant à réduire ou à compenser l'effet des changements climatiques pourraient vraiment nuire à l'économie canadienne?

M. Flaherty : Ce qu'il faut, c'est un équilibre. J'aime bien parler des trois E : environnement, économie et énergie. Vous parlez de réglementer les industries et les entreprises canadiennes, mais il y a un coût économique correspondant. Ce que nous voulons faire, c'est atteindre un équilibre. La décision que nous avons prise de réglementer toutes les entreprises et industries canadiennes en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre — et c'est là une première dans l'histoire du Canada — aura bien sûr un effet sur l'environnement, mais elle entraînera aussi un certain coût. Nous tentons d'atteindre l'équilibre voulu pour que les gens ne perdent pas leur emploi et leur maison en raison de mesures visant à protéger l'environnement. Par ailleurs, nous allons prendre des mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20 p. 100 d'ici à 2020 et pour réduire les polluants atmosphériques de 50 p. 100 d'ici à 2015. C'est là l'approche équilibrée dont le Canada a besoin pour l'avenir.

Le sénateur Mitchell : Vous vous concentrez uniquement sur les coûts qui en découleraient, mais je n'ai vu aucune analyse convaincante qui montre qu'il y aurait en fait des coûts. Les entreprises membres de l'association Manufacturiers et Exportateurs du Canada ont réduit leur empreinte carbone de 7,4 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990 et leur productivité a augmenté de 48 p. 100. Les entreprises membres de l'Association canadienne des fabricants de produits chimiques ont, quant à elles, réduit leurs niveaux de carbone de 56 p. 100 par rapport à 1990, et leur productivité s'est accrue. L'Association forestière canadienne a réduit son empreinte carbone de 44 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990 et elle ne s'en porte que mieux.

Il me semble que vous tenez uniquement compte des coûts; le verre est à moitié vide. Vous ne semblez jamais tenir compte, premièrement de l'effet des investissements et, deuxièmement, des coûts que nous aurons à supporter si nous n'agissons pas, et de façon efficace.

Mais voici en fait ma question : quels sont les coûts? Il est intéressant de constater que votre porte-parole parmi les sénateurs ait évalué qu'il en coûterait 30 milliards de dollars par an, soit 2,5 p. 100 de notre PIB, pour atteindre les cibles de Kyoto. Mais d'après vos estimations à vous et celles de l'industrie, il en coûterait 30 milliards de dollars sur cinq ans et demi, soit un peu moins de 5 milliards de dollars par an, ou l'équivalent des recettes que vous avez perdues en réduisant la TPS de 1 p. 100. Je crains que vous n'évaluiez mal les coûts liés au respect du Protocole de Kyoto lorsque j'entends votre principal porte-parole au Sénat donner à entendre que le coût serait cinq fois et demi plus élevé qu'il ne l'est en fait. Avez-vous une évaluation fiable de ce que seraient les coûts?

M. Flaherty : Oui, sénateur, car nous avons fait appel à des experts de l'extérieur pour conseiller le ministère de l'Environnement à ce sujet. Je suis sûr que vous avez vu leurs rapports. Comme pour beaucoup de questions de ce genre, la prudence est de mise. Car il est tout aussi difficile pour les manufacturiers canadiens et les autres entreprises de s'adapter à une réglementation qui leur serait imposée soudainement et qui leur coûterait très chère que de s'adapter aux fluctuations de la devise canadienne.

Notre but est-il le même? Oui. La question est de savoir avec quelle rapidité nous voulons atteindre ces cibles souhaitables et au prix de quel sacrifice pour les Canadiens et les familles canadiennes? Comme je l'ai dit, nous tentons de trouver l'équilibre qui convient.

Quand nous avons fait nos calculs, nous avons conclu que le coût équivaudrait à environ 0,5 p. 100 du PIB. Si nous prenions des mesures soudaines pour réaliser nos objectifs, nous risquerions, pour tout vous dire, de plonger l'économie dans une récession, avec toutes les conséquences qui en découleraient.

Le président : Le ministre a une autre rencontre importante à laquelle il doit assister. Nous lui sommes reconnaissants d'être resté plus longtemps qu'il n'avait été prévu. Je crois savoir que Mme Anderson et M. Ernewein doivent aussi partir, mais il y a MM. LeBlanc, Vermaeten et Lalonde qui resteront et qui poursuivront la discussion avec nous.

Monsieur le ministre, nous avons six autres personnes sur notre liste qui souhaitaient poser des questions, plus deux autres qui voulaient participer au deuxième tour. Nous verrons bien s'il est possible d'obtenir des réponses à nos questions de vos collaborateurs, mais nous vous sommes reconnaissants du temps que vous avez bien voulu nous consacrer aujourd'hui.

M. Flaherty : Merci. Je suis toujours prêt, bien sûr, à venir rencontrer votre comité. Je dois toutefois rencontrer mes homologues des provinces pour discuter avec eux de valeurs mobilières aujourd'hui et de finances demain, mais si vous avez besoin que je revienne, je serai heureux de trouver le moyen de venir.

Le président : Merci beaucoup. J'ai déjà présenté chacun des témoins au début de la séance. Nous vous sommes reconnaissants d'être là aujourd'hui. Vous avez entendu le début de la discussion, alors nous allons poursuivre. Le sénateur Mitchell a été interrompu en plein vol; je m'en excuse. Il a la parole pour conclure ses questions.

Le sénateur Mitchell : J'avais en fait quelque chose de bien à dire au sujet du ministre. Je ne voudrais pas me laisser emporter, mais je tiens à ce qu'il sache ce que je suis sur le point de dire. Je trouve très louable qu'il cherche à créer un organisme commun de réglementation des valeurs mobilières. Cette mesure soulève une certaine résistance de la part de ma province, l'Alberta, et j'en suis déçu.

On s'attendrait à ce qu'un marché du carbone soit créé sous l'égide de cet organisme commun. Le gouvernement a toutefois soigneusement évité de prendre quelque mesure en ce sens. La création d'un marché du carbone offrirait des possibilités économiques considérables aux nombreux acteurs industriels dans ce secteur agricole et offre aussi la possibilité d'accumuler des crédits-carbone et de les vendre. Il y a en fait une importante entreprise québécoise, Cascades Inc., qui vend des crédits-carbone en Europe.

Il s'agit d'un modèle qui pourrait être importé au Canada et qui créerait un certain dynamisme et une certaine synergie pour favoriser la mise en place de mesures liées à la qualité de l'air et à l'accumulation de crédits-carbone. Envisage-t-on de mettre en place un marché du carbone au Canada? J'ajouterais que Calgary serait un endroit idéal où installer ce marché du carbone.

Paul Rochon, sous-ministre adjoint intérimaire, Direction des politiques économique et fiscale, ministère des Finances Canada : Je ne suis pas expert en la matière, mais je peux vous dire que le plan de réglementation du gouvernement en faveur de la qualité de l'air comprend une proposition visant l'échange de crédits à l'intérieur du Canada; une bonne partie du plan est d'ailleurs consacrée à l'échange de crédits. C'est là une question que vous voudrez peut-être aborder avec les fonctionnaires d'Environnement Canada.

Le sénateur Mitchell : La valeur élevée du dollar nuit à bien des égards à l'économie d'un pays comme le Canada, qui exporte des produits et importe des touristes. Les conséquences s'en font sentir dans le secteur manufacturier du Canada central. Quand le dollar est élevé, les manufacturiers peuvent par contre se procurer du matériel à meilleur prix à l'étranger et commencer à accroître leur productivité de manière à compenser les difficultés causées par la vigueur de la devise.

Il semble toutefois que les manufacturiers ne font pas ce genre d'investissements. Vos études vous permettent-elles de le confirmer? Si oui, quelles mesures le gouvernement peut-t-il prendre pour encourager les investissements semblables destinés à accroître la productivité du secteur manufacturier canadien? La productivité est de plus en plus un sujet d'inquiétude pour notre économie. Même si notre économie se porte bien, sa force est surtout attribuable aux produits de base.

M. Rochon : Les investissements au Canada sont en fait très forts depuis deux ou trois ans. Vous avez raison de dire que la valeur élevée du dollar a l'avantage de rendre l'achat d'équipement plus abordable, puisqu'il s'agit le plus souvent de produits importés.

Pour ce qui est des moyens à prendre pour aider le secteur manufacturier, le Budget 2007 prévoit une déduction pour amortissement accélérée, spécialement pour le secteur manufacturier. Le gouvernement a aussi prévu bien d'autres mesures pour accroître la productivité qui sont énoncées dans Avantage Canada et qui visent notamment à assurer un bon équilibre fiscal et à améliorer la réglementation.

[Français]

Je souhaite la bienvenue à M. Lalonde, directeur adjoint à la Direction de la politique de l'impôt du ministère des Finances. Je cède maintenant la parole au sénateur Biron.

Le sénateur Biron : En ce qui concerne le Plan d'équité fiscale et les fiducies de revenu, le projet de loi vient tarir une source importante du financement traditionnel dans le secteur pétrolier et gazier. Cela réduit considérablement la valeur capitalisée des actifs en bourse. Ce projet de loi rend les compagnies canadiennes moins compétitives face aux compagnies américaines qui ne paient pas d'impôt. Cet état de choses les rend plus sujettes à des achats par des compagnies étrangères qui ne paient pas d'impôt. Il risque d'en résulter une aliénation d'une partie de notre patrimoine énergétique, ce qui est contraire aux prétentions du Canada à vouloir devenir une superpuissance énergétique.

Pour éviter de payer autant d'impôt, nous verrons, d'ici 2011, plusieurs de ces compagnies devenir propriétés américaines. De fait, elles ne paieront plus d'impôt au Canada et réduiront leur taux d'emploi au Canada.

Les secteurs pétrolier et gazier sont des ressources non renouvelables et ils doivent distribuer leurs revenus. Par conséquent, afin de corriger les conséquences négatives pour ces compagnies et ces épargnants qui y ont souscrit, le gouvernement ne pourrait-il pas accorder aux secteurs pétrolier et gazier les mêmes exemptions qui ont été accordées aux sociétés de placement immobilier?

[Traduction]

Gérard Lalonde, directeur adjoint, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Votre question comportait un certain nombre de suggestions ainsi que deux ou trois sous- questions. L'essentiel à retenir, c'est ce qu'a dit le ministre. Les mesures touchant les fiducies de revenu ont pour but de faire en sorte que les fiducies de revenu cotées en bourse soient traitées de la même façon que les sociétés. Les sociétés peuvent se prévaloir d'un certain nombre de dispositions de la loi qui instaurent des régimes spéciaux pour les frais d'exploration relatifs au pétrole et au gaz, par exemple, et les frais d'aménagement, et les fiducies de revenu peuvent déduire le même genre de dépenses. Il ne devrait pas y avoir de traitement différencié pour les fiducies de revenu assujetties aux dispositions relatives aux sociétés de personnes intermédiaires de placement déterminées, d'une part, et les sociétés canadiennes, d'autre part. En ce qui concerne les sociétés étrangères qui viendraient s'établir au Canada pour exploiter une entreprise dans le secteur pétrolier et gazier, le Canada impose les sociétés non résidantes sur les revenus tirés de l'exploitation d'une entreprise au Canada de sorte qu'elles seraient imposables au Canada de la même façon que les sociétés canadiennes. Dans la mesure où les dispositions relatives aux fiducies de revenu tentent d'instaurer pour les fiducies de revenu un régime comparable à celui qui s'applique aux sociétés, elles seraient imposées de la même façon.

[Français]

Le sénateur Biron : Une lettre reçue de Canadian Energy Trust nous informe que leur secteur a connu également une recrudescence de fusions et d'acquisitions, en plus d'être davantage la cible de prises de contrôle par des organismes canadiens et étrangers exemptés d'impôt, et par des fonds de placement privé parce que leur valeur capitalisée en bourse a diminué.

[Traduction]

M. Lalonde : Vous avez probablement lu dans les quotidiens depuis quelque temps les questions de grands projets de prise de contrôle d'un grand nombre d'entreprises, dont des sociétés. Cela n'a rien de particulier aux fiducies de revenu. C'est un phénomène qui tient à la disponibilité de vastes réserves de capitaux dans le monde entier. Cela n'est pas un phénomène particulièrement canadien. Les propositions contenues dans le projet de loi assujettiront les fiducies de revenu aux mêmes règles que toutes les autres sociétés canadiennes qui exploitent leur entreprise dans toute une gamme de domaines.

[Français]

Le sénateur Ringuette : Mes questions s'adressent au ministre essentiellement, mais j'ai quand même des questions pour les officiels.

L'année dernière, je faisais partie du groupe de sénateurs ayant travaillé de longues heures sur le projet de loi C-2, le projet de loi sur la responsabilité, qui visait entre autres une plus grande transparence dans les documents. Un citoyen de Calgary m'a remis ce document — et je peux le montrer à mes collègues s'ils le désirent — qu'il a demandé sous l'accès à l'information et au ministère des Finances concernant les fiducies de revenus. Vous voyez ici la page couverture du ministère des Finances.

Dites-moi, qu'est-ce que cela nous a donné d'étudier pendant des mois et de rencontrer des centaines de témoins pour avoir un plus grand accès à l'information si les citoyens et les parlementaires ont droit à un document de ce genre?

[Traduction]

Le président : Le sénateur montre une liasse de feuilles dont la majorité du texte est caviardé. Les sénateurs souhaitent-ils que ce document soit joint aux délibérations?

Le sénateur Murray : Je pense que nous avons saisi.

Le sénateur Ringuette : Puisque les fonctionnaires n'ont rien à dire, je vais poursuivre. Leur silence en dit long.

M. Lalonde : On ne m'a pas encore donné la chance de répondre mais je veux bien le faire si vous le souhaitez. Nous sommes un ministère de l'État et nous sommes donc assujettis à la Loi sur l'accès à l'information. Nous consacrons un temps élevé au traitement des demandes d'accès à l'information. Nous devons aussi nous conformer aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information dont une des dispositions, l'article — je m'excuse?

Le sénateur Ringuette : Nous avons élargi les dispositions afin que les citoyens canadiens puissent avoir un meilleur accès.

M. Lalonde : Comme je le disais, il y a notamment l'article 69 de la loi qui n'a rien de discrétionnaire. Il s'agit d'une disposition contraignante qui traite des documents confidentiels du Cabinet. Dans la mesure où les documents renferment de l'information qui concerne la législation ou un projet de loi ou encore des avis destinés aux ministres, ils ne peuvent être divulgués. C'est ce que dit la loi. Il ne s'agit pas d'une exclusion discrétionnaire; il s'agit d'une exclusion contraignante. Nous devons nous conformer à la loi.

Le sénateur Ringuette : Je comprends que vous deviez vous conformer à la loi. Toutefois, je crois que si le ministre commente publiquement un tel document, ce dernier devrait être rendu public. Je comprends que vous ne faites pas partie du personnel politique, et je respecte cela, mais il faut aussi qu'il y ait transparence et reddition de comptes. Nous serons bientôt saisis d'un autre projet de loi. Je sais que les dispositions du projet de loi C-2 ne sont pas toutes entrées en vigueur et pourtant de nombreux mois se sont écoulés depuis l'adoption du projet de loi.

Je vais passer à mon autre question. Vous êtes le groupe parfait pour y répondre. Avez-vous fait une analyse des coûts par habitant des programmes sociaux et de l'éducation postsecondaire province par province et territoire par territoire, et pourriez-vous la rendre publique, ou s'agit-il d'un document confidentiel du Cabinet? Avez-vous fait cette analyse des coûts province par province?

Frank Vermaeten, directeur général, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, ministère des Finances du Canada : Au fil des ans, beaucoup d'études ont été faites, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du ministère. Dans le cadre de ces études-là, on rencontre finalement d'importants problèmes de méthodologie et de données quant à savoir comment établir le coût de la prestation des services. La question comporte plusieurs aspects. Prenez, par exemple, le coût de l'éducation. D'une part, on s'intéresse à la demande des services d'éducation dans une province. Cette composante peut faire monter ou baisser le coût. D'autre part, il y a le coût d'offrir ces services en termes de salaires des professeurs et des coûts liés aux immeubles dans chaque province. Je crois qu'il en va de même pour les services sociaux.

Des études ont été faites. Je ne pense pas qu'il existe une étude définitive qui dit, voici les résultats qui vous permettraient de définir les besoins précis. L'hypothèse générale, c'est que dans ces domaines, les besoins par habitant sont à peu près les mêmes d'une province à l'autre sauf preuve contraire. Le gouvernement a décidé qu'aux fins du TCPS, le transfert égal par habitant est une bonne approximation.

Le sénateur Ringuette : Je ne vous ai pas demandé de donner une réponse politique ou bureaucratique à ma question. Je vous ai demandé si vous aviez fait une analyse du coût par habitant des programmes sociaux et de l'éducation postsecondaire par province. Je n'arrive pas à croire que votre ministère, qui est chargé des transferts interprovinciaux et qui peut compter sur toutes vos ressources humaines et toute votre expertise, n'ait pas fait d'analyse complète.

M. Vermaeten : Comme je l'ai déjà dit, la question a été analysée. Je ne crois pas qu'il y ait...

Le sénateur Ringuette : Avez-vous fait une analyse complète, disons, dans les deux ou trois dernières années?

M. Vermaeten : Il y a des données...

Une voix : Non...

Le sénateur Ringuette : S'il vous plaît, permettez-lui de répondre. La question est simple.

M. Rochon : Il y a une réponse directe à votre question, et c'est ce que Statistique Canada publie, dans les comptes économiques provinciaux, les dépenses des divers programmes ainsi que la contribution fédérale par province à ces programmes.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous fait, dans les trois dernières années, une analyse des coûts? Oui ou non?

M. Vermaeten : Non, nous n'avons pas terminé d'étude dont nous pourrions dire que nous estimons qu'elle est solide au point de vue méthodologique et qui dit, voici les différences de coûts ou de besoins par province.

Le sénateur Ringuette : Vous ne l'avez pas fait.

Vous dites que votre recommandation — je présume qu'il s'agit de votre recommandation au ministre — est de transformer le système de transfert en matière de programmes sociaux en un système de transfert égal par habitant sans aucune analyse convenable. S'il n'y en a pas, et vous venez de dire qu'il n'y en avait pas, il s'agissait donc d'une décision purement politique. Si vous n'avez pas les faits pour étayer cette modification au système qui est en place depuis 30 ans, il s'agit donc d'une décision purement politique.

M. Vermaeten : La décision est fondée sur les recommandations du groupe O'Brien, qui s'est penché sur la question.

Le sénateur Ringuette : Le groupe O'Brien n'a rien à voir avec le transfert social.

M. Vermaeten : Je crois que si vous lisez le rapport O'Brien, il y a une recommandation précise. En effet, le budget renvoie directement aux recommandations O'Brien, disant qu'O'Brien avait recommandé, outre un programme amélioré de péréquation, qu'on mette fin à la péréquation détournée qu'il y avait dans le transfert canadien en matière de programmes sociaux et dans le transfert canadien en matière de santé.

Le président : Je n'ai pas entendu. Pour mettre fin à quoi?

M. Vermaeten : Pour mettre fin à ce qu'on appelle souvent la péréquation détournée dans le TCPS et dans le TCS. En établissant le montant de ces transferts, on mesurait implicitement la capacité fiscale. Selon O'Brien, une fois le programme de péréquation amélioré, on n'a plus besoin de mesurer cette capacité fiscale.

Pour ce qui est de la composante besoin, la prestation se fait sur la base du transfert égal par habitant depuis déjà un certain temps. Je crois que c'est en 1999 ou en 2000 que nous sommes passés à la nouvelle prestation égale par habitant. La seule question qui reste à l'égard des TCPS et TCS est de savoir si nous devrions continuer à mesurer la capacité fiscale. O'Brien a dit qu'on n'avait plus besoin de mesurer cette capacité fiscale puisque les différences de capacité fiscale ont été compensées par le programme amélioré de péréquation.

Le sénateur Ringuette : Non, ce n'est pas vrai.

Le président : À titre de précision, est-ce qu'on peut appeler la péréquation détournée la péréquation associée?

Le sénateur Eggleton : C'est ainsi qu'O'Brien l'a appelée.

Le sénateur Murray : Il se peut qu'il l'ait appelée ainsi. Il l'a empruntée à M. McGuinty, qui fut le premier à utiliser l'expression. M. O'Brien, à titre de président du comité, l'a utilisée, et on l'a reprise plus tard, avec l'approbation de M. Flaherty, paraît-il, dans les documents budgétaires. Cependant, appeler cela la péréquation détournée est un non-sens.

En 1977, lorsque M. Trudeau a décidé que le gouvernement fédéral paierait désormais la moitié des coûts fédéraux de ces programmes-là au moyen d'un transfert de points d'impôt, naturellement l'Ontario et l'Alberta en étaient ravis, puisque la valeur des points d'impôt était importante. Tout le monde s'imaginait évidemment qu'on ferait la péréquation des points d'impôt. Appeler cela la péréquation détournée est inexact et injuste.

La deuxième question est de savoir si le soi-disant programme amélioré de péréquation compensera les provinces bénéficiaires, et il s'agit maintenant de sept ou huit provinces. La question de savoir si le programme amélioré de péréquation compensera ce qu'elles perdent en péréquation associée, on n'en a pas encore les preuves. Au début, peut- être, mais certaines des provinces ont fait leurs calculs; elles ont taillé leurs crayons et elles ont des tableaux. Je crois que l'une ou l'autre d'entre elles nous en dira plus long cet après-midi et demain. Appeler cela la péréquation détournée est fort mal à propos.

M. Vermaeten : Puis-je apporter une précision quant à la suppression de la péréquation associée?

Le président : Merci d'avoir utilisé ce terme.

M. Vermaeten : En fait, dans le budget, on parle et de la péréquation associée et de la péréquation détournée.

Ce que je tenais à dire, c'est que ce ne sont pas les provinces qui perdent de l'argent à cause de la suppression de la péréquation associée. En effet, le gouvernement a investi 687 millions de dollars par année.

Senator Murray : Cette année.

M. Vermaeten : Non, c'est un montant supplémentaire qui sera versé de façon continue à l'Ontario, à l'Alberta et aux Territoires du Nord-Ouest, puisqu'ils recevaient moins que les autres provinces. En fait, cela fait monter ces provinces-là au même niveau que les autres.

Le sénateur Moore : Dieu sait qu'elles en ont besoin.

Le sénateur Ringuette : Savez-vous quoi? Les fonctionnaires devant nous ne nous ont pas encore démentis, sénateur Eggleton.

Il n'y a pas d'analyse des coûts, et vous avez répété au moins trois fois au cours des cinq dernières minutes qu'on n'a pas besoin non plus de mesurer la capacité fiscale.

Je vous renverrais à la Constitution canadienne. Le paragraphe 36(2) se lit ainsi :

Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables.

C'est la capacité fiscale. Si, comme vous le dites, il n'est pas nécessaire de mesurer la capacité fiscale afin d'effectuer ces transferts, alors il s'agit d'une violation très claire du paragraphe 36(2) de la Constitution canadienne.

Le président : Vous sentez-vous habileté à répondre à une question sur la Constitution?

M. Vermaeten : Je peux certainement essayer.

Je répète qu'en 1999 nous avons adopté des paiements égaux par habitant, et selon des études que nous menons depuis ce temps, nous n'avons trouvé ni preuve ni approche méthodologique raisonnable démontrant que les besoins sont tout sauf égaux par habitant. Encore une fois, c'est une affectation qui a été adoptée en 1999.

Le sénateur Ringuette : Vous ne l'avez pas analysée, et vous n'avez pas encore fourni de documents au comité.

M. Vermaeten : L'affectation égale par habitant a été établie en 1999, et vous verrez encore qu'O'Brien s'est penché sur la question à savoir si un examen des besoins en dépenses pouvait être fait. À peu près tout le monde s'entend pour dire qu'il serait extrêmement difficile de le faire au plan méthodologique.

Pour ce qui est de la deuxième question, de ne pas mesurer la capacité fiscale, j'ai indiqué que le programme de péréquation comporte une mesure de la capacité fiscale. O'Brien a dit qu'avec un programme de péréquation solide qui soutient les provinces avec une capacité fiscale réduite, nous n'avons pas à répéter cet élément avec chaque transfert. Cela ne veut pas dire que tous les transferts et tout le soutien sont égaux par habitant. Par exemple, le ministre a mentionné que la porte d'entrée de l'Atlantique recevrait davantage pour ce genre d'appui qu'une province sans accès à la mer.

Le sénateur Ringuette : Je voudrais justement vous parler de la question de la porte d'entrée de l'Atlantique. Je suis ce dossier avec attention, étant donné que ça pourrait être un outil économique majeur pour le Canada atlantique. Cependant, jusqu'à maintenant, j'ai lu au moins trois rapports sur l'élargissement du port d'Halifax, et il n'y a pas d'engagement financier pour la porte d'entrée de l'Atlantique. Je suis désolée, mais je lis mes dossiers; je suis une sénateur intéressée. Dans la région atlantique, ce nouveau programme de péréquation va entraîner des pertes, sur une période de dix ans à partir du budget de cette année, de 1,44 milliard de dollars pour la Nouvelle-Écosse, 1,422 milliard de dollars pour Terre-Neuve-et-Labrador, 1,085 milliard de dollars pour le Nouveau-Brunswick et 196 millions de dollars pour l'Île-du-Prince-Édouard. Le ministre est venu témoigner, et je suis certaine qu'un ou beaucoup d'entre vous ont écrit ses commentaires liminaires, ou une des premières choses qu'il a indiquées c'est que toutes les provinces seront avantagées par le nouveau régime. Messieurs, j'attends toujours de voir des preuves. Si vous en avez, je serais heureuse de les recevoir avant la fin de notre étude sur le budget.

Le président : Quelqu'un pourrait-il nous donner une réponse?

M. Vermaeten : Je vous référerais au document d'accompagnement du budget intitulé Rétablir l'équilibre fiscal pour créer une fédération plus forte. À la fin du document il y a des tableaux où figurent les transferts aux provinces au fil des ans. À la page 72 du document en question, il y a des tableaux par province qui illustrent l'augmentation des niveaux de transfert. La liste des transferts n'est pas exhaustive, mais elle indique qu'au fil des ans, grâce aux mesures d'équilibre fiscal, les provinces recevront des augmentations substantielles en transfert.

Le sénateur Ringuette : Ce n'est guère plus que de la poudre aux yeux. J'ai demandé à notre attaché de recherche de la Bibliothèque du Parlement de me fournir les chiffres pour le nouveau programme, et la réponse que j'ai reçue était que le fonctionnaire du ministère des Finances ne veut pas donner de chiffres puisque ce ne sont que des hypothèses.

Pouvez-vous me fournir les chiffres afin que nous puissions les examiner? Pouvez-vous me donner les chiffres pour la période de 2007-2008 à 2019-2020?

M. Vermaeten : Le budget présente les chiffres pour 2007-2008 et 2008-2009.

Le sénateur Ringuette : Oui, et c'est après que les choses se détériorent.

M. Vermaeten : Ces chiffres sont disponibles à la page 20; il existe des prévisions fiables pour cela. Il devient très difficile d'avancer des hypothèses jusqu'en 2019-2020 quant aux paiements de péréquation. Pour ce faire, il ne suffit pas de savoir ce que seront les revenus provinciaux, il faut aussi connaître le prix des ressources, les taux de change, les niveaux de production et les taux d'imposition.

Le sénateur Ringuette : Vous avez sûrement prévu des scénarios. Je m'excuse, mais nous ne pouvons obtenir d'analyses sur les capacités fiscales. On nous dit qu'il n'est pas nécessaire de mesurer la capacité fiscale alors qu'il est clairement indiqué dans la Constitution que c'est nécessaire. Nous ne pouvons obtenir de chiffres. C'est donc à la limite du ridicule de demander à notre comité d'examiner un budget qui aura des conséquences nuisibles à long terme pour huit de nos dix provinces, dont celle que je représente. Je ne peux avoir ces chiffres, je ne peux avoir les faits et c'est — je ne dirais pas « frustrant » parce que c'est un mot qu'on utilise pour désigner une femme avec du caractère — mais je dirais, monsieur le président, que le ministre pourrait peut-être revenir nous voir pour répondre aux questions du comité et avancer des faits, parce que je n'en ai pas encore vus qui me convaincraient que c'est un bon budget pour tous les Canadiens.

Le président : Je crois avoir compris qu'aucune analyse particulière n'a été faite pour arriver à la décision politique. On ne peut pas leur demander des chiffres qu'ils n'ont pas, et s'ils n'en ont pas, il n'y en a pas.

M. Vermaeten : Il y a des études approfondies sur le programme de péréquation et des études exhaustives d'O'Brien sur ce qui serait le programme de péréquation idéal fondé sur une formule. C'est un programme fondé sur une formule, alors nous pouvons constater qu'en 2007-2008 il y a eu une bonification du programme qui augmente le niveau de capacité fiscale des provinces. Nous le savons pour 2007-2008, et nous avons fait des prévisions pour 2008-2009. Pour ce qui est de l'avenir, c'est un programme fondé sur une formule, et les provinces recevront des paiements fondés sur leur capacité fiscale, qui évolue au fil des ans. C'est ainsi que le programme de péréquation a été conçu.

Le président : Nous comprenons. Nous avons effectué des études exhaustives sur la question de la péréquation. Il y avait davantage d'intérêt pour le transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, la décision d'adopter une approche par habitant et d'abandonner la péréquation liée aux transferts fiscaux.

Le sénateur Di Nino : Je respecte tout à fait que certains de nos collègues se passionnent de cette question, comme l'a dit le sénateur Eggleton. Venant de l'Ontario, j'ai un point de vue différent et je ne suis pas nécessairement en accord avec eux.

Le projet de loi C-52, le projet de loi d'exécution des dispositions du budget, contient de nombreuses mesures importantes pour les Canadiens. Je salue l'initiative écoFiducie, qui arrive à point nommé. Cette initiative contribuera beaucoup à apaiser quelques-unes des préoccupations à cet égard, sans pour autant les dissiper complètement.

Chaque fois que l'on crée un programme de ce genre, il y a risque d'abus. Ma première question porte sur la reddition de comptes et les mécanismes d'évaluation et de conformité qui seraient mis en œuvre.

Je voudrais, premièrement, connaître ces mécanismes et, deuxièmement, savoir à qui incombent l'évaluation et la surveillance? S'agit-il du gouvernement fédéral ou des provinces?

M. Rochon : Je peux répondre de façon globale. Je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine, mais le programme écoFiducie Canada sera administré conjointement par le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux avec l'aide de spécialistes du secteur privé.

Des organismes semblables existent déjà — Inforoute Santé du Canada est l'exemple qui me vient à l'esprit — et qui fonctionnent de cette manière. Leur structure de gouvernance, telle qu'énoncée dans leurs lettres patentes, assure un haut niveau de responsabilisation. En bout de ligne, les membres du conseil, y compris des représentants des gouvernements et du secteur privé, seraient responsables de la bonne gouvernance de l'organisation.

Le sénateur Di Nino : Cela n'enlève pas ma préoccupation. Lorsque vous parlez d'une responsabilité conjointe, je crois que j'aimerais qu'on identifie plus clairement qui sera chargé de voir à ce que ces fonds soient utilisés aux fins indiquées et soient évalués de manière à nous assurer — c'est un gros chiffre, au moins 1,5 milliard de dollars — qu'on utilise l'argent aux fins indiquées et de manière appropriée.

M. Lalonde : M. Richard Botham, du ministère des Finances, est là. Il peut répondre à cette question de façon plus directe que moi.

Richard Botham, directeur, Division de l'analyse des politiques microéconomiques, Direction du développement économique et des finances intégrées, ministère des Finances du Canada : Le mécanisme principal de reddition de comptes se trouve chez le bénéficiaire, soit la province ou le territoire. La reddition de comptes se fait aux résidants de la province ou du territoire.

La deuxième façon dont la reddition de comptes se fait, c'est que les provinces et territoires bénéficiaires d'une fiducie ont fait savoir par un échange de lettres avec le gouvernement du Canada quels sont les projets qu'ils considèrent prioritaires et qu'ils entreprendraient à l'aide de ces fonds. Ce sont là les deux principaux mécanismes liés à la fiducie.

Le sénateur Di Nino : Qui va vérifier cela?

M. Botham : Le bénéficiaire, que ce soit la province ou le territoire, serait chargé de la fonction de vérification.

Le sénateur Di Nino : Du moins, j'ai fait ressortir ma préoccupation à cet égard. Je vais passer à une autre question que je considère importante dans beaucoup, beaucoup de circonstances. D'ailleurs, j'approuve cette mesure.

Le fractionnement des revenus de pension pour les aînés, qui a été très bien accueilli, aidera beaucoup ceux qui sont parmi les plus défavorisés. Or, si les pensionnés peuvent fractionner leur revenu, pourquoi s'en tenir au revenu de pension? Pourquoi ne pas tenir compte de tous les revenus des aînés?

M. Lalonde : C'est une très bonne question, mais je ne suis pas certain, en tant que fonctionnaire, de pouvoir y répondre. Évidemment, en période prébudgétaire, le gouvernement dispose de diverses options. Je crois que le ministre a dit à quelques reprises qu'on avait examiné cela et qu'on y avait réfléchi.

Cependant, quand on en justifie son budget personnel, il y a des choses qu'on veut, des choses dont on a besoin et des choses qui sont faisables, et il faut concevoir le budget et trouver le meilleur équilibre possible; voilà ce qu'a fait le ministre.

Le sénateur Di Nino : Monsieur le président, j'aurais aimé poser cette question au ministre. C'est une question politique. Malheureusement, il a dû partir et mon nom se trouvait trop bas sur la liste, mais au moins je l'ai posée pour qu'on puisse en traiter lors de discussions futures.

Le sénateur Cowan : Lors de son intervention ce matin, le ministre a dit qu'il avait rencontré le ministre provincial des Finances et ses fonctionnaires en Nouvelle-Écosse afin de discuter de modifications à l'accord avant le 19 mars.

Le premier ministre provincial comparaîtra cet après-midi. Je vous demanderais de contacter le cabinet du ministre dès que vous partirez d'ici et de déposer auprès de notre comité, avant la comparution du premier ministre cet après- midi, les dates et les heures des rencontres ainsi que le nom des fonctionnaires rencontrés en Nouvelle-Écosse par le ministre avant le 19 mars afin de discuter de modifications à l'accord.

Deuxièmement, le ministre s'est targué de passer à une formule de péréquation fondée sur des principes. Il a également dit, évidemment, que la formule de péréquation évolue de temps en temps et n'est pas coulée dans le béton. Je ne me souviens plus des mots précis qu'il a utilisés, mais je crois que c'est ce qu'il entendait, et nous comprenons tous cela.

Si vous ne pouvez pas nous donner la réponse, je vous demanderais de nous trouver quelqu'un qui peut le faire.

La clause 4 de l'accord signé le 14 février 2005 porte sur le calcul du paiement compensatoire et fait mention du paiement de péréquation que toucherait la province en vertu de la formule de péréquation en vigueur à l'époque.

L'article 8 de la Loi sur les paiements de péréquation compensatoires supplémentaires à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador prévoit qu'en calculant ce paiement de péréquation compensatoire, « le paiement de péréquation compensatoire supplémentaire versé à la province de la Nouvelle-Écosse pour un exercice... » et il continue ainsi, « [...] pour l'exercice selon la formule de péréquation en vigueur [...] »

À mon avis, il est évident que ce libellé-là n'entend pas la formule de péréquation en vigueur le 14 février 2005 ou à la fin décembre 2004. Il aurait été très simple de le dire au moment de la signature de l'accord, si tel était l'idée. Manifestement, ce n'est pas ça, l'idée. Le choix des mots est très réfléchi.

Je vous renvoie à un paragraphe d'un article écrit par MM. Crosbie et Martin dans The Globe and Mail d'aujourd'hui. Ils disent :

Il serait difficile de s'imaginer que dans le cadre de toutes ces mesures fondamentales de politique financière prises par le gouvernement fédéral, le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, John Hamm, et le premier ministre de Terre-Neuve, Danny Williams, ainsi que tous leurs ministres et conseillers seraient d'accord pour conclure l'entente de février 2005 sans insister pour que soit protégée leur province contre des modifications futures au programme de péréquation, modifications qui risqueraient d'annuler les avantages de ces ententes économiques bilatérales.

Je vous demande s'il y a quelqu'un ici qui peut me donner un avis juridique à l'appui de la position du ministre voulant que l'Accord atlantique et la loi de mise en œuvre se fondent sur la formule de péréquation en vigueur au moment où l'accord a été signé plutôt que sur la formule de péréquation en vigueur de temps en temps.

Il est là, le désaccord essentiel entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, et voilà pourquoi je dis que ce choix qu'offre le gouvernement à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador est un faux choix. Il y a une entente en vigueur; elle est entérinée dans une loi. Selon moi, il n'y a pas de choix à faire, à moins que vous n'ayez une opinion contraire appuyée par un avis juridique ou que vous ne soyez capables de faire comparaître quelqu'un devant notre comité qui serait en mesure de donner un avis juridique contraire.

Alfred LeBlanc, directeur, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, ministère des Finances Canada : Vous faites ressortir qu'à l'époque, cela pouvait être interprété en amont ou en aval, et je crois, quoi qu'il en soit, que les dispositions du projet de loi C-52 concernant la péréquation comprennent deux formules. L'une des formules à la disposition de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, c'est la formule du statu quo, qui prévoit la pleine protection en vertu de l'accord. Cela demeure partie intégrante des modalités de péréquation.

Le sénateur Cowan : Je me suis peut-être mal exprimé, mais selon vous, ou selon tout autre témoin ou avis juridique que vous pourriez mettre à la disposition de notre comité, est-ce que mon interprétation de l'Accord atlantique et de l'article 8 de la loi dont j'ai parlé est erronée? À mon avis, le sens est évident; c'est au moment où on fait le calcul. Je crois que MM. Crosbie et Martin font valoir le même argument, donc il nous faut quelqu'un pour tirer cela au clair. J'aurais posé la question au ministre s'il avait été là plus longtemps.

M. LeBlanc : Ce que je dis, c'est que la formule de péréquation qui sera en vigueur lorsque le projet de loi C-52 sera adopté, aujourd'hui, demain, comprend deux formules : la formule O'Brien, assortie d'un plafond, et la formule du statu quo. Ces deux formules sont à la disposition de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse et leur offrent une protection pleine et entière de leurs accords. La formule du statu quo s'appliquera à eux jusqu'à ce qu'ils décident par écrit d'indiquer qu'ils préféreraient la formule O'Brien.

Le sénateur Cowan : Monsieur LeBlanc, là où je veux en venir, c'est que ces deux provinces n'ont aucun choix à faire. Ces deux provinces ont signé des ententes avec le gouvernement du Canada en vertu desquelles elles ont droit aux avantages de la formule de péréquation fondée sur des principes, à laquelle le ministre se vante que toute province admissible a droit. Il n'y a pas, n'y a jamais eu et ne devrait jamais y avoir deux formules de péréquation différentes. Il y en a une, et en vertu de ces ententes, qui sont entérinées dans une loi, à mon avis, ces deux provinces ont droit aux avantages de n'importe quel programme de péréquation qui est en vigueur de temps en temps, et en plus, ont le droit de retenir les avantages de cette formule de péréquation fondée sur des principes.

M. LeBlanc : Le programme de péréquation qui sera en vigueur lorsque le projet de loi sera adopté comporte deux formules.

Le sénateur Cowan : Cela change. Ce n'est pas ce à quoi elles ont droit. C'est ça le faux choix.

M. LeBlanc : Elles peuvent continuer selon le statu quo, qui demeure une partie intégrante du programme, et qui leur offre une protection pleine et entière de leurs accords sur les hydrocarbures extracôtiers.

Le sénateur Cowan : Vous n'êtes pas d'accord avec mon interprétation de cet accord?

Si vous n'êtes pas d'accord, je vous invite, vous-même ou quelqu'un d'autre, à présenter un avis juridique ou à témoigner de la bonne interprétation de l'accord et de la loi. Cependant, à mon avis, le sens manifeste de ces deux documents — et je crois que Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse partagent ce point de vue — c'est qu'en tant que provinces canadiennes, elles ont le droit de profiter de la formule de péréquation en vigueur de temps en temps, et elle évolue avec le temps. Elles ne sont pas coincées avec le programme qui existait à l'époque de l'accord.

M. LeBlanc : Je n'ai pas dit ça pour remonter en 2005. Je dis que la formule du statu quo demeure une partie intégrante des modalités de péréquation prévues au projet de loi C-52. Elles sont donc toujours en vigueur; elles continuent de faire partie intégrante des modalités de péréquation. Elles sont à la disposition de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve et leur offrent une protection pleine et entière. Elles ont un choix, si elles le souhaitent, et elles doivent l'indiquer si elles décident d'opter pour l'autre formule de péréquation.

Le sénateur Cowan : Je soutiens qu'il s'agit d'un choix tout à fait faux. Elles peuvent prendre l'accord tel quel et les avantages découlant de la formule de péréquation en vigueur à l'époque, ou bien, le ministre dit qu'elles peuvent renoncer à l'accord et profiter de la formule améliorée de péréquation.

Je crois que le sens manifeste de l'accord — non seulement de l'accord, mais aussi de la loi, d'où toutes les modifications corrélatives prévues au projet de loi C-52 — c'est qu'on ne peut pas avoir tous les avantages de la formule améliorée de péréquation à moins de renoncer aux avantages de l'accord. C'est faux.

M. Vermaeten : Pour ce qui est de l'expression « à l'époque », les opinions seront partagées quant à son interprétation, et du point de vue du gouvernement, les accords ont été respectés intégralement puisque Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse pourront toujours obtenir la totalité des montants prévus à ces accords.

Le sénateur Cowan : Est-ce que cela comprend le programme amélioré de péréquation, auquel ils ont droit en tant que province canadienne?

M. Vermaeten : Eh bien, deuxièmement, ils ont l'occasion d'avoir la formule améliorée de péréquation.

Le sénateur Cowan : S'ils renoncent aux avantages de l'accord.

M. Vermaeten : Les gens disent souvent, pour faciliter la communication, que Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse peuvent garder l'accord ou passer à la formule O'Brien. En fait, ce n'est pas tout à fait ça. Il y a une formule de péréquation statu quo et il y a une formule de péréquation O'Brien. Les accords existeront toujours, foncièrement pareils, quelle que soit la formule. Il faudrait y apporter quelques petites modifications de forme s'ils optaient pour la formule O'Brien, mais les accords continueront de s'appliquer essentiellement de la même façon et continueront de générer des avantages. En effet, peu importe le régime qu'ils choisissent, les versements découlant de l'accord, que ce soit dans le cadre du statu quo ou de la nouvelle formule de péréquation O'Brien, ne sont pas plafonnés. Il y a un plafond sur la péréquation, mais les accords continuent à s'appliquer essentiellement de la même façon en vertu des deux dispositions.

Le président : Sénateur Cowan, je crois qu'on vous a compris. Manifestement, il y a conflit d'opinion à cet égard. Si vous avez un avis juridique du ministère de la Justice ou autre qui appuie votre position et celle du ministre, cela nous aiderait à comprendre une interprétation différente de celle du sénateur Cowan.

Le sénateur Cowan : J'aimerais aussi avoir la liste des heures et des dates des rencontres ainsi que le nom des fonctionnaires consultés, puisque nos renseignements vont dans le sens contraire.

Le président : Si vous pouviez nous les donner, ce serait très utile. Si vous n'avez rien, nous comprendrions aussi, mais nous aimerions le savoir.

Le sénateur Cowan : Le ministre l'a dit, donc il aura sûrement quelque chose.

Le sénateur Stratton : Je vous remercie beaucoup d'être restés et de nous avoir accordé tout ce temps. J'aimerais parler un peu des aspects positifs, puisque le Manitoba est une province démunie, l'est depuis un certain temps et continuera de l'être. Il n'a pas de pétrole, et cela semble être une pomme de discorde. Il semble que le problème, c'est d'avoir du pétrole. Le Manitoba est en faveur de cette entente, de cette nouvelle péréquation, au point où le premier ministre de la province est en désaccord avec le chef du Nouveau Parti démocratique, qui s'oppose à cette nouvelle entente et s'oppose au premier ministre de la Saskatchewan, fondamentalement sur la simple base de l'équité pour tous.

J'aimerais remercier le sénateur Eggleton, ancien maire de Toronto, essentiellement d'avoir accepté l'entente, puisque c'est très difficile à faire, comme l'a dit le ministre des Finances.

Pourriez-vous nous parler, sans prendre trop de temps, des provinces qui sont en faveur de l'entente, notamment le Québec et le Manitoba, mais qui ne battent pas le tambour à cet égard? Quels en sont les avantages pour eux ou pour nous, surtout au Manitoba, qui font que c'est positif et continu pour ma province?

M. LeBlanc : Comme l'a dit M. Vermaeten, les avantages pour chaque province sont énumérés dans ce document.

Le sénateur Stratton : Oui, mais j'aimerais qu'on en dise un peu plus long. Je sais que c'est dans le document.

M. LeBlanc : Oui, 39 milliards de dollars seront investis sur sept ans afin de rétablir l'équilibre fiscal, avec un programme amélioré de péréquation fondé sur la capacité fiscale. Selon cette formule, les versements varieront en fonction de la variation des capacités fiscales des provinces. D'autres fonds seront versés à peu près sur la base d'un transfert égal par habitant et encore d'autres fonds seront versés sur la base du mérite. Il y aura un grand investissement, comme le ministre l'a dit, dans l'infrastructure, dans le cadre de l'équilibre fiscal. Certains fonds seront versés par le biais de fiducies pour l'environnement, pour les temps d'attente pour les patients et pour faire en sorte que le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, le TCPS, égale les transferts en espèces par habitant plus d'autres investissements dans le TCPS, y compris un facteur de progression pour accroître le financement de l'éducation postsecondaire et de la garde d'enfants. Le Manitoba recevra sa quote-part de ces fonds, tout comme les autres provinces.

Le sénateur Stratton : La déclaration du premier ministre laissait voir clairement qu'il est convaincu quant à cette entente.

Toutefois, il y a quelque chose qui me dérange fondamentalement. La Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador avaient le choix entre la vieille et la nouvelle entente. Ils veulent avoir le droit de choisir une partie de la vieille et, semble-t-il, une partie de la nouvelle aussi.

Le sénateur Moore : Tout ce que nous voulons, c'est l'ancien régime.

Le sénateur Stratton : D'accord.

Le sénateur Moore : Nous voulons qu'ils tiennent parole au sujet de l'entente signée — qu'ils tiennent leur promesse.

Le sénateur Stratton : Je suis fondamentalement en désaccord, puisque vous ne pouvez pas avoir une plus grande capacité fiscale, et pourtant vous dites que vous devriez avoir une plus grande capacité fiscale. Si le Manitoba est endetté, comme Terre-Neuve l'est, comment le Manitoba fera-t-il pour ne plus avoir de dettes? Il faudra que le Manitoba le fasse de la bonne vieille façon.

Le président : Sénateur Stratton, veuillez poser vos questions aux témoins, et nous aurons un débat en troisième lecture.

Le sénateur Moore : J'aimerais revenir à ce que disait le sénateur Stratton. Je l'ai peut-être manqué, mais y a-t-il une disposition dans l'Accord atlantique qui prévoit un choix?

M. Vermaeten : Non.

Le sénateur Moore : Je crois que le sénateur Baker a cité trois dispositions de l'entente qui prévoient qu'il n'y aura pas de modifications à l'entente à moins que les provinces ne l'acceptent. Il est inadmissible que le ministre des Finances du Canada vienne ici et dise que ce n'est pas coulé dans le béton. Il y a un contrat entre le gouvernement fédéral et deux provinces, et ce contrat a été violé. Quelle en est la justification? Vous tentez de transformer une question de contrat et d'accord juridique en une question de politique, ce qui est tellement nuisible aux gens que je représente en Nouvelle-Écosse, que c'en est scandaleux; c'est insidieux. Comment justifiez-vous cela?

Le président : Est-ce que quelqu'un voudrait répondre?

M. Vermaeten : Je ferais quelques observations. Nous avons déjà parlé de la question précise de l'expression « à l'époque » du programme qui était en place. Vous pouvez avoir d'autres opinions là-dessus, mais j'aimerais prendre du recul pour parler du contexte dans lequel les accords de 2005 ont été signés, ce qui porte en partie sur l'esprit de l'entente. Nous avons déjà parlé du langage technique.

Quand l'accord a été signé en 2005, l'esprit de l'entente était tel que nous avions un cadre fixe de péréquation moins généreux que la formule O'Brien. La question à discuter à l'époque était de savoir comment les montants seraient attribués. En fait, le groupe d'experts O'Brien a été constitué simplement pour se pencher sur l'attribution des montants. Ces accords-là ont été élaborés en vue de se pencher sur l'attribution. Aucune bonification n'avait été prévue.

Le sénateur Moore : Je vais vous arrêter là. J'ai entendu le ministre des Finances dire que c'était bon d'essayer de devenir une province nantie. Alléluia! Quel est le but de ce projet de loi, de ce budget? Est-ce de nous garder, en Nouvelle-Écosse, là où nous en sommes aujourd'hui? Nous n'aimons pas cela. Nous aimerions être une province nantie. Si le Manitoba a un problème, j'aimerais que cette province devienne une province nantie. Nos gens ont besoin de l'occasion, et vous êtes en train de l'enlever.

M. Vermaeten : Pour ce qui est de cette question précise, et Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse ont des projections qui cadrent avec les dispositions du budget. Vous voyez qu'en vertu du statu quo, l'allocation qu'ils ont le droit de garder fera que leur capacité fiscale dépassera effectivement celle de l'Ontario. Je crois que selon les projections internes de Terre-Neuve aussi, dans un avenir prévisible, ils auront la deuxième capacité fiscale, derrière l'Alberta. La Nouvelle- Écosse est dans la position enviable d'avoir une capacité fiscale plus grande que celle de l'Ontario dans un avenir prévisible. La formule du statu quo leur permet d'avoir une capacité fiscale très robuste.

Le sénateur Moore : Il s'agit de régions dont les populations diminuent et dont les coûts des soins de santé augmentent. Pour moi, et je l'ai dit plus tôt, il s'agit purement d'un fédéralisme de tableur. C'est tout ce que c'est. J'aimerais parler du TCPS.

Je m'intéresse de près à l'éducation postsecondaire. En vertu de la nouvelle entente, ma province recevra 7 $ de plus par personne, si bien que nous récolterons 6,5 millions de dollars et que l'Alberta récoltera 344 millions de dollars. Sur 10 ans, nous recevrons 65 millions de dollars et l'Alberta recevra 3,44 milliards de dollars. Le sénateur Ringuette vous a demandé si vous aviez fait une étude d'impact sur ces chiffres, et j'ai posé la même question au Sénat du Canada mais je n'ai pas reçu de réponse.

Il y a 10 universités dans ma province, la Nouvelle-Écosse. L'éducation des jeunes du Canada revêt une importance commerciale dans ma province. Nous nous en occupons depuis plus de 200 ans et nous savons très bien comment nous y prendre. Nous avons les derniers chiffres de Statistique Canada, qui montrent qu'environ 45 000 étudiants sont inscrits dans nos 10 universités. L'Alberta compte six universités et environ 86 000 étudiants. Vous êtes-vous penchés sur ces chiffres? Quelqu'un au sein de votre ministère a dû se dire à un moment donné, « Ma foi, 65 millions de dollars contre 3,44 milliards de dollars — il y a tout un écart ».

Comment y arrivons-nous? Comment parvenons-nous à être concurrentiels? Comment éviter la perte de nos meilleurs professeurs? Comment éviter la perte de nos meilleurs étudiants? Comment éviter la perte de nos meilleurs chercheurs? La même formule entrera en vigueur dans le domaine de la santé à partir du 1er avril 2014. Les coûts liés aux soins de santé sont à la hausse et la population est en baisse. Quel en est l'impact? Est-ce qu'on s'attend à ce que nous déménagions tous vers une autre province pour avoir le même niveau de soins de santé et pour faire instruire nos jeunes? Qui dans votre ministère s'est penché là-dessus?

M. Vermaeten : Je vais préciser ce que j'ai dit plus tôt, que les versements au chapitre de l'éducation postsecondaire se font sur la base du transfert égal par habitant depuis quelque temps. En fait, en matière d'éducation postsecondaire précisément, il s'agit d'un transfert égal par habitant depuis 1977, je crois. Cela n'a pas changé.

Ensuite, en 1999, on a décidé que le transfert égal par habitant était aussi la bonne formule pour l'aide sociale et pour les services sociaux, y compris le développement de la petite enfance. Les transferts égaux par habitant existent depuis longtemps.

Le sénateur Rompkey : Avez-vous dit depuis 1977?

M. Vermaeten : Depuis 1977, il s'agit d'un transfert égal par habitant pour l'éducation postsecondaire.

Le sénateur Moore : Selon un pourcentage de la population?

M. Vermaeten : C'est exact.

Le sénateur Moore : En vertu de cette entente, si nous en étions toujours là, nous recevrions 24 millions de dollars plutôt que 6,5.

M. Vermaeten : Moi, je parle de l'allocation. La question de savoir si vous croyez qu'il y a un équilibre fiscal ou non est une autre paire de manches. Pour ce qui est du transfert égal par habitant, c'est la formule qu'on utilise depuis longtemps, surtout en matière d'éducation postsecondaire, du côté des services sociaux, depuis 1999. On voit ça comme étant la façon la plus équitable de répartir les appuis entre Canadiens; il n'existe aucune étude fiable qui montre une meilleure façon de faire, pas plus qu'une formule sur laquelle les provinces pourraient s'entendre.

Le sénateur Moore : Il faut qu'on ait démontré que l'Alberta a besoin de 344 millions de dollars cette année pour son TCPS et que nous avons besoin de 6,5 millions de dollars. Prévoit-on une augmentation subite dont j'ignore l'existence? Comment justifiez-vous cela?

L'idée même de la Confédération et du fédéralisme, c'est le partage — le fait d'avoir l'égalité d'accès aux services et une norme minimale de services d'un bout à l'autre du pays. Comment se fera-t-il compte tenu de ces chiffres en matière d'éducation postsecondaire dans ma province?

M. Vermaeten : Comme je l'ai déjà mentionné, il y a quelques facteurs. Premièrement, le programme de péréquation a été renforcé. Suite aux recommandations formulées dans le rapport O'Brien, nous avons proposé une allocation en espèces égale par habitant au titre du TCPS et du TCS.

Deuxièmement, il est vrai que l'Alberta aurait reçu un montant additionnel, ce qui aurait mis la province sur le même pied d'égalité que la Nouvelle-Écosse. Mais à part cela, toutes les provinces bénéficieront d'une clause d'indexation de 3 p. 100 qui leur accordera des fonds additionnels, et les mêmes montants par habitant s'appliqueront à toutes les provinces.

Le président : A-t-on analysé cette clause d'indexation afin de déterminer si 3 p. 100 sera suffisant pour contrer l'inflation et les autres coûts?

M. Vermaeten : Ces montants représentent plus ou moins le niveau de population et une augmentation du taux de l'inflation. En général, l'inflation se situe aux alentours de 2 p. 100 et pour la population, il s'agit de 1 p. 100; donc, avec 3 p. 100, nous allons pouvoir respecter ces allocations en tenant compte des éléments variables.

Le président : Le transfert canadien en matière de santé était de 6,5 p. 100, n'est-ce pas?

M. Vermaeten : Lors de la création du Transfert canadien en matière de santé, il y a eu plusieurs études et évaluations des coûts relatifs aux soins de santé. Les provinces, ainsi que le fédéral, avaient convenu que 6 p. 100 serait suffisant pour tenir compte des augmentations futures.

Le sénateur Murray : Avez-vous tenu compte de l'augmentation des coûts de l'éducation postsecondaire que doivent assumer les provinces lorsque vous avez choisi une clause d'indexation de 3 p. 100, qui entrerait en vigueur dans quelques années? Les provinces n'ont cessé d'augmenter leurs dépenses. Vous n'êtes sans doute pas sans savoir que les coûts, surtout pour ce qui est de l'éducation postsecondaire, ont augmenté de plus de 3 p. 100 par année. Il est fort probable que 3 p. 100 ne sera pas adéquat, surtout puisque les provinces font du rattrapage depuis 1985.

M. Vermaeten : Il s'agit d'un transfert général qui augmentera de 3 p. 100, pour l'éducation postsecondaire et pour les programmes sociaux. De plus, il y aura un financement supplémentaire pour la recherche, et cetera.; et les provinces seront libres de dépenser ces montants comme bon leur semblera.

Il y a, évidemment, des pressions financières au niveau de l'éducation postsecondaire. Cependant, nous pourrions dire que, au fil des ans, il y a eu moins de pression du côté des services sociaux puisque les taux de chômage sont à leur plus bas niveau de l'histoire.

Le sénateur Murray : Notre comité est en train de rédiger un rapport qui vous sera fort utile, et qui traite de ce sujet précis. J'espère que vous en prendrez bonne note.

Le président : Nous aurions aimé traiter de ce rapport lors de cette réunion-ci, mais, chers collègues, nous n'avons plus de temps. Je vous suggère d'en discuter cet après-midi avec le premier ministre Rodney MacDonald. Si tous les sénateurs sont d'accord, nous disposerons d'une demi-heure, à 15 h 30, pour discuter de l'équilibre fiscal vertical. Il serait peut-être intéressant pour les témoins qui sont parmi nous aujourd'hui de savoir que notre comité se penche sur cette question particulière.

J'aimerais remercier nos témoins du ministère des Finances. Veuillez dire au ministre que nous allons peut-être accepter son offre de revenir pour comparaître devant nous. Aussi, vous vous êtes engagés à nous fournir certains documents. Nous vous saurions gré de nous les remettre le plus tôt possible, afin de nous permettre de commencer les délibérations sur le projet de loi. Merci.

La séance est levée.


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