Délibérations du comité sénatorial permanent des
Finances nationales
Fascicule 18 - Témoignages du 19 juin 2007 - Séance de l'après-midi
OTTAWA, le mardi 19 juin 2007
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui à 14 heures pour étudier le projet de loi C-52, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2007.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : La séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Je m'appelle Joseph Day, je suis le président de ce comité et je représente la province du Nouveau- Brunswick.
[Traduction]
Le champ de compétences de ce comité s'étend sur les dépenses effectuées par le gouvernement, soit directement dans un budget, soit indirectement en vertu de projets de loi portant pouvoir d'emprunt ou se rapportant aux dépenses prévues dans le budget. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-52, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2007. Ce matin témoignait devant le comité l'honorable James M. Flaherty, accompagné de fonctionnaires.
Cet après-midi, c'est avec plaisir que j'accueillerai l'honorable Rodney J. MacDonald, député et premier ministre de la Nouvelle-Écosse. M. MacDonald a prêté serment le 24 février 2006. Il est le 26e premier ministre de la Nouvelle- Écosse depuis la création de la Confédération. Le premier ministre MacDonald a été élu chef du Parti progressiste- conservateur de la Nouvelle-Écosse à l'occasion d'un congrès à la direction le 11 février 2006. Le 13 juin 2006, il a été élu premier ministre à l'occasion d'élections générales. Il avait été élu député une première fois en 1999, dans la circonscription d'Inverness, au Cap-Breton. Il a par la suite été réélu en août 2003, puis en 2006.
Le premier ministre MacDonald est accompagné aujourd'hui du ministre des Finances, l'honorable Michael Baker. M. Baker a été élu pour la première fois à l'Assemblée législative en 1998, puis réélu en 1999, 2003 et 2006. Il a occupé divers postes au sein du cabinet. La sous-ministre des Finances, Vicki Harnish, ainsi que la sous-ministre adjointe, Liz Cody, sont également présentes.
J'apprécie le fait que vous soyez tous ici avec un si court préavis. Ce projet de loi nous a été renvoyé à environ 21 heures hier soir, et nous en sommes déjà à notre deuxième série d'audiences à ce sujet au comité.
L'honorable Rodney J. MacDonald, député, premier ministre de la Nouvelle-Écosse : Bonjour monsieur le président, et merci beaucoup. C'est un honneur pour moi d'être ici.
Bien que je sois reconnaissant d'avoir l'occasion de me présenter devant votre comité, je regrette sincèrement d'avoir à le faire. Comme nous avons épuisé tous les efforts diplomatiques visant à inciter le gouvernement du Canada à corriger une erreur, je suis ici aujourd'hui pour demander au Sénat d'utiliser tous ses pouvoirs et toute son autorité pour restaurer l'honneur de la Couronne en exigeant que le gouvernement du Canada respecte les modalités et conditions de l'accord de 2005 sur les ressources extracôtières conclu entre la Nouvelle-Écosse et le Canada.
Je serai bref, et je serai direct. Les efforts du gouvernement fédéral visant à détruire l'accord de 2005 entre le Canada et la Nouvelle-Écosse portent non seulement préjudice à la Nouvelle-Écosse, mais également à la réputation du Parlement du Canada. Ils alimentent le cynisme public, créent des divisions entre les régions et jettent une ombre sur l'avenir de notre fédéralisme. Comment? En démontrant aux Canadiens que la parole de leur gouvernement est douteuse et que les contrats qu'il signe en leur nom ne valent pas le papier sur lequel ils ont été écrits. Je sais qu'il s'agit là de mots durs, mais ce sont des mots qui ne peuvent être remis en question lorsque l'on examine les preuves évidentes en comparaison à une norme d'honneur, d'intégrité ou de préoccupation légitime pour le bien de la nation.
Il n'y a absolument aucun malentendu. L'accord entre le Canada et la Nouvelle-Écosse sur les ressources extracôtières est très clair. Il n'y a absolument aucune ambiguïté dans le libellé, absolument aucun doute au sujet de son intention. L'accord a été rédigé expressément et spécifiquement en vue d'appuyer les efforts de la Nouvelle-Écosse visant à assurer la croissance de son économie et à devenir plus autonome et, au fil du temps, autosuffisante. Et il n'y a absolument aucun malentendu : le budget fédéral, c'est-à-dire le projet de loi C-52, est également très clair. Encore une fois, il n'y a absolument aucune ambiguïté dans le libellé, absolument aucun doute de son intention. Il est destiné à plaire aux régions du pays où il y a beaucoup de votes en annulant complètement les ententes conclues avec la Nouvelle-Écosse et avec Terre-Neuve-et-Labrador, des ententes qui ne sont pas largement populaires auprès du ministère fédéral des Finances ou des personnes qui croient à tort que le Canada atlantique a reçu un traitement spécial.
Avant de répondre à cette allégation particulière et trompeuse, je veux parler de ce qui ne peut être décrit que comme une tentative délibérée du gouvernement fédéral de semer la confusion et déconcerter les Canadiens au sujet des faits de l'Accord atlantique et des effets du budget de 2007. Permettez-moi de prendre le temps de mettre les choses au point en présentant bien clairement les faits.
Fait : L'accord de 2005 entre le Canada et la Nouvelle-Écosse sur les ressources extracôtières porte la signature du gouvernement du Canada et du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, deux autorités légalement constituées en vertu de la Constitution canadienne.
Fait : L'accord est une entente de développement économique entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial et est enraciné dans l'obligation constitutionnelle du gouvernement du Canada en vertu de l'article 36.1, qui confère au gouvernement fédéral le pouvoir d'améliorer le développement économique dans toutes les régions de notre pays.
Fait : L'article 4 de l'accord garantit que la Nouvelle-Écosse bénéficiera entièrement de ses ressources extracôtières, sans récupération des paiements de péréquation en tout temps pendant la durée de l'entente, peu importe la formule de péréquation utilisée à ce moment, pendant la durée l'entente.
Fait : L'alinéa 81a) du budget fédéral élimine l'article 4 de l'accord en imposant un plafond qui entraîne une récupération des paiements de péréquation à la Nouvelle-Écosse sans aucun paiement compensatoire correspondant, ce qui constitue une violation directe de l'accord.
Fait : L'ultimatum du gouvernement fédéral donné à la Nouvelle-Écosse, c'est-à-dire de conserver l'accord mais de sacrifier les paiements de péréquation auxquels elle est admissible du point de vue constitutionnel, ou de choisir la nouvelle formule de péréquation et renoncer aux avantages des recettes de ses ressources extracôtières, constitue une violation des principes et des dispositions de l'accord.
Fait : Le premier ministre a affirmé à plusieurs reprises que la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador lui demandent de conclure de nouvelles ententes particulières, ce qui est faux. Nous demandons au premier ministre d'honorer une entente qui a déjà été conclue. Une entente qu'il a non seulement appuyée tacitement, mais dont il a activement fait la promotion alors qu'il était dans l'opposition, et nous lui en sommes reconnaissants.
Fait : Lorsqu'il était chef de l'opposition, le premier ministre Harper s'est rendu en Nouvelle-Écosse quelques jours avant la signature officielle de l'accord et nous a dit de ne pas faire confiance aux libéraux, car ils allaient trouver une façon d'annuler le contrat. Le premier ministre comprenait clairement les dangers auxquels nous nous exposions en faisant confiance au gouvernement fédéral.
Fait : Le budget fédéral constitue une violation non seulement de l'esprit et de l'intention de l'accord, mais aussi de la lettre de l'accord, de toutes les façons possibles.
Fait : Si le gouvernement fédéral peut détruire son entente avec la Nouvelle-Écosse, s'il peut détruire son entente avec Terre-Neuve-et-Labrador, il peut sans aucun doute en détruire d'autres.
Ces faits, monsieur le président, sont incontestables et c'est pourquoi je suis ici aujourd'hui. J'aimerais maintenant aborder certaines « légendes urbaines » qui proviennent du Cabinet du premier ministre et du bureau du ministre des Finances.
Le premier ministre Harper et le ministre Flaherty ont indiqué à plusieurs reprises que rien n'a été changé dans l'accord, qu'il demeure intact et qu'il conserve son format d'origine. Encore une fois, c'est absolument faux, et ils le savent. Le gouvernement fédéral a unilatéralement éliminé un article entier de l'entente, qui est en fait l'article le plus important de l'entente, soit l'article 4. L'accord, après le budget, est très loin de conserver son format d'origine. En effet, à toutes fins et intentions, il n'existe plus. Si le projet de loi C-52 est adopté au Sénat sans amendement, ce sera très certainement la fin de l'Accord atlantique.
Le premier ministre a également souligné que le gouvernement fédéral est très généreux envers la Nouvelle-Écosse puisqu'il lui offre un choix. Nous pouvons conserver l'accord tel qu'il était ou nous pouvons renoncer aux paiements de péréquation enrichis qui découlent de la nouvelle formule de péréquation. Il nous dit de choisir l'un ou l'autre, en ajoutant qu'il s'agit d'un choix entre une bonne affaire et une meilleure affaire. En réalité, il s'agit plutôt d'une question de deux maux, et nous devons choisir le moindre.
L'article 4 de l'accord garantissait que la Nouvelle-Écosse n'aurait jamais à faire un tel choix. Permettez-moi de répéter : l'article 4 de l'accord garantissait que la Nouvelle-Écosse n'aurait jamais à faire un tel choix.
L'article 4 se lit comme suit :
À compter de 2006-2007 et jusqu'en 2011-2012 inclusivement, les paiements compensatoires annuels versés équivalent à 100 p. 100 de toute réduction des paiements de péréquation associée aux revenus tirés des ressources extracôtières. Le montant des paiements compensatoires additionnels pour un exercice donné correspondra à la différence entre le paiement de péréquation que recevait la province en vertu de la formule de péréquation auquel elle aurait droit pour l'exercice en vertu de la formule de péréquation en vigueur [...]
Monsieur le président, ni l'une ni l'autre des options offertes par le gouvernement fédéral ne sont acceptables. Voici pourquoi. Ni l'une ni l'autre de ces options ne respectent les obligations du gouvernement fédéral stipulées dans l'accord.
La différence entre la première option, la soi-disant formule O'Brien, et l'accord signifie une perte estimée à 1,3 milliard de dollars pour la Nouvelle-Écosse pendant la durée de l'entente. La différence entre la deuxième option, le soi-disant cadre précis, et l'accord signifie une perte estimée à 793 millions de dollars pour la Nouvelle-Écosse.
Dans un cas ou dans l'autre, la Nouvelle-Écosse risque de perdre des centaines de millions de dollars, des dollars que le gouvernement fédéral nous a promis à l'appui de nos efforts, nos efforts déterminés visant à améliorer notre économie, à devenir une province « riche » et à commencer à uniformiser les règles du jeu afin que nos citoyens paient à peu près le même niveau d'impôts pour à peu près les mêmes services que les autres Canadiens.
Mais au-delà du coup financier que la Nouvelle-Écosse subira en raison du budget fédéral, se trouve quelque chose d'encore plus troublant, pour moi-même et pour de nombreux habitants du Canada atlantique, c'est-à-dire l'allusion sous-jacente que nous, habitants des provinces maritimes, voulons avoir le beurre et l'argent du beurre. Certains suggèrent que l'accord était une sorte de contrat spécial privilégié que les autres n'ont pas obtenu et que nous ne méritons pas.
Est-ce que les autres provinces méritent leurs ententes de développement économique? Encore une fois, monsieur le président, l'accord de 2005 entre le Canada et la Nouvelle-Écosse est une entente de développement économique. Il ne s'agit pas d'une double péréquation.
L'accord devait permettre à la Nouvelle-Écosse de profiter de tous les avantages de ses ressources extracôtières, des ressources qui ont une durée utile limitée, pour acquérir un certain essor économique et pour nous permettre de devenir de plus en plus autosuffisants et, par conséquent, de contribuer encore davantage au Canada. Alors pourquoi l'entente de développement économique de la Nouvelle-Écosse est-elle si sévèrement attaquée alors que les avantages financiers pour notre province semblent dérisoires comparativement à ceux de nombreuses autres régions de notre pays? Ils semblent dérisoires par rapport aux milliards de dollars investis par le gouvernement fédéral dans l'industrie aérospatiale du Québec, dans l'industrie automobile de l'Ontario, dans les subventions aux producteurs céréaliers de l'Ouest ou encore dans les sables bitumineux de l'Alberta.
Il y a deux ans seulement, le gouvernement fédéral a appuyé les possibilités de développement économique de l'Ontario par une somme de 5,75 milliards de dollars, ce qui correspond à environ sept fois la valeur de l'accord avec la Nouvelle-Écosse, mais la Nouvelle-Écosse ne s'y est pas opposée parce que le développement économique dans une région du pays est avantageux pour tous les Canadiens et pour toutes les régions du Canada.
Et pourquoi est-ce que quelques jours seulement après la présentation du budget fédéral, un budget qui a complètement vidé notre accord, l'entente de développement économique de la Nouvelle-Écosse, le gouvernement fédéral a-t-il injecté 900 millions de dollars supplémentaires dans l'industrie aérospatiale du Québec et que personne n'a sourcillé?
Monsieur le président, je veux que cela soit bien clair. Je ne veux pas que quiconque autour de cette table, ou toute autre personne, pense que je m'oppose à l'un ou l'autre des exemples que je viens de citer. Au contraire. Je crois fortement que le gouvernement fédéral a un rôle important à jouer, une obligation même, d'appuyer les possibilités économiques dans toutes les régions, provinces et territoires de notre pays. En fait, c'est le sujet de l'article 36.1 de la Constitution, dans lequel est enraciné notre accord.
Je crois fermement qu'une Ontario forte est un avantage pour le Canada et un avantage pour la Nouvelle-Écosse. Je crois fermement qu'une Alberta forte est un avantage pour le Canada et un avantage pour la Nouvelle-Écosse. Je crois fermement qu'un Québec fort est un avantage pour le Canada et un avantage pour la Nouvelle-Écosse. J'appuie entièrement les efforts du gouvernement visant à aider les producteurs céréaliers de l'Ouest et, malgré le fait que nous n'avons pas encore reçu l'engagement officiel du gouvernement fédéral en ce qui a trait à l'appui de l'initiative de la porte d'entrée de l'Atlantique, j'appuie entièrement l'investissement du gouvernement fédéral dans la porte d'entrée du Pacifique.
Toutes ces ententes de développement économique sont essentiellement des transferts fédéraux, et c'est pourquoi elles ne sont pas sujettes à une récupération. Mais l'accord de 2005, qui est également un transfert, est sujet à une récupération en vertu du budget de 2007. En effet, l'accord de 2005 est, à notre connaissance, le seul transfert de l'histoire du gouvernement fédéral à faire l'objet d'une récupération.
Monsieur le président, il s'agit fondamentalement d'une question d'équité. Il a fallu plus de 25 ans, cinq premiers ministres et une promesse de la Nouvelle-Écosse de mettre de côté sa revendication de juridiction relative aux ressources extracôtières pour en arriver à ce que nous avons obtenu le 14 février 2005, journée de signature de l'accord sur les ressources extracôtières entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse.
Seulement deux ans plus tard, dans le cadre d'une entente qui devait durer au moins quinze ans, nous nous retrouvons à notre point de départ. En détruisant les accords avec la Nouvelle-Écosse et avec Terre-Neuve-et- Labrador, le gouvernement fédéral transmet aux habitants du Canada atlantique un message qui risque d'être mal interprété. Il a perdu la confiance des habitants du Canada atlantique et crée des divisions au sein de notre pays qui ne se résoudront pas tant que le problème ne sera pas réglé.
Monsieur le président, j'espère que vous et les membres de votre comité prendrez conscience de tout ce qui est en jeu ici, non seulement pour la Nouvelle-Écosse, non seulement pour Terre-Neuve-et-Labrador, mais également pour l'avenir des relations fédérales-provinciales au sein de notre pays.
Pour les habitants du Canada atlantique, il s'agit de bien plus qu'une question d'argent. Il s'agit aussi d'une question d'égalité des chances pour tous les Canadiens, d'une question de justice et de respect pour tous les Canadiens, d'une question d'harmonie au sein de notre fédération, et d'une question de la valeur que nous pouvons attribuer à la signature du gouvernement du Canada.
Pour les Néo-Écossais, il s'agit de bien plus qu'un accrochage politique au sujet d'une entente de deux pages et de neuf paragraphes entre deux ordres de gouvernement. Les Néo-Écossais savent que notre accord offrait une rare occasion d'améliorer notre prospérité, d'assurer un meilleur avenir pour nos enfants et de contribuer à un Canada plus solide. Aujourd'hui, ils se sentent trahis, et moi aussi.
Monsieur le président, je céderai bientôt la parole à mon collègue, le ministre Baker, qui vous présentera ses amendements proposés au projet de loi C-52, aux fins de considération par ce comité et par tous les membres du Sénat. Mais j'aimerais d'abord terminer mon allocution par quelques brefs commentaires et une demande.
Vous tous ici aujourd'hui êtes de fiers Canadiens représentant différentes régions de notre pays et tenant compte des meilleurs intérêts de vos concitoyens et de notre pays. Comme moi, vous savez que l'édification de la nation ne commence pas sur la côté pacifique pour s'arrêter sur la côte atlantique. L'édification de la nation reconnaît et appuie les intérêts légitimes de chaque citoyen canadien, ainsi que le potentiel économique de chaque province et territoire.
Je sais que vous pouvez dire que peu importe ce que fait le gouvernement fédéral, il y aura toujours une province ou une région qui criera à l'injustice. C'est sûrement vrai. Mais après avoir entendu le témoignage complet de la province de la Nouvelle-Écosse et après avoir examiné toutes les preuves que nous vous présentons aujourd'hui, je vous pose la question suivante : le Canada atlantique a-t-il été traité de façon équitable?
Je vous demande aussi de vous poser la question suivante : comment le Canadien moyen, un autre ordre de gouvernement ou un autre pays peut-il faire confiance au gouvernement du Canada, si ce dernier peut si facilement rejeter ou écarter les contrats qu'il signe?
Je vous conseille vivement de bien examiner nos amendements proposés et de prendre les mesures nécessaires en votre pouvoir pour restaurer l'accord de 2005 entre le Canada et la Nouvelle-Écosse sur les ressources extracôtières et l'honneur de la Couronne.
Monsieur le président, la question de justice pour une petite région du Canada — et des partenaires de la Confédération — a une signification considérable pour notre identité et notre opinion de nous-mêmes. Nos ententes ne peuvent pas disparaître du jour au lendemain.
L'Accord atlantique a été conçu pour durer au moins 15 ans. Il survivra environ deux ans si le projet de loi C-52 n'est pas amendé. Je vous demande de considérer les amendements proposés du ministre Baker, qui permettront de restaurer les avantages de l'Accord atlantique de 2005, avantages qui nous permettront de progresser davantage vers l'autosuffisance.
Le président : Monsieur Baker, avez-vous l'intention d'énumérer les cinq amendements proposés, ou souhaitez-vous simplement les commenter?
L'honorable Michael Baker, c.r., député, ministre des Finances, gouvernement de la Nouvelle-Écosse : Si cela vous convient, j'aimerais émettre des commentaires de nature générale concernant les amendements que nous proposons.
Le président : Oui, cela nous convient. Je voudrais simplement m'assurer que tous les honorables sénateurs ont bien reçu un exemplaire des amendements que vous proposez.
M. Baker : Nous distribuerons les amendements dans un instant.
Le président : Nous les avons ici. Nous en faisons actuellement des copies. Nous ferons en sorte que tous les sénateurs en aient.
M. Baker : En résumé, nous proposons l'élimination de l'article 81 du projet de loi. Cet article est une disposition qui modifie la Loi sur les paiements de péréquation compensatoires supplémentaires à la Nouvelle-Écosse et à Terre- Neuve-et-Labrador. Nous prétendons qu'il est impossible d'affirmer ne pas toucher à l'accord quand on modifie la loi elle-même.
Selon cette loi, il faut le consentement mutuel du gouvernement du Canada et du gouvernement de la Nouvelle- Écosse. J'affirme catégoriquement que, comme le premier ministre l'a indiqué, le gouvernement de la Nouvelle-Écosse ne consent pas à la modification de la loi. Par conséquent, conformément aux dispositions de cette loi, aucune modification ne devrait y être apportée.
Nous suggérons également respectueusement, afin d'éliminer toute confusion possible au sujet du soi-disant plafond sur les paiements de péréquation, que des amendements — ceux qui circulent en ce moment — soient apportés au projet de loi afin qu'il soit clair que les paiements compensatoires versés en vertu de la Loi sur les paiements compensatoires ne sont pas inclus dans le calcul du plafond. Voilà, en termes simples, ce que nous proposons.
Nous croyons également, comme le premier ministre l'a indiqué, que les paiements qui nous sont versés sont liés au développement économique, selon les dispositions de la Constitution. Il semble que le ministère fédéral des Finances soit du même avis. J'ai ici une copie d'une page d'aujourd'hui du site web du ministère des Finances. Au troisième point, sous la rubrique « Contexte », on peut lire :
Les paiements compensatoires aux termes de l'Accord de 1986 et de l'Entente de 2005 ne font pas partie du programme de la péréquation.
Je ne pense pas que le ministère fédéral des Finances puisse être plus clair sur ce point. La position que nous adoptons vient simplement confirmer celle adoptée par le gouvernement du Canada quand il a rédigé le site web de son propre ministère.
Nous croyons que ces paiements, sous la forme de paiements pour développement économique, sont protégés par la Constitution. Nous ne voulons pas de modifications à la loi de 2005 qui, je le répète, exige le consentement du gouvernement de la Nouvelle-Écosse, ce qui n'est manifestement pas le cas. Nous proposons donc un amendement qui éclaircirait la question en précisant que ces paiements pour développement économique ne doivent pas être inclus dans le calcul du plafond en vertu de la péréquation. Voilà, en termes simples, notre position sur le plan juridique.
Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Pour faire une mise au point, je souligne à l'intention de tous les sénateurs présents que le titre du dernier document dont il a été question est intitulé « Transferts fédéraux aux provinces et aux territoires » et que le sous-titre est « Ententes avec la Nouvelle-Écosse sur les ressources extracôtières ». Vous dites que cela est affiché sur le site Web du ministère fédéral des Finances?
M. Baker : C'était sur le site web du ministère des Finances aujourd'hui, mais il n'y sera peut-être plus demain, monsieur le président. J'aimerais remercier le webmestre.
Le président : Commençons la période de questions. Bon nombre de sénateurs ici présents sont extrêmement intéressés par ce sujet. Vous êtes disposé à répondre à des questions, alors je vais d'abord accorder la parole au sénateur Rompkey, de Terre-Neuve-et-Labrador, qui est critique pour le projet de loi C-52.
Le sénateur Rompkey : Je serai bref, car je tiens à laisser le plus de temps possible à mes collègues de la Nouvelle- Écosse. Je tiens toutefois à ce que vous sachiez, monsieur le premier ministre MacDonald, que vous parlez aujourd'hui au nom de deux provinces, et probablement plus, car nous vous appuyons dans votre démarche. Nous souffrons tout autant que vous et nous avons été lésés tout autant que vous. Nous partageons vos préoccupations et nous apprécions le fait que vous les exprimiez.
Je tiens à souligner deux points qu'il est important de préciser, car j'ai demandé ce matin au ministre Flaherty si, selon lui, il s'agissait d'une entente de développement économique en vertu de l'article 36.1 de la Constitution, comme le sénateur Murray nous l'a si souvent répété. Sa réponse fut négative. Je suis très intéressé d'apprendre que cela est affiché sur le site Web, car le procès-verbal démontrera que le ministre a dit clairement ce matin qu'il ne croyait pas qu'il s'agissait d'une entente de développement économique.
Le sujet a été présenté comme une question de péréquation. En passant, avant d'occuper son poste actuel, le premier ministre Harper a déclaré que le plafond concernant l'Ontario n'aurait jamais dû exister. Il a dit qu'il était inacceptable qu'une province cesse soudainement de bénéficier d'une entente de développement économique quand elle atteignait la capacité fiscale de l'Ontario. D'autres peuvent bénéficier d'autres ententes, mais il faut arrêter, car nous avons d'une façon quelconque atteint le seuil de la capacité fiscale de l'Ontario, qui sert de plafond, de frein pour nous dans cette entente de développement économique. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
Le deuxième point sur lequel j'aimerais avoir votre avis, car il est important que les gens comprennent également que, dans notre cas comme dans le vôtre, probablement, il s'agit peut-être de la dernière occasion favorable. Le pétrole est une ressource limitée. Nous n'en aurons pas éternellement. Les réserves finiront par s'épuiser. Nous devons en tirer parti maintenant pour rembourser notre dette. Le premier chèque envoyé à la Nouvelle-Écosse, comme vous le savez, a servi à éponger la dette. Notre dette par habitant est la plus élevée au Canada. Si nous ne parvenons pas à la réduire, nous ne pourrons jamais rétablir nos finances afin de contribuer comme nous le souhaitons à l'économie canadienne.
J'aimerais obtenir vos commentaires à ce sujet, pour que les gens comprennent qu'il s'agit d'une occasion dont nous devons pouvoir tirer pleinement parti jusqu'à l'épuisement du pétrole. Sinon, nous resterons des provinces pauvres à jamais.
M. MacDonald : J'aimerais répondre à la première question et laisser mon distingué collègue répondre à la deuxième.
Les origines des différends entourant ce dossier depuis plus de 25 ans maintenant concernent cette question précise : il s'agit d'une entente de développement économique. Cela a été clairement démontré, tant dans les documents que nous vous présentons aujourd'hui que dans les ententes de 1985, de 1986 et de 2005.
Malheureusement, ce dossier s'est retrouvé mêlé à celui de la péréquation. Je qualifie cela de malheureux, car comme vous l'avez indiqué, il s'agit d'une ressource dont nous ne disposerons pas éternellement. Notre province se trouve devant une occasion lui permettant de progresser et de prendre des mesures en matière d'économie et de dépenses provinciales qui l'aideront à croître et à devenir une province nantie.
En outre, cette entente cadre contient des aspects qui prévoient que, si notre province ne reçoit pas de paiements de péréquation — ce qui, je l'espère ardemment, ne sera pas le cas — elle ne bénéficiera pas de tous ces avantages connexes. C'est clairement stipulé dans l'entente.
Au moment de l'entente de 2005, la province de la Nouvelle-Écosse a affecté la totalité des 830 millions de dollars au remboursement de sa dette, et en a fait une loi, ce qui je crois était une attitude responsable de notre part. Avec ce qui se produit aujourd'hui, ces 830 millions de dollars que nous avons déjà reçus seront récupérés au cours des prochaines années.
Comme vous l'avez mentionné, Terre-Neuve-et-Labrador a la dette par habitant la plus élevée au pays. Notre dette est elle aussi extrêmement élevée, semblable à la vôtre. Il s'agit donc d'un dossier très important pour nous. Le ministre des Finances voudra peut-être émettre d'autres commentaires à ce sujet.
M. Baker : Deux documents auraient dû être remis aux membres du comité. L'un est intitulé « Nova Scotia's interpretation of the Expert Panel Approach with Offshore Accord Protection », et l'autre « Nova Scotia's Position on Equalization and the 2005 Offshore Accord. »
J'aimerais que vous lisiez le sixième point du deuxième document, où on dit qu'en 2005, le gouvernement fédéral a versé un paiement compensatoire initial de 830 millions de dollars. Comme le premier ministre MacDonald l'a dit, ce montant a été entièrement affecté au remboursement de la dette. D'ici à la fin de l'exercice 2011-2012, d'après l'approche du groupe d'experts, — l'approche soi-disant la plus rentable des deux — près de 700 des 830 millions de dollars versés initialement seront récupérés par le gouvernement fédéral.
Dans l'autre document, la deuxième série de colonnes à partir de la droite indique les paiements en vertu de l'accord sur les ressources extracôtières. Vous pouvez voir qu'à compter de 2008-2009, à l'exception de 54 millions de dollars, nous ferons l'objet d'une récupération partielle. Au cours des trois exercices suivants, ce sont respectivement 196,675 millions de dollars, 224,7 millions de dollars et 291,616 millions de dollars, pour un total d'environ 700 millions de dollars, qui seront récupérés. Les hypothèses utilisées pour calculer ces pertes estimées pour la Nouvelle-Écosse, selon la valeur de la protection de l'accord sur les ressources extracôtières, sont fondées sur la plus récente estimation du gouvernement fédéral selon laquelle la capacité fiscale, la disparité et la population provinciales resteraient les mêmes à partir de l'exercice 2008-2009. Les seuls chiffres extrapolés de nos propres données sont les recettes provenant des ressources extracôtières à moyen terme, soit les revenus que nous prévoyons à moyen terme. Les chiffres sont fondés sur ceux du gouvernement fédéral. Nous n'avons pas tenté de créer nos propres données, car nous avons jugé prudent de comparer des pommes avec des pommes dans le cadre des discussions.
Le président : Merci, monsieur Baker. La parole est maintenant au parrain du projet de loi au Sénat, le sénateur Angus, de Montréal.
Le sénateur Angus : Je vous souhaite la bienvenue et je vous félicite pour cette lutte acharnée que vous menez au nom des habitants de la Nouvelle-Écosse, avec lesquels j'ai une certaine affinité. Mes parents ont jugé important que j'y vive pendant sept ans pour me préparer à vivre au Québec. J'ai été passablement habitué à la dure réalité que vivent les citoyens opprimés. C'est difficile.
J'essaie de comprendre ce qui vous chicote tant au sujet du budget. D'abord, monsieur le premier ministre, j'aimerais savoir si, outre la question de la péréquation ou du développement économique régional, quelque chose vous plaît dans le budget?
M. MacDonald : Je n'ai aucune objection à répondre à cette question. Le budget contient des éléments positifs pour la Nouvelle-Écosse, mais il n'en reste pas moins que d'autres points nous préoccupent. Un élément positif est la porte d'entrée, qui représentera une merveilleuse occasion pour la Nouvelle-Écosse. Cela ne peut toutefois pas être assombri par la question de l'Accord atlantique, qui est le seul sujet dont parlent les Néo-Écossais. Aussi longtemps que cette question restera en suspens, aucun de ces points positifs ne fera l'objet de discussions dans les rues de la Nouvelle- Écosse. Que ce soit à la table de cuisine ou à la table de réunion, ce sujet enflamme les Néo-Écossais. Ils voient cet accord comme une réelle occasion de progresser. Ils ne veulent pas une province qui reçoit des paiements de péréquation. Ils veulent une province nantie.
Dans ma réponse à la question précédente, j'ai oublié de mentionner que la résolution de cette affaire vient d'une question de compétences. Fondamentalement, si l'on examine les arguments présentés, nous avons réussi en grande partie, selon moi, parce que c'est la bonne chose à faire non seulement pour les Néo-Écossais, mais aussi pour le pays.
Le sénateur Angus : Je comprends. Je suis heureux que vous trouviez qu'il y a du bon dans le budget. Comme le ministre l'a dit ce matin, il s'agit d'un numéro d'équilibriste, car il est ministre des Finances de l'ensemble des Canadiens. Il m'a fait remarquer, mais je ne sais pas si vous êtes d'accord, que le budget comprend une option selon laquelle pour l'exercice 2007-2008, la Nouvelle-Écosse a indiqué préférer la nouvelle formule de péréquation afin de pouvoir bénéficier de 95 millions de dollars supplémentaires. Est-ce vrai?
M. MacDonald : Oui, nous avons décidé d'y participer pendant un an. Évidemment, vous reconnaîtrez que lorsqu'on prépare un budget peu de temps après un budget fédéral, il faut prendre certaines décisions. Cela ne change en rien le fait que la proposition contenue dans le projet de loi C-52 va à l'encontre de l'entente qui a été signée, de bonne foi, en 2005.
Le langage est clair et il ne s'agit pas d'un long document. La question dont devront débattre ce comité et le Sénat est la suivante : Croyez-vous que les provinces de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador ont été lésées? Je crois que nous l'avons été.
Le sénateur Angus : C'est équitable. Nous respectons votre opinion. J'ai raison de dire que vous avez déjà opté pour la nouvelle formule de péréquation pour 2007 et 2008.
M. MacDonald : Oui.
Le sénateur Angus : Dois-je comprendre que, selon vous, cela élimine votre participation en vertu de la formule du statu quo? De toute évidence, je serais contrarié moi aussi si je posais un geste pour obtenir un petit morceau de chocolat, mais que je découvrais ensuite qu'il y a un morceau plus gros dans un autre coin de la boîte.
M. Baker : Nous convenons qu'il existe un avantage pour la Nouvelle-Écosse pendant les deux premières années de l'approche du groupe d'experts. Nous comprenons que le gouvernement du Canada nous permettra de choisir l'approche du groupe d'experts puis de faire un choix au cours des années suivantes, et j'ai deux commentaires à ce sujet.
D'abord, l'accord sur les ressources extracôtières d'origine ne nous obligeait pas à choisir.
Le sénateur Moore : Effectivement.
M. Baker : C'est là l'essentiel de la question. Nous n'étions pas obligés de faire un choix. Ensuite, selon le libellé du projet de loi, nous devrions faire un choix au cours des prochaines années, ce qui nous mettrait dans une situation délicate, car nous serions pris à jamais dans le système que nous choisissons. Comme vous pouvez le constater, la nouvelle formule de péréquation du groupe d'experts est beaucoup moins bénéfique pour nous à long terme si l'on se fie aux données du gouvernement fédéral.
En tant que ministre des Finances, je trouve intéressant de savoir que le gouvernement du Canada a déjà inscrit l'argent qu'il nous a versé, 830 millions de dollars en 2005, et que nous avons appliqué à notre dette. À mesure que cet argent sera récupéré au fil des ans, il obtiendra des revenus grâce aux rajustements des années précédentes. Comme les comptes sont fermés, le gouvernement devra procéder à un rajustement pour les exercices précédents à mesure que l'argent sera récupéré. Cela crée en fait des revenus pour le gouvernement du Canada grâce à un rajustement comptable. La réponse courte est que nous ne croyons pas que nous devrions faire un choix d'ici un an.
Le sénateur Angus : Je comprends.
M. Baker : Pour cette année.
Le sénateur Angus : En réalité, vous avez un choix et vous avez choisi dans les premiers jours, avant de connaître les intentions du premier ministre Williams. C'est de cela dont on parle dans les cuisines du Canada atlantique. C'est devenu un très gros sujet d'ordre national, il n'y a aucun doute là-dessus. C'est intéressant. Bon nombre d'entre nous ici avons besoin de mieux comprendre pourquoi la péréquation existe et comment elle fonctionne, car le concept est complexe.
Dans les discussions de cuisine, au Canada atlantique, on n'accorde pas assez de crédit aux éléments positifs du budget, pour les femmes et les filles par exemple, ou pour l'environnement et d'autres choses. Ces éléments positifs sont dans le budget et plusieurs seront perdus si nous rejetons le projet de loi.
Toutefois, ce que je tiens à bien comprendre de votre part, monsieur le premier ministre, c'est ceci. J'ai lu dans les journaux du Canada atlantique à quel point vous étiez satisfait du budget. En effet, M. Flaherty a confirmé ce matin à ce comité qu'à l'occasion d'une conversation téléphonique, il y a deux jours, vous lui aviez dit que vous étiez de la partie et que tout allait bien. Puis, quelque chose s'est produit et vous avez changé d'idée.
Je sais qu'il y a une grande vague de fond. Mon collègue, le sénateur Rompkey, en parle comme je le ferais si j'étais à sa place. C'est une occasion à saisir. Une vague émotive commence à déferler. Nous avons nos vestes de sauvetage, alors sautons. Je crois que vous avez bel et bien changé d'avis, bien que je ne suggère aucunement que cela a été fait de mauvaise foi, bien au contraire.
La Saskatchewan s'est dite prête à poursuivre le gouvernement fédéral. Je ne vous ai pas entendu dire une telle chose. Je n'ai pas entendu M. Baker, ni M. Williams, dire une telle chose. Je suis un avocat qui tente de comprendre tout cela. Je ne crois pas qu'il y ait ici matière à poursuivre le gouvernement fédéral pour bris de contrat. Êtes-vous d'accord?
M. MacDonald : Vous avez dit plus tôt quelque chose qui est absolument faux. Je n'ai jamais indiqué que nous devrions recevoir moins que les pleins avantages de l'accord sur les ressources extracôtières. C'est tout, point à la ligne. Cela doit être très clair.
Ai-je dis qu'il y a du bon dans le budget? Oui, bien entendu. Encore une fois, je suis ici aujourd'hui pour parler du tort causé aux Néo-Écossais au sujet de l'accord sur les ressources extracôtières.
Vous avez dit qu'il y a deux choix. Il y en a effectivement deux. Aucun d'entre eux n'est l'accord de 2005 que nous avons signé. C'est bien d'avoir deux choix, mais cela ne change rien au fait que nous avions une entente et qu'elle a été rompue. Nous n'avons jamais affirmé autre chose et nous n'affirmerons jamais autre chose. Nous soutenons aujourd'hui, comme nous l'avons fait le 19 mars — et vous pouvez vérifier mes déclarations — que, conformément à notre entente, les Néo-Écossais devraient bénéficier et méritent de bénéficier des pleins avantages de leurs ressources extracôtières dans le cas de cette question de compétences.
Le sénateur Angus : Je ne tiens pas à m'obstiner avec vous sur ce point, car il est complexe, mais je crois que vous venez de dire qu'on ne vous a pas offert de choix au sujet de l'accord de 2005.
M. Baker : Exact.
Le sénateur Angus : Je crois pourtant comprendre, peut-être faussement, que si vous choisissez la formule du statu quo en matière de péréquation, cela revient à l'accord de 2005 tel que rédigé à l'origine, sans changement. C'est ce que j'en comprends, monsieur. Suis-je dans les patates?
M. MacDonald : Je ne partage pas du tout votre avis. Je crois qu'en fait les choix ne respectent aucunement l'esprit, la lettre ni quoi que ce soit de l'accord de 2005. Le budget décrit certains domaines et, pour reprendre les paroles de mon ministre des Finances, il a un effet direct sur l'esprit et l'intention de l'Accord atlantique. Ce budget ne respecte pas ce que nous avons signé en 2005.
Le sénateur Angus : C'est votre opinion.
M. MacDonald : C'est mon opinion.
Le sénateur Angus : Monsieur le premier ministre, avez-vous l'intention d'intenter une poursuite? Croyez-vous qu'il y a eu bris de contrat? Je comprends des notions comme esprit et intention, car elles sont subjectives. Chacun a sa propre idée à ce sujet. Quand on devient ministre fédéral des Finances, je suis persuadé qu'on ne tient pas à être poursuivi pour bris d'ententes existantes. Je sais que l'honorable ministre Flaherty ne tient pas à faire l'objet de poursuites. Je crois que le gouvernement fédéral est à l'aise avec sa position sur le plan juridique. Pensez-vous que le gouvernement est légalement, juridiquement dans le tort?
M. MacDonald : Ce serait terrible si, chaque fois qu'une province et le gouvernement fédéral ont un différend, ils devaient recourir aux tribunaux pour le régler. J'ai toujours cru que si nous nous présentons à ce comité, c'est parce que le Sénat est un lieu de second examen objectif. J'espère que vous examinerez l'historique de cette affaire et le contexte dans lequel ces accords ont été signés. Je crois que bien des gens n'ont pas examiné les motifs historiques de ces accords. Je crois malheureusement qu'on perd de vue l'histoire dans ce débat. J'espère que le Sénat prendra la bonne décision, respectera les Néo-Écossais et fera en sorte que le Parlement du Canada respecte les accords.
Le sénateur Angus : C'est bien beau, mais je considère que vous avez répondu par la négative.
Le président : Honorables sénateurs, j'ai laissé une certaine marge de manœuvre au critique et au parrain du projet de loi. Je vous demanderais dorénavant de poser des questions courtes afin que tous les sénateurs, en particulier ceux représentant la même province que les témoins, aient l'occasion de poser des questions.
Le sénateur Cowan : Bienvenue, monsieur le premier ministre. J'aimerais aborder deux thèmes. Premièrement, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre le ministre Flaherty ce matin.
M. MacDonald : Oui, en partie.
Le sénateur Cowan : Il a parlé de consultations qui auraient eu lieu avant le 19 mars, je crois, avec le ministre Baker, mais peut-être avec vous. J'aimerais que vous nous disiez si de telles consultations ont bel et bien eu lieu au sujet de l'Accord atlantique avant le 19 mars.
M. MacDonald : Je vais laisser le ministre des Finances répondre à cette question. Je n'ai eu aucune discussion avec le ministre des Finances à ce sujet.
M. Baker : Il est évident qu'avant le budget les ministres des Finances discutent d'une foule de sujets. Je peux dire au comité que la position et le message que j'ai, ainsi que mes fonctionnaires, toujours transmis au ministre fédéral des Finances et à ses fonctionnaires portaient sur le fait que la Nouvelle-Écosse n'accepterait aucune modification de l'accord sur les ressources extracôtières. En aucun temps, peu importe la réunion, avons-nous laissé croire que nous accepterions un amendement, de quelque nature que ce soit, au sujet de cet accord. Le ministre Flaherty ne m'a jamais laissé croire qu'on nous demanderait même une telle chose.
Le sénateur Cowan : Deuxièmement, j'aimerais vous poser une question au sujet de l'article 4 de l'Accord atlantique et de l'article 8 de la Loi sur les paiements de péréquation compensatoires supplémentaires à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador qui, vous le savez, était la loi du Parlement mettant en œuvre l'Accord atlantique.
À l'article 4, il est question du calcul des paiements compensatoires ou de la prise en considération des paiements de péréquation dont bénéficierait la province en vertu de la formule de péréquation en vigueur. Il n'est pas indiqué au 14 février 2005, ou en décembre 2004. Pour sa part, l'article 8 de la loi sur la mise en œuvre précise qu'il faut tenir compte dans le calcul du paiement de péréquation pour l'exercice selon la formule de péréquation en vigueur.
Le ministre et ses fonctionnaires étaient ici ce matin. Je leur ai soumis ce point et dit que, selon moi, tout était clair. Le ministre a dit que le programme de péréquation était un programme en évolution, qui n'était pas coulé dans le ciment à un moment précis dans le temps. Évidemment, cela tenait compte du fait qu'il y aurait des changements dans le programme.
Je leur ai demandé de présenter une opinion juridique ou une personne qui pourrait présenter une telle opinion afin d'interpréter ces deux dispositions comme le font de toute évidence le ministre des Finances et le premier ministre du pays. Selon moi, et je crois que vous êtes du même avis, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador ont droit aux avantages du programme de péréquation tel qu'il existe au moment de l'exercice visé par les calculs. Rien n'est figé dans le temps.
Je leur ai aussi lu une citation, que vous avez déjà lue j'en suis sûr, provenant d'un article paru ce matin dans The Globe and Mail et signé par MM. John Crosbie et Roland Martin, qui témoigneront au comité ce soir. Ils auront sans aucun doute l'occasion d'élaborer sur le sujet. Ils ont écrit ceci :
Il serait difficile d'imaginer qu'au milieu de ces mesures fondamentales de politique fiscale de la part de gouvernement fédéral, le premier ministre John Hamm de la Nouvelle-Écosse et le premier ministre Danny Williams de Terre-Neuve, ainsi que tous leurs ministres et conseillers, aient accepté de signer l'accord sur les ressources extracôtières conclu en février 2005 sans insister sur le fait que cela protège leur province respective contre toute modification future au programme de péréquation, modifications qui risqueraient d'annuler les avantages de ces ententes économiques bilatérales.
Messieurs, vous étiez tous deux ministres dans le gouvernement de John Hamm. Sans enfreindre le secret du cabinet, pouvez-vous nous dire quelles discussions, le cas échéant, ont eu lieu entre vous et vos collègues afin de déterminer si vous étiez en train d'accepter un programme tel qu'il était à ce moment, ou si vous étiez conscients du fait que ce programme pourrait être modifié et que vous voudriez peut-être avoir droit à ces avantages?
M. MacDonald : Je vais commencer par une observation rapide. À l'époque, il était très clair aux yeux de notre gouvernement et de mon prédécesseur, l'honorable John Hamm, que nous ne signerions pas une entente assortie d'un plafond. J'ai lu la lettre de MM. Crosbie et Martin à laquelle vous faites référence. C'était à peu près au moment de l'affaire du drapeau et du retour de mon prédécesseur en Nouvelle-Écosse. Ce fut toute une histoire à l'époque.
Comme vous l'avez dit, l'accord et la loi de mise en œuvre stipulent clairement qu'il s'agit de la formule de péréquation en vigueur. Nous savions que la formule de péréquation changerait. Nous étions conscients qu'il y en aurait une nouvelle, et nous savions donc que nous devions nous assurer que notre entente était en béton. Nous l'avons cru à l'époque. Malheureusement, aujourd'hui, nous nous retrouvons dans une situation différente. Peut-être que M. Baker voudra en dire davantage sur le sujet.
M. Baker : J'étais ministre de la Justice à l'époque. Je me souviens d'avoir examiné l'entente au moment de sa signature avec le gouvernement du Canada. Selon moi et le ministère de la Justice, il était clair que cette entente visait le programme de péréquation en général, que le programme existant tirait à sa fin, que le gouvernement du Canada en élaborerait immanquablement un autre et que, peu importe sa teneur, les avantages de l'Accord atlantique nous protégeraient des changements afin qu'aucune somme ne soit récupérée. En fait, si ma mémoire est exacte, les pourparlers avaient même cessé à un certain moment parce qu'on avait mentionné la possibilité d'un plafond et que la Nouvelle-Écosse, représentée par notre premier ministre de l'époque, ainsi que Terre-Neuve, n'étaient pas disposées à signer une entente comprenant un plafond.
Les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador ont toujours maintenu qu'un plafond était inacceptable.
Le sénateur Cowan : Le gouvernement du Canada vous a-t-il déjà présenté un avis juridique appuyant son interprétation de l'accord sur les ressources extracôtières ou de l'article de la loi sur la mise en œuvre auquel j'ai fait allusion?
M. MacDonald : Non.
M. Baker : Non.
Le sénateur Ringuette : Merci d'être ici. Je n'ai qu'un commentaire. Le gouvernement est en place depuis 16 mois, et pendant ces 16 mois nous l'avons vu rompre d'autres accords : l'accord de Kelowna, les garderies, Kyoto, sans parler de la liste des promesses non tenues. En tant que Canadien de l'Atlantique, je me sens menacé, mais dans un esprit de collaboration, je céderai le temps qui m'est alloué à mon collègue, le sénateur Moore.
Le sénateur Moore : Merci, sénateur Ringuette.
Le sénateur Angus : La formule de péréquation est vraiment à l'œuvre ici.
Le sénateur Moore : Merci à vous, monsieur le premier ministre, monsieur le ministre, ainsi qu'à vos collègues d'être ici aujourd'hui. Je voudrais poursuivre la ligne de pensée du sénateur Cowan. Si l'accord avait contenu un article parlant de choix, l'auriez-vous signé? John Hamm était premier ministre à l'époque et vous faisiez partie de son cabinet. Auriez-vous signé ce document?
M. MacDonald : Je ne peux évidemment pas parler au nom de mon prédécesseur, mais rien ne nous a jamais laissé croire, avant le budget du 19 mars, qu'il y aurait un choix de quelque type que ce soit. Je dirais que non, nous n'aurions pas signé un tel document. Nous croyons, ce qui paraît dans la mesure législative, que nous devons bénéficier pleinement des revenus provenant des ressources extracôtières, et nous croyons que cette entente respecte cet esprit et cette intention.
Le sénateur Moore : Le ministre Flaherty était ici ce matin et il a déclaré que l'accord n'avait jamais été gravé dans la pierre. Nous avons un accord juridique, un contrat, qu'un ministre de la Couronne fédérale peut unilatéralement annuler. Je trouve cela ahurissant. C'est peut-être là une manifestation de l'attitude de ce gouvernement.
J'ai devant moi une brochure de la campagne électorale de janvier 2006 portant le nom de Stephen Harper, alors chef de l'opposition. On peut y lire ceci :
Le Parti conservateur du Canada croit que les revenus du pétrole et du gaz extracôtiers sont la clé d'une véritable croissance économique dans le Canada atlantique. C'est pourquoi nous vous laisserions 100 p. 100 des revenus pétroliers et gaziers. Pas de petits caractères, pas d'excuses, pas de plafond.
Compte tenu de cette promesse électorale et de la situation actuelle, peut-on dire que Stephen Harper n'a pas tenu parole?
M. MacDonald : Je vais laisser mon collègue répondre, mais j'aimerais faire une observation.
Sans entrer dans les aspects politiques d'une élection, ma présence ici aujourd'hui n'est pas fondée sur un événement qui s'est produit pendant les élections. Elle est fondée sur l'histoire, sur les compétences et sur un engagement de la part du gouvernement du Canada, et non simplement sur un parti politique. Elle est fondée sur le fait que nous avons signé cette entente de bonne foi.
Le sénateur Moore : Je le sais. Ministre Baker?
M. Baker : Très simplement, nous croyons que le gouvernement du Canada s'est engagé envers nous sur le plan politique — il s'agit bien sûr de la signature de l'accord — et s'est engagé envers les habitants de la Nouvelle-Écosse sur le plan juridique, en adoptant la loi. Si l'on fait abstraction de la rhétorique électorale de la part de l'un ou l'autre parti pendant ces élections, nous croyons que tous les partis — en tous cas des partis principaux comme le Parti libéral du Canada et le Parti conservateur du Canada — appuyaient sans équivoque l'accord.
Honnêtement, j'ai été surpris, le jour du budget fédéral, quand j'ai été informé par nos fonctionnaires après la séance d'information à huis clos. Ils m'ont dit que le budget proposait une mesure législative modifiant l'accord. J'ai été sidéré. Je sais que nos fonctionnaires l'étaient eux aussi, car la Nouvelle-Écosse n'avait d'aucune façon été informée de la possibilité de la perte de tout avantage qui nous avait été accordé dans cet accord. Aucun motif juridique ou politique, très franchement, ne semblait pouvoir justifier une telle chose, et nous étions sous le choc.
Il est intéressant de noter que peu après le dévoilement de ce budget, quand nous avons une première fois calculé combien nous pourrions perdre si l'accord était modifié conformément au budget, les résultats étaient légèrement inférieurs à ce qu'ils sont aujourd'hui, mais que cela est dû aux données fédérales. Je veux que cela soit bien clair. Nous avons reçu de nouvelles données du gouvernement fédéral et avons rajusté nos calculs en conséquence. Nous n'avons pas changé les chiffres nous-mêmes. Nous disposions simplement de données désuètes au moment de la publication du budget fédéral. Nous avons par la suite reçu de nouvelles données du ministère fédéral des Finances. Les estimations que vous voyez sur le document qui vous a été distribué sont fondées sur de nouvelles données fournies par le gouvernement du Canada.
Le sénateur Ringuette : Vous êtes chanceux d'avoir obtenu des données. Nous en sommes incapables.
Le sénateur Moore : Même si vous n'avez pas obtenu ce qui vous avait été promis et ce pour quoi vous avez signé, vous n'êtes malgré tout pas prêt à dire qu'il y a eu promesse rompue? Je ne comprends pas.
M. MacDonald : Nous disons que l'engagement pris envers la Nouvelle-Écosse dans l'accord de 2005 et que l'engagement pris par le gouvernement à ce moment n'ont pas été respectés, effectivement.
Le sénateur Moore : Merci.
Le Conseil économique des provinces de l'Atlantique a publié la semaine dernière un rapport contenant une analyse du nouveau plan de péréquation et déclarant que la Nouvelle-Écosse recevrait 1,4 milliard de dollars de moins. Je crois que vos chiffres, monsieur Baker, indiquent 1,3 milliard de dollars. Je crois que c'est assez semblable. Le rapport indique que la Nouvelle-Écosse recevra 95 millions de dollars cette année et 64 millions de dollars l'année prochaine, pour un total de 159 millions de dollars, et qu'ensuite il n'y a plus rien.
M. Baker : Nous affirmons que, d'après les chiffres du groupe d'experts et en vertu de la nouvelle formule de péréquation, nous allons perdre 1,3 milliard de dollars. C'est exact.
Le sénateur Moore : J'aimerais aborder un élément que je n'ai pas vu dans vos amendements proposés, soit le Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Selon le budget, la distribution de ce transfert doit être calculée en fonction du nombre d'habitants, contrairement au système précédent, qui était une combinaison de points d'impôt, de montants de péréquation et de montants en espèces. En vertu de ce programme, cette année, notre province de la Nouvelle-Écosse recevra 6,5 millions de dollars, d'après les plus récentes données de Statistique Canada sur la population. L'Alberta recevra 344 millions de dollars, et sur une période de 10 ans cela reviendra à 65 millions de dollars contre 3,44 milliards de dollars.
Est-ce que vous ou vos fonctionnaires, ministre Baker, avez examiné cet écart et les conséquences qu'il aura sur le programme d'enseignement postsecondaire dans notre province? Nous assurons l'enseignement des jeunes Canadiens depuis plus de 200 ans, et nous le faisons très bien, car c'est une entreprise pour nous. En regardant ces chiffres, je ne sais vraiment pas comment il est possible de combler l'écart. Je ne sais pas comment il nous sera possible de ne pas perdre nos meilleurs enseignants, professeurs, chercheurs et étudiants aux mains d'une autre province qui n'a tout simplement pas besoin de ce genre de transfert. Avez-vous étudié cette question?
M. Baker : Ce programme a toujours été fondé sur le nombre d'habitants. Comme vous l'avez indiqué, sénateur, le calcul des paiements était une combinaison de points d'impôt et d'espèces, alors qu'il s'agit uniquement d'espèces dans le cas du nouveau système. Nous croyons que la différence entre les deux formules représentera un écart de 28 millions de dollars pour la Nouvelle-Écosse. Nous allons quand même recevoir davantage d'argent à la suite du changement, mais ce sont 28 millions de dollars de moins à la suite d'une modification de la formule de paiement, et non de la formule de répartition.
L'autre élément de ce programme qui est depuis longtemps une source de mécontentement en Nouvelle-Écosse est le fait que le calcul des étudiants se fait selon leur province d'origine et non l'endroit où ils reçoivent leur enseignement. Par exemple, pour la majorité des étudiants, la Nouvelle-Écosse est leur domicile. C'est là qu'ils résident et où ils vont à l'université neuf mois sur douze. Par ailleurs, la province qui reçoit les paiements en vertu du Transfert canadien en matière de programmes sociaux est leur province d'origine, alors que nous avons toutes ces dépenses liées à la présence de 11 universités en Nouvelle-Écosse et à l'offre de services pendant que ces étudiants sont dans notre province. Nous croyons qu'il s'agit là d'une erreur dans la formule de calcul. Elle devrait être fondée sur l'endroit où se trouvent les étudiants. Nous ne comptons pas les autres Canadiens en fonction de leur province d'origine, mais de leur lieu de résidence. Nous croyons que le même principe devrait s'appliquer aux étudiants.
Le sénateur Moore : Cela ne règle pas l'écart toujours grandissant. Vos fonctionnaires ont-ils étudié la question? C'est ce qui se produira avec le Transfert canadien en matière de santé à compter du 1er avril 2014, alors que cette méthode entrera en vigueur. Avons-nous étudié cette question? Cela pourrait avoir des effets dévastateurs sur nos gens et sur notre système de santé. Allons-nous tous déménager dans l'Ouest pour recevoir des soins de santé et une éducation?
M. Baker : J'espère bien que non. Nous connaissons, et nos fonctionnaires nous l'ont indiqué, la différence que cela entraîne pour le TCPS et le TCS quand la nouvelle formule entrera en vigueur. Cela nous préoccupe énormément et nous rappelle l'importance de l'accord sur les ressources extracôtières et d'une formule de péréquation équitable. La péréquation est conçue pour compenser en partie l'écart créé par le nombre d'habitants et est fondée sur la capacité fiscale. La péréquation est aussi fondamentale que le sont, de toute évidence, les accords, et c'est pourquoi notre gouvernement est ici aujourd'hui.
Le sénateur Murray : Les trois principales questions que je voulais vous poser ont déjà reçu réponse dans les exposés du premier ministre et de son ministre :
Le projet de loi C-52 vient-il modifier l'Accord atlantique? La réponse est oui.
Avez-vous consenti à ces amendements tels que requis en vertu de l'accord? La réponse est non.
L'Accord atlantique est-il une entente de développement économique ou de péréquation? La réponse est qu'il s'agit d'une entente de développement économique.
Je veux simplement dire à quel point j'admire ce que vous avez dit et la façon dont vous l'avez dit. Tous ceux qui vous ont précédé au poste de premier ministre de la Nouvelle-Écosse — et je suis assez vieux pour en avoir connu plusieurs — seraient fiers de la façon dont vous défendez non seulement les intérêts de la Nouvelle-Écosse, mais aussi un concept de partage du fédéralisme canadien que la Nouvelle-Écosse défend depuis 140 ans, et j'en suis heureux.
J'aimerais maintenant que l'un d'entre vous nous parle de cette police d'assurance dont il a brièvement été question ce matin dans une discussion avec M. Flaherty. Je ne sais pas s'il s'agit d'un dossier existant, d'une offre, d'une décision ou d'un ajout. C'est ce que vous allez nous dire.
Finalement, nous avons eu une conversation ce matin avec des fonctionnaires de Finances Canada sur le Transfert canadien en matière de programmes sociaux, dont le sénateur Moore a parlé tantôt. Ils ont été très clairs sur le fait que peu importe les sommes perdues par le passage à la formule de financement égal par habitant, elles seront plus que contrebalancées par la formule de péréquation « enrichie ».
J'aimerais connaître vos opinions sur ces sujets, s'il vous plaît.
M. Baker : Je vais commencer par la dernière partie. Comme chacun le sait, le coût des programmes d'enseignement postsecondaire augmente rapidement. Pour répondre à votre question, notre difficulté réside dans le fait que nous obtiendrons peut-être 6 ou 7 millions de dollars supplémentaires grâce au Transfert canadien en matière de programmes sociaux améliorés, mais que cela n'est aucunement proportionnel à la hausse des coûts associés à l'offre de services à nos citoyens, ce qui nous ramène au principe de la péréquation que j'ai mentionné plus tôt, c'est-à-dire offrir des services semblables pour des niveaux d'imposition semblables. Nous trouvons qu'il est de plus en plus difficile, en Nouvelle-Écosse, d'offrir à nos citoyens non seulement les services auxquels s'attendent les autres Canadiens, mais aussi de les leur offrir à un niveau d'imposition qui n'aggrave pas davantage les écarts qui existent au pays.
En résumé, c'est un gros problème et nous croyons que la solution du gouvernement fédéral, qui favorise manifestement les provinces les plus riches, est injuste à l'égard des provinces les plus pauvres.
Le sénateur Murray : Je voulais plus de détails sur la police d'assurance et savoir si vous l'avez acceptée ou non.
M. MacDonald : Merci pour cette question. Nous ne savons pas à quoi ressemble cette soi-disant police d'assurance. Il est donc difficile pour nous de nous prononcer à son sujet. J'ai effectivement entendu le ministre des Finances utiliser cette expression à quelques reprises. Je crois que la meilleure police d'assurance consiste à s'assurer que l'entente conclue en 2005 soit respectée.
Le sénateur Murray : En d'autres mots, amender ce projet de loi.
M. MacDonald : Amender ce projet de loi. Ainsi, nous serons tous certains que les bénéficiaires à part entière seront les Néo-Écossais et les Terre-Neuviens.
Le sénateur Eggleton : Vous avez dit très clairement que ce budget et la décision du gouvernement fédéral violaient l'accord. Je voudrais revenir sur certains principes. L'un d'entre eux se trouve dans la Constitution. Il s'agit du programme de péréquation, conçu pour faire en sorte que tous les Canadiens aient accès à des services raisonnablement semblables à des niveaux d'imposition relativement semblables. Un autre principe est la méthode de calcul. Le rapport O'Brien, entre autres, a indiqué que la capacité fiscale d'une province bénéficiaire ne devrait pas être supérieure à celle de la plus pauvre des provinces non bénéficiaires.
J'accepte ce que vous dites au sujet du fait que l'accord est un programme de développement économique, et j'accepte ce qui paraît aujourd'hui sur le site Web du ministère des Finances relativement au fait qu'il s'agit d'un programme distinct du programme de péréquation, mais comment conciliez-vous cela avec ces deux principes? Au bout du compte, si vous mesurez la capacité fiscale et que cette mesure de développement économique, l'accord, est conçue pour accroître votre capacité fiscale, comment pouvez-vous éviter de vous retrouver confronté au principe même qui consiste à ne pas dépasser la plus pauvre des provinces non bénéficiaires, soit l'Ontario, ce qui, selon Finances Canada, devrait se produire dans votre cas et peut-être dans le cas d'une autre province cette année?
M. MacDonald : Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois que notre capacité fiscale n'est qu'à environ 75 p. 100, et que celle de l'Ontario se situe plutôt à 105 ou 106 p. 100.
Le sénateur Eggleton : En ce moment.
M. MacDonald : Il y a largement de place pour la croissance dans notre province, et nous voulons qu'elle se poursuive et l'accord sur les ressources extracôtières s'inscrit dans le cadre de cette croissance. L'accord comporte aussi des dispositions en vertu desquelles si nous devenions, espérons-le — et je crois que ce sera le cas — une province ne recevant plus de paiements de péréquation, nous ne serions plus les uniques bénéficiaires.
Le sénateur Eggleton : Donc, à long terme, et peut-être à court terme, vous ne disposez pas de délai de rajustement. Toutefois, vous n'avez rien contre le fait que dès que votre capacité fiscale dépassera celle d'une province non bénéficiaire, vous n'aurez plus droit à des paiements de péréquation?
M. Baker : Si l'on ne tient pas compte de l'accord, qui est une entente que nous avons avec le gouvernement du Canada et que nous considérons être intouchable...
Le sénateur Eggleton : Et qui devrait être honoré, oui.
M. Baker : Nous ne nous sommes jamais opposés à ce principe, et nous l'avons en fait appuyé. Une légende urbaine veut que les paiements à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador en vertu des accords réduisent d'une façon ou d'une autre les paiements de péréquation d'une autre province. C'est absolument faux. En fait, à mesure que nos revenus augmentent, il reste davantage d'argent dans le fonds de péréquation pour les autres provinces.
Il ne s'agit donc pas d'une situation où les intérêts de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador entrent en conflit avec ceux d'une autre province bénéficiaire comme le Manitoba, par exemple. C'est tout le contraire. Nous n'avons rien contre le principe, exception faite de l'accord, selon lequel la péréquation doit être liée à un principe, comme vous dites, sénateur.
Le sénateur Eggleton : J'ai une question au sujet du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, ou de la formule de calcul par habitant. Beaucoup a été dit, particulièrement au sujet des montants supplémentaires qui seront versés à l'Alberta et à l'Ontario et qui, d'après ce que j'ai compris, visent à rétablir un équilibre dans la formule de répartition par habitant, qui était complètement déséquilibrée. L'Ontario, par exemple, reçoit 86 $ de moins par habitant, en tenant compte de l'aide sociale et de l'enseignement postsecondaire, que les provinces bénéficiaires. L'intention du gouvernement fédéral est d'équilibrer cette situation. Il faut donc rajuster certains chiffres, et c'est pourquoi ces chiffres sont plus élevés dans le premier cas.
Vous avez soulevé certaines préoccupations à ce sujet, notamment en ce qui concerne la province où une personne reçoit l'enseignement, et cela semble justifié. Exigez-vous des frais supplémentaires de la part des gens qui viennent de l'extérieur de votre province?
M. Baker : Non. Les frais de scolarité pour les étudiants originaires de la Nouvelle-Écosse et ceux qui sont originaires de l'Ontario, par exemple, sont les mêmes.
Le sénateur Eggleton : Vous avez là un bon argument.
Vous avez aussi dit que les frais pourraient être plus élevés. Selon l'Institut des études de marché de l'Atlantique, les coûts sont plus élevés en Ontario que dans de nombreuses autres provinces bénéficiaires, parce que les salaires, les coûts immobiliers, les loyers, et cetera. sont plus élevés en Ontario. Je crois que cet institut est situé à Halifax.
M. Baker : En résumé, un des problèmes que notre province a tenté de résoudre, et qui ont fait l'objet d'un engagement de la part de notre premier ministre, concerne la baisse des frais de scolarité afin qu'ils soient semblables à la moyenne nationale. Les frais de scolarité des universités néo-écossaises sont effectivement beaucoup plus élevés qu'ailleurs au pays. Cela est bien entendu lié à notre capacité fiscale. Nous commençons avec beaucoup de difficulté à réduire ces frais, qui n'ont pas augmenté depuis un an.
Je ne vois pas comment cette analyse pourrait fonctionner, car nos frais de scolarité sont plus élevés parce que nous avons beaucoup plus d'universités et beaucoup plus d'étudiants par habitant que la majorité des autres provinces canadiennes.
Le sénateur Eggleton : Ces chiffres visent les services publics en général, pas seulement l'éducation.
Le sénateur Di Nino : Bienvenue et merci d'être ici. Je voudrais moi aussi vous féliciter pour la façon déterminée dont vous défendez votre point de vue, même si certains d'entre nous ne partagent pas entièrement votre opinion.
Je viens de l'Ontario, et je vais faire quelques commentaires et vous poser quelques questions concernant ma région. Mon premier commentaire porte sur les remarques du sénateur Eggleton. Le principe de tous les transferts, qu'il s'agisse de péréquation ou d'accords, en vertu de n'importe quelle entente-cadre, consiste à respecter le mandat constitutionnel de la péréquation. Certaines provinces, dont l'Ontario, ont exprimé des réserves concernant l'équité générale de ce programme envers les provinces non bénéficiaires.
Il y a quelques semaines, ce comité a entendu un exposé bien senti de la ministre Bountrogianni. Elle a déclaré que l'Ontario envoie chaque année des milliards de dollars au gouvernement fédéral. Le problème est que nous recevons en retour moins que notre juste part. Nous recevons en fait des milliards de moins, ce qui signifie moins d'argent pour les soins de santé, l'éducation, les transports en commun, les routes, la formation professionnelle, les avantages sociaux, et cetera.
Il y a peu de temps, notre premier ministre, parlant du budget de 2007, disait que des arrangements qui pourraient permettre à des provinces bénéficiaires de paiements de péréquation — pas des provinces qui ne bénéficient que de paiements de péréquation, mais qui en reçoivent aussi — dont la capacité fiscale est plus élevée que celle de l'Ontario — en d'autres mots, qui pourraient essentiellement être plus riches que l'Ontario — alors que nous continuerions d'envoyer des paiements à ces provinces seraient injustes. Au nom des Ontariens, nous ne pourrions bien entendu pas accepter une telle chose.
Dans une autre déclaration trouvée dans un communiqué de La Presse canadienne, il a déclaré : « J'espère que les sénateurs vont adopter ce budget, car les Ontariens comptent dessus. »
Avez-vous des remarques au sujet de la déclaration de Mme Bountrogianni et des commentaires du premier ministre?
M. MacDonald : J'aimerais d'abord revenir sur nos remarques antérieures concernant la capacité fiscale, et répéter que nous ne nous opposons pas à la présence de lignes directrices et de cadre appropriés concernant la formule de péréquation. L'accord de 2005 aborde clairement la possibilité que nous devenions une province ne bénéficiant plus de paiements de péréquation. La question soulevée par le premier ministre McGuinty trouverait une solution si l'accord de 2005 était respecté.
Le sénateur Di Nino : Laissez-vous toutefois entendre que vous voulez bénéficier à la fois de l'accord de 2005 et de la nouvelle formule de péréquation telle que présentée dans ce budget?
M. MacDonald : L'accord de 2005 fait clairement référence à la formule de péréquation en vigueur. Il s'agirait donc aujourd'hui de la formule O'Brien. En outre, nous bénéficierions aussi de paiements compensatoires, conformément à l'entente.
Le sénateur Di Nino : Ce serait aussi bien que les arrangements en vertu de l'accord, alors.
Le Toronto Star — qui n'appuie pas particulièrement notre parti — a publié un commentaire très senti : « Williams et le premier ministre de la Nouvelle-Écosse, Rodney MacDonald, sont préoccupés parce que les choix de Harper les empêchent d'avoir le beurre et l'argent du beurre [...] »
Je m'excuse d'insister autant sur ce sujet, mais ce sentiment est très répandu en Ontario et les gens en parlent beaucoup. Avons-nous tort? Êtes-vous en train de nous dire que ceux qui partagent cette opinion ont tort de croire que votre capacité fiscale finira par être supérieure à celle de l'Ontario?
M. MacDonald : Non, nous ne suggérons rien de tel. Nous disons que nous avions une entente en 2005, une entente que nous avions signée de bonne foi avec le gouvernement fédéral au sujet d'une question de compétences. Il s'agit d'une entente de développement économique, et si l'Ontario ou toute autre province bénéficie d'une entente de développement économique, les montants qui y sont associés ne seront pas inclus dans les calculs, comme les nôtres ne devraient pas l'être en ce qui concerne la capacité fiscale.
Le sénateur Di Nino : Monsieur le premier ministre, êtes-vous alors en train de nous dire que l'accord devrait être traité de façon totalement distincte du programme de péréquation? Nous ne sommes pas nécessairement d'accord.
M. MacDonald : C'est exact, et c'est également ce que stipule l'entente.
Le sénateur Di Nino : J'ai un dernier commentaire. Le premier ministre McGuinty a dit que le travail d'un premier ministre fédéral consiste à concilier des intérêts divergents, et de le faire d'une manière canadienne, et il rendait hommage au premier ministre Harper en disant cela. Êtes-vous en désaccord avec le premier ministre McGuinty?
M. MacDonald : Je crois qu'il est dans l'intérêt de tous que nous fassions les choses à la canadienne. Je crois que peu importe notre allégeance politique, nous voulons tous que le Canada devienne plus fort, que nos provinces deviennent plus fortes et, comme je l'ai dit plus tôt, je crois qu'une Ontario plus forte, une Alberta plus forte, un Québec plus fort ou une Saskatchewan plus forte, peu importe, est une bonne chose pour le Canada et pour la Nouvelle-Écosse. Des principes doivent de toute évidence entourer la formule de péréquation. Nous n'avons jamais laissé entendre que nous nous opposions à cela. Nous croyons toutefois dans le principe qui consiste à respecter ses engagements. Il est très difficile, entre gouvernements, de savoir que vous venez de signer une entente qui est maintenant rompue et qu'on vous demandera peut-être d'en signer une autre dans le futur. C'est la question que se posent les Néo-Écossais, et c'est certainement la question qui préoccupe mon gouvernement. Je crois que, pour pouvoir passer à autre chose, il faut résoudre cette question, ce qui est possible grâce aux amendements proposés par notre ministre des Finances.
Le sénateur Di Nino : Merci. La gouvernance exige de toute évidence des numéros d'équilibriste et des processus décisionnels difficiles. Nous ne nous entendons pas sur ce sujet, monsieur, mais nous nous respectons.
Le sénateur Cordy : En réponse à mes questions de la semaine dernière et des semaines précédentes à l'intention de la leader du gouvernement au Sénat et portant sur l'Accord atlantique, celle-ci a dit que l'accord qui existait la veille du budget était celui qui existait au lendemain du budget. Ceux d'entre nous qui avons lu à la fois l'accord et le budget savons que c'est faux. En fait, je partage l'opinion du sénateur Murray. Vous avez certainement clarifié le fait que le projet de loi C-52 a effectivement rompu l'accord signé de bonne foi par la Nouvelle-Écosse avec le gouvernement fédéral.
Monsieur le premier ministre, vous avez dit que cette affaire fait l'objet de discussions dans les cuisines de la Nouvelle-Écosse. J'ai passé la fin de semaine en Nouvelle-Écosse et on discute de ce sujet à bien d'autres endroits que les cuisines. J'étais à une université et les gens en parlaient. Partout où je suis allé, que ce soit à l'église, dans les magasins, à un souper officiel à la Province House, ou à des événements politiques le samedi soir et le dimanche après- midi, les gens en parlaient, quelle que soit leur allégeance politique, et même s'ils n'avaient aucune allégeance politique. Tous sont très préoccupés et se sentent trahis par ce qui s'est passé.
J'ai deux questions. La première concerne l'attitude du premier ministre du pays, qui dit que si la situation ne nous plaît pas, nous n'avons qu'à le poursuivre. Les Néo-Écossais devraient-ils dépenser l'argent de nos impôts pour poursuivre le gouvernement fédéral parce que le premier ministre du pays a rompu sa promesse?
Deuxièmement, je ne suis ni comptable, ni économiste, ni avocate. J'étais enseignante avant d'arriver au Sénat. J'ai toutefois grandi en Nouvelle-Écosse. C'est une petite province, mais ses habitants savent bien qu'une entente est une entente. Pourquoi les Néo-Écossais devraient-ils choisir entre deux options, donc aucune n'est l'Accord atlantique signé par la Nouvelle-Écosse et le gouvernement du Canada? Pourquoi ne devrions-nous pas croire qu'il faut respecter une promesse faite et une entente conclue?
M. MacDonald : Je renvoie la balle à mon ministre des Finances.
M. Baker : En résumé, nous croyons qu'ils ne devraient pas avoir à faire un choix. En fait, c'est là l'entente fondamentale qui a été conclue entre les Néo-Écossais, représentés par le gouvernement de la Nouvelle-Écosse, et le gouvernement du Canada au nom des Canadiens. Selon cette entente, ils n'auraient plus jamais à faire ce choix pendant la durée de l'entente. Il ne s'agit pas d'une entente à perpétuité. Il s'agit d'une entente assortie d'une date d'échéance et d'une disposition de renouvellement fondée sur une formule précise.
Même si je n'ai pas assisté aux mêmes événements que madame le sénateur au cours de la dernière fin de semaine, j'ai quand même participé à bon nombre d'événements, dont certains en l'honneur de la fête des pères, et c'était le sujet de conversation autour de la table et ailleurs parmi les Néo-Écossais, qui ne comprennent tout simplement pas comment ils se retrouvent dans l'obligation de choisir. Il est juste de dire qu'ils sont surpris que leur gouvernement doive prendre part à ce débat, car ils croyaient, lorsque l'accord a été signé, que la totalité des revenus provenant des ressources extracôtières de la Nouvelle-Écosse irait aux Néo-Écossais pendant la durée de cet accord. Les gens se mettent soudainement à parler et ils sont très contrariés.
Nous sommes déterminés à exposer les faits afin que les gens qui proviennent d'autres endroits de ce pays, pas seulement de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador, comprennent qu'il y a des principes en jeu qui ont une incidence sur eux et leur vie. La question ne concerne pas seulement les principes qui touchent les habitants de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve-et-Labrador. Elle concerne également les habitants de l'Ontario, de la Colombie- Britannique et du Québec où, je pourrais ajouter, ils prennent les engagements du gouvernement du Canada très au sérieux également. Ils ont raison. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui.
Le sénateur Baker : Le sénateur Phalen et moi discutions de cette question avant de venir à la réunion. Le sénateur Phalen vient, bien sûr, de Glace Bay au Cap-Breton, et il est un Néo-Écossais célèbre. Il s'est décrit comme le parrain de ce projet de loi au Sénat.
Le sénateur Angus vous a demandé si vous étiez dans une position juridique où vous pourriez poursuivre le gouvernement fédéral. Je crois, monsieur le président, que nous devrions poser cette question à une personne qui était un grand avocat plaidant dans une vie précédente. Le sénateur Angus a demandé « êtes-vous préclus de faire quelque chose? ». Lors de son dernier procès, cet avocat a eu gain de cause en invoquant le principe de préclusion. L'avocat dont je parle est le ministre que nous avons avec nous aujourd'hui, à savoir Michael Baker de la Nouvelle-Écosse.
J'aimerais vous demander, monsieur Baker, de donner votre opinion précise sur les termes suivants de l'accord. Je lirais l'accord. Pouvez-vous me dire, sans toutefois trancher la question, si, à votre avis, ces termes empêchent le gouvernement fédéral d'agir de façon unilatérale?
Premièrement, nous avons le protocole d'entente sur l'Accord atlantique de 1985. Le libellé de l'article 60 est le suivant :
Sauf s'il y a consentement mutuel, aucun gouvernement ne modifiera la mesure législative [...]
À votre avis, monsieur Baker, cela semble-t-il empêcher la prise d'actions unilatérales par le gouvernement?
M. Baker : Oui.
Le sénateur Baker : Deuxièmement, dans la Loi de mise en œuvre de l'Accord Atlantique de 1987, on stipule ce qui suit :
[Les gouvernements du Canada et de Terre-Neuve et du Labrador] sont convenus de subordonner à leur consentement mutuel les modifications de la présente loi ou de ses règlements
À votre avis, sans toutefois trancher la question, cela empêche-t-il le gouvernement fédéral d'agir unilatéralement?
M. Baker : Oui.
Le sénateur Baker : La troisième citation provient de la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. Cette loi, sous la rubrique « Modification », stipule ce qui suit :
Le gouvernement fédéral [...] peut modifier l'Accord de concert avec celui de la Nouvelle-Écosse.
À votre avis, cela empêche-t-il le gouvernement fédéral d'agir unilatéralement?
M. Baker : Oui.
Le sénateur Baker : Finalement, nous arrivons à la Loi sur les paiements de péréquation compensatoires supplémentaires à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador de 2005, qui a intégré ces accords dans une loi. Elle a changé les définitions en conséquence de façon à ce que les mêmes définitions soient utilisées dans la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada-Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers. La Loi sur les paiements de péréquation compensatoires supplémentaires à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador prévoit ce qui suit :
Le ministre ne peut recommander la prise de tout règlement [...] que s'il a obtenu l'approbation [...] par le ministre provincial désigné par la province à cette fin.
À votre avis, ces termes empêchent-ils le gouvernement fédéral de faire unilatéralement ce que ce paragraphe veut faire?
M. Baker : Oui. Le sénateur est le membre le plus éloquent de la famille Baker, car je donne des réponses si brèves.
Le sénateur Baker : Je me demande si le juge Angus pourrait prendre la décision finale. Y a-t-il matière à poursuite contre le gouvernement fédéral?
[Français]
Le sénateur Angus : Je ne comprends pas la question mais je suis prêt à la prendre en délibéré.
[Traduction]
Le sénateur Baker : Ce sont toutes mes questions.
Le président : Je suis content que vous ayez été en mesure de discuter avec le sénateur Phalen avant la réunion. Cela a aidé à faire avancer les choses rapidement.
Le sénateur Mercer : Messieurs MacDonald et Baker, il est bon de vous voir les deux.
Comme des centaines d'autres personnes, j'étais dans la salle le 14 février 2005 quand l'accord a été signé au World Trade Centre de Halifax. Je n'aurais jamais pensé que nous aurions cette discussion un jour. J'avais cru que l'accord était coulé dans le béton lorsqu'il a été signé par un premier ministre libéral et un premier ministre conservateur. Je suis extrêmement surpris que nous soyons ici.
Monsieur MacDonald, les médias signalent depuis quelque temps que vous discutez régulièrement avec les ministres MacKay et Flaherty, et peut-être même le premier ministre. Je suis curieux. Tandis qu'ils affirmaient qu'il n'y aurait pas d'ententes particulières, vous étiez, d'après les médias, en train de mener des négociations.
Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet? Y a-t-il eu des négociations? Y en a-t-il actuellement? Se poursuivent-elles ou sont-elles au point mort? J'avais cru, d'après ce que vous aviez dit auparavant, qu'aucune négociation n'était possible.
M. MacDonald : Après le budget du 19 mars, en raison de son influence sur l'accord, je croyais qu'il était prudent, comme mon prédécesseur l'avait fait en signant l'accord de 2005, d'avoir des discussions avec le gouvernement fédéral afin de déterminer si cette question pouvait être réglée. Nous avons eu des discussions mais, à ce jour, je n'ai rien vu qui permettra de garantir que nous demeurons pleinement bénéficiaires de l'accord sur les ressources extracôtières.
La façon la plus simple de s'assurer que l'engagement pris dans le cadre de cet accord est respecté est d'honorer l'accord lui-même.
Le sénateur Mercer : Vos commentaires durant votre intervention cet après-midi m'ont intéressé. Je suis membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, et nous faisons une étude sur la conteneurisation. Je m'intéresse particulièrement au port de Halifax. Vous avez dit que le gouvernement fédéral ne s'est pas toujours pas engagé officiellement à appuyer votre initiative de porte d'entrée de l'Atlantique. Les témoignages donnés ce matin par le ministre Flaherty et ses représentants semblaient indiquer le contraire. J'ai cru comprendre qu'il y a des fonds prévus dans le budget auxquels la Nouvelle-Écosse peut accéder sur demande, tandis qu'il y a des fonds distincts prévus pour la porte d'entrée du Pacifique.
Je vous demande, d'abord, d'examiner le témoignage de ce matin. Croyez-vous toujours que nous devons demander ces fonds, contrairement à la porte d'entrée du Pacifique pour laquelle il y a des fonds distincts?
M. MacDonald : Nous devons absolument faire une demande pour obtenir ces fonds. Beaucoup de travail a été effectué à cet égard, et c'est une merveilleuse occasion pour notre province d'aller de l'avant en ce qui a trait au trafic qui passe par le canal de Suez en provenance de l'Asie. Nous n'avons pas encore signé d'accord officiel, mais cela créerait certainement de merveilleux débouchés pour notre province.
Le sénateur Mercer : Nous avons entendu qu'approximativement 1,3 or 1,4 milliard de dollars seraient perdus si le projet de loi C-52 était adopté. Monsieur Baker, avez-vous procédé à une analyse des aspects positifs et négatifs? Nous nous servirons de vos chiffres, et pas de ceux du Conseil économique des provinces de l'Atlantique. Quel type de services cette somme de 1,3 milliard de dollars fournirait-elle aux Néo-Écossais pendant la durée de l'accord? C'est le côté positif. Le côté négatif, c'est ce que nous perdrons en tant que Néo-Écossais. Quels services arrêterais-je de recevoir en tant que résidant de la Nouvelle-Écosse si ce projet de loi est adopté et nous perdons cette somme de 1,3 milliard de dollars?
M. Baker : Ce chiffre de 1,3 milliard est fondé sur l'approche proposée par le groupe d'experts. Si nous options pour l'ancienne méthode de calcul, le montant serait inférieur à ce chiffre. Cela s'appliquerait si nous utilisions l'approche proposée par le groupe d'experts.
En termes simples, cela signifierait une diminution du type de programmes qui coûtent beaucoup d'argent aux contribuables. En Nouvelle-Écosse, ces programmes incluent la santé, l'éducation, les services communautaires et le transport. La vaste majorité de notre budget est consacrée à ces programmes. Ce sont les programmes qui seraient touchés si le gouvernement de la Nouvelle-Écosse subissait une perte de revenus.
Le gouvernement a seulement deux choix, car nous sommes déterminés en Nouvelle-Écosse à avoir un budget équilibré. Nous avons vu ce qui se produit quand on ne vit pas selon ses moyens, et nous sommes déterminés à vivre selon nos moyens. Les seuls choix que je pourrais recommander à mes collègues du Cabinet en tant que ministre des Finances seraient d'augmenter les impôts ou de réduire le nombre de programmes. Ce sont mes deux seuls choix. Franchement, aucun de ces deux choix n'est attirant, car soit je réduirai le nombre de programmes dont dépendent les Néo-Écossais, à savoir les programmes de santé, d'éducation, de services communautaires et de transport, ou j'agrandirai davantage l'écart fiscal qui existe entre la Nouvelle-Écosse et les autres provinces canadiennes, ce qui a une incidence non seulement sur nos habitants, mais également sur notre climat commercial et notre compétitivité avec les autres parties du pays. En tant que Canadiens, nous voulons tous que les parties et les régions du Canada soient prospères. C'est impossible avec un régime fiscal qui est inéquitable, plus particulièrement dans le domaine de la fiscalité des entreprises, ce qui rend difficile d'attirer et de retenir des gens. Si j'étais un jeune diplômé d'une des universités de la Nouvelle-Écosse, et je cherchais à assurer mon avenir, j'examinerais l'environnement fiscal dans lequel je devrais vivre ainsi que le climat économique général.
Le sénateur Mercer : Cela rejoint bien ma question finale et les commentaires faits par le premier ministre dans le cadre de son intervention sur un Ontario et un Québec sains. Le premier ministre est-il d'accord que le respect de l'accord représente un investissement solide pour les provinces contributrices de l'Ontario et de l'Alberta? N'est-ce pas un investissement solide de leur part qui permet à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador d'avoir de meilleures chances de devenir des provinces nanties qui n'auront peut-être plus besoin de dépendre des paiements de péréquation à l'avenir? Ne serait-ce pas merveilleux si nous vivions assez vieux pour voir toutes les provinces contribuer au réservoir de fonds? N'es-ce pas un investissement solide pour les provinces contributrices?
M. MacDonald : J'espère certainement que nous verrons ce jour. Nous croyons que c'est notre chance d'arriver à un stade où nous ne recevrons plus de paiements de péréquation et où nous deviendrons une province dite nantie. Comme je l'ai signalé, c'est plus qu'une question d'argent pour les Néo-Écossais. Je crois que cela représente l'espoir qu'ont les habitants de la province de se trouver dans une situation dans laquelle ils pourront contribuer aux paiements de péréquation plutôt que d'en recevoir.
Le sénateur Stratton : Comme je viens de la province pauvre du Manitoba, je sais ce que c'est, bien que notre premier ministre soit très heureux avec le nouvel accord. Je veux revenir sur les éléments de base.
Le Conseil de la fédération dont votre province et toutes les provinces sont membres n'a pas pu conclure une entente ou parvenir à un consensus sur la façon d'aborder toute cette question de péréquation. C'est devenu une question qui devait être traitée, surtout par le gouvernement fédéral. Si les provinces ne pouvaient pas prendre de décision ou conclure une entente, le gouvernement fédéral devait donc faire quelque chose.
À la page 16 du document Réconcilier l'irréconciliable : s'attaquer au déséquilibre fiscal au Canada du Conseil de la fédération, on lit ce qui suit :
Le Nouveau cadre pour la péréquation établi par le gouvernement fédéral en 2004, avec son budget et son système d'indexation fixes, est venu rompre le lien entre la redistribution des fonds de péréquation et les capacités fiscales relatives des gouvernements provinciaux. La flambée spectaculaire des prix du pétrole et du gaz naturel a eu un effet important sur la façon dont nous envisageons le système de redistribution parmi les régions canadiennes, et en particulier la formule de péréquation. Les ententes bilatérales avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve et Labrador ont été critiquées parce qu'elles paraissaient garantir des transferts quelle que soit l'amélioration de la capacité fiscale. Dans l'ensemble, il est juste de dire que le programme de péréquation s'est détaché des principes qui l'ont balisé, et qu'il est nécessaire de l'arrimer de nouveau aux objectifs de base qui ont déterminé son élaboration.
Cela se trouve dans votre déclaration au public canadien du Conseil de la fédération.
Après l'avoir examinée, je croirais que le premier ministre et le ministre des Finances se sont dit qu'ils devaient revenir aux principes de base. Monsieur MacDonald, je crois que vous étiez d'accord, et vous l'avez exprimé clairement. Il y a des choix difficiles à faire. Nous avons un conflit, car le gouvernement fédéral est d'avis que le programme de péréquation englobe l'accord essentiellement, tandis que vous êtes d'avis que ce n'est pas vrai, que c'est une amélioration qui doit être considérée comme un élément distinct.
Les personnes qui viennent d'une province démunie comme le Manitoba qui n'a pas de pétrole observent cette situation et ne peuvent s'empêcher de penser que, dans bien des cas, ce point de vue n'est pas fondé sur des principes, mas sur le désir du Canada atlantique d'en avoir plus. Je ne dis pas que vous ne devriez pas être en mesure de bénéficier de la possibilité de devenir un jour une province nantie, mais cela semble une perception erronée lorsqu'on pense à la déclaration du Conseil de la fédération sur la nécessité de revenir aux principes de base. Le programme de péréquation doit être de nouveau fondé sur des principes. C'est ce que le gouvernement a fait en se basant sur le rapport O'Brien. Comment conciliez-vous les différences entre ce que vous avez dit et ce que votre gouvernement a accepté dans le cadre de cette déclaration par le Conseil de la fédération et ce que vous dites maintenant?
M. MacDonald : Je veux être certain de bien comprendre. Vous faites référence au rapport du Conseil de la fédération, pas à celui de la Nouvelle-Écosse, n'est-ce pas?
Le sénateur Stratton : Oui.
M. MacDonald : Nous étions très heureux de participer à l'examen de la péréquation, car nous croyions, comme beaucoup d'autres provinces le croyaient, que des changements devaient être apportés. Nous avons certainement fait valoir notre point de vue à cet égard. Je crois que M. Baker a présenté certains de ces points de vue ici à une occasion précédente.
Comme je l'ai déjà dit, nous ne pouvons pas perdre de vue que, oui, nous avons besoin d'une approche fondée sur des principes en ce qui concerne la péréquation, mais nous avons également besoin d'une assurance que nous maintiendrons l'entente sur une question de compétence, qui est une entente de développement économique. Malheureusement, beaucoup de gens pensent que l'accord et le programme de péréquation sont la même chose alors que, en réalité, l'accord devrait être respecté comme il est, en tant qu'entente de développement économique. Cela a été décrit en 2005, ainsi que, de façon claire et pendant de nombreuses années, dans des ententes antérieures.
Si une autre province a une entente de développement économique avec le gouvernement fédéral, elle devrait également être respectée. J'espère que si votre province a conclu une entente, celle-ci serait aussi respectée. Je suis certain que vous espérez la même chose.
Le sénateur Stratton : Je ne le nie pas. Malheureusement, notre province n'a pas de pétrole. Elle n'a pas la capacité de conclure un accord avec le gouvernement fédéral afin d'exploiter et d'utiliser cette ressource. Je crois que l'argument du Manitoba serait le suivant : pourquoi devriez-vous avoir des privilèges spéciaux en tant que province démunie quand nous, qui sommes dans la même situation, ne bénéficions pas de ces mêmes privilèges? Lorsqu'on revient aux principes de base, il faut évaluer les choses par rapport à un principe fondamental d'équité dans l'ensemble du pays, et pas seulement dans ne région ou une province. N'êtes-vous pas du même avis?
M. MacDonald : Je conviens certainement que toutes les provinces devraient bénéficier des mêmes possibilités, et je pense que c'est notre droit constitutionnel de savoir que la formule de péréquation à laquelle nous devons adhérer est la même que celle à laquelle les autres provinces devraient adhérer. Cela étant dit, je crois que le gouvernement fédéral devait réviser la formule. Il a mis des principes dans cette formule. Cette question est distincte de l'entente de développement économique que nous avons signée en 2005 et de son historique. Malheureusement, beaucoup de personnes ne savent pas comment on a réglé cette question de compétence et comment nous sommes parvenus à une entente, ce qui a donné lieu à la conclusion d'accords dans les années 1980 et à l'accord de 2005. C'est malheureux.
Le sénateur Murray : Excusez-moi de vous interrompre, mais j'ai signé ce rapport du Conseil de la fédération. Je peux vous dire qu'il n'est suggéré nulle part que ces accords atlantiques devraient être remplacés par une nouvelle formule de péréquation.
Deuxièmement, dans le rapport du comité d'experts commandé par le gouvernement fédéral, on évite explicitement de donner ce conseil au gouvernement fédéral. Les rédacteurs du rapport affirment qu'ils ne conseilleront pas au gouvernement fédéral de renverser ces accords. Ils disent que c'est au gouvernement fédéral et aux provinces signataires de prendre la décision.
Le président : Je présume, monsieur MacDonald, que vous partagez cet avis.
Le sénateur Angus : Sur les conseils d'un avocat.
M. MacDonald : Étant donné que le monsieur qui a aidé à rédiger le rapport est ici, je pense qu'il est très important que nous obtenions des éclaircissements sur ce point.
Le sénateur Stratton : Je vous renvoie à la page 16 du rapport du Conseil de la fédération où l'on affirme ce qui suit :
Les ententes bilatérales avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve et Labrador ont été critiquées parce qu'elles paraissaient garantir des transferts quelle que soit l'amélioration de la capacité fiscale.
C'est ce qui présente un problème pour ma province et les autres provinces, à savoir le fait que vous êtes avantagés alors que le Manitoba est laissé pour compte.
Le président : Honorables sénateurs, il y a cinq noms sur ma liste de personnes qui désirent poser des questions, mais notre temps est écoulé. Ces cinq noms seront inscrits sur la liste de ce soir quand notre invité sera M. John Crosbie. Nous continuerons où nous avons terminé.
En votre nom, honorables sénateurs, j'aimerais remercier le premier ministre MacDonald, M. Baker, Mme Cody et Mme Harnish d'être venus ici aujourd'hui. Nous apprécions grandement vos témoignages.
M. MacDonald : Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de participer à ce débat, et nous espérons que vous penserez à ce que nous avons dit.
Le président : Nous passerons à la prochaine étape de la réunion. Nous allons maintenant entendre par vidéoconférence M. Jack M. Mintz, professeur de science économique des affaires à l'école de gestion Rotman de l'Université de Toronto, qui se trouve actuellement à New York. Il est un professeur invité à l'école de droit de l'Université de New York. Il a été président-directeur général de l'Institut C.D. Howe jusqu'au mois de juillet 2006. En 2002, son livre Most Favoured Nation : A Framework for Smart Economic Policy, a remporté le Prix Purvis dans la catégorie de la politique économique et s'est classé au deuxième rang pour le Prix Donner dans la catégorie de la politique gouvernementale.
Monsieur Mintz, c'est un plaisir de vous avoir avec nous aujourd'hui.
Jack M. Mintz, professeur d'économie de l'entreprise, Rotman, Université de Toronto; professeur invité, École de droit de l'Université de New York à titre personnel : Merci de la présentation. Elle est grandement appréciée. Je croyais qu'il serait mieux de procéder différemment des autres fois où nous nous sommes rencontrés. Au lieu de faire des commentaires sur le budget, je tenterai de répondre au plus grand nombre de questions pendant le temps que nous avons. Je suis sûr que grand nombre d'entre vous connaissent mes opinions sur un certain nombre de questions relatives à ce budget, que ce soit sur l'imposition des revenus du capital, la péréquation ou sur quelques-uns des sujets d'actualité, tels que les fiducies de revenu ou la déductibilité des intérêts sur les investissements étrangers. J'ai formulé des commentaires sur toutes ces questions par le passé, et j'ai rédigé des articles à leur sujet à l'intention du public canadien. Il serait certainement plus productif que je réponde à des questions sur ces sujets plutôt que de faire une présentation sur les divers aspects du budget.
Le président : Les sénateurs voudront maintenant poser des questions. Nous commencerons par le sénateur Mitchell d'Alberta.
Le sénateur Mitchell : Je devrais mentionner au président et au comité que M. Mintz et moi étions étudiants ensemble à l'Université de l'Alberta il y a approximativement 38 ans en 1969.
M. Mintz : Nous avons suivi un cours d'anglais ensemble.
Le sénateur Mitchell : J'ai quelques questions à poser, et je commencerais par parler de productivité. Pendant la grande partie des années 1990, le Canada s'est bien débrouillé, particulièrement par rapport aux États-Unis. Corrigez- moi si j'ai tort, mas récemment notre productivité a diminué. Pourriez-vous nous donner vos impressions générales sur la façon dont ce budget traite la question de productivité et peut-être fournir des recommandations qui amélioreraient la productivité économique du Canada?
M. Mintz : J'aimerais apporter une petite correction en ce qui a trait à la productivité. Le Canada a eu des problèmes dans ce domaine depuis quelque temps maintenant. Notre rendement dans les années 1990 n'était pas particulièrement bon. Nous nous débrouillons un peu mieux depuis 1997 après que nous avons équilibré notre budget et que nous avons été en mesure de réduire les taux d'intérêt. Nous avons également été en mesure de favoriser la croissance de l'économie plus que jamais auparavant, en partie parce que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sont parvenus à s'entendre sur les questions de fiscalité. Malgré cela, de 2001 à 2005, la productivité des États-Unis était encore bien supérieure à celle du Canada, bien que nous nous soyons améliorés pendant cette période. Nous avons encore des défis à relever, bien sûr, et ce sont ces choses qui m'ont particulièrement inquiété.
À mon avis, il y a deux grands défis à relever. Le premier consiste à s'assurer que les gouvernements dépensent bien l'argent, car lorsque les gouvernements sont inefficaces, cela crée des problèmes pour l'économie canadienne parce que l'argent des contribuables coûte très cher à l'économie canadienne. Si les gouvernements ne dépensent pas bien l'argent, nous ne tirerons pas les profits que nous espérons obtenir de l'argent que nous retirons de l'économie afin de l'investir dans les services publics gouvernementaux.
Le deuxième défi à relever consiste à s'assurer que nous avons une bonne structure fiscale. Je m'inquiète de notre impôt élevé sur le capital. Le Canada a encore un taux d'imposition des sociétés relativement élevé, selon les normes internationales. De nos jours, le taux moyen d'imposition des sociétés dans tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, est d'approximativement 28 p. 100. Même d'ici 2011, nous aurons réduit notre taux d'imposition des sociétés à 30,5 p. 100, ce qui est encore élevé par rapport à la moyenne d'aujourd'hui, sans compter la moyenne qu'il y aura dans trois ou quatre ans quand les pays continueront d'annoncer des réductions de leurs taux d'imposition des sociétés. De plus, le Canada a également un taux réel de l'impôt sur le capital élevé, ce qui réduit les investissements. Cela a une incidence négative sur la productivité, car une des meilleures façons de permettre aux travailleurs d'accroître leurs revenus est de diminuer l'impôt sur le capital. Les sociétés sont en mesure d'acquérir des technologies et d'investir dans les machines et les structures requises afin de faire croître leur entreprise et de faire face à la concurrence internationale. Lorsque nous avons des impôts élevés sur le capital, cela réduit la demande de technologie. Nous ne sommes pas bons en innovation au Canada non parce que nous n'avons pas d'importants incitatifs fiscaux pour la recherche et le développement, car nous en avons, mais plutôt parce que nous soumettons les entreprises qui utilisent la recherche et le développement dans le cadre de leurs processus normaux de production à des impôts très élevés. C'est un problème très important qui doit encore être réglé dans ce pays.
Le sénateur Mitchell : Si vous aviez le choix entre réduire la TPS et réduire l'impôt sur le capital, votre priorité serait évidemment de réduire l'impôt sur le capital.
M. Mintz : Absolument. Peu de pays aujourd'hui cherchent à diminuer les taxes de consommation car, même si ont- elles des aspects négatifs, elles sont réellement les taxes de l'avenir. Nous devons d'abord permettre à toutes les personnes d'accumuler de l'argent pour leur retraite, et un impôt élevé sur l'épargne n'est pas une bonne façon d'y parvenir.
Dans le même ordre d'idées, si nous voulons avoir plus d'investissements de capitaux, nous devons réduire l'impôt sur le capital des entreprises. Nous pourrions peut-être imposer les entreprises d'autres manières, par exemple au moyen de frais d'utilisation ou d'autres types d'impôts qui pourraient être appliqués aux entreprises. L'imposition du capital n'est pas vraiment la meilleure façon de procéder de nos jours en matière de politique fiscale, et c'est dans cette voie que se dirigent les gouvernements aujourd'hui partout dans le monde.
Le sénateur Mitchell : Seriez-vous en faveur d'éliminer l'impôt sur les gains en capital complètement? Est-ce trop radical ou est-ce la bonne solution?
M. Mintz : Non, je ne crois pas qu'on peut simplement éliminer l'impôt sur les gains en capital sans changer le régime global fiscal des particuliers. En effet, une des façons en vertu desquelles nous pourrions nous orienter vers une taxe de consommation est en élargissant le type d'avantages fiscaux que nous avons dans le régime qui allègent l'impôt sur l'épargne. Par exemple, augmenter les limites de cotisation à un régime enregistré d'épargne-retraite et de pension éliminera complètement l'impôt sur l'épargne. Il n'importe guère que les gens l'obtiennent sous forme de dividendes, de gains en capital ou d'intérêt. Cela réduirait les impôts et nous orienterait vers ce que l'on appelle une base de dépense dans l'impôt sur le revenu des particuliers où les dépenses représentent la différence entre les revenus et les épargnes. Si vous déduisez de l'argent de votre revenu, vous payez en fait une taxe de consommation, car c'est ce qui reste. Quand on économise de l'argent, puis qu'on retire de l'argent des comptes, on paye de l'impôt là-dessus également. C'est cette façon que nous devrions suivre.
Juste le fait d'éliminer l'impôt sur les gains en capital peut créer de graves problèmes dans le régime fiscal, car les gens essaieront alors de payer des revenus sous la forme de gains en capital plutôt que de dividendes et cela est évidemment un problème que nous avons eu avant 1972 quand nous avons adopté un système d'imposition des gains en capital dans ce pays.
Le sénateur Mitchell : Comment intégrez-vous tout cela avec la politique environnementale? Qu'est-ce qui serait préférable à votre avis : les incitatifs ou les obstacles fiscaux?
M. Mintz : Pour moi, avoir un impôt sur l'environnement, c'est tenter de mettre un prix sur l'environnement. De certaines façons, c'est comme imposer des frais pour l'utilisation d'eau et d'air purs et des autres bons aspects de l'environnement. Je crois que l'on peut penser à l'impôt sur l'environnement dans ce contexte, de la même manière que l'on pense aux divers frais d'utilisation ou à l'impôt sur les prestations pour l'usage de l'environnement.
Bien sûr, on doit être prudent quand on perçoit des impôts, car on doit penser à la compétitivité internationale ainsi qu'à l'efficacité des impôts ou des incitatifs fiscaux et je crois que l'on doit être conscient de la manière appropriée d'aborder la fiscalité environnementale.
Je ne crois pas que la mise en place d'un impôt sur l'environnement est nécessairement la meilleure façon de traiter les questions relatives à l'environnement. Il y a d'autres façons en matière de politiques gouvernementales, telles que l'élaboration de règlements, qui pourraient être plus efficaces dans le secteur de l'environnement, mais je ne crois pas qu'il serait incorrect de penser à la fiscalité environnementale comme faisant partie d'un régime fiscal global. L'idée d'arrêter d'imposer ce qui est bien pour imposer ce qui est mal n'est certainement pas mauvaise.
Le sénateur Eggleton : Je veux vous questionner sur les fiducies de revenu. Il y a deux questions relatives aux fiducies de revenu. La première porte sur la promesse faite et la trahison de cette promesse. Je ne vous interrogerai pas à ce sujet. C'est une question politique très délicate.
La deuxième question est si c'est une bonne politique fiscale. De nombreuses personnes affirment que les conséquences de tout cela ont été assez mauvaises. Elles parlent de choses comme les prises de contrôle, et elles disent que cela a fait de certaines entités canadiennes des cibles d'acquisition faciles. En effet, Canaccord Adams a estimé récemment qu'en raison des dernières prises de contrôle, le gouvernement du Canada percevra 130 millions de dollars de moins en revenus fiscaux chaque année. Puis, après le budget ou la décision prise à l'Halloween l'an dernier, nous avons eu des commentaires, tels que celui de la Gartner Letter au Royaume-Uni, qui dit que la décision d'imposer les fiducies de revenu est une « décision parmi les pires jamais prises par une personne en position d'autorité dans le domaine monétaire ». Le commentaire suivant par Amtelecom Income Fund résume un grand nombre des plaintes :
Il est intéressant de constater qu'un programme conçu à l'origine pour accroître « l'équité fiscale » pourrait gruger les recettes publiques en plus de faire passer des propriétés canadiennes aux mains de sociétés étrangères. Je doute que c'était le plan visé. Voici la question à se poser : quand le gouvernement en aura-t-il assez? Va-t-il admettre qu'il s'agissait d'une idée mal conçue? Va-t-il la reconsidérer, la rejeter? Ou va-t-il se buter, même si les faits commencent à s'accumuler, et maintenir le cap et laisser des étrangers acheter les biens canadiens à bas prix?
De plus, nous avons reçu un certain nombre de lettres de compagnies du secteur de l'énergie qui affirment qu'elles devraient être exonérées de ces dispositions. Elles citent les sociétés en commandite principales des États-Unis comme exemple de réussite et désirent faire quelque chose de similaire ici.
Qu'en pensez-vous? Est-ce une bonne politique ou non?
M. Mintz : Premièrement, permettez-moi de dire que la question des fiducies de revenu existe depuis longtemps. Quand j'ai fait le rapport sur la taxe professionnelle pour l'ancien ministre des Finances Paul Martin, notre comité a affirmé que la question des fiducies de revenu devrait être abordée par le gouvernement. Nous avons signalé deux aspects qui nous préoccupaient particulièrement. La première concernait les pertes fiscales auxquelles le gouvernement pourrait faire face. C'était en 1997 quand nous avons rédigé le rapport. Nous nous préoccupions également grandement de la neutralité du régime fiscal. Nous nous inquiétions du fait qu'un grand nombre d'entreprises pourraient se convertir en fiducies, et que cela serait seulement celles qui trouvaient particulièrement avantageux de le faire, ce qui leur donnerait un avantage concurrentiel sur les autres entreprises.
La question de neutralité m'a toujours beaucoup préoccupé. Pour cette raison, en 2003, j'ai rédigé mon premier rapport dans lequel je suggérais qu'il y avait une perte de revenus d'approximativement 500 millions de dollars, en impôts fédéraux et provinciaux, associée aux fiducies de revenu à cette période quand cette somme avait beaucoup augmenté depuis 1997.
Je me préoccupais davantage de la question de neutralité, de l'incitatif pour les entreprises de se convertir en fiducies de revenu. J'ai mis à jour cette analyse l'année dernière quand j'ai parlé de la perte de revenus de 1,1 milliard de dollars, ce qui tenait compte des biens réels, des sociétés de placement, des fonds commerciaux ainsi que des fiducies de redevances. Cependant, comme je l'ai déjà dit, ma préoccupation principale n'était pas la perte de revenus, car je crois que les gouvernements disposent de beaucoup de revenu actuellement et qu'ils en dépensent une grande partie. Le gouvernement fédéral, en particulier, a des excédents importants. Ma réelle préoccupation est la question de neutralité.
Quand les sociétés TELUS et Bell ont annoncé qu'elles deviendraient des fiducies de revenu, je crois que c'était la période où tous les lemmings se jetaient du haut de la falaise. Je savais qu'il y aurait d'autres conversions. Il fallait donc faire quelque chose afin d'égaliser les chances.
J'ai toujours voulu que l'on abaisse les impôts des sociétés au niveau de ceux des fiducies, plutôt que de faire l'inverse. C'est pourquoi j'ai toujours recommandé d'avoir un crédit d'impôt pour dividendes non remboursable, qui pourrait également s'appliquer aux fiducies imposables, comme moyen d'essayer de donner aux détenteurs de REER et de pension l'impôt des sociétés qui a été déduit des remises qu'ils reçoivent, soit sur les titres de sociétés, soit sur les titres des fiducies de revenu.
J'aurais préféré que nous allions une étape plus loin que nous l'avons fait en octobre dernier, lorsque nous avons harmonisé les règles auxquelles sont soumises les fiducies de revenu et les sociétés. Nous avons simplement assujetti les fiducies à des impôts au lieu d'envisager un changement beaucoup plus important au régime fiscal qui, à mon avis, aurait été très avantageux pour les personnes voulant prendre leur retraite et qui permettrait encore mieux aux entreprises de se procurer des capitaux sur le marché et d'alléger ainsi l'impôt qu'elles doivent payer qui est, à mon avis, relativement élevé. C'est toujours la solution que je privilégie.
Je dois admettre, monsieur le sénateur, que je n'ai pas aimé la solution des libéraux d'assujettir les fiducies à un impôt remboursable de 10 p. 100. Cela avantage toujours considérablement la conversion en fiducies à long terme des détenteurs de régimes de pension, de REER et d'intérêts étrangers, et ce n'est pas une bonne façon d'aborder la question. Je crois que nous devons envisager un changement radical du régime fiscal qui fera non seulement tourner l'économie en permettant plus d'investissements de capitaux, mais qui permettra également aux épargnants d'obtenir des rendements supérieurs.
Avec les changements démographiques qui s'en viennent, il sera indispensable que les Canadiens soient en mesure d'accumuler des capitaux pour leurs années de retraite. Sinon, les gouvernements feront face à d'énormes pressions pour financer entre autres les soins de santé et les pensions des personnes retraitées, ce qui sortira des poches des personnes qui travaillent à cette époque. Dans vingt ans, il y aura moins de personnes sur le marché du travail que de personnes à la retraite.
Le sénateur Eggleton : Quelle approche adopteriez-vous maintenant à court terme pour corriger les pires aspects de cette disposition budgétaire? De plus, pourriez-vous donner votre point de vue sur les fiducies énergétiques et les similarités qui existent avec les sociétés en commandite principales des États-Unis? Ont-ils une cause défendable?
M. Mintz : Premièrement, je n'aurais pas eu de problème s'il y avait eu une période de transition de 10 ans comme les États-Unis l'ont fait avec les sociétés en commandite principales en 1987. Toutefois, vous devez vous rappeler que la différence entre les États-Unis et le Canada, c'est que les États-Unis ont agi très rapidement en ce qui a trait aux conversions en arrêtant l'érosion de leur assiette fiscale. Cela s'est produit en 1986 avec la réforme fiscale. Un an plus tard, le gouvernement y avait mis fin aux États-Unis. Nous avons pris de nombreuses années pour aborder cette question, et je crois que cela a rendu les choses beaucoup plus difficiles.
Quand je dis aux gens ici à New York que presque 20 p. 100 de la Bourse de Toronto a été convertie en fiducies, ils ne peuvent pas croire que nous avons laissé cette situation durer si longtemps, particulièrement laisser des sociétés de télécommunications devenir possiblement des fiducies. Cela n'aurait jamais été toléré aux États-Unis.
En effet, même de nos jours, avec le débat sur les sociétés à capital privé aux États-Unis, il y a seulement un fonds qui est devenu public, à savoir Fortress, et un autre, Blackstone, qui songe à devenir public. Le Congrès cherche déjà une façon de régler la situation en assujettissant ces sociétés en commandite à des impôts, tout comme nous l'avons fait au Canada avec une période de transition allant jusqu'à 2012. Le problème au Canada, c'est que nous avons ignoré cette situation si longtemps que cela a rendu les choses plus difficiles. C'est pourquoi je crois qu'une période de transition de 10 ans aurait pu contribuer un peu à réduire ces répercussions.
En ce qui concerne une possible exemption pour le secteur d'énergie, je n'approuve même pas l'exemption pour les fiducies de placement immobilier, encore moins pour le secteur d'énergie. J'aurais rendu tout cela neutre et j'y aurais mis fin. En effet, si nous permettons à un secteur d'avoir des fiducies, quel argument ferons-nous valoir pour ne pas en donner à un autre secteur, comme l'industrie cinématographique? J'aurais préféré mettre fin complètement à toute la situation des fiducies de revenu et adopter le type de système qui, à mon avis, représenterait une bien meilleure façon de s'occuper de la situation.
En ce qui concerne les fiducies énergétiques, il y a des exemptions pour le pétrole et le gaz et quelques autres industries. Toutefois, nous devons nous rappeler que si nous enlevons les biens immobiliers aux États-Unis, j'ai oublié le chiffre exact, mais il y a approximativement 60 à 70 milliards de dollars dans les sociétés en commandite du secteur pétrolier et gazier, ce qui est un chiffre relativement petit dans l'économie américaine. Au Canada, le problème est que si nous avions une exemption pour les fiducies de redevances, le chiffre serait assez élevé par rapport à l'économie canadienne, ce qui rend plus difficile de fournir une exemption.
Le sénateur Stratton : Je veux revenir sur la question de la nouvelle formule de péréquation qui a été proposée par le gouvernement fédéral. Comme nous le savons tous, la péréquation a été réellement problématique. Même le Conseil de la fédération, qui est formé des 10 provinces, ne pouvait pas parvenir à une entente ou à un consensus.
Le conseil a dit que la péréquation devait revenir à des principes, qu'elle devait être fondée sur des principes. Selon le gouvernement, c'est exactement ce que nous avons fait. Bien sûr, nous avons rencontré le premier ministre MacDonald de la Nouvelle-Écosse qui affirme que ce n'est pas ce que nous avons fait. Nous sommes en conflit avec deux provinces de l'Atlantique qui n'approuvent pas ce que le gouvernement fédéral propose.
Pouvez-vous nous donner votre point de vue à ce sujet?
M. Mintz : Oui, avec plaisir. Premièrement, je crois que le rapport O'Brien était très bon, car il nous ramènerait vers une approche de la péréquation fondée sur des principes. Il prévoit des compromis politiques afin de tenter de satisfaire au moins certaines des demandes des gens. Je parlerai de la question des ressources dans un instant, car je crois que cela a réellement été la question la plus difficile à régler.
Pour ce qui est de ce que le gouvernement a fait dans le budget, je crois qu'il est allé au-delà du rapport O'Brien pour aider le Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador en satisfaisant aux conditions de l'Accord atlantique. Franchement, si j'étais le premier ministre, je n'aurais jamais négocié cet accord. Je crois que beaucoup d'erreurs ont été commises lors de l'élaboration de celui-ci. Toutefois, je crois qu'il était très approprié pour le gouvernement à ce stade de donner ce qui a été promis à la Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve-et-Labrador dans le cadre de l'Accord atlantique.
Il est très clair, à mon avis, qu'il était mauvais en principe de penser que les ressources devaient être exclues de la formule de péréquation. Nous nous sommes dirigés dans la mauvaise voie. Certaines personnes ont conclu qu'il était mauvais d'inclure des ressources parce que chaque fois que les provinces tentaient de développer leurs ressources, elles recevaient des paiements de péréquation moins élevés et elles retiraient très peu d'argent des redevances qu'elles étaient en mesure de percevoir.
C'est un problème, mais c'est un problème qu'on rencontre avec tous les impôts contenus dans la formule de péréquation. En effet, quand j'ai parlé aux provinces il y a 10 ans, beaucoup d'entre elles ne voulaient pas réduire le taux d'imposition des sociétés quand elles ont reçu des paiements de péréquation. Elles perdraient non seulement les recettes générées par l'impôt sur le revenu des sociétés, mais aussi les paiements de péréquation sous cette formule. Par conséquent, c'était un réel obstacle à la croissance et un problème que, selon moi, nous avons encore sous ce système.
En ce qui concerne les ressources, je crois qu'il y a un argument très important qui explique pourquoi la formule de péréquation ne devrait pas s'appliquer aux ressources, à savoir que ce sont des actifs fonciers et que si le gouvernement les vend et les met dans un compte bancaire pour qu'elles rapportent de l'intérêt, cela ne changera rien. Il obtiendra le même revenu financier en principe que s'il les aurait gardées dans le sol. On peut soutenir que si un gouvernement utilise les ressources pour rembourser ses dettes ou investir dans des actifs financiers, cet argent ne devrait pas être sujet à péréquation.
De nouveau, on doit se demander pourquoi on applique ce principe seulement aux recettes de l'exploitation des ressources, et pas aux autres recettes générées par les gouvernements. Par exemple, le Nouveau-Brunswick, a fait tout en son pouvoir au cours des dernières années pour réduire sa dette. Il a utilisé ses recettes de manière très rigoureuse afin de diminuer son ratio d'endettement de façon à pouvoir alléger le fardeau qu'il imposera à sa population dans les années à venir. Ses efforts n'ont pas été reconnus dans la formule de péréquation. Le Nouveau-Brunswick n'obtient pas de récompense du tout pour cette décision judicieuse, car ces recettes sont toujours sujettes à péréquation.
Avec Finn Poschmann, un de mes collègues à l'Institut C.D. Howe, j'ai proposé une nouvelle manière de mesurer la capacité fiscale, que nous appelons rentrée de fonds. Si on prend des recettes et qu'on les utilise pour acheter des éléments d'actif, ces recettes ne seront pas sujettes à péréquation. Si on utilise les recettes pour rembourser une dette, ces recettes ne seront pas sujettes à péréquation. En revanche, si la province emprunte de l'argent, c'est une rentrée de fonds pour la province tout comme la génération de recettes, et cela devrait être sujet à péréquation. En d'autres mots, on commence à pénaliser le financement des dettes. Dans le même ordre d'idées, si de l'argent est retiré d'un fonds d'actif pour être dépensé sur des biens et des services, il sera sujet à péréquation.
Nous en avons analysé les répercussions sur les provinces. À long terme, cela n'a pas de répercussions importantes, mais je crois que les avantages que cela aurait apportés en auraient fait une meilleure façon de penser au problème que notre solution.
Comme je l'ai déjà dit, je crois que le rapport O'Brien était un bon compromis pour une situation très difficile. Le gouvernement a été très équitable dans le budget à l'égard de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neve-et-Labrador. Nous devrons un jour aborder certaines des questions qui subsistent en ce qui a trait au programme de péréquation, mais j'ai peur que cela prendra de nombreuses années.
Le sénateur Nancy Ruth : Je veux continuer à parler des fiducies de revenu. Vous avez parlé des entreprises et de la nécessité d'arrêter les pertes fiscales et d'assurer la neutralité entre les sociétés concurrentes.
Je veux vous questionner sur les détenteurs d'unités de ces fiducies de revenu, sur la façon dont vous comprenez qui ils sont et sur la manière dont ils sont répartis par emploi, niveau de revenu, âge et sexe. À l'inverse, qui ne sont pas habituellement des détenteurs d'unités de fiducies de revenu?
M. Mintz : Premièrement, je n'ai pas de statistiques sur l'âge et les caractéristiques des détenteurs des fiducies de revenu. Certaines personnes ont fait des analyses que j'ai vues, mais elles ne sont pas avec moi. Je sais que certaines personnes détiennent des unités de fiducies de revenu dans leur régime de pension et leur REER, ce qui représente, si je me rappelle correctement, approximativement 40 p. 100 des unités totales. Les non-résidents, particulièrement ceux des États-Unis, détiennent également des unités de fiducies de revenu. Cela représente, si je me souviens bien, approximativement 40 p. 100 des unités également. Le reste serait des investisseurs imposables, des gens qui paient des impôts sur le revenu à l'extérieur de leurs REER et de leurs pensions et qui détiennent des unités sur cette base.
Premièrement, à ce dernier égard, au moins à long terme, le nouveau régime de crédit d'impôt pour dividendes au Canada, en vertu duquel un crédit d'impôt pour dividendes beaucoup plus élevé est accordé aux propriétaires de sociétés assujetties à un taux d'imposition élevé, est extrêmement avantageux pour les investisseurs imposables. Par exemple, si vous prenez un taux de rendement des actions — je tente de me rappeler des calculs maintenant — de 8 p. 100, l'investisseur imposable recevrait un taux de rendement après impôt d'approximativement 5,7 p. 100 sur ces dividendes. Si vous prenez une unité de fiducie de revenu, qui fournit un rendement de 10 p. 100, l'investisseur obtiendrait un rendement après impôt à peu près semblable à la personne qui reçoit un dividende.
Cela laisse entendre que les actions porteuses de dividendes seront à l'avenir de très bons investissements d'un point de vue fiscal pour les investisseurs imposables. Cela leur fournira certainement un bon revenu de remplacement. Cela ne sera pas le cas pour les détenteurs de régimes de pension et de REER, car ils ne paient pas d'impôts sur le revenu qu'ils reçoivent. Par conséquent, ils devront payer des impôts qui seront déduits de leurs unités, qui seront assujetties à des impôts justes comme les titres de société.
C'est pourquoi j'ai préconisé un crédit d'impôt pour dividendes remboursable, car si nous adoptions cette solution, nous verserions des sommes dans les REER et dans les comptes de pension qui sont équivalentes à l'impôt perçu sur les dividendes. Ce n'est pas une idée folle. Les Européens le faisaient dans le temps, particulièrement au Royaume-Uni, où ils payaient des remboursements aux régimes de pension. C'était extrêmement avantageux pour les détenteurs de régimes de pension auxquels on remettait l'impôt qui avait été déduit de leur revenu.
Pour ce qui est des non-résidents, je crois que le Canada tente simplement de protéger son assiette fiscale des sociétés dans une certaine mesure. C'est une des façons que les investisseurs étrangers peuvent contribuer aux services publics fournis. Qu'ils s'agissent de routes ou de systèmes d'éducation, entre autres, c'est avantageux pour les entreprises qui exercent leurs opérations dans ce pays. Cela aide leur rentabilité.
Les changements du 31 octobre ont tenu compte des changements requis pour les non-résidents.
Le sénateur Nancy Ruth : Pouvez-vous m'en dire plus sur les investisseurs étrangers en ce qui concerne les conventions fiscales, entre autres? Si mes investissements à l'étranger sont assujettis à une convention fiscale, mon impôt sur le revenu est payé, je crois, au taux des sociétés. Comment cela fonctionne-t-il pour les investisseurs étrangers qui investissent au Canada lorsque leur pays a une convention fiscale avec le Canada?
M. Mintz : Les conventions fiscales deviennent assez compliquées. Cela dépend du pays dont vous parlez.
Le sénateur Nancy Ruth : Disons les États-Unis.
M. Mintz : Nous prendrons les États-Unis comme notre exemple. Si un Américain détient des titres canadiens, tels que des titres de société, l'entreprise payera des impôts à un taux qui est actuellement de 34 p. 100. Si elle verse des dividendes, on assujettira ces dividendes à un impôt de 15 p. 100. En ce qui concerne le taux global d'imposition, on parle d'un impôt de 46 p. 100 sur les dividendes, y compris l'impôt des sociétés et la retenue d'impôt.
Pour ce qui est des distributions des fiducies de revenu, lorsque les États-Unis sont passés à un taux d'imposition des dividendes de 15 p. 100, le Congrès américain, pour une raison ou une autre, n'a pas stipulé que ce taux d'imposition devait s'appliquer seulement aux dividendes des États-Unis, mais aussi aux dividendes provenant d'autres pays avec des bourses des valeurs mobilières admissibles. Cette définition a été interprétée dans un sens si large qu'on y a inclus d'autres types de distribution, y compris des distributions de fiducies de revenu du Canada. Par conséquent, si une compagnie se convertissait en fiducie et éliminait complètement l'impôt des sociétés au Canada, le seul impôt qui s'appliquerait aux distributions des fiducies de revenu du Canada serait celui de 15 p. 100. Cela serait crédité par rapport au taux américain d'imposition des dividendes de 15 p. 100. Par conséquent, aucun impôt américain ne serait payé. Le seul impôt qui serait payé serait celui de 15 p. 100 sur le revenu, qui est bien inférieur au taux combiné d'imposition des sociétés et des dividendes qui s'appliquerait aux titres de société. C'est pourquoi, pour les investisseurs américains, il était très avantageux pour une entreprise de se convertir en fiducie, car cela lui permettait d'éviter complètement le taux canadien d'imposition des sociétés.
Le sénateur Nancy Ruth : Merci.
Le sénateur Di Nino : Monsieur Mintz, je vous souhaite la bienvenue. Je suis heureux de vous voir à nouveau. Je veux d'abord éclaircir un point que vous avez soulevé quand vous parliez au sénateur Mitchell. Vous avez parlé d'impôt sur le capital, puis vous avez ensuite abordé le sujet de l'impôt sur les gains en capital. N'étant pas un spécialiste en la matière, je considère cela comme deux choses différentes? Est-ce exact?
Le sénateur Mintz : Oui.
Le sénateur Di Nino : C'est ce que je croyais. Donnez-moi une bonne raison pour laquelle le capital devrait être assujetti à des impôts.
M. Mintz : Il y a plusieurs raisons d'assujettir le capital à des impôts. Cela dépend vraiment de ce que l'on fait avec le régime fiscal global.
Premièrement, une personne pourrait choisir d'imposer le capital, car elle croit que les gens qui ont des capitaux ont peut-être plus de pouvoir et devraient donc être assujettis à un certain niveau d'impôt. Soit dit en passant, je ne crois pas en cet argument. Toutefois, il y a des personnes qui soutiennent cela.
Je crois en fait que l'imposition des capitaux est réellement une double imposition des revenus. Si vous gagnez un revenu, vous payez de l'impôt sur celui-ci en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Si vous le consommez tout de suite, vous aurez à payer de l'argent seulement une fois. Parce que vous avez consommé le revenu, vous n'avez pas à payer d'autre impôt sur le revenu. Toutefois, si je mets de l'argent dans un compte bancaire et que j'obtiens des intérêts créditeurs, des dividendes, des gains en capital ou n'importe quel type de revenu sur cet investissement, je devrais payer de l'impôt là-dessus. Les épargnants payent plus d'impôt sur leurs revenus par rapport aux consommateurs en vertu d'un impôt sur le revenu annuel. C'est pourquoi je crois vraiment que l'on devrait s'orienter vers l'imposition des dépenses, car je pense que cela assure un équilibre plus équitable entre les épargnants et les consommateurs. Pour cette raison, je crois que l'on devrait s'éloigner de l'imposition des capitaux, mais certaines personnes ne sont pas de cet avis.
Le sénateur Di Nino : Je partage votre opinion. Merci.
Monsieur Mintz, je veux revenir sur la question de péréquation dont nous sommes saisis. Il y a des divergences d'opinions, mais je crois que tous les transferts et tous les paiements faits par le gouvernement fédéral à partir du Trésor aux provinces devraient être pris en compte dans le calcul de la capacité fiscale des provinces. Nous avons eu une discussion sur le fait que l'Accord atlantique n'est pas compris dans le calcul de la capacité fiscale. Croyez-vous que peu importe ce qu'on appelle les paiements de transfert, ceux-ci améliorent le bien-être économique d'une province et devraient être pris en compte dans le calcul de la capacité fiscale de cette province.
M. Mintz : Je crois que vous avez raison en principe, monsieur le sénateur. Les subventions conditionnelles, qu'elles soient destinées pour l'infrastructure, les soins de santé ou l'éducation, sont des paiements qui aident à couvrir les coûts des soins de santé, de l'éducation et d'autres dépenses de la province. On pourrait soutenir que cela ajoute à la capacité fiscale et que cela devrait donc être sujet à péréquation.
Bien sûr, cela signifie que pour chaque dollar donné sous forme de subventions conditionnelles, il y aura un dollar de moins donné sous forme de paiements de péréquation. Par conséquent, la province ne sera nullement avantagée. C'est le problème de tenter d'inclure des subventions conditionnelles dans la formule. Cela revient au principe de ce que nous tentons de réaliser en matière de péréquation.
Je dois raconter une courte histoire sur un séminaire tenu à l'Université de New York sur le système de péréquation canadien. Bien sûr, j'étais le seul Canadien dans la foule. C'était une merveilleuse discussion par des Américains sur le système canadien. La principale critique était que le système de péréquation, qui est fondé sur la mesure et l'égalisation de la capacité fiscale, n'a pas de relation avec l'effort réel — l'effort étant la chose sur laquelle les gouvernements dépensent vraiment. Pour beaucoup d'Américains, la péréquation devrait être liée aux dépenses du secteur public, et non à la capacité fiscale.
Le sénateur Di Nino : C'est un commentaire intéressant.
Le sénateur McCoy : Je veux revenir sur la question des fiducies de revenu pour un instant. J'ai cru comprendre que vous approuviez l'idée de changer le statut fiscal des fiducies de revenu. Toutefois, vous avez signalé que vous recommanderiez une période de transition de 10 ans pour diminuer quelque peu les répercussions négatives que cela a eu sur les divers détenteurs d'unités et les fiducies elles-mêmes. Que penseriez-vous d'accorder des droits acquis aux fiducies existantes rétroactivement à compte du 15 octobre 2006 ou d'une autre date?
M. Mintz : Je crois qu'il est impossible de faire cela, sauf si nous menottons les fiducies afin qu'elles ne puissent jamais grandir ou changer, car la vie change. Certaines de ces fiducies voudront être acquises par d'autres, et d'autres voudront prendre de l'expansion et faire l'acquisition d'autres fiducies. Cela causerait un problème considérable. En effet, je crois que cette exemption nuirait à notre productivité et à l'efficacité du secteur des entreprises. À mon avis, c'est impossible.
Je crois que nous devons avoir un moratoire sur la durée de la période, comme nous l'avons souvent fait avec les changements transitionnels dans le cadre des réformes majeures de la politique fiscale. Par exemple, lorsque nous avons introduit l'imposition des gains en capital en 1972, il y avait une période de transition de 21 ans. Lorsque nous avons éliminé le report de l'impôt pour les petites entreprises non constituées en société, il y avait une période de transition de 15 ans ou de 12 ans, je ne me rappelle pas de la durée exacte. Il n'est pas inhabituel d'avoir une certaine période de transition, mais elle ne peut pas être permanente. Autrement, vous devez imposer des restrictions sur ce que les personnes font, et je ne crois pas que c'es très bon pour l'économie canadienne.
Que devrait-être la période de transition optimale pour ce que nous avons fait relativement aux fiducies? Vous pouvez faire un débat là-dessus. D'un côté, il y a la question de la durée du moratoire qui pourrait avoir une incidence sur l'efficacité de l'économie, sans compter sur les recettes du gouvernement. De l'autre, nous désirons une certaine période de transition qui atténue certaines des conséquences négatives pour les personnes qui ont été blessées par cette proposition.
Le sénateur McCoy : Vous semblez être en faveur de réduire le taux général d'imposition du revenu des sociétés. Je crois comprendre que cela s'inscrirait dans un plus vaste cadre de réforme de l'impôt sur le revenu que vous préconisez et qui ne se trouve pas dans le budget.
M. Mintz : C'est exact. Je crois que, comme pays, nous sommes allés dans la bonne direction en réduisant les taux. À mon avis, nous devrions tenter de répartir les investissements dans divers secteurs. Je n'aime pas quand les gouvernements sélectionnent des secteurs gagnants et perdants. Je suis un peu préoccupé, surtout après ce budget, par le fait que, même si un certain nombre de bonnes mesures ont été présentées dans le cadre de ce budget qui, à mon avis, nous amènent vers une assiette fiscale plus neutre, par exemple l'amélioration d'une partie des déductions pour amortissement pour les structures qui n'étaient pas adéquates par rapport au coût véritable de la dépréciation, il y a également eu des changement spéciaux, que j'appellerais des « préférences ciblées », visant à aider certains secteurs perdants, tels que les secteurs manufacturier et forestier, qui éprouvent des problèmes. Je crois que ces changements temporaires ne sont pas très utiles. En effet, certains des travaux que j'ai faits, qui seront publiés dans quelques semaines, laissent entendre que le gouvernement aurait beaucoup mieux fait d'accélérer les réductions de l'impôt des sociétés qu'il avait prévues pour 2011, ou d'ici 2011, que de fournir des crédits d'impôt spéciaux afin de permettre aux secteurs manufacturier et forestier d'investir dans de l'équipement. De cette manière, nous n'aurions pas eu ce traitement de faveur introduit dans le système qui fait un gruyère de notre régime fiscal, et nous aurions eu plutôt des taux généralement inférieurs qui auraient favorisé beaucoup de segments de l'économie, surtout les industries du secteur des services qui demeurent encore assujetties à des impôts relativement élevés.
Le président : Monsieur Mintz, nous avons dépassé le temps qui était prévu. Au nom du Sénat, j'aimerais vous remercier grandement de vos commentaires.
M. Mintz : Merci.
Le président : Honorables sénateurs, j'ai pris des dispositions pour qu'un autobus soit à l'extérieur à 17 h 15 afin que nous puissions participer au vote à la Chambre qui est prévu pour 17 h 30, ce qui signifie que nous devrons réduire le temps de parole de notre prochain témoin, M. Kestevan.
M. Kestevan est le président de l'Association canadienne des fonds de revenu. Il a comparu devant le Comité des finances de la Chambre des communes quand il a examiné le projet de loi C-52, et nous sommes heureux qu'il soit en mesure d'être ici avec nous aujourd'hui.
George Kestevan, président, Association canadienne des fonds de revenu : Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie de m'offrir l'occasion de comparaître devant le comité au nom de l'Association canadienne des fonds de revenu. J'ai également avec moi dans la tribune Margaret Lefebvre, directrice générale de l'association.
Pour gagner du temps, je résumerai les commentaires que j'ai faits devant le comité plus tôt, puis je prendrai vos questions.
L'intention déclarée du ministre des Finances avec son prétendu plan d'équité fiscale élaboré le 31 octobre était d'égaliser les chances ainsi que d'arrêter les conversions futures et les pertes fiscales. En fait, cela a nuit aux investisseurs, ébranlé une structure importante de l'économie canadienne et, en raison des dommages causés par la politique, réduira très probablement les futures recettes publiques au lieu de les accroître.
Jusqu'à présent, ces conséquences négatives sont, entre autres, que la valeur des placements a reculé de milliards de dollars; les fiducies canadiennes, surtout les fiducies du secteur des ressources, ont plus de mal à obtenir du capital, ce qui les rend particulièrement vulnérables à des mainmises étrangères; la balance penche davantage en faveur des sociétés à capital privé, des intérêts étrangers et des fonds de pension — qui, soit dit en passant, ne versent rien en impôt au gouvernement à partir du moment où ils acquièrent des biens en fiducie; environ 15 fiducies ont été rachetées au cours des six derniers mois, et plus de 20 autres ont annoncé publiquement qu'elles sont sur le marché à prix de liquidation; l'évaluation boursière a immédiatement chuté de 25 p. 100, et la valeur du secteur des fiducies, depuis le 31 octobre, est inférieure à celle de la moyenne du marché d'environ 20 p. 100; et la croissance des sociétés en commandite principales américaines — dites Master Limited Partnerships, ou MLP, l'équivalent des fiducies canadiennes du secteur de l'énergie et de l'infrastructure — a été stimulée par l'élimination de toute concurrence canadienne.
À la lumière des propos tenus par M. Mintz, j'aimerais préciser que la valeur totale du marché des MLP aux États- Unis est de 480 milliards de dollars américains, les fiducies du secteur de l'infrastructure représentant 90 milliards de dollars et les fiducies de redevances pétrolières et gazières et les sociétés à responsabilité limitée, les SRL, représentant 50 milliards de dollars. Il y a eu six PAPE — premiers appels publics à l'épargne — de la part des fiducies de redevances pétrolières et gazières américaines dans les six derniers mois. On peut très bien supposer pourquoi elles sont à la recherche de capital en ce moment. Nous, dans l'industrie à Calgary, soupçonnons fortement que nous sommes dans leur ligne de mire.
Monsieur le président, il n'est pas équitable sur le plan fiscal pour un gouvernement de promettre de ne pas imposer les fiducies de revenu — ce que les investisseurs et le secteur ont cru de bonne foi — et de rompre ensuite cette promesse de façon punitive, sans tenir aucune consultation. Il n'est pas équitable sur le plan fiscal d'imposer à 31,5 p. 100 les fiducies de revenu alors que les sociétés, dans les faits, ne paient que de 5 à 10 p. 100 d'impôt sur les liquidités grâce aux déductions dont elles jouissent et que connaissent beaucoup de membres du comité. Il n'est pas équitable sur le plan fiscal d'empêcher les investisseurs canadiens de se prévaloir d'un moyen de placement qui leur fournirait le revenu dont ils ont besoin pendant leur retraite.
L'aspect le plus incompréhensible de la situation est le fait que le gouvernement, dans le but d'éliminer les soi-disant pertes fiscales, ait présenté un projet de loi réduira les recettes fiscales fédérales et provinciales, et non le contraire. Les preuves sont très claires à ce sujet.
Je vous encouragerais tout d'abord à examiner les documents produits par le gouvernement fédéral lui-même le 31 octobre 2006 — je pense bien que des copies ont été distribuées aux membres du comité — selon lesquels les fiducies ne généreront aucune recette fiscale pour Ottawa et, par extension, pour les provinces, jusqu'en 2010.
Ensuite, il est très probable que le fait d'imposer le secteur réduira à néant les recettes fiscales pour la période après 2010, étant donné que les biens en fiducie auront été rachetés par des entités qui payent très peu d'impôt ou aucun impôt du tout et que les fiducies se seront converties en sociétés, ce qui minimise l'impôt sur les liquidités versé en vertu des règles applicables prévues aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Enfin, dans le cas des fiducies qui disparaissent, tous les détenteurs d'unités cessent de verser de l'impôt personnel aux gouvernements fédéral et provincial, ce qui représente des milliards de dollars par année. Dans une province comme l'Ontario, où habitent environ la moitié des deux millions d'investisseurs dans le secteur, cela équivaut à des pertes réelles pour le Trésor public.
J'aimerais faire fond sur les propos de M. Mintz en disant que, selon nos données, 61 p. 100 des détenteurs d'unités ont leurs parts de fiducie dans des comptes imposables, 39 p. 100 d'entre eux les ont dans des comptes à impôt différé, des REER et des régimes de pension, ce qui veut dire qu'environ 60 p. 100 des montants imposés sur les distributions sont versés l'année même de la distribution. À la lumière de tout cela, la promesse du ministère des Finances selon laquelle il collaborerait avec les provinces afin de négocier un système de partage de recettes est curieuse, étant donné qu'on ne peut pas raisonnablement s'attendre à toucher des recettes fiscales.
Monsieur le président, outre nos préoccupations générales en matière de politique, nous nous inquiétons du fait que le projet de loi comporte d'importantes lacunes qui rendront son application et son administration très difficiles — je dirais même plus, impossibles. À titre d'exemple, le projet de loi ne prévoit aucune règle régissant le traitement des fiducies de revenu pendant la période de transition. Il fait simplement référence à des lignes directrices tirées d'un communiqué de presse du 15 décembre 2006. Le passage pertinent figure à la page 20 du projet de loi, lignes 40 à 44, et encore à la page 33, lignes 14 à 18 :
[...] ce qui constitue une croissance normale d'après les précisions publiées par le ministère des Finances le 15 décembre 2006, et leurs modifications successives [...]
Quel genre de projet de loi permet à des bureaucrates de modifier le régime d'imposition des citoyens en contournant le processus d'examen parlementaire?
Il n'y a aucun cadre législatif dans le projet de loi C-52 facilitant la conversion en personne morale avec report d'impôt semblable aux règles régissant les transferts avec report d'impôt que prévoit la Loi de l'impôt sur le revenu. Celles-ci figurent au paragraphe 85(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. De plus, la mesure législative ne prévoit aucune façon efficace sur le plan fiscal d'éliminer la fiducie restante après la conversion en personne morale.
Le Comité mixte du droit fiscal de l'Association du Barreau canadien et de l'Institut canadien des comptables agréés a aussi soumis un document au ministère des Finances soulignant des dizaines de lacunes et de déficiences techniques, et pourtant, au lieu de corriger le tir, le gouvernement a accéléré l'examen parlementaire du projet de loi. Je crois comprendre que des représentants de l'Institut canadien des comptables agréés comparaîtront devant votre comité mercredi.
Monsieur le président, nous encourageons instamment le gouvernement à faire fond sur les recommandations mises de l'avant par le Comité permanent des finances. Il faut retirer les mesures portant sur les fiducies du projet de loi C-52 afin de les étudier indépendamment, de tenir des consultations et d'y apporter les améliorations qui s'imposent.
Nous sommes d'accord avec le ministre Flaherty qui a dit, ce matin, qu'il est important de faire preuve de prudence et qu'il est risqué de prendre des mesures trop soudaines. À notre avis, ces sages paroles s'appliquent tout autant au dossier des fiducies de revenu qu'à celui de l'environnement.
L'Association canadienne des fonds de revenu est toujours entièrement disposée à travailler de concert avec tous les ordres de gouvernement. Nous souhaitons avoir un régime fiscal qui soit équitable pour tous. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions et je vous remercie de votre attention.
Le président : Merci de ce rappel rapide de vos arguments.
Le sénateur Angus : Comme vous le savez, je suis le parrain du projet de loi budgétaire et j'ai hâte qu'il soit adopté.
J'essayais de comprendre ce que vous recherchiez, exactement. À la fin de votre exposé, vous l'avez dit clairement. S'il n'en tenait qu'à vous, préféreriez-vous que les dispositions relatives aux fiducies de revenu soient retirées du projet de loi?
M. Kestevan : Oui, tout à fait. J'estime qu'elles sont bien trop importantes pour être enfouies dans un projet de loi d'exécution général du budget.
Le sénateur Angus : Vous avez entendu l'opinion du ministre Flaherty au sujet des fiducies de revenu et vous l'avez entendu dire qu'il a essayé de tenir compte de toutes les opinions. Ce matin, il a indiqué au comité que la situation n'était pas aussi sombre qu'on nous le ferait croire, que beaucoup de fiducies ont pris de la valeur et que 40 p. 100 de toutes les fiducies dans votre association appartenaient à des intérêts étrangers, américains ou autres, qui ne payaient pas leur juste part d'impôt. Après l'annonce, ce sont les investisseurs étrangers qui ont le plus protesté, affirmant ne jamais avoir profité d'une si formidable aubaine.
M. Kestevan : J'ai deux points à soulever en réponse à cela. La capitalisation boursière dans le secteur des fiducies de revenu est passée de 259 milliards de dollars le 31 octobre 2006 à 197 milliards de dollars le 31 mars 2007. Je ne dis pas que toute la différence de 63 milliards de dollars est attribuable à ce changement, parce qu'il y a eu des ventes d'actifs, des changements structurels économiques, et cetera. Cependant, une part considérable de cette différence est attribuable au projet de loi. Il est essentiel que les sénateurs comprennent que le marché a subi des pertes.
Vous avez parfaitement raison, dans une certaine mesure, à propos des investissements étrangers. Je travaille pour une fiducie dont une bonne partie des parts appartient à des intérêts étrangers; M. Flaherty n'a rendu aucun service aux marchés financiers canadiens qui ont des investisseurs étrangers. Cela ne fait absolument aucun doute.
Le sénateur Angus : Tous mes amis aux États-Unis qui détiennent de tels placements étaient navrés d'apprendre qu'on allait leur retirer cette poule aux oeufs d'or. Cependant, il ne nous revient pas de permettre à ces gens-là de s'enrichir. Selon vous et le gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, il y a beaucoup d'activité au sein du secteur, plus qu'il n'y en a eu depuis longtemps. Cela entraîne d'autres conséquences néfastes, comme une folie des prêts qui risque d'avoir d'autres effets pervers, et le risque que présentent les fonds spéculatifs, qui sont de plus en plus communs. Qu'il s'y soit pris de la bonne façon ou pas, le ministre devait s'attaquer à la question des fiducies de revenu, secteur que vous représentez. C'est bien cela?
M. Kestevan : Oui, je suis ici pour parler des fiducies de revenu.
Le sénateur Angus : Puis-je vous demander qui sont les membres de votre association?
M. Kestevan : Nous avions 104 membres, mais je pense que nous en sommes maintenant à 90. Nous représentons toute une gamme de fiducies de revenu.
Le sénateur Angus : Je crois comprendre que vous êtes accompagné de Mme Margaret Lefebvre.
M. Kestevan : Oui.
Le sénateur Angus : Vous êtes aussi accompagné de M. Boudria, en sa capacité de lobbyiste pour votre entreprise.
M. Kestevan : Il est principalement conseiller en protocole parlementaire.
Le sénateur Angus : Il est un excellent conseiller en matière d'affaires gouvernementales à Ottawa et il est inscrit en tant que lobbyiste auprès de votre groupe. Nous avons une copie du certificat d'enregistrement. Je crois comprendre qu'il a fait les exposés voulus auprès du ministère des Finances, en votre nom, sur les questions dont nous sommes saisis aujourd'hui. Ai-je raison?
M. Kestevan : Pas vraiment. Le plus incroyable, c'est que nous n'avons pas été consultés par le ministère des Finances parce que M. Flaherty a présenté sa mesure unilatéralement le 31 octobre 2006.
Le président : Nous serons bientôt à court de temps.
Le sénateur Angus : J'ai du mal à le croire.
M. Kestevan : Il n'y a eu presque aucune consultation. D'ailleurs, je voulais aussi mentionner le fait que vous n'avez présenté que la moitié de l'équation des marchés financiers — celle des liquidités. Il y a effectivement beaucoup de capitaux privés, mais si les actifs sont mis en vente à 20 ou 25 p. 100 de rabais, quelles sont les chances que cette liquidité puissent effectivement les racheter? C'est ce qui s'est passé. Nous somme à vendre. Ma propre fiducie est à vendre, à un prix de 20 à 25 p. 100 inférieur à ce que j'aurais pu obtenir si le marché était normalement évalué. Les marchés financiers se disent que notre économie en tant qu'entité sera tronquée dans quatre ans, qu'ils pourront donc ramasser nos actifs à des prix dérisoires, et c'est ce qu'ils sont en train de faire.
Le sénateur Angus : C'est une des conséquences, mais ce n'est pas une raison de s'en prendre à ce budget.
M. Kestevan : C'est une très bonne raison de s'en prendre à ce budget. Nous voulons la transparence dans les marchés financiers et nous aurions aimé être consultés. Comme l'a fait remarquer M. Mintz, quand la Loi de l'impôt sur le revenu a été modifiée par le passé, il y a eu des consultations et on a prévu une période de transition. Une période de transition de quatre ans n'est pas suffisante, elle entraînera la disparition du secteur.
Le sénateur Angus : C'est votre opinion et je la respecte. Je ferais néanmoins respectueusement remarquer qu'il y a un revers à cette médaille.
Le sénateur Ringuette : En tant que sénateur du Nouveau-Brunswick, je sais qu'il n'y a pas beaucoup d'investisseurs dans le secteur des fiducies de revenu dans cette province. J'ai été stupéfaite par le nombre de courriels que j'ai reçus à ce sujet — plus de 400. Cela dépasse de loin le nombre de courriels que j'ai reçus au sujet du mariage entre personnes de même sexe. Croyez-le ou non, ce qui m'a le plus frappé en comparant les deux cas, c'est que les gens qui m'ont écrit au sujet des fiducies de revenu ont pris le temps de préciser leur nom, leur adresse, leur code postal et leur numéro de téléphone. J'ignore s'il s'agissait d'une campagne organisée ou si tous ces courriels provenaient de citoyens inquiets.
M. Kestevan : Je devrais préciser que si la demande pour ces moyens de placement est si forte, c'est à cause du fait qu'il y a de plus en plus de personnes âgées, qui recherchent une source de revenu plutôt qu'une plus-value en capital. De 2 à 2,5 millions de Canadiens détiennent des unités de fiducie. Selon notre analyse des données démographiques tirées de notre enquête sur l'industrie, la moitié d'entre eux environ habitent en Ontario, et les autres, pour la plupart, habitent en Alberta, au Québec et en Colombie-Britannique. Il y a un nombre considérable de détenteurs, et la majorité d'entre eux sont des retraités à la recherche d'un moyen de placement qui leur permettra de toucher des sommes d'argent régulièrement.
Le sénateur Ringuette : Les courriels que j'ai reçus dans lesquels les adresses étaient précisées sont représentatifs des chiffres dont vous avez parlé.
J'aimerais vous lire une déclaration tirée du Programme électoral du Parti conservateur du Canada 2006, à la page 32, sous la rubrique « Assurer la sécurité des personnes âgées ». Le préambule est le suivant :
Le bilan des libéraux quant aux personnes âgées est une triste histoire d'imposition injuste, de mauvais services gouvernementaux et, maintenant, d'une bourde politique inexcusable qui a détruit les économies de retraite des Canadiens qui avaient investi dans des fiducies de revenu.
Il est temps que le gouvernement respecte ceux qui ont passé leur vie à élever une famille, à économiser pour leur retraite et à bâtir ce pays.
Sous « Le plan », on peut lire qu'un gouvernement conservateur « stoppera l'attaque des libéraux envers les économies de retraite et préservera les fiducies de revenu en ne prélevant aucun nouvel impôt. »
M. Kestevan : C'est probablement l'élément le plus néfaste de toute cette histoire. À l'automne 2006, beaucoup de gens ont acheté des parts supplémentaires dans la compagnie pour laquelle je travaille, PrimeWest Energy Trust, ainsi que des parts dans diverses autres fiducies de revenu en fonction de la promesse selon laquelle, et je cite, « Nous ne toucherons pas au dossier des fiducies de revenu ».
C'est exactement ce que vous venez de citer. Des gens ont fait des investissements en fonction de cette promesse, c'est probablement cela qui a fait le plus de tort.
Le sénateur Ringuette : Absolument. Quelle déception pour tous ces investisseurs, dont la plupart sont des personnes âgées à la recherche d'un régime de pension sûr.
J'ai une autre question pour vous. À l'aube du massacre de l'Halloween, le ministre a promis de mettre sur pied un comité mixte avec les provinces. À votre connaissance, ce comité a-t-il été mis sur pied ou s'agit-il encore d'une promesse brisée?
M. Kestevan : Aucun comité mixte n'a été mis sur pied, mais c'est ironique. Quel est l'intérêt de mettre sur pied un comité mixte alors qu'il n'y a aucun revenu différentiel à répartir? Même selon les documents du gouvernement, il est clair que le secteur ne générera aucune recette fiscale jusqu'en 2011. Compte tenu de l'impôt punitif de 31,5 p. 100, soit il ne restera plus de fiducies de revenu, soit elles se seront converties en personnes morales.
Le problème, c'est que le projet de loi ne prévoit aucun plan de route pour y parvenir. Même si aujourd'hui, j'acceptais le fait que le gouvernement veut que je constitue ma fiducie en société, je n'ai aucune idée comment m'y prendre. Il n'y pas de cadre législatif me permettant de le faire. Je n'ai aucune façon de savoir ce que cela implique.
En tant que personne qui travaille dans l'industrie, je suis curieux de savoir, honnêtement, si l'Agence de revenu du Canada pourra mettre en œuvre le projet de loi. Ce dernier est si ambigu que je ne vois pas comment elle pourra me faire part d'une décision. Quand je lui vais lui demander la marche à suivre, que pourra-t-elle bien me répondre?
Le sénateur Ringuette : Vous a-t-on consulté au sujet du genre de projet de loi à présenter afin de mettre sur pied le cadre permettant d'effectuer la conversion en personne morale?
M. Kestevan : Nous espérons qu'à un certain point, nous pourrons jouir d'un tel niveau de clarté. À notre avis, ce projet de loi est une très mauvaise politique publique, mais sa mise en œuvre sera carrément atroce. Si je dis cela, c'est bien sûr à cause des marchés financiers, et il y en a qui s'y connaissent beaucoup plus que moi dans le dossier. Les marchés financiers n'aiment pas l'incertitude. Quand on présente une mesure législative punitive qui, de surcroît, sera difficile à mettre en œuvre, cela crée encore plus d'incertitude et fait plus de tort, c'est ce que nous constatons aujourd'hui. Il semble qu'on veuille faire les choses le plus maladroitement possible afin de faire le plus de tort possible aux investisseurs.
Le sénateur Ringuette : Merci beaucoup.
Le président : Il reste trois noms sur ma liste; il va sans dire nous ne pourrons entendre toutes les questions dans les deux minutes qu'il nous reste avant d'aller voter. Nous ne savions pas que ce vote allait avoir lieu, c'est un des périls du métier. M. Kestevan a beaucoup voyagé pour comparaître devant nous, nous lui avons accordé la parole en retard et il a dû raccourcir son exposé de 15 minutes. Nous comptons accueillir notre prochain témoin ici, à 18 heures. Je propose que nous le repoussions de 15 à 20 minutes afin d'avoir le temps de finir avec M. Kestevan, de 18 heures à 18 h 20.
M. Kestevan : Merci beaucoup, monsieur le président.
La séance est suspendue.
La séance reprend.
Le président : Honorables sénateurs, étant donné que deux indépendants, deux progressistes-conservateurs et un conservateur sont présents, nous pouvons commencer, si vous le voulez bien. Je pense que trois sénateurs de l'opposition sont présents.
Monsieur Kestevan, nous reprendrons là où nous avons été interrompus.
Le sénateur Eggleton : Je pense que personne n'a mieux décrit la mesure dont nous sommes saisis que le parrain du projet de loi, le sénateur Angus. Il l'a appelée le « massacre de l'Halloween ».
J'aimerais que vous me parliez des propos tenus par M. Mintz. Je pense que vous les avez entendus, monsieur Kestevan. Si je l'ai bien compris, il semblait dire qu'il ne se préoccupait pas trop des pertes fiscales. Il a davantage insisté sur la neutralité. J'imagine qu'il parlait des détenteurs d'unités par rapport aux actionnaires, et de la situation normale dans laquelle les dividendes sont distribués.
Enfin, il a dit que s'il devait changer quelque chose, il proposerait une période de transition de 10 ans, qu'il estime être plus avantageuse que la proposition des libéraux. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de cela et préciser les mesures qu'on pourrait prendre pour tempérer un peu la position actuelle?
M. Kestevan : La période de transition de 10 ans permettrait au secteur de s'adapter, contrairement à celle de 4 ans, qui est destructrice. Nous nous opposons à la période de transition de 4 ans parce que, comme nous l'avons déjà constaté, elle nuit au secteur. Plusieurs analystes se sont penchés sur la question à l'automne dernier. D'après leurs calculs rapides, ils ont conjecturé que le marché serait en mesure de rattraper les deux tiers de ce qu'il a perdu si on proposait une période de transition de 10 ans plutôt que de 4 ans. Ce serait préférable, sans aucun doute.
Comme y a fait allusion M. Mintz, le protocole au Canada veut que toute modification importante de la politique fiscale soit assortie d'un processus de consultation et d'une période de transition. Il n'y pas normalement de « massacre de l'Halloween », comme vous l'avez décrit, où, tout à coup, on apporte un changement radical et presque instantané à la politique sans aucune consultation. C'est assez inhabituel.
Le sénateur Di Nino : Par principe, je me méfie des stratagèmes d'évitement fiscal. Ceux d'entre nous qui ont suffisamment d'expérience en ont connu d'autres. Je précise cela dès le début afin que vous connaissiez ma position d'entrée de jeu. Je n'aime pas les stratagèmes fondés sur l'évitement fiscal.
Certaines des critiques exprimées dans ce dossier sont compréhensibles, mais je ne les partage pas. La mesure du gouvernement a joui d'un grand appui, particulièrement de la part de gens comme le gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, qui a dit : « Par ces incitations à un recours inopportun à la structure de fiducie de revenu, le régime fiscal créait de fait des inefficiences sur les marchés de capitaux, inefficiences qui, avec le temps, auraient eu pour effet d'abaisser les niveaux d'investissements, de production et de productivité. » Que pensez-vous de cela?
M. Kestevan : À propos de ce qu'a dit David Dodge en octobre dernier, j'aimerais préciser que les fiducies de revenu se prêtent très bien à certains secteurs. Je ne pense pas que les reproches généralisés qu'il a faits au sujet des fiducies de revenu brossent un portrait complet de la situation. Il y a certaines nuances à faire.
Pour revenir sur ce que vous avez dit au sujet de l'évitement fiscal, les fiducies de revenu sont des moyens de transfert. Cela ne revient pas à de l'évitement fiscal. Les détenteurs d'unités sont simplement imposés à titre personnel, et c'est pour cela que les recettes fiscales du gouvernement diminueront, parce que les liquidités sont imposées à un taux inférieur au taux d'imposition des particuliers au Canada. Les détenteurs d'unités payent de l'impôt au taux marginal d'imposition de 46 ou 47 p. 100, en fonction de la province où ils habitent. Voilà où les impôts sont versés. Ce n'est pas la société qui paye, mais bien le détenteur d'unité. L'impôt est payé, mais une fois seulement, par le détenteur d'unité. Il est essentiel qu'on le comprenne. Ce n'est pas comme si ces entités existent et ne versent aucun impôt du tout.
Le sénateur Di Nino : Il n'y aucune entité qui ne verse aucun impôt. C'est un genre de transfert, si vous le voulez bien, à l'aide d'un REER ou d'un régime de pension et, bien sûr, d'un élément étranger qui pourrait éventuellement réduire le montant versé en impôt.
La principale préoccupation que les gens ont exprimée par rapport au système porte sur la neutralité. Kevin Dancey, PDG de l'Institut canadien des comptables agréés, en a parlé quand il a comparu devant le Comité des finances de la Chambre des communes. J'aimerais le citer. À propos de l'équité et de la neutralité, il a dit :
Or, dans son traitement des fiducies de revenu avant le 31 octobre, le régime fiscal ne répondait à ces critères. Pourquoi? Pour deux raisons. Premièrement, le régime fiscal n'était pas neutre, vu qu'il existait un avantage fiscal marqué à utiliser une fiducie plutôt qu'une société par actions. En principe, la structure d'une entreprise devrait être créée et choisie pour de bonnes raisons d'affaires, non pour des raisons fiscales. Deuxièmement, il y avait une perte de recettes fiscales sur les unités détenues par des entités exemptes d'impôts et par des non résidents, pertes qui allaient en grandissant.
C'est là son opinion, qu'en pensez-vous?
M. Kestevan : Tout d'abord, l'argument des pertes fiscales a en grande partie été écarté. En tout cas, elles n'étaient pas si dramatiques qu'on nous le faisait croire à l'origine. Le gouvernement disait qu'il y avait des pertes fiscales annuelles de 500 millions de dollars. Les deux principales erreurs importantes commises dans le cadre de cette analyse ont fait l'objet de témoignages devant le Comité permanent des finances de la Chambres des communes. La première est que le ministère des Finances n'a pas tenu compte des réductions prévues en droit au taux d'imposition des sociétés. Autrement dit, leur point de référence était ici, en haut, alors qu'il aurait dû être beaucoup plus bas. En tenant compte de cette réduction, quand on regarde les fiducies de revenu, la perte annuelle de 500 millions de dollars se transforme en 32 millions de dollars. C'est une énorme différence. C'est là un des principaux problèmes dans l'analyse réalisée jusqu'à présent.
La neutralité fiscale est un excellent concept; je ne dis pas le contraire. Cependant, comme y a fait allusion M. Mintz dans son témoignage, il y a deux façons d'y parvenir. Soit on impose un taux punitif aux fiducies de revenu comme il envisageait de le faire, ce qui entraînerait la disparition totale de la structure, soit on modifie l'impôt sur les dividendes qui s'applique aux sociétés. Si on avait fait cela simultanément et dans les règles de l'art, on ne serait pas aux prises avec ce problème. Nous ne serions pas en train de parler de tout cela aujourd'hui. Cependant, on a décidé de punir les fiducies de revenu et de les éliminer entièrement. L'élimination de ce moyen de placement n'équivaut pas à la création de la neutralité fiscale.
Le sénateur Di Nino : On a aussi exprimé des inquiétudes quant à l'équilibre délicat que les ministres des Finances et les gouvernements tentent de maintenir entre l'impôt des sociétés, l'impôt des particuliers et les autres formes d'impôt. Il va sans dire que, étant donné la croissance de ce moyen de placement au Canada, il risquait de plus en plus de nuire à cet équilibre délicat en alourdissant le fardeau fiscal des particuliers par opposition à celui des sociétés.
M. Kestevan : Je dirais que tout investisseur dans une fiducie de revenu sait, d'entrée de jeu, que ces distributions seront imposées — si celles-ci sont versées dans un compte imposable. Si elles sont versées dans un compte à impôt différé — je devrais aussi faire cette nuance : tâchons de ne pas mélanger le report d'impôt et l'exemption d'impôt. Les unités détenues dans un RER et le montant même de RER génèrent beaucoup de recettes fiscales, les sommes qui y sont versées sont donc exemptes d'impôt pendant un certain temps seulement; il est plus juste de dire que l'impôt est reporté.
Essentiellement, les investisseurs s'attendent à être imposés et ils planifient en fonction de leur revenu net. Dans les dix derniers mois, aucun détenteur d'unité ne m'a dit qu'il préférerait que la société paye l'impôt à sa place. Les détenteurs savent qu'ils ont de l'impôt à payer. En tant qu'investisseur, j'agis en toute connaissance de cause et je sais que je vais devoir verser de l'impôt sur les distributions. Je dirais que les investisseurs le savent bien. Cela ne faisait pas partie du problème.
Le sénateur Di Nino : À propos des méthodes de report d'impôt — les RER, régimes de pension et autres choses semblables — leur seul but est de nous permettre de payer moins d'impôt. Dans beaucoup de cas, la grande majorité des gens payent beaucoup moins d'impôt sur les sommes qu'ils sortent d'un RER qu'ils n'en auraient payé s'ils avaient dû verser de l'impôt au moment de leur contribution au RER. Je pense qu'il est important que nous tenions compte de cela, ainsi que du fait que si les sociétés distribuent ces revenus par le biais d'une fiducie de revenu, beaucoup d'entre elles — je n'ai pas de chiffres à ma disposition, mais il y en a beaucoup — n'auront pas les moyens de réinvestir dans la compagnie afin de la faire croître. C'est là une autre des critiques exprimées à ce sujet.
M. Kestevan : Si je puis me le permettre, je dirais que cela illustre un manque de compréhension de la structure et de la gouvernance des fiducies de revenu. Permettez-moi de prendre l'exemple de la compagnie pour laquelle je travaille. Nous distribuons environs 70 p. 100 de nos recettes à nos détenteurs d'unités. On pourrait dire que cela entend que nous n'en gardons pas assez pour accroître nos actifs, mais ce n'est pas le cas. Nous maintenons l'équilibre nécessaire et investissons les 30 p. 100 restants afin d'accroître les actifs existants.
Si nous voulons faire une acquisition importante ou lancer une nouvelle activité de développement d'envergure, il faut que nous nous tournions vers les marchés financiers pour recueillir les fonds nécessaires. Nous sommes directement responsables envers les marchés financiers — contrairement aux sociétés, qui peuvent puiser dans leurs bénéfices non répartis. La gouvernance en matière de bénéfices non répartis au Canada n'a jamais été particulièrement efficace. Ces bénéfices sont les épargnes personnelles, en quelque sorte, des patrons et des administrateurs. Le déploiement des rendements des fonds réinvestis n'a jamais vraiment été à la hauteur, ce qui explique en partie pourquoi les détenteurs d'unités en fiducie aiment tant cette méthode de placement : ils aiment le fait qu'ils sont directement responsables envers les marchés financiers. Rien ne nous empêche de croître. Il faut simplement que nous retournions nous-mêmes sur les marchés financiers pour recueillir les fonds nécessaires.
Le sénateur Biron : Dans une lettre, la Coalition of Canadian Energy Trusts affirmait que, « depuis le 31 octobre, l'activité a baissé dans le pétrole et le gaz classiques et je pense que cela a été aggravé par l'impact de ce projet de loi ». Plus loin, elle dit que « notre secteur a également connu une recrudescence des fusions et des acquisitions, en plus d'être davantage la cible de prise de contrôle par des organismes canadiens et étrangers exemptés d'impôt et par des fonds de placement privés ».
Les membres de ce groupe qui représentent le secteur énergétique et les fiducies affirment que « la décision du gouvernement d'imposer les fiducies énergétiques a déjà eu un impact négatif considérable sur la compétitivité de nos sociétés et continuera d'en avoir ».
Les sociétés du secteur pétrolier et gazier qui n'auront pas été rachetées d'ici 2011 déménageront aux États-Unis. Elles ne paieront donc pas plus d'impôt au Canada et réduiront le nombre de leurs employés. Que pensez-vous de ce scénario, qui se réalisera tôt ou tard, étant donné que ces sociétés se développeront aux États-Unis?
M. Kestevan : Nous entretenons d'étroits liens avec les deux organisations en question, et nous avons beaucoup de membres en commun. Nous sommes parfaitement d'accord avec ce qu'elles ont à dire.
Vous avez soulevé plusieurs questions, j'y répondrai donc une à une rapidement. Les opérations de forage dans l'Ouest du Canada diminueront de 20 à 25 p. 100 cette année, en grande partie à cause du fait que les fiducies de revenu ont réduit leurs dépenses en capital. La plupart des fiducies de revenu font preuve de prudence, parce que les règles du jeu sont peu claires; l'incertitude règne en ce moment. De plus, même si elles envisagent de nouvelles opérations de forage, elles doivent se rappeler que l'économie sera tronquée dans quatre ans. Elles ont donc décidé d'abandonner beaucoup des projets dans lesquels elles envisageaient d'investir avant le 31 octobre.
J'ai parlé plus tôt de la menace que présentent les MLP aux États-Unis. Contrairement à ce qu'a dit M. Flaherty le 31 octobre, il y a un moyen de placement semblable aux États-Unis, appelé société en commandite principale, ou Master Limited Partnership. C'est une entité très semblable aux fiducies de revenu, une entité intermédiaire. J'ai parlé plus tôt de son importance aux États-Unis. Les fiducies du secteur pétrolier et gazier dans l'Ouest du Canada pourraient se prévaloir de cette structure de plusieurs façons. Les MLP pourraient très bien commencer à racheter nos fiducies à l'aide de toutes sortes d'instruments, dont la plupart leur permettrait de minimiser l'impôt à verser au Canada. Les fiducies du secteur énergétique au Canada pourraient tout aussi bien se convertir en MLP et déménager aux États-Unis. Je simplifie un peu les choses, ce serait un peu plus compliqué que d'envoyer une fiche de changement d'adresse. Cela nécessiterait des changements structurels, mais c'est possible, et c'est quelque chose que les fiducies envisagent de faire, comme l'indique la lettre que vous avez citée. À tout le moins, c'est une possibilité qui se présente à elles.
L'autre organisation — le Canadian Energy Infrastructure Group, le CEIG — est exclusivement composé de fiducies de l'industrie énergétique et des pipelines. Ces fiducies sont probablement les plus vulnérables du secteur. Les MLP américaines sont principalement composées de fiducies du secteur des pipelines. Celles-ci voudraient bien évidemment acquérir ces actifs, au prix qu'ils ont aujourd'hui. Les membres du CEIG s'inquiètent du fait qu'ils seront rachetés soit par des sociétés à capital privé, soit par les MLP américaines.
Le sénateur McCoy : Je me permets de faire le résumé ce que vous avez dit jusqu'à présent et vous invite à l'étoffer, si vous le souhaitez.
Voici essentiellement ce que j'ai retenu de vos observations : vous acceptez le fait qu'on veuille s'attaquer à la grande question de politique — c'est-à-dire la neutralité fiscale entre les détenteurs d'unités et les actionnaires. Vous estimez cependant qu'en ce faisant, il faut tenir compte des besoins des investisseurs et des compagnies. On a adopté, sans raison, une approche dont l'incidence est dévastatrice.
Souscrivez-vous à ce résumé, ou préférez-vous le corriger?
M. Kestevan : C'est un excellent résumé. Je pourrais peut-être conclure en disant que nous voulons que les dispositions portant sur les fiducies de revenu soient extraites du projet de loi C-52. Elles n'auraient jamais dû être inclues dans un projet de loi budgétaire; c'est un dossier beaucoup trop complexe et important. Elles devraient être raffinées, c'est peut-être une meilleure façon de le dire.
Il faut tenir des consultations parce que j'ai l'étrange impression que les règles prévues dans le projet de loi tel que rédigé ne sont pas applicables. Elles sont si ambiguës que les gens ne sauront pas quoi en faire, comment les interpréter. Il faut clarifier cela. Il faut les rédiger à nouveau afin que les règles en vigueur au cours des trois années et demie suivantes soient claires. Nous devons être en mesure de savoir ce que nous sommes en droit de faire et disposer d'un plan de route pour savoir comment le faire.
Le président : Cela met fin à la séance. Au nom de tous les honorables sénateurs, j'aimerais remercier M. George Kestevan, président de l'Association canadienne des fonds de revenu.
M. Kestevan : Je suis heureux d'avoir pu comparaître devant vous.
La séance est levée.