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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 2 - Témoignages du 1er juin 2006


OTTAWA, le jeudi 1er juin 2006

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit ce jour à 10 h 52 afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et les océans du Canada.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je souhaite la bienvenue aux sénateurs, aux témoins et aux membres du public, ainsi qu'à ceux qui suivront nos délibérations à la télévision à travers le pays.

De manière générale, nous étudions la problématique de la politique des pêches en cours d'émergence au Canada. Aujourd'hui nous nous penchons plus particulièrement sur la pêche du crabe des neiges sur la côte Atlantique. Nous avons invité des témoins pour nous aider à comprendre les problèmes qui s'y posent et proposer des solutions.

Je souhaite la bienvenue à nos invités de ce matin. Nous recevons M. Jean Guy d'Entremont, président du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques; M. Brian Adams, président de la Area 19 Snow Crab Fishermen's Association; M. Robert Haché, porte-parole de divers groupes de la Gaspésie et du Golfe, et M. John Boland, représentant du personnel de la Fish, Food and Allied Workers Union de ma province natale de Terre-Neuve et Labrador.

J'invite chacun de nos témoins à faire un exposé, ensuite de quoi nous aurons une période de questions. Nous souhaitons un échange aussi libre que possible, qui nous aidera à déterminer les faits et conditions véritables, ainsi que les solutions possibles.

[Français]

Jean Guy d'Entremont, président, Conseil pour la conservation des ressources halieutiques : Merci, monsieur le président. J'aimerais remercier le comité pour cette occasion de participer à cette réunion, et une fois de plus, de rendre compte des ouvrages du conseil concernant la conservation des ressources halieutiques. Merci beaucoup de nous avoir invités.

[Traduction]

Merci de nous autoriser à vous renseigner sur notre travail.

Le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, le CCRH, a publié en juin 2005 son Cadre stratégique pour la conservation du crabe des neiges de l'Atlantique. Je vous donnerai aujourd'hui un bref aperçu de ce rapport. Les résultats du rapport ont déjà été présentés et expliqués à l'industrie et au MPO. L'industrie et le ministère s'accordent généralement, aujourd'hui, sur les grandes orientations du rapport.

Le crabe des neiges a représenté pour nous une mission ponctuelle. Nos recommandations invitent le ministère et l'industrie à agir. Nous sommes actuellement chargés de l'examen du cadre de 1995 concernant le homard.

Le cadre intéressant le crabe représente un document stratégique de long terme. Nous y formulons des recommandations sur ce qu'il convient de faire dans cette pêcherie, laissant à l'industrie et au MPO le soin de déterminer les modalités. Il s'agit donc d'un rapport stratégique proposant un cadre pour le long terme. Le Conseil ne s'attend pas à une mise en œuvre immédiate dans toutes les zones.

Je vais maintenant traiter de l'état de la ressource. La pêche du crabe est relativement nouvelle. Le crabe n'est exploité commercialement que depuis une quarantaine d'années. En gros, la situation que nous avons rencontrée était un peu plus mauvaise à Terre-Neuve et Labrador. Il existe des différences d'une zone à l'autre. Le niveau des connaissances diffère d'une flottille à l'autre et d'une zone à l'autre. Nous avons constaté que nombre des nouveaux pêcheurs sont moins informés des effets néfastes de certaines pratiques de pêche sur la ressource.

Lorsque le CCRH s'est penché sur la conservation, il s'est intéressé aussi à la durabilité. Nous estimions que la durabilité de la pêche n'est pas seulement une question de conservation de la ressource, mais comporte d'autres implications. En effet, elle entraîne aussi des conséquences de nature sociale, économique et institutionnelle.

Lorsque nous avons rédigé le rapport, nous l'avons structuré en gros en trois chapitres distincts. Le premier traite des données scientifiques et les deux autres de la pêche et de la gestion. Je dirais d'abord quelques mots au sujet des considérations scientifiques.

La zone sud du golfe et l'Est de la Nouvelle-Écosse bénéficient de relevés au chalut. Cette pêche expérimentale vise spécifiquement le crabe des neiges et autorise la détermination de sa biomasse. Malheureusement, dans les autres zones du Canada atlantique, rien de tel n'existe, et l'on doit s'y contenter de relevés au casier. Il est très difficile de cette manière de déterminer le niveau de la biomasse. Toutes les pêcheries de crabe des neiges du Canada atlantique sont soumises à des quotas. Malheureusement, de nombreux secteurs ne bénéficient pas de tels relevés à cause de la nature du fond et de la topographie.

Nous avons conclu qu'il y aurait lieu de créer un conseil scientifique sur le crabe des neiges qui rassemblerait les scientifiques et les pêcheurs de différentes régions du Canada atlantique pour échanger leurs connaissances et expériences. Nous avons tenu un atelier de trois jours à Moncton et invité 35 pêcheurs de la base venant de toute la région atlantique. Nous avons constaté que l'on peut apprendre beaucoup si les pêcheurs de différentes régions se parlent ou qu'un dialogue se noue. Il y avait là un manque, et c'est pourquoi nous recommandons dans notre rapport la création d'un conseil scientifique.

Pour ce qui est de la pêche, nous avons constaté que la prise de crabes à carapace molle constitue une menace grave. La plupart des crabes à carapace molle sont rejetés à la mer et, s'ils sont incorrectement manipulés et qu'ils sont soit trop petits soit trop mous, ils vont mourir. C'est là un gaspillage de la ressource. Nous avons noté que les pratiques de pêche dans certaines régions ne font qu'empirer la situation. Cela est mis en lumière dans le rapport. Nous savons que des changements ont été engagés.

Le conseil a estimé que l'augmentation de capacité dans certains secteurs est disproportionnée par rapport à la ressource disponible, particulièrement à Terre-Neuve et Labrador. En 1980, il y avait 70 permis de pêche du crabe des neiges. En 1992, le chiffre était passé à 750 et en 2004 il a atteint 3 400 licences.

Au chapitre de la gestion, de nombreux pêcheurs nous ont dit lors de nos consultations et sous forme de mémoires et de discussions, qu'il y avait trop d'ingérence politique dans cette pêcherie. Cela est ressorti de presque toutes les réunions. En outre, les pêcheurs doivent jouer un plus grand rôle dans la prise de décisions. L'une des recommandations clés du rapport prévoit la création d'un groupe d'experts indépendant sur l'accès et la répartition.

Nous avons recommandé aussi une modification de la Loi sur les pêches, en particulier de la politique touchant les sanctions. Les pêcheurs demandent des sanctions plus fortes et des amendes plus lourdes pour ceux qui enfreignent sciemment la loi. Ces contrevenants savent ce qu'ils font, ils trichent et enfreignent la loi. Les pêcheurs réclament des amendes plus lourdes et le MPO n'a cessé de nous dire qu'une modification de la Loi sur les pêches est nécessaire afin d'introduire une politique relative aux sanctions. Nombre des mesures de gestion et changements qui doivent intervenir passent par cette modification de la Loi sur les pêches.

Notre observation générale après plus d'une année de travail et de longues délibérations et consultations est que la durabilité de la pêche du crabe des neiges est à notre portée. Des mesures immédiates doivent être prises dans certaines zones et des changements de long terme doivent également être apportés, mais c'est faisable.

Depuis la publication du rapport, nous avons constaté que nombre des problèmes liés à la pêche du crabe des neiges sont des facteurs économiques qui pèsent sur les pêcheurs et la pêcherie. Nul n'est à l'abri du prix élevé du carburant de nos jours, ni du faible taux de change et du bas prix du crabe et du coût élevé des appâts. Ces facteurs se conjuguent pour pousser les pêcheurs à essayer de maximiser la prise afin de joindre les deux bouts. C'est un peu une menace car il y a une énorme variation du prix, dont je ne doute pas que les messieurs autour de la table vous parleront tout à l'heure. Cela met le système sous tension.

Les recommandations formulées par le Conseil visent le long terme. Nous ne nous attendons pas à ce que tout se fasse aujourd'hui même, mais nous savons que beaucoup de mesures ont déjà été prises l'an dernier. Les saisons de pêche ont commencé plus tôt. Une fois qu'un secteur est fermé pour le crabe à carapace molle, il reste fermé. Ce sont toutes là des choses que nous recommandions dans le rapport.

Après 20 consultations et la réception de nombreux mémoires, ainsi qu'un atelier de trois jours où nous avions invité ces 35 personnes, le Conseil ne doute pas que la ressource de crabe des neiges se porte mieux aujourd'hui, car nous avons une feuille de route avec laquelle travailler. Le MPO et l'industrie ont tous deux une bonne idée de ce qui se profile et nous avons aujourd'hui une bien meilleure connaissance du crabe des neiges qu'il y a quelques années.

Je vous remercie de votre attention.

John Boland, représentant du personnel, Fish, Food and Allied Workers Union : Bonjour. J'aimerais vous parler de deux points distincts. Premièrement, je veux traiter de l'état de l'industrie à Terre-Neuve aujourd'hui, puis je parlerai de l'état de la ressource.

Les problèmes actuels que nous avons à Terre-Neuve sont davantage de nature économique que le fait d'une détérioration de la ressource. Après le moratoire sur la morue en 1992, les pêcheurs ont rééquipé leurs navires ou en ont acheté des neufs à hauteur de centaines de millions de dollars pour aller pêcher plus loin au large. L'aspect positif est que cet investissement a permis de récolter des milliards de dollars de produits à Terre-Neuve. Les pêcheurs ne sont pas morts, ils se sont adaptés.

Aujourd'hui, les défis à Terre-Neuve sont principalement le cours de la monnaie au Canada et aux États-Unis, le prix du carburant et la concurrence étrangère. Un exemple de la dévastation qui en résulte tient en un chiffre. Les exportations totales de poisson dans notre province cette année sont inférieures de presque 400 millions de dollars au chiffre d'il y a deux ans. Cela représente beaucoup d'argent. Le crabe des neiges, à l'heure où nous parlons, se vend sur le quai à Terre-Neuve à 92 cents la livre. Au même endroit, en 2002, les pêcheurs touchaient 1,64 $.

Sans aucun doute, le dollar canadien représente le facteur majeur qui pèse sur notre industrie et beaucoup d'autres secteurs de ce pays, et ce n'est pas peu dire. Je dois dire au gouverneur de la Banque du Canada que nous ne pouvons pas devenir plus efficients. Nous n'avons pas le choix de prendre plus de poisson et nous ne pouvons pas couper nos moteurs et ramer. Il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire dans notre secteur pour nous adapter. D'autres le peuvent peut-être, mais certainement pas les pêcheurs. Je vous parle là d'une calamité engendrée par le seul dollar.

Un autre facteur est l'exode rural sans précédent qui se manifeste à Terre-Neuve. En guise d'illustration, rien qu'au cours des trois dernières semaines, 37 personnes ont quitté la localité de St. Bride's sur la côte sud de Terre-Neuve, qui compte environ 400 habitants. Certains diront que cela ne représente que 9 p. 100 de la population de la localité. Devinez quoi? Ils représentent probablement 75 p. 100 de la population valide. Ce n'est là qu'un petit exemple de ce qui se passe.

Les pêcheurs sont également confrontés au coût élevé du carburant qui, depuis 2002, a plus que triplé. C'est une réalité avec laquelle nous devons vivre. Depuis que nous sommes passés aux CI au milieu des années 90, nous sommes assaillis d'un nombre sans précédent de redevances sur les ressources et de taxes. Nous devons payer une redevance CI qui a été fixée à l'époque où nous touchions 2 $ ou 2,50 $, alors que maintenant nous avons un crabe à 92 cents.

Le président : Quelle redevance?

M. Boland : C'est une redevance CI, soit un droit d'accès ou une taxe du gouvernement fédéral. Il faut payer aussi les frais d'observateurs et de contrôle à quai, dont le total dans notre province représente environ 1 million de dollars par an. Il y a un certain nombre d'autres redevances, ce qui signifie au total qu'avant de pouvoir commencer à pêcher à Terre-Neuve, il faut se rendre à un comptoir du MPO et rédiger un chèque d'environ 2 000 $ avant même de sortir un seul poisson de l'eau.

Ce sont là des problèmes économiques, indépendants de la ressource. L'idée a toujours régné chez les gestionnaires de la ressource, particulièrement ici à Ottawa, que ce que les gens réclament aujourd'hui, c'est l'accès à plus de ressources. Autant dissiper tout de suite ce mythe car je ne connais personne à Terre-Neuve qui pense que la solution à ce dilemme, c'est d'exiger plus de ressources et plus de contingents et plus de poissons inexistants. Nul ne considère cela comme une option. Mais c'est la notion que nourrissent les bureaucrates, surtout ici, à Ottawa. Elle n'a pas cours à Terre-Neuve aujourd'hui, car ce n'est pas la solution.

Pour ce qui est de la ressource, certaines de nos flottilles ont proposé un programme de rationalisation de la flotte. Cela supposerait un système où les membres d'une flottille donnée pourraient collectivement racheter le contingent d'un pêcheur qui voudrait se retirer, les restants se partageant son quota. Mais avec un crabe à 92 cents, et vu tous les frais généraux à nos niveaux de contingents actuels, il est réellement difficile de joindre les deux bouts. Étant donné que l'on ne peut augmenter son quota et qu'il y a des gens qui aimeraient partir, il paraît sensé d'avoir un système où les pêcheurs restants d'une flottille pourraient racheter les droits des partants.

Mais cela suppose que deux conditions soient remplies. Le ministre des Pêches et des Océans doit prendre les mesures nécessaires pour faire appliquer les politiques relatives aux propriétaires-exploitants et de séparation des flottilles dans le secteur des bateaux de moins de 65 pieds à Terre-Neuve. L'esprit et l'intention de cette politique était que les transformateurs se limiteraient à la transformation et les pêcheurs se limiteraient à la pêche. Malheureusement, le système des conventions de fiducie qui a vu le jour ces dix dernières années a sérieusement sapé ces politiques et, dans certains cas, les transformateurs contrôlent aujourd'hui des entreprises de pêche.

Le programme d'auto-rationalisation à Terre-Neuve est possible. Je pense qu'il faudra un financement de démarrage venant tant du gouvernement fédéral que du gouvernement provincial. Je ne suis pas convaincu qu'en fin de compte notre proposition coûte un sou aux contribuables du pays ou de Terre-Neuve. Je ne pense pas que les gens s'attendent à ce que le contribuable paie la facture de la réduction de la flotte, mais une proposition raisonnable existe sur papier; c'est faisable. Le gouvernement devra peut-être mettre sur la table une enveloppe initiale dans laquelle les pêcheurs pourront puiser, mais en fin de compte le contribuable ne devrait pas en être de sa poche.

Le président : Existe-t-il une telle proposition aujourd'hui?

M. Boland : Oui, monsieur le président.

Le président : Avez-vous quelque chose avec vous?

M. Boland : Non, mais nous avons les principes pour y arriver. La première étape, avant de passer à la deuxième, soit la mise en œuvre du programme, est de remédier aux lacunes du programme de séparation de la flotte de propriétaires-exploitants afin de lancer le processus.

La plus grande menace qui plane sur la ressource aujourd'hui au Canada, croyez-le ou non, n'a rien à voir avec la conservation. Il existe une mentalité voulant que si seulement nous avions quelques transformateurs ou une poignée de poissons, le système serait plus facile à gérer et la conservation primerait. Mais vu la situation d'aujourd'hui, quelqu'un aurait à payer beaucoup d'argent pour obtenir accès à la ressource. Finalement, quelqu'un doit prendre le risque. Quelqu'un doit aller en mer sur un bateau de pêche et faire le travail. La seule façon dont ceux qui ont payé beaucoup d'argent pour acheter la ressource au départ peuvent rembourser leur prêt consiste à payer moins à ceux qui embarquent sur les navires, font le travail et prennent le risque. Je peux vous dire à quoi cela conduit. Si je suis sur un navire loin de la côte, loin du propriétaire, je vais ignorer la conservation. Je vais tricher et faire tout mon possible car actuellement je suis payé très peu et la seule façon d'augmenter ma rémunération, c'est de prendre des raccourcis. Voilà le résultat final. Cela ne facilite pas les choses, mais empire la situation.

Sans un bon programme de rationalisation à Terre-Neuve, avec la détérioration économique, certains propriétaires vendront leur navire, s'assoiront sur un bout de papier et tenteront de troquer et de vendre l'accès à cette ressource à ceux qui continuent à pêcher, qui continuent à prendre les risques, ceux qui vont réellement sur l'eau. Le résultat final sera que les gens qui pêchent pour gagner leur vie et font le travail se retrouveront avec moins d'argent.

Aujourd'hui, dans ce pays, des centaines de millions de dollars sont soutirés à cette industrie par des gens qui ne possèdent pas de navire de pêche et ne vont pas sur l'eau. La société a pris une ressource publique et a donné à quelqu'un morceau de papier, qui se transforme tout simplement en fiducie de revenu. Cela leur apporte de l'argent pour l'éternité sans qu'ils aient rien investi. Il faut changer ce système.

L'état de la ressource à Terre-Neuve aujourd'hui est mitigé, selon les régions. Dans nos zones de crabe, les contingents sont restés stables. Dans les secteurs où nous avions des problèmes en 2005, la ressource a maintenant rebondi et certaines autres zones restent inchangées.

J'aimerais lever certaines conceptions erronées qui ont cours. Voyons un peu la biologie réelle du crabe des neiges. D'aucuns ont tendance à vouloir le comparer au poisson. Premièrement, nous ne pêchons pas les crabes femelles — elles sont trop petites. Nous pêchons avec des casiers, ce qui ne dérange guère le fond et ne cause généralement pas de dommage écologique. Les casiers ne perturbent pas le fond. C'est une pêche passive. Si toute la pêche au Canada et dans le monde utilisait la même méthode, elle se porterait beaucoup mieux.

Voyons la biologie de la ressource. Généralement, on nous dit à Terre-Neuve que le crabe prend de huit à neuf ans pour arriver à maturation, jusqu'à la prise. Mais on ne peut réellement déterminer l'âge du crabe, on nous donne une estimation. Devinez quoi? Il n'y a pas de crabe de 20 ou 25 ans parce que, à l'âge de huit ou neuf ans, lorsqu'il est assez grand pour être pris, nous avons quatre ou cinq ans pour le pêcher, faute de quoi il meurt de toute façon. On ne gère pas la ressource sur une base biologique, on fixe nos CI et nos taxes plutôt sur la base d'une prise commerciale. Le résultat est que si les CI sont fixés à un niveau trop élevé et que la pêche au casier est excessive, nous aurons moins de crabe l'année suivante et l'année d'après.

Pour ce qui est de l'extinction biologique ou des problèmes avec la ressource, c'est quelque chose qui échappera totalement à notre contrôle.

Tout n'est pas noir à Terre-Neuve. La clé pour parvenir au moins à une certaine stabilité économique est de fixer les niveaux des CI au bon niveau, afin que la prise puisse être répartie.

J'aimerais traiter d'une chose que M. d'Entremont a dite, à savoir que les nouveaux entrants dans la pêche n'ont pas nécessairement les connaissances requises pour la conservation. Permettez-moi de dissiper cette notion. Mon expérience à Terre-Neuve est que la plupart des quelque 70 ou 80 personnes qui ont eu accès à cette pêche au cours des 25 ou 30 dernières années ne vont pas sur l'eau. Elles restent à terre et quelqu'un d'autre part en mer. Elles ne savent pas réellement ce qui se passe sur le navire. Disons les choses franchement. La pêcherie de Bonavista Bay, effectuée par des petits navires, est un exemple de bonnes pratiques de conservation. Ces gens-là pêchent avec des petits bateaux et utilisent de bonnes pratiques de tri; les crabes trop petits sont remis à l'eau immédiatement. Le propriétaire du navire est à bord. Il sait que s'il surpêche cette année, le gouvernement ne va pas lui envoyer un chèque. C'est lui qui devra partir s'exiler en Alberta.

Les niveaux de prise cette année ont été sans précédent dans toute l'histoire de la baie à cause des mesures prises par les 220 pêcheurs. La preuve est là. Ils ont pêché à un niveau de CI raisonnable.

Cette année, les pêcheurs ont réservé environ 80 milles carrés comme sanctuaire du crabe, où nul n'est autorisé à pêcher le crabe. Il n'y a pas de dragage, il n'y a pas de pêche au turbot ni rien d'autre. Beaucoup de mesures ont été prises.

En outre, cette année, ils ont pu accroître leur contingent individuel. Cependant, pour obtenir cette augmentation, ils doivent prendre la totalité du quota avant la fin de juin. C'est pour éviter le crabe à carapace molle. Ils trouvent des solutions originales. Il y a différentes façons d'approcher le problème.

Tout n'est pas perdu à Terre-Neuve. Nous faisons des relevés de crabe d'après- saison. Beaucoup de choses positives se font.

Tout au long de l'histoire de cette ressource, on a constaté qu'il y a plus de crabe certaines années que d'autres. Finalement, cette année, nous aurons quand même plus de 90 millions de livres. Le problème réel, c'est le cours du dollar et le prix du carburant.

Voilà une description schématique de la situation actuelle. Les pêcheurs n'ont guère d'espoir pour l'avenir immédiat, tant que le taux de change et le coût du carburant ne vont pas s'améliorer. Nous aurons très prochainement un problème. Je pense que ce sera une période difficile, mais pas nécessairement liée à la ressource. Il y a des solutions et elles ne sont pas si compliquées

Brian Adams, président, Area 19 Snow Crab Fishermen's Association : Je vous remercie de nous avoir invités ce matin.

Notre mémoire est une version abrégée de ce qui s'est déroulé au fil des ans. Nous sommes une très petite zone sur la côte sud-ouest de l'île du Cap-Breton, dans le sud du Golfe. Vous avez une carte la montrant dans le mémoire. Donc, nous pêchons dans une très petite boîte.

La pêche du crabe dans ce secteur a commencé à la fin des années 60 et au début des années 70 avec un petit nombre de navires. Pendant de nombreuses années, les navires prenaient une quantité totale fixe. Au fil du temps, les pêcheurs ont voulu et avaient besoin de jouer un rôle plus actif dans la gestion de la pêche dans notre zone et c'est ainsi qu'est née l'association Area 19.

Après les négociations de 1994 entre l'association et le MPO, un accord de cogestion a été élaboré. L'accord se compose d'un Plan de gestion intégrée des pêches (PGIP) et d'un Plan de travail conjoint, PTC. C'était le premier du genre au Canada et il a duré de 1996 à 2001. À cette date, la pêche a été placée sous contingents individuels transférables, ou CIT.

À l'époque, la zone comptait 111 détenteurs de permis et 73 participants temporaires. Pour vous expliquer un peu le chiffre des « temporaires », d'une année à l'autre, il y a eu un mécanisme de partage pour les pêcheurs temporaires utilisant comme base les données scientifiques et la biomasse. Ces pêcheurs temporaires étaient des pêcheurs de homard des cinq ports que nous représentons dans notre collectivité. Leur nombre totalisait 73 à l'époque et il est inchangé aujourd'hui. Un jour, ils deviendront des détenteurs de permis permanents, et je viendrai à cet aspect plus tard.

Après cinq bonnes années, un nouvel accord très semblable a été négocié pour la période de 2001 à 2010. En 2006, pour permettre aux 73 pêcheurs temporaires de devenir permanents, l'accord a été rouvert à mi-parcours et nous sommes actuellement en train de finaliser les nouvelles dispositions qui seront en vigueur jusqu'en 2013. Notre accord est au dernier stade d'élaboration à Ottawa et sera signé prochainement. Avec les 73 pêcheurs temporaires, nous aurons 184 détenteurs permanents de permis.

Pour vous parler de quelques-unes de nos réalisations, l'accord a servi de modèle à d'autres pêcheries au Canada et dans le monde. Au début des années 90, nous avons adopté des casiers à entrée unique au sommet afin de réduire la capture de petits crabes femelles et de crabes à carapace molle. L'association œuvre étroitement avec les services locaux du MPO pour contrôler les taux de crabes à carapace molle tout au long de la saison et diffuse cette information aux pêcheurs.

Ce que nous voulons faire ressortir ici, c'est que nous pouvons faire ces choses par le biais de la cogestion dans notre zone sans que cela n'affecte les zones voisines. Le piège à entrée unique au sommet est très avantageux pour nous et toute la pêcherie du crabe. Il réduit la manutention de crabes à carapace molle et les rejets, mais sans l'éliminer totalement.

Nous avons financé, et continuons à le faire, divers projets scientifiques visant à étudier le stock. Nous nourrissons des préoccupations persistantes concernant notre zone. Avec les données scientifiques du ministère, nous continuons à suivre de près la santé de notre stock.

Nous nous inquiétons du niveau de l'effort de pêche juste en dehors de notre zone ces dernières années. Pour vous expliquer, il faudrait un dialogue plus poussé avec les zones adjacentes et avec le ministère concernant la gestion de toute la région. La saison de la Zone 19 ouvre deux mois après les autres saisons. C'est un problème persistant. Le crabe ne respecte pas les lignes. Si la pêche est pratiquée le long de la ligne d'une autre zone, une chose seulement peut arriver : il y aura une réduction de la quantité de crabes d'une zone à l'autre. Je ne veux pas empiéter sur la pêche des autres car ils se cantonnent à leur propre secteur, mais si l'on pêche proche d'une zone où la pêche n'est pas ouverte, il y aura une diminution de la prise chez nous lorsque notre saison commencera.

Il faudrait prêter davantage attention aux renseignements que les pêcheurs apportent au MPO, car ce sont eux qui possèdent l'expérience directe.

Nous continuons de craindre les effets de l'exploration sismique et gazière et pétrolière dans et aux alentours de notre zone. Comme mon collègue de Terre-Neuve l'a dit, la commercialisation juste et équitable pour tous est essentielle à la survie de cette industrie.

L'un des obstacles majeurs aujourd'hui est la commercialisation, si nous voulons obtenir une juste valeur pour notre produit. Avec l'augmentation des frais et la baisse du prix du poisson, toute l'industrie souffre. Le problème n'est pas tant une diminution des stocks qu'une détérioration des facteurs économiques.

Nous continuerons d'être proactifs et de collaborer étroitement avec les scientifiques et gestionnaires du MPO pour trouver des façons d'exploiter le stock d'une manière sûre et raisonnable, en faisant primer la conservation. Par exemple, il faudrait mettre au point des casiers qui laissent davantage de crabes à carapace molle au fond de l'eau, minimiser les dommages et promouvoir de bonnes pratiques de manipulation et de rejet à l'eau.

Comme M. d'Entremont l'a mentionné au sujet de son rapport, il nous faut être très proactifs à cet égard. Nous avons les meilleures connaissances scientifiques au monde. Cependant, le rapport indique que nous tuons presque tous les crabes que nous rejetons. Je ne suis pas sûr que ce soit bien vrai, mais il faudrait chercher activement à le déterminer. Nous tenterons de lancer un programme cette année pour déterminer quelle proportion des crabes que nous manipulons sont endommagés.

Dans l'intervalle, il faut faire très attention à la manière dont nous manipulons ces crabes. Simplement les jeter par- dessus bord en faisant route vers le prochain casier n'est pas la bonne méthode. Il faut manipuler ces crabes de rejet avec beaucoup de soin et ne pas les gaspiller. Nous en avons besoin pour alimenter la pêche de demain.

La clé de la viabilité à long terme de toute industrie, c'est la gestion. Lorsque toutes les parties ont un intérêt commun dans la santé du secteur et sont généralement d'accord sur les meilleures façons de gérer, la cogestion peut être très efficace et peut assurer la vitalité de l'industrie pour les générations à venir.

En résumé, la Zone 19 a toujours été proactive sur le plan de la gestion de notre pêcherie et notre adhésion sans faille à un accord de cogestion s'est avéré très bénéfique pour nous.

Je vous remercie de cette invitation à vous parler aujourd'hui de notre expérience concrète de la gestion de notre pêche.

Robert Haché, porte-parole, Association des crabiers de la Baie; Association des crabiers acadiens; Association des crabiers gaspésiens; et Crabiers du nord-est : Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité.

Je représente l'Association des crabiers de la Baie; l'Association des crabiers acadiens; l'Association des crabiers gaspésiens; et les Crabiers du nord-est, soit le sud du Golfe du Saint-Laurent, toute la région située entre la côte gaspésienne, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard, le Cap-Breton et les Îles de la Madeleine. Nous sommes situés au nord de la Zone 19.

[Français]

Si vous me permettez, je continuerai ma présentation en français.

Comme je le disais, je représente la majorité des pêcheurs de crabes de la zone 12 dans le sud du Golfe du Saint- Laurent.

D'ailleurs, certains dirigeants de l'association de pêcheurs m'accompagnent aujourd'hui. Ils sont ici dans la salle. D'abord, du Nouveau-Brunswick, Jean-Gilles Chiasson, de l'Association des crabiers acadiens, ainsi que Robert F. Haché et Peter Noël, des Crabiers du Nord-Est. Du côté du Québec, M. Marc Couture représente l'Association des crabiers gaspésiens. Est présent également, M. Daniel Desbois, de l'Association des crabiers de la Baie.

D'abord, un historique de cette pêche dans le sud du Golfe du Saint-Laurent.

La pêche au crabe des neiges dans la zone 12 a commencé au milieu des années 60. Les pêcheurs semi-hauturiers qui ont développé cette pêche venaient de subir les contrecoups financiers de deux crises majeures, soit un premier effondrement de la morue puis l'effondrement du sébaste du Golfe. C'est en se souvenant de ces expériences difficiles qu'ils s'opposeront, par la suite, avec autant de vigueur aux tentatives d'augmenter le nombre de permis et de casiers dans leur nouvelle pêcherie.

Au cours des 35 années qui ont suivi et jusqu'en 2003, la capacité de pêche dans la zone 12 se limitera à un maximum de 130 permis semi-hauturiers et de 30 permis côtiers, pour un total d'environ 800 pêcheurs professionnels dépendant de cette ressource, membres d'équipage compris, évidemment.

Cette flottille de pêche est constituée d'entreprises familiales enracinées dans les communautés côtières du nord du Nouveau-Brunswick, de la Gaspésie et de l'Île-du-Prince-Édouard. Depuis bien des années maintenant, l'économie de ces régions bat au rythme de cette pêcherie qui fournit des emplois à près de 4000 personnes en mer et sur la côte.

Après avoir connu des débuts difficiles et modestes, l'industrie du crabe du sud du Golfe a pris un essor important. Les départements ont augmenté de façon constante et ont atteint un niveau élevé, en 1982, soit plus de 30 000 tonnes. Cependant, peu après, en 1988, les captures ont rapidement chuté à seulement quelques milliers de tonnes, pour s'effondrer en 1989.

En 1990, confrontés à une crise majeure et en l'absence de nouvelles ressources à exploiter, les pêcheurs, les scientifiques et les gestionnaires du ministère se sont attaqués à la tâche de reconstruire le stock de crabes de la zone 12. Ils ont adopté des mesures de conservations vigoureuses basées sur un contrôle strict de la capacité de pêche, capacité qui sera délimitée, à ce moment-là, par la mise en place d'un système de partage du quota global de crabe en parts individuelles fixes pour chaque pêcheur. Ces mesures permettront rapidement de restaurer la ressource et de stabiliser la pêcherie.

Ces mesures de protection du stock et de la pêcherie sont encore suivies aujourd'hui, sauf celles applicables au contrôle efficace de la capacité et de l'effort de pêche. J'en parlerai un peu plus tard.

Dès 1994, les crabiers ont pris la relève du ministère dans le financement des activités de recherche scientifique en adoptant un programme de recherche dont le financement fédéral venait de prendre fin. C'est le fameux programme de recherche de croisière au chalut, dont vous parlait M. d'Entremont, en début de session.

Ces partenariats avec le ministère se sont poursuivis jusqu'en 2002. Au cours de cette période d'une dizaine d'années, les crabiers de la zone 12 ont investi au-delà de 10 millions de dollars dans les activités de recherche scientifique, de conservation et de protection, de gestion des stocks de crabes effectuée par Pêches et Océans Canada.

De plus, par souci de conservation, entre 1995 et 1999, les pêcheurs de crabes ont appuyé des réductions significatives de leur quota annuel, qui est passé de 20 000 tonnes métriques en 1995 à 12 600 tonnes métriques, en 1999.

Ce modèle de collaboration public-privé a pris fin abruptement en 2003, suite à l'ajout d'un nombre important de nouveaux intervenants dans la zone 12 puisque, selon le ministère, un nouvel accès était nécessaire, et je cite : pour réduire l'effort de pêche du homard et du poisson de fonds dans le sud du Golfe du Saint-Laurent.

Du jour au lendemain, le ministère a accordé environ 700 nouvelles allocations de crabes à des pêcheurs d'autres espèces. Le nombre de bateaux est passé de 160 à 393, soit une augmentation de près de 300 p. 100. Le nombre de casiers à crabes est passé de 18 560 casiers à 38 163 casiers, soit une augmentation d'au-delà de 100 p. 100.

Trente-trois organisations de homardiers et de morutiers se sont vus accorder chacune un siège à la table de gestion de la zone 12, réduisant la représentation des associations de crabiers sur un comité de 20 p. 100 de son niveau antérieur.

J'aimerais ouvrir une parenthèse, ici, pour commenter ce que M. Boland a dit tantôt, concernant les pionniers du crabe, à Terre-Neuve, les 90 pêcheurs qui, aujourd'hui, sont chez eux et font pêcher leurs crabes par d'autres. Ce n'est vraiment pas le cas dans la zone 12. Les 130 pêcheurs traditionnels sont toujours pêcheurs et actifs sur leur bateau. Ils sont ici aujourd'hui. Ceux qui ont commencé la pêche sont encore là, ou c'est leurs fils qui sont encore là.

Alors, c'est vraiment une pêche, quand on parle de capitaines prioritaires actifs, la pêche au crabe issu du sud du golfe. C'est un exemple probant. En même temps, j'en profite pour appuyer ce que disait M. Boland quand il suggère de renforcer la politique de capitaine propriétaire-exploitant et d'assurer que toute rationalisation ne permettra pas à des pêcheurs d'avoir des quotas qu'ils revendront pour des royautés à d'autres pêcheurs. Ce n'est pas la solution. Comme le dit le proverbe, le ministère ne doit pas prendre à Paul ce qu'il doit donner à Pierre.

Ainsi en 2003, chaque crabier s'est vu imposer une réduction permanente de 30 p. 100 de sa part historique négociée en 1990. Cette part historique devait garantir la viabilité à long terme de son entreprise et l'encourager à maintenir une éthique de conservation rigoureuse dans ses activités professionnelles.

Finalement, ces transferts de quotas de crabe à des pêcheurs non crabiers ont eu aussi des répercussions importantes sur la durée des emplois saisonniers dans les usines approvisionnées par ces crabiers. À titre d'exemple, les usines qui n'ont pas pu récupérer les quotas transférés à d'autres ont vu leur période d'emploi réduite, en moyenne, de trois semaines en 2004 ; ce qui est un impact important quand on considère qu'une saison de pêche au crabe dure environ huit à neuf semaines. C'est de là que vient toute la déstabilisation qui nous préoccupe tant et qui préoccupe les pêcheurs aussi.

En avril 1999, le vérificateur général du Canada concluait son rapport sur la gestion des stocks de mollusques et de crustacés de l'Atlantique comme suit, et je cite :

Nous avons remarqué des faiblesses importantes dans les pratiques de gestion que le ministère emploie pour atteindre ses objectifs pour la pêche des mollusques et des crustacés de l'Atlantique. Notre vérification a révélé des décisions qui vont à l'encontre de la stratégie des pêches de l'avenir du ministère, fondement même des critères que nous avons adoptés pour la présente vérification.

En outre, le ministère poursuit des objectifs sociaux qui ne sont pas définis à l'intention du Parlement ainsi que des objectifs économiques qui ne sont pas assortis d'aucun résultat estompé. Il est urgent que le ministère clarifie ses objectifs et qu'il élabore et mette en œuvre des stratégies propices à la durabilité globale des pêches des mollusques et des crustacés de l'Atlantique.

En réponse, le ministère entreprend, en février 2001, une vaste révision de sa politique des pêches de l'Atlantique. Cette révision est à l'origine du nouveau Cadre stratégique de gestion des pêches de l'Atlantique du Canada — rapport qui n'est pas le même que celui du CCRH. C'est un rapport différent qui a été adopté par le ministère en mars 2004. Il reste à compléter la Phase II de la révision de cette politique qui portera « sur la mise en œuvre du Cadre stratégique » et qui sera « guidée par la vision, les objectifs et les principes proposés par ce nouveau cadre ».

Le Cadre stratégique a reçu l'approbation unanime de l'industrie et des gouvernements provinciaux. Il met en évidence ce qu'il faut faire et ne pas faire si l'on veut opérer les changements qui sont nécessaires pour assurer la durabilité des stocks et des pêcheries de l'Atlantique. Naturellement, on se serait attendu à ce que le ministère s'empresse à mettre en pratique les sages directives contenues dans ce cadre. Or, il semble que cela ne soit pas le cas et que le ministère continue à alimenter les conflits et l'incertitude concernant l'accès et à maintenir son approche paternaliste à l'endroit des utilisateurs des ressources.

Je porte l'exemple suivant à votre attention. En mars 2005 et à nouveau en mars 2006, le ministère a annoncé qu'il prolongeait jusqu'en 2009 la surcapacité de pêche instaurée dans la zone 12 en 2003 — la surcapacité dont je vous parlais au début. Cette décision unilatérale n'a fait l'objet d'aucune consultation avec les crabiers de la zone 12. De plus, le ministère a appuyé cette décision sur le nouveau Cadre stratégique dont elle constituerait « la suite logique ».

Or, on remarque rapidement à la lecture des directives sur cette question d'accès aux ressources, que le cadre n'encourage personne à utiliser la ressource d'une pêcherie qui est en santé pour pallier aux déficiences d'autres pêcheries en difficulté. Au contraire, les directives indiquent que :

[...] dans certains cas exceptionnels, le ministre examinera la possibilité d'accorder un accès nouveau ou supplémentaire à une pêche donnée, si l'on constate une augmentation substantielle de l'abondance ou de la valeur au débarquement.

Or, le prix du crabe est en chute libre et le ministère sait très bien que le stock de la zone 12 va décliner de façon draconienne jusqu'en 2009. Je fais une parenthèse pour expliquer davantage le comportement du stock de crabes. C'est un stock qui se renouvelle par impulsion, qui comporte naturellement des phases d'abondance très importantes suivies de phases de déclin toutes aussi importantes. Sur une période d'une dizaine ou d'une quinzaine d'années, par exemple, un stock peut se retrouver, même si on ne le pêche pas, à avoir une biomasse de 60 000 tonnes et dix ans plus tard une biomasse de 30 000 tonnes. Donc, toute la question de la capacité de la pêche au crabe doit tenir compte de cet élément fondamental.

Le cadre stratégique offre plusieurs autres directives louables reliées à la résolution des problèmes de surcapacité dans les pêcheries de la côte atlantique. Permettez-moi de porter à votre attention certaines de ces directives, dont la première est : la mise en place d'un processus « décisionnel équitable, transparent et responsable », qui doit constituer « le premier pas pour parvenir à une méthode stable régissant l'accès et la répartition des ressources halieutiques » du Canada atlantique.

Cet aspect a été traité aussi par le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques dans le sens de la problématique qui est toujours soulevée à l'effet qu'il y a trop de politique mêlée à la pêche et qu'il faudrait que les questions d'accès et de permis soient traitées de façon plus détachées ou plus impartiales.

La deuxième directive concerne le développement de mécanismes « intégrant des règles claires et exécutoires pour l'entrée et la sortie des nouveaux venus telle que la règle du dernier entré, premier sorti ou l'établissement de seuils d'entrée et de sortie. C'est la meilleure façon qu'on a trouvée dans l'industrie pour essayer de maintenir un équilibre acceptable, viable, dans la gestion des ressources des pêches avec un groupe de pêcheurs qui sont les pêcheurs principaux.

Lorsqu'on se retrouve dans une situation où il y a une valeur beaucoup plus haute pour l'espèce ou que la biomasse augmente de façon importante, il y a des règles qui permettent d'ajouter des gens qui vont pouvoir tirer les bénéfices de cette pêche. Le cadre prévoit cette approche, ce qui est sage au lieu de faire ce qu'on a fait depuis des années, depuis toujours, profiter d'un moment où il y a une grosse biomasse pour ajouter du monde dans une pêcherie et des gens qui se retrouvent en banqueroute cinq ou dix ans après parce qu'il n'y a plus rien dans le fond.

Troisièmement, lorsque la formulation d'une « définition claire des niveaux de surplus ou de déclin des ressources qui représentent un changement substantiel relatif à l'abondance ou à la valeur du débarquement » des différentes ressources halieutiques au Canada. De trouver des critères ou des barèmes qui permettraient aux gestionnaires de pouvoir gérer ces situations de façon plus solide.

Quatrièmement, le développement de « politiques précises définissant le rôle du ministère » et la mise en place de mesures visant à « accroître la participation des titulaires de pêche commerciale à la prise de décision ». Les pêcheurs se sont toujours plaints de cela. Le ministère et ses fonctionnaires ont, et c'est reconnu dans leurs propres documents, une attitude paternaliste face aux gens qui font la pêche.

Finalement, la mise en œuvre de processus décisionnels « assujettis à des règles et à des modalités claires et cohérentes et perçues comme telles ».

Il y a quelques mois, nous avons soumis les deux considérations suivantes au ministère et lui avons demandé d'accélérer la mise en œuvre de la Phase II du Cadre stratégique de gestion, qui nous apparaît une activité extrêmement urgente et importante dans le contexte de nos pêches dans l'Atlantique. Je cite les deux points :

Que les disputes sur l'équilibre entre la capacité de pêche et la ressource disponible ne peuvent pas être réglées de façon isolée en l'absence des politiques, contraintes, critères et mesures appropriées; éléments qui doivent être élaborés au cours de la deuxième phase du développement du Cadre stratégique de gestion des pêches sur la Côte atlantique du Canada ;

Que le ministère procède dans les plus brefs délais à la mise en œuvre de la phase II.

Le document a été adopté en mars 2004. On est en mai 2006 et la phase II du cadre stratégique en collaboration avec les représentants de l'industrie et évidemment les provinces n'a pas encore débuté.

Le ministère n'a toujours pas répondu à notre demande, c'est pourquoi nous la soumettons pour considération au cours des discussions de ce matin. Je serai heureux de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : J'ai lu le rapport et ai été frappé par les taux de mortalité qui y sont mentionnés, la manipulation sur les navires, la hauteur de chute, et cetera. Cela est-il dû à la conception des navires? Chacun d'entre vous a dit que c'est le fait de navires pêchant d'autres espèces qui se lancent dans la pêche au crabe. A-t-on importé ces navires en provenance de ces autres pêcheries, des navires qui étaient peut-être conçus pour un autre genre de pêche et modifiés de quelque façon pour le crabe? Cela contribue-t-il à ce taux de mortalité, et est-ce que les navires conçus spécifiquement pour cette pêche réduiraient sensiblement le taux de mortalité?

M. d'Entremont : Le taux de mortalité n'est pas le même dans toute la région atlantique. Le rapport fait état d'une étude de la Memorial University qui indique que si l'on fait tomber le crabe de deux pieds de haut — et ce ne sont pas là des crabes à carapace molle mais des crabes à carapace dure — et si vous les gardez à l'air sans les placer dans l'eau immédiatement, il s'ensuit un taux de moralité élevé.

Dans le sud du Golfe, les pêcheurs ont enregistré de faibles prises, comme M. Haché l'a expliqué. Ils se sont vite mis à lever un casier à la fois et à relâcher les crabes immédiatement, et ils ont su adopter ce que j'appelle de bonnes pratiques responsables. Ainsi, les crabes sont relâchés sans qu'il y ait un si gros problème de mortalité. Même bon nombre des crabes à carapace molle survivent.

Mais il existe d'autres secteurs où nombre de ces nouveaux venus, je crois, étaient auparavant des pêcheurs de homard et les homards sont résistants. Lorsqu'on les remet à l'eau, ils survivent. Beaucoup de participants aux consultations étaient étonnés lorsque nous expliquions la mortalité qui résulte du maintien des crabes hors de l'eau ou de leur chute. Certains ramenaient des chapelets de casiers entiers — peut-être 50 pièges à la fois. Un crabe était hissé à bord et pouvait être jeté d'une hauteur de huit pieds dans la cale à poisson, et y restait de longues minutes, même des heures, avant d'être trié et rejeté à la mer. Une grande partie d'entre eux étaient morts ou mourants. Malheureusement, ces navires étaient des chalutiers non adaptés à lever un casier à la fois. Certains ont mis en place des tables de tri afin que, lorsque les casiers arrivent à bord, les crabes sont triés immédiatement et rejetés à l'eau avec beaucoup moins de mortalité.

Pour répondre à votre question, la leçon a bien été apprise dans le golfe. Lorsque la prise a décliné, ils se sont améliorés et ont compris l'intérêt de ces mesures. Cependant, dans d'autres zones, un même navire a dû passer rapidement de la pêche du poisson de fond à la pêche du crabe et les modifications voulues au navire n'ont pas été faites à temps. Cependant, cela commence à changer.

Le sénateur Cowan : J'ai été frappé par l'augmentation rapide du nombre des permis. M. Haché a indiqué — et quelque chose m'a peut-être échappé à cause de la traduction — que suite au marasme de la pêche du homard, tout d'un coup un grand nombre de pêcheurs ont afflué dans la pêcherie de crabe, qui commençait à être bien implantée à ce stade, avec des perturbations à la clé. Ensuite, lorsqu'on regarde les chiffres à Terre-Neuve et Labrador, il y là un nombre énorme de pêcheurs. Je me demande comment cela a été géré. Si cela a été géré, qui a pu s'établir et quels critères régissaient cela? Et aussi, qui a décidé comment les zones seraient délimitées?

M. Boland : Nous commençons à nous engager sur un chemin dangereux, particulièrement à Terre-Neuve. Au moment du moratoire sur le poisson de fond, on pêchait traditionnellement le crabe dans les baies de Terre-Neuve. Après l'effondrement de la pêche du poisson de fond, les gens ont commencé à pêcher plus au large. Nous allons même en dehors de la zone des 200 milles aujourd'hui. Ainsi, lorsque vous regardez l'explosion du volume des contingents, cela est lié à la taille du territoire qui est aujourd'hui exploité.

À Terre-Neuve aussi j'ai vu — mais ce n'est pas toujours le cas — de mauvaises pratiques de manutention. D'ailleurs, dans certains cas, les pires étaient certains des 70 pionniers de la pêche du crabe. Tout d'abord, ils avaient de plus gros navires et, deuxièmement, depuis le pont, ils jetaient leurs crabes de rebut dans le trou à poisson. Les pêcheurs soucieux de conservation ne font plus cela.

Sur un petit bateau, vous n'avez pas beaucoup de surface de pont. Le navire n'est pas assez grand. Par conséquent, lorsque le crabe arrive à bord, il faut le trier immédiatement et le rejeter à l'eau. Peu importe que vous soyez soucieux de conservation ou non, vous n'avez tout simplement pas la surface de travail pour faire autrement.

Lorsque nous organisions des programmes et ateliers d'éducation sur la bonne manutention du crabe dans les différentes collectivités, les plus susceptibles d'y participer étaient les nouveaux venus dans le secteur. Les anciens restaient chez eux car ils croyaient tout savoir et, d'ailleurs, le propriétaire du navire ne va même pas en mer. Il emploie un capitaine et un équipage à bord. Il ne va pas aux ateliers, et même s'il y allait, quelle différence cela ferait-il, puisqu'il ne va jamais en mer?

Encore une fois, l'étude est claire. Il y a une éducation à faire, mais à Terre-Neuve. En tout cas, je ne la limiterais pas à ceux qui ont le plus d'expérience, car je trouve aussi qu'il y a une certaine mentalité. Si nous ne sommes que 70 et que nous avons 100 millions de livres à prendre, pourquoi s'en faire? Il y a quantité de crabes, de toute façon, et donc davantage de possibilités de gaspiller.

Le problème actuel à Terre-Neuve est le taux de change plus que le marché. Prenez les 95 millions de livres que nous avons pêchés cette année à Terre-Neuve au taux de change de 2002 et nous n'aurions pas de problème. Voilà la réalité.

Quelqu'un prétend-il que la solution à Terre-Neuve est de laisser 70 pêcheurs garder pour eux pour 100 millions de dollars de produit et laisser disparaître le reste? Ce n'est pas nécessairement la solution non plus.

Nous pourrions conclure qu'à Terre-Neuve, aux faibles niveaux que nous avons actuellement, nous devrions être moins nombreux. Nous pensons qu'il existe un système qui permettrait d'atteindre ce résultat nous-mêmes, pour faire face aux cycles de baisse, sans que le contribuable en soit de sa poche. C'est à cela que nous voulons parvenir.

Le sénateur Adams : Nous avons le même problème que vous au Nunavut. Nous avons 26 localités. À l'exception d'une localité à l'intérieur des terres sur le continent, les 25 autres sont proches de la mer.

Depuis que nous avons le règlement des revendications territoriales de 1993, nous avons conclu un accord pour ce qui est de la prise future par les habitants du Nunavut. Depuis lors, le MPO a mis en place quelques politiques au Nunavut — depuis le détroit de Davis, la Division 0A jusqu'à la Division 0B, concernant le turbot. La Division 0B pêche principalement le turbot et un peu de crevette. Une collectivité a fixé des contingents pour le crabe.

Depuis le règlement de la revendication territoriale, nous avons une limite des 12 milles tout comme certaines autres provinces. Les locaux voulaient pouvoir pêcher des coquillages autres que la palourde. Certains habitants consommaient quelque chose dont je n'avais jamais entendu parler. C'est comme un homard, mais sans les pinces. Il y a une autre espèce que l'on appelle le concombre. Je ne sais pas si chez vous on connaît le concombre. Il y en a beaucoup par chez nous.

Le président : J'avais une serre jadis!

Le sénateur Adams : Il y a encore d'autres espèces.

Mais auparavant, le MPO doit faire une étude sur les espèces de mammifères qui vivent autour de la localité. Par exemple, il y a des phoques et des morses, et les gens les mangent. Il y a aussi beaucoup de baleines et de poissons.

Mon inquiétude c'est de les voir fixer des quotas allant jusqu'à 4 000 tonnes métriques. Nous avons 2 500 tonnes de plus cette année et 1 500 tonnes pour la Division 0B. Entre le turbot et la crevette, il y a environ 2 500 tonnes. Notre collectivité n'a pas accès à cette prise.

L'accord sur les revendications territoriales a créé le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, qui se concerte avec le MPO, et il n'a accordé qu'un seul permis à tout le territoire du Nunavut.

C'est la même chose pour la crevette. Des Européens viennent chez nous les pêcher, et pourtant il y a des gens chez nous qui doivent demander des permis pour remplir leurs quotas. Ils n'ont pas d'accès parce qu'ils n'ont pas d'équipement.

Des gens comme vous veulent se lancer en affaire. Vous dites que vous n'avez que 70 permis. Nous avons 26 localités et un seul permis de pêche au turbot et à la crevette. Voilà ce que la politique gouvernementale inflige aux nôtres. Comme vous, les locaux veulent pêcher mais ils n'ont pas accès à la ressource. Nous pourrions nous inspirer de la structure de votre organisation. Nous pourrions collaborer. Peut-être le gouvernement alors nous donnerait-il une politique différente.

Comment pouvons-nous assurer l'avenir des habitants du Nunavut? Autour des îles du nord de la baie d'Hudson, il y a davantage d'eaux côtières qu'autour de Terre-Neuve et Labrador, de la Nouvelle-Écosse, de la Colombie- Britannique et du Yukon combinés. Depuis la revendication territoriale, nous possédons 60 p. 100 des eaux du Nunavut, mais le MPO n'a même pas contribué un dollar à la recherche dont nous avons besoin.

Le président : Je ne sais pas quel témoin peut répondre à cette question, mais elle porte sur la gestion des zones et des ressources.

M. Boland : Croyez-le ou non, il y a des Terre-Neuviens qui vont pêcher dans la Division 0B, ce qui me ramène à quelque chose que j'ai évoqué tout à l'heure. Votre problème est que toutes les ressources au large de vos côtes appartiennent à quelqu'un d'autre qui les contrôle.

Le sénateur Adams : Oui.

M. Boland : Dans certains cas, ces propriétaires absents n'ont jamais rien investi. Ils ont obtenu ce bout de papier à un moment donné et s'arrangent pour le conserver éternellement.

Je connais des gens qui quittent Terre-Neuve et partent pêcher pour trois mois, mais pour obtenir accès au homard, ils doivent se rendre au bureau de quelqu'un et lui verser des milliers de dollars pour disposer d'une ressource publique. C'est l'un des plus gros problèmes que nous connaissons. Nous avons résisté à cela à Terre-Neuve, c'est sûr, et nous continuerons à résister.

Je ne sais pas si vous en avez entendu parler ici, mais l'an dernier notre gouvernement provincial a voulu introduire des quotas de production du crabe. Cela est devenu l'un des plus gros rackets de notre histoire, à tel point que même l'assemblée législative a été bloquée par des barricades plusieurs jours de suite.

Si vous regardez la situation dans le monde, l'an dernier l'Alaska a introduit un système de CIT et un système de quotas de production, et cela a été dévastateur. Les pêcheurs de l'Alaska reçoivent les prix les plus bas que l'on ait vu depuis les années 80. Les localités elles-mêmes ont été dévastées.

Quelqu'un a eu l'idée un jour que, au lieu de réduire le nombre des permis, on allait réduire le nombre des navires, ce qui n'a aucun sens.

C'est l'une des choses dont nous ne cessons de nous plaindre à Terre-Neuve. Premièrement, il faut changer la politique de séparation de la flotte. Ceux qui possèdent effectivement le navire, ceux qui sortent en mer avec leur navire, qui font le travail et prennent les risques, doivent être les bénéficiaires de la ressource.

Le président : J'essaie de comprendre. Nous parlons de contingents individuels transférables. C'est là le sujet.

M. Boland : Les gens appellent cela du cumul de permis ou des contingents transférables. Appelez cela comme vous voudrez.

Le président : Est-ce la même chose au Nunavut qu'à Terre-Neuve? Parlons-nous du même problème?

M. Boland : Le problème au Nunavut, et cela explique pourquoi les Territoires n'ont pas d'accès, c'est que quelqu'un, à un moment donné de l'histoire, a pu recevoir un bout de papier du MPO et acquérir une allocation au large du Nunavut, mais cette personne n'investit plus et ne pêche plus. Elle se contente de s'asseoir sur ce bout de papier. Si le sénateur du Nunavut veut réellement aller pêcher, il doit acheter un contingent à quelqu'un.

Le président : Où sont situés ces gens-là?

M. Boland : Un peu partout.

Le président : Un peu partout où?

M. Boland : Au Canada.

Le sénateur Watt : Parlez-vous également d'étrangers?

M. Boland : Oui. L'un des problèmes fondamentaux, c'est qu'il n'y a pas de stratégie. Une fois que vous recevez un bout de papier, il est à vous. Si vous arrêtez de pêcher et d'investir dans la pêche, vous contrôlez la ressource. Si vous gardez le contingent, c'est là le problème. C'est pourquoi ces gens du Nunavut ne peuvent obtenir crédit dans une banque.

Si vous possédez un navire au Nunavut, vous ne devriez pas être obligé d'acheter un quota de pêche pour la seule raison que quelqu'un détient le droit de faire un profit à partir d'une ressource publique, sans rien investir ni créer de richesse dans ce pays, hormis pour eux-mêmes.

Tant que l'on ne s'attaquera pas à ces problèmes, rien ne changera. La même chose est arrivée en Islande, en Nouvelle-Zélande et, dans une certaine mesure, en Colombie-Britannique. À Terre-Neuve, merci beaucoup, nous nous battrons jusqu'au bout pour ne pas nous engager dans la voie des contingents individuels transférables.

Le sénateur Adams : Monsieur Boland, vous avez raison. À l'époque du règlement de la revendication territoriale, nous pensions que le ministère des Pêches accorderait des contingents au Nunavut et donnerait accès à tout le monde.

Chaque année, en février, des organisations comme la Baffin Fisheries Coalition et le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, de même que le ministre, se voient bombardés de questions par les locaux concernant les Divisions 0A et 0B. Nous avons actuellement dix collectivités, et cinq d'entre elles ont accès à des quotas. Elles en ont demandé plus, mais ne les obtiennent pas. Cependant, la BFC va voir le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut puis appelle l'Europe pour leur dire qu'ils ont leurs quotas. Ensuite, ils demandent aux Européens quand ils seront prêts à revenir pour pêcher les quotas. La BFC vend les contingents aux étrangers et ces étrangers viennent chez nous et pêchent ces quotas. Je ne sais pas de combien ils sont.

J'ai entendu dire que c'est un contingent de 500 tonnes pour la crevette. Tout ce que nous demandons, c'est qu'au moins une partie de ces quotas reste chez nous. Les royalties non plus ne vont pas à la collectivité.

Le président : Vous avez entendu le ministre s'exprimer à ce sujet. Le ministre réalise qu'il y a là un problème et il nous a donné l'engagement d'essayer de le régler. Il comprend le problème.

Monsieur Haché, avez-vous le même problème en Gaspésie qu'au Nunavut et peut-être ailleurs?

M. Haché : Il y a certainement une différence entre la pêcherie de crabe du Sud du golfe et celle de Terre-Neuve. C'est évident. Dans le Sud du golfe, l'industrie est très active depuis 40 ans. Ce sont les mêmes qui pêchent là depuis toujours. Ils ont pêché selon un quota concurrentiel jusqu'à l'effondrement de 1989 et ont établi des contingents individuels comme moyen de restaurer la ressource.

Tout comme M. Boland l'a mentionné, nous aimerions rationaliser, mais nous voulons être sûrs que si nous le faisons, ceux qui obtiendront les quotas pourront pêcher et que les quotas n'iront pas à quelqu'un d'autre qui pourra les vendre contre redevance. La réalité est différente.

De manière générale, la notion d'accès est toujours la même. On est toujours confronté à une ressource limitée à laquelle habituellement un grand nombre de personnes veulent avoir accès. Il faut trouver une façon de gérer la situation de manière à se retrouver avec une pêcherie autonome, une pêcherie rentable et qui puisse payer pour les études scientifiques, et cetera, tout en autorisant la participation active d'un aussi grand nombre que possible d'habitants des collectivités côtières.

Le président : Qu'en est-il en Nouvelle-Écosse, au Cap-Breton?

M. Adams : Ce que nous avons maintenant dans la Zone 19 semble fonctionner relativement bien. Cependant, les nombreux coups que nous essuyons du côté de la mise en marché, avec des facteurs qui échappent totalement à notre contrôle, comme le dollar canadien, font que les choses deviennent de plus en plus difficiles. Nous nous faisons des cheveux gris à force de nous demander comment nous allons survivre.

Le président : Qu'en est-il des propriétaires non exploitants et de la détention des quotas par d'autres?

M. Adams : Certains autour de la table semblent aimer le système des CIT et d'autres non. Dans la Zone 19, nous les avons adoptés comme outil de gestion de la pêche et du contingentement. Je n'entrerai pas dans tous les détails. Vous devriez lire notre accord. Le quota ou la part que la personne reçoit chaque année est fonction du nombre de casiers. Le nombre des casiers dans l'eau détermine tout, à part les prévisions scientifiques sur l'abondance des ressources l'année suivante. Initialement, nous avions 1 480 casiers dans l'eau. Les pêcheurs temporaires ont demandé l'accès. Nous avons accepté de les recevoir et nous avons augmenté les casiers. Le total est maintenant de 1 699.

Le sénateur Cohen : Vous parlez-là des 73 nouveaux?

M. Adams : Oui, les 73. Le sénateur Cowan a dit qu'il est difficile de comprendre pourquoi l'accès au crabe des neiges est si large. Dans son cas, la chasse est libre à quiconque veut l'accès. C'est mon avis personnel. C'est ainsi depuis des années. Dans le cas des autres pêcheries, s'il n'y a pas une mentalité d'ouverture, vous êtes moins susceptible de frapper aussi fort à la porte.

Ce n'était pas une mauvaise chose. Personnellement, je suis l'un de ceux qui ont pu se lancer dans le crabe des neiges au début des années 80. Lorsque les stocks sont abondants, il arrive que parfois il n'y a pas assez de gens pour les pêcher, et c'est la nature de l'industrie. C'est le problème que nous essayons de régler dans la Zone 19. La pêche du crabe, c'est comme les montagnes russes. Vous les avez entendus dire que nous avons de grandes années, des années d'abondance et des années de pénurie, c'est dans la nature des choses. Il est difficile de gérer une pêcherie dans les années d'abondance car tout paraît beau et vous risquez d'ajouter beaucoup d'accès, comme cela a eu lieu, mais que faites-vous ensuite avec tout cet accès en période de déclin? Il faut gérer la pêche en fonction des années maigres. Ce quota individuel de casiers dans la Zone 19 donne de bons résultats pour nous.

Le président : Bien.

Le sénateur Watt : J'aimerais revenir au problème que vous avez soulevé, des détenteurs inactifs de permis ou de contingents, le fait que quelqu'un s'assoit sur ces papiers sans rien en faire. Avez-vous idée du nombre de ces permis inactifs?

M. Boland : Non. C'est difficile à quantifier. À Terre-Neuve, s'il n'y a pas une réduction de la flotte et si l'on ne remédie pas à la politique de séparation de la flotte, le risque est que le nombre aille grandissant. Si quelqu'un veut quitter l'industrie, il devrait pouvoir le faire, et ce de manière viable.

Le sénateur Watt : Et de transmettre.

M. Boland : Oui. Le problème des CIT — et nous en avons quantités d'exemples dans le monde — est qu'aujourd'hui on commence avec 50 navires. On peut réduire le nombre à 25 en période de fléchissement des prises, mais s'il subsiste 50 parts et qu'il n'y a que 25 navires sur l'eau, nous avons 25 personnes qui vendent leur ressource, mais pas de façon permanente. Certains contingents sont simplement loués. Cela n'est réellement bon pour personne. C'est la voie sur laquelle nous ne voulons pas nous engager.

À Terre-Neuve, nous pensons qu'une bonne façon de rationaliser, c'est sur la base d'un collectif. Si une flottille veut me racheter et que je pars, alors je lui transfère mes droits. C'est un peu plus rationnel sur une base collective. Le réel danger c'est que de plus en plus de gens vont garder les navires à quai et voudront avoir des équipages, mais continueront à détenir ce bout de papier. C'est ce qui s'est passé en Alaska cette année. Ils sont passés de 240 navires à seulement 80 en activité. Cependant, ils ont le même nombre de bouts de papier. Tant que l'on ne se résoudra pas à réduire le nombre effectif d'entreprises, ceux qui généralement font le travail à bord et prennent les risques se verront payer de moins en moins. Cela a des conséquences néfastes pour la conservation de la ressource et, très franchement, ce n'est pas une bonne façon de faire les choses.

Aujourd'hui, lorsqu'il y a un ralentissement de la pêche du crabe à Terre-Neuve parce que les contingents sont en baisse, je ne vois personne blâmer ni le gouvernement du Canada ni le MPO. Si vous fixez vos quotas à un niveau trop élevé, alors vous payer le prix vous-même lorsque la ressource chute. C'est un fait que le crabe n'est pas très gentil avec vous lorsque vous le surpêchez — non pas du point de but biologique, mais du point de vue commercial. Vous allez souffrir. Si vous devez diminuer votre quota de crabe des neiges, une réduction inférieure à 30 p. 100 ne changera rien. Dans certains secteurs, si vous ne prenez pas les mesures voulues, le crabe le fera pour vous, ce qui est encore plus dur.

Il y a une bonne façon de gérer cette situation. Il est très important pour nous d'avoir une stratégie de sortie de la pêche. Mais cela n'existe pas dans les milieux du MPO. Si vous ou moi avons jamais la chance d'obtenir un bout de papier qui vous confère un contingent, vous ne serez jamais obligé de quitter la pêche. Vous ne serez jamais obligé d'aller sur l'eau ou de posséder un navire. Vous pouvez détenir ce papier éternellement. Quelqu'un d'autre, qui prend le risque et fait le travail, paiera pour vous.

Le président : Et pourtant c'est une ressource collective.

Le sénateur Watt : On peut considérer cela un peu comme une assurance, si vous choisissez de l'activer dans le futur.

M. Boland : Absolument.

Le sénateur Watt : Ce n'est pas acceptable.

M. Boland : C'est le problème au Nunavut aujourd'hui. L'autre problème, c'est la géographie, le lieu où ils vivent. Il vaudrait mieux qu'ils soient plus proches de la capitale nationale ou de St. John's. Mais vous êtes dispersés dans le nord, vous criez dans le désert. Vous êtes trop loin pour protester et faire du bruit; aussi, on vous ignore, ce qui est scandaleux.

Le président : Je peux vous assurer que le sénateur Adams fait du bruit à Ottawa. Il a questionné longuement le ministre l'autre soir et il soulève des questions importantes aujourd'hui. Sachez aussi qu'il n'est pas seul. Ce n'est pas un problème qu'il vit seul. C'est un problème qui ne se limite pas au Nunavut et il va bien falloir y apporter remède.

Comme je l'ai déjà dit, le ministre comprend le problème et a donné son engagement de principe de réagir. Nous suivrons de près pour voir de quelle manière.

Le sénateur Hubley : Il est excellent d'obtenir des informations de première main lorsque nous parlons de pêche.

Tous, sans exception, vous avez isolé les problèmes, mais vous avez aussi identifié nombre de solutions, lesquelles peuvent varier d'un endroit à l'autre. Nous comprenons qu'il existe des différences. Cependant, vous avez pu nous dire ce qui devrait et peut être fait. Dans quelle mesure est-il difficile de porter cette information jusqu'à un niveau du système où elle déclenchera une action?

J'ai quelques questions ultérieures concernant le montant des crédits consacrés à l'information scientifique qui est requise et à la recherche faite pour votre compte. Est-ce que l'histoire de l'industrie est aujourd'hui considérée comme partie intégrante de cette information scientifique? Est-ce que l'histoire de la pêche au Canada est considérée comme une leçon du passé apprise? Enfin, avez-vous l'impression que vos préoccupations sont entendues et prises en considération par le ministère des Pêches et des Océans ou une organisation de pêcheurs qui contrôle la pêche dans votre région?

M. d'Entremont : Je vais répondre de manière générale. Étant donné le Cadre stratégique de gestion des pêches de l'Atlantique que le ministre a avalisé — et M. Haché l'a mentionné dans son exposé — et le fait que beaucoup de gens dans l'industrie appuient notre cadre stratégique pour la conservation, et si les changements proposés à la Loi sur les pêches sont apportés, tous les outils seront rassemblés pour parvenir aux résultats souhaités. Je crois que les outils seront en place, si bien que si l'industrie le veut et si le MPO le veut — et le ministre nous a envoyé une lettre approuvant notre cadre — alors les choses pourront et vont changer. Cependant, rien ne se fera sans que le MPO et l'industrie œuvrent de concert pour cela.

Le président : On nous a parlé d'éventuelles modifications de la Loi sur les pêches. C'est un aspect sur lequel nous nous pencherons plus tard. Pouvez-vous nous dire ce que vous avez entendu?

M. d'Entremont : Je ne suis pas juriste et ne puis entrer dans les détails, mais à notre sens les pêcheurs n'auront pas vraiment une influence sur la pêcherie tant que le ministre ne cèdera pas une partie de son pouvoir décisionnel au profit de l'industrie. Pour cela, il faut modifier la loi.

En outre, pour ce qui est des sanctions administratives, il y a double peine si vous imposez une amende à quelqu'un et le sanctionnez ensuite. Cela ne marche pas; il faut que cela passe par les tribunaux. C'est une façon de court-circuiter le système judiciaire et d'imposer des amendes immédiates et dures de telle façon que la peine corresponde au crime. Ce ne sont là que quelques exemples.

Comme M. Adams l'a mentionné, il faut modifier la loi de façon à ce que les accords de cogestion soient réellement exécutoires, ce qui forcera non seulement les pêcheurs à agir, mais aussi le ministère à agir. Je ne suis pas juriste, mais c'est ce que l'on nous a dit au ministère.

Le président : J'aimerais explorer plus avant cette question.

M. Adams : Je crois vous avoir entendu demander plus tôt comment les choses fonctionnent dans différentes régions ou si le message passe. Je ne peux vous parler que de ce que je sais. Oui, la cogestion vous donne une place à la table et votre voix est entendue dans ce groupe. Cela fonctionne bien pour nous. Cela ne règle pas tous les problèmes, mais nous travaillons avec les scientifiques, avec le MPO, avec le système et nous nous en portons beaucoup mieux. Je crois que l'industrie s'en portera mieux à l'avenir.

M. Boland : Pour ce qui est du travail scientifique, j'exprimerai les choses simplement. Nous avons une expression chez nous, les pêcheurs de Terre-Neuve : le travail scientifique du MPO se rétrécit jusqu'à l'excellence. En fait, il y a davantage de personnes qui font marcher les caméras dans cette salle aujourd'hui qu'il n'y a de scientifiques du ministère à Terre-Neuve travaillant à temps plein sur le crabe des neiges, et ces gens s'échinent à faire une évaluation de 100 millions de livres de crabe — je ne leur fais aucun reproche. Mais on en revient à ceci : vous ne pouvez prélever 450 millions de dollars sur le budget du ministère et compter qu'il fasse un bon travail.

Par ailleurs, je crois savoir que l'évaluation du poisson de fond de la Zone 2J3KL n'est pas terminée parce que l'un des navires est immobilisé. Il a des problèmes mécaniques. C'est assez parlant. Dois-je en dire plus?

[Français]

Le sénateur Corbin : J'ai quelques questions afin de clarifier certaines choses. Lorsque M. Haché a fait référence au rapport du vérificateur général datant d'il y a six ans et qui a donné suite à des améliorations d'attitude et des changements de vues politiques, il a cité entre autres, à la page 6 du rapport du vérificateur général, le passage suivant :

En outre, le ministère poursuit des objectifs sociaux qui ne sont pas définis à l'intention du Parlement, ainsi que des objectifs économiques qui ne sont assortis d'aucun résultat estompé.

C'est du langage bureaucratique. Que comprenez-vous dans cet énoncé du rapport du vérificateur général et pourriez-vous me l'expliquer dans un langage compréhensible ?

M. Haché : J'ai inclus cette phrase parce qu'elle faisait partie de la conclusion. Je ne la comprends pas dans son entier, mais je comprends la deuxième partie où il est fait mentions « des objectifs économiques qui ne sont pas assortis d'aucun résultat estompé ». Je la comprends de la façon suivante : par exemple, si on veut une industrie autosuffisante financièrement, il faut établir des barèmes économiques et financiers qui feront en sorte que l'objectif économique de l'autosuffisance des flottilles est atteint. Ces exercices ne sont pas encore faits au ministère des Pêches et des Océans. Cela a été fait de façon ponctuelle et isolée dans certaines flottilles, mais il n'y a pas eu d'exercice à ma connaissance.

Concernant les objectifs sociaux non définis à l'intention du Parlement, je ne sais pas ce que cela veut dire. On peut du moins comprendre de la Loi sur les pêches qu'il est clair que le ministère, lors de la prise de décisions, peut tenir compte d'objectifs sociaux et économiques. Il est certain que cela fait partie de la problématique.

Le sénateur Corbin : Par exemple, un objectif social valable a été d'ouvrir la pêche aux crabes aux pêcheurs de morues et de sébastes dont les stocks se sont effondrés. Cet objectif social avait pour but de leur fournir quand même un gagne-pain.

M. Haché : Exactement, et je ne pense pas que l'industrie s'objecte à cela, elle est très consciente. Par contre, en voulant trop aider, à long terme on nuit à la ressource. Il faut toujours faire attention, c'est toujours la même question. Quand je dis « balancer la capacité et la ressource », il y a les deux dans la capacité. Il y a la capacité d'avoir une industrie autosuffisante financièrement, mais aussi une industrie qui peut répondre aux besoins sociaux.

Le sénateur Corbin : Et ultimement on risque de provoquer l'effondrement des prix, ce qu'on veut éviter.

M. Haché : Oui, et ce sont tous des éléments importants à considérer. Ce que la vérificatrice générale semblait soulever ici, c'est que toutes ces choses ne semblent pas avoir été raffinées au point où elles pourraient l'être au niveau du ministère.

Le sénateur Corbin : Qu'arriverait-il si on excluait subitement les pêcheurs traditionnels de la pêche au crabe des neiges ? Quelle serait votre attitude, dans ce contexte d'objectifs sociaux qui vise à fournir un gagne-pain au plus grand nombre de gens possibles?

M. Haché : Il faudrait distinguer la flotte de pêcheurs de poissons de fond de la flotte de homardiers. Le ministère a mieux défini les besoins de la flotte de pêcheurs de poissons de fond qui a été affectée par le moratoire de la morue, et le manque à gagner était clair.

En ce qui concerne les homardiers du sud du Golfe, il est beaucoup moins certain que le manque à gagner soit aussi clairement défini. Mais de la même façon qu'on s'objecte à rajouter des permis de façon arbitraire, de la même façon on s'objecterait à en retirer. La logique s'applique dans les deux sens.

Le sénateur Corbin : Vous voulez dire que maintenant que les choses ont été faites...

M. Haché : Non, ce que je veux dire c'est qu'il faut arriver à un système d'évaluation des seuils qui permette de répondre à ces besoins en tenant compte d'abord de la ressource, ensuite de la viabilité de l'industrie et, enfin, de la possibilité d'aider et de fournir une participation plus large.

Il faut trouver des politiques et des critères qui ne sont pas évidents et c'est quelque chose qui n'a pas encore été fait. L'exercice est prévu dans la deuxième phase du cadre stratégique. On souhaite faire cet exercice le plus rapidement possible, régler ces questions de manière objective pour que par la suite les règles soient claires pour tout le monde.

Le sénateur Corbin : Vous iriez jusqu'à dire qu'il faudrait respecter d'abord et avant tout les droits acquis des pionniers de l'exploitation de cette pêche ?

M. Haché : Pour l'essentiel oui. Il faut garantir l'autosuffisance économique de la pêcherie. Il faut éviter de coincer les entrepreneurs au point où ils n'ont pas d'autre choix que d'aller capturer le plus de poissons possible parce qu'il faut payer les comptes.

Sans vouloir être trop négatif, je dirais que c'est lors de la leçon du poisson de fond, en 1992, que le ministère des Pêches s'est traîné les pieds. À l'époque, M. Cashin avait dit clairement qu'il fallait arrêter. M. Crosbie et M. Tobin, quant à eux, avaient dit : Who is speaking for the fish?

Il faudrait aussi se demander qui parle au nom de l'industrie, puisqu'il faut avoir une industrie qui soit autosuffisante économiquement. Rien n'empêche les autres choses de se produire, mais il faut que cela se fasse en fonction de priorités. Il faut savoir donner priorité aux choses qui, à long terme, feront en sorte qu'on aura une ressource prospère. Le crabe des neiges est le plus bel exemple de redressement de la ressource du sud du golfe.

Cette ressource s'était effondrée en 1990 et sans aide financière de personne, les gens ont adopté les nouvelles mesures de gestion et ont collaboré avec le ministère. En l'espace de quelques années c'est devenu une ressource en santé au point où des gens ont racheté les usines que les investisseurs avaient abandonnées et c'est là qu'ils ont réalisé qu'il fallait livrer un produit de qualité.

Bien évidemment, en 1995 le prix a augmenté parce que le produit livré au Japon était de meilleure qualité et aussi parce que les pêcheurs avaient vu toute la chaîne. L'évolution s'est faite de façon contraire à ce qu'on voit habituellement. C'est l'intégration verticale à l'opposé, c'est le pêcheur qui a récupéré l'usine et non l'usine qui a récupéré le pêcheur.

Voilà l'essentiel de ce qu'il faut comprendre quant à la question de l'accès et de la viabilité à long terme des pêcheries.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : On a parlé des effets du taux de change et du marché. Pouvez-vous me parler du marché du crabe des neiges, de la destination ultime, et de la commercialisation du crabe des neiges? Est-ce que des coopératives achètent ce crabe? Est-ce que Clearwater Seafoods achète le tout? Où finit par aboutir le produit?

M. Boland : Dans le cas de Terre-Neuve, ce sont généralement des transformateurs indépendants qui achètent. L'un des problèmes dans notre province, c'est que nous n'avons pas de stratégie commerciale collective. Cela ne fait aucun doute.

Certaines compagnies actives à Terre-Neuve contrôlent aussi un certain nombre d'usines de transformation dans les Maritimes.

Pour ce qui est du prix aux États-Unis cette année, les quartiers de crabe de Terre-Neuve se vendent généralement à 2,70 $ ou 2,80 $, comparé au prix record atteint il y a deux ans de 4,30 $, un prix qui ne pouvait durer. Vous aurez toujours ces pics et ces creux dans le secteur.

J'ai mentionné tout à l'heure que l'Alaska a introduit un système totalement différent dans sa pêcherie, et normalement le gros de sa production part au Japon. Cette année, avec une garantie pour 90 p. 100 de la production de leur usine, ils n'avaient pas besoin de livrer concurrence sur les quais. Ils ont fini par passer des contrats pour vendre sur leur propre marché intérieur à bas prix.

C'est une combinaison de choses. Nous sommes sans aucun doute à un prix plancher en ce moment sur le marché américain.

Le sénateur Cowan : Vous avez mentionné le Japon et les États-Unis. Est-ce que ce sont là les deux principaux débouchés du crabe des neiges?

M. Boland : Principalement, du moins pour ce qui est de la production de Terre-Neuve. Les États-Unis achètent le plus gros. Le Japon paye habituellement le meilleur prix, mais n'achète pas un volume aussi important.

Je pense que le marché partira dans la direction inverse dans un an ou deux. Le crabe est certainement à un prix aujourd'hui où il n'y a pas de résistance du consommateur. Si vous lui offrez une bonne qualité, il en aura pour son argent et la demande va augmenter.

Au printemps 2002, il en coûtait 1,57 $ pour acheter un dollar américain. Aujourd'hui, ce n'est pas plus de 1,12 $ ou 1,14 $, ce qui fait une différence considérable. Conjuguez cela au fait que le produit se vend à 2,80 $ ou 2,90 $ et vous voyez immédiatement le résultat. Le résultat à Terre-Neuve est une différence de 72 cents à quai.

Notre industrie est en proie à des problèmes structurels. Certains tiennent à la non-coordination de la mise en marché et d'autres à la façon dont nous débarquons le produit.

Cela dit, nous allons subir des changements, que cela nous plaise ou non. C'est une partie du problème. Si nous laissons faire les choses sans intervenir et sans prendre les bonnes mesures, nous allons nous retrouver avec un désastre. Un certain nombre de gens voudraient actuellement quitter la pêche à Terre-Neuve. Ils voudraient un mécanisme pour en sortir, mais cela n'existe pas. Je ne pense pas que le contribuable canadien le fournira. La seule autre façon évidente est que l'industrie, collectivement, trouve un moyen de le faire elle-même. Nous aimerions que ceux qui veulent s'arrêter puisse le faire dignement, puissent partir avec un peu d'argent qui les aidera à vivre. Nous aimerions que ceux qui restent, qui font marcher les navires et font le travail, obtiennent les contingents.

Malheureusement, à Terre-Neuve, les transformateurs rachètent aujourd'hui les contingents et les contrôlent sous le régime de ce qu'ils appellent des accords de fiducie. Mais il faut quand même des gens pour pêcher et faire marcher le navire. Les transformateurs exploitent le navire en mer et ceux qui paient pour cela sont les équipages. Ils touchent beaucoup moins. C'est un mauvais système. Ce n'est pas ce que nous souhaitons.

Avec une bonne planification, ce peut être fait. Il faut le faire, c'est indispensable. Certains au sein du ministère ne veulent rien faire. Ils préfèrent laisser aller les choses. Il existe beaucoup d'exemples, tant au Canada qu'à l'étranger, de choses que nous n'aimerions pas voir arriver à Terre-Neuve.

M. Adams : En ce qui concerne le golfe, comme M. Boland l'a mentionné, la majorité des usines auxquelles nous vendons notre prise ont été rachetées par des gens de Terre-Neuve. Avant cela, notre principal débouché était le Japon, ce qui signifiait que nous obtenions de meilleurs prix. Mais ces nouveaux propriétaires ciblent le marché américain parce que, pour je ne sais quelle raison, les États-Unis sont moins regardants quant à la qualité du produit. Bien que les Japonais trouvaient notre produit assez bon pour l'acheter, nous avons fini par vendre sur le marché américain. C'est une mauvaise affaire pour nous.

Le sénateur Cowan : Je sais à quoi ressemble un crabe lorsqu'il sort de l'eau. Est-ce qu'un produit uniforme sort d'une usine de transformation, que son propriétaire soit un local, un Japonais ou un Américain?

M. Adams : Les Japonais viennent directement à l'usine. Ils ont un représentant sur la chaîne de production. Ils veulent de la qualité, la crème de la crème.

Le sénateur Cowan : Qu'achètent-ils? Est-ce que ce sont des boîtes de conserve, ou du produit congelé?

M. Adams : Non, c'est du crabe entier. C'est une bonne question. Nous avons suivi nous-mêmes le marché et sommes allés au Japon en 1998. Un vieux dicton veut que les Japonais mangent avec les yeux. Lorsque nous étions là- bas, les crabes se vendaient jusqu'à 50 $ pièce. Cependant, un crabe dans la vitrine s'est vendu aux enchères pour 250 $. Je ne voyais aucune différence de couleur. Ils regardent la couleur et la texture. Bien sûr, ils veulent une chair de qualité, mais beaucoup tient à l'apparence de la carapace. Ils ne veulent pas y voir de bernacles. Ils aiment le crabe blanc et propre. Comme mon collègue l'a dit plus tôt, la longévité des crabes est réduite et avant de mourir ils deviennent verdâtres, tout comme nous grisonnons et perdons nos cheveux.

Le président : Ne parlons pas de cela.

M. Haché : La grande majorité des crabes sont vendus aux États-Unis, et une petite quantité au Japon. Il y a eu un changement sur le marché dans les années 90. Le Japon achetait beaucoup de crabes au début des années 90. Maintenant ils partent aux États-Unis, où ils sont vendus en quartiers. Les pinces sont enlevées et le reste est bouilli et congelé. C'est ce que l'on trouve sur le marché.

Il y a aussi du crabe entier, mais avec très peu de diversification dans les ventes. Dans le nord du Nouveau- Brunswick, nous avons une usine appartenant à des Japonais et il s'y fait beaucoup de choses. Ils font ce que l'on appelle le crabe « portefeuille » — le crabe entier se vend à un prix énorme. Pour les Japonais, l'apparence compte plus que tout.

Le président : Nous allons recevoir les fonctionnaires du ministère la prochaine fois. J'aimerais que nous réfléchissions tous aux questions que nous devrions leur poser. Trois aspects importants sont le Conseil des sciences, des sanctions telles que des amendes plus lourdes et les modifications à la Loi sur les pêches. J'aimerais avoir votre avis afin que nous ayons une idée des questions prioritaires à poser au ministère. Il faudrait traiter également des accords de fiducie et du problème soulevé par le sénateur Adams, celui des propriétaires de quotas inactifs.

Dans ce panier, il me semble que la question des propriétaires absents est importante pour certaines régions mais pas nécessairement toutes. Le fait que le ministre se décharge de ses responsabilités est un autre problème. La recherche scientifique est un problème grave que nous devons soulever également.

J'aimerais que nous réfléchissions tous pendant une minute car il faut que nous sachions quelles questions poser aux fonctionnaires ministériels lorsque nous les rencontrerons.

M. Haché : Une chose importante à réaliser est la deuxième phase du cadre stratégique que j'ai mentionnée dans mon exposé. Ce cadre est important. Il ne porte pas seulement sur l'accès. Moi et mes collègues, nous invitons votre comité à encourager le ministère à avancer avec la deuxième phase, car celle-ci permettra à l'industrie et au ministère de répondre à quelques questions très importantes relativement à l'accès et à la cogestion.

Tous les autres points que vous avez mentionnés, monsieur le président, sont précieux.

Pour ce qui est des propriétaires non exploitants et d'une stratégie de sortie, il faut distinguer entre les CI et les CIT et l'absentéisme. Il existe des programmes de CI où il n'y a pas de propriétaires absents, et ces programmes fonctionnent extrêmement bien à condition d'être fondés sur un seuil économique tel qu'un pêcheur dispose d'un contingent suffisant pour que son entreprise puisse être prospère ou profitable. C'est une très bonne approche et nous l'encourageons fortement.

Le président : Les CIT en soi ne sont donc pas nécessairement un problème.

M. Haché : Non. Les CI sont maintenant très bons. Les CIT sont également très bons comme mécanisme de rationalisation car ils permettent au titulaire de vendre son contingent à quelqu'un d'autre et de quitter la pêche sans qu'il n'en coûte rien au contribuable. Ensuite, la personne qui a acheté le quota doit être protégée par la Loi sur les pêches ou par le ministre de façon à pouvoir conserver la part qu'il a achetée pendant 20 ou 25 ans, afin de pouvoir construire une entreprise profitable.

Outre la notion de propriétaire absent, nous avons constaté un autre problème avec les programmes de CIT. Par exemple, dans les années 90, il y avait trop de pêcheurs de crevettes dans le golfe et on a mis en place un programme de CIT. Des pêcheurs du nord du Nouveau-Brunswick ont acheté des contingents à un prix assez considérable, et cinq ans après le ministère a décidé de partager la ressource gratuitement avec d'autres, ce qui a anéanti le programme, monsieur le président.

Il faut faire très attention. Il y a le problème des propriétaires non exploitants, qui se pose aussi bien avec les contingents qu'avec les permis. Vous pouvez avoir une pêcherie concurrentielle avec un gars qui possède un permis et ne pêche pas forcément. Par conséquent, il faut faire une distinction lorsqu'on parle de propriétaires absents et ne pas relier directement cet élément à une bonne approche de gestion de certaines pêcheries. Les CI ne sont pas appropriés dans tous les cas et il faut se montrer très prudent.

Le grand principe consiste à créer une pêcherie où un propriétaire-exploitant ou une entreprise familiale dispose d'un contingent suffisant pour produire de la prospérité et protéger la ressource pour l'avenir. Ce qu'il faut viser, c'est une flotte de propriétaires-exploitants comme celle que je viens de décrire.

Le président : Monsieur Boland, vous écrivez au catalogue Sears et vous avez une liste de souhaits pour Noël. Qu'inscrivez-vous en haut de la liste?

M. Boland : Dans le cas de Terre-Neuve, j'inscrirais en première place la question de la séparation de la flotte et la notion de propriétaire-exploitant. Cela figure déjà dans les principes de la Loi sur les pêches et de la politique. Mais si l'on ne va pas en appliquer l'esprit, pourquoi en parler là? Il faut appeler un chat un chat.

Un programme de rationalisation de la flotte de pêche de Terre-Neuve est indispensable. Je crois qu'il y a un rôle pour le gouvernement à jouer à cet égard. Mais on ne peut réellement engager un tel programme sans que la politique de séparation de la flotte ne soit réglée en même temps.

Encore une fois, il règne une confusion au sujet des CI et des CIT. Tout ce que je dis nous ramène à cela, indirectement. En ce qui concerne les CIT, bien entendu, si je m'en vais, alors mon contingent profite à tous les pêcheurs qui restent. Je suis parti, et donc chacun se portera un peu mieux. Le problème à l'heure actuelle, dans ce pays, c'est que nul n'est incité à vendre son contingent. Posez la question au ministère. Si je possède aujourd'hui un contingent et que je possède un bout de papier, je peux le conserver à jamais. Rien ne m'oblige à exploiter un navire qui m'appartienne ou à sortir en mer. Posez la question au ministère lorsqu'il comparaîtra devant vous, cela ne se fait tout simplement pas.

C'est le problème auquel est confronté le sénateur du Nunavut. En fin de compte, peut-être mettra-t-on vos collectivités dans le mélange, mais les autres gars resteront. C'est là le problème. La solution du problème n'est peut- être pas simple, mais c'est la direction dans laquelle il faut s'engager.

Il faut rétablir les crédits à la recherche scientifique afin de protéger les ressources. Je suppose que quelqu'un rétorquera que, quelle que soit la somme, elle ne suffira jamais et qu'il en faudra toujours plus. Certes, on ne peut pas régler tous les problèmes avec de l'argent, mais je crois que dans ce cas particulier on est allé trop loin dans le sens de l'austérité et qu'il n'y a plus assez de ressources pour faire le travail qui s'impose.

M. d'Entremont a bien résumé un aspect en disant qu'il suffirait d'une simple modification de la Loi sur les pêches relativement aux sanctions. L'une des choses les plus frustrantes pour les pêcheurs est que le Canada enverra un homme sur la lune avant que cela soit jamais fait par Ottawa. Nous, à Terre-Neuve, nous savons bien comment les choses se passent. Le sénateur Rompkey ne pourra jamais rentrer chez lui et expliquer autour de lui pourquoi cela est si difficile à faire. Il suffit de quelques mots sur un bout de papier, n'est-ce pas, sénateur Rompkey? Les gens ne comprendront jamais pourquoi cela ne peut se faire. Eh bien, cela n'a pas été fait, alors que c'est relativement simple.

Encore une fois, je crois que c'est important et illustre bien la difficulté à faire bouger les choses.

M. d'Entremont : Pour ce qui est de ma liste de souhaits, je pense que le CCRH dirait que le Conseil scientifique devrait être composé de pêcheurs et de scientifiques qui se concertent et se réunissent au moins une fois par an. Ce serait un lieu où parler de tous les problèmes différents : les pratiques, les données scientifiques, les évaluations. À bien des égards, le sud du golfe, auquel je ne cesse de me référer, a été touché à la fin des années 80 par une crise et les pêcheurs de là-bas ont beaucoup appris sur ce qu'il faut faire pour protéger leurs pêcheries et souvent il suffit de tirer les leçons de l'expérience. Comme je l'ai mentionné, dans nombre des autres secteurs, il n'est pas nécessaire de réinventer la roue, il suffit d'ouvrir une discussion.

Je pense donc que ce serait très utile. Beaucoup de gens auxquels nous avons parlé pendant nos consultations ne réalisaient pas que le crabe est si fragile et le taux de mortalité si élevé. Il y a donc un travail d'éducation à faire et cette mesure serait utile.

Il faut certainement modifier la Loi sur les pêches sur le plan des thèmes communs des sanctions et de la cogestion. L'industrie plaide à genoux pour des sanctions et la cogestion. Elle réclame des contrôles plus stricts. Elle réclame des règles plus strictes et veut avoir son mot à dire. Il faut que cela passe.

En ce qui concerne les plans de rationalisation, toutefois, ou quelles que soient les mesures prises, il faut pouvoir assortir la capacité à la ressource disponible. Nos pêcheurs doivent fournir au marché du poisson à un prix et d'une qualité comparables au reste du monde. Ils ont très peu de contrôle sur le prix du carburant, le taux de change et tous ces autres facteurs. C'est là un environnement très fluide, et cela doit être pris en compte et maîtrisé.

M. Adams : Je me fais l'écho de ce que mes collègues ont dit. En haut de ma liste de souhaits figure le rétablissement, à tout le moins, des crédits pour la recherche scientifique, mais le ministère en donne de moins en moins. Dans le cadre de la cogestion, c'est nous qui devons suppléer au manque et ce n'est pas facile vu le volet commercial. Nous aussi sommes à court d'argent. Il faut revoir cela de près et continuer à financer la science.

Nous avons été relativement silencieux sur le problème du pétrole et du gaz. La raison pour laquelle je l'aborde à ce stade est que nous cherchons à préserver jusqu'au moindre crabe pour l'avenir. Dans la Zone 19 en particulier, nous avons appris une grande leçon au cours des quatre dernières années. On veut faire de la prospection pétrolière et gazière dans notre zone et nous avons résisté. Le mieux que nous avons obtenu a été de faire un peu de travail scientifique en même temps que le travail sismique et les résultats ne sont pas très encourageants. Je ne sais pas si vous êtes informés de cela, mais ce sont les meilleures données que l'on possède. Il faut davantage d'éducation.

Il faut également s'attaquer à la question des propriétaires-exploitants, mais je ne sais pas à quel niveau. Certains pêcheurs de notre association sont opposés à tout changement parce qu'ils ont des accords de fiducie familiale lorsqu'un frère ou un oncle les a aidés, ou bien la banque. Il faut examiner cette situation de près et faire attention de ne pas mettre tout le monde dans le même sac.

Il se pose des questions au sujet du panel recommandé par le CCRH, celui sur l'accès aux licences. Nous avons quelques préoccupations très réelles. Là encore, il faut plus de discussions avant que l'on finalise le projet. Par exemple, les modifications de la Loi sur les pêches sont très importantes. Il faut donner plus de poids à la cogestion. Le ministre précédent, M. Regan, disait qu'il ne voulait pas avoir toute la responsabilité sur les épaules, il voulait en transmettre une partie. J'espère que le ministre actuel est du même avis.

Je finis avec le problème de la commercialisation. C'est l'élément clé. Si les usines de transformation dans toute l'industrie pouvaient se concerter, ce serait extrêmement utile. Nous avons eu une discussion à Terre-Neuve la semaine dernière sur ce sujet très important. Les uns ne peuvent vivre sans les autres et il faut faire quelque chose sur ce plan.

Le président : Je veux remercier les sénateurs de leurs questions. Nous avons eu une discussion utile. Je veux tout particulièrement remercier nos témoins d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Vous avez isolé des aspects que nous pouvons creuser davantage et nous le ferons. Nous espérons que nous publierons un rapport, au moins un texte court, très bientôt — peut-être au début de l'été. Nous espérons que vous en serez satisfaits.

La séance est levée.


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