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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 4 - Témoignages du 2 novembre 2006


OTTAWA, le jeudi 2 novembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 10 h 45 afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare la séance ouverte et souhaite la bienvenue à tout le monde. Nos débats ne sont pas télévisés ce matin, mais cela ne devrait pas nous empêcher d'avancer. Je tiens à souhaiter la bienvenue à Philippe Saunders, doyen de l'École de droit de l'Université Dalhousie et professeur agrégé du programme de droit de l'environnement et de droit maritime de la faculté de droit de l'Université Dalhousie. M. Saunders a travaillé dans le domaine des pêches à l'Île-du-Prince-Édouard ainsi qu'au cap Breton. Il est très qualifié pour nous parler, en raison non seulement de ses connaissances, mais aussi de son expérience personnelle. Nous lui souhaitons la bienvenue et lui demandons de partager avec nous ses réflexions, après quoi nous lui poserons des questions.

Monsieur Saunders, bienvenue. Nous vous écoutons.

Philip Saunders, doyen, École de droit de l'Université Dalhousie, à titre personnel : J'aimerais vous remercier de me permettre de m'entretenir avec vous aujourd'hui sur les développements à l'OPANO et l'état des pêches au-delà de la limite des 200 miles marins de la côte est du Canada.

En fouillant dans mes anciens documents, je me suis rendu compte qu'en 2003, j'avais préparé un document de travail sur les options juridiques et stratégiques pour la gestion des stocks chevauchants dans l'Atlantique Nord-Ouest pour la Commission royale sur le renouvellement et le renforcement de notre place au Canada.

À ce moment-là, le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador ainsi que le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes ont recommandé tous deux que le Canada revendique ce qu'on appelle la gestion axée sur la conservation dans certaines zones et même dans toutes les zones de pêche situées au-delà de la limite des 200 miles de la côte est.

Je faisais valoir dans mon analyse que cette solution était incompatible avec le droit international, mais peut-être surtout, qu'elle risquait d'engendrer des problèmes plus graves pour les pêches dans la zone de gestion de l'OPANO. La revendication de la gestion axée sur la conservation aurait signifié la dissolution de l'OPANO, et il aurait été fort probable que le Canada ne réussisse pas à faire valoir sa position devant les autres États, qui auraient inévitablement contredit les tentatives du Canada d'affirmer sa compétence.

Il n'est pas surprenant de constater que cette recommandation n'a pas été prise en compte dans le rapport final de la commission. Depuis, la solution magique de la gestion axée sur la conservation semble avoir perdu de son lustre, en partie parce que le Canada a signé la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982 et que par conséquent, il est assujetti au mécanisme obligatoire de règlement des différends contenu dans cette convention.

J'essaie habituellement d'éviter de garantir les résultats de conflits juridiques, mais si nous avions revendiqué notre compétence sur la gestion des pêches au-delà de la limite des 200 miles, nous aurions été contraints d'utiliser le mécanisme de règlement des différends et nous aurions perdu. Bien que cette idée soit plutôt morte, elle est tout de même revenue brièvement pendant l'élection de 2006, où l'on a entendu la promesse d'une gestion axée sur la conservation dans les Grands Bancs d'ici cinq ans. À la place, en 2003 et depuis, je suppose, les activités de l'OPANO en tant qu'organisme de réglementation international ont suscité beaucoup de mécontentement, tant du point de vue de la structure que des activités de l'OPANO. Les plaintes contre l'OPANO ont été chose courante et ont été bien résumées dans le rapport du groupe de M. May en 2005.

Premièrement, le mécanisme de prise de décisions de l'organisation nuit à la bonne gestion. Les pays ayant des intérêts moindres exercent trop d'influence dans le régime de scrutin actuel et surtout, il existe une procédure d'opposition qui permet aux parties de laisser tomber les mesures de gestion avec lesquelles elles ne sont pas d'accord.

Deuxièmement, il manque de mécanismes d'application de la loi sérieux qui ne dépendraient pas trop des efforts de l'État du pavillon pour faire respecter la réglementation lorsque les États du pavillon ont montré qu'ils n'étaient pas fiables.

Troisièmement, ce rapport souligne l'absence d'un mécanisme obligatoire de règlement des différends impartial et contraignant dans les cas de non-respect des règles de l'OPANO.

Plus récemment, le groupe de M. May, entre autres, a ajouté à cette liste la non-application des principes du développement durable et de la précaution aux pêches dans la convention de l'OPANO, qui est surtout axée sur l'exploitation efficace. Il s'agit d'un traité de pêche autant que d'un traité de gestion des pêches.

Il faut reconnaître que certaines plaintes ont été exagérées avec le temps ou qu'elles ne sont peut-être plus actuelles. La procédure d'opposition a pris des proportions mythiques à certains moments comme obstacle de l'OPANO, mais le ministre a reconnu lorsqu'il est venu ici que depuis la guerre du flétan noir, elle n'est que rarement utilisée. Elle n'est pas fréquente à l'OPANO. Comme le montre le rapport May, il semble convenu que l'OPANO a été très inefficace à trop d'égards importants. La question qui demeure est donc la même qui nous occupait en 1994, en 1995, en 2003 et en 2005. Qu'allons-nous en faire?

M. May et son groupe ont résumé quatre options essentielles, dont la première est de renégocier certains aspects de la Convention de l'ONU sur le droit de la mer et de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons, qui accompagne la convention. Ces deux accords étaient considérés fichus d'avance. Je pense que c'est vrai. La seconde option consistait à revendiquer la gestion axée sur la conservation, qui ne pouvait pas fonctionner, comme le groupe l'a conclu à juste titre. La troisième option était de réformer l'OPANO, et le groupe a conclu que ce n'était pas possible compte tenu des problèmes fondamentaux dans la structure et les activités de l'organisation. La dernière option était de négocier la création d'une nouvelle organisation dotée d'un meilleur mécanisme décisionnel, de meilleures mesures d'application de la loi, d'un véritable mécanisme de règlement des différends et de la volonté de favoriser la gestion des écosystèmes, la prudence et le développement durable. La dernière option était celle qu'il recommandait, sous réserve — et c'est important à mon avis — que s'il essayait de remplacer l'OPANO, le Canada devrait rester membre de l'organisation pour éviter un vide juridique qui empirerait la situation et mènerait aux mêmes problèmes que je voyais en 2003.

J'ai préparé l'un des documents de travail du groupe de M. May, mais je n'étais pas tout à fait convaincu qu'il était nécessaire de remplacer complètement l'OPANO ou que ce ne serait pas aussi compliqué et long que de la réformer tout simplement. La négociation d'une nouvelle convention et le temps qu'il faudrait avant qu'elle n'entre en vigueur seraient plutôt longs. Quoi qu'il en soit, les deux options dépendent de la volonté et de la participation de bonne foi des parties actuelles. Nous n'obtiendrons pas les résultats escomptés si nous négocions une nouvelle convention avec des parties qui vont s'opposer à la réforme de la convention actuelle. D'une certaine façon, les conditions de départ restent les mêmes.

Depuis la publication de ce rapport, les événements semblent favoriser une réforme de l'OPANO. Il ne faut pas oublier à quel point ces exercices sont difficiles et prennent du temps, et la première étape importante a été l'établissement du processus de réforme, y compris du groupe de travail sur la réforme, à l'assemblée annuelle de l'OPANO qui a eu lieu en septembre 2005. Le ministre, en conférence de presse sur les résultats de la réunion de septembre 2006, a fait allusion à tous les progrès réalisés au cours des sept mois précédents, mais a mentionné qu'il ne fallait pas oublier qu'il y avait un processus plus long qui s'était enclenché en septembre 2005.

Où en sommes-nous dans le processus de réforme de l'OPANO qui s'est amorcé à ce moment-là? Aboutira-t-il à quelque chose? Je ne suis pas un spécialiste du fonctionnement pratique de la gestion des pêches. Il y a des experts qui ont comparu devant vous. D'un point de vue juridique, je vois des signes de progrès importants auxquels je ne me serais pas attendu en 2003 ou même en 2005. Cependant, et je dois le souligner, je tire cette conclusion de l'information publique à laquelle j'ai eu accès, et les documents finaux, lorsqu'ils seront prêts, pourraient nous montrer que tout est dans les détails.

À la lumière des problèmes de l'OPANO relevés dans le rapport May et à tout le moins dans l'information publique, les communiqués de presse et ailleurs quant à qui a été décidé en septembre, qu'est-il arrivé? Sur le plan de la surveillance et de l'application de la réglementation, dans les communiqués de presse de l'OPANO et du MPO qui ont suivi la dernière rencontre, on note deux changements importants. Il y a déjà des témoins qui vous en ont parlé. Il y a d'abord une entente selon laquelle les navires qui commettent de graves infractions, comme de faire de fausses déclarations et de pêcher des espèces visées par des moratoires, recevront l'ordre, après inspection, de rentrer au port.

Compte tenu que le Canada a le pouvoir, en vertu de l'OPANO et de l'ANUP, d'inspecter les bateaux des autres pays membres, ce pourrait être un pouvoir très utile, qui pourrait imposer des coûts très grands aux équipages contrevenants, comme d'autres témoins l'ont dit. Si ces informations sur l'accord sont exactes, c'est une amélioration des dispositions de l'ANUP, qui s'appliquent plus généralement aux organisations de gestion des pêches régionales du monde. Plus particulièrement, le paragraphe 21(8) de l'ANUP, dont M. Applebaum a parlé lorsqu'il est passé ici, si je ne me trompe pas, prescrit que les membres de l'organisation peuvent inspecter les bateaux d'autres membres, mais n'autorise la prise d'autres mesures, comme le renvoi du bateau au port, que si l'État du pavillon n'intervient pas. Même si ce nouvel accord permettait à l'État du pavillon de s'occuper de l'affaire après l'inspection, si l'exigence de rentrer au port pour une inspection complète était véritablement obligatoire, ce serait déjà un grand pas en avant. En 2003, tout ce que je pouvais proposer et que je réclamais était d'utiliser les dispositions de l'ANUP pour faire interférence ou rendre la vie plus difficile aux équipages des navires contrevenants, c'est-à-dire que le Canada pouvait les inspecter et porter entrave à leurs activités dans une certaine mesure. Ces nouvelles règles, si elles se concrétisent, seront un grand pas en avant.

Une autre amélioration importante, qui dépendra elle aussi des détails, est l'adoption de lignes directrices sur ce qui constitue une sanction appropriée pour certains types d'infractions. Si ces dispositions sont mises en œuvre sérieusement, ce sera une amélioration substantielle de l'ANUP, qui est la seule alternative. Selon l'ANUP, l'État du pavillon doit prendre des mesures, mais l'accord n'est pas très précis sur la nature de ces mesures et laisse beaucoup de marge de manœuvre à ceux qui agissent de mauvaise foi. Ainsi, nous allons reconduire le bateau, mais il ne semble pas y avoir de sanctions.

Avant la prise de cette mesure par l'OPANO, qui je crois devrait entrer en vigueur en janvier, le mieux que j'aurais pu proposer aurait été de prendre note des comportements typiques de certains États dans l'imposition des sanctions. Si la preuve l'avait justifié, on aurait pu forcer une partie récalcitrante à se soumettre au mécanisme de règlement des différends pour ne jamais respecter son obligation d'imposer les sanctions appropriées. Cependant, je dois admettre que c'était une idée difficile à faire valoir avec le temps. Ces nouvelles lignes directrices, du moins selon la façon dont on les a décrites au public, devraient constituer une amélioration importante par rapport à cet autre régime.

Les autres réformes mentionnées dans le communiqué de presse du MPO et présentées par le ministre Hearn devant ce comité concernent les problèmes que posent la procédure d'opposition et le mécanisme de règlement des différends. Pour mettre les choses en contexte, il ne faut pas oublier que l'ONU a réussi à faire accepter à toutes les parties de l'ANUP les procédures obligatoires de règlement des différends comprises dans sa Convention sur le droit de la mer. Elle a adopté ces procédures par voie de référence. Elles s'appliquent aux différends sur l'interprétation et l'application des accords régionaux de gestion des pêches comme celui de l'OPANO.

L'objet de la discussion à la dernière réunion de l'OPANO semblait plus précis; il s'agissait d'établir un tribunal impartial et des mesures d'appel des procédures de règlement des différends lorsque des pays s'opposent aux mesures de gestion. C'est la procédure d'opposition. Tout État qui s'oppose devrait se justifier devant un tribunal et assumer le fardeau de la preuve. Selon le témoignage du personnel du MPO, que j'ai lu, les mesures de gestion contestées continueraient de s'appliquer jusqu'à ce que le différend soit réglé. C'est un aspect important.

Ce qui ne me semble pas clair, toutefois, c'est l'état exact de cette proposition. On dit dans le comité de presse du MPO que des améliorations « ont été apportées » lors de la réunion. Cela correspond à ce que le ministre Hearn a dit lors de sa comparution ici : « Nous avons réussi à intégrer certains éléments de l'ANUP à la nouvelle convention de l'OPANO ainsi qu'aux mesures de surveillance et de contrôle renforcées. » Dans son communiqué de presse paru après la réunion, l'OPANO disait ce qui suit :

L'OPANO est en train de doter l'organisation de mécanismes décisionnels améliorés. On envisage une nouvelle procédure d'opposition pour alourdir le fardeau imposé aux parties qui ne veulent pas mettre en œuvre les décisions de la Commission. Les dispositions prévues prescrivent un mécanisme d'examen par des tribunaux impartiaux et des procédures de règlement des différends.

Comme la convention de l'OPANO ne peut pas être modifiée à l'assemblée annuelle et que toute modification doit se faire selon une procédure de modification des États membres, je présume que le communiqué de presse de l'OPANO est plus exact et que ces changements sont en suspens. Peut-être le comité devrait-il clarifier la chose, mais quoi qu'il en soit, il semble clair qu'on prend des mesures dans la bonne direction, en espérant qu'elles se concrétiseront. C'est vrai également des efforts visant à ajouter la précaution et le développement durable à l'accord, mais selon mon interprétation, ces éléments sont eux aussi en cours d'élaboration et rien n'est encore fixé.

Bref, il y a des preuves auxquelles je ne me serais peut-être pas attendu il y a quelques années, mais qui montrent que l'OPANO, depuis un peu plus d'un an, avance, quoiqu'un peu lentement, dans une direction plus productive. Malgré tout, nous sommes continuellement confrontés au défi de l'équilibre entre la liberté en haute mer, un enjeu dont le Canada et d'autres pays ont raison de se préoccuper, et la crainte que des États côtiers exercent cette liberté de façon illimitée et que cela mène à la destruction permanente de ressources importantes. Les efforts pour trouver cet équilibre sont difficiles, longs et frustrants, et je doute qu'ils soient terminés. Je pense toutefois qu'il y a des progrès bien réels dans la réforme qui s'annonce.

Le président : Avant de vous laisser poser vos questions, je rappelle à tous que nous avons décidé la dernière fois de demander un exemplaire du texte qui sera terminé en mars. Avant la décision de janvier, il y aura un texte en mars, et nous avons demandé qu'il nous soit soumis pour que nous puissions l'examiner. Comme vous l'avez dit, tout est dans les détails, et il y a beaucoup de mots qui ne sont pas clairs du tout. Le greffier est en train de préparer une lettre pour demander au ministre qu'il nous la remette.

Le sénateur Cowan : J'ai une ou deux questions sur la procédure de vote aujourd'hui et demain. Comme le président l'a dit, nous n'avons pas encore le texte exact. Donc nous allons devoir attendre. D'après ce que je comprends, en ce moment, chaque État membre a un vote, il n'y a donc aucune reconnaissance du fait que le Canada est le plus grand et probablement le principal membre de l'OPANO. J'aimerais savoir si vous pensez qu'il serait raisonnable qu'un pays comme le Canada s'attende à exercer plus d'un vote entre égaux.

Ensuite, je pense que c'est M. Applebaum qui a laissé entendre que selon les changements qui seront apportés au mécanisme de règlement des différends, les tribunaux devront prendre leurs décisions par un vote à la majorité des deux tiers plutôt qu'à la majorité simple. Il sera alors plus facile pour certains États qui essaient de bloquer tout cela de se trouver des alliés pour empêcher le Canada ou n'importe quel autre État qui prétend avoir observé des dommages ou une infraction, d'obtenir ce mécanisme, si bon soit-il, et de faire en sorte qu'il soit établi et fonctionnel. Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez, même si vous n'avez pas vu le document?

M. Saunders : On m'en a remis une version préliminaire il y a un moment, donc cela s'en vient en partie. Je suis d'accord que la majorité des deux tiers pour avoir gain de cause ne nous fait pas avancer. Si l'on ne réussit pas à obtenir le consensus, comme la convention le prévoit en premier lieu, la majorité simple est au moins préférable. S'il faut obtenir les deux tiers des votes, il peut être très difficile de réussir, ce peut être un obstacle.

Pour ce qui est du vote pondéré, je n'ai rien vu dans les communiqués qui indique des progrès en ce sens. Je pense que c'était une recommandation du groupe de M. May et de ses documents de travail. Ce devrait être là. Je suis convaincu que dans certains conflits, il serait très difficile de déterminer comment pondérer le vote et que faire si l'intérêt d'un pays pour les pêches augmentait. Il faudrait presque prévoir une procédure pour adapter la pondération aux changements dans l'industrie. Le principe que tous les votes comptent pour un dans ces organisations ne semble pas rationnellement conforme à la nature des intérêts de la pêche. Il peut être difficile pour les États souverains d'accepter un modèle de vote pondéré, mais cette réforme a été proposée et elle est logique.

Le sénateur Cowan : La semaine dernière, des fonctionnaires ont laissé entendre que nous ne devrions pas nous inquiéter compte tenu des bons résultats que le Canada a obtenus en matière de quotas et des mauvais résultats qu'un pays aussi puissant que les États-Unis a obtenus en matière de quotas. Toutefois, je n'ai absolument rien entendu qui indique qu'il y a un mouvement sérieux pour sortir l'OPANO du régime selon lequel chaque État a un vote.

M. Saunders : Ce serait peut-être simplement irréaliste de l'espérer, compte tenu qu'il s'agit d'une organisation internationale regroupant des États souverains qui s'attendent au modèle d'un vote par État.

Je ne pense pas que les quotas soient nécessairement la meilleure solution. Il y a beaucoup d'autres mesures de gestion que le Canada pourrait prendre, et les intérêts pour la pêche pourraient faire croître les intérêts pour la conservation aussi. Le fait d'obtenir un plus grand contingent parce qu'on a une flotte plus grande n'est probablement pas une bonne base pour déterminer la formule de vote qu'il faut.

Le sénateur Cowan : Nous avons entendu des témoignages sur les nouvelles mesures d'application de la loi proposées, et les témoins ont souligné que les navires contrevenants seraient immédiatement envoyés au port. Ils ont dit que si c'était vrai, si l'on portait des accusations et que ce navire devait rentrer au port, il y aurait des pertes économiques énormes, quelques soient les résultats de l'enquête ou de la poursuite. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Il y a aussi le pouvoir de l'État du pavillon signataire de refuser de reconnaître les contingents qui sont présumément convenus dans la reconnaissance des mesures de conservation, les données sur les stocks de poissons et le reste, et le pouvoir du pays de continuer de pêcher ou de reporter le règlement du différend à plus tard.

La semaine dernière, il y a un témoin qui se demandait combien de temps tout cela prendrait. Serait-ce des semaines, des mois ou des saisons? Je ne pense pas que nous ayons eu des réponses claires sur le temps qu'il faudrait et sur ce qu'un État ferait ou pourrait faire avant que le différend ne soit réglé.

M. Saunders : Concernant le renvoi au port après inspection, je n'ai toujours pas vu le texte exact, et vous avez bien raison, tout dépend du caractère obligatoire de ces mesures. Si elles correspondent à ce qu'on nous a décrit — et j'ai moi aussi lu ce témoignage — ce serait une très grande amélioration à mon avis. Elles semblent très claires. Je ne me rappelle plus qui exactement, mais il y a des représentants du MPO qui ont dit qu'elles seraient obligatoires, et j'ai bien hâte de voir le texte exact, parce que tout dépendra du libellé de l'ANUP. Il faudra voir s'il y a des échappatoires qui permettraient à l'État du pavillon d'intervenir à sa façon.

Selon l'ANUP, l'État qui inspecte le bateau peut intervenir à moins que l'État du pavillon insiste pour s'en occuper. L'État du pavillon n'était pas contraint, en vertu de l'ANUP, de renvoyer le bateau au port.

Il serait bon de voir le libellé exact pour savoir s'il demeure obligatoire pour le navire de rentrer au port lorsque l'État pavillon intervient. Si c'est le cas, il y a effectivement une conséquence importante, surtout pour les navires qui pourraient ainsi perdre l'accès aux ports canadiens, notamment. Celui de Saint-Pierre pourrait être accessible, mais pour un bateau qui doit retourner en Espagne ou au Portugal, cela donne beaucoup de temps non productif et non consacré à la pêche. Une telle mesure constituerait un obstacle important aux activités illégales et un véritable contre- incitatif direct.

Quant à la seconde question concernant le refus de reconnaître les quotas et la durée du processus de règlement des différends, j'ai moi aussi lu ce passage et je ne suis pas trop sûr du nombre d'étapes que comporte ce processus. Le témoin en question a toutefois indiqué très clairement que les mesures demeurent en vigueur tant qu'elles n'ont pas été annulées dans le cadre du mécanisme de règlement des différends. Si c'est bien le cas, et si cette volonté est reflétée dans le libellé final, le principal avantage viendra du fait que c'est à l'État soulevant l'objection qu'incombera le fardeau d'obtenir l'invalidation des mesures; celles-ci demeureront en place jusqu'à ce qu'elles soient invalidées, ce qui fait qu'on devra attendre la fin du processus.

Le sénateur Cowan : Si tel était le cas, ce serait un changement important.

M. Saunders : Oui, il s'agirait d'un avantage considérable et d'une nette amélioration par rapport aux mesures existantes. On parle aussi d'un processus d'appel devant le Tribunal international du droit de la mer, lequel a été constitué conformément à la Convention sur le droit de la mer. J'aimerais bien voir comment on interpréterait les interactions entre les compétences de ce tribunal en vertu de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons et de la Convention sur les droits de la mer par rapport à ce processus de règlement des différends convenu dans le cadre de l'OPANO.

Dans le domaine du droit international, il est intéressant de noter la prolifération de ces mécanismes de règlement des différends, la manière dont ils se chevauchent et le traitement des querelles de compétence qui peuvent s'ensuivre. Les choses ne sont pas aussi simples qu'au sein du système judiciaire canadien où la Cour supérieure peut toujours intervenir pour trancher relativement aux compétences de chacun. On parle ici de tribunaux ou de mécanismes qui sont complémentaires et égaux. Je ne sais pas dans quelle mesure ce nouveau processus établi dans le cadre de l'OPANO viendra miner la compétence de celui découlant de la Convention sur le droit de la mer des Nations Unies.

Dans la cause opposant l'Australie et la Nouvelle-Zélande au Japon relativement à la pêche du thon rouge du Sud, un tribunal arbitral relevant de la convention des Nations Unies s'est montré hésitant à intervenir dans une affaire pour laquelle il existe déjà un mécanisme de règlement des différends prévu dans un autre traité. La Convention sur le droit de la mer des Nations Unies est généralement appliquée suivant cette structure : s'il existe un autre processus pour régler le différend, on vous y réfère. Il sera intéressant de voir comment les situations de ce genre seront traitées avec l'instauration de ce nouveau mécanisme.

Il s'agit d'une façon très détournée de s'attaquer au problème, alors que le Tribunal international du droit de la mer, à la différence de la plupart des organisations internationales, dispose d'une procédure efficace et rapide pour l'application de mesures intérimaires. Les règles procédurales de ce tribunal prévoient que la priorité doit être accordée aux cas exigeant des mesures intérimaires et cela se fait généralement assez rapidement — une question de semaines.

S'il advenait qu'une des parties contractantes de l'OPANO souhaitait l'application de mesures intérimaires en attendant le règlement définitif d'un différend, ce tribunal serait donc l'instance à privilégier. Il faut toutefois se demander dans quelle mesure la compétence de ce tribunal a été érodée par l'accord conclu dans le cadre de l'OPANO. Je ne pourrai vous répondre à ce sujet qu'une fois que j'aurai vu le libellé exact.

Le président : Nous soulevons davantage de questions que nous obtenons de réponses. Nous avons tous le même problème. Il nous faut attendre pour voir ce libellé. Peut-être pourrions-nous vous inviter de nouveau lorsque nous aurons pris connaissance du texte.

Certains compromis ont dû être consentis dans le cadre de cette réforme; des postes d'observateurs ont été supprimés. S'il y a moins d'observateurs, on aura moins d'éléments de preuve pour ramener un navire au port. C'est ce que je voulais dire par compromis. Il s'agit d'une perte, car les observateurs jouent un rôle important dans la mise au jour des cas de surpêche.

M. Saunders : Les observateurs sont l'un des moyens de dissuasion en place pour ce type d'activités. D'autre part — mais je ne suis pas un expert de l'application opérationnelle et je dois m'en remettre dans une certaine mesure aux gens du MPO — d'importants progrès ont été réalisés au chapitre de la surveillance électronique et de la capacité de savoir ce que font les navires grâce à ces mécanismes. S'il est possible d'augmenter le nombre d'inspections, et notamment d'inspections conjointes, et d'obtenir la collaboration soutenue de l'Union européenne dans ce dossier, on pourra peut- être combler cette lacune quoique, je le répète, cela ne relève pas de mon expertise.

Le sénateur Baker : À cet égard, j'ai noté à la fin du mois dernier la clôture d'un appel d'offres pour la surveillance électronique des navires étrangers dans le cadre de l'OPANO — on ne parle pas ici des navires canadiens parce qu'ils font l'objet d'une surveillance électronique depuis deux ans déjà. Peu importe l'endroit où les navires canadiens font de la pêche, si le système de surveillance cesse de fonctionner pour une raison ou une autre, ils doivent rentrer au port. Il y a d'ailleurs énormément de causes en suspens devant la Cour provinciale de Terre-Neuve, relativement à des navires qui ne sont pas rentrés au port.

L'appel d'offres lancé le mois dernier par l'OPANO visait la surveillance, à n'importe quel moment de l'année, de 60 à 100 chalutiers-usines réfrigérés dans la zone régie par l'OPANO. On demandait cette capacité en tout temps; cela m'a beaucoup étonné. C'est ce qu'indiquait l'appel d'offres et personne ne peut le nier. Nos informations révèlent toutefois que le nombre de navires étrangers pêchant dans la zone régie par l'OPANO a chuté à environ 40 par jour. Cet appel d'offres parle de 60 à 100 navires. Je pencherais probablement du côté de l'argent, c'est-à-dire de l'appel d'offres.

Ma première question porte sur le dragage en haute mer, et je vais l'aborder d'un point de vue juridique. L'autre question concerne les mesures prises en application de l'article 76 de la Convention sur le droit de la mer. L'Université du Nouveau-Brunwick a tenu un symposium à ce sujet il y a quelques années. Vous étiez présent pour entendre un ministre fédéral libéral nous dire que le Canada n'avait aucunement l'intention d'étendre jusqu'à 350 milles sa juridiction sur les fonds marins et le sous-sol des zones sous-marines du plancher océanique. C'est pourtant ce que la Russie s'efforce de faire en application de l'article 76, tout comme 20 autres pays qui tentent d'en faire autant. Le Canada n'a pas l'intention d'aller de l'avant. C'était quatre mois avant que nous ratifiions la Convention sur le droit de la mer. Nous avons été les derniers à faire obstacle, avec les États-Unis et le Danemark. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais peut-être pourrez-vous nous aider à comprendre.

Si de 60 à 100 chalutiers draguent à qui mieux mieux notre plateau continental, pourquoi donc le Canada s'oppose- t-il à une interdiction du dragage du plancher océanique dans les zones non régies en haute mer, alors que nous n'avons aucun navire en cause? On drague le nez et la queue du Grand Banc et du Bonnet flamand, qui sont censés faire partie de notre plateforme continentale, mais le Canada ne se livre pas à ce genre d'activité; la loi limite à 65 pieds la taille de nos navires.

Du point de vue juridique, pouvez-vous comprendre pourquoi le Canada adopte une telle position?

M. Saunders : Pour ce qui est de l'appel d'offres, je ne vois pas comment il pourrait y avoir 100 chalutiers-usines réfrigérés sur le Grand Banc parce qu'il n'y a tout simplement pas assez de poisson à capturer.

Le sénateur Baker : C'est ce que je crois. Il y a un problème avec cet appel d'offres.

M. Saunders : Voilà sans doute un appel d'offres fondé sur des estimations excessives. J'ai tendance à croire les chiffres qu'on nous fournit généralement quant au nombre de navires parce que le système de contrôle global en place est assez efficace; les navires ne sont pas si nombreux.

Le sénateur Baker : On parle donc de 40 ou 50 chalutiers.

M. Saunders : Oui, ce sont les chiffres que j'ai entendus.

Le président : Pourriez-vous nous donner plus de détails au sujet de cet appel d'offres?

Le sénateur Baker : Il s'agit d'un appel d'offres pour un système de surveillance par satellite. Il a été publié par l'OPANO dans tous les journaux du Canada, des États-Unis et des pays membres dans le reste de la planète.

Le président : C'est un système de surveillance maritime.

Le sénateur Baker : Oui, l'appel d'offres qui a été clos à la fin du mois dernier visait une période de 10 ans.

M. Saunders : Je dois simplement m'en remettre aux faits tels que présentés par l'OPANO et les autres intervenants, y compris le gouvernement du Canada. Je ne pense pas qu'il faut y voir l'indication d'un plan secret visant le déploiement d'un nombre si considérable de navires sur le Grand Banc. Le tonnage prévu dans les quotas ne le permettrait pas.

Pour ce qui est de l'article 76 et de la compétence sur la zone externe du plateau continental, il est possible que les propos du ministre aient été mal interprétés à ce moment-là parce que le Canada a comme politique depuis assez longtemps d'exercer sa compétence sur cette zone. L'article 76 de la convention vise en fait à préciser la façon d'établir les limites externes de la plateforme continentale relevant de la compétence d'un pays. Cela ne signifie pas que pendant la durée du processus, qui exige notamment la présentation d'une soumission à la Commission des Nations Unies, et nous approchons du délai fixé à cet égard, vous ne conservez pas la juridiction relativement aux fonds marins et au sous-sol des zones sous-marines du plateau continental à l'extérieur de la zone de 200 milles; vous ne savez tout simplement pas jusqu'où s'applique votre juridiction. Cela nous a causé des problèmes, par exemple, lorsque nous avons arraisonné des navires américains qui pêchaient le crabe sur notre plateforme continentale. Les espèces sédentaires se retrouvant sur le plancher océanique de notre plateau continental à l'extérieur de la zone des 200 milles sont les seules entités vivantes qui relèvent de notre compétence. Nous avons donc arraisonné ces navires américains et s'ils devaient nous demander jusqu'où il leur faudrait aller pour ne plus être sur le plateau continental canadien, personne ne pourrait leur répondre. Ce n'est que lorsqu'on vous arraisonne que vous savez que vous empiétez sur le plateau continental canadien. Le droit international vous accorde la juridiction sur le plateau continental, même si vous n'avez pas fixé ces limites exactes à titre de droit a priori en vertu de la convention. Cependant, il nous faut établir nos limites externes pour tracer une ligne de séparation indiquant l'endroit où notre compétence cesse de s'exercer pour céder le pas à celle de l'Autorité internationale des fonds marins. Dans le cadre de ce processus, le Canada mène actuellement des recherches afin de recueillir les données nécessaires en vue de préparer sa soumission à la Commission relevant des Nations Unies concernant les limites du plateau continental. À ce que je sache, ce processus est actuellement en cours.

Différents pays ont présenté de telles soumissions, dont certaines sont assorties de revendications excessives, résultat d'une mauvaise interprétation des critères. Il existe en effet des critères assez complexes en matière de géologie et de distance. Selon les données dont j'ai pu prendre connaissance, cette limite de juridiction peut aller jusqu'à 350 milles et au-delà sur la côte est.

Comme nous avons compétence sur les espèces sédentaires et pouvons en assurer la gestion au-delà de la limite des 200 milles, certains ont laissé entendre que nous pourrions arraisonner pour pêche illégale un chalutier qui capturait ne serait-ce qu'un seul crabe en pêchant d'autres espèces.

Le sénateur Baker : Et quel est le verdict?

M. Saunders : Il s'agit de faire valoir votre compétence relativement aux espèces sédentaires de manière à pouvoir l'exercer à l'égard d'une technique donnée qui endommage l'habitat de ces espèces. On pourrait soutenir qu'un pays abuse de ses droits en allant plus loin que le but visé par cette disposition de la convention. La compétence à l'égard des espèces sédentaires n'est pas une compétence de gestion globale, mais s'applique plutôt à l'exploitation. Elle est exprimée différemment de celle touchant la zone économique exclusive. Les États-Unis en ont fait l'essai dans les années 60 lorsqu'ils avaient compétence sur le plateau continental, mais aucun droit relatif à la colonne d'eau. Ils ont tenté le coup pendant un certain temps avec le homard. Ils arraisonnaient les navires transportant du homard. Ils ont finalement renoncé à cette manière détournée d'affirmer leur juridiction maritime.

Votre dernière question concerne le dragage. Je présume que vous faites référence aux efforts en cours aux Nations Unies en vue d'adopter une résolution imposant un moratoire à cet égard. On ne veut pas empêcher le dragage en haute mer d'une manière générale, mais bien dans certaines zones vulnérables déjà identifiées, comme les montagnes sous- marines inexplorées pouvant renfermer des habitats vulnérables et n'étant soumises à aucune réglementation. Je ne peux pas vous expliquer les raisons pour lesquelles le Canada a décidé de ne pas contribuer à cet effort. J'ai été étonné de voir le gouvernement des États-Unis l'appuyer. La seule explication publique dont j'ai eu connaissance à ce sujet veut qu'en acceptant cette interdiction en haute mer, nous pourrions être forcés d'emboîter le pas en l'appliquant aux chalutiers dans les eaux sous juridiction canadienne. C'est la seule explication que j'ai entendue. Sinon, comme vous l'avez indiqué, ce n'est pas une question d'ordre économique pour nous parce que nous n'avons pas de chalutiers en haute mer et pas d'intérêts économiques dans ces secteurs. Je dois aussi préciser que ce qui est proposé n'est pas une interdiction, mais plutôt une résolution des Nations Unies, ce qui n'aura pas le même effet exécutoire car il ne s'agit pas d'un traité.

Le président : Pour être bien clair, nous parlons ici d'un statu quo imposé par rapport à la situation actuelle, n'est-ce pas? C'est ce que nous ont dit les groupes environnementaux, car c'est ce qu'ils revendiquent. Ils veulent qu'on s'en tienne aux activités déjà existantes et n'exigent pas une interdiction totale immédiatement, bien qu'ils puissent le souhaiter à long terme. Pour l'instant, ils demandent un tel blocage dans les zones réglementées à l'extérieur des limites, étant donné que ce qui se passe à l'intérieur ne relève pas de leur compétence.

M. Saunders : Selon le groupe environnemental auquel vous parlez, vous aurez droit à un point de vue différent quant à l'ampleur des mesures souhaitées. Les Nations Unies proposent d'empêcher le dragage dans de nouvelles zones ainsi que dans certains secteurs vulnérables. On ne préconise pas une interdiction totale.

Le président : Est-ce qu'on propose un gel à l'égard des nouvelles activités à l'extérieur de la limite de 200 milles?

M. Saunders : Je n'en suis pas certain. J'ai vu qu'on avait proposé une interdiction pour les nouvelles montagnes sous-marines et d'autres organisations sont déjà allées de l'avant à cet égard. En fait, l'OPANO envisage cette possibilité pour les montagnes sous-marines à l'intérieur de la zone qu'elle régit et la Commission des pêches de l'Atlantique Nord-Est a interdit cette pratique sur les montagnes sous-marines relevant de sa compétence. Ce n'est donc pas une idée nouvelle. Ces montagnes sous-marines semblent être des habitats assez intéressants et uniques. Si nous devions permettre le dragage avant d'en savoir davantage au sujet de ces montagnes, nous pourrions détruire un habitat dont nous ne comprenons même pas la teneur.

Il est possible qu'on soit allé un peu trop loin.

Le sénateur Baker : Certaines sections du Banc Georges sont considérées hors limite pour le dragage tout comme certains secteurs de la côte ouest de la Colombie-Britannique.

Les notions de sol et de sous-sol sont définies dans les lois environnementales traitant de pollution. En consultant la jurisprudence, vous trouverez toutes ces causes concernant la pollution du sol et du sous-sol qui sont clairement définies et décrites. Nous avons l'article 76 de la Convention des Nations Unies qui traite de la compétence à l'égard du sol et du sous-sol.

Toute la pêche étrangère régie par l'OPANO est effectuée par des chalutiers. Ils draguent le plancher océanique soit avec des grilles soit, dans le cas de la crevette, avec deux râteaux de 120 pieds auxquels on attache un poids de 60 tonnes pour les maintenir au fond. Ces activités de dragage perturbent les fonds marins ainsi que le sous-sol des zones sous- marines.

Il semblerait que personne n'ait jamais essayé de contester le droit de pêcher de cette manière. Vous avez donné l'exemple du différend qui nous a opposé aux États-Unis relativement à ces eaux. Le Canada ne pourrait-il pas envisager des poursuites à cet effet pour freiner les activités de dragage sur sa plateforme continentale? Ne croyez-vous pas qu'il s'agit d'une avenue intéressante?

Nous pouvons déjà exercer cette compétence, mais n'est-il pas toujours préférable que cela soit inscrit dans la loi? Nous pourrions demander la compétence à l'égard du sol et du sous-sol via le mécanisme normal de la Commission des limites du plateau continental des Nations Unies. Nous pourrions l'obtenir et il faudrait alors que toutes les activités de dragage sur le plateau continental canadien soient approuvées par l'État côtier, c'est-à-dire par le Canada. Ne croyez- vous pas que ce serait une approche beaucoup plus efficace que d'essayer de gérer l'ingérable dans le cadre de l'OPANO?

M. Saunders : Malheureusement pas. J'aurais bien voulu pourtant qu'il en soit ainsi. J'ai essayé de m'en convaincre moi-même, mais je n'y suis pas parvenu. Je vais vous expliquer pourquoi.

Le sénateur Baker : Vous avez essayé de vous en convaincre?

M. Saunders : Oui. En testant des hypothèses en 2003, je me suis notamment demandé si nous pourrions miser sur notre compétence à l'égard des espèces sédentaires en vue d'exercer une compétence plus large sur toutes ces activités. C'est peut-être possible, mais certains problèmes se posent avec une approche d'une telle envergure. Le Canada doit tout d'abord présenter une demande à la commission relativement à la limite à établir. Il semblerait que la soumission à cet égard soit en cours d'élaboration. Ce n'est pas cette commission qui nous accorde la compétence; nous l'avons déjà. La commission formule ses recommandations quant aux limites externes acceptables. Il s'agit là d'une précision importante, car nous exerçons déjà cette compétence.

En raison du libellé de la convention, cette compétence n'est toutefois pas d'application aussi large que nous le souhaiterions. La convention ne précise pas directement que nous avons juridiction sur les fonds marins et le sous-sol des zones sous-marines. Elle dit seulement que nous avons des droits souverains — une forme de compétence inférieure à la souveraineté — à l'égard des ressources naturelles des fonds marins et du sous-sol des zones sous-marines.

Le sénateur Baker : Ce n'est pas l'article 76 qui parle des fonds marins et du sous-sol des zones sous-marines.

M. Saunders : Il s'agit de décrire l'emplacement, mais la convention définit la compétence comme étant constituée de droits souverains à l'égard des ressources naturelles des fonds marins et du sous-sol des zones sous-marines pour des fins d'exploration, d'exploitation et d'activités connexes. Par « ressources naturelles », la convention entend les ressources non vivantes du plateau continental, à savoir des fonds marins et du sous-sol des zones sous-marines. Les espèces sédentaires constituent, bien sûr, les seules exceptions à cette règle.

Si on laisse de côté pour un instant ces espèces sédentaires, la compétence s'applique à toutes les autres ressources naturelles : le pétrole et le gaz, les minéraux placériens et tout ce qui peut être exploité à titre de ressources non vivantes provenant du plateau continental. On pourrait arraisonner un chalutier qui fait du dragage dans ces eaux uniquement s'il ramasse de l'or ou du pétrole pour aller le vendre ailleurs. C'est la compétence que nous pouvons exercer. Nous n'avons pas de compétence territoriale sur ce secteur; notre juridiction se limite à certains aspects, aux ressources de la mer. C'est ce qui a été négocié. Cela remonte à 1958 et, même avant cela, aux proclamations Truman dans les années 1940. Voilà donc pour l'évolution des compétences à l'égard du plateau continental.

Les espèces sédentaires nous offrent une possibilité d'intervention. Les Américains ont essayé cette approche pour récupérer leur compétence à l'égard des pêches, alors que celle-ci avait été limitée à une zone de trois milles. Je me souviens avoir parlé à un agent du service extérieur américain qui se rappelait avoir reçu à l'époque des appels d'agents de surveillance des pêches qui demandaient s'ils pouvaient arraisonner des navires sur lesquels ils avaient trouvé deux ou trois homards. Les pêcheurs qui avaient accidentellement ramassé ces homards auraient pu être accusés d'avoir enfreint les règles touchant les espèces sédentaires. En capturant des individus de ces espèces, on s'écartait de la pêche de poissons à nageoire.

Il y a argumentation possible. Ce libellé soigneusement négocié de la Convention sur le droit de la mer n'accorde pas la même compétence à l'égard des espèces sédentaires à l'extérieur de la zone de 200 milles que pour les pêches à l'intérieur de cette zone. La compétence à l'intérieur de la zone est d'application très large aux fins de la gestion, de la conservation et de la protection. À l'extérieur de la zone de 200 milles, la compétence se limite à l'exploitation et à l'exploration. Je pense que le libellé a été négocié expressément à cette fin. J'aimerais pouvoir pousser plus loin cette argumentation, et j'ai déjà essayé de le faire, mais je ne crois pas que cela soit possible.

L'autre problème, c'est qu'on ne peut pas s'en servir comme méthode générale de réglementation pour stopper les chalutiers, à moins que d'autres mesures en ce sens ne soient prévenues par les lois internationales, étant donné que votre compétence n'intervient que pour les espèces sédentaires. Si les espèces sédentaires ne sont pas touchées, vous n'avez aucun moyen d'intervenir.

Le sénateur Baker : Comme vous l'avez laissé entendre tout à l'heure, si le Canada n'est pas favorable à une interdiction du dragage dans les zones non réglementées en haute mer, c'est en raison du risque que cela l'oblige à appliquer également de telles mesures à l'intérieur de ses eaux territoriales. Pourtant, la dernière fois que j'ai vérifié, nous avions tous les pouvoirs à l'intérieur de la zone de 200 milles.

Vous connaissez la situation dans certains pays d'Afrique.

M. Saunders : Oui.

Le sénateur Baker : Je voulais signaler en passant que bon nombre de ces pays ont donné leur accord à cette interdiction. Vous connaissez bien ces régions. La France, le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Pays-Bas ont également signé. L'Union européenne bénéficie d'importants quotas pour le dragage sur notre plateau continental et ses navires y pêchent le poisson de fond. Nous ne faisons pas de dragage pour le poisson de fond. Nous n'avons même pas de chalutier pour ce faire. Nous avons seulement de petits bateaux de 65 pieds pour la pêche à la crevette dans des zones définies. Ces pays viennent draguer du flétan, bonté divine. À notre époque, c'est quelque chose de tout à fait intolérable.

Le ministre se dit que si l'on interdit le dragage en haute mer, le Canada devra faire de même à l'intérieur de la zone de 200 milles. Si l'Union européenne a signifié son accord pour qu'on cesse le dragage en haute mer, doit-on comprendre que ces pays devront aussi cesser de draguer notre plateau continental? Ne serait-ce pas la conclusion logique pour autant que l'argumentation du ministre s'appuie sur un fondement juridique quelconque?

M. Saunders : Je vais être prudent, parce que je peux faire des commentaires sur le droit, mais pas vraiment sur la politique.

Comme le président l'a dit, même l'interdiction proposée ne porte pas sur le dragage. On propose une réglementation appropriée, l'imposition d'un moratoire dans de nouveaux secteurs et diverses choses, mais on ne propose pas vraiment une interdiction, alors on ne peut pas se servir de cela pour interdire le dragage.

Je peux dire, d'un point de vue juridique, que le fait de convenir qu'il faut réglementer, contrôler ou imposer un moratoire sur une technique de pêche dans des secteurs nouveaux et inexplorés en haute mer n'a aucun lien juridique avec ce que vous faites dans un secteur de pêche réglementé et géré où la même technique pourrait être permise. Il n'existe aucune règle juridique disant que vous devez maintenant faire ceci parce que vous avez donné votre consentement à cela. La manœuvre politique qui peut être rattachée à cette question est un aspect différent que je ne peux pas commenter.

Le sénateur Baker : Monsieur le président, tous les appels de dernière instance en matière de pêche devraient être entendus par le doyen de la faculté de droit de l'Université Dalhousie.

[Français]

Le sénateur Gill : Le dragage favorise-t-il la faune et la flore des fonds marins? Il n'y a pas de droit sur le sol et le sous-sol, mais il y en a sur la ressource. Cependant, si on détruit la flore, le poisson n'ayant plus de nourriture ne pourra continuer à exister. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.

[Traduction]

M. Saunders : Du point de vue de la gestion, je suis d'accord pour dire que la destruction d'un habitat par une méthode de pêche quelconque a une incidence sur le poisson à cet endroit. Le problème, c'est que notre compétence sur la zone économique exclusive et le plateau continental nous vient de la compétence en haute mer. Sauf si le droit international vous donne une compétence sur quelque chose, on présume que, par défaut, ce sont les libertés en haute mer qui s'appliquent.

Il est problématique de soutenir que, parce que nous avons compétence sur des espèces sédentaires, nous avons donc le pouvoir de réglementer toutes les activités qui affectent leur habitat parce que nous en assumons la gestion et le contrôle; les mots choisis et négociés dans la convention sont explicitement différents de ceux utilisés relativement à la compétence dans la zone économique exclusive. Selon un vieux principe de droit, si vous utilisez certains mots à un endroit dans un document et que vous ne les utilisez pas ailleurs, cela signifie quelque chose.

La compétence conférée à l'État côtier sur les espèces sédentaires dans la zone externe du plateau continental au- delà des 200 milles ne renvoie pas au contrôle de gestion et à la protection générale que l'on trouve dans la description de la zone économique exclusive. Elle renvoie à ceci : vous avez le droit d'explorer et d'exploiter.

Dans son sens étroit, cela signifierait que personne d'autre que vous n'est autorisé à pêcher ces espèces. Cela ne signifie pas que vous pouvez prendre d'autres mesures qui, par ricochet, les protègent, même si c'est la chose logique et intelligente à faire. Cet aspect n'a pas encore été contesté, mais pourrait l'être. J'aime bien cet argument, mais il est difficile à faire valoir.

L'autre problème, c'est que la compétence sur ces espèces a été conférée par compromis. Cela remonte à 1958 et aux conventions de Genève. Je crois que c'était une concession faite à contrecœur qui se limite aux conditions dans lesquelles elle a été accordée. En essayant de trop l'élargir et de s'en servir pour étendre la compétence sur la colonne d'eau au-dessus du plateau continental, on rencontrerait l'opposition d'un grand nombre de pays, qui croiraient qu'on va au-delà du compromis. Serait-ce une bonne chose à faire du point de vue de la gestion? Je crois que oui, mais je ne suis pas convaincu que le droit le permet.

[Français]

Le sénateur Gill : Pourquoi les membres ou les gens qui font partie de l'OPANO, même si ce n'est pas le cas en ce moment, ne semblent pas vouloir laisser le Tribunal international du droit de la mer juger certains litiges?

Vous dites qu'il y a eu du progrès depuis la création de l'OPANO. Mais sur le règlement des conflits et sur les sanctions, est-ce applicable? C'est une question un peu naïve peut-être, mais je suis profane. J'aimerais donc pourquoi ce n'est pas le Tribunal international du droit de la mer qui juge de ces conflits?

[Traduction]

M. Saunders : Je n'ai pas encore vu l'accord sur le règlement des litiges, alors je vais être prudent concernant ce qui a été conclu au sein de l'OPANO. Toutefois, avant que le Canada ne devienne partie à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et à l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons, et avant l'Union européenne — qui n'est pas une partie comme telle, mais qui s'est jointe à la convention — nous n'avions pas de processus obligatoire pour le règlement de nos désaccords.

En droit international, les tribunaux n'ont compétence sur les États souverains que dans la mesure où les États souverains y consentent. Évidemment, le Canada s'est prévalu de cette situation.

Si vous vous rappelez, lorsque nous sommes entrés dans la guerre du flétan noir, une des premières choses que nous avons faites a été de réserver notre argumentation devant la Cour internationale de Justice pour exclure ce type de litige. Nous savions que ce que nous étions sur le point de faire aurait pu nous amener devant la Cour internationale de Justice. Par la suite, lorsque l'Espagne a essayé d'amener le Canada devant la cour, le Canada s'y est opposé en faisant valoir sa compétence et en disant que la cour n'avait compétence que dans la mesure où nous y consentions, et nous avons retiré notre consentement à ce moment-là. Le Canada a profité de cette situation par le passé.

Ce qui a changé depuis que tout le monde s'est joint à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et à l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons, c'est que ce dernier accord adopte par renvoi le processus de règlement des litiges prévu en droit de la mer. Il peut être appliqué obligatoirement pour régler des litiges sur l'interprétation ou l'application d'accords régionaux de gestion des pêches. Il était désormais possible d'établir un mécanisme obligatoire de règlement des litiges dans le cadre de la convention de l'OPANO.

Le plus grand problème à ce moment-là, c'était qu'il était très difficile de violer la convention de l'OPANO. Si vous pouviez vous opposer à toutes les procédures de gestion, en disant que vous alliez ramener vos bateaux pour vérifier certains problèmes d'application des règles, sans avoir rien à faire, il aurait été très difficile d'établir avec précision que vous aviez violé le traité.

Une des questions que je me suis posées lorsque j'ai examiné la convention en 2003 était la suivante : que devrait faire un État membre avant de pouvoir trouver quelque chose qui lui permettrait de défendre sa position devant la cour? La meilleure chose que j'ai pu trouver, c'était de refuser continuellement d'appliquer des pénalités pour violation des accords de pêche, ce qui serait difficile de contester.

Aujourd'hui, on ne tente pas nécessairement d'ébranler la compétence du tribunal international, mais d'après ce que j'ai entendu, on essaie d'ajouter un processus qui n'était pas prévu dans la convention. Un État pouvait avoir recours à la procédure d'opposition à sa discrétion, et la convention a retiré une partie de ce pouvoir discrétionnaire aux États. Ainsi, si des États veulent s'opposer maintenant, ils doivent d'abord justifier leur position devant un conseil et, s'ils ne sont pas du même avis, ils ont le choix d'entamer une procédure de règlement du litige, qui pourrait inclure le Tribunal international du droit de la mer. Toutefois, c'est à eux de faire avancer le dossier. C'est une amélioration.

Le processus de règlement des litiges prévu par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer est très compliqué, mais il comporte plus d'une option. Il y a le Tribunal international du droit de la mer, des conseils techniques sur la gestion des pêches, des tribunaux arbitraux établis en vertu de l'Annexe VII, dont quelques-uns ont déjà été formés; les États peuvent ainsi éviter toutes les procédures devant la cour et créer plutôt un conseil arbitral pour accélérer le règlement du conflit.

Si un pays n'a choisi aucun mécanisme, par défaut un tribunal sera établi en vertu de l'Annexe VII. Récemment, les Barbades ont eu recours à pareil tribunal pour forcer Trinité-et-Tobago à aller en arbitrage sur une question de limite maritime, alors on peut le faire sur une base obligatoire et cette option existe. Toutefois, si les parties ont mis au point leur propre processus de règlement des litiges, alors ces autres tribunaux devront s'incliner devant le mécanisme de règlement des conflits que les parties à une entente ont conçu pour elles-mêmes.

Le sénateur Adams : Merci, monsieur le président. Merci d'être venu, monsieur Saunders. Dans votre mémoire, vous avez fait mention de l'État du pavillon pour les étrangers. Nous avons un problème au Nunavut. Nous avons des stocks de flétan noir et de crevettes, et les étrangers les pêchent. Peut-être pourriez-vous m'expliquer, et je pourrais vous expliquer, comment le système fonctionne.

Chaque année, le ministre des Pêches attribue des quotas. Nous avons eu environ 8 000 tonnes métriques de flétans et 2 500 tonnes de crevettes. Les étrangers prennent 80 ou 90 p. 100. J'ai écrit une lettre au ministre. Il m'a répondu qu'il ne peut rien faire en raison de l'entente de l'OPANO. Maintenant, nous ne pouvons rien faire à cause du système de pavillon. Dans le règlement des revendications territoriales, nous avons inclus un permis pour le flétan noir. Or, les étrangers obtiennent notre permis pour le Nunavut et prennent le poisson.

Les revendications territoriales sont réglées. Nous sommes des Canadiens. Nous utilisons encore la même politique avec le Canada. Depuis le début de la pêche commerciale dans l'Est, nous ne nous préoccupions pas vraiment de savoir qui pêchait le poisson. Nous avons des problèmes avec les revendications territoriales au Nunavut et dans nos relations avec le gouvernement du Canada et le MPO, en particulier concernant la politique sur l'État du pavillon. Les gens veulent commencer à pêcher, mais ils n'ont pas de permis parce que d'autres peuvent mettre un pavillon sur leur bateau et utiliser nos permis. Êtes-vous au courant de cette situation?

M. Saunders : Je ne connais pas très bien ce secteur de pêche. Est-ce à l'intérieur ou à l'extérieur de la limite de 200 milles?

Le sénateur Adams : C'est à l'intérieur de la limite de 200 milles.

M. Saunders : Si c'est à l'intérieur, cette pêche ne relève pas de la compétence de l'OPANO.

Le sénateur Baker : Le flétan noir devrait relever de la compétence de l'OPANO. Il se trouve jusqu'à la laisse de haute mer. L'OPANO gère le stock de flétan noir. C'est du poisson vendu dans l'eau.

Le sénateur Adams : Ces étrangers sont membres de l'OPANO, n'est-ce pas?

Le président : La limite n'est pas de 200 milles, parce qu'il n'y a pas 200 milles; c'est moins que cela.

M. Saunders : Ce serait à l'intérieur de notre zone économique exclusive. En général, si nous avons conclu un accord avec d'autres États pour leur donner accès, alors nous sommes liés par cet accord. Si vous n'avez pas d'accord ou si celui-ci arrive à échéance, alors il y aurait un accord dans le cadre de la Convention sur le droit de la mer qui donne accès à la partie des pêches que vous ne prenez pas. Il s'agit d'une obligation qui est si vague et qui est explicitement exclue du règlement obligatoire des litiges prévu par la convention qu'il serait difficile de forcer un État côtier à donner accès à ces pêches s'il ne le veut pas. Je ne peux que présumer que le gouvernement fédéral a effectivement conclu un accord pour permettre l'accès à cette pêche en échange d'autre chose. Toutefois, je n'ai pas vu le dossier en question.

Le président : Ce pourrait être simplement un contrat, j'imagine. Le Nunavut a un contrat avec des bateaux étrangers. Je sais que c'était le cas au Labrador. La Shrimp Company utilisait des bateaux des plus modernes, aux termes d'un contrat. Elle avait conclu une entente avec eux pour pêcher une certaine quantité à l'intérieur de la zone de 200 milles parce qu'ils avaient la technologie nécessaire, mais c'était à l'intérieur de notre zone économique. Je crois que nous avons maintenant changé cela et nous utilisons des bateaux de la Nouvelle-Écosse. À l'origine, toutefois, sur la côte du Labrador, ils utilisaient des bateaux européens pour prendre le quota canadien en leur nom. C'est peut-être la même chose dans ce cas.

Le sénateur Baker : Tout d'abord, la France, à cause de Saint-Pierre-et-Miquelon, détient un pourcentage de tous les quotas du Canada le long de cette côte. C'est là une façon pour les étrangers d'obtenir des quotas. L'autre façon, comme l'expliquait le sénateur Adams, c'est que les poissons sont vendus dans l'eau ou sont attribués à une flotte étrangère. C'est assez fréquent. Ce que dit le sénateur Adams, c'est que les gens de cette région ne peuvent obtenir de permis de pêche alors que les quotas sont monopolisés. La France a des droits, je présume, dans le cadre de cet accord.

Le président : À ce sujet, nous voulons convoquer des représentants du Nunavut à Ottawa pour pouvoir leur poser des questions sur l'accord. Certaines questions restent sans réponse. J'ignore quelle est l'entente entre le Nunavut et les bateaux étrangers. Il nous sera difficile de trouver des solutions à ce problème jusqu'à ce que nous ayons cette information. Nous allons inviter des représentants du Nunavut à Ottawa et nous allons consacrer tout le temps que nous pouvons à ce dossier.

Le sénateur Adams : Si je peux expliquer l'accord sur les revendications territoriales, il a été conclu entre le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, le MPO et la NTO, la Nunavut Trust Organization. Rien n'a été fait avec le MPO sur la façon dont la politique des pêches allait être appliquée. Tout à coup, la BFC, la Baffin Fishery Coalition, est arrivée au Nunavut et a établi sa propre organisation. En même temps, la personne avait un agent à Terre-Neuve et s'est associée à des étrangers. Pour que quelqu'un puisse prendre son quota, il doit avoir un agent pour établir combien coûtera le poisson. C'est ce qui se produit à l'heure actuelle. Les gens de la région veulent commencer à pêcher, mais ils ne peuvent rien faire parce que d'autres personnes ont déjà les quotas.

Le président : J'ai ici le document de travail pour mars prochain,

M. Saunders : Je l'ai reçu juste avant la réunion et de la même source, je crois.

Le président : C'est le texte sur lequel j'ai travaillé et nous allons entreprendre les travaux en mars prochain. Je veux m'assurer que vous en avez une copie. Lorsque nous aurons examiné le texte modifié, vous pourrez peut-être revenir et en discuter avec nous.

M. Saunders : J'en serais ravi.

Le sénateur Watt : Bienvenue, monsieur Saunders. J'aimerais poursuivre dans le même ordre d'idée que le sénateur Baker en vous demandant si nous avons un rôle à jouer pour ce qui est du sol et du sous-sol à l'extérieur de la limite des 200 milles, en sachant que nous avons certains droits imprécis pour commencer, comme sur les myes et les pétoncles géants. Est-ce que le lieu de reproduction de ces espèces pourrait être utilisé comme argument pour établir le pouvoir de gestion du Canada à l'extérieur de la limite des 200 milles? Cet aspect a-t-il déjà été examiné? Si vous ne gérez pas le lieu de reproduction, que gérez-vous?

M. Saunders : Les espèces sédentaires sont celles qui sont en contact constant avec le fond marin ou le sous-sol lorsqu'elles sont au stade biologique où elles peuvent être pêchées. Avant ce stade, elles peuvent flotter dans la colonne d'eau. Pourriez-vous dire qu'en interférant à ce stade, on prend une espèce sédentaire? C'est possible.

Si on veut utiliser une méthode pratique pour régler le problème, ce n'est probablement pas la meilleure. Encore une fois, c'est quelqu'un qui a essayé de faire valoir cet argument à quelques reprises qui vous le dit. Vous devez être en mesure de prouver qu'ils agissent sur une espèce sédentaire. Ce n'est pas une compétence générale pour gérer le secteur; vous n'avez pas cette compétence sur le plateau continental. Vous ne pouvez interférer sur d'autres utilisations de la colonne d'eau que dans la mesure où vous devez le faire pour exploiter le fond marin. Il n'y a pas de compétence globale pour ce qui est de la gestion de la ressource, alors qu'une compétence pour l'exploitation de la ressource existe. Vous avez le droit de la prendre et d'en retirer un avantage économique, mais vous n'avez pas un plein pouvoir de gestion dans le secteur où vit cette ressource.

Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas essayer. J'ai proposé une série de mesures que vous pourriez faire valoir, mais c'était un argument peu convaincant et c'est un outil encombrant. Vous ne vous attaquez pas vraiment aux problèmes de gestion; vous essayez de les régler indirectement. On vous donnerait raison seulement lorsque quelqu'un est dans un secteur où se trouvent des espèces sédentaires et qu'il agit sur elles. D'une certaine façon, c'est une possibilité attrayante, mais je ne crois pas que ce soit une solution aux grands problèmes.

Le sénateur Watt : Le gouvernement canadien a-t-il une bonne emprise sur les lieux de reproduction?

M. Saunders : Je n'ai pas les connaissances scientifiques pour répondre à cette question; je suis désolé.

Le président : Avant de donner la parole au sénateur Hubley, je tiens à ce que nous gardions en tête ce que M. Applebaum a dit au sujet du point faible de cet accord, le pouvoir de l'État du pavillon. C'est lui le responsable. J'aimerais vous entendre à ce sujet avant que vous nous quittiez, parce que c'est une question importante.

M. Saunders : M. Applebaum a raison sur ce point. Ce fut le cas, et c'est un problème mondial. Le Canada a joué un rôle actif dans ce dossier il y a quelques années, ce qui a conduit à la conférence de Saint John's en mai 2005. Parmi le groupe d'États, le Canada a tenté de faire adopter des règles concernant la responsabilité de l'État du pavillon et d'imposer des obligations pour faire en sorte que l'État du pavillon d'un bateau soit responsable de la gestion de ce bateau et qu'il veille à ce qu'il se conforme aux règles dans d'autres parties du monde. L'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons fait des progrès dans ce sens. J'ai travaillé avec une nouvelle organisation régionale de gestion des pêches dans le Pacifique Sud. Ils ont maintenant l'avantage de pouvoir poursuivre les États des pavillons, parce qu'ils sont responsables des activités de leurs bateaux lorsqu'ils se trouvent dans cette grande région.

Comment garantir qu'ils respectent tous leurs obligations de gestion ou qu'ils veillent à ce que leurs bateaux respectent les règlements dans les secteurs où ils pêchent? Les règlements ne seront jamais complètement respectés, d'autant plus que les bateaux peuvent être immatriculés partout dans le monde, mais récemment les membres de l'OPANO semblent prendre la gestion de leurs bateaux plus au sérieux. C'est peut-être parce qu'il y en a moins, peut- être parce que le poisson a disparu, mais ils font preuve d'une certaine volonté. Au bout du compte, j'aimerais voir si ce nouvel accord répond aux préoccupations de M. Applebaum. Les bateaux doivent-ils obligatoirement revenir au port lorsque l'une ou l'autre des parties en fait l'inspection, même si l'État du pavillon a accepté de s'occuper de l'affaire? Dans quelles mesures les lignes directrices sur les pénalités sont-elles détaillées et obligatoires? Qu'arrivera-t-il si un État ne se conforme pas à ces lignes directrices?

Au moins, cela s'applique dans le secteur de l'OPANO. Cela ne s'applique pas dans d'autres parties du monde où, dans le cas de la pêche en haute mer, un bateau peut porter le pavillon d'un pays qui ignore la présence même de ce bateau à cet endroit et qui ne le gère certainement pas. Au moins avec l'OPANO, les États membres de l'organisation se réunissent et, dans une certaine mesure, vous pouvez leur faire des reproches. Vont-ils assurer un suivi et faire en sorte que les contrevenants sont pénalisés dans leur pays d'origine? Dans un avenir prévisible, l'État du pavillon gardera encore un certain contrôle sur ces bateaux. Il y a trop de pays importants qui ne sont pas prêts à soumettre leur flotte aux soi-disant caprices des gouvernements étrangers. Les États-Unis prennent grand soin de ne pas laisser leurs bateaux être assujettis au contrôle d'un autre pays.

Ces deux choses, l'inspection et le rappel au port, et les lignes directrices sur les pénalités et la façon dont elles sont appliquées, détermineront dans quelle mesure nous avancerons pour régler le problème lié à la responsabilité de l'État du pavillon. De nombreux autres pays sont aux prises avec ce problème également.

Le président : M. Applebaum a dit également que ce serait peut-être une bonne idée d'établir un conseil extérieur qui surveillerait tout ce processus au nom du ministre. Il a parlé du conseil de May, qui avait été établi sous l'autorité du ministre précédent et qui relevait de lui. La question est de savoir si ce serait une bonne idée de redonner vie à ce conseil ou d'en nommer un nouveau pour surveiller ce qui se passe? Vous pourriez même en faire partie.

M. Saunders : Je ne le crois pas. Il pourrait être avantageux d'avoir un second regard, mais pas d'assurer une surveillance permanente. À mon avis, les gens qui font cela au niveau supérieur du MPO ont fait un meilleur travail au fil des années en faisant avancer le dossier de l'OPANO, et on ne leur en a pas reconnu tout le mérite. Je reviens à la rencontre de septembre 2005. Il a fallu beaucoup d'effort pour amener l'OPANO à accepter le processus mis en branle après septembre 2005. Une certaine surveillance peut être exercée. Est-ce toujours bon d'avoir un organe indépendant pour vérifier si nous obtenons des résultats? Je crois que oui. Personnellement, je ne crois pas que ce soit prioritaire d'en faire une fonction permanente, mais il est bon parfois que des personnes de l'extérieur effectuent des examens périodiques.

Le sénateur Hubley : En matière de sanctions, les nouvelles lignes directrices visent à rendre la peine proportionnelle au crime. Cela pose-t-il des problèmes? Les États du pavillon définiront-ils eux mêmes ce qu'ils jugent proportionnel; ou bien existera-t-il des normes à suivre?

M. Saunders : C'est là où je voulais en venir; c'est là le problème. Je ne peux pas répondre parce que je n'ai pas lu les nouvelles lignes directrices. Ce genre de choses fait l'objet de délicates négociations. En général, il existe un problème, car on ne peut pas obtenir d'engagement de la part des tribunaux. On ne peut pas garantir que l'affaire sera portée devant un tribunal local, qui rendra un verdict de culpabilité. Il y a un processus à suivre, et les peines doivent être appropriées. Je dois dire par contre qu'il ne s'agit pas d'un crime. Je suis certain qu'on n'a pas employé ce mot au sens strict du terme. Il s'agit d'une infraction aux règlements. Ce qui fonctionne, ce sont les amendes. Il faut les faire payer pour avoir enfreint les règlements. Selon la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, il est interdit d'emprisonner l'équipage de navires étrangers dans des cas d'infractions aux règlements sur la pêche. Nous n'avons pas le droit. C'est la protection que bien des États, y compris le Canada, voulaient obtenir pour les équipages de leurs propres navires. Souvent, ce n'est pas l'équipage qui est visé de toute façon, mais le propriétaire.

Il faut les faire payer. Il faut faire en sorte qu'il soit difficile pour eux de mener leurs activités, et ce, non seulement dans la région en question, mais dans d'autres régions. L'OPANO a commencé à conclure des accords de collaboration avec la Commission des pêches de l'Atlantique Nord-Est. C'est une bonne chose. Si un navire enfreint les règlements dans une certaine zone, les autorités d'autres zones devraient être mises au courant. Ces navires ont tendance à se déplacer d'une région à l'autre dans le monde.

La solution consiste à imposer des sanctions ainsi qu'à surveiller et à identifier les navires qui enfreignent les règlements. Certains navires ont commencé à afficher sur un site Web le nom des bateaux qui pratiquent une pêche non réglementée ou non déclarée.

Depuis 15 ans, la surveillance de ces navires s'est grandement améliorée. J'ai travaillé pendant un certain temps avec des organisations de gestion de la pêche dans le Pacifique Sud. Dans les années 80 et 90, le gouvernement canadien a financé la réalisation de nombreux projets dans cette région. Ce que nous voulions, c'est développer la capacité de suivre la trace des navires au fil du temps, car ils changent leur nom. Après s'être fait prendre, ils changent de pavillon et de nom. L'organisation en question, grâce au soutien du Canada, a créé une base de données qui, à l'aide de toutes sortes d'indicateurs, permet de repérer ces navires. Même si le nom du bateau a changé, d'autres données permettent de le repérer. Une fois qu'un navire est inscrit sur une liste noire, il y demeure pour de bon, peu importe si son nom change.

En inscrivant des navires sur une liste noire et en leur refusant l'accès aux ports, ce que nous avons déjà fait et nous pouvons amener davantage de membres de l'OPANO à le faire, on se trouve à avoir recours à des sanctions autres que des amendes ou des poursuites judiciaires. La coopération interrégionale est en train de s'améliorer. C'est là un autre point positif.

Lorsqu'une infraction grave est commise, on rend la vie encore plus difficile au navire en question en faisant en sorte qu'il ne puisse pas pêcher dans d'autres régions que la nôtre.

Le sénateur Baker : Peut-être que le sénateur Cowan peut demander à M. Saunders si, à son avis, c'est une bonne chose que le sous-ministre adjoint chargé de la gestion des pêches au Canada soit aussi le président de l'OPANO, qui doit répondre au nom de cet organisme aux questions relatives à la gestion des pêches. Peut-être que M. Saunders ne veut toutefois pas répondre à cette question.

M. Saunders : Il s'agit d'une question qui ne concerne pas le droit, si je puis dire.

Le sénateur Baker : C'est une question qui ne concerne pas votre domaine?

M. Saunders : C'est exact.

Le sénateur Cowan : C'est pourquoi le sénateur Baker voulait que ce soit moi qui pose la question.

J'aimerais parler de la gestion axée sur la conservation. Je ne suis pas tout à fait certain de ce que cela signifie. Pouvez-vous me dire s'il existe un usage courant de ce terme?

M. Saunders : Non, il n'y en a pas.

Le sénateur Cowan : Je crois comprendre pourquoi ça ne fonctionnerait pas, ou du moins pourquoi vous n'obtiendriez pas l'appui nécessaire de la part d'autres États.

En tant qu'avocat, je sais que je ne devrais pas poser une question à laquelle je ne connais pas la réponse. Vous avez mentionné que c'est une question qui est devenue un enjeu aux dernières élections et que quelqu'un avait promis que, d'ici cinq ans, on pourrait assurer une gestion de la pêche dans les Grands Bancs axée sur la conservation. Je ne sais pas quel parti avait fait cette promesse.

M. Saunders : C'est le premier ministre actuel. Je crois que c'était lors d'un discours qu'il a prononcé à Petty Harbour. J'ai consulté le site Web pour voir si j'avais raison.

Le sénateur Cowan : Même si je ne connaissais pas la réponse à cette question, je suis certain que ce n'était pas le cas pour le sénateur Baker. Peut-être pourriez-vous nous exposer votre point de vue au sujet de la gestion axée sur la conservation. Dites-moi quelles sont les différentes interprétations.

M. Saunders : Vous avez cerné le premier problème, c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'un terme juridique défini dans le domaine du droit. C'est un terme qui a été créé pour camoufler ce qui aurait pu paraître comme un élargissement unilatéral de notre champ de compétence au-delà de la zone des 200 milles, ce qui va tout à fait à l'encontre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

Même si un État n'est pas signataire de la convention, il se doit de respecter le droit international coutumier, qui interdit cela également. La zone des 200 milles, établie aux fins de la gestion des pêches et d'autres aspects d'ordre économique, est très bien acceptée en droit international coutumier. Nous sommes maintenant signataires d'une convention qui limite notre champ de compétence.

Quand j'ai commencé à faire des recherches sur la gestion axée sur la conservation, j'ai trouvé différentes définitions. Comme il s'agit d'un terme qui n'est pas défini, le comité de la Chambre des communes était d'avis à un moment donné qu'il s'agissait d'une compétence en ce qui a trait à certaines pêches ou à certaines espèces, et pas nécessairement d'une compétence portant sur une zone. J'ai oublié le titre exact du rapport dans lequel l'Assemblée législative de Terre- Neuve laissait entendre la même chose.

Le sénateur Cowan : Le rapport publié par le comité constitué de représentants de tous les partis?

M. Saunders : Oui. Ce comité semblait juger qu'il s'agissait davantage d'une affirmation de la compétence portant sur une zone. Il a tenté d'établir une définition qui ne donnerait pas à penser qu'il s'agit d'une appropriation d'une compétence. Il a sans cesse répété qu'il ne s'agissait pas de s'approprier la compétence, mais plutôt d'améliorer la gestion de la pêche et de veiller à ce que l'attribution des quotas de pêche soit équitable. Il ne s'agissait pas de s'arroger le droit de pêcher. La gestion des pêches et l'attribution des quotas sont clairement une question de compétence. On pouvait bien appeler ça comme on le voulait, mais tout le monde voyait clair.

Cela me rappelle l'histoire de Spike Milligan et de ses collègues, qui avaient trouvé l'inscription suivante sur une pierre tombale : « Je ne suis pas décédé, je ne fais que dormir. » Parfois, on cache la vérité à soi-même seulement.

C'est un peu ce qui se passe dans le cas de la gestion axée sur la conservation. Sur le plan international, il s'agirait d'une affirmation de la compétence. Cela nous aurait sans aucun doute obligés à nous mêler des activités des navires et de leurs droits en haute mer.

Le terme n'est pas défini clairement. Certains pensent qu'il vise une zone et d'autres, certaines pêches. La définition donnée était parfois assez large et d'autre fois, très restreinte. Le comité constitué de représentants de tous les partis, notamment, aurait voulu que la compétence s'applique à tous les stocks autres que les stocks chevauchants. Il s'agit des stocks hauturiers distincts dont la gestion relève clairement de la compétence en haute mer. Ils n'étaient même pas visés par l'OPANO.

C'était un peu le fouillis, et c'est ce qui nous a permis, dans un sens, d'échapper à des sanctions pour ce qui s'était passé en 1994-1995. Ce que nous avons fait au-delà de la limite des 200 milles aurait pu aller à l'encontre du droit international à cette époque, et c'est pourquoi nous avons refusé qu'un tribunal international évalue le bien-fondé de la cause.

Ce qu'il est important de se rappeler, c'est que la situation qui prévalait en 1994-1995 était très différente de la situation que nous avons connue en 2004-2005. En 1994-1995, la communauté internationale a convenu que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer comportait deux grandes lacunes en ce qui concerne la compétence visant les stocks de poissons grands migrateurs, comme le thon, l'espadon et d'autres, ce qui posait un gros problème dans le Pacifique Sud, dans le sud-ouest de l'océan Indien et ailleurs, et la compétence visant les stocks chevauchants. Les pays pratiquant la pêche hauturière et les États côtiers exerçaient tous une certaine compétence, mais la convention ne précisait pas qui avait la priorité. On décelait un problème au niveau du champ de compétence qui n'avait jamais été réglé. Cela a contribué à justifier davantage notre volonté de remédier à la situation.

Deuxièmement, certains États s'employaient manifestement à détruire ces stocks en grande partie. Le meilleur exemple qu'on puisse donner d'un navire dont il faut faire cesser les activités est l'Estai, qui, a-t-on découvert, avait notamment fabriqué de fausses cloisons et fait des déclarations erronées des prises. Cela jouait en notre faveur. Nous étions sur une belle lancée à l'issue de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, ce qui a mené rapidement à la négociation de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons.

Qu'y avait-il de différent en 2005? Premièrement, l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons est entré en vigueur au début des années 2000. On ne pouvait plus dire qu'il n'existait aucun moyen de régler le problème autre que celui que nous employions, c'est-à-dire l'unilatéralisme. Il fallait respecter l'accord que nous avions signé moins de 10 ans auparavant et qui venait d'entrer en vigueur et commençait à être bien appliqué par les organisations régionales de gestion des pêches dans le monde. Notre principale raison, le problème au niveau du champ de compétence, n'existait plus.

Par ailleurs, ce qui est extrêmement important, c'est que nous sommes signataires de la Convention sur le droit de la mer, ce qui signifie que nous sommes assujettis aux dispositions de cette convention concernant le mécanisme obligatoire de règlement des différends. Si nous tentions de faire ce que propose le régime de gestion axée sur la conservation, ou même si nous agissions de la même manière que nous l'avons fait dans le cas de l'Estai, nous serions forcés de nous soumettre au mécanisme de règlement des différends, et je crois que nous perdrions notre cause.

En 1994-1995, nous avons été en mesure d'éviter cela en retirant notre demande présentée au tribunal international qui a la compétence pour évaluer ce type de différends. Aujourd'hui, ce n'est plus une option qui s'offre à nous. En 2003-2004, les choses avaient changé, et je ne crois pas que nous aurions pu faire cela. Nous avions encore le sentiment que nous avons réussi à progresser en 1994-1995 en étant combatifs, alors pourquoi ne pas agir de la sorte une autre fois?

À cette époque, la stratégie du Canada était assez élaborée. Nous n'étions pas seulement combatifs. Nous avons agi unilatéralement dans certaines circonstances, cela est vrai, mais nous avons aussi essayé de conclure des ententes bilatérales avec l'Union européenne et d'autres pays en vue d'amener l'OPANO à apporter des changements, et nous avons réussi à certains égards. Nous travaillions sur la scène internationale afin d'obtenir un accord des Nations Unies sur les stocks de poissons. Nous travaillions donc sur plusieurs fronts pour régler le problème. Le Canada ne se contentait pas à l'époque d'arraisonner les navires qui violaient les règlements.

Il faut s'adapter à la situation du moment et se rendre compte que la menace d'agir unilatéralement n'est pas aussi efficace qu'auparavant, car les États savent que nous devrions nous soumettre au mécanisme de règlement des différends prévu par un accord dont nous sommes signataires; un mécanisme qui n'a pas encore fait ses preuves.

Dans les prochaines années, notre priorité sera de rendre efficaces l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons et les organisations régionales de gestion des pêches. Nous ne pouvons plus invoquer les mêmes raisons.

Le sénateur Cowan : Il s'agit peut-être d'un terme comme le déséquilibre fiscal, dont la définition varie.

M. Saunders : Le problème, c'est qu'il n'existe aucune définition de ce terme juridique dans le domaine du droit international.

Le président : Une des questions à laquelle il faudra répondre est celle de savoir s'il faut remplacer l'OPANO. À force de vous écouter et de lire sur la question, j'en déduis que vous préconisez une transformation de cette organisation, si possible. Dans le rapport May, on semblait dire que l'OPANO ne pouvait pas être sauvée et que nous devions trouver une autre solution.

Par contre, d'anciens hauts fonctionnaires du ministère ont affirmé qu'il y avait moyen de remédier aux problèmes que connaît l'OPANO. Nous n'avons pas encore entendu tous les témoignages et nous avons encore beaucoup de questions à poser. Il nous semble que l'OPANO est en voie d'être remodelée. Êtes-vous de cet avis?

M. Saunders : Je ne suis pas certain que Art May et les autres membres du groupe affirmeront nécessairement la même chose plus tard. Je leur ai fourni des documents d'information et je me suis entretenu avec eux également. Ils ont réagi à la situation telle qu'ils la comprenaient à ce moment-là.

Si je m'étais penché là-dessus en 2004-2005, je n'aurais pas pu prévoir que vous obtiendriez des changements aussi rapidement qu'ils semblent se produire actuellement. Cela a peut-être modifié leur point de vue.

Je pense que la question n'est pas de savoir si nous devrions remplacer l'OPANO, mais plutôt de savoir si on peut la transformer suffisamment pour créer une nouvelle organisation. Je ne sais pas si cela s'est produit seulement au Nouveau-Brunswick, mais je dois dire que dans ma ville natale, il était difficile d'obtenir un permis de construire pour bâtir de nouvelles maisons sur le bord de l'eau. Je me souviens qu'il arrivait qu'on démolisse la moitié d'une maison pour la reconstruire et qu'ensuite, on démolissait l'autre moitié pour aussi la reconstruire, et on qualifiait cela de rénovations. C'est peut-être de ce type de rénovations dont l'OPANO a besoin.

Le président : Je vous remercie beaucoup d'être venu aujourd'hui. L'information que vous nous avez donnée nous sera très utile; elle nous aidera grandement. J'espère que vous pourrez comparaître à nouveau devant nous au printemps pour que nous puissions discuter davantage de la question.

M. Saunders : J'en serais ravi.

Le président : Je remercie les membres du groupe; nous avons eu de bonnes discussions.

La séance est levée.


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