Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 3 - Témoignages du 3 octobre 2006
OTTAWA, le mardi 3 octobre 2006
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit ce jour à 19 h 5 afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance est ouverte. Soyez les bienvenus, honorables sénateurs. Avant de commencer, j'aimerais, en votre nom, souhaiter la bienvenue à des étudiants de l'Université d'Ottawa qui sont ici et qui ont participé à un séminaire sur le droit de la mer. Je crois savoir qu'ils sont déjà venus nous voir et nous leur souhaitons la bienvenue une nouvelle fois. Je tiens particulièrement à souhaiter la bienvenue au ministre encore une fois.
Monsieur, vous étiez ici lorsque nous avons traité de la pêche au crabe et ce soir, nous allons parler de tout le reste.
Nous allons entendre la déclaration d'ouverture du ministre et ensuite, nous allons poser des questions. Notre sujet porte sur la gestion des pêches au-delà de la limite de 200 milles. Il s'agit là d'une bonne description de la question dont nous voulons traiter ce soir.
Monsieur le ministre, vous avez la parole.
L'honorable Loyola Hearn, C.P., député, ministre des Pêches et des Océans, Pêches et Océans Canada : Merci beaucoup, monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs. J'aimerais également souligner la présence des étudiants. Il est merveilleux de voir des jeunes gens montrer de l'intérêt pour ce que nous faisons. On pense souvent que très peu de gens sont intéressés, mais lorsque nous voyons de jeunes gens manifester un intérêt, cela nous réjouit parce que c'est très important. Un jour, nous allons compter sur eux pour prendre la relève. Je ne suis pas certain si le fait de nous voir à l'oeuvre les encouragera ou non, mais espérons que oui.
Je suis heureux de vous retrouver. Je suis accompagné ce soir de mon sous-ministre, M. Larry Murray, de Mme Michaela Huard, sous-ministre adjoint, Secteur des politiques, et de M. Paul Steele, directeur général, Direction générale de la conservation et de la protection. M. Steele a participé à la réunion de l'OPANO. Si au cours de la soirée nous abordons des détails techniques internes, il pourra certainement nous donner des observations de première main.
La rencontre de ce soir et les questions qu'étudie le comité tombent à point. Comme vous le savez, l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, ou OPANO, a tenu récemment sa première assemblée annuelle depuis ma nomination comme ministre. Je suis heureux de vous annoncer que le Canada a accompli des progrès réels et importants au cours de cette réunion historique.
Nous nous sommes rendus à la réunion de l'OPANO, prêts à aborder un certain nombre d'objectifs importants. Nous avions placé la barre très haut, et nous voulions collaborer à une véritable transformation de l'OPANO avec ses autres membres. Mais nous étions prêts à plier bagage si nous ne pouvions compter sur une collaboration sincère. Je suis heureux de dire que nous n'avons pas été déçus.
Notre but premier immédiat était et demeure de nous assurer que les mesures de conservation, de gestion et d'application de la loi à l'extérieur de notre zone économique exclusive, ou ZEE, sont aussi efficaces que celles que nous utilisons à l'intérieur de notre zone. Nous devons arrêter les personnes qui enfreignent le règlement et prendre des mesures pour les empêcher de récidiver. Le Canada sait qu'il est essentiel de le faire pour mettre un terme à la surpêche et soutenir la reconstitution des stocks visés par des moratoires. Et nous menons enfin la communauté internationale vers un régime de gestion des pêches en haute mer efficace.
Depuis mon arrivée à Ottawa il y a six ans, la surpêche, comme bon nombre d'entre vous le savent — et certainement les gens présents ici qui étaient assis de l'autre côté de la table durant la plupart de nos réunions le savent très bien — la surpêche dans le Nez et la Queue des Grands Bancs ainsi que dans le Bonnet Flamand, a toujours été une question que nous avons mise de l'avant tout le temps que nous avons été ici. Le comité permanent, dont j'étais membre, a rédigé quelques rapports importants sur cette question. Ici, autour de la table, vous avez également donné votre appui et participé à l'étude cette question. J'ai passé beaucoup de temps à discuter de cette question individuellement avec un grand nombre d'entre vous.
Nous avons toujours dit que nous pouvions faire des choses et que d'autres pays pensaient comme nous, mais quelqu'un devait s'efforcer de réunir tous ces pays ensemble. C'est ce que nous avons fait au cours des six derniers mois, nous avons passé beaucoup de temps à traiter avec nos partenaires internationaux, exposant essentiellement ce que nous appelons notre approche du gros bon sens.
Le monde est en train de changer. Les pays n'accepteront plus un abus flagrant des ressources ou la destruction des habitats. Les pressions viennent de toutes parts, de partout dans le monde. Comme les partenaires de l'OPANO, nous avions le choix soit de faire le ménage nous-mêmes soit d'attendre que quelqu'un nous oblige à le faire. Il est de loin préférable de prendre l'initiative et de le faire soi-même.
C'est le message que nous avons communiqué à nos partenaires, particulièrement de l'Union européenne, à quelques occasions au cours desquelles nous avons eu des réunions directement avec le commissaire. À la réunion de l'OPANO de la semaine dernière, non seulement nos partenaires, et en particulier l'UE, ne nous ont pas laissé tomber, mais ils nous ont donné un appui très ferme.
Je suis convaincu que nous avons fait des progrès. À la réunion de l'OPANO, nous avons réussi à intégrer certains éléments de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons, ou ANUSP, à la nouvelle convention de l'OPANO ainsi qu'aux mesures de surveillance et de contrôles renforcées.
C'est peut-être l'élément qui est passé sous silence dans les rapports des médias sur la réunion de l'OPANO. La plupart des articles ont porté sur les deux sujets chauds : la procédure d'objection et la façon de traiter avec les pays étrangers pour que les contrevenants soient sanctionnés.
Ce qui est passé inaperçu, mais qui deviendra apparent plus tard, c'est le fait que l'OPANO a intégré un très grand nombre de principes de l'ANUSP, concernant les données scientifiques pour l'établissement des quotas, l'écosystème et le principe de la prudence en lien avec la pêche, et cetera. C'est ce qui, à long terme, nous distinguera de beaucoup d'autres organismes régionaux dans le monde.
Le processus décisionnel a été modernisé. Par exemple, si un pays membre s'oppose au quota que l'OPANO lui a alloué, il ne peut pas simplement l'ignorer, comme il le faisait dans le passé. Il devra plutôt porter sa cause devant une commission indépendante et si sa plainte n'est pas justifiée, son quota demeurera inchangé.
De plus, les capitaines des bateaux qui présentent des rapports erronés sur leurs prises recevront l'ordre de retourner au port pour inspection immédiate. Voilà qui devrait largement décourager les gens sans scrupules. En effet, cette mesure leur porterait un coup dur, parce que ses conséquences sont monétaires. On estime qu'il en coûterait entre 60 000 $ et $210 000 $ pour se rendre à quai pour des inspections. Les propriétaires de bateaux y penseront sûrement à deux fois avant de trafiquer leurs livres.
Les membres de l'OPANO ont convenu d'élaborer des lignes directrices punissant plus sévèrement ceux qui enfreignent les règles et exigeant des États du pavillon, y compris les divers membres de l'UE, qu'ils imposent des amendes aux contrevenants, qu'ils suspendent leur permis, voire même qu'ils saisissent leurs prises illégales ou leur équipement. Il n'y aura plus « d'ignorance totale » des infractions. Finies les simples réprimandes. Une fois que nous aurons établi le cadre législatif de l'entente, les sanctions feront mal et seront proportionnelles à l'infraction. Pour nous, c'est là quelque chose d'extrêmement important.
Les membres se sont également mis d'accord pour régir davantage les prises accessoires et prendre des décisions axées sur la science, les écosystèmes et le principe de la prudence, comme je l'ai dit. L'activité de pêche sera restreinte à proximité des quatre monts sous-marins dans la zone réglementée par l'OPANO.
Des pressions énormes se font sentir partout dans le monde concernant des techniques de pêche comme le chalutage de fond et la destruction de l'habitat par l'utilisation de différents engins de pêche. Nous devons en être conscients et nous devons commencer à jouer un certain rôle de leader pour faire face à cette question. Il est certain que la conservation des monts sous-marins est un début, mais nous devons faire davantage.
Le dernier élément, mais non le moindre, de la nouvelle convention comporte une clause d'examen. Avec un peu de chance, nous n'aurons donc pas à attendre 30 ans pour la mettre à jour, si besoin il y a.
Je crois que nos progrès sont remarquables, et notre avenir semble beaucoup plus prometteur qu'avant. Le Canada est prêt à poursuivre le travail entrepris avec la communauté internationale en vue d'améliorer l'OPANO. La majorité de la population canadienne préfère collaborer avec la communauté internationale pour lutter contre la surpêche, à la condition qu'il y ait des résultats.
L'absence de mordant de l'OPANO semble diminuer, mais il reste à savoir dans quelle mesure. En effet, les nouvelles dispositions n'auront aucune incidence si les pays ne sont pas disposés à tenir leurs flottilles responsables en cas d'infraction. Mais le temps presse pour le Canada. Nous ne relâcherons pas notre vigilance et nous continuerons d'assurer une présence canadienne en mer et de participer aux délibérations. Nous avons dit que le ferions. Nous l'avons fait. Et nous mènerons ce dossier à bien.
Nous avons déjà commencé à tenir les flottilles hauturières responsables de leurs gestes. Plus tôt cette année, le Canada et l'UE ont entrepris des patrouilles conjointes dans la zone réglementée par l'OPANO, et cinq nouveaux noms se sont ajoutés à la liste des bateaux pratiquant la pêche illégale, non déclarée et non réglementée. Or, les pays membres de l'OPANO refusent l'accès à leurs ports et le ravitaillement à tout navire figurant sur cette liste. Ils leur ferment effectivement la porte au nez, sauf en cas d'urgence.
Récemment, les médias rapportaient l'histoire d'un certain pirate portugais qui se vantait de pouvoir pêcher ce qu'il voulait quand il le voulait. Une fois que son nom figurera sur la liste noire, il se peut bien qu'il soit capable de pêcher ce qu'il veut, mais il n'aura nulle part où débarquer ses prises. Cela le remettra à sa place, lui et ses semblables.
De même, nous tentons de collaborer plus étroitement avec certains membres de l'UE comme l'Espagne et le Portugal pour nous assurer d'un suivi systématique en cas d'infraction constatée pendant nos patrouilles. Nous continuerons à oeuvrer avec plaisir sous l'égide de l'OPANO si sa version renouvelée nous permet d'aller de l'avant rapidement pour assurer la gestion durable des pêches en haute mer et freiner la surpêche. Nous nous engageons à faire notre part pour favoriser le changement.
Comme ministre responsable des pêches et des océans au Canada, mes obligations ne se limitent pas à l'Atlantique Nord-Ouest, imaginez-vous, mais s'étendent également à la protection des stocks hauturiers du Pacifique Nord. En fait, lors d'une récente opération secrète, baptisée opération « filet dérivant », ou Driftnet, dans le Pacifique Nord, on a vu 27 bateaux munis de filets dérivants dont 12 en train de pêcher à l'aide de cet engin illégal. Il s'agissait d'un effort conjoint du MPO, du ministère de la Défense nationale et du National Marine Fisheries Service des États-Unis.
Nos récents succès concernant l'OPANO et l'opération « filet dérivant » ne sont que deux exemples des progrès que nous avons accomplis en vue de combattre la surpêche en haute mer et de mieux gérer nos pêches et nos océans. Et j'ai bien hâte d'ajouter à ces réussites.
Merci beaucoup. Nous avons déjà déposé une copie du rapport pour que vous y ayez accès. Si vous avez des questions, mes fonctionnaires et moi serons très heureux d'y répondre maintenant.
Le président : Je devrais d'abord présenter les sénateurs qui sont présents : le sénateur Cowan de Nouvelle-Écosse; le sénateur Comeau, leader adjoint du gouvernement au Sénat, également de la Nouvelle-Écosse; le sénateur Adams du Nunavut, mon voisin du nord; le sénateur Cochrane de Terre-Neuve, mon voisin du sud; le sénateur Campbell, de la côte Ouest du Canada, mon voisin d'extrême ouest; et le sénateur Hubley de l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a beaucoup de gens provenant des îles ici ce soir et beaucoup de gens qui connaissent la mer.
Le sénateur Comeau : En 2003, notre comité a recommandé que le Canada accorde une priorité élevée à l'étude des écosystèmes océaniques. Vous avez également parlé de cette question dans votre exposé en faisant allusion à la fois au Canada et à l'UE.
J'ai entendu dire récemment que l'UE avait soulevé la possibilité de nous causer des embêtements dans le domaine de l'industrie du phoque. On croirait que si l'UE examine les écosystèmes, elle voudrait naturellement regarder les conséquences des phoques sur l'environnement dans le cadre de l'écosystème; si vous avez trop de phoques, et de toute évidence, il n'est pas nécessaire d'en dire davantage sur cette question, c'est un problème.
Savez-vous si l'UE pourrait tenir un vote pour demander au Canada non pas de ne pas réglementer la population de phoques, mais de cesser la récolte? Si l'UE utilisait cette approche et tentait de poser des obstacles à l'exportation de nos produits de la mer, cela aurait des répercussions très négatives sur nos stocks de poissons.
M. Hearn : Oui, je suis très au courant de cela. En fait, il y a environ un mois, je me suis rendu à Bruxelles rencontrer le commissaire Borg pour préparer la réunion de l'OPANO. Pendant mon séjour là-bas, trois groupes différents, ou des personnes faisant partie de trois groupes, m'ont demandé de les rencontrer pour discuter de la pêche en général, mais surtout de la chasse au phoque. La première personne que j'ai rencontrée en Belgique était un membre du Parlement belge. Il prévoyait présenter une résolution demandant l'interdiction de la vente en Europe des produits du phoque en provenance du Canada et a demandé d'avoir cette rencontre parce qu'il se sentait un peu mal à l'aise face à cette résolution. Il avait hérité du projet de loi d'un autre ministre et le présentait parce qu'on s'attendait de lui qu'il le fasse; mais il voulait en savoir davantage sur la chasse au phoque. Je lui ai demandé où il avait obtenu l'information qu'il a utilisée pour rédiger le projet de loi et il a répondu que la seule information dont il disposait était celle qui provenait des groupes qui contestent cette activité.
Ce fut une conversation intéressante, à la suite de laquelle il m'a indiqué qu'il ne s'empresserait pas de faire adopter le projet de loi et il m'a suggéré que nous devrions avoir une discussion plus approfondie au niveau politique. De toute évidence, il est bien que nous ayons des fonctionnaires en Europe pour parler aux fonctionnaires européens ou américains, mais les gens qui votent sur ces questions sont les gens que nous devons rejoindre, de manière qu'ils sachent pourquoi ils votent.
Je sais que certains sénateurs présents ici aujourd'hui ont été mêlés à cette question, en particulier le sénateur Hubley. Nous en avons parlé et elle a amené la question sur la scène internationale. À cette conférence en Belgique, nous avons dit aux gens que nous étions prêts à encourager les membres de nos comités permanents à se rendre là-bas. De même, nous avons invité tout politicien des autres pays, non seulement à se rendre au Canada, mais à se rendre sur les lieux mêmes où la chasse se pratique. Je ne parle pas nécessairement du golfe, où les contestataires prennent des photos du peu de chasse au bâton qui reste dans la chasse au phoque, mais plutôt de venir au front et de rendre visite aux familles dont la subsistance dépend de la chasse.
Certains disent que les pêcheurs ne tirent que 5 p. 100 de leurs revenus de la chasse et qu'ils ne devraient pas se donner la peine de la pratiquer. Toutefois, si vous regardez les chiffres de cette année, et de nombreuses autres années, vous allez voir que cela représente beaucoup plus que 5 p. 100. Le revenu tiré de la chasse au phoque permet à de nombreuses familles de demeurer dans leur collectivité.
Cette année, le prix des pelleteries était bon parce que le marché était excellent. Seulement pour Terre-Neuve, le revenu a été de 13 millions de dollars, ce qui est beaucoup d'argent. À l'avenir, cela représentera beaucoup plus pour les régions nordiques, comme la région du sénateur Adams, étant donné ce qui est arrivé là-bas.
J'ai rencontré deux autres groupes, un qui appuyait notre travail. Un certain nombre de politiciens du dernier groupe, Écosse, Irlande et Espagne, ont exprimé leur appui. Le représentant de l'Espagne a dit que la société des vétérinaires et d'autres organismes indépendants disent qu'il s'agit d'une chasse durable.
Le sénateur Comeau : C'est une question d'écosystème. S'il n'y a pas de chasse, les phoques continueront de faire partie du problème global.
M. Hearn : Oui.
Le sénateur Comeau : Même le commissaire Borg de l'UE devrait être intéressé par cette question, parce qu'il ne s'agit pas uniquement du bien-être économique du Canada, mais également du bien-être de l'écosystème.
M. Hearn : Lorsque j'ai parlé à ce ministre du Parlement belge, ce qui l'a convaincu le plus a été notre discussion sur le fait que le Canada avait le plus important stock sauvage de morues du Nord dans le monde. Avant que le stock décline, lorsque la morue était à son apogée, nous avions environ 2 millions de phoques. Il nous reste maintenant environ 1 p. 100 de ce stock de morues et le troupeau de phoques se situe à plus de 6 millions de bêtes. L'écosystème est complètement déséquilibré. Aujourd'hui, nous voyons des phoques remonter les rivières pour chasser la morue ou le hareng. Cela ne se produit pas uniquement à Terre-Neuve, à l'Île-du-Prince-Édouard, au Québec ou au Nunavut, mais également sur la côte Ouest. À moins que nous rétablissions un équilibre, nous aurons d'autres problèmes sérieux avec nos autres stocks de poissons sauvages.
Le sénateur Comeau : Parlons d'un sujet légèrement différent; en 2003, le présent comité a proposé qu'étant donné que le Canada est un des principaux bénéficiaires des stocks de poissons qui se trouvent au-delà de la limite de 200 milles et que c'est vraisemblablement le pays qui contribue le plus à la gestion de ces stocks, il devrait avoir une voix plus importante au chapitre qu'un simple vote parmi les autres pays. Le comité a laissé entendre que le Canada devrait jouer un rôle accru ou avoir une responsabilité accrue dans la gestion et l'administration de ces stocks. Est-ce que cette question a été discutée avec nos homologues en Europe et dans d'autres pays qui pratiquent la pêche dans ces eaux? A- t-on exprimé un appui favorable quelconque à l'idée que le Canada joue un rôle accru?
M. Hearn : Nous n'avons pas encore parlé du fait que le Canada devrait avoir un mot plus important à dire — nous avons déjà un mot important à l'heure actuelle. Le Canada est respecté et nous obtenons la plus grande partie de ce que nous demandons. Lorsque j'ai rencontré certaines personnes, y compris le premier ministre de notre province, avant d'aller à la réunion de l'OPANO et que j'ai décrit ce que nous espérions obtenir, tout le monde a dit que c'était très bien, mais que personne ne parierait 1 $ que nous obtiendrions la moitié de l'objectif que nous nous étions fixé. Mais nous l'avons fait, à cause du haut degré d'estime dont jouit le Canada et du degré de contrôle que nous exerçons sur les stocks de poissons, et ainsi de suite. Nous avons fait notre travail en prenant le rôle de chef de file au cours des années pour protéger ces stocks.
Quant à savoir si le Canada devrait exercer un contrôle à l'extérieur de la limite de 200 milles, c'est une question difficile. Nous essayons de transformer l'OPANO au point où la pêche est aussi bien gérée, sinon mieux, à l'extérieur de la limite de 200 milles qu'à l'intérieur. C'est là la question primordiale, et le fait d'essayer d'obtenir que nous ayons un mot plus important à dire ou une influence plus grande aurait, à notre avis, suscité une réaction négative dès le départ et aurait détruit nos efforts. Nous avons démontré que nous le faisions pour tout le monde. Notre message, c'était que nous ne faisions pas cela uniquement pour Terre-Neuve ou pour le Canada, mais également pour la pêche en général et pour les pays qui dépendent de cette industrie, pour l'OPANO, et pour le message de leadership que cela envoie dans d'autres parties du monde, au moment où nous traitons avec des gens au sein du Groupe de travail sur la haute mer, par exemple. Si nous donnons l'exemple, alors les autres vont suivre. Si nous sommes perçus comme faisant cela pour notre seul avantage, alors, nous n'obtiendrons pas la collaboration nécessaire et rien ne se fera.
Nous sommes sur la bonne voie et les signes à l'échelle internationale sont positifs. Nous allons continuer dans cette direction tout en nous assurant de nous occuper de nos intérêts.
Le sénateur Comeau : Ai-je encore quelques minutes?
Le président : Oui.
Le sénateur Comeau : Vous avez dit dans votre exposé que vous aviez eu des discussions bilatérales avec l'Espagne et le Portugal. Cela m'a étonné, parce que l'UE est l'interlocuteur du Canada pour ce qui est de l'industrie de la pêche dans l'UE. Êtes-vous encore en mesure de subdiviser l'UE pour avoir des discussions bilatérales?
M. Hearn : Oui. Toutefois, nous ne le faisons pas pour contourner l'UE ou pour essayer de contourner l'autorité; en fait, nous le faisons avec la bénédiction de l'UE. Un des défis du groupe exécutif de l'UE, le commissaire Borg et ses fonctionnaires, c'est de garder les États membres dans le rang. L'Espagne et le Portugal — mais l'Espagne en particulier — ont d'énormes flottilles de pêche partout dans le monde. Mais certaines des flottilles espagnoles travaillent à partir de plus petites localités de pêcheurs où l'entreprise de pêche contrôle la collectivité. Nous voyons cela de plus en plus avec les entreprises de pêche d'aujourd'hui. Elles sont plus puissantes que les gouvernements locaux. C'est ce qui explique pourquoi nous avons eu cette attitude cavalière de la part du représentant du Portugal, à savoir que nous connaissons les règles et savons comment les enfreindre; et il l'a fait. C'est le genre de personnes que nous devons faire rentrer dans le rang; mais les gouvernements locaux ne pouvaient pas faire cela. C'est là que le gouvernement de l'État membre en question, appuyé par l'autorité de l'UE, doit intervenir. Cela pourrait permettre de freiner ce genre d'attitude.
Nous avons établi une bonne collaboration, particulièrement avec l'Espagne qui a fait preuve de beaucoup de leadership. Quand nous avons arraisonné des bateaux et relevé des infractions, l'Espagne a ordonné à ces navires de retourner en Espagne et a invité notre personnel à venir en Espagne pour contrôler le déchargement. Les problèmes que nous avons eus se situent au niveau local avec les capitaines de bateau, mais certainement pas avec le gouvernement.
Comme je l'ai mentionné, l'une des membres du comité des pêches espagnol a fait son possible pour rester sur place et bavarder. Il y a deux ou trois jours, j'ai rencontré notre ambassadeur en Espagne qui dit le plus grand bien sur la façon dont ce pays suit la gestion des stocks de poissons au Canada. Lors de la première semaine dans mes fonctions de ministre, des employés du ministère des Affaires étrangères ont reçu un appel téléphonique de leurs homologues espagnols leur demandant les intentions du « nouveau gars » pour avoir des précisions sur ce que nous voulions dire par avoir plus de contrôle sur les pêches.
Nous sommes en train de négocier un accord de coopération avec l'Espagne sur la science. L'un des points soulevé était qu'il y a 13 pays dans l'OPANO et que beaucoup de ces pays travaillent individuellement dans des domaines qui les intéressent tous. Pourquoi dépenser de l'argent? Nous ne pouvons pas nous le permettre. Nous savons tous qu'il y a de très grandes lacunes au niveau de la science; nous essayons donc de nous concentrer sur ce qui doit être fait, puis le faire aussi bien que possible et collaborer quand c'est possible.
Je suis assez satisfait sur la façon dont les choses se déroulent.
Le sénateur Cowan : Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous revoir. Nous sommes encouragés par votre enthousiasme suite à la réunion tenue à Halifax et nous espérons qu'il est justifié.
La commission nommée par votre prédécesseur a déposé un rapport il y a un an. Un rapport très négatif au sujet de l'OPANO sur sa capacité à se transformer ou à subir une réforme. Le rapport recommandait de remplacer l'OPANO par un autre organisme. Lorsque vous êtes venu nous voir au printemps, vous aviez un avis différent, si je me souviens bien, et vous pensiez que l'on pouvait faire quelque chose de l'OPANO. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous continuez à penser qu'il vaut mieux transformer l'OPANO que de la remplacer?
M. Hearn : Je crois tout simplement aux sanctions. Il y a des années que nous disons haut et fort que nous devons éliminer la surpêche, les fausses déclarations et la surexploitation de notre plateau continental, comme nous l'appelons. Et c'est bien notre plateau continental même s'il se trouve dans des eaux internationales. Nous avons dit clairement à des pays comme l'Espagne, le Portugal, l'Angleterre et la France que, bien qu'ils aient le droit de pêcher dans ces eaux puisqu'ils y étaient avant que nous ne fondions notre pays, cela ne leur donne pas le droit de surpêcher ou d'épuiser des ressources qui nous appartiennent à tous.
À partir de ce principe, dans les discussions que nous avons eues avec d'autres pays, quand je faisais partie du comité permanent, la Norvège se démarquait et dans une certaine mesure l'UE, certains membres ont exprimé leurs préoccupations car ils rencontraient dans leur zone territoriale les mêmes problèmes que nous avions. Les Écossais vous diront qu'ils avaient beaucoup de ressources jusqu'à l'arrivée des Espagnols et des Portugais. Les Anglais vous diront la même chose. Les Norvégiens et les Islandais ont aussi eu leurs batailles, ces derniers ont envoyé des canonnières pour faire fuir des bateaux de leurs eaux territoriales.
J'ai toujours pensé, et je l'ai dit plusieurs fois dit publiquement, que nous étions soutenus à l'étranger pour faire ce qu'il convient de faire, mais il fallait concentrer ces efforts et quelqu'un devait rassembler les pays. C'est l'objectif que nous nous sommes fixés. L'autre option étant de se retirer de l'OPANO et de continuer seul, et beaucoup de gens nous ont encouragé le faire. Cependant, si nous nous retirons de l'OPANO, nous ne serions plus membre de l'organisation qui fixe les quotas dans les eaux internationales. Nous sommes les plus grands bénéficiaires et nous payons bien sûr la plus grande partie des coûts; par exemple en ce qui concerne la limande à queue jaune, je crois que le Canada reçoit 97 p. cent des ressources de ce poisson.
Nous devons collaborer avec d'autres au règlement de ces problèmes. Que faire si nous sommes à l'extérieur de la limite de 200 milles? Y allons-nous avec des canonnières? Tout d'abord, lesquelles? Deuxièmement, si nous le faisons, nous attirerions l'attention internationale et je pourrais passer à la télévision comme si j'étais un héros; et les tribunaux nous diront que nous n'avons aucun argument valable et qu'il nous faudra rendre tout que nous avons pris. C'est déjà arrivé. Ce n'est pas comme ça qu'il faut s'y prendre.
Les recommandations de l'autre commission étaient probablement faites par dépit. J'ai dit, et je pense que nous l'avons tous dit, que l'OPANO ne faisait pas son travail, qu'elle n'avait pas les moyens et les pouvoirs requis pour faire ce travail, et qu'elle essayait de contenter tout le monde. C'est ça qu'elle est arrivée à cette situation, sauf que cette année nous avons envoyé une équipe bien préparée. Il y a longtemps que nous étudions le dossier et nous savions ce que nous voulions. Nous n'avions pas l'intention de nous rendre là-bas simplement pour se battre pour du poisson.
Beaucoup de pays se présentent à l'OPANO pour se battre pour du poisson, ils veulent leur part et se demandent ce qu'ils doivent faire pour en avoir plus. Nous y sommes allés pour demander une réforme et nous avons reçu pas mal de soutien. Donc, l'OPANO est aujourd'hui très différente de ce qu'elle était il y a trois semaines.
Si nous n'avions pas été incapables de faire quoi que ce soit à l'OPANO, nous serions en train de dire : ils avaient bien raison; ça ne peut pas marcher. Il y a toutefois une différence entre entendre des personnes dire que ça ne peut pas fonctionner et s'en rendre compte soi-même. Nous pensions que ça pouvait fonctionner et je crois que nous l'avons prouvé. Voilà où est la différence.
Il est possible que jusqu'à cette ultime tentative, beaucoup de gens pensaient qu'il ne serait pas possible de transformer l'OPANO. Comme je l'ai dit, beaucoup d'autres gens pensaient comme nous, mais personne n'a essayé de faire quelque chose. Je ne suis pas en train de dire que le Canada a tout fait tout seul. Beaucoup de choses se passaient sur la scène internationale et certainement au sein de l'OPANO qui poussaient les gens à mieux user de leur jugement et utiliser une meilleure science pour faire les choses correctement. Soit vous faites les choses correctement soit, dans ce genre de monde, on vous obligera à les faire correctement, ce qui est beaucoup moins agréable.
Le sénateur Cowan : Parlez-nous des nouveaux règlements concernant les sanctions. Nous avons tous entendus parler de pays et de compagnies qui se fichent de l'OPANO et des pressions internationales et cela impunément. Donnez-nous une idée de ce que sont les nouveaux règlements et comment pouvons-nous être sûrs qu'une fois établis ils seront mis en vigueur. Comment pensez-vous que cela va évoluer?
M. Hearn : Je vais vous dire l'essentiel, puis quelqu'un pourra intervenir et vous donner des détails.
Par exemple, nous avons trois bateaux régulièrement au nez et à la queue et au Bonnet Flamand. Il y a deux semaines, cinq bateaux étaient au nez et à la queue du Grand banc. Deux étaient les nôtres, un autre était un patrouilleur de l'UE et seulement deux étaient des chalutiers.
Le nombre de bateaux qui se trouvent là-bas à un moment donné varie entre un minimum de deux ou trois et un maximum de 23 ou 24 pour cette année. Il se peut qu'il y en ait trente à un certain moment; je ne suis pas sûr; mais en général, la moyenne varie entre six et quinze bateaux chaque jour.
Comment le savons-nous? Tous les bateaux de l'OPANO qui pêchent dans cette région sont maintenant dotés de systèmes de contrôle — une sorte de boîte noire, ainsi que nous l'appelons localement. Je peux faire un appel à notre Garde côtière ou à mon propre bureau régional et dans les cinq minutes qui suivent je peux vous dire le nombre de bateaux qui se trouvent au nez et à la queue et au Bonnet flamand, quel pavillon ils battent, leur nom, ce qu'ils pêchent, et cetera. Nous avons établi un contrôle aussi détaillé.
Nous effectuons des survols assez régulièrement au cas où quelqu'un décide de mettre hors service la boîte noire ou de faire quelque chose d'autre. Nous avons trois bateaux qui surveillent constamment cette zone. L'UE a aussi un bateau dans cette zone.
Le sénateur Cowan : S'agit-il de bateaux de la Garde côtière?
M. Hearn : Oui, ce sont des bateaux de surveillance des pêcheries de la Garde côtière. Je vous donne un exemple. La dernière importante infraction que nous avons eue a été commise au mois de mars, juste avant Pâques. Nous avons remarqué sur notre moniteur un bateau espagnol se dirigeant vers une zone où il y avait de la plie canadienne, une espèce visée par un moratoire. Nous avons intercepté, attrapé le bateau en train de pêcher illégalement et nous avons contacté l'Espagne. En fait, nous avons d'abord contacté le bateau de l'UE qui est venu vérifier ce que nous avons fait. Nous avons ensuite contacté l'Espagne qui a ordonné au bateau de retourner en Espagne et qui nous a aussi invité à envoyer nos surveillants dans le bateau pour assurer que rien ne se passe pendant le trajet.
Lorsque, avec l'entière coopération, nous sommes allés en Espagne, le capitaine du bateau — cela se passe encore une fois dans des petites villes et implique de puissantes compagnies — a refusé de décharger. Nos observateurs sont restés sur place, ils ont attendu une semaine et rien n'avait été encore déchargé. Nous avons attendu. Ils ont dit que Pâques approchait et qu'ils ne voulaient pas décharger pendant Pâques, en pensant que nous rentrerons chez nous. Nous avons attendu. À la troisième semaine, ils ne voulaient toujours pas décharger en sachant que tôt ou tard nos observateurs partiront. C'est ce qui s'est passé, nous les avons ramenés à la maison, mais pas avant de les remplacer et en faisant bien savoir aux pêcheurs que nous pourrions attendre trois semaines, trois mois ou trois ans sur le quai jusqu'à ce que le bateau soit déchargé. Ils ont déchargé le bateau, ils avaient du poisson pêché illégalement et l'Espagne a pris des mesures.
Ce genre d'attitude a porté ses fruits; nous leur avons montré que nous étions sérieux. Nous maîtrisons bien la situation. Auparavant, nous donnions un avertissement comme un avertissement donné par un policier sur une autoroute. Si vous faites de la vitesse de tous les jours et que les gendarmes vous donnent un avertissement, rien ne vous empêchera de continuer à faire de la vitesse. Des pays, comme l'Espagne, ont commencé à prendre des mesures, d'autres pas encore. Nous ne pouvions rien faire. Le bateau restait là, pêchait, retournait dans son pays, déchargeait puis revenait pour pêcher à nouveau.
Maintenant, dès que nous constatons qu'un bateau présente un rapport erroné, ce qui comprend beaucoup de ces infractions importantes, il doit immédiatement retourner au port. Maintenant, il peut recevoir l'ordre de retourner dans son pays, certains se plaignent car il retourne dans son propre port; mais pour un bateau à demi chargé en pleine mer qui doit soudainement retourner dans son port, c'est un coup dur au point de vue monétaire, comme vous le savez bien. En raison du prix du carburant, du prix du poisson, de la concurrence et tout le reste qui existe aujourd'hui, la pêche ne rapporte pas beaucoup d'argent et les pêcheurs ne peuvent pas se permettre de retourner à leur port avec un bateau chargé à moitié ou moins.
Non seulement, le bateau doit retourner à son port, il peut recevoir l'ordre d'aller dans n'importe quel port de l'OPANO, en fait dans n'importe quel port.
Le sénateur Cowan : Qui décide, monsieur le ministre?
M. Hearn : C'est le pays concerné qui décide. En fait, si le bateau doit retourner à un port et si nos employés, les nôtres ou ceux de l'UE, en fait ceux qui procèdent à l'arrestation, si je puis dire, ou montent à bord du bateau et découvrent des divergences ont le droit soit de rester à bord du bateau et d'obtenir des preuves en apposant des scellés sur les cales, par exemple, soit de rester pour s'assurer que les preuves ne sont pas altérées.
Dès que le bateau est au port, le poisson doit être déchargé et vérifié. S'il est avéré qu'une personne a présenté un rapport erroné ou que l'espèce est visée par un moratoire, soit un rapport erroné, le pays concerné n'a alors pas de choix et doit prendre une mesure. La mesure doit être appropriée, sinon le pays ne s'en tire pas sans conséquence. Cela n'existait pas auparavant.
Le sénateur Cowan : Ce sont les améliorations aux sanctions que vous avez mentionnées.
M. Hearn : Absolument. Je crois que le sous-ministre veut ajouter quelque chose.
Larry Murray, sous-ministre, Pêches et Océans Canada : Je veux ajouter un petit détail pour bien montrer que c'est important. Le ministre a mentionné la falsification des rapports. Il y a deux infractions graves : la falsification des rapports et la pêche dirigée vers des espèces visées par des moratoires. Dans le cas de l'une de ces deux infractions, le bateau reçoit l'ordre de retourner au port. Il serait peut-être plus rentable de l'envoyer à St-Pierre, mais il doit retourner au port.
Les « mauvaise joueurs » sont une autre de nos préoccupations, ceux qui commettent beaucoup de mauvaises choses et que nous attrapons, même s'il ne s'agit pas de falsification de rapports ou de pêche dirigée vers des espèces visées par des moratoires.
Le récidiviste est une troisième catégorie d'auteur d'infractions graves pouvant recevoir l'ordre de retourner au port. Pour vous donner un peu plus de détails, un récidiviste est un bateau qui a commis la même infraction grave plus d'une fois dans une période de cent jours ou pendant une sortie de pêche. À part les deux infractions qui renvoient automatiquement le bateau au port, les autres infractions graves comprennent : pêcher le quota de quelqu'un d'autre sans préavis; pêcher dans une zone fermée à la pêche; pêcher un stock quand à la pêche est fermée; violations de la largeur des mailles; pêcher sans autorisation; interférence avec les systèmes d'observation par satellite; violations des communications relatives aux prises ou empêcher les inspecteurs ou les observateurs d'exercer leurs fonctions. Si le bateau commet deux de ces infractions lors d'une sortie de pêche de cent jours, il doit retourner au port et toute sa cargaison sera inspectée.
Comme l'a mentionné le ministre, il faut apporter quelques changements à cette partie de la convention. Les nouvelles mesures entrent en vigueur le 1er janvier, un point c'est tout. C'est important, c'est concret et c'est un pas important vers l'avant.
Le ministre a mentionné les observateurs et la surveillance électronique. Il faut que la surveillance soit totale. Si on veut la diminuer, comme beaucoup le souhaitent en raison des coûts, il faudra alors que les capitaines fassent un rapport quotidien électronique pour déclarer leur prise. Nos agents des pêches aiment beaucoup cela, car il sera très difficile de tenir à jour trois séries de livres tout en déclarant la prise quotidienne, faire des plans d'arrimage, et cetera. Donc, c'est quelque chose de bien réel, d'important et de détaillé.
Le sénateur Cowan : Puis-je poser une autre question sur les mécanismes de règlement des différends en place? Si je comprends bien, une commission réglera les différends. Comment s'assurer de l'impartialité de cette commission? Qui nomme les membres de la commission? Comment fonctionne le système?
M. Hearn : Je laisserai aux fonctionnaires présents le soin de répondre à cette question, mais laissez-moi vous dire comment se sont passées les choses jusqu'à maintenant. Certains pays n'étaient pas satisfaits des quotas qui leur étaient attribués aux réunions de l'OPANO. Le cas le plus récent est celui des îles Féroé qui, il y a deux ou trois ans, n'était pas contentes d'avoir un quota de crevettes loin de ce qu'elles escomptaient. Elles s'y sont opposées. Tout ce qu'elles devaient faire, c'était de continuer à s'y opposer pendant 30 jours, elles pouvaient ensuite pêcher un plus gros quota. Dans ce cas, le quota qu'elles se sont attribués était de dix fois supérieur à celui qui leur a été attribué et elles ont en fait pêché près de sept fois le quota qu'on leur a attribué avant de s'arrêter suite à des pressions. On ne pouvait rien faire.
Aujourd'hui, si un pays est opposé à un quota, il ne peut pas présenter cette opposition à lui-même. Il doit la présenter à une commission indépendante qui prendra une décision. Il faut leur présenter un argument valable. Si le pays n'est pas d'accord avec la décision de la commission, sa seule option est d'aller devant un tribunal. Aujourd'hui, il ne s'agit pas d'être poursuivi par quelqu'un devant un tribunal, alors que c'était la seule façon d'arrêter quelqu'un auparavant; il fallait poursuivre quelqu'un en justice pour essayer de prouver qu'il faisait quelque chose d'illégal. Aujourd'hui, il faut présenter son propre cas devant un tribunal et prouver qu'on vous a causé du tort.
Le sénateur Cowan : Je suppose qu'il n'est pas possible pour un pêcheur de continuer la procédure d'appel tout en pêchant son quota.
M. Hearn : Il y a un délai au bout duquel la pêche peut reprendre. Mais c'est un délai court et la plupart des gens croient que le quota officiel qui leur a été attribué ne sera pas pêché durant cette période; qu'ils ne dépasseront pas leurs quotas. C'est ce qu'ils espèrent; c'est quelque chose dont on a beaucoup parlé et qui a été soulevé plusieurs fois.
Je veux ajouter que des personnes nous ont demandé de supprimer complètement la procédure d'opposition. Cela peut paraître une bonne idée, mais nous pourrions être les dindons de la farce. Il serait plaisant de savoir que nous pourrions formuler des objections si nous estimions avoir été lésés.
Jeff MacDonald, directeur, Pêches de l'Atlantique et gouvernance internationale, Division des affaires de l'Atlantique, Pêches et Océans Canada : Au sujet des changements du processus décisionnel et de l'introduction d'une procédure de règlement des différends dans la convention de l'OPANO, aujourd'hui, c'est la partie qui s'oppose qui doit prouver le bien-fondé de sa cause devant une commission indépendante. La commission est formée à partir d'une liste présentée par chaque membre à des experts en gestion des pêches de l'OPANO.
Si un groupe est formé pour entendre une objection, la partie qui a formulé l'objection et la commission choisiront les trois membres du groupe. Ils en choisiront chacun un puis choisiront ensemble le président ou la présidente du groupe. Ce groupe a 90 jours pour étudier le cas et présenter ses recommandations à la commission. La commission doit ensuite se réunir un mois plus tard pour réexaminer la décision, prise à partir des conclusions du groupe, et soit maintenir cette décision ou la modifier soit la révoquer ou la remplacer par une autre décision.
En fonction de la conclusion du processus, s'il y a encore une insatisfaction, les parties contractantes peuvent alors engager une procédure de règlement des différends selon un processus de leur choix ou, à défaut d'accord, les deux parties ou importe laquelle des deux parties peut maintenant poursuivre une autre partie contractante devant le tribunal sur le droit de la mer en vertu de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons. C'est un nouveau texte qui a été incorporé dans la convention, en se fondant sur le libellé négocié il y a plusieurs années par les parties de l'OPANO, et qui a mené à la présente réforme de la convention.
La dernière question portait sur les délais. Nous prévoyons que tout ce processus se fera dans les premiers six mois de la saison de la pêche. Cela voudrait dire aussi arriver au point où, si nécessaire, il faudra une décision exécutoire d'un tribunal international. Entre-temps, les États souverains ont le droit d'établir des mesures. Ils sont assujettis aux recommandations du groupe et, finalement, au poids du droit international. Il y a un équilibre entre le respect de la souveraineté des pays et l'assurance qu'ils se conforment aux règlements en vertu du droit sur la mer et de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons.
Le sénateur Cowan : Y a-t-il des sanctions? Nous savons tous le temps que prennent ces processus. Ce qui me préoccupe, c'est qu'un pays décidé à profiter de toutes les failles du système fasse traîner ces procédures tout en pêchant tranquillement. Il pourrait dire qu'il a le droit de pêcher dans une zone particulière dans l'attente de la décision finale. Dans ce cas, s'il a déjà pêché dans cette zone, que ferez-vous? Existe-t-il une procédure, telle que la saisie du surplus dans le quota de l'année prochaine sinon que feriez-vous d'autre?
Je crois que le ministre suggérait que peut-être le délai serait suffisamment court pour empêcher que la pêche soit suffisante et supérieure au quota qui pourrait être attribué.
M. MacDonald : Ce qui est unique dans le processus relatif au groupe, c'est que les recommandations du groupe, au cas où la proposition ne serait pas acceptable à la partie qui a formulé l'objection, ne s'appliquent non seulement à la proposition de la commission, mais aussi à la solution de rechange présentée par la partie qui a formulé l'objection. Si le différend continue au sujet de la décision, les recommandations du groupe deviennent exécutoires pour les parties concernées si elles poursuivent leur différend devant un tribunal international pendant que le processus est entendu.
Selon la convention sur le droit de la mer et l'accord sur les stocks de poissons, on peut revendiquer des mesures provisoires devant le tribunal international. Le jugement constitue la mesure contraignante dans l'intervalle. Si le tribunal décide d'imposer des mesures provisoires à la partie visée par l'opposition, ces mesures sont obligatoires elles aussi. Elles revêtent un caractère obligatoire dès le début du processus de règlement de conflit à l'issue du jugement fondé sur la convention de l'OPANO.
Le président : Pour que ce soit bien clair, après le jugement du tribunal et avant l'appel devant la Cour internationale de Justice ou un autre tribunal d'appel, il y a un mécanisme contraignant, c'est bien cela?
M. MacDonald : Exactement, monsieur le président.
Le sénateur Cochrane : Avant de poser mes questions, monsieur le président, j'aimerais en poser une en complément de l'avant-dernière question du sénateur Cowan.
Concernant les bateaux qui se font prendre pour surpêche ou pour pêche d'espèces visées par un moratoire, quelle que soit l'infraction dont ils sont coupables, nous avons déjà entendu dire que ces bateaux étaient renvoyés vers leur port d'attache dans des pays comme la Suède et le Portugal. Ils sont ensuite punis dans leur pays, mais leurs pays sont extrêmement indulgents dans les sanctions imposées à ces bateaux pour surpêche. Quelle est la situation actuelle?
M. Hearn : C'est totalement différent. Pour commencer, permettez-moi de revenir à la procédure d'opposition, parce que nous nous y empêtrons parfois.
Je ne me rappelle que d'une ou deux oppositions depuis cinq ou six ans. Elles ne sont pas fréquentes. Quand on pouvait s'opposer sans se soucier du suivi, elles étaient très peu fréquentes. Depuis l'adoption de ces nouvelles règles strictes, il est peu probable qu'il y ait d'autres oppositions, à moins que quelqu'un ne se sente vraiment lésé.
Pour répondre à votre question, madame, avant, quand on abordait un bateau pour lui donner une contravention, rien ne se passait, le plus souvent. Il était très rare que des pêcheurs soient rappelés; ce n'est que depuis tout récemment qu'il y a quelques pays qui prennent la chose au sérieux et qui commencent à rappeler leurs pêcheurs. Même lorsqu'ils le faisaient, nous n'avions aucune idée du sort qui leur était réservé.
Dorénavant, dès que la Garde côtière, l'UE ou une autre autorité aborde un bateau et constate des infractions, si celles-ci sont très graves, les pêcheurs doivent recevoir l'ordre de se rendre immédiatement au port. Ce port peut être celui de Saint-Pierre et Miquelon, celui de St. John's ou un autre, selon le temps et les coûts. Une fois le bateau au port, toute la cargaison doit être débarquée et inspectée en fonction des preuves d'infraction.
M. MacDonald pourra me corriger, mais si le capitaine ou l'entreprise est trouvé coupable, le pays a diverses options. Il peut donner une amende, réduire le quota du navire et même saisir à la fois la cargaison et le bateau, la récolte et le navire, ou retirer le permis au détenteur. Je pense que c'est aussi une option.
Il y a consensus que la punition doit être proportionnelle au crime. Les États membres n'accepteront rien de moins. Alors qu'avant, les contrevenants s'en tiraient souvent avec une petite tape sur les doigts ou rien du tout, les États membres n'ont dorénavant d'autre choix que de les punir.
Le sénateur Cochrane : En sommes-nous certains?
Paul Steele, directeur général, Direction générale de la conservation et de la protection, Pêches et Océans Canada : Le plus grand gain que nous tirons de la dernière réunion de l'OPANO, c'est que les navires doivent être menés au port dans les cas de déclarations erronées graves. Auparavant, il existait des dispositions similaires, mais leur application était souvent laissée à la discrétion de l'État du pavillon ou de la partie contractante, l'Union européenne, qui décidait si le navire allait ou non être mené au port. Selon ces nouvelles mesures, il n'y a plus de pouvoir discrétionnaire, il est obligatoire d'ordonner au navire de se rendre au port.
De plus, les dispositions décrivant les sanctions dans les mesures de l'OPANO ont été renforcées. Le temps nous dira si ces mesures sont appliquées efficacement, mais leur libellé a été renforcé considérablement. Actuellement, ces mesures dictent la gravité des sanctions à appliquer pour assurer le respect de la loi et probablement surtout, pour priver les responsables des avantages économiques de l'infraction. Comme je l'ai dit, nous verrons avec le temps comment les États du pavillon et les parties contractantes mettent ces règles en pratique, compte tenu du cadre existant.
Le sénateur Cochrane : Qu'arrivera-t-il des navires qui battent pavillon pour d'autres pays? S'ils n'ont pas d'autorisation de leur propre pays, ils peuvent battre pavillon pour un autre pays.
M. Hearn : Les seuls bateaux qui peuvent pêcher dans la zone réglementée par l'OPANO sont ceux des pays membres de l'OPANO. Pas plus tard que la semaine dernière, des bateaux de la Georgie, un pays connu pour ses navires voyous, ont été ajoutés à la liste noire dont nous venons de parler. Non seulement ont-ils l'interdiction d'entrer dans nos ports, mais ils ont l'interdiction d'entrer dans tous les ports des pays de l'OPANO. Cela montre que nous nous serrons les coudes, l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest et la Commission des pêches de l'Atlantique Nord-Est, y compris l'Angleterre et l'Écosse. Ces pays sont susceptibles d'avoir beaucoup plus de problèmes que nous avec les navires voyous. Ils ont établi une liste noire eux aussi, parce que les pirates des mers ne sont acceptés nulle part. Le monde s'unit pour lutter contre ces navires voyous. La Commission des pêches de l'Atlantique Nord-Est et l'OPANO ont uni leurs forces pour établir une liste, de sorte que si quelqu'un commet une infraction dans une région, l'autre région ne lui offrira pas son aide. Cela resserre l'étau sur les pavillons des États conciliants.
Le sénateur Cochrane : Concrètement, comment ces réformes sont-elle mises en œuvre? Par exemple, lorsque l'équipage d'un navire contrevient au règlement sur les pêches, qui veille à ce que ce navire se rende au port le plus proche? Comment ce règlement sera-t-il appliqué? Le Canada fournit-il les ressources humaines et financières nécessaires pour le faire respecter ou ce règlement n'est-il qu'un bout de papier?
M. Hearn : Il n'est certainement pas qu'un bout de papier. Le navire contrevenant est envoyé ou rappelé au port, bien que ce ne soit pas toujours le port le plus proche. Évidemment, les propriétaires du navire voudront que ce soit un port où ils peuvent se rendre assez rapidement par souci d'économie. Il n'y a aucun avantage à renvoyer un navire chez lui, parce que les agents d'application de la loi qui les prennent peuvent rester à bord ou être là lorsque le navire arrive; c'est à eux de choisir. Le navire doit donc se rendre au port immédiatement. Les employés du Canada et de l'Union européenne surveillent et font appliquer le règlement.
Nous avons trois bateaux pour surveiller le Nez et la Queue des Grands Bancs et le Bonnet Flamand. Habituellement, nous en avons deux en mer en tout temps, et l'UE en a un aussi. Tous trois surveillent toutes les activités de pêche. C'est la Garde côtière canadienne, parfois en collaboration avec l'UE et souvent seule, qui a donné toutes les contraventions dont vous avez entendu parler. Ce n'était qu'un avertissement pour faire rentrer les contrevenants dans le rang, mais il ne voulait rien dire. L'équipage du navire pouvait rejeter le poisson à la mer et continuer de pêcher, et nous ne pouvions rien faire avant d'avoir la collaboration d'un plus grand nombre de pays. Désormais, si la GCC aborde des navires, comme elle peut le faire en tout temps, et constate que l'équipage contrevient aux règles et commet l'une des infractions les plus graves, le navire doit être envoyé au port immédiatement et non lorsqu'il a terminé son voyage. À partir de là, tout dépend du Canada. Nous tenons des registres sur tous les navires et nous serons là pour déterminer si les accusations sont légitimes. Ces navires voyous ne pourront pas cacher l'évidence si nous estimons nécessaire de les fouiller. Si un navire est coupable d'infraction, il revient au pays contrevenant de le punir. Les punitions sont sévères : les États seront obligés d'imposer une amende; de suspendre ou de retirer un permis ou un quota de prises ou encore de saisir l'équipement de pêche ou les prises illégales. Ce sont des sanctions assez sévères. Nous n'accepterons que des sanctions proportionnelles au crime.
Nous ne savons vraiment pas si nous avons atteint la perfection dans la procédure d'opposition ou dans la façon de lutter contre ce fléau, mais le temps nous le dira. Si nous n'avons pas encore atteint la perfection, il y a au moins des règles qui existent maintenant pour nous permettre de l'atteindre, à la condition qu'il n'y ait pas d'échappatoires ou de voies de contournement. La réunion de l'OPANO de l'an prochain sera tout aussi intéressante que celle de cette année. C'est un morceau du casse-tête pour faire ce qui doit être fait. Je n'ai aucun doute que nous pouvons atteindre notre but.
Le sénateur Cochrane : Nous dites-vous que ces réformes vont fonctionner assez vite?
M. Hearn : Le 1er janvier 2007, les sanctions sur l'eau vont entrer en vigueur.
Le sénateur Cochrane : Comme beaucoup de Canadiens, je m'inquiète beaucoup de la pêche illégale et de ses incidences sur nos stocks de poisson. Le MPO a un site Web intitulé « Opération Driftnet ». Pouvez-vous nous en parler un peu et nous dire quelles sont les mesures que le Canada prend pour lutter contre la pêche illégale et faire appliquer la réglementation?
M. Hearn : Il n'y a pas que le Canada. Certains d'entre nous, dans nos petits coins de pays, diront : « Si j'étais chez moi dans ma petite collectivité de pêche, que j'analysais la situation de mon point de vue et que j'entendais parler dans des tribunes téléphoniques des 150 chalutiers russes qui pêchent à l'intérieur de notre limite des 200 milles et des 300 navires portugais sur le Nez et la Queue, je serais inquiet. » Le fait est qu'il n'y a pas un seul bateau étranger qui pêche à l'intérieur de notre limite et qu'il n'y en a pas eu depuis longtemps. La seule raison pour laquelle un navire étranger pourrait pêcher à l'intérieur de notre limite serait que nous fassions une pêche expérimentale, que nous n'ayons pas le type de bateau requis pour l'expérience et que nous nous entendions avec un autre pays pour qu'il nous fournisse le bateau. Ce bateau devrait battre pavillon canadien et respecter certains critères pour être accepté dans l'expérience. Il n'y a pas de pêche étrangère à l'intérieur de la limite des 200 milles du Canada. Le plus grand nombre de bateaux observés en même temps sur le Nez et la Queue depuis deux ou trois ans serait entre 25 et 35. Cela arrive pendant les périodes de pointe, où certains pêchent le turbot, d'autres la crevette et d'autres le poisson de fond. En tout temps sur le Nez et la Queue, en particulier, les bateaux de pêche du poisson de fond sont très peu nombreux et très éloignés les uns des autres, parce que nous essayons de rétablir ce stock. Il est facile de le vérifier à nos bureaux de pêche et de demander à la Garde côtière canadienne. Vous pouvez lui demander de survoler la région pour le constater de vos yeux.
Nous faisons la même chose sur la côte Ouest. Nous avons un certain nombre de navires de la Garde côtière sur la côte Ouest et la côte Est, ainsi que sur les Grands Lacs, qui effectuent une surveillance constante. En trouvant des appuis pour faire ce que nous voulons faire à l'OPANO, nous nous trouvons également des appuis pour gérer la pêche en général à l'intérieur et à l'extérieur de la limite des 200 milles du Canada. Nous devons faire partie de la solution. Je ne peux pas être responsable seulement de la pêche dans notre région, parce que les poissons nagent et que je ne peux pas garder mon esprit de clocher. Nous devons essayer de faire ce que nous faisons à l'intérieur à l'extérieur aussi pour aider les autres, qui nous aident, et pour préserver les stocks. De même, je ne peux pas vous dire ce que nous devrions faire à l'extérieur de la limite. Je ne peux pas recommander l'interdiction de quoi que ce soit à l'extérieur de cette limite si je ne suis pas prêt à faire la même chose à l'intérieur de la limite. Il doit y avoir un équilibre partout.
Nous avons reçu beaucoup d'appui de pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Chili, le Namibie et d'autres, qui ont des problèmes beaucoup plus graves que les nôtres, parce que bon nombre d'entre eux sont entourés de pays qui envoient des bateaux voyous pour enlever leurs stocks de poissons à l'intérieur et à l'extérieur de leurs zones économiques. Nous travaillons avec des gens de la côte Ouest, des États-Unis et de tous les autres pays qui veulent travailler avec nous à la surveillance. Lorsque nous prenons des contrevenants, ils doivent en répondre devant la Cour internationale de Justice ou le tribunal compétent de la région concernée.
M. Murray : L'opération que vous venez de nommer a commencé il y a quelques semaines, mais les accords découlent de la résolution de l'assemblée générale de l'ONU qui a mené à la Convention pour la conservation des stocks de poissons anadromes de l'océan Pacifique Nord. Comme le ministre l'a dit, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les États-Unis dans cette opération. En fait, le ministère de la Défense nationale joue un rôle de premier plan. Récemment, Aurora a volé pendant 168 heures, et la Garde côtière des États-Unis était présente elle aussi. Notre personnel a été mis à contribution et a constaté 27 infractions. Au fil du temps, cela réussit efficacement à réduire beaucoup la pêche au filet dérivant. Les filets dérivants dont il s'agit ici ont de deux à quarante kilomètres de longueur et causent des dommages terribles.
Les premiers pays participants ont été le Canada, les États-Unis, la Russie et le Japon. La Corée du Sud s'est jointe à eux. La Chine, bien qu'elle ne se soit pas jointe à eux officiellement, fait appliquer les règles et délègue du personnel à bord des navires de la Garde côtière des États-Unis. Cela a une incidence bien réelle. Depuis le début de l'opération, dès qu'on prend des bateaux liés à l'un de ces pays, les cargaisons et les bateaux sont saisis. Si les bateaux viennent d'autres pays, nous exerçons des pressions diplomatiques sur eux.
Nous nous attaquons efficacement au fléau des filets dérivants dans le Pacifique Nord. En fait, pour la plus récente opération de repérage des filets dérivants, nous avons changé notre période d'intervention, ce qui explique probablement pourquoi nous avons pincé 27 équipages. Une bonne part du crédit revient au MDN aussi, parce que nous avons besoin de ses longues embarcations, compte tenu de l'étendue du territoire visé.
Le président : La responsabilité de sanction revient toujours à l'État du pavillon, n'est-ce pas? Le bateau est conduit au port, la cargaison est déchargée, inspectée, puis l'on impose une sanction. Cependant, il revient à l'État du pavillon d'imposer la sanction. Cet État subit-il lui-même des sanctions s'il ne le fait pas?
M. Hearn : Oui. Selon l'accord, l'État du pavillon est responsable du bateau. L'État du pavillon est obligé de sévir — c'est le mot qui est utilisé, plutôt que « devrait », « peut » ou « doit » — contre le crime, et la punition doit être proportionnelle au crime. Sinon, les autres partenaires de l'OPANO prendront des mesures contre le pays. Je peux vous le dire, parce que nous nous allons nous opposer immédiatement aux pays qui ne joueront pas le jeu. Ils ont signé. Nous ne sommes pas que quelques-uns à faire appliquer une réglementation aux autres. Tous les pays membres de l'OPANO ont signé.
Le président : Dans quelle mesure tout cela doit-il être approuvé par les législatures des pays? Tout cela doit-il être approuvé par les législatures de l'UE?
M. Murray : Peut-être M. MacDonald peut-il vous parler davantage des règles à suivre en vertu de la convention de l'OPANO. Il y a des règles de surveillance, de contrôle et de suivi. Elles entrent en vigueur le 1er janvier.
Pour ce qui est des États du pavillon, j'aimerais souligner qu'il s'agit des États du pavillon, comme du Canada. Chose certaine, la Russie a rappelé certains de ses navires, tout comme l'Espagne. Le problème, bien souvent, se trouve dans les assises juridiques. Dans le cas de l'Espagne, lorsque le gouvernement intente un procès contre quelqu'un, il doit être certain d'avoir des preuves. Autrement, il est responsable envers les propriétaires s'il ne peut pas appuyer clairement ces accusations. Nous croyons que ces dispositions donnent aux États du pavillon des outils pour intervenir sans crainte. Il ne s'agit pas ici de pavillons de complaisance, mais d'États du pavillon. Bon nombre des États du pavillon font partie de l'UE, qui est une partie contractante. Je présume que si un État du pavillon de l'UE décidait de faire un pied-de-nez à cette réglementation, il en subirait probablement les conséquences au sein de l'UE, qui est la partie contractante. Cette inquiétude joue. Chose certaine, le Canada respecte les obligations qu'il a prises en signant, et nous devons présumer que les douze autres pays qui font partie de cet accord en font autant. C'est assez connu du public s'ils ne le font pas.
M. MacDonald : Concernant la ratification de la nouvelle convention, les parties contractantes ont convenu que ce processus — non pas les aspects de surveillance et de contrôle, qui sont mis à jour annuellement, mais la réforme de la convention de l'OPANO — devait être approuvé par les trois quarts des membres. On souhaite obtenir un consensus sur ces questions pour éviter toute objection possible à quelque chose d'aussi fondamental que la convention.
Concernant sa ratification, les membres ont convenu de l'application provisoire des mesures lorsque le texte juridique aura été finalisé; entre-temps, il doit être ratifié par les parties contractantes suivant leur processus gouvernemental respectif, y compris au Canada.
Le président : La convention doit être ratifiée, mais qu'en est-il des nouvelles règles à propos du rappel au port, des pénalités, et cetera? Doivent-elles être ratifiées? Cela fait-il partie de la convention?
M. MacDonald : Les nouvelles pénalités concernant la surveillance et le contrôle font partie des mesures de conservation et d'application de la loi de l'OPANO, qui sont mises à jour annuellement. Elles ont été approuvées à l'assemblée annuelle de l'OPANO.
Le président : Elles n'ont pas à être ratifiées par les autorités législatives?
M. MacDonald : Non. Elles entreront en vigueur au début de la nouvelle année.
M. Hearn : L'assemblée de l'OPANO s'est tenue la semaine dernière et nous avons eu une entente de principe. Il s'agit maintenant de rédiger un texte juridique et de ratifier la convention. Nous n'avons pas encore tout incorporé, mais nous savons où nous en sommes en principe et nous sommes convaincus que les engagements pris seront tenus. Nous en sommes certains.
Le président : Ni le règlement des litiges ni le rappel au port font partie de la convention. Ces questions sont mises à jour annuellement.
M. Hearn : Cela viendra le 1er janvier.
Le président : Très bien. Je voulais que la chose soit claire.
M. Hearn : Le règlement des litiges, la procédure d'opposition, fait partie de la convention; mais les dispositions concernant la surveillance et le contrôle, la saisie des bateaux, les amendes, l'accostage au port et toutes ces choses entreront en vigueur le 1er janvier.
Le président : Le litige sur les quotas fait partie de la convention et doit donc être ratifié?
M. Hearn : C'est exact.
Le sénateur Hubley : Merci de votre exposé. Dans un communiqué de presse diffusé en septembre, le MPO a indiqué que le processus de gestion des pêches de l'OPANO devait maintenant tenir compte de l'approche de précaution et de l'approche écosystémique. Cela signifie que l'organisation doit fonder sa décision sur des données scientifiques, en tenant compte de l'habitat du poisson et des zones marines sensibles, plus en harmonie avec les pratiques canadiennes.
Dans votre exposé, vous dites que votre objectif consiste à faire en sorte que les mesures de conservation, de gestion et d'application de la loi sont aussi efficaces à l'extérieur de la zone économique exclusive de 200 milles du Canada qu'à l'intérieur de cette zone. Ma question touche à l'information scientifique sous-jacente aux nombreuses décisions que nous sommes en mesure de prendre et aux raisons pour lesquelles l'ALENA peut devenir un instrument beaucoup plus robuste pour les communautés de pêcheurs.
Le Canada a-t-il une capacité de recherche scientifique suffisante pour fournir le type d'information qu'il vous faudrait pour pouvoir imposer les nombreux règlements que vous êtes maintenant autorisé à prendre? Dans quelle mesure cette information scientifique est-elle importante dans le règlement des litiges? Sommes-nous en mesure de prendre des décisions sur la surpêche et sur ceux qui ne se conforment pas à nos normes, en fonction de cette information?
M. Hearn : Permettez-moi de vous donner encore une fois les grandes lignes et nous pourrons ajouter quelques détails techniques. Concernant l'établissement des quotas, non seulement le Canada a une base scientifique, mais l'OPANO en a une également. Vous me demandez si je suis satisfait des capacités scientifiques que nous avons. La meilleure réponse que je peux vous donner est la suivante : il y a quelques années, j'ai assisté à une rencontre des ministres de l'OPANO, avec le ministre du MPO de l'époque, M. Thibault. Sans exception, tous les ministres — Portugal, Espagne, Russie — ont dit qu'ils n'étaient pas satisfaits du nombre d'études scientifiques. C'est un océan immense et un environnement qui subit des changements rapides, dont certains sont encore inexpliqués.
Nous avons augmenté le financement des études scientifiques cette année et nous avons l'intention de continuer dans ce sens. Si nous devons prendre des décisions éclairées, elles doivent avoir un certain fondement. Les principes de l'ANUP qui ont été intégrés à l'OPANO nous obligent à adopter l'approche de précaution et à examiner l'écosystème. C'est pourquoi il faut tenir compte de la présence des phoques et de tous les autres facteurs. Ces principes nous obligent à fixer nos quotas en fonction des données scientifiques, et non sous la pression de certains pays, pour que personne ne pêche une espèce jusqu'à sa disparition. Nous sommes obligés de fixer les quotas à la lumière des données scientifiques; il nous faut donc les études scientifiques appropriées.
Collectivement, nous avons passablement de données scientifiques et nous devons travailler ensemble avec cette information. Nous ne pouvons pas faire les choses chacun de notre côté. Nous avons eu de nombreuses réunions l'été dernier dans notre région. J'ai passé plus de temps à l'Île-du-Prince-Édouard qu'à Terre-Neuve et j'étais tellement occupé que je n'ai pas eu la chance de jouer au golf. Cela vous donne une idée du nombre de rencontres que nous avons eues, non seulement avec le ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, mais aussi avec les ministres du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Nous nous sommes rencontrés et nous sommes devenus une assez bonne équipe. Nous avons examiné ce que nous pouvons faire collectivement dans des endroits comme le détroit, où les poissons se trouvent dans des zones communes, au lieu que chaque province perde son temps et son énergie en travaillant seule de son côté.
Nous avons tenu des rencontres dans de nombreuses régions du pays pour discuter ensemble des enjeux. En Colombie-Britannique, nous avons réuni un grand nombre d'intervenants autour d'une même table pour éliminer le double emploi et les dissensions. Cette année, pour faire changement, nous avons eu la paix sur le fleuve Fraser et ailleurs au pays. Est-ce que tout le monde est parfaitement heureux? Bien sûr que non, mais ils y prennent part maintenant et ils commencent à s'y faire. Tous réalisent que nos efforts — les nôtres et ceux des autres pays — doivent être coordonnés avec l'OPANO pour que nos ressources soient le mieux utilisées. Ce ne sera pas le nirvana, mais notre situation sera bien meilleure qu'elle ne l'est présentement. Quelqu'un d'autre voudrait ajouter un commentaire à ce sujet?
Michaela Huard, sous-ministre adjointe, Secteur des politiques, Pêches et Océans Canada : Le ministre a mentionné que des sommes supplémentaires ont été injectées dans des études scientifiques. Il s'agit d'environ 10,5 millions de dollars. J'ai ici une liste des projets en cour, ce qui pourrait répondre à quelques-unes de vos questions, madame le sénateur. Par exemple, 7,6 millions de dollars sont investis dans 14 projets de recherche à Terre-Neuve. Certains projets visent à mieux comprendre la répartition et la biodiversité des coraux abyssaux dans la région de Terre-Neuve-et- Labrador; il y a des projets touchant la biogéographie, le cycle biologique, la biogéochimie et l'habitat essentiel, l'amélioration des modèles de population, l'amélioration de la connaissance du potentiel reproducteur des stocks chevauchants de flétan du Groenland afin de faciliter l'évaluation des stocks et la gestion des pêches. Il existe une longue liste de projets visant à mieux comprendre l'écosystème, les incidences sur l'habitat et, de façon générale, l'écosystème des changements. D'autres travaux sont effectués dans ce domaine.
M. Hearn : Les projets sont nombreux, mais ils n'ont pas tous lieu à Terre-Neuve, madame Huard. Nous effectuons beaucoup de travaux dans le détroit, en particulier, où les stocks disparaissent, pour une raison quelconque. Nous consacrons beaucoup d'argent à beaucoup de travaux en Colombie-Britannique.
Le sénateur Adams : Monsieur le ministre, nous nous sommes rencontrés la dernière fois au début du printemps. Toutefois, bien peu de choses ont été réglées relativement à la pêche commerciale dans le Nord. Aujourd'hui, nous avons surtout parlé de l'OPANO. Le voisin du Nunavut, le Groenland, se trouve à l'intérieur de la limite de 200 milles, mais il veut encore les poissons des eaux du Nunavut. Le gouvernement du Canada a imposé des quotas de pêche du flétan noir dans le Nord il y a une quinzaine d'années. En 2003, nous nous attendions à ce que les pêcheurs du Nunavut en tirent profit, en particulier ceux des cinq communautés de la région de Baffin. Le ministre a établi des quotas pour le Nunavut, mais les pêcheurs locaux n'en ont pas, peut-être en raison de la politique établie en vertu de la Loi sur les pêches. Nous sommes des Canadiens. Les Terre-Neuviens s'adonnent à la pêche commerciale depuis plus de 500 ans. Il y a cinq ou six ans, les gens ont commencé la pêche commerciale dans le reste du Canada, et nous n'avons plus aucun contrôle sur cette activité. Le MPO affirme que 27 p. 100 du quota appartient au Nunavut, mais ce 27 p. 100 ne vient pas des prises faites par la communauté. Ce sont surtout des redevances données à ces entreprises. Ce sont elles qui touchent les redevances, et non la communauté. J'ai du mal à accepter cela.
Vous avez dit que l'industrie de la chasse au phoque à Terre-Neuve vaut quelque 30 millions de dollars, ce qui représentait environ 8 000 tonnes. Les quotas de flétan noir du Groenland dans l'Arctique valent plus de 35 millions de dollars. Au cours des cinq dernières années, ils ont essayé d'aider les gens d'une collectivité, qui ont finalement reçu 1,03 tonne cette année, pour laquelle ils ont été payés. Nous commençons à apprendre comment mieux travailler avec les collectivités du nord. Nous avons demandé quel était le statut des nouvelles personnes qui pêchent et qui établissent des partenariats avec des gens de Terre-Neuve. Elles ont reçu 680 000 dollars en redevances. Voilà qui est bien. À l'heure actuelle, nous n'avons aucune idée de ce que ce sera pour la prise de poisson cette année, mais nous estimons que ce sera autour de deux millions de dollars.
Il y a de la concurrence à cet endroit maintenant. Les étrangers y viennent. Cette année, ils ont pris près de 7 000 tonnes métriques jusqu'à présent et les redevances que ces gens ont reçues s'élevaient à 2 800 000 dollars. Pourquoi la communauté ne recevrait-elle pas une partie de cette somme?
Nous ne savons pas où est allé l'argent attribué. A-t-il servi à payer la main-d'œuvre sur le navire ou à payer le carburant? On n'a aucune explication. Selon le gouvernement du Canada, la politique veut que les redevances soient versées aux gens de la collectivité. Ce n'est pas ce qui se produit.
Le quota est fixé à 8 000 tonnes métriques. Si nous l'attribuons à chaque collectivité de la région de Baffin, l'argent restera dans les collectivités; il ne sera pas versé directement aux pêcheurs, mais chaque collectivité sera un détenteur des quotas du Nunavut.
Avez-vous reçu des rapports des gens qui attribuent les quotas chaque année, qui devaient être présentés en février?
En 2003, nous n'avions aucune politique pour établir à qui profiteraient les quotas de pêche du flétan noir du Nunavut évalués à 35 millions par année. Ce ne sont pas les gens des collectivités qui reçoivent cet argent. Ce n'est qu'une seule communauté maintenant. Vous avez parlé de la chasse au phoque. C'est la même organisation qui profitera de la chasse au phoque à cet endroit également.
Le président : Nous devrions peut-être donner au ministre la chance de répondre.
Le sénateur Adams : Ma question était peut-être trop longue.
M. Hearn : Je comprends votre position, monsieur le sénateur. C'est une situation passablement frustrante pour vous et pour bon nombre de personnes au Nunavut. La situation est frustrante pour nous également. C'est une question que le comité sénatorial voudra peut-être examiner.
Le président : J'aimerais intervenir et préciser que nous avons convenu d'étudier précisément cette question. Nous allons convoquer des témoins du Nunavut à Ottawa. Nous espérons que nos audiences seront télévisées pour que les gens du Nunavut puissent les voir. Nous avons l'intention de nous y mettre dès que nous aurons terminé nos audiences sur l'OPANO.
M. Hearn : Voilà qui est bien, parce que c'est une question litigieuse depuis un certain temps. Le sénateur décrit une situation qu'un grand nombre d'entre nous déplorons depuis longtemps — nos ressources ne profitent pas à nous. Le président et le sénateur Cochrane connaissent bien ce refrain.
Les pêches sont abondantes au large du Nunavut; lorsque le Nunavut a acquis l'autonomie gouvernementale, on lui a donné le contrôle d'une énorme partie des pêches. En fait, l'an dernier, lorsque nous avons augmenté la capture autorisée du flétan noir dans la région, tout est allé au Nunavut.
Ce qui se produit, c'est que les quotas de crevette et de flétan noir sont donnés au Nunavut; le gouvernement du Nunavut les transmet ensuite au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut qui, à son tour, répartit les quotas entre divers groupes. Un des groupes, la Baffin Fisheries Coalition, obtient la part du lion; en fait, il obtient presque tous les quotas.
Le problème au Nunavut, c'est que nous avons peu d'infrastructure, voire aucune. Les ressources sont abondantes au large, mais à l'exception de quelques petites communautés où il est possible d'amarrer très près de la rive, pour les pêches sur une plus grande échelle — les pêches lucratives du flétan noir et de la crevette — il n'y a absolument aucun endroit pour accoster. La seule façon dont le Nunavut peut tirer profit de ses ressources, c'est en vendant le poisson à une entreprise extérieure qui lui versera des redevances. Les principaux bénéficiaires sont du Groenland. Même si vous pouvez dire que ce sont des bateaux canadiens parce qu'ils battent pavillon canadien, ce n'est pas très difficile à faire. Des Islandais, des Danois et des Canadiens participent également à cette pêche, mais le déchargement se fait principalement au Groenland, où les emplois sont créés. Dans certains cas, il s'agit simplement de décharger le poisson, de le remballer et de l'expédier en Europe.
Il y a un certain nombre de choses qui nous préoccupent. Il y a d'abord les occasions ratées pour les Canadiens, en particulier les gens du Nunavut qui côtoient la ressource. En outre, en raison de la géographie, il est extrêmement difficile de décharger le poisson dans des ports canadiens, bien que d'autres disent que c'est possible. Il faut donc que les gens soient plus nombreux à venir nous voir, et à s'adresser au gouvernement du Nunavut, pour nous montrer que nous pouvons traiter cette ressource d'une manière qui sera plus avantageuse surtout pour les gens du Nunavut, mais aussi pour les Canadiens en général. Nous ne voulons pas que le gros des avantages aille au Danemark, en Islande ou au Groenland, ou que les crevettes, en particulier, soient réacheminées sur le marché européen par le Groenland, ce qui permet d'éviter de payer les tarifs. Nos crevettes nous font concurrence sur nos propres marchés et nous payons le tarif de 20 p. 100.
C'est un peu la confusion, à cause surtout de l'absence d'infrastructure au Nunavut. On pourrait remédier quelque peu à la situation, je crois, en modifiant complètement la façon dont les quotas sont attribués, la façon dont le poisson est pris et déchargé, et cetera. Nous allons certainement faire ce que nous pouvons pour régler la situation. Toutefois, la géographie nous nuit, l'absence d'infrastructure nous nuit et certaines règles imprécises que nous avons ne nous aident pas non plus. Je suis très conscient de la situation et j'éprouve de la sympathie à l'égard des problèmes que vit le sénateur Adams.
Le président : Sénateur Adams, puis-je vous demander de mettre vos questions de côté pour l'instant? Nous allons consacrer toute une séance au Nunavut, mais si nous commençons à examiner la question ce soir alors qu'il reste 20 minutes, nous allons nous égarer. Nous devons nous en tenir à notre ordre du jour, c'est-à-dire la gestion des pêches au-delà de la limite de 200 milles Voilà le sujet à l'étude, alors puis-je vous demander de garder vos questions jusqu'à ce que nous nous penchions sur la situation du Nunavut?
Le sénateur Adams : Je ne sais pas quand le ministre comparaîtra de nouveau devant le comité.
Le président : Nous allons le convoquer de nouveau.
Le sénateur Adams : Je sais que nous nous occupons de la limite de 200 milles, mais il me paraît injuste que nous ayons mené des activités pendant plus de cinq ans et que nous ne puissions plus le faire. Ce sont les étrangers qui en profitent, et non le peuple inuit. C'est pourquoi je dis au ministre que nous devons cesser d'accorder une immatriculation aux étrangers pour leur permettre de venir au Canada.
Nous pouvons avoir des partenaires canadiens, des entreprises canadiennes pour faire cela. À l'heure actuelle, les étrangers ne nous donnent rien en échange de notre poisson. Nous devons trouver une façon de leur interdire d'utiliser le drapeau canadien au Nunavut pour y mener des activités de pêche. C'est une question de politique.
Le président : Je répète simplement que, ce soir, j'aimerais que le comité se concentre sur la gestion des pêches au- delà de la limite des 200 mille.
Monsieur le sénateur, nous allons étudier la question plus en profondeur plus tard; je suis certain que le ministre sera heureux de revenir en discuter avec nous, et nous aurons des porte-parole du Nunavut. J'aimerais qu'on remette cette question à une séance spéciale et, pour le temps qui reste, que nous parlions de la gestion des pêches au-delà de la zone de compétence.
M. Hearn : Permettez que j'ajoute quelque chose, monsieur le président. Je comprends, mais je peux aussi comprendre ce que veut dire le sénateur Adams. Plutôt que de laisser à la chance qu'on puisse à un moment donné en parler, permettez-moi seulement de lui dire que je serais tout à fait prêt à discuter avec lui, n'importe quand, de ce sujet ou de n'importe quel sujet connexe,. Nous n'avons pas besoin, pour cela, d'attendre que se tienne une réunion du Sénat sur le sujet.
Le sénateur Cowan : Je voulais seulement parler un peu du chalutage par le fond. D'après ce que j'ai compris à la réunion de septembre, qui a eu lieu la semaine dernière, les délégués se sont prononcés en faveur de l'interdiction du chalutage par le fond. À ce que j'ai compris de vos propos, monsieur le président, le président des États-Unis s'est déclaré aujourd'hui favorable à cette interdiction. Qu'en pense le gouvernement canadien?
M. Hearn : J'ai entendu la même chose aujourd'hui. J'ai entendu que le président américain avait lancé un appel à l'interdiction généralisé du chalutage par le fond. J'espérais que c'était vrai, mais on m'a dit que ce n'est pas le cas. Je reconnais mon erreur parce que, comme vous, je ne reçois que des éléments d'information ici et là, mais apparemment, le président exprime l'inquiétude que lui inspire le chalutage par le fond en tant que technologie, et l'incidence qu'il peut avoir sur des zones fragiles de l'océan.
La position américaine est que, comme tout le monde, ils comprennent que d'énormes dommages sont causés à notre habitat — et ce n'est pas que l'habitat. Quand on utilise un ligneur, on attrape tout ce qui est sur son chemin. C'est un peu comme un aspirateur. Si on fait la pêche à la traîne dans le but d'attraper de la limande à queue jaune et qu'il se trouve des morues ou de la plie canadienne sur le chemin, deux espèces visées par un moratoire, de grandes quantités de ces poissons seront attrapées. Fort heureusement, nos prises accessoires sur les Grands Bancs de Terre- Neuve, par exemple, sont raisonnables; mais sont-elles raisonnables parce que nous parvenons bien à éviter les secteurs de concentration ou parce qu'il reste tellement peu de ces espèces qu'on n'en attrape que de petites quantités de toute façon.
Quel que soit l'angle qu'on prenne, le chalutage cause des dommages; il n'y a qu'à penser à ces lourdes portes qui raclent le plancher océanique. Dans certains secteurs, et ce sont les termes clés qu'il nous faut nous rappeler, si nous utilisons une technologie qui n'endommage pas l'habitat, il y a bien d'autres secteurs des Grands Bancs, et certainement bien des secteurs de la haute mer, je n'en doute pas, où le chalutage par le fond ne causerait pas de dommages à l'habitat. Quoi qu'il en soit, l'argument pourrait être donné et pourrait être vrai, mais qu'en est-il des autres espèces accessoires que vous attrapez? En soi, c'est un bon argument.
Notre plus grande inquiétude, c'est pour les zones fragiles, comme les monts sous-marins, les coraux fragiles et les lieux de ponte. À l'OPANO, nous nous sommes entendus pour tracer quatre différents monts sous-marins dans la zone de l'OPANO où nous éviterons la pêche à la traîne. Les coraux fragiles, c'est sûr, seraient détruits par la pêche à la traîne mais aussi, et c'est l'une de mes grandes préoccupations depuis quelque temps, les lieux de ponte.
Quand nous avons mené notre enquête sur ce qui est arrivé à la morue du Nord, on nous a parlé de dragage aveugle, non seulement par des étrangers, mais aussi par nos pêcheurs. Nous avons lourdement contribué à la perte, bien des gens le diront, quand nous avons adopté les technologies de dragage avec de gros bateaux. Au printemps ou pendant l'hiver, quand les poissons se réunissaient pour pondre, l'occasion était belle d'aller faire le plein. On chargeait et on repartait, aussi vite qu'on pouvait, et on a ainsi décimé les stocks en quelques années seulement.
L'expression utilisée est « geler la superficie », qui veut dire oui, nous avons probablement causé de grands dommages, et dans certaines régions, des dommages irréparables. Assurons-nous, si nous allons dans de nouvelles régions, s'il y a un nouveau mouvement pour le chalutage, de n'y aller qu'après avoir fait une évaluation complète de la zone, après avoir recensé les signes appropriés qui nous disent s'il y aura dommages ou non. Évitons le chalutage sur les monts sous-marins. Évitons les zones de coraux fragiles. Évitons les frayères. Prenons des mesures qui ont du bon sens. Et puis déterminons, au fil de nos progrès, où cette technologie peut être utilisée de manière efficace et où elle ne le peut pas, et embrayons dans le bon sens.
Quand je préparais mes arguments sur la surpêche, j'ai demandé à des avocats si nous étions propriétaires du plancher océanique, ou si nous en avions le contrôle en dehors de la zone de 200 milles. Aucun autre pays ne peut pêcher le crabe, par exemple, en dehors de la limite de 200 milles de notre plate-forme continentale, parce que le crabe appartient au Canada. Mon argument c'est que, bien que nous ne puissions empêcher les gens de pêcher dans nos eaux, parce que nous ne contrôlons pas l'eau qui coule sur la plate-forme continentale, à tout le moins, si nous sommes propriétaires ou si nous avons un contrôle du plancher océanique, pourquoi alors laisser des gens y traîner de lourdes portes et détruire notre habitat? On m'a dit que cette destruction serait probablement un excellent argument, si nous parlions de l'habitat pour empêcher le dragage. On m'a averti, toutefois, que si on empêche le dragage à l'extérieur — et vous savez ce que je vais dire — si on l'arrête à l'extérieur parce que la technologie du dragage détruit l'habitat, elle le détruit aussi à l'intérieur.
Actuellement, 28 p. 100 de nos débarquements sont faits par les chalutiers, ceux qui font le dragage. La pêche à la crevette est entièrement tributaire du dragage. Il y a deux choses à faire. La première, c'est d'essayer d'éviter de détruire l'habitat quand on le peut; la deuxième, dont peu de gens parlent, mais certains font quelque chose à ce sujet, c'est de développer une technologie qui cause moins de dommages.
Nous devrions pouvoir pêcher le poisson de fond avec la bonne technologie. De deux choses l'une. D'abord, il faut concevoir la technologie qui endommage moins l'habitat. Deuxièmement, il faut concevoir une technologie qui ait un système de séparation ou de tri, pour réduire les prises accessoires. Cela se fait. En fait, il y a en ce moment même une expérience en cours, à l'Île-du-Prince-Édouard, où ils essaient d'identifier un produit pour Canso, et dans des régions comme celle-là. Cela dépendra en partie de la capacité de rejeter les autres espèces à l'eau.
Peut-être ne nous sommes-nous pas assez concentrés sur ce qu'il fallait faire comme il faut. Nous devons comprendre que des gens vivent de la mer. En tout cas, dans ma province, et dans bien des régions du monde, la pêche est le produit alimentaire le plus commercialisé; c'est le produit alimentaire le plus échangé dans le monde. Même des pays comme l'Espagne en importent autant qu'ils en attrapent. C'est un marché d'envergure pour notre pays.
Cependant, on ne peut pas détruire tout ce qu'on attrape; la conservation doit être le premier élément de la protection de l'habitat. Peut-être pourrons-nous avoir le meilleur des deux mondes si nous pouvons faire preuve de bon sens. Cependant, nous craignons qu'une interdiction généralisée nous fasse perdre des appuis quand ce n'est pas vraiment nécessaire. Du moment où on dira que ce n'est pas bon à l'extérieur de nos eaux, il faudra vraiment être prêts à dire que ce n'est pas bon à l'intérieur non plus; quoi qu'on impose à l'extérieur, comme je l'ai dit à l'OPANO, il faudra l'imposer à l'intérieur.
Nous allons faire preuve de prudence et aller jusqu'à la limite pour essayer de protéger et de préserver, mais nous devons aussi avoir une approche sensible.
Le président : Monsieur le ministre, vous nous avez très généreusement donné de votre temps, mais je me demande si vous pouvez nous parler encore d'un aspect, celui de la reconstitution des stocks en dehors de la zone des 200 milles. Est-ce qu'il en a été question à l'OPANO? Est-ce quelque chose est prévu, une politique pour reconstituer les stocks? Jusqu'ici, nous avons parlé de gérer ce qui existe, qui a été décimé. La question qui se pose, c'est que faisons-nous désormais pour reconstituer les stocks, et est-ce que l'OPANO va dresser un plan à cette fin?
M. Hearn : Je pense que toutes ces démarches ont la reconstitution pour but. Il nous reste si peu. Par exemple, il nous reste peut-être de la morue du Nord que 1 ou 2 p. 100 de ce que nous avions il y a quelques années à peine. Nous espérons que cette petite expérience, cette année, démontrera que les stocks côtiers auront connu une croissance phénoménale ces dernières années; ce n'est qu'une petite quantité de poissons, mais ils se sont multipliés très vite. S'ils peuvent croître à l'intérieur des côtes, sûrement, ils le peuvent aussi à l'extérieur, parce que les stocks de base ont toujours été augmentés des stocks de morue du Nord des bancs de Hamilton et des Grands bancs, qui se sont tous réunis pendant l'été et ont suivi le capelan vers les côtes. Un été après l'autre, on pouvait presque marcher sur l'eau tellement il y avait de poissons. Ces stocks ont disparu parce que nous avons pêché aveuglément, et peut-être aussi à cause de facteurs environnementaux et autres.
Les stocks diminuent plus rapidement avec les pressions qui se maintiennent, mais je ne dirais pas que nous avons appris trop tard, parce que tant qu'il y aura des poissons, nous pouvons reconstituer les stocks. Si nous avons les données scientifiques qu'il nous faut sur les stocks, si nous pouvons réduire ou éliminer les prises accessoires, si nous pouvons éviter la pêche excessive ou non appropriée, la pêche illégale ou non réglementée, alors, ces stocks auront une chance de survie. Cela prendra quelque temps, mais ils ont une chance de se reconstituer. Notre stock de limande à queue jaune s'est reconstitué très rapidement une fois que la pression a été supprimée. Nous obtiendrons des conseils techniques sur la question, mais en fait, comme nous le faisons avec le flétan du Groenland, nous voulons prendre un certain virage pour pouvoir reconstituer les stocks. Quand nous et d'autres pays respecterons les quantités établies, les stocks se reconstitueront. Si nous constatons que des pays dépassent ouvertement leurs quotas, il faudra faire deux choses : les quantités générales établies doivent être réduites et les quantités perdues ne devraient pas être enlevées à ceux qui agissent correctement. Dans le cas du flétan du Groenland, le Canada, le Japon, la Norvège et d'autres ont respecté les quotas à la livre près. Si des gens pêchent excessivement et que nous constatons une diminution des stocks en conséquence de cela, ce sont ceux qui font du tort les stocks qui doivent en payer le prix. Les mesures sont mises en œuvre pour favoriser la reconstitution.
M. Murray : Comme l'a dit le ministre, les stocks de limande à queue jaune ont pu être reconstitués, et l'OPANO a un plan pour reconstituer ceux de flétan du Groenland. L'OPANO a imposé une grosse réduction, des 43 000 tonnes permises en 2003, à 16 000 tonnes. Nous nous inquiétons de certains aspects de cela. Les avis scientifiques prônant d'autres réductions cette année ont été reportés jusqu'à l'année prochaine. La réalité, c'est que le plan de reconstitution du stock de flétan du Groenland vise à rétablir la biomasse, qui est actuellement de 70 à 80 000 tonnes, à 150 000 tonnes d'ici à 2015. C'est un aspect du plan de l'OPANO pour reconstituer les stocks de flétan du Groenland.
Il y a certaines anicroches, comme l'a dit le ministre, à propos de qui attrape combien, et si les quotas sont respectés, mais au moins, il y a des plans de reconstitution des stocks. Le plan pour la limande à queue jaune a réussi, et il est certain que le Canada continuera pour le flétan du Groenland. Quand à dire si nous réussissons, c'est ouvert au débat, mais les dispositions qui découleront de cette réunion, je pense, seront utiles.
Le président : S'il n'y a pas d'autres questions, je vous remercie, monsieur le ministre, et vos collaborateurs, d'être venus aujourd'hui et de nous avoir consacré si généreusement de votre temps et fourni des réponses.
La séance est levée.