Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 3 - Témoignages du 26 octobre 2006
OTTAWA, le jeudi 26 octobre 2006
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans s'est réuni aujourd'hui à 10 h 50 afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue à nos invités, Richard Ballhorn, Keith Lewis et Michael Shewchuk, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Nous poursuivons nos discussions au sujet du programme permanent sur les pêches et les océans, en nous intéressant en particulier aux stocks chevauchants situés au-delà et alentour de la limite des 200 milles. Nous nous rendrons à Terre-Neuve-et-Labrador les 7, 8 et 9 novembre pour y tenir des audiences. Nous reviendrons ensuite à Ottawa pour y poursuivre les audiences et nous espérons conclure nos délibérations d'ici Noël.
Je désire souhaiter la bienvenue également aux sénateurs et les présenter : le sénateur Adams, du Nunavut, un territoire où l'eau est omniprésente; le sénateur Hubley, de l'Île-du-Prince-Édouard; le sénateur Cowan, de la Nouvelle- Écosse, qui n'est pas une île, sauf pour ce qui est du Cap-Breton, qui d'ailleurs n'est peut-être pas une île lui non plus, et le sénateur Johnson, de Winnipeg, qui s'intéresse particulièrement au lac Winnipeg. Quant à moi, je suis le sénateur Rompkey.
Monsieur Ballhorn, je crois que vous avez une déclaration préliminaire à faire, après quoi nous passerons aux questions.
Richard Ballhorn, directeur général et jurisconsulte adjoint, Direction générale des affaires juridiques, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Bonjour. Au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, c'est notre bureau qui a jusqu'ici piloté les dossiers des pêches et des affaires maritimes. Je suis accompagné de Keith Lewis et de Michael Shewchuk, experts juridiques en matière d'océans et de pêches.
[Français]
J'ai été invité à éclairer les membres du comité sur des questions afférentes au régime international régissant les pêches dont des zones s'étendant au-delà de notre zone économique exclusive de 200 milles marins. Je me concentrerai sur la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs ainsi que sur l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest.
Je survolerai également plusieurs autres ententes internationales sur les pêches. Mon but est de vous présenter un bref aperçu du sujet, après quoi je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
[Traduction]
La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, l'UNCLOS, qu'on qualifie de « constitution des océans », a été négociée en 1982. Elle établit le cadre qui régit de nombreux aspects de la gouvernance des océans, depuis la navigation jusqu'à la pollution maritime, en passant par le règlement des différends et la gestion des ressources marines biologiques et non biologiques. Plus particulièrement, elle décrit les zones dans lesquelles les États exercent des droits souverains et où ils ont compétence. Le Canada a beaucoup contribué à la négociation de l'UNCLOS, qui a pris bien du temps. Il a signé la convention en 1982.
Toutefois, comme le savent les sénateurs, la ratification par le Canada a été retardée d'abord à cause des préoccupations au sujet des parties de l'UNCLOS afférentes à l'exploitation minière des grands fonds marins, puis en raison d'inquiétudes reliées à la nécessité de renforcer les parties de l'UNCLOS traitant de la pêche. Heureusement, nous avons pu régler ces deux questions. La nouvelle partie XI de l'accord d'application de 1994 traite de l'exploitation minière du fond marin. Mais ce qui revêt plus d'importance pour ce comité, c'est l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons de 1995, dont je vous fais grâce du long titre exact. Une fois ces dispositions en place, et comme le recommandait le comité, le Canada a ratifié l'UNCLOS en novembre 2003. Cent cinquante pays sont actuellement parties à l'UNCLOS.
L'UNCLOS établit que dans une zone de 200 milles marins, l'État côtier a des droits souverains aux fins d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux sus- jacentes aux fonds marins et du sous-sol marin. Cette convention nous permet de faire plus ou moins ce que nous voulons jusqu'à notre limite des 200 milles. Au-delà de cette limite, les navires étrangers sont libres de pêcher. Cette liberté de pêcher n'est cependant pas sans entraves. L'UNCLOS enjoint les États de coopérer à la conservation et à la gestion des ressources biologiques dans les zones situées en haute mer, telles que celles du nez et de la queue du Grand Banc ainsi que du Bonnet Flamand.
Le Canada est un État côtier doté d'un plateau continental qui s'étend au-delà de 200 milles et il dispose de droits souverains aux fins d'exploration du plateau continental et d'exploitation des ressources naturelles, tant biologiques, s'agissant des espèces sédentaires, que non biologiques, comme le pétrole et le gaz présents dans le sous-sol des fonds marins. Ces droits souverains ne s'appliquent pas à la plupart des pêches.
Le deuxième grand accord dont j'ai fait mention est l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons de 1995. Cet accord est probablement le plus important en matière de pêches après l'UNCLOS. Il vient compléter les dispositions de l'UNCLOS, en particulier en ce qui concerne la gestion des stocks de poissons chevauchants et des stocks grands migrateurs qui se trouvent dans la zone économique exclusive d'un ou de plusieurs États côtiers et en haute mer. Les stocks de poissons grands migrateurs, comme le thon, sont ceux qui ont l'habitude de parcourir de grandes distances dans les eaux internationales et dans les eaux de compétence nationale. L'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons institue un solide régime de conservation et de gestion, dont des procédures d'application dans la pêche en haute mer. Il donne la priorité aux organisations régionales de gestion des pêches, considérées comme le moyen le plus efficace pour les États de coopérer à la gestion des stocks en question. L'accord encourage les États à coopérer par l'entremise de ces organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) ou d'autres arrangements pour conserver et gérer les stocks de poissons chevauchants et les stocks de poissons grands migrateurs. Il explique l'obligation qui est faite aux États de coopérer à la gestion des stocks en haute mer et il détaille les responsabilités de l'État du pavillon, en commençant par le devoir de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les navires de pêche qui évoluent en haute mer sous son pavillon respectent les mesures de conservation et de gestion adoptées par les ORGP et n'exercent aucune activité susceptible de compromettre l'efficacité de ces mesures. On attend des États qu'ils collaborent avec les ORGP, même s'ils n'en sont pas membres.
Le Canada a été un chef de file dans la négociation de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons, qu'il a ratifié en 1999. L'accord n'est toutefois entré en vigueur qu'en décembre 2001. Par la suite, les parties contractantes ont augmenté à 61, soit environ le double du nombre de signataires qu'il y avait lorsque nous nous sommes présentés la dernière fois devant ce comité, à la fin de 2002. Et le nombre de signataires continue de croître. Cette année, le Japon et divers nouveaux États membres de la Communauté européenne ont signé l'accord. Nous espérons que d'autres pays encore se joindront à eux, mais certains, comme le Mexique et le Chili, n'ont pas signé l'accord pour diverses raisons.
Comme cela fait maintenant cinq ans que l'accord est en vigueur, une conférence d'examen de cet accord, à laquelle le Canada a activement participé, a eu lieu cette année à New York. Elle avait pour but de voir comment fonctionnait l'accord et de proposer des moyens de renforcer sa mise en œuvre. Bon nombre des priorités du Canada transparaissaient dans les résultats de cet examen, comme la réduction de la capacité de la flotte de pêche mondiale; la modernisation et le renforcement des mandats des organisations régionales de gestion des pêches et des mesures qu'elles prennent; l'élaboration de lignes directrices régionales sur les sanctions en matière de pêche et la nécessité de veiller à ce que les façons de procéder et les comportements postérieurs à un désengagement ne nuisent pas aux mesures de conservation et soient assujettis à la procédure de règlement des différends.
Un bon nombre des recommandations formulées par un Groupe de travail sur la haute mer, qui a été à l'œuvre pratiquement toute l'année dernière, ont également été intégrées aux propositions. Elles préconisent des examens des résultats, l'élaboration de normes concernant les lignes directrices des ORGP, l'adoption, comme norme minimale, du modèle d'État de port élaboré par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, et l'intensification des activités internationale de suivi, de contrôle et de surveillance. Nous estimons que la conférence d'examen a produit de bons résultats. Le rapport en découlant sera reflété dans une certaine mesure dans la résolution annuelle sur les pêches et les océans qui sera adoptée par les Nations Unies au cours des prochaines semaines.
Les organisations régionales de gestion des pêches sont un autre élément d'intérêt. Le Canada est membre de plusieurs d'entre elles. Certaines existent depuis longtemps, comme l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord- Ouest (l'OPANO) et la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (la CICTA). D'autres sont l'aboutissement de négociations récentes et d'autres encore, comme celle qui concerne le Pacifique, font encore l'objet de négociations. En règle générale, la plupart des zones de pêche du monde sont maintenant régies par des ORGP.
Bien qu'il y ait des différences dans les dispositions qu'elles prennent, dans leur dynamique et dans l'étendue des stocks qu'elles régissent, ces ORGP ont des éléments en commun : leurs membres reçoivent des avis scientifiques sur les stocks de poissons et ils fixent un total autorisé des captures, qu'ils répartissent entre eux. Ils établissent aussi des mesures de conservation, telles que la taille des engins de pêche ainsi que les périodes et les zones où la pêche est interdite. L'application des mesures de conservation est généralement laissée au soin de l'État du pavillon de chaque navire, sauf dans le cas de l'OPANO, qui a établi un régime international d'arraisonnements et d'inspections. Les décisions des ORGP sont généralement issues d'un consensus ou de décisions majoritaires assorties d'une possibilité de recours à une procédure d'opposition. Dans la plupart des cas, un État qui s'oppose à une mesure n'est pas tenu de l'appliquer.
L'organisation régionale de gestion des pêches qui intéresse probablement le plus le Canada et ce comité est l'OPANO. Elle gère la plupart des stocks de poissons des eaux internationales situées au-delà de la zone économique exclusive du Canada dans l'Atlantique Nord-Ouest, y compris ceux du nez et de la queue du Grand Banc ainsi que du Bonnet Flamand. Comme l'ont indiqué au comité d'autres témoins, l'OPANO fait actuellement l'objet d'un processus de réforme visant à la moderniser. Ce processus est l'aboutissement d'importantes initiatives internationales, notamment d'une présence renforcée des inspecteurs canadiens de l'OPANO dans la zone réglementée, de l'accroissement des interventions diplomatiques du Canada et de multiples autres initiatives internationales, dont la Conférence internationale sur la gouvernance des pêches en haute mer et l'Accord des Nations Unies sur la pêche, qui s'est tenue à St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador) en 2005. Cette entreprise de grande envergure a mobilisé un grand nombre des missions à l'étranger et des agents des Affaires juridiques de mon ministère. Elle a donné une impulsion à la réforme sur la gouvernance des pêches, en particulier en ce qui concerne l'OPANO.
Un processus de réforme a été engagé lors de la réunion annuelle de l'OPANO de 2005. Dans un premier temps, un groupe de travail chargé de la réforme a été établi pour examiner la Convention de l'OPANO de 1979 et proposer des améliorations pour y intégrer les principes de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons.
Ensuite, le Comité permanent de contrôle international de l'OPANO a été chargé d'examiner le régime de suivi, de contrôle et de surveillance pour déterminer quels changements il était nécessaire d'y apporter pour le renforcer.
Lors de son récent témoignage, le ministre des Pêches et des Océans a donné un excellent aperçu des dernières orientations prises par l'OPANO. Bien que le processus de réforme n'ait pas encore été mené à terme, le Canada a réussi à réaliser des progrès sur des éléments essentiels de la réforme et à intégrer à celle-ci certains éléments de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons. Les éléments que je vais évoquer et qui intéressent particulièrement le Canada ont trait au fait que les parties contractantes doivent fonder leurs décisions sur la meilleure information scientifique disponible, appliquer l'approche de précaution et tenir compte aussi dans leur processus décisionnel de considérations liées à l'écosystème, ce qui a été problématique pour le Canada.
La procédure d'opposition a été considérablement modifiée afin de limiter la capacité d'une partie contractante à s'opposer au quota qui lui est attribué et à pêcher des quantités de poisson fixées unilatéralement. Une fois la réforme mise en œuvre, une partie contractante mécontente devra justifier son opposition devant un comité indépendant et encore ne pourra-t-elle le faire que pour deux motifs réglementaires. Une procédure de règlement des différends est aussi prévue, qui permet aux parties d'assujettir le règlement de leurs différends aux modalités établies à cet effet dans l'UNCLOS et dans l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons. Enfin, une liste explicite des obligations de l'État du pavillon et des parties contractantes a été établie. En même temps, nous avons préservé ce qui était pour nous les principaux éléments de la convention de 1979, soit, en premier lieu, l'attention particulière accordée au Canada dans les décisions de répartition des quotas et, en second lieu, l'obligation de faire en sorte que les propositions de l'OPANO soient compatibles avec les mesures adoptées par l'État côtier.
Le libellé de ces modifications nécessite encore du travail. C'est sur quoi portera la réunion de l'OPANO qui aura lieu en mars. Nous espérons qu'alors le texte proposé sera accepté et que les pays membres procéderont ensuite à son adoption.
À la réunion annuelle de septembre, il a aussi été convenu de renforcer certains aspects des mesures de conservation et d'application des règlements. Les modifications connexes seront applicables à compter du 1er janvier 2007. Nous n'avons pas à attendre que toutes les modifications prévues soient adoptées pour commencer à opérer de réels changements à compter du 1er janvier. Nous estimons que ces modifications représentent un grand pas en avant et qu'ils feront de l'OPANO une organisation notablement plus forte.
Je vais maintenant évoquer brièvement d'autres instruments en matière de pêches. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture œuvre dans le domaine de la pêche depuis longtemps, cela faisant partie de son mandat. Elle intervient peut-être plus particulièrement dans le domaine scientifique et technique. On lui doit des accords de conformité, un code de conduite et un plan d'action international sur la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Son travail est complémentaire à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, qui a un caractère plus juridique, et il a contribué à renforcer certaines activités de lutte contre la surpêche.
À mon avis, la ratification par le Canada de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer représente notre plus grande réalisation des dernières années. L'Accord sur les stocks de poissons est évidemment entré en vigueur, mais il était important que les pays membres de l'Union européenne soient de la partie. La réforme de l'OPANO qui est en cours représente une réelle percée et nous espérons qu'elle aboutira en mars prochain.
Je vais m'en tenir à cela et me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur Cowan : Ma question a trait à l'application des règlements et au mécanisme de règlement des différends, ainsi qu'aux droits de vote et à l'influence. D'après ce que je comprends, au sein de l'OPANO, le Canada n'a qu'une seule des 12 voix, malgré l'énorme importance que revêt pour lui la zone considérée. Le ministre a exprimé certaines réserves quant à l'exercice d'un pouvoir trop « musclé » dans les affaires de l'OPANO, craignant que cela nuise à l'influence que le Canada pourrait avoir normalement.
Dans ce contexte, un témoin a décrit le monopole de l'État du pavillon en matière d'application des règlements comme un talon d'Achille de la convention et du processus de réforme. Je crois que les gens qui s'intéressent à ce régime et le connaissent bien se demandent si cette réforme a suffisant de mordant pour qu'on puisse en arriver à une application réelle, plutôt qu'à une discussion sur l'application, des objectifs et mesures louables auxquels tout le monde adhère en théorie. Qu'en pensez-vous?
M. Ballhorn : Il est certain que la mainmise de l'État du pavillon sur ses navires est un principe fondamental. Il est difficile de convaincre les pays d'y renoncer pour en laisser d'autres assumer ce rôle. Toutefois, dans le cas de l'OPANO, nous avons un régime conjoint d'inspections dans le cadre duquel des navires de l'UE et des navires canadiens travaillent relativement bien ensemble. À cet égard, même avant le processus de réforme, nous avions trouvé des moyens de fonctionner et avons eu recours à des navires d'inspection des pêches, qui étaient capables de travailler en étroite coopération.
Ces dernières années, nous sommes parvenus à établir avec l'Union européenne une bien meilleure coopération que par le passé. Je crois que cela nous donne une autre raison d'avoir confiance en ce que nous faisons. Obligation est faite aux États du pavillon d'appliquer réellement les règlements. Dans le cadre du processus de réforme, nous leur demandons de rendre compte des infractions et des mesures coercitives auxquelles elles ont donné lieu. Ils ne peuvent pas tirer leur épingle du jeu et répondre qu'ils ne font rien à ce sujet. Ils sont obligés de rendre compte de la suite qui a été donnée à une infraction.
Le sénateur Cowan : Est-ce que cela résulte d'une nouvelle disposition qui n'existait pas auparavant?
M. Ballhorn : Il n'y avait pas d'obligation de rendre compte de ce qui avait été fait à la suite d'une infraction. C'est un des éléments nouveaux. Mes collègues, qui sont plus au fait des détails de ce qui a été convenu, ont peut-être d'autres commentaires à formuler à ce sujet, mais c'est un point sur lequel les parties se sont entendues.
Keith Lewis, agent juridique, Section du droit des océans, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Pour renchérir sur ce qu'a dit M. Ballhorn, aux termes des dispositions qui existent déjà dans les mesures de conservation et d'application des règlements de l'OPANO, les États sont obligés de rendre compte dans une certaine mesure du suivi qu'ils ont donné. Toutefois, par le passé, cela a été problématique pour le Canada, qui se faisait dire à l'infini que « l'affaire est en suspens... ». Un des avantages que nous ont valus les récentes négociations de septembre réside à mon avis dans le fait que ce problème sera moins fréquent et que nous recevrons des rapports plus régulièrement. Bien entendu, nous assurons autant que possible des suivis avec les autres États du pavillon.
Le sénateur Cowan : Vous ne semblez pas convaincu de cela.
M. Lewis : Je le suis, sénateur.
M. Ballhorn : Dans une entité qui compte si peu de membres, on dépend de la bonne volonté de l'ensemble des membres. Le désir des pays d'adhérer aux réformes est bon signe. Ces pays n'ont pas cherché à faire marche arrière. Ils acceptent d'être astreints à plus d'obligations, de respecter les mesures de conservation et de rendre compte de leur application. J'estime que, s'agissant de discipliner ses propres navires, l'Union européenne est arrivée récemment à de bons résultats. Une difficulté vient toutefois du fait que si elle dispose à cet égard de la compétence internationale, les sanctions relèvent encore des États membres, qui ont droit de regard sur leurs navires. Il faut donc encore en référer et présenter la preuve à des tribunaux, et la cause doit être entendue par un juge. Les pays ne peuvent garantir que chaque infraction sera sanctionnée, parce qu'ils n'ont aucune mainmise sur les tribunaux, pas plus que le gouvernement canadien ne peut garantir ce que décidera un tribunal dans telle ou telle situation.
Le président : Il y a là un point, que je souhaite clarifier. Tout d'abord, ce qui a été convenu récemment doit être ratifié par les États membres. On a un accord de principe, mais rien n'est encore en place. Il y a de la bonne volonté chez tous les participants présents à la table, mais les réformes sur lesquelles ils se sont entendus doivent encore être ratifiées par tous les États membres.
M. Ballhorn : Il reste encore en suspens quelques questions qui mobiliseront probablement une bonne partie des discussions lors de la réunion de mars.
Ensuite, il faut savoir qu'au sein de l'OPANO, l'Union européenne n'est qu'un seul membre, représentant ses 25 États membres. Le Danemark est présent, mais au nom des îles Féroé, de même que la France l'est pour le compte des îles Saint-Pierre-et-Miquelon.
Au sein de l'Union, il doit y avoir un processus interne pour approuver les réformes et nous attendons d'en savoir plus à ce sujet. Les États membres siègent au sein de la délégation européenne, mais seul le membre de la Commission européenne a la parole.
Le président : Est-ce que l'Espagne et le Portugal devront ratifier les réformes dont aura convenu l'Union européenne?
M. Ballhorn : Non.
Le président : Quel est le processus de ratification au sein de l'UE?
M. Ballhorn : L'Union européenne décidera de ratifier ou non les réformes selon ses procédures internes. Il y a un processus décisionnel en place au sein de l'UE, dans le cadre duquel l'Espagne et le Portugal auraient leur mot à dire.
Le président : La décision viendra-t-elle de la Commission, du Parlement ou des deux à la fois?
M. Ballhorn : Je ne sais pas au juste, car c'est une procédure complexe, faisant appel parfois à des conseils de ministres, parfois au Parlement. L'Union devra prendre une décision interne et celle-ci liera tous ses États membres.
Le président : Peut-être pourriez-vous clarifier plus tard comment se déroulera le processus de ratification et s'il se situe à l'échelle de la Commission, du Parlement ou des deux à la fois? Je ne suis pas certain de qui ratifie quoi au sein de l'UE.
Le sénateur Adams : Ma question est peut-être particulière, spécialement en ce qui concerne l'UNCLOS. Celle-ci a été ratifiée en 1982 et le règlement de la revendication territoriale a eu lieu en 1993.
Laissez-moi d'abord expliquer ce que nous faisons au Nunavut. J'ai vu une carte de l'OPANO illustrant une partie des eaux dans lesquelles nous pêchons dans la zone 0B. La majorité du flétan capturé au Groenland vient de la zone 0A.
En ce moment, nous avons un quota de 8 000 tonnes métriques du ministère des Pêches et des Océans. Depuis 2003, il est difficile d'acquérir des quotas au Nunavut. À l'heure actuelle, seules quelques personnes de la communauté obtiennent des quotas et nous ne recevons que 9 p. 100 de redevances d'autres organisations et entreprises qui exploitent une partie des quotas que nous avons en Arctique.
Tous les ans depuis février, le ministre accorde au Nunavut 8 000 tonnes dans les zones 0A et 0B, mais une bonne partie de ces zones n'est pas intéressante pour le Nunavut. Depuis l'accord de 1982, la politique est différente. La revendication territoriale a été réglée en 1993 et cela devrait se refléter à l'OPANO. Nous disposons de 8 000 tonnes dans la zone du Nunavut, mais nous n'avons aucun droit de regard sur cette zone. Certaines entreprises embauchent, mais font appel à de la main-d'œuvre étrangère. De 2003 à 2005 ou 2006, la quasi-totalité des 8 000 tonnes métriques de poisson capturées là-bas l'a été par des étrangers.
Pourquoi en est-il ainsi, puisque nous sommes Canadiens et qu'après le règlement de la revendication territoriale un quota de l'OPANO de 8 000 tonnes métriques nous a été octroyé? Pourquoi le ministre nous a-t-il attribué 8 000 tonnes et pourquoi ce quota n'appartient-il pas entièrement à la communauté du Nunavut?
M. Ballhorn : C'est un sujet qui ne m'est pas familier. Fondamentalement, l'accord de 1982, c'est-à-dire la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, a été négocié cette année-là, mais le Canada ne l'a ratifié qu'en 2003. L'instance principale qui est probablement compétente dans ce cas est l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, l'OPANO, au sein de laquelle, les quotas sont répartis entre pays. Ce qu'en fait un pays ensuite dépend entièrement de lui. Dans ce domaine, le ministère expert est celui des Pêches et des Océans et non le nôtre.
Je pense que s'il y a d'autres navires qui pêchent, c'est que quelqu'un les a engagés pour le faire. À ma connaissance, il n'y a pas de navires étrangers qui viennent ici sans y être autorisés, mais il y certains quotas exploités par d'autres pays. Je me demande si mon collègue en sait plus à ce sujet.
M. Lewis : Pour renchérir sur ce que vient de dire M. Ballhorn, l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord- Ouest régit expressément les eaux internationales. Les zones dont vous parlez, sénateur, comptent moins de 200 milles marins, en raison de la proximité géographique du Groenland par rapport au Nunavut. Dans ce cas particulier, ces questions sont exclusivement de la compétence du ministre des Pêches et des Océans et nous ne pouvons malheureusement pas y répondre.
Le sénateur Adams : Il y a cinq ans, j'avais étudié la question de la pêche commerciale et des quotas au Nunavut. À un moment donné, le directeur du MPO devait établir pour le Nunavut une politique selon laquelle aucun navire étranger ne pourrait venir en Arctique dans les zones 0A et 0B. A-t-il été question de cette discussion d'il y a quatre ou cinq ans au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international?
M. Lewis : Je n'ai pas entendu parler de cela. Nous pourrions essayer de nous renseigner à ce sujet.
Le sénateur Adams : Qui, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et du MPO, est chargé d'établir les politiques concernant l'OPANO et la concentration de navires étrangers dans la pêche?
M. Ballhorn : L'OPANO ne régit que les eaux situées au-delà de la limite des 200 milles. Ce qui se passe à l'intérieur de ces 200 milles relève uniquement du gouvernement du Canada, par l'entremise de Pêches et Océans Canada. Nous n'interviendrions que dans des cas concernant les eaux situées à plus de 200 milles. Les affaires se passant à l'intérieur des 200 milles sont des affaires internes du gouvernement du Canada.
Le sénateur Hubley : Je vous remercie de votre exposé. On a souvent dit au fil des ans que l'OPANO manque de mordant. Pensez-vous que les éléments que vous avez mis en évidence dans votre exposé, concernant par exemple les aspects scientifiques et écosystémiques, l'approche de précaution, le processus décisionnel, le mécanisme de règlement des différends, et cetera, permettent à l'OPANO d'être suffisamment éclairée pour assurer la viabilité de la pêche dans l'Atlantique Nord-Ouest? Croyez-vous qu'il y ait au sein de l'organisation une nouvelle volonté politique de faire en sorte que la réforme de l'OPANO soit efficace?
M. Ballhorn : Oui, du seul fait que nous ayons eu ces discussions sur la réforme et que nous soyons arrivés là où nous sommes. De façon générale, l'attitude des pays était positive. Habituellement, les pays de la Communauté économique européenne, en particulier l'Espagne et le Portugal, et leur façon de procéder nous donnaient beaucoup de souci. Or, ils ont contribué à ce que nous parvenions à une entente sur la réforme.
Avant cela, nous avions établi un système conjoint d'inspections avec la CEE et cela était un élément positif. Il est arrivé à plusieurs reprises dernièrement, et pas plus tard qu'hier, qu'un navire soit trouvé en situation d'infraction aux règlements. Il a été envoyé hors zone. Cela est positif, à notre avis.
Un des éléments décourageants du système actuel, c'est qu'un membre pourrait s'opposer à un quota, puis faire pratiquement ce qu'il veut. Nous avons maintenant élaboré un processus qui permettrait à un pays de s'opposer, mais qui l'obligerait à justifier son opposition. Des mesures provisoires seraient alors mises en place et on pourrait aller jusqu'à la procédure de règlement des différends. Nous espérons que cette façon de procéder empêchera les parties de décider de faire opposition pour ensuite agir unilatéralement. Cela fait partie des réformes positives que nous attendions le plus. Nous voulions avoir un moyen de maîtriser ces oppositions unilatérales.
Une fois que les pays membres ont convenu des modifications, ils doivent les soumettre à l'approbation de leurs gouvernements respectifs. Cela devrait prendre un certain temps pour obtenir l'approbation des divers parlements et instances, mais il n'y a pas, que nous le sachions, de vive opposition d'un membre quelconque à ces modifications. Dans toute la mesure du possible, nous essayons de fonctionner par consensus et d'apporter des changements qui soient acceptables à la plupart des membres. Nous ne voulons pas que certains pays adoptent et mettent en œuvre des modifications que quatre ou cinq autres pays n'appliqueraient pas. Il n'y a que 12 parties, mais nous voulons que toutes adoptent les modifications.
Le sénateur Hubley : Dites-moi, étant donné que les 12 parties fonderont leur décision sur la meilleure information scientifique disponible, qu'arrive-t-il si cette information est contestée? Que se passe-t-il si une partie est d'avis que l'information scientifique prouve une chose et qu'une autre partie estime qu'elle prouve tout autre chose? Aurait-on recours alors à la procédure de règlement des différends. Arrive-t-il que l'information scientifique soit régulièrement remise en question?
M. Ballhorn : Je ne suis pas au courant d'une telle situation. Les scientifiques ont tendance à fusionner leurs conclusions en une seule et même perspective sur les stocks de poisson. Ils optent pour une approche de précaution, leurs hypothèses n'étant pas fondées sur des estimations quantitatives maximales. Ils font preuve de beaucoup de prudence dans leur évaluation des stocks.
Une fois l'information scientifique établie, les décisions de répartition des quotas sont fondées sur une formule sur laquelle toutes les parties se sont entendues. Les pays peuvent s'opposer aux quotas fixés. Deux pays l'ont fait ces dernières années. D'une part, l'Islande a fait opposition, davantage pour des raisons techniques, estimant qu'elle ne pouvait accepter une formule fondée sur l'effort de pêche. Elle a donc établi un quota qui est équivalent à l'effort de pêche, mais sans accepter la notion d'« effort ». D'autre part, les îles Féroé, situées au large du Groenland et qui relèvent du Danemark, se sont opposées aux quotas de crevette, jugeant que les stocks de crevette sont plus importants que le prétend l'OPANO, et elles ont décidé d'exploiter les stocks présents. Nous espérons qu'il y aura en place un processus permettant aux parties de signifier officiellement leur opposition et de faire valoir ce qui la motive lorsqu'ils sont mécontents d'un quota, et non simplement d'exprimer leur opposition pour faire ensuite ce qu'ils veulent.
Le sénateur Hubley : Cela répond à ma question au sujet de la manière de régler les cas d'opposition.
Le président : En ce qui concerne le mécanisme de règlement des différends, nous n'en connaissons pas encore tous les détails. Ainsi, nous ne savons pas comment le comité indépendant sera établi et quelles seront les directives qu'il devra suivre. Je suppose que les pays continueront de pêcher pendant que le différend est devant le comité, mais ce point devrait être clarifié.
Est-ce que le texte de mars contiendra des renseignements détaillés sur le mécanisme de règlement des différends, qui permettront à notre comité de savoir de quoi seront faites les directives?
M. Ballhorn : Tous les renseignements de base sont dans le texte, mais nous ne sommes pas encore sur le point d'aboutir à un consensus.
Il y a de nouvelles dispositions sur le processus décisionnel concernant les quotas. Selon le processus établi, si des pays s'opposent à une décision, ils doivent entreprendre d'en justifier le motif et des mesures provisoires sont alors prises. S'ils restent insatisfaits, ils peuvent recourir au mécanisme de règlement des différends. On s'est plus ou moins entendu là-dessus et cela a été la partie la plus difficile jusqu'ici. D'autres détails restent à préciser, mais nous sommes assez confiants qu'un processus se dessine bel et bien.
Il y aura toujours la question de la rapidité du processus. Une fois qu'un pays fait opposition, combien de temps faudra-t-il pour que le processus soit déclenché et qu'on procède à l'examen du motif de l'opposition? Nous espérons que cela pourra se faire dans un délai de six mois, car il serait insensé que la décision ne soit prise qu'une fois la saison de pêche bien avancée.
Le président : Après avoir fait opposition, les pays peuvent-ils pêcher en attendant que le différend soit réglé?
M. Ballhorn : Je vais demander à mon collègue de répondre. J'ai compris, pour ma part, que des mesures provisoires seraient mises en place et qu'ils pourraient pêcher, mais jusqu'à un certain point seulement.
M. Lewis : Selon l'ébauche actuelle des modalités du processus décisionnel, lorsqu'un pays est mécontent du quota qui lui a été attribué, il peut s'y opposer officiellement pour des motifs réglementaires. Il lui faut alors soumettre une contre-proposition, indiquant, par exemple ce qu'il estime être un niveau d'exploitation et un quota acceptables. Sa contre-proposition ne doit pas compromettre les objectifs de la convention. Ensuite, les motifs de l'opposition et la contre-proposition seraient examinés par un comité. Pendant une certaine période, le pays en question pourrait pêcher selon son propre quota fixé unilatéralement, mais selon la façon dont le processus a été établi, il s'agirait d'une période assez limitée.
Le président : Qu'entendez-vous par « période assez limitée? »
M. Lewis : Cela dépendrait des mesures prises. Il y a diverses façons pour le comité d'appliquer le processus décisionnel.
Le président : Serait-ce une question de semaines, de mois ou d'années?
M. Lewis : Il pourrait s'agir de semaines ou de mois, mais non d'années.
Le sénateur Meighen : Je souhaite clarifier deux ou trois points.
En 2003, notre comité a entendu un témoignage qui reflétait beaucoup de scepticisme quant à l'importante accordée au dossier de la pêche parmi toutes les responsabilités du gouvernement, particulièrement en ce qui concerne le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Je suis sûr, messieurs, que vous savez bien que dans certaines parties du Canada atlantique on continue de penser que nous avons délibérément, ou dans le meilleur des cas inconsciemment, fermé les yeux sur la surpêche, en échange d'opérations commerciales profitant à des industries d'autres parties du pays. Le comité consultatif du ministre dit que cela n'a jamais été le cas. Je vous pose la question sans détour : Avez-vous jamais eu connaissance de tractations secrètes de cette nature, visant à fermer les yeux sur la surpêche en échange d'autres concessions?
M. Ballhorn : Je n'ai assurément jamais eu connaissance de telles choses. En fait, les pêches sont habituellement l'élément qui est exclu des négociations commerciales. La plupart des quotas de l'OPANO sont détenus par le Canada. Les États-Unis n'ont aucun quota de l'OPANO. C'est le Canada qui reçoit la plus grande part des quotas de cette organisation. Cela a d'ailleurs créé des tensions au sein de cette dernière. Manifestement, d'autres parties, dont les Américains, souhaiteraient obtenir plus de quotas, mais, à cet égard, nous avons réussi à nous tailler la part du lion.
Le sénateur Meighen : Je comprends bien que le Canada dispose de bons quotas, mais d'aucuns estiment que nous n'avons jamais été particulièrement sévères à l'égard des navires étrangers qui pratiquent la surpêche, non seulement hors de notre zone de compétence mais aussi à l'intérieur des 200 milles. Le gouvernement fédéral semble à ce sujet ne rien voir et ne rien entendre.
M. Ballhorn : Un processus de surveillance intense et active est en place depuis quelques années. Dans le cadre de l'OPANO, il existe un processus conjoint avec la CEE pour arraisonner des navires en vue de vérifier le poisson que contiennent leurs cales. Il a eu de réels effets. De plus, la CEE a commencé à changer depuis l'arrivée en son sein de l'Espagne et du Portugal et la Commission européenne a des compétences accrues et une perspective européenne en matière de pêche. En ce qui concerne la surpêche, la CEE coopère désormais plus que par le passé. Enfin, le Canada investit plus de ressources dans la surveillance qu'il ne l'a fait pendant quelques années.
Le sénateur Meighen : Donc, pour reprendre votre témoignage, vous n'avez jamais eu connaissance de tractations secrètes concernant la pêche et l'attribution par le Canada de quotas de pêche supplémentaires à l'intérieur ou à l'extérieur de notre zone.
M. Ballhorn : Non. Il est vrai qu'à l'extérieur de la zone, il arrive que des contrats soient conclus lorsque les intéressés ne disposent pas des navires nécessaires, mais ce sont des contrats commerciaux. Je ne suis pas au courant de la présence éventuelle de navires étrangers dans nos eaux et je ne sais pas quels navires se trouvent dans les zones de l'OPANO. Les activités de surveillance et de suivi sont certainement beaucoup plus nombreuses maintenant qu'il y a quelques années.
Le sénateur Meighen : En supposant que je l'ai bien comprise, pouvez-vous m'expliquer pourquoi la position du Canada sur le chalutage en haute mer diffère de celle des États-Unis?
M. Ballhorn : À ma connaissance, elle n'est pas très différente. Bien qu'on ait dit que les Américains étaient contre le chalutage de fond, je crois que cela est faux.
Le Canada est un pays de pêche et le chalutage et le dragage font partie de la pêche. Il serait difficile de pêcher des pétoncles sans les dragues. Le gouvernement étudie donc la question zone par zone, pour déterminer si dans certaines d'entre elles le chalutage a des effets fragilisants. Lors d'une récente réforme de l'OPANO, le chalutage de fond a été interdit sur quatre monts sous-marins. De façon générale, on est plus sensible aux effets du chalutage, mais notre orientation à nous consiste à examiner ces effets zone par zone pour déterminer lesquelles de ces zones ont besoin d'être protégées, plutôt que d'interdire tout chalutage. Cela semblerait être la position consensuelle de la plupart des pays de pêche. Je ne suis pas certain que les Américains aient un point de vue très différent.
Le président : Nous reviendrons plus tard sur la question du chalutage de fond avec les questions du sénateur Cowan. Ne s'agit-il pas plutôt de décréter un gel sur les activités de chalutage actuelles plutôt que de les interdire totalement? La plupart des témoignages des groupes de défense de l'environnement que nous avons entendus laissent croire qu'ils désirent un gel de la situation actuelle. Manifestement, il y a des règlements qui s'appliquent à l'intérieur et à l'extérieur de la zone des 200 milles et qui comportent des modalités de surveillance et d'identification. J'ai compris qu'on suggérait de geler le chalutage à son niveau actuel plutôt que de l'interdire totalement. Est-ce une position que le Canada est prêt à défendre?
M. Ballhorn : Nous ne souhaitions pas interdire complètement le chalutage, préférant évaluer ses effets là où on se propose de le maintenir.
Manifestement, nous serions plus disposés à acquiescer et à prendre une mesure plus générale à l'égard du chalutage dans les zones de haute mer au sujet desquelles il y a peu d'information scientifique et où les pêches ne sont pas régies par un organe de gestion. Ce que nous avons cherché à faire c'est de cerner, au sein d'une zone, les secteurs qui pourraient être particulièrement sensibles au chalutage de fond. Nous continuerons dans cette voie plutôt que d'opter pour un gel de la situation actuelle et, par exemple, pour la suppression du chalutage au-delà des 200 milles, ce qui n'est pas l'orientation prise par le ministère.
On a beaucoup attiré l'attention sur des secteurs particulièrement préoccupants. C'est un enjeu dans certaines des nouvelles ententes de pêche en cours de négociation, en particulier celle qui vise le Pacifique Sud. Dans certains cas, les organisations non gouvernementales n'ont pas toute la même position et on se trouve en présence d'une diversité de points de vue; ainsi, certains voudraient éliminer totalement le chalutage de fond, tandis que d'autres sont plus au fait de ce qui se passe et souhaiteraient un gel. Il existe un éventail d'opinions et non, à ce que je sache, une perspective unique émanant des ONG.
Le sénateur Campbell : De toute évidence, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et celui des Pêches et des Océans travaillent de concert dans ce dossier. Qui a le dessus?
M. Ballhorn : Il y a une division du travail. Affaires étrangères et Commerce international Canada a depuis longtemps fourni l'expertise dans les aspects internationaux des questions de pêche et d'océans. Le MPO est habituellement averti quand il y a une infraction en haute mer. Quelquefois, dans ses missions à l'étranger, le ministère des Affaires étrangères est appelé à traiter des préoccupations de l'État du pavillon. Au fil des ans, nous avons fait une assez grande promotion de l'Accord sur les stocks de poisson, comme étant de bons instruments, par l'entremise de nos missions à l'étranger, et cetera. Nos activités dans ce domaine ont habituellement été menées en étroite coopération avec le MPO, qui lui est chargé des affaires de pêche à l'échelle nationale, dans la zone des 200 milles, et de la réglementation. Le travail des Affaires étrangères est généralement d'envergure internationale et concerne la haute mer. Nous n'avons pas le pouvoir de prendre des décisions sur les quotas, mais nous intervenons plutôt dans le domaine des négociations sur les accords juridiques et, dans une certaine mesure, dans le suivi des mesures d'application des règlements. Le ministère des Affaires étrangères n'a pas le pouvoir d'appliquer les règlements, mais ses fonctionnaires aiment être au courant de ce qui se passe à cet égard pour dialoguer avec les pays étrangers.
Le sénateur Campbell : La question a trait aux cas où la position du ministère des Affaires étrangères est contraire à celle du ministère des Pêches et des Océans. Je comprends bien que votre ministère ne s'occupe pas des activités courantes concernant la pêche. Quand votre point de vue sur le chalutage et les stocks de poisson chevauchants diffère de celui du MPO, qui l'emporte? Est-ce que les pêcheurs canadiens renoncent à leurs droits en faveur de la position internationale que vous défendez? Je comprends votre position, mais qui décide?
M. Ballhorn : Normalement, quand nous entreprenons des négociations, nous essayons de représenter la position ou le mandat du Canada. Il ne s'agit pas du mandat du ministère des Affaires étrangères ou de celui du MPO, mais d'un mandat canadien, issu de nos deux ministères. Dans le cas de certaines négociations, le mandat est soumis préalablement à l'approbation du Cabinet. Souvent, il s'agit simplement pour les deux ministères d'en convenir. À ma connaissance, il n'y a pas beaucoup de différence dans les positions, quoique cela ne fait pas encore un an que je suis en fonction. Les activités courantes des deux ministères nous amènent à bien nous connaître. Il y a peut-être une question d'emphase mise sur tel ou tel aspect qui fait que nous serions plus actifs dans certains domaines que dans d'autres, mais certainement, s'il y avait une grande divergence d'opinions entre les deux ministères, ils en référeraient au Cabinet et au premier ministre pour que la question soit tranchée. Nous ne débattrions pas de nos positions respectives en public au cours d'une réunion.
Le sénateur Campbell : Je ne le pensais pas.
J'aimerais faire une remarque générale : les deux plus grands joueurs semblent être le Canada et l'Union européenne. De nombreux pays de l'UE comptent de vastes étendues côtières, comme le Canada.
Il y a 12 voix. Nous en avons une et l'UE en a une également. Est-ce que cela ne nous place pas dans une situation où les autres parties peuvent faire bloc contre nous? Est-ce que dans cette convention nous ne devrions pas avoir plus d'une voix sur douze puisque c'est de nos poissons qu'il est question?
M. Ballhorn : Ce ne sont pas nos poissons, puisqu'ils se trouvent au-delà de notre limite des 200 milles. Ces poissons appartiennent à quiconque pêche dans les eaux en question. Généralement parlant, les décisions ne sont pas prises par vote, mais par consensus. Cela nous a été profitable. Le Canada dispose d'une bonne partie des quotas dans la zone réglementée par l'OPANO. Le fait que nous ayons réussi à obtenir tous ces quotas est d'ailleurs un élément de friction au sein de l'organisation. Je trouve étonnant que les Américains n'en aient aucun.
Le sénateur Campbell : Cela me fend le cœur.
M. Ballhorn : Les États-Unis sont pourtant un membre de l'organisation. Le Canada est de loin le plus grand bénéficiaire des quotas de l'OPANO.
Le sénateur Campbell : Vous dites que ce ne sont pas nos poissons. Pourtant, ces poissons ne naissent pas en Angleterre. Je viens de la côte ouest. Le saumon naît en Colombie-Britannique et il est pêché ailleurs, mais c'est bel et bien notre poisson. C'est nous qui tenons les écloseries et nous qui nous préoccupons de l'habitat. Et c'est la même chose sur la côte est. Cela nous inquiète. Nous avons conscience de ce qui est arrivé à la morue et du fait que nous y sommes pour quelque chose.
Il est facile de dire que les choses se passent au-delà de notre limite des 200 milles. Le fait est que ces poissons partent de notre pays et franchissent la limite des 200 milles; c'est donc sans remord que je les appelle nos poissons.
Je pense que tout cela fonctionne. J'ai écouté le ministre des Pêches et des Océans et j'ai été impressionné par lui- même et par ses propos. Mais je vois des problèmes pour l'avenir. Nous avons une voix et si l'organisation décide de se jouer de nous, elle le peut et nous n'aurons aucun recours parce que nous sommes parties à cette convention.
M. Ballhorn : Pour ce qui est des stocks de poisson, certains voient le jour dans les eaux canadiennes, mais d'autres sont des stocks de haute mer qui n'ont pas nécessairement de lien avec le Canada.
Le sénateur Campbell : Je demande qu'ils soient tous marqués d'un drapeau.
M. Ballhorn : Comme je l'ai dit, nous nous en tirons bien actuellement pour ce qui est des quotas et ceux-ci n'ont pas beaucoup changé. L'organisation nous est bénéfique. Ce n'est pas souvent qu'elle recourt à un vote. Elle essaye de fonctionner par consensus.
Le sénateur Johnson : Dans votre exposé, vous avez parlé de la Convention de l'OPANO et vous avez mis en évidence plusieurs choses. Je suis intéressé par l'étude des écosystèmes. Vous dites que les parties contractantes doivent fonder leurs décisions sur la meilleure information scientifique disponible, appliquer l'approche de précaution et tenir compte de l'écosystème.
Pouvez-vous nous en dire plus sur la nécessité de tenir compte de l'écosystème? De quelle sorte d'information scientifique disposons-nous maintenant? Quelle sont les dernières avancées dans ce domaine?
M. Ballhorn : Cela n'est pas le domaine d'expertise du ministère des Affaires étrangères. Nous nous occupons de l'aspect juridique des choses. Je crois que tous les pays qui pêchent comptent au sein de leur gouvernement un établissement scientifique. C'est assurément le cas du ministère des Pêches et des Océans. Il dispose d'experts qui effectuent des études et des calculs pour quantifier les stocks de poisson et estimer leur effectif probable dans l'avenir. Cette information vient des ministères responsables des pêches.
L'approche écosystémique est une notion qui s'est développée ces dernières années et qui porte sur la façon de gérer toute ressource naturelle. Elle découle de l'idée qu'il faut prendre en considération non seulement l'espèce qui nous intéresse, mais l'ensemble du milieu dans lequel elle vit et avec lequel elle interagit. C'est une de ces choses dont il facile de parler mais qu'il est plus difficile de définir. Ceux qui sont chargés d'appliquer l'approche écosystémique sont aux prises avec la difficulté de savoir ce qu'elle signifie réellement et ce qui est nécessaire pour la mettre en œuvre.
L'approche de précaution est une des notions issues de la Conférence des Nations Unies tenue à Rio de Janeiro en 1992. Elle est fondée sur l'idée que lorsqu'on ne dispose pas de tous les renseignements scientifiques voulus et qu'une erreur risque d'avoir des conséquences durables, il convient de faire preuve de prudence dans les décisions.
L'expérience des pêches de la côte est a révélé que les gens n'en savent pas assez sur les sciences halieutiques. Ils voudraient en apprendre plus à ce sujet et comprendre pourquoi certains stocks se rétablissent et d'autres non. On a réitéré qu'il fallait appliquer l'approche de précaution pour fixer les quotas lorsqu'il n'y avait pas suffisamment de renseignements scientifiques et qu'il valait mieux être trop prudent que pas assez. Si on pense qu'un stock est en difficulté, il convient de prendre des mesures tout de suite plutôt que d'attendre d'avoir toute l'information scientifique.
Le sénateur Johnson : Sur un sujet qui vous concerne davantage, l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons va considérablement plus loin que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, en particulier en ce qui a trait aux obligations qu'elle impose aux États en matière de coopération à la gestion des stocks chevauchants en haute mer.
Croyez-vous que l'UNCLOS ait besoin d'être modifiée afin de mieux protéger les stocks de poisson et, par exemple, de mieux refléter les intérêts particuliers d'États côtiers comme le Canada?
M. Ballhorn : Par certains côtés, l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons vient préciser les dispositions de l'UNCLOS concernant la pêche. Je ne vous en ai pas donné le titre au complet, qui compte trois ou quatre lignes, mais il renvoie directement à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
Les pays de pêche qui, comme le Canada, trouvaient que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer n'allait pas assez loin, avaient dû néanmoins mettre un terme aux négociations, car celles-ci avaient assez duré et que cette convention représentait un processus vaste et complexe. L'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons reprend les choses là où les a laissées l'UNCLOS; il établit un régime de gestion des stocks de haute mer chevauchants et définit les droits et les obligations des parties. L'accord enjoint les pays de coopérer et préconise le recours aux organisations régionales de gestion des pêches afin que les stocks de haute mer soient gérés par les gens qui les exploitent.
Nous pensons que cet accord est assez bon. Certains éléments pourraient être renforcés, à la lumière de l'expérience. Il n'est en place que depuis cinq ans. À certains égards, c'est la norme par rapport à laquelle nous avons souhaité que les organisations régionales de gestion des pêches se réforment. Mais elle n'est pas souvent appliquée directement. Ce qui arrive plutôt, c'est qu'on dise : « Voici la norme dont vous avez convenu dans l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons. Appliquez-la maintenant à vos divers accords. »
Cette année, nous avons intégré, autant que nous le pouvions, à la réforme de l'OPANO les principes de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons. C'est la norme. Elle nous permet aussi de ne pas nous cantonner à des discussions à l'échelle régionale; nous pourrions aller à New York et discuter de la situation de la pêche et de ce qui doit être fait dans ce domaine à l'échelle mondiale. S'il n'en tenait qu'à nous, nous apporterions probablement certaines modifications à l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poisson. Mais il fonctionne suffisamment bien et je pense que nous pouvons probablement changer les choses par d'autres moyens.
Le sénateur Johnson : Pensez-vous que l'ANUP devrait être modifié?
M. Ballhorn : L'ANUP n'est en vigueur que depuis cinq ans. Un rapport est paru soulignant les aspects de l'ANUP dont la mise en oeuvre pourrait être renforcée. Doit-on changer les dispositions? Je ne le sais pas. En général, l'examen d'une convention internationale est un processus complexe et l'entrée en vigueur d'une convention modifiée peut prendre beaucoup de temps. Pour le moment, nous sommes satisfaits des résultats de la conférence d'examen et je ne pense pas que quiconque réclame un amendement.
Le sénateur Johnson : J'aimerais obtenir une précision. Pourquoi le Canada a-t-il attendu aussi longtemps avant de ratifier la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer? Est-ce parce que l'Union européenne n'avait pas ratifié l'ANUP?
M. Ballhorn : D'abord, certains pays miniers ont craint fortement une prolifération soudaine d'activités d'exploitation minière des grands fonds marins or, aucun cadre de réglementation adéquat n'existait. Plusieurs pays ont donc attendu avant de ratifier l'accord. Cette situation a entraîné l'ajout, à la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer, d'un accord supplémentaire qui a été rédigé en 1994. Ce que certains craignaient ne s'est jamais concrétisé. Il n'y a eu pratiquement aucune exploitation minière des grands fonds. Néanmoins, cela a ralenti le processus. L'exploitation minière des grands fonds est toujours peu probable, sauf pour les minéraux précieux. Voilà pour le premier obstacle.
Avec l'expérience acquise, au fil du temps, dans le domaine de la pêche hauturière, le gouvernement a pensé que nous souhaitions voir l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons négocié et en vigueur mais, surtout, signé par les principaux pays de pêche, avant qu'il ratifie la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. Voilà pour la dynamique interne.
Finalement, une fois que l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons était entré en vigueur et que nous avions constaté qu'il fonctionnait, nous nous sommes sentis suffisamment confiants pour adhérer à la Convention des Nations unies sur le Droit de la mer.
Le président : Avant d'en finir avec cet aspect, j'aimerais poser une question concernant la convention. Nous recevrons le texte en mars, une fois qu'il aura été approuvé.
Nous avons reçu récemment d'anciens fonctionnaires du MPO. Ils ont insisté sur deux points que j'aimerais souligner. Il est important que nous suivions l'évolution de ce texte. Une fois les dispositions exposées officiellement par écrit, on ne pourra plus y revenir.
Ces fonctionnaires ont également suggéré que le comité consultatif ministériel soit remis sur pied pour suivre l'évolution et le libellé du texte et vérifier qu'il correspond à nos objectifs. Comme vous le savez, un comité consultatif a déjà rédigé un rapport à ce sujet mais son mandat a pris fin.
Voici ma première question : devrait-on remettre sur pied le comité consultatif du ministre des Pêches et des Océans afin qu'il suive de près l'évolution du dossier et qu'il étudie le libellé du texte?
Ma seconde question porte sur le monopole de l'État du pavillon. Les fonctionnaires du MPO qui se sont présentés devant nous ont qualifié cet aspect de talon d'Achille de l'OPANO, le pouvoir demeurant essentiellement entre les mains de l'État du pavillon.
Sur le plan juridique, cela est-il immuable? Existe-t-il des dispositions dans le droit international qui permettent de modifier ce pouvoir d'une façon ou d'une autre? Nous aurons une convention renouvelée mais, en définitive, le pouvoir demeurera entre les mains de l'État du pavillon.
M. Ballhorn : Pour répondre à votre première question, je pense qu'il s'agit de déterminer la meilleure façon d'examiner la convention. Une fois que le texte sera prêt, je suppose que les comités parlementaires souhaiteront en prendre connaissance. Lorsque nous apportons des modifications à un accord officiel, nous devons consulter le Cabinet et vérifier la teneur de l'accord avant de le ratifier. Il y a certainement des moyens de le faire.
Pour ce qui est du monopole de l'État du pavillon, je pense que la compétence de l'État du pavillon sur ses navires est une des dispositions fondamentales du Droit de la mer. Cela est valable également pour la marine marchande. C'est un principe de base. Qui plus est, je ne pense pas que le Canada serait prêt à renoncer à sa compétence sur les bateaux de pêche canadiens. Si nous établissons une autre règle, elle devra également s'appliquer à nous et à nos navires, où qu'ils se trouvent.
La réforme de l'OPANO se traduira par une pression plus forte sur l'État du pavillon pour qu'il respecte son obligation de voir à ce que ses navires pêchent de façon responsable, à défaut de quoi ils s'exposent à des poursuites, à des procédures de règlement des différends et à des pénalités s'ils sont reconnus coupables d'infraction. Ces dispositions sont maintenant renforcées.
Le régime d'inspection et d'arraisonnement que nous partageons avec l'Union européenne est en place depuis plusieurs années. Nous collaborons pour que les mauvais élèves soient écartés et pénalisés. Voilà un aspect très positif.
Nous avons obtenu de bons résultats également en ce qui concerne les navires qui naviguent sous le pavillon d'un pays non autorisé à pêcher dans la zone réglementée par l'OPANO. Nous avons communiqué avec les autorités des pays concernés — souvent des pays de pavillon de complaisance — pour leur demander si elles étaient au courant que ces navires pratiquaient la pêche dans la zone. Elles l'ignoraient la plupart du temps et nous avons pu faire annuler l'immatriculation des navires en question.
Il arrive que certains navires portent des pavillons différents d'une année à l'autre. Une année, le pavillon du Bélize était très courant; cette année, on voit beaucoup, je crois, celui de la Georgie, près de la Russie. Nous avons pu faire annuler l'immatriculation de navires par ces pays. Il s'agissait, en l'occurrence, de navires immatriculés par des personnes peu scrupuleuses n'ayant aucun lien avec l'État du pavillon. Dans certains cas, on peut établir un lien et les compagnies concernées coopèrent.
L'OPANO est en grande partie axée sur la coopération entre les pays. L'entente entre les pays membres s'est considérablement améliorée ces dernières années. C'est une règle fondamentale. Encore aujourd'hui, certains pays n'adhèrent pas à l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons tout simplement parce que, en vertu de l'accord, leurs navires pourraient être arraisonnés.
Le Mexique et le Chili sont particulièrement sensibles à la question de la souveraineté. Le fait qu'un autre pays puisse avoir le droit d'arraisonner un de leurs navires constitue un des obstacles à leur adhésion à l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons. La souveraineté est un principe de base du droit maritime qui s'applique notamment aux pêches.
Le président : Nous n'avons pas sollicité votre avis sur la recommandation du comité consultatif relative au remplacement de l'OPANO. Devrait-on modifier l'OPANO de l'intérieur ou créer un tout nouvel organisme? Quel est votre avis sur la question?
M. Ballhorn : Je crois que nous avons rénové l'organisation en profondeur plutôt que de la remplacer.
Il est souvent plus facile pour les pays, sur le plan technique, de modifier les accords en vigueur que de les remplacer. Tout nouvel accord risque de faire l'objet d'un examen des plus scrupuleux par les parlements des pays concernés.
Un accord sur les pêches existait depuis 1949. Il a été remplacé, je crois, en 1979, lorsque les nouvelles zones économiques ont été définies. Ceci est le premier amendement important à l'accord de 1979. Nous pensons que la voie à suivre est celle de la refonte de la convention et de la restructuration de l'organisation, toutes deux porteuses d'améliorations.
Nous avons considérablement actualisé la convention. Nous pensons que repartir à zéro n'aurait pas donné plus de résultats que ce que nous avons fait récemment à Halifax.
Le sénateur Cowan : Je souhaiterais revenir sur la question du chalutage de fond soulevée plus tôt par le sénateur Meighen. Vous en avez discuté brièvement avec notre président.
Tout à l'heure, lorsque vous discutiez de certaines questions avec le sénateur Johnson, vous avez dit que le Canada adopte généralement une approche de prudence dans ces dossiers. Ce qui m'a frappé, en ce qui a trait au moratoire, c'est que certains témoins qui sont parus devant le comité ont indiqué qu'un moratoire sur le chalutage de fond n'était pas une interdiction totale touchant toutes les zones à la fois mais qu'il portait seulement sur quelques zones où cette méthode n'est pas actuellement pratiquée et sur des zones non réglementées par l'OPANO.
Le ministre a exprimé ici ses inquiétudes quant au moratoire qui, selon lui, pourrait être un signe précurseur, comme l'a indiqué le président, de l'imposition de restrictions au chalutage de fond à l'intérieur de notre zone de 200 milles.
Ce moratoire recueille de plus en plus d'appuis. J'aimerais avoir votre avis sur la nature exacte du moratoire proposé.
De votre point de vue, tel que vous l'avez exposé dans un autre contexte au sénateur Johnson à propos de l'approche de prudence du Canada sur ce dossier, pourquoi n'appuierions-nous pas ce moratoire qui ne s'appliquerait pas à des zones non réglementées où aucun chalutage de fond n'est pratiqué actuellement?
M. Ballhorn : Je ne suis pas certain qu'il y ait convergence de vues à ce sujet. Je ne sais pas quels pays sont en faveur de la proposition qui émane, en grande partie, d'ONG. Plusieurs points de vue entrent en ligne de compte.
Nous considérons — et le Canada est probablement plus prudent — que, tout d'abord, nous sommes un pays de pêche. Nous pratiquons le chalutage de fond. Des pêches importantes sont pratiquées à l'intérieur de notre limite de 200 milles. Il faut assurer un minimum de cohérence entre ce qui se pratique dans nos eaux et ce qui se passe en haute mer.
Nous n'avons pas non plus une importante flotte hauturière étrangère qui pêche loin à l'extérieur de nos eaux territoriales. Je ne pense pas que nous soyons très concernés par une proposition qui touche le sud du Pacifique.
Le sénateur Cowan : Le Canada appuie-t-il un moratoire sur le chalutage de fond?
M. Ballhorn : Je pense que la position de principe est que nous ne souhaitons pas une interdiction pure et simple du chalutage mais que nous voulons cibler certaines zones particulièrement sensibles dans lesquelles le chalutage de fond aurait des répercussions néfastes sur les fonds marins. Nous n'avons pas déclaré que nous interdirions totalement le chalutage de fond dans une vaste zone.
Le sénateur Cowan : Je parle de moratoire, mais je suppose que, à partir d'un certain point, un moratoire devient une interdiction.
M. Ballhorn : S'il n'est pas levé, oui. L'industrie elle-même a des positions bien nettes à ce sujet. Ses représentants s'inquiètent car ils se demandent si le recours généralisé aux moratoires n'est pas la pointe de l'iceberg. Ils s'inquiètent de l'imposition éventuelle de moratoires complets. Ils préféreraient qu'on s'attache plutôt à la création d'un plus grand nombre de zones protégées. On envisage, par exemple, la création de zones de protection marines autour des monts sous-marins.
Le sénateur Cowan : Quelles sont les zones qui, selon le Canada, devraient faire l'objet d'un moratoire, en attendant d'éventuelles études scientifiques plus approfondies?
M. Ballhorn : L'OPANO a convenu de ne pas autoriser le chalutage de fond dans quatre zones englobant des monts sous-marins, en raison des éventuelles répercussions sur le milieu. Les poissons frayent généralement aux alentours des monts sous-marins.
Le sénateur Cowan : Notre appui à un moratoire se limite-t-il à ces quatre monts sous-marins?
M. Ballhorn : C'est un exemple de mesures sur lesquelles nous nous sommes récemment mis d'accord. Ces zones font partie des zones touchées par la réforme de l'OPANO.
La question fait toujours l'objet de discussions. On l'étudie à New York mais l'entrée en vigueur d'un moratoire relèverait des organisations régionales de gestion des pêches. C'est au sein de l'OPANO que nous avons le plus d'influence. Nous participons à d'autres organisations régionales de gestion des pêches — celle qui gère les thonidés en est un exemple — mais nous n'avons pas, dans la plupart, d'importants intérêts économiques. Nous participons à la gestion des pêches dans l'ouest et le sud du Pacifique où les enjeux sont un peu plus importants.
Le sénateur Cowan : Le moratoire proposé concerne-t-il le chalutage de fond dans la zone réglementée par l'OPANO?
M. Ballhorn : Il s'agit d'un moratoire général. Ce qui est proposé à New York, où la question est débattue, n'aurait pas préséance sur les décisions de l'OPANO. Les organisations régionales de gestion des pêches sont souveraines dans les zones qu'elles réglementent. Pour que cela se produise, il faudrait que chacune des organisations régionales de gestion des pêches prenne une décision sur le chalutage de fond. Je ne crois pas qu'une telle décision prise à New York aurait de conséquence car elle n'aurait pas préséance sur les décisions des organisations régionales de gestion des pêches.
Le sénateur Adams : J'aimerais revenir sur la question posée plus tôt par le sénateur Campbell. Trois ou quatre ans se sont écoulés depuis que nous avons reçu des représentants de l'OPANO.
Le Canada exerce-t-il un contrôle quelconque à l'extérieur de sa zone de 200 milles?
M. Ballhorn : Le Canada exerce un contrôle intégral jusqu'à la limite des 200 milles. L'OPANO n'exerce aucun contrôle à l'intérieur de la zone des 200 milles.
Le sénateur Adams : On nous a dit un jour que le Canada détenait 95,7 p. 100 des quotas à l'extérieur de la limite de 200 milles et nous n'avons aucune maîtrise sur ce secteur : c'est l'Union européenne qui en a la maîtrise. Est-ce vrai?
M. Ballhorn : L'OPANO réglemente la pêche au-delà de la limite des 200 milles, c'est à dire en haute mer. Bien que l'OPANO fonctionne selon le principe « un pays, une voix » la part du lion revient au Canada puisque très peu de quotas sont attribués aux autres pays. Comme je l'ai indiqué, les États-Unis n'ont absolument aucun quota attribué par l'OPANO.
Le sénateur Adams : Nous n'en tirons pas profit.
M. Ballhorn : Oui. Les quotas sont attribués au Canada qui les répartit entre les pêcheurs canadiens. Nous avons 80 ou 90 p. 100 de la totalité des quotas attribués par l'OPANO. Le Canada est le seul bénéficiaire.
Le sénateur Adams : Comment en tirons-nous profit? Vendons-nous nos quotas?
M. Ballhorn : Non : Il s'agit de quotas canadiens. Ce qu'en fait le Canada ne regarde que le Canada toutefois, d'après ce que je sais, la majeure partie de ces quotas est exploitée par des navires canadiens. En fait, la question devient délicate lorsque les quotas sont exploités par d'autres pays. Lorsqu'une entreprise ne possède pas les navires adéquats pour pêcher certaines espèces, elle peut conclure un marché avec un navire étranger. Il s'agit d'un contrat commercial; le navire ne pénètre pas dans nos eaux sans permission. C'est une transaction purement commerciale.
M. Lewis : La convention de l'OPANO prévoit certaines mesures de protection à l'égard du Canada. Nous avons évoqué quelques exemples récents de négociations réussies. Un des aspects auxquels nous avons porté une attention particulière est la préservation des dispositions essentielles de l'accord de 1979 touchant l'attribution spéciale de quotas au Canada. S'il est vrai que l'OPANO fonctionne selon le principe « un pays, une voix », on y vote rarement. La convention renferme des modalités qui protègent explicitement les quotas attribués au Canada.
Le sénateur Adams : Nous détenons 95,7 p. 100 des quotas. Les Canadiens peuvent-ils pêcher à l'extérieur de la zone des 200 milles et ramener leurs prises au Canada? J'ai entendu dire que le poisson ne venait pas au Canada mais plutôt qu'il allait principalement en Europe.
M. Ballhorn : Si les quotas sont attribués au Canada, c'est le Canada qui en a la maîtrise. Le Canada peut exploiter ses propres quotas ou en confier l'exploitation à d'autres pays mais c'est lui, et lui seul, qui décide. Si un quota est attribué au Canada, le poisson appartient au Canada. Personne ne peut le pêcher sans notre autorisation.
Le sénateur Meighen : Il me semble qu'à la suite de ce qu'on a appelé la guerre du flétan noir de 1995, un accord ou un règlement obligeait tous les bateaux pêchant dans la zone réglementée par l'OPANO à accueillir des observateurs à leur bord. Le communiqué de presse du MPO daté du 22 septembre 2006 évoque notamment les capitaines des navires qui n'ont pas, en permanence, d'observateurs à leur bord.
Les activités de pêche d'un navire sont observées totalement ou pas du tout. Lorsqu'un observateur est présent à bord d'un navire, l'observation est totale et permanente. Pourrait-il y avoir observation partielle? Pouvez-vous m'éclairer à ce sujet?
Je suppose alors que tous les pays membres de l'OPANO n'avaient pas d'observateurs. Aujourd'hui, nous cherchons à réduire la dépendance vis-à-vis des observateurs; cela veut-il dire que nous sommes en train d'admettre notre impuissance à appliquer les règlements relatifs à l'observation? Le communiqué de presse parle de réduire la dépendance vis-à-vis des observateurs en ayant recours à la déclaration en temps réel. Le profane que je suis suppose que, lorsque les prises sont déclarées par téléphone, il y a plus de risques que les déclarations soient erronées que s'il y avait un observateur à bord. Pourquoi encourage-t-on les déclarations par téléphone?
M. Lewis : Les mesures de conservation et d'application comprennent également un projet pilote dont l'objectif est de mesurer l'efficacité du programme des observateurs. En l'absence d'observateur à bord, d'autres dispositifs doivent être mis à l'épreuve. La présence d'observateurs est exigée dans une certaine mesure mais je n'ai pas de chiffres à vous donner actuellement.
Le sénateur Meighen : Dites-moi si je me trompe mais, après la guerre du flétan noir, tous les pays membres de l'OPANO n'étaient-ils pas d'accord pour accueillir des observateurs à bord de leurs navires?
M. Lewis : D'après ce que je sais, immédiatement après la guerre du flétan noir, des dispositions avaient été prises pour assurer une présence permanente d'observateurs à bord des navires.
Le sénateur Meighen : Et cela ne s'est pas produit?
M. Lewis : Oui, cela s'est concrétisé. En général, il y a des observateurs à bord de chaque navire. Un projet pilote a été mis sur pied pour évaluer l'efficacité du programme des observateurs.
Le sénateur Meighen : Comment pouvez-vous évaluer l'efficacité du programme des observateurs sans observateurs?
M. Ballhorn : Nous avons constaté plus d'infractions lorsqu'il n'y a pas d'observateurs. Il existe d'autres moyens de surveiller la pêche. Globalement, on vérifie le contenu des cales pour voir s'il correspond aux déclarations. La question est de savoir si on doit placer des observateurs à bord des navires en permanence ou s'il est possible de vérifier, par d'autres moyens, ce qui se trouve dans les cales.
Le sénateur Meighen : Je suis confus par ce que vous me dites.
M. Ballhorn : Cela peut se comparer à placer un policier dans la rue en permanence ou seulement à certains moments.
Le sénateur Campbell : Cela n'a aucun sens à mon avis. Si vous lancez un projet pilote disons, avec cinq navires et que vous ne placez pas d'observateurs à bord, puis que vous vérifiez par la suite s'ils ont triché, évidemment, ils n'auront pas triché puisqu'ils savaient que vous alliez procéder à des vérifications. Pour mener un projet pilote, vous devez retirer tous les observateurs et procéder à des vérifications à l'improviste. Même en matière de criminalité, on ne peut pas affirmer que des crimes sont commis en un lieu donné parce qu'il n'y a pas de policier.
M. Ballhorn : Je ne suis pas certain que vous ayez décrit totalement le projet pilote. Ce type de projet n'est pas de notre ressort.
M. Lewis : Il s'agit davantage de questions opérationnelles. Les agents du ministère des Pêches et des Océans pourraient vous donner davantage de renseignements. Le projet pilote est mené essentiellement à l'échelle des navires.
Le sénateur Meighen : Le coût est-il la raison principale pour laquelle il n'y a pas d'observateur sur tous les navires?
M. Ballhorn : Oui : la présence d'observateurs à bord des navires entraîne des coûts pour nous, pour l'Union européenne, pour les navires et pour toutes les autres parties concernées. Manifestement, tout le monde cherche à savoir si c'est là le seul moyen efficace d'exercer une surveillance.
Le sénateur Meighen : Et c'est cela qu'on essaie de déterminer avec les déclarations en temps réel?
M. Ballhorn : En fait, on cherche à savoir si on peut faire observer les règlements efficacement à moindre coût.
Le sénateur Meighen : Alors finalement, le capitaine ou quelqu'un d'autre téléphone et déclare avoir à son bord 10 000 tonnes de sébaste; comment peut-on savoir qu'il dit la vérité, en effectuant des vérifications au hasard, comme le propose le sénateur Campbell?
M. Ballhorn : Je connais un cas où un capitaine avait déclaré des prises de crevettes supérieures à ses prises réelles puis avait pêché d'autres espèces. Ce genre de chose peut se produire. Je crois que des observateurs sont montés à bord et ont découvert l'infraction, et qu'ils ont ordonné au navire de quitter la zone de pêche.
Même si le programme des observateurs était permanent, on ne pourrait avoir tout le temps des observateurs à bord de tous les navires. C'est une question de coût. L'Union européenne a sans doute soulevé certaines inquiétudes à ce sujet. Est-ce vraiment nécessaire? Le problème est-il toujours le même? Finalement, peut-on envisager d'autres moyens de surveillance moins coûteux?
Le sénateur Johnson : Le Canada et l'Union européenne ont entrepris, plus tôt cette année, des patrouilles conjointes dans la zone réglementée par l'OPANO. Avez-vous des renseignements sur le déroulement de ces patrouilles?
M. Lewis : Oui : Cet été, un inspecteur européen était embarqué à bord d'un navire d'inspection canadien qui a inspecté des navires pêchant dans la division 1F de l'OPANO. Deux sommations ont été faites à des navires qui pêchaient dans cette zone. Je crois que c'est tout pour le moment. À mon sens, les patrouilles conjointes avaient pour objectif de faire en sorte que les inspecteurs canadiens et les inspecteurs européens aient une interprétation commune des règlements et les appliquent de la même façon. Je crois que cet objectif a été atteint.
Le sénateur Johnson : Cela veut-il dire que les navires en infraction se sont vu refuser l'accès au port et donc au ravitaillement en carburant, en vivres et cetera? Est-ce la sanction?
M. Ballhorn : La sanction dépend de l'infraction. Il y a une hiérarchie dans les infractions. Dans certains cas, on demande au navire de quitter la zone de pêche et de rentrer à son port d'attache. Il existe un large éventail de mesures disciplinaires.
M. Lewis : Nous avons ici affaire à des navires qui portent le pavillon de pays signataires de la convention. Il appartient à l'État du pavillon de prendre les mesures d'application nécessaires lorsque des infractions sont constatées.
Le sénateur Johnson : Pensez-vous que les patrouilles constituent une solution complète ou une solution partielle à ce problème?
M. Lewis : C'est une question d'ordre opérationnel. Il est encore trop tôt pour en évaluer l'efficacité, sénateur.
Le président : Pour conclure sur ce point, êtes-vous d'accord sur le fait qu'on n'a observé des changements au sein de l'OPANO que lorsque le Canada a montré les dents? Le cas de l'Estai est l'incident le plus récent mais il y avait eu d'autres cas auparavant. Diriez-vous que les changements au sein de l'OPANO se sont produits lorsque le Canada a montré sa détermination à faire respecter ses intérêts?
M. Ballhorn : Cela a certes pesé dans la balance mais ce n'est pas le seul facteur. En effet, des changements sont intervenus également au sein de l'Union européenne. Maintenant que la Commission européenne a davantage de pouvoir en matière de pêche, elle adopte probablement une démarche plus européenne. Il est probablement plus facile de négocier avec l'Union européenne que directement avec l'Espagne ou le Portugal.
Par ailleurs, le climat était tendu lorsque les pays avaient de grandes flottes de pêche et donc trop de navires pour le poisson qu'il y avait à pêcher. Les mentalités ont évolué dans bon nombre de pays qui, auparavant, appuyaient leur flotte de pêche envers et contre tout. On est beaucoup plus conscient aujourd'hui des effets de la surpêche sur les stocks de poisson. Les pays concernés souhaitent un meilleur contrôle et davantage de règlements et de mesures d'application.
Le rôle de premier plan que joue le Canada dans l'imposition de nouveaux règlements et dans leur application, notamment de par sa présence physique dans le cadre des patrouilles, est un facteur très important. Le changement d'attitude de certains pays européens a également été un élément déterminant.
Le sénateur Cowan : Veuillez excuser mon ignorance, mais les navires qui pêchent dans la zone de l'OPANO sont-ils obligés d'utiliser des instruments de positionnement global de type GPS?
M. Ballhorn : C'est une bonne question. Je ne suis pas certain mais c'est probable. Je pense qu'ils doivent déclarer leur position. Lorsqu'ils pêchent, ils doivent pêcher certaines quantités dans certains secteurs. Je suis sûr qu'ils disposent de systèmes de positionnement par satellite pour surveiller leur position.
M. Lewis : Les navires sont obligés de se soumettre à un système de surveillance des navires par satellite.
Le sénateur Cowan : Alors nous n'avons pas besoin d'envoyer nos propres navires ou nos aéronefs de patrouille pour savoir où ils se trouvent?
M. Lewis : Non : Les navires qui portent le pavillon d'un pays signataire de la convention et qui pêchent dans la zone réglementée par l'OPANO disposent du système qui permet de connaître leur position. Je ne sais pas à quels intervalles leur position est vérifiée, peut-être toutes les heures. Nos inspecteurs savent bien où se trouvent les navires en permanence.
M. Ballhorn : S'ils se trouvent dans une zone où ils ne devraient pas être, on se dirige immédiatement vers eux pour leur demander ce qu'ils font là et on leur indique la zone où ils devraient se trouver.
Le sénateur Cowan : Je comprends bien ce que vous avez dit tout à l'heure à propos de l'application des règlements et de leur respect, à savoir, que chaque pays souverain a son propre système judiciaire, ses propres tribunaux, et cetera, mais cherche-t-on à établir une liste commune de sanctions applicables aux pays membres? Je pense qu'on pourrait dresser une liste d'infractions et de sanctions correspondantes que les pays pourraient inclure dans leur propre législation. Ainsi, les navires qui pratiquent la surpêche ou qui utilisent des engins interdits, par exemple, seraient passibles de la même peine, qu'ils soient reconnus coupables par le Canada, le Portugal, le Royaume-Uni, l'Islande ou tout autre pays membre. Actuellement, des pêcheurs canadiens pris en flagrant délit de pêche à l'aide d'engins interdits peuvent se voir imposer une amende plus forte que celle qu'imposerait un tribunal espagnol pour la même infraction. L'établissement d'une telle liste serait-il possible?
M. Ballhorn : La nouvelle version de la convention de l'OPANO fait état de sanctions proportionnelles aux infractions commises mais ne va pas plus loin.
Même au sein de l'Union européenne, cela serait difficile à réaliser compte tenu du fonctionnement même de l'Union sur le plan juridique. En général, les pays membres de l'Union européenne ont juridiction dans ce domaine. Il n'y a pas d'uniformité entre les pays membres et je crois qu'il serait difficile d'atteindre une quelconque uniformité car je ne pense pas que l'organisation ait de pouvoir en la matière sur ses États membres. C'est à ces derniers qu'il appartient de se mettre d'accord.
On n'a pas beaucoup insisté sur ce point. Je ne sais pas s'il existe des dispositions à ce sujet à l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), ou si on a recours à des mesures plus volontaires. Peut-être M. Shewchuk pourrait-il vous éclairer davantage là-dessus.
Michael Shewchuk, agent juridique, Section du droit des océans, Affaires étrangères et Commerce international Canada : La question a été soulevée à la conférence d'examen en mai dernier. On souhaitait susciter l'intérêt des pays membres pour l'élaboration de lignes directrices régionales en matière de sanctions. On a notamment constaté lors de la conférence d'examen que les sanctions prises par les pays membres n'étaient pas assez sévères pour dissuader d'éventuels contrevenants. Les participants à la conférence ont notamment recommandé l'élaboration de lignes directrices régionales auxquelles les États du pavillon pourraient comparer leur propre système de sanctions, afin de voir si leurs sanctions sont suffisamment sévères pour dissuader les navires de commettre des infractions.
Le sénateur Cowan : Lorsqu'un navire est pris en flagrant délit d'infraction dans une zone de pêche et renvoyé à son port d'attache, comment peut-on être sûr que les preuves ne sont pas détruites entre la zone de pêche et le port d'attache et que, lorsque le navire arrive au port et doit faire face à la justice du pays auquel il appartient, il ne reste plus d'éléments pour le condamner?
M. Ballhorn : Ces derniers temps, un agent des pêches canadien était présent lorsque le navire arrivait à son port d'attache pour débarquer ses prises, même si, parfois, certains agents ont dû attendre parce que les capitaines des navires refusaient de débarquer leurs prises en leur présence.
Le sénateur Cowan : Je crois que nous avons entendu parler de cela.
M. Ballhorn : Les choses se sont améliorées. L'Espagne et le Portugal coopèrent beaucoup mieux maintenant dans ce genre d'affaires.
Quant à la comparution devant un tribunal de l'État du pavillon, il est possible que ce tribunal soit plus clément qu'il ne le devrait envers les pêcheurs de son pays. Tout dépend du régime de sanctions en vigueur dans le pays en question. On en revient à la question du système judiciaire du pays. Il est absolument nécessaire de renforcer cet aspect de la convention et d'obtenir plus d'uniformité.
Il existe aussi une sanction économique. Si un navire se rend dans une zone de pêche de l'OPANO et qu'il doit s'arrêter au beau milieu de sa campagne de pêche pour retourner à son port d'attache ou dans un autre port, il est pénalisé sur le plan économique. Cet aspect en soi est probablement le meilleur dissuasif.
Le sénateur Johnson : Très intéressant!
Le président : Avant de conclure et de remercier nos invités, j'aimerais vous faire part d'une idée de M. Ballhorn concernant l'étude du texte qui sera approuvé en mars. M. Balhorn a suggéré que le texte soit présenté au comité.
Souhaitez-vous que j'écrive au ministre en votre nom, pour lui demander si nous pouvons consulter le texte lorsqu'il sera prêt? Pensez-vous que c'est une bonne idée?
Le sénateur Johnson : Je pense que c'est une excellente idée, monsieur le président.
Le président : Tous les sénateurs sont-ils d'accord?
Le sénateur Cowan : Bien sûr.
Le président : Oui.
M. Ballhorn : Vous pourriez peut-être également ajouter les modifications aux lignes directrices du Comité permanent de contrôle international (STACTIC). Tout n'y figure pas mais elles portent directement sur les pratiques de pêche. Peut-être aimeriez-vous les consulter également?
Le président : Le texte et quoi?
M. Lewis : Les mesures de conservation et d'application de la convention de l'OPANO.
M. Ballhorn : Ces mesures doivent entrer en vigueur dès le 1er janvier.
Le président : D'accord?
Le sénateur Adams : D'accord.
Le président : Merci à vous d'être venus aujourd'hui et de nous avoir éclairés en répondant à nos questions.
La séance est levée.