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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 4 - Témoignages du 9 novembre 2006 - Séance de l'après-midi


ST. JOHN'S, le jeudi 9 novembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 13 h 30 dans le but d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous accueillons maintenant M. Tom Best. Tom est un pêcheur de Petty Harbour, et à l'occasion de nos séances au Labrador, nous avons appris que c'est à cet endroit que se trouve l'une des coopératives, entre autres — la pêcherie de Petty Harbour, qui existe depuis très longtemps, est fort connue. Tom y participe depuis très, très longtemps, et il possède une vaste expérience pratique, sur le terrain. C'est pourquoi je suis particulièrement heureux de le voir témoigner devant nous aujourd'hui.

Tom Best, à titre personnel : Merci, monsieur le président, et merci aux autres membres du comité sénatorial et à votre personnel — car j'ai parlé à certains membres de votre personnel — de cette occasion de témoigner et de l'intérêt que vous portez à mon point de vue sur les pêches et sur la gestion des pêches.

Je vais commencer par présenter mes opinions personnelles sur ce qui nous a menés à la situation actuelle, où nous sommes confrontés aux pêcheries mondiales et à la gestion durable des pêcheries mondiales. Cela vous permettra d'envisager globalement les pêcheries commerciales, qui constituent une industrie fragmentée. À mon avis, et à la lumière de nombreux comptes rendus, l'industrie commerciale locale, nationale et internationale de la pêche commerciale est constituée d'un grand nombre de secteurs et d'intérêts connexes qui se font concurrence.

Par le passé, et encore aujourd'hui, les divers secteurs et participants qui constituent le marché mondial de la pêche commerciale sont très concurrentiels et fragmentés, et ne se préoccupent que de leurs intérêts propres. Les intervenants de tous les niveaux s'intéressent principalement à tirer le maximum des divers stocks de poisson commercial disponibles, et se préoccupent peu de la durabilité des pêcheries commerciales.

Il y a bien peu de mobilisation locale, nationale ou mondiale des secteurs de la pêche en ce qui concerne les enjeux essentiels à la pérennité des ressources halieutiques clés, au maintien d'écosystèmes marins et productifs, et à la promotion de conditions socio-économiques optimales pour l'industrie de la pêche et les collectivités qui en dépendent. De fait, la fragmentation et la nature compétitive des pêches mondiales a mené à un épuisement marqué de stocks de poisson clés, de sorte que de nombreuses économies et collectivités de partout dans le monde ont été décimées.

Ce serait négligent de ma part de ne pas parler de l'impact local. Notre province n'a pas échappé aux conséquences du pillage et de la destruction liés à l'apparition de technologies modernes de congélation et de transformation, de technologies de pêche côtière et hauturière, au moyen de filets maillants de fond et de surface, et de technologies de dragage et de chalutiers-usines dans notre pêcherie clé de la morue du Nord au cours des 50 dernières années.

L'adoption de technologies modernes d'exploitation prétendument progressistes par notre pêcherie nationale a eu lieu, dans la plupart des cas, au cours des 50 dernières années, en l'absence de régimes appropriés de gestion et d'exécution de la loi. Pour justifier cette tendance, on insistait sur la nécessité de satisfaire pendant toute l'année aux exigences concurrentielles de la nouvelle économie mondiale et du marché international. Cette course à la modernisation de l'industrie canadienne de la pêche sur la côte est du Canada s'est accélérée de façon importante lorsqu'on a étendu la zone de pêche à 200 milles en 1977. Les flottes étrangères qui avaient décimé nos stocks de morue du Nord pendant environ 30 ans auparavant ont dû se déplacer au-delà de notre limite de 200 milles, et elles ont été remplacées par nos propres flottes de pêche côtière et hauturière, qui utilisaient des technologies similaires et plus modernes de pêche destructive. Dans cet empressement pour moderniser la pêche côtière traditionnelle, et c'est dans ce secteur que j'ai évolué, les méthodes et les technologies de pêche durable classique étaient qualifiées de passives, voire d'archaïques par certains chercheurs et soi-disant experts des enjeux liés à la pêche commerciale. J'ai pris part à tous ces débats.

Les intervenants de l'industrie, en particulier les pêcheurs propriétaires-exploitants, qui ont cerné la tendance à la baisse des stocks de poisson et vu le potentiel destructeur lié à l'utilisation d'une grande part de ces technologies et qui ont osé s'exprimer ouvertement et faire connaître leurs préoccupations se sont fait dire qu'ils étaient irresponsables, qu'ils s'accrochaient au passé et qu'ils n'étaient pas prêts à abandonner les méthodes de pêche passives.

Malheureusement pour l'industrie de la pêche de notre province, on a fait fi des préoccupations et avertissements de ces personnes. Le nombre d'usines de transformation et de congélation à terre a augmenté de façon importante, parallèlement à l'arrivée en masse, dans nos eaux côtières jusqu'à la limite de 200 milles et au-delà de cette limite, de flottes de bateaux de pêche dotés de technologies de pointe. Cet empressement à moderniser notre industrie de la pêche en quelques années seulement nous a forcés à imposer un moratoire pour sauver la morue du Nord de l'extinction.

L'annonce du moratoire sur la morue du Nord, le 2 juillet 1992, a été catastrophique dans toute l'industrie terre- neuvienne de la pêche. C'était un coup dévastateur, et des milliers de travailleurs des pêches ont immédiatement perdu leur emploi; leur avenir économique et social était soudainement en péril, et l'existence même de leurs collectivités et de leurs économies fondées sur la pêche côtière s'est trouvée menacée.

Quelque 14 années plus tard, on continue d'en ressentir les contrecoups. L'exode sans précédent qui a frappé notre province depuis cette annonce, ainsi que le déménagement de milliers de citoyens des collectivités rurales côtières vers les grands centres urbains de la province, où les débouchés professionnels gratifiants sont limités, ont des répercussions négatives sur la province, et leur portée reste à déterminer. Selon moi, l'incidence se fera sentir au-delà des collectivités qui tirent leurs subsistances de la pêche.

Notre industrie n'aurait pas eu à composer avec la situation actuelle si nous n'avions pas procédé à une modernisation hâtive et si l'ensemble de l'industrie s'était mobilisé de façon appropriée, avait tenu des consultations et avait planifié sa modernisation. De nombreuses choses qui auraient pu et auraient dû être faites différemment dans le but de moderniser la pêche à la morue et d'assurer une présence pendant toute l'année sur un marché mondial exigeant n'ont pas été envisagées.

Je n'ai toujours pas digéré le fait que les personnes qui ont pris les décisions à l'égard de la modernisation de notre industrie de la pêche ont fait fi du potentiel considérable lié à l'intégration d'éléments de notre pêche côtière traditionnelle avec la modernisation de notre pêcherie, ou qu'ils ne l'ont jamais vu. Par exemple, notre province a de toute évidence manqué une occasion fantastique de tirer avantage du potentiel qu'offrent la combinaison de la productive pêche traditionnelle au moyen de trappes à morue et de la mise en valeur de méthodes novatrices dans l'industrie de la pêche à la morue et de l'élevage de la morue. Il semble que la modernisation, aux yeux des pêcheurs de morue, consistait non pas à recourir à l'élevage et à favoriser la durabilité de l'industrie de la pêche, mais bien à s'équiper pour traquer et détruire la ressource.

Dans la gestion des pêches d'aujourd'hui, il ne faut pas perdre de vue qu'on ne fait plus affaire uniquement à des hameçons appâtés et à d'autres formes classiques de pêche non destructive. À mesure que la modernisation avançait, de nombreux pêcheurs misant sur les méthodes classiques se sont éloignés de leur port d'attache lorsque les stocks de morue se sont mis à dégringoler, et ils ont investi dans des bateaux et des technologies de pêche modernes leur permettant de suivre la morue et d'autres espèces plus au large. Nous devons donc composer avec une gamme évolutive de technologies modernes de pêche potentiellement destructrice utilisées par nos flottes côtières et hauturières canadiennes, et nous sommes tout aussi préoccupés par les flottes étrangères à l'extérieur et à proximité de notre zone de 200 milles.

À mon avis — et ma position à cet égard est ferme —, les pêcheries commerciales mondiales sont maintenant dotées de technologies de capture et de technologies connexes de suivi et de détection de pointe leur permettant de trouver et de tuer jusqu'au dernier tous les poissons de l'océan. Je crois également que nous allons bientôt mettre au point une technologie qui nous permettra de repérer, de suivre et de tuer jusqu'à la dernière toutes les espèces vivant au fond de la mer. Nous tentons d'établir l'équilibre qui s'impose afin de gérer les pêches de façon durable à une époque où l'utilisation, la surutilisation et l'utilisation abusive de ces technologies de pêche modernes créent un déséquilibre important dans l'écosystème marin et mettent en péril de nombreuses espèces de poisson.

L'exploitation commerciale débridée de certaines espèces clés a totalement bouleversé le rapport de population prédateur-proie et l'interdépendance des espèces à des fins d'alimentation et de survie. C'est une autre grande préoccupation dont on doit tenir compte dans le cadre de la planification de la gestion future des pêches; on ne saurait faire fi de cet aspect.

Je vais maintenant vous parler de la gestion des pêches à l'extérieur de la zone canadienne de 200 milles. À mon avis, le ministère des Pêches et des Océans, le MPO, de concert avec l'industrie canadienne de la pêche, en réaction aux répercussions négatives de l'épuisement des stocks de morue du Nord, a eu tendance, au cours des dernières années, à adopter une orientation très positive en ce qui concerne la gestion des pêches à l'intérieur de notre limite de 200 milles. Nous renonçons continuellement et graduellement aux méthodes destructives et compétitives de planification de la gestion des pêches, et nous faisons place à une approche de gestion des pêches plus prudente et plus équitable.

Cette nouvelle orientation suppose une participation plus marquée et plus étendue des gouvernements et de l'industrie aux recherches sur les pêches, à l'examen et à l'évaluation des stocks et à la planification de la gestion des quotas pour chaque saison de pêche à venir. La nouvelle formule suppose l'examen d'une gamme complète de nouvelles mesures favorisant la gestion durable des pêches à l'intérieur de la zone de 200 milles. Une mesure importante qu'on envisage et qu'on met en œuvre — d'autant plus importante dans un contexte d'évolution technologique — concerne l'établissement de zones de pêche où il est interdit de recourir à certaines méthodes de pêche. Une autre mesure importante qui suscite un vif intérêt et qui bénéficie d'un soutien important est la création de sanctuaires de pêche ou de zones protégées où les activités de pêche commerciale seraient interdites en tout temps.

Le gouvernement et l'industrie ont fait un grand pas en avant : ils ont convenu de prendre et ont pris des mesures considérables à l'égard de la subdivision accrue des zones de gestion des quotas en zones de gestion plus modestes qui reflètent de façon plus équitable les quotas attribués et tiennent compte des modèles de déplacement des divers secteurs de la flotte. En ce qui concerne ce dernier aspect, il s'agit d'une mesure importante de renoncement à une pêche concurrentielle destructive axée sur les quotas. Il s'agit d'une mesure de gestion des quotas qui permet à tous les propriétaires-exploitants autorisés à pêcher une espèce donnée dans une zone de gestion donnée de toucher une part égale du quota prévu dans cette zone pour cette espèce.

Les parts de quota attribuées en vertu de ce régime sont communément appelées « quotas individuels non transférables ». La vaste majorité des pêcheurs estiment que la méthode d'attribution de quotas est une méthode juste et équitable qui permet d'assurer une pêche ordonnée et qui réduit grandement les aspects négatifs de la pêche concurrentielle axée sur les quotas.

De nombreuses personnes estiment également que cette mesure de gestion des quotas procure aux titulaires de quota des diverses zones de gestion un sentiment d'habilitation et de responsabilité à l'égard de la protection d'une ressource donnée dans leur propre zone de gestion.

Néanmoins, nous avons tout de même des préoccupations. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour ce qui est de réduire la fragmentation de l'industrie, et il y a encore des préoccupations et des problèmes importants au chapitre de la gestion des quotas. Parmi les questions plus litigieuses qui deviennent de plus en plus inquiétantes, mentionnons la capacité du secteur des grandes sociétés de transformation et d'autres intervenants de s'emparer de quotas attribués à des propriétaires exploitants dans le secteur de la pêche. C'est à cela que mène la conclusion d'ententes de fiducie financière. Il s'agit de dispositions juridiques d'ordre financier — des contrats — en vertu desquelles de nombreuses entreprises du secteur de la transformation et d'autres sociétés financent les entreprises de pêche de propriétaires- exploitants moyennant l'achat et le transfert d'entreprises de pêche d'un propriétaire-exploitant à un autre. Le gouvernement ne reconnaît pas la capacité de ce type d'entente financière d'attribuer au bailleur de fonds l'accès aux quotas attribués. Cependant, la majeure partie de l'industrie terre-neuvienne de la pêche reconnaît certainement que ce phénomène troublant, qui se manifeste de plus en plus, permet au bailleur de fonds de s'approprier un nombre considérable de quotas consentis à l'égard de diverses espèces.

Grâce à de telles ententes, le bailleur de fonds s'empare indirectement des allocations de quotas et détermine la façon dont les quotas sont pêchés et dont les revenus générés grâce à ces quotas sont partagés. Dans le cas des transformateurs qui sont parties à de telles ententes, cela procure à leurs activités une forme de liquidités indirectes qui va au-delà de la liquidité habituelle de leurs activités. Or, cette liquidité indirecte supplémentaire a une profonde incidence négative sur la négociation de prix dans l'industrie. Elle permet à certains transformateurs de payer à certains pêcheurs des prix supérieurs à ce que les autres pêcheurs reçoivent et à ce que les autres transformateurs peuvent offrir. Ainsi, cette activité contribue à maintenir le mécontentement et le bouleversement dans l'industrie.

De nombreuses personnes dans l'industrie, moi y compris, estiment que ce contrôle indirect de la façon dont les quotas sont pêchés et les revenus sont partagés constitue un incitatif considérable à communiquer des renseignements incomplets ou à sous-déclarer les niveaux de prises, les prises accessoires cibles, et ainsi de suite. C'est une formule qui facilite grandement le non-respect des règles relatives à la gestion et qui met en péril la planification de la gestion des pêches durables. Par exemple, un bruit court dans l'industrie selon lequel de telles ententes ont mené directement à la capture, au débarquement, à la transformation et à la commercialisation de milliers de tonnes de diverses espèces de poissons qui n'ont été ni déclarées ni consignées. C'est une grave préoccupation — parmi tant d'autres — dont il faut reconnaître l'existence à l'intérieur de notre zone de pêche de 200 milles, et nous devons mettre un frein à cette activité en imposant de lourdes sanctions aux contrevenants. Si nous ne réagissons pas, nous devrions nous interroger sur notre propre crédibilité lorsque nous parlons à la communauté internationale des pêches de questions liées à la conformité et des mesures qui s'imposent pour assurer l'organisation efficace et appropriée de la gestion régionale des stocks de poissons chevauchants et distincts sur notre plate-forme continentale, à l'extérieur de la zone de 200 milles. De fait, si on ne met pas un frein à ces infractions commises à l'intérieur de la zone de 200 milles, tout progrès réalisé à l'égard de la mise en œuvre efficace de la gestion durable des pêches de nos stocks chevauchants à l'extérieur de la zone de 200 milles sera bien inutile.

Je vais maintenant aborder la question de la gestion des pêches à l'extérieur et à proximité de la zone canadienne de 200 milles. En ce qui concerne la gestion des stocks de poissons chevauchants et distincts par l'OPANO, c'est-à-dire l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest, à l'extérieur de notre zone de pêche de 200 milles, des rumeurs de pêche non conforme courent dans l'industrie et au sein de la population terre-neuvienne. Parmi ces infractions, mentionnons les suivantes : déclarations erronées à l'égard du lieu de pêche et des espèces capturées; sous-déclaration des niveaux de prises liées aux quotas attribués; ciblage et sous-déclaration d'espèces accessoires; ciblage illégal d'espèces visées par un moratoire; utilisation d'engins de pêche illégaux; et pêche, par des pays signataires, au moyen de bateaux battant pavillon de complaisance de pays non signataires. Chose encore plus préoccupante, on avance que l'OPANO, en raison de ses dispositions de réglementation insuffisantes, est incapable d'imposer des pénalités ou des sanctions aux bateaux de pêche ou aux propriétaires de bateaux de pêche qui commettent ces infractions.

Si je me fie aux comptes rendus des exposés d'un certain nombre de témoins très bien renseignés qui ont comparu devant vous, l'OPANO exerce ses activités sous le régime d'une réglementation directrice lacunaire qui rend l'organisme totalement inefficace. Il semble qu'un certain nombre de dispositions clés qui rendent l'OPANO inefficace soient très influencées par les intérêts d'États signataires qui sont devenus membres dans le seul but d'avoir accès aux allocations de quotas de l'OPANO. Nombre de ces dispositions directrices vont à l'encontre de toute prétention d'autorité décisionnelle démocratique et renforcent de façon importante l'incapacité de tout pays signataire de contester toute décision majoritaire prise par l'autorité à l'égard d'une gamme complète de questions, et de ne pas s'y conformer.

Il est particulièrement préoccupant qu'un pays signataire puisse s'opposer au niveau du quota qu'on lui attribue et ait le droit de fixer son propre quota de façon arbitraire, en toute légalité. Il est tout aussi préoccupant de savoir que les bateaux de pêche peuvent faire fi des règles de l'OPANO, sachant que seul l'État du pavillon est légalement autorisé à imposer des pénalités ou des sanctions à l'égard des infractions qu'ils commettent; il semble que l'OPANO n'est pas juridiquement habilitée à assurer le respect des règles de gestion déterminées par la majorité de ses membres signataires.

À mon avis, les règles de l'OPANO qui sont commodes et qui servent les intérêts de membres contestataires et non conformes vont à l'encontre des objectifs d'efficacité et de prise de décisions démocratiques auxquels souscrivent les autres membres.

Les propriétaires de flottes hauturières ne connaissent que trop bien les lacunes du règlement directeur de l'OPANO. Par conséquent, je suppose que les plans de pêche de ces flottes et leurs pratiques de pêche leur sont dictés par les autorités et les conseils d'administration de sociétés des pays d'origine de ces flottes de pêche, lesquels connaissent très bien les lacunes de la réglementation. J'ai tendance à croire que ce sont les capitaines qui essuient le blâme, mais que ce ne sont pas les capitaines de ces bateaux de pêche hauturière qui prennent la décision de respecter ou de ne pas respecter la réglementation adoptée par l'OPANO. Il s'agit de capitaines employés qui prennent des ordres et qui agissent en fonction de ce qu'on leur dit de faire et de ce que l'on attend d'eux. Cette situation est très différente de la situation à l'intérieur de la zone de 200 milles, où la grande majorité des capitaines de bateau de pêche canadiens sont des propriétaires exploitants.

Par conséquent, toute mesure sérieuse pour contrer la surpêche et la non-conformité en haute mer devrait viser d'abord et avant tout les grandes sociétés propriétaires de ces flottes de pêche étrangères dans leurs divers pays d'origine.

Je ne peux qu'être d'accord avec les conclusions du rapport sur la gestion des stocks de poissons chevauchants dans l'Atlantique nord, préparé par un comité dirigé par M. Art May, selon lesquelles l'OPANO, sous le régime de son règlement directeur actuel, est inefficace et ne jouit d'aucune crédibilité à titre d'organisme de gestion des pêches régionales. Il n'est pas dans l'intérêt de l'industrie canadienne de la pêche de continuer de soutenir l'OPANO dans un tel contexte.

Cela dit, je partage également l'opinion d'autres témoins qui ont laissé entendre que la réforme et le renouvellement de l'OPANO exigeraient beaucoup moins de temps et seraient plus susceptibles d'être appuyés par la communauté internationale. Selon moi, une OPANO renforcée, dotée de règles directrices conformes aux recommandations et aux dispositions convenues dans l'Accord de 1995 des Nations Unies sur la pêche, et assorties d'ajouts et de modifications supplémentaires, pourrait se révéler très efficace à titre d'organisme de gestion régionale. On ne saurait nier qu'il y a beaucoup de travail à faire à l'égard des dispositions régissant la procédure d'opposition, du mécanisme de règlement des différends, du principe selon lequel on doit appliquer à toutes les parties des mesures, des pénalités ou des sanctions universelles, et de la question de l'application de lois par l'État du pavillon.

S'il n'est pas possible de renouveler et de renforcer l'OPANO dans un délai que le Canada considère comme raisonnable, nous n'avons d'autre choix que de trouver un moyen légal d'assurer une sorte de gestion axée sur la conservation de nos stocks de poisson sur l'ensemble de notre plate-forme continentale. Le Canada a su établir, conformément au droit international, le bien-fondé juridique nécessaire lui permettant d'asseoir son contrôle et sa propriété à l'égard des ressources pétrolières, gazières et minières au fond de l'océan et des espèces sédentaires non migratoires qui se trouvent au fond de l'océan, sur notre plate-forme continentale. Ainsi, je m'explique mal pourquoi nos experts du droit international semblent se perdre en conjectures et laissent entendre que le Canada ne pourrait recourir à aucun mécanisme d'intervention légal lui permettant d'assurer la gestion durable de ses stocks de poisson sur sa plate-forme continentale.

Pendant que se poursuivent les beaux discours, la crainte demeure que les flottes de pêche étrangères vont continuer de violer les règles régissant la pêche et de mettre en péril toute tentative d'assurer une pêche responsable et durable et une gestion des pêches durable. Toutefois, après avoir lu le compte rendu de votre séance du 3 octobre 2006 avec le ministre Loyola Hearn et ses représentants ministériels, je suis quelque peu encouragé. Le ministre a déclaré que les attitudes changent à l'échelon international, et qu'on a fait, au cours des derniers mois, beaucoup de progrès en vue de la réforme et du renouvellement efficaces de l'OPANO.

En ce qui concerne les déclarations et les suppositions du ministre Hearn relativement à l'évolution des attitudes au sein de la communauté internationale, je dois dire que j'ai pris part directement à de nombreuses discussions avec des délégations de représentants de l'industrie de la pêche et des délégations médiatiques de l'Union européenne sur les enjeux liés à la gestion des pêches depuis l'imposition du moratoire sur la morue en 1992. Les plus récentes discussions ont eu lieu au cours des deux derniers mois, à Petty Harbour. Deux délégations distinctes, constituées de représentants des médias et de l'industrie, se sont rendues à Petty Harbour en vue de discussions, animées par le ministère des Affaires étrangères, sur la situation et la gestion des pêches à l'intérieur et à l'extérieur de notre zone de 200 milles. L'une de ces délégations comptait des représentants de plusieurs pays d'Europe, et l'autre était constituée de représentants de l'Espagne. À l'issue de ces discussions, nous étions encouragés d'entendre et d'avoir l'impression qu'il y a eu une évolution considérable des attitudes et des points de vue au sein de l'Union européenne en ce qui concerne l'état des stocks de poisson à l'intérieur et à l'extérieur de notre zone de 200 milles et les exigences de gestion liées à ces stocks de poisson.

Les deux délégations médiatiques accordent beaucoup d'importance à ces discussions internationales permanentes entre des membres de collectivités qui participent directement à la pêche commerciale. Elles ont déclaré que de telles discussions favorisent, au sein de la communauté européenne, une connaissance et une acceptation croissantes du fait que nos stocks de poisson, de part et d'autre de la limite de 200 milles, sont en péril et qu'il faut prendre des mesures de gestion appropriées pour corriger la situation. Si l'opinion émise par ces deux délégations médiatiques à l'égard de l'évolution des attitudes des pays pêcheurs de l'Union européenne est fondée, le ministre Hearn peut envisager l'avenir avec optimisme et s'attendre à une coopération sincère et à des progrès significatifs au chapitre du renouvellement de l'OPANO.

Selon moi, les travailleurs des pêches de Terre-Neuve, qui étaient si dépendants de la morue du Nord, ont fait montre d'une grande détermination à assurer la conservation des stocks au cours des 14 dernières années, et ils ont payé très cher leur engagement. Mais on ne peut dire la même chose des pêcheurs étrangers, qui, au cours de cette période, ont continué de contrevenir aux règles et de surexploiter notre stock côtier chevauchant en haute mer. Si ces pays pêcheurs ont effectivement revu leurs positions et sont maintenant prêts à reconnaître qu'il faut prendre des mesures strictes pour assurer la durabilité des stocks de poisson dans nos eaux continentales, ils devraient être disposés à s'engager à prendre des mesures concrètes pour rétablir la situation.

À cette fin, le ministre Hearn, dans le cadre de ses efforts pour mobiliser les parties autour d'une OPANO efficace et renouvelée, pourrait faire appel à la compréhension et à la coopération des membres de l'OPANO et de l'ensemble de la communauté internationale en vue de l'imposition d'un moratoire temporaire sur le dragage hauturier de notre plate-forme continentale. Une telle requête ne saurait être perçue comme une démarche visant à prendre des mesures de gestion à l'extérieur de la zone de 200 milles qui exigerait la prise de mesures comparables à l'intérieur de la zone de 200 milles. Je comprends à quel point la question est épineuse pour le ministre Hearn, et je comprends qu'il craigne que cela ne mène à des pressions inverses pour inciter le Canada à imposer à son tour des mesures similaires à ses flottes de crevettiers à l'intérieur de la zone canadienne de 200 milles. Toutefois, on pourrait faire valoir que l'application d'une telle mesure en haute mer, à l'extérieur de la zone de 200 milles, est un geste de bonne foi qui donne suite aux efforts de l'industrie canadienne des pêches, qui s'est pliée à un moratoire de 14 ans sur l'utilisation de toute forme d'engins de pêche à la morue du Nord dans la zone de 200 milles.

Nous devons actuellement composer avec de nombreux stocks de poisson commerciaux épuisés et avec un déséquilibre de l'écosystème marin, où la perturbation totale d'un grand nombre de rapports prédateur-proie crée une rupture de la chaîne alimentaire. De nombreux autres facteurs imprévisibles, comme le changement climatique, pourraient également contribuer aux déséquilibres actuels dans l'écosystème marin.

Nous devons immédiatement chercher à comprendre la combinaison de facteurs qui accroît l'épuisement et mine le rétablissement d'un grand nombre d'espèces dans notre océan. Pour corriger la situation — et je dis cela à titre de pêcheur côtier qui n'a jamais utilisé de lourds engins de pêche hauturière —, il ne suffit pas tout simplement d'interdire les engins de pêche utilisés par un groupe ou un autre, qu'il soit d'origine canadienne ou étrangère. Ceux qui ont des intérêts dans la pêche commerciale et qui en tirent un revenu ne se prêteront pas à une planification de la gestion des pêches durable qui interdit leurs engins de pêche et qui les force à abandonner leurs activités. Toutefois, je crois qu'ils réagiront de façon responsable et ouverte à des stratégies de gestion durable qui prévoient, entre autres, les mesures suivantes, concernant tout particulièrement les technologies de dragage : la création de sanctuaires de pêche ou de zones de rétablissement où l'accès est interdit; l'imposition de limites sur la concentration d'activités dans les zones vulnérables; l'établissements de zones de gestion où certaines technologies de pêche particulières sont interdites, mais où d'autres engins sont permis; l'établissement de zones de gestion où l'utilisation de divers engins de pêche est limitée à un moment et à certains endroits; et l'imposition de moratoires temporaires. Comme je l'ai déjà mentionné plus tôt, l'Union européenne devrait envisager l'établissement d'un moratoire temporaire immédiat sur la pêche hauturière à proximité de notre zone de 200 milles.

Cependant la gestion durable des pêches commerciales actuelles et futures doit aller au-delà des mesures qui visent à réduire au minimum l'incidence négative de technologies de pêche potentiellement destructrices. Comme je l'ai déjà dit, les pêches commerciales ont créé un important déséquilibre à l'égard de la population de diverses espèces, lequel a mené à un grave déséquilibre dans la chaîne alimentaire. Il est évident qu'un tel déséquilibre crée une situation où les habitudes alimentaires d'une espèce très populeuse et plus agressive, comme le phoque du Groenland, minent maintenant le rétablissement d'un grand nombre d'espèces moins agressives, comme la morue du Nord.

Pour terminer, nous n'avons pas les moyens de faire fi des déséquilibres qui existent actuellement dans nos écosystèmes marins, et nous ne pouvons faire fi du fait que de nombreuses économies rurales de par le monde tirent leur subsistance des pêches commerciales et qu'une part importante des technologies actuellement utilisées dans le cadre des pêches commerciales est potentiellement destructive. Nous devons donc nous assurer de mettre au point une planification de la gestion durable des pêches qui sera bien dosée et qui tiendra compte de l'ensemble des divers facteurs et enjeux. Or, pour faire cela de façon efficace, il faut pouvoir miser sur la coopération et la participation de tous les intervenants locaux, nationaux et internationaux concernés. Merci beaucoup.

Le sénateur Johnson : Monsieur Best, nous avons entendu des exposés excellents aujourd'hui, et le vôtre est également très bon. Merci.

Privilégiez-vous la réforme de l'OPANO ou le retrait du Canada de cet organisme, comme l'a recommandé l'un de nos témoins précédents, M. May, dans son rapport?

M. Best : J'ai passé en revue tous les comptes rendus des exposés de vos témoins antérieurs, et j'ai tendance à être d'accord avec ceux qui laissent entendre qu'il faudrait consacrer beaucoup de temps et d'efforts à la création d'un nouveau système. Si, comme l'ont laissé entendre le ministre et d'autres représentants, on fait effectivement des progrès en vue de la réforme et du renouvellement de l'OPANO, je crois que c'est dans cette voie que nous devrions nous lancer.

Le sénateur Johnson : Quelle forme devrait prendre cette nouvelle OPANO?

M. Best : Tous ces éléments qualifiés d'inappropriés doivent manifestement être modifiés et remaniés afin qu'on puisse doter l'OPANO des règles directrices dont elle a besoin pour faire son travail efficacement. Elle ne possède certainement pas ces outils à l'heure actuelle.

Le sénateur Johnson : Monsieur Best, en ce qui concerne la gestion axée sur la conservation, avez-vous tendance à vous fier aux résultats des recherches actuelles sur l'écosystème marin?

M. Best : Vu les ressources financières et autres qu'on affecte à la recherche, j'ignore à quel point elle peut être vaste ou efficace; toutefois, à la lumière de mes propres observations et de conversations que j'ai eues avec des gens d'un grand nombre de pays — je suis allé en Espagne, je suis allé au Portugal, non pas à titre de représentant rémunéré, mais bien plutôt, plus ou moins, de bénévole invité — qui évoluent dans l'industrie de la pêche partout dans le monde, il y a des préoccupations concernant l'existence d'un grand nombre de problèmes dans notre écosystème marin. Je crois que le milieu scientifique et les chercheurs en arrivent maintenant à la conclusion que l'ensemble du système est en péril, que toutes les espèces risquent de disparaître, et qu'il ne restera rien dans l'avenir. Je ne saurais dire si j'ai confiance en ce qu'on fait actuellement, mais je suis effectivement d'avis que nous avons un grave problème sur les bras, et que nous avons beaucoup de travail à faire pour le régler.

Le sénateur Johnson : Quels commentaires entendez-vous des autres pays auxquels vous vous adressez?

M. Best : Jusqu'à tout récemment, chaque fois que nous parlions avec des délégations de l'Union européenne, on avançait que le Canada mettait de l'avant des arguments dans le but unique de s'approprier tout le poisson, et qu'il n'y avait pas vraiment de problèmes à l'égard des ressources du secteur. Paradoxalement, les deux délégations qui sont venues ici il y a quelques mois, ainsi qu'une autre délégation de l'Union européenne qui était venue ici deux mois avant cela, conviennent toutes du fait qu'il y a de graves problèmes dans nos eaux, sur notre plate-forme continentale, et qu'il faut prendre des mesures pour corriger la situation. Il semble y avoir une évolution des attitudes.

J'ignore si cette attitude tient au fait qu'il est commode de dire cela lorsque les choses vont si mal, lorsque la situation économique est si négative, et qu'il est facile de dire cela maintenant, ou s'ils sont vraiment sérieux. S'ils sont sérieux, ils devraient être prêts à accepter de prendre les mesures qui s'imposent pour corriger la situation dans nos eaux, et ailleurs, finalement.

Le sénateur Baker : Monsieur Best, vous avez déclaré que si on fait des progrès — et c'est ce que semblent dire les médias, le ministre et les membres de l'OPANO —, c'est fantastique et vous appuyez ces progrès. J'ai lu tous les rapports de l'OPANO et les procès-verbaux de ces réunions. Nous avons tenu hier une réunion privée avec les responsables de l'exécution de la loi, et cette rencontre a duré environ deux heures et demie. On nous a dit que la réduction du nombre d'observateurs étrangers dans le cadre du Programme des observateurs sur notre plate-forme est compensée par une utilisation accrue du SSN, c'est-à-dire le Système de surveillance par satellite des navires. Par contre, lorsque nous avons demandé des précisions, nous avons découvert que, si l'appareil SSN de votre bateau tombe en panne, vous devez retourner au port ou faire face à des accusations, mais que cette exigence ne s'applique pas aux membres de l'OPANO. Autrement dit, si cette technologie de pointe qu'on a annoncée — et que tout le monde qualifie de merveilleuse, et à l'égard de laquelle vous avez témoigné votre confiance il y a un instant — tombe en panne, les membres de l'OPANO ne sont pas tenus de retourner au port pour des réparations. Nous avons également appris que les observateurs ne peuvent être contraints à témoigner. En d'autres mots, on ne peut forcer un observateur à témoigner devant un tribunal, même si c'est la personne qui engage les poursuites. Il n'y a aucun régime de sanction, aucun régime uniforme de pénalité. Nous avons obtenu cette information à l'occasion de réunions privées.

Or, ces trois choses existent au Canada : le système de surveillance par satellite doit être en état de marche; l'observateur est appelé à témoigner devant un tribunal dans le cadre de poursuites; et il y a un régime de sanctions. Mais aucun de ces éléments ne se retrouve dans le nouveau système de l'OPANO qui est censé être si fantastique. Que pensez-vous de cela?

M. Best : Si le nouveau système ne contient pas ces éléments, nous n'avons manifestement pas remanié l'OPANO en vue de la rendre plus efficace, ou nous ne comptons pas le faire, si c'est le cas. Si c'est ce genre de régime d'application dans lequel évoluerait une OPANO réformée, nous avons un problème. Dans ce cas, je serais d'accord avec ceux qui avancent que nous devrions trouver, dans le droit international, des moyens d'exercer un contrôle sur la façon dont les stocks de poisson sur notre plate-forme continentale sont gérés.

Dans les comptes rendus que j'ai lus, des gens compétents qui assistent aux réunions de haut niveau ont laissé entendre que les intervenants sont prêts à agir, que nous sommes prêts à mettre en place les mécanismes d'exécution nécessaires pour soutenir les règles directrices. Toutefois, d'après ce qu'on vous a dit hier, les règles directrices applicables à cette nouvelle OPANO sont fondamentalement les mêmes que par le passé.

Le sénateur Baker : Exactement. Et il n'a pas été facile d'obtenir cette information : c'était comme arracher les dents d'une poule : ce n'était pas facile. Nous devons vraiment chercher à obtenir l'information pour l'obtenir.

Vous appuyez la gestion axée sur la conservation. Vous êtes conscient du fait, cependant, que la gestion axée sur la conservation signifie que les étrangers seront toujours là; les pêcheurs étrangers auraient toujours un quota, même s'ils n'auraient pas la possibilité de le dépasser, et les Canadiens géreraient les quotas et géreraient ce que pêchent les étrangers. Monsieur Best, croyez-vous que la majorité des pêcheurs côtiers seraient en faveur de la gestion axée sur la conservation si on leur disait que c'est ce que suppose une telle formule?

M. Best : La majorité des pêcheurs côtiers, tel que je les ai connus à l'époque, ne sont pas les mêmes que les pêcheurs côtiers que nous avons aujourd'hui, mais la vaste majorité d'entre eux ne pêcheraient toujours pas au-delà de la zone de 200 milles. Si nous pouvions mettre en place un régime nous permettant de gérer de façon durable nos stocks de poisson pour les pêcheurs étrangers et pour les pêcheurs canadiens, je ne crois pas qu'ils seraient contre. Il resterait ensuite à déterminer comment on mettrait en place un tel régime. Comment peut-on veiller à ce qu'il soit efficace et à ce que les gens se plient aux règles?

Je ne crois pas qu'on ait jamais contesté la présence de pêcheurs portugais et espagnols au large de nos côtes. Les problèmes, depuis 25 ans ou 30 ans, concernent le potentiel destructif des technologies qu'ils ont adoptées, et la gestion inefficace de cette technologie, et croyez-moi, cela ne concerne pas uniquement la zone au-delà de la limite de 200 milles. Si vous croyez que ce problème n'existe qu'à l'extérieur de la zone de 200 milles, vous avez malheureusement tort. Nous avons un problème à l'intérieur et à l'extérieur de la zone.

Le sénateur Baker : Oui, mais dans votre témoignage devant notre comité, vous avec décrit ce que je croyais être la limite relative au dragage à l'intérieur de la zone. Je croyais que le plus gros bateau qu'on puisse avoir à Terre-Neuve était de 65 pieds — le crevettier, de 65 pieds, qui drague dans certaines zones désignées de l'océan. Hier, j'étais bouleversé d'apprendre, — mais j'aurais dû le savoir — que nous avons toujours des chalutiers qui font bien plus de 65 pieds à l'intérieur de la zone de 200 milles, qui continuent de draguer et d'approvisionner certaines de nos usines de transformation du poisson. De plus, les quotas de pêche hauturière dans certains secteurs à l'intérieur de la zone de 200 milles sont toujours là, ils n'ont jamais été retirés, et ils attribuent chaque année aux pêcheurs côtiers les quotas pour pêcher, mais ils demeurent propriétaires des quotas.

Je n'ai pas l'impression que le gouvernement du Canada, le gouvernement de Terre-Neuve ou quiconque fasse quoi que ce soit pour passer à la formule que vous proposez, c'est-à-dire l'élimination du chalutage de fond. Laissez-moi corriger : il s'agit plutôt de l'élimination de chalutiers de 200 ou de 300 pieds qui mettent sens dessus dessous le fond de la mer pour recueillir des poissons de fond ou la morue, par exemple.

M. Best : En haute mer.

Le sénateur Baker : Êtes-vous en faveur de l'interdiction relative au dragage dans les zones hauturières non réglementées? Puis-je tirer une telle conclusion à la lumière de votre témoignage aujourd'hui? Si vous êtes en faveur d'une telle mesure, vous comprenez que cela va à l'encontre de ce que font valoir le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial. Vous avez l'habitude d'être dans cette position.

M. Best : Vu la contribution que nous avons apportée au cours des 14 dernières années, en interdisant l'utilisation de tout engin aux fins de la pêche à la morue du Nord, si les pays de l'Union européenne admettent que nous sommes aux prises avec des problèmes concernant les stocks de poisson sur notre plate-forme continentale, ils devraient être prêts à faire montre de leur engagement, et je parle non pas d'une interdiction, mais bien d'un moratoire. Nous sommes censés faire l'objet non pas d'une interdiction, mais bien d'un moratoire, et on nous permet occasionnellement d'effectuer une pêche indicatrice de la morue, ou quelque chose comme ça. C'était censé durer deux ans.

Nous devons déterminer ce qui arrive aux stocks de la zone externe de la plate-forme, nous devons déterminer pourquoi ils ne se rétablissent pas. À mon avis, cela tient probablement à une combinaison de facteurs, comme le ratio prédateur-proie, les diverses formes de chalutage de fond, l'interception de jeunes morues et, certainement, les habitudes alimentaires du phoque du Groenland, friand de capelan, lequel est essentiel à la survie de la morue et de ses alevins. Nous pourrions éliminer un élément pendant une certaine période, de façon à déterminer si cela va changer quelque chose, et nous pourrions commencer à appliquer le principe de la prudence dont tout le monde parle au Canada, et dont on parle dans l'Accord des Nations Unies sur la pêche.

Si les gens sont sincères et reconnaissent les épreuves que nous avons dû supporter, ils devraient être disposés à accepter un moratoire d'au moins cinq ans sur le dragage hauturier sur notre plate-forme continentale, pour voir si cela va aider à rétablir la situation, avec toutes les autres mesures que le Canada dit pouvoir mettre en œuvre à l'intérieur de la zone, comme limiter la présence de crevettiers à certains secteurs, fermer totalement l'accès à d'autres secteurs, interdire la pêche de certaines espèces à risque pendant les saisons de l'année où elles sont les plus vulnérables, et ainsi de suite. Nous recommandons un éventail complet de mesures de gestion depuis des années.

La lutte à l'égard des quotas individuels a eu lieu au sein du syndicat comme partout ailleurs, et ce n'est qu'au cours des sept ou huit dernières années de la pêche au crabe qu'on a adopté des mesures beaucoup plus responsables et non destructives que lorsqu'il n'y avait qu'un seul quota général, et que tout le monde pêchait tout ce qu'il pouvait et tentait d'en attraper le plus possible le plus rapidement possible, et d'aller chercher le triple des quotas. Il y a des mesures qu'on peut prendre.

Je n'avance pas qu'on devrait interdire les engins de pêche au chalut. Le contre-argument que j'entends M. Hearn mettre de l'avant, c'est qu'on peut difficilement dire aux autres pays du monde que nous voulons interdire le dragage hauturier sur notre plate-forme continentale, alors qu'une grande majorité de notre industrie de la pêche doit maintenant sa subsistance à la pêche à la crevette. Il est dans une position difficile, en sa qualité de ministre des Pêches et des Océans originaire de Terre-Neuve.

Le sénateur Baker : Si vous êtes en faveur d'une interdiction à l'extérieur de la zone, alors vous devez appuyer une telle interdiction à l'intérieur. C'est ce que vous supposez.

M. Best : C'est ce qu'on nous dit.

Le sénateur Baker : C'est ce qu'on nous dit, mais cela veut dire que des pays comme la France, la Norvège, l'Allemagne et tous les autres pays de l'UE qui sont en faveur de l'interdiction devront maintenant cesser de draguer sur notre côte.

M. Best : C'est ce qu'on suppose.

Le sénateur Baker : Cela revient à ce que vous disiez au sujet de ces légistes internationaux dont on ne peut tout simplement pas comprendre le propos.

Le sénateur Cowan : Pourriez-vous nous parler un peu de la Petty Harbour Fishermen's Co-op? Quelle est la recette de son succès, et quelles leçons pourrions-nous appliquer ailleurs dans le secteur des pêches?

M. Best : La plupart d'entre nous travaillons pour rien. Notre usine de transformation a été construite par les pêcheurs à une époque où, paradoxalement, on pêchait tellement de morues que les usines déjà en place dans la localité ne pouvaient en acheter qu'une partie. Les pêcheries évoluaient, avec le capelan, le calmar et d'autres espèces. Nous avons bâti de toutes pièces notre propre usine. On l'avait bâtie dans le but de transformer la morue en particulier. Nous avions 130 pêcheurs dans 45 ou 50 équipages de cette collectivité, et il y a toujours 45 ou 50 équipages qui pêchent le crabe aujourd'hui. Afin de régler le problème et de veiller à ce que nous soyons en mesure de vendre notre produit, nous avons pris le taureau par les cornes et nous avons bâti notre propre usine de transformation, et nous avons alimenté l'usine, et les travailleurs ont travaillé dans l'usine. Nous avons créé 130 emplois.

Le moratoire a été imposé en 1992. Je ne vais pas parcourir toute l'histoire de la coopérative. Nous avons innové. Nous avons transformé l'usine en école pendant une certaine période, car c'est là qu'on a dispensé les cours liés au moratoire offerts par le gouvernement du Canada. Ensuite, la pêche au crabe est arrivée chez nous. Maintenant, nous avons besoin de 15 travailleurs dans notre usine de transformation, et nous ne transformons pas de crabe. Nous avons établi des coentreprises avec notre principal ennemi des années 80, Fishery Products International, dont les journaux d'ici parlent abondamment — en mal — pour d'autres raisons. À l'époque où nous nous battions concernant les quotas et les quotas hauturiers, pendant les années 80, les populations locales, en particulier les travailleurs à la production, dont la subsistance tenait à la transformation de produits, ne nous appuyaient pas. Nous ne pouvions obtenir l'appui de personnes sur la question de la réduction des quotas, et une telle mesure nous aurait probablement évité les problèmes que nous connaissons aujourd'hui.

Maintenant, nous faisons essentiellement partie d'une coentreprise d'exploitation du crabe avec certaines grandes sociétés de pêche hauturière. Elles ont renoncé à l'exploitation des stocks de poisson, ce qui est, selon nous, une bonne chose, et cette entreprise renonce au poisson et établit des partenariats avec les pêcheurs qui peuvent l'approvisionner à l'égard d'un partenariat. C'est une mesure novatrice, et, depuis 1996, nous nous tirons très bien d'affaire, pour ce qui est de maintenir les activités et de générer des profits. Cela tient principalement au fait que le conseil d'administration est constitué de pêcheurs qui sont propriétaires de l'usine et qui travaillent bénévolement. J'exerce les fonctions de directeur général, de façon bénévole. C'est notre usine qui nous confère un pouvoir de négociation, de sorte que nous l'utilisons pour assurer la survie de la collectivité.

Le sénateur Hubley : Vous avez parlé des préoccupations grandissantes à l'égard d'une question particulièrement litigieuse, soit la capacité des entreprises du secteur de la transformation et d'autres secteurs d'exercer un contrôle sur les quotas attribués aux propriétaires-exploitants dans le secteur de la capture. Cela tient à la conclusion d'ententes de fiducie financières. Je me demande si vous pourriez nous parler des effets destructeurs de cette pratique sur l'industrie, et des freins et contrepoids qu'on pourrait mettre sur pied.

M. Best : Je ne tiens pas à répéter publiquement les choses que j'entends, mais je crois qu'on mène actuellement de nombreuses enquêtes concernant des milliers de livres d'espèces particulières, un peu partout, débarquées par des entreprises sans être déclarées ou consignées, et qui finissent sur le marché. Nous sommes dotés d'un régime d'attribution de quotas qui, vu les pressions exercées par l'industrie et les gens qui tentent de survivre au sein de l'industrie, attribue probablement le quota maximal qu'on devrait consentir pour l'instant. La surpêche ou le non- respect de ces quotas n'augurent rien de bon pour l'avenir. Plus il y a de gens mêlés à l'exploitation d'un quota, plus les revenus générés par ce quota doivent être partagés, ce qui incite à la formulation de déclarations erronées, à la sous- déclaration et au ciblage d'autres espèces.

En outre, vous devez connaître le fonctionnement de l'industrie de la pêche à Terre-Neuve. Au cours des dernières années, nous avons connu des difficultés à l'égard de la négociation du prix du poisson. Le syndicat des pêcheurs négocie un prix minimum. Il devrait s'agir d'un prix maximum, selon moi, mais c'est un prix minimum, et de nombreux transformateurs sont en mesure de recueillir des fonds pour s'emparer subrepticement des quotas des pêcheurs, et ils contrôlent probablement un grand nombre de quotas, ils sont probablement propriétaires de la plupart des quotas. Comment peuvent-ils faire cela si le prix maximum négocié est indiqué? Eh bien, ils tirent manifestement toutes sortes de revenu d'autres sources. Ils possèdent probablement la moitié des quotas qui sont attribués à d'autres personnes, et certains débarquent probablement des quantités de poissons qui vont bien au-delà du quota établi. Ces sociétés ont accès à des ressources financières qui leur permettent de faire en douce toutes les choses que les personnes qui essaient d'agir responsablement ne peuvent faire. C'est ma réponse clé.

Le sénateur Gill : Ce matin, des gens de l'université nous ont dit qu'on ne possède pas suffisamment de connaissances et d'informations sur les écosystèmes et les diverses espèces. Êtes-vous du même avis? Est-ce que les gens qui évoluent réellement au sein de l'industrie de la pêche collaborent avec les gens des universités et les chercheurs? Y a- t-il une coopération?

M. Best : Je dirais que oui. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour comprendre les problèmes liés à l'écosystème. On en fait beaucoup, mais je crois qu'il y a encore beaucoup à faire pour déterminer ce qui aggrave la décimation de certaines espèces et le non-rétablissement de stocks de poissons commerciaux essentiels. Les pêcheurs travaillent avec les chercheurs et le Marine Institute; il y a de nombreux projets permanents. Il y a des projets de pêche indicatrice dans le cadre desquels des chercheurs et des pêcheurs, par l'entremise surtout du syndicat des pêcheurs, travaillent sur le terrain, et j'ai mentionné cela dans mon exposé. Ils se penchent sur la santé des stocks, tiennent des discussions et des consultations pendant toute l'année et prennent part à un processus d'examen de fin d'année. Pour la première fois, au cours des sept ou huit dernières années, les pêcheurs ont collaboré avec les chercheurs et les gestionnaires des pêches dans le but de déterminer chaque année le quota approprié pour une espèce donnée.

On fait beaucoup de travail, certes, mais je n'ai aucun doute quant au fait que nous sommes aux prises avec de graves problèmes. Je crois que nous devons composer avec une combinaison de facteurs, y compris l'utilisation de technologies lourdes et le bouleversement de l'écosystème marin et du ratio prédateur-proie, en particulier à l'égard de la pêche au capelan. Certaines pêches ne devraient jamais être commercialisées, et la pêche au capelan en est une. Mais essayez de dire cela aux pêcheurs qui s'adonnent actuellement à ces pêches. Il y a 20 ans, nous avions fait circuler une pétition dans le but d'interdire complètement cette pêche. Un seul pêcheur s'opposait à l'interdiction. C'était en 1981. Nous pensions que c'était essentiel à la survie de la morue. Aujourd'hui, si on devait essayer de faire circuler la même pétition, puisque les gens ont adopté de nouvelles technologies, ont perdu leurs pêches à la morue et ont dû assurer leur subsistance grâce à d'autres pêches, les intervenants de l'industrie ne seraient pas soumis aux mêmes contraintes pour ce qui est d'appuyer ce genre de chose. Je crois que c'est un rôle que le gouvernement doit jouer; il faut que les personnes indépendantes qui tiennent à la pérennité de la ressource s'en mêlent. Pour gérer de façon durable l'industrie de la pêche, nous devons aller au-delà de ceux qui en tirent leur subsistance, car ils ont un intérêt direct maintenant; ils ont un intérêt direct à assurer leur survie, surtout depuis ce qui est arrivé à la morue, le moratoire imposé en 1992.

Le recours aux technologies utilisées par les pêcheurs pendant des centaines d'années, même si vous les qualifiez de passives ou d'archaïques, ne détruirait jamais les ressources de l'océan. Si nous avions continué d'utiliser ces technologies, les collectivités de pêche de partout dans la province seraient au moins à moitié dynamiques; nous aurions peut-être plusieurs centaines de localités, alors que nous n'en avons probablement que 50 ou 60 à l'heure actuelle. Il y aurait toujours une exploitation durable dans l'industrie de la pêche. Nous devons corriger de nombreuses choses, et nous devons prendre des mesures pour rétablir l'équilibre.

Je pêche depuis l'âge de sept ou huit ans. J'ai pêché à la ligne avec mes oncles, et j'ai pris les commandes d'une entreprise de trappe à morue à l'âge de 16 ans, à ma sortie de l'école secondaire. Au sein de ma collectivité, on n'avait jamais vu une personne de cet âge-là se lancer en affaires sans hériter de l'entreprise de son père. Mon père nous avait donné des trappes, et je me suis lancé dans la pêche à la morue avant que mes oncles, avec lesquels j'avais pêché, le fassent. J'étais directement touché par tous les problèmes de l'industrie de la pêche, et j'ai fait des changements et tenté d'être plus responsable, et j'ai cherché des moyens novateurs de conjuguer les méthodes classiques et modernes, mais les gens comme moi ne décidaient pas où nous allions avec tout cela. Je le fais. Je ne demande pas à être payé. Je viens lorsque l'occasion se présente, et j'apprécie énormément qu'on me donne, comme aujourd'hui, l'occasion de m'exprimer.

Le sénateur Baker : De nombreuses personnes qui témoignent devant notre comité considèrent l'Islande comme un bon exemple de pêcherie. Toutefois, l'Islande compte parmi les gros problèmes que nous avons sur notre plate-forme continentale. Elle a d'énormes chalutiers, et ils changent de pavillon de temps à autre, et ils sont peut-être avec l'UE et avec la Russie, les plus gros de nos problèmes. Estimez-vous que nous devrions, comme l'Islande, nous doter d'une flotte qui irait pêcher sur la plate-forme continentale d'autres pays?

L'Université Dalhousie a diffusé, l'autre jour, un rapport produit de concert avec des universités de partout dans le monde, dans lequel on prédit la fin de notre stock de poisson sauvage, de notre pêche à la morue et des ressources vivantes dans la mer, en très peu de temps. Environ cinq semaines avant cela, dans le journal local, ici, la même prédiction a été formulée par le témoin qui prendra la parole après vous, M. John Crosbie, lequel prédit que tout sera disparu d'ici la fin du siècle. Je n'ai jamais cru qu'un jour je lui donnerais peut-être raison, mais êtes-vous d'avis que les conclusions tirées dans l'étude menée par l'Université Dalhousie sont fondées?

M. Best : Concernant la possibilité que nos flottes aillent ailleurs et détruisent les ressources d'autres pays, je ne serais certainement pas d'accord avec cela, puisque je ne suis pas d'accord avec le fait que des gens viennent ici et détruisent nos ressources.

Suis-je d'accord avec le rapport de l'Université Dalhousie? Certainement, oui. J'ai rédigé mon exposé avant la diffusion de ce rapport. Essentiellement, ils disent la même chose : nous risquons de détruire jusqu'au dernier tous les organismes vivant dans la mer. Toutefois, les auteurs du rapport disent également que si nous nous y prenons bien, nous pouvons continuer d'utiliser ces technologies de façon durable, mais que cela exigera un engagement ferme et une grande volonté politique de la part de ceux qui tirent leur subsistance de ces technologies.

Croyez-moi, l'industrie est plus fragmentée qu'on ne pouvait l'imaginer, même dans notre propre province. Hier après-midi, à l'émission The Fisheries Broadcast, il était question du retour des chalutiers dans le Golfe et des dissensions que cela occasionne de nouveau, comme c'était le cas pendant les années 80. C'est la situation avec laquelle nous devons composer en ce qui concerne la coopération au sein de l'industrie de la pêche. Pendant cette émission, hier, un pêcheur a téléphoné pour se plaindre du fait qu'il avait rencontré ses représentants et que les chalutiers revenaient dans le Golfe, et qu'ils ne voulaient pas qu'ils soient là. Il a dit la même chose que j'ai dite au sujet de l'interdiction de l'accès à certains secteurs; nous pouvons utiliser ces technologies, mais les gens qui les utilisent doivent comprendre qu'ils n'auront pas le droit de venir tout détruire. D'autres intervenants ont à cœur la viabilité de l'industrie.

Le président : Nous allons accueillir des représentants de nouveau, et nous leur parlerons de cela. Monsieur Best, je tiens à vous remercier d'être venu nous rencontrer. Votre présence et votre témoignage sont d'autant plus utiles du fait que vous êtes directement concerné, et je crois qu'il est évident pour nous que votre présence témoigne de votre dévouement à l'égard de ce que vous faites et des gens avec lesquels vous travaillez, et nous vous sommes très reconnaissants d'être venu aujourd'hui.

M. Best : Merci de m'en avoir donné l'occasion. J'ose espérer que mon témoignage aura été utile et intéressant.

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons maintenant entendre le témoignage de l'honorable John Crosbie. Évidemment, il s'agit d'un témoin qui n'a pas besoin de présentation. Les gens disent souvent cela, mais dans son cas, c'est vrai. Cet homme a exercé les fonctions de ministre des Pêches et jouit d'une vaste expérience dans l'arène politique terre-neuvienne. Sa famille a exploité des entreprises de pêche, il y a de cela de nombreuses années, de sorte que son attachement à la pêche est très fort. Il continue de s'exprimer, comme il l'a toujours fait. Nombre d'entre nous avons lu ses récents articles, qui nous ont donné matière à réflexion, et nous sommes heureux de l'accueillir aujourd'hui.

L'honorable John Crosbie, C.P., à titre personnel : Monsieur le président, merci de m'offrir l'occasion de témoigner devant le comité. J'ai toujours eu une opinion favorable des comités du Sénat. En règle générale, ils sont bien organisés, et leur méthode est beaucoup plus pertinente que celle des comités de la Chambre des communes, le comité que vous présidez n'échappant pas à cette règle. Je suis très heureux de vous voir enquêter ici, à Terre-Neuve.

J'ai fait parvenir au greffier du comité des exemplaires de quatre articles que j'ai écrits pour le journal The Independent au cours des dernières semaines, dont le dernier sera publié samedi, pour gagner du temps et ne pas prendre trop de temps pour mon exposé. Je vais essayer de résumer certains des points que j'ai abordés.

Je suis très heureux que le greffier ait fait parvenir la transcription des témoignages de vos dernières réunions, celles du trois octobre, et de prendre connaissance de ce que le ministre Hearn et les fonctionnaires de son ministère avaient à dire, ainsi que des gens comme Bob Applebaum, Earl Wiseman et Bill Rowat, qui étaient déjà là-bas lorsque j'étais à la tête du ministère en question, de M. Saunders, doyen de la faculté de droit de Dalhousie et les gens que vous avez reçus des Affaires extérieures. Cela a été une mise en contexte très utile pour moi, et ce que tous ces gens ont dit m'a beaucoup intéressé.

Je ne suis plus un politicien, et je peux donc décrire les choses exactement comme je les vois, sans conséquences politiques. Je sais que vous oeuvrez un peu à l'écart de cette dépendance envers les votes et les élections. L'un des principaux points faibles des pêcheries, partout dans le monde, ce sont les influences importantes qui les régissent. L'industrie de la pêche est trop politisée. Je ne connais aucune autre industrie dont les activités soient à ce point touchées par la politique. L'aspect politique constitue la principale préoccupation des gouvernements qui s'occupent des pêcheries, ce qui, je suppose, est inévitable. Une fois que vous ne figurez plus parmi les élus, vous pouvez dire exactement ce que vous pensez, et c'est ce que j'espère faire cet après-midi.

Tout d'abord, je veux dire que je suis d'accord avec M. Saunders, le doyen de l'Université Dalhousie, lorsqu'il dit que la gestion axée sur la conservation des pêcheries à l'extérieur de la zone de 200 milles actuelle sur la côte est ne s'applique pas. C'est une perte de temps, une illusion politique. Je ne crois pas qu'on devrait gaspiller du temps à travailler là-dessus, parce que cela ne se produira jamais; c'est impossible, c'est incompatible avec le droit international. De toute façon, à quoi cela rime-t-il, et pourquoi les autres pays chargeraient-ils le Canada d'effectuer la gestion axée sur la conservation dans des zones de haute mer où ils ont le droit de pêcher? Ils ne le feront pas. Par ailleurs, il faut se poser la question suivante : à la lumière de ce que nous avons fait à l'intérieur de la zone de 200 milles, où les pêcheries relèvent de nous, les gens vont-ils dire : « eh bien, le Canada a si bien réussi que nous devrions l'inviter à prendre les décisions concernant les problèmes qui se posent à l'extérieur de la zone de 200 milles, dans le cadre d'un arrangement qu'on appellerait la gestion axée sur la conservation »? C'est incompatible avec le droit international, et, même si l'on arrivait à faire accepter cette idée, ce qui ne se produira pas parce que les autres pays souverains ne seront pas d'accord, cela mènerait à la dissolution de l'OPANO, parce que les autres États s'opposeraient et contesteraient notre tentative d'exercer un pouvoir à l'extérieur de la zone de 200 milles. Il n'y aura pas de gestion axée sur la conservation.

Dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, que nous avons finalement ratifiée — et c'est incroyable qu'il nous ait fallu tant de temps pour devenir partie à cette Convention — nous devons nous plier à des procédures obligatoires de résolution des conflits, et si nous tentions d'imposer la gestion axée sur la conservation du poisson à l'extérieur de la zone de 200 milles, nous perdrions. Je crois que nous devrions cesser de perdre notre temps à parler de gestion axée sur la conservation. Cette idée ne s'applique pas, ne s'appliquera jamais, et, par conséquent, nous devrions nous occuper de choses plus fondamentales, des choses plus importantes dont je vais parler.

Mon père a eu la pêche pour occupation principale pendant des années, et son père à lui était pêcheur à l'époque où on faisait du poisson salé, au tout début de la pêche commerciale à Terre-Neuve. Malheureusement pour mon père, il a commencé à travailler dans d'autres secteurs des pêcheries, notamment la transformation du hareng et de ses déchets et l'utilisation du hareng et le capelan non pas seulement comme poisson comestible, mais aussi à des fins industrielles; ce qui était nouveau à l'époque. Il a été propriétaire d'une usine dans la baie des Îles, et il a fait une tentative du côté de Fortune Bay et de St. John's, où il n'a pas connu beaucoup de succès; il a perdu beaucoup d'argent. En tout cas, la participation de mon père et de mon grand-père aux activités de la pêche remonte au début du XXe siècle, et j'ai moi- même travaillé à l'usine de transformation des baleines lorsque j'étais adolescent. Évidemment, c'est tabou aujourd'hui et illégal à Terre-Neuve depuis les années 1950. J'ai aussi travaillé à l'usine de transformation du hareng et ainsi de suite. Puis, j'ai été ministre des Pêches de Terre-Neuve pendant un an, et, comme vous le savez, j'ai passé 27 ans en politique — 10 en politique locale et 17 en politique fédérale — et au moins le tiers de mon district était une région rurale, la région de la Southern Shore, qui vit de la pêche, dont Tom Best, qui a si bien parlé ici cet après-midi, était un résident. Au gouvernement fédéral, j'ai été ministre des Pêches et des Océans du 21 avril 1991 au 25 juin 1993. Je dois dire que cette période a été la plus difficile de ma vie publique et de ma carrière politique, période qui s'est terminée lorsqu'on a dû déclarer, en 1992, le moratoire de la pêche à la morue du Nord. Ça a été une expérience traumatisante, la période la plus difficile que j'aie connue au cours de ma carrière politique, et le fait que nous ayons dû déclarer le moratoire relatif à notre pêcherie principale a été une étape de bouleversements dans l'histoire de Terre-Neuve.

C'est cette expérience qui fait que je veux vous faire part de certaines opinions et ensuite répondre aux questions que vous souhaiterez me poser.

En 1990, M. Alverson a déclaré que 44 des 186 principaux stocks de poisson du monde ont fait l'objet d'une surpêche. Tous ceux qui sont ici savaient qui était M. Alverson; il connaissait très bien la côte est du Canada et la situation dans laquelle se trouvait Terre-Neuve. Le 3 novembre, un groupe d'écologistes et de chercheurs dirigés par M. Boris Worm de l'Université Dalhousie a déclaré, après quatre ans d'études, que les stocks d'environ 29 p. 100 des espèces de fruit de mer du monde s'étaient effondrés, les prises ayant atteint moins de 10 p. 100 des moyennes antérieures, et que ces espèces ne pouvaient donc plus se multiplier. Les chercheurs prédisent que, d'ici 2048, la vie marine ne sera plus composée que d'algues toxiques. C'est assez facile à concevoir et assez réaliste, comme quiconque étudie les pêcheries, non seulement sur la côte est de notre pays, mais aussi ailleurs dans le monde, a déjà pu l'observer. Ce dernier rapport ne nous apprend rien que nous ne sachions déjà, comme l'a mentionné le sénateur Baker. J'avais moi-même prédit qu'on ne pourrait plus pêcher de poissons sauvages à la fin du siècle et je suis surpris, désagréablement surpris, de constater que la situation est pire que ce que j'avais prévu. Après avoir étudié la question à fond, le groupe de chercheurs en question a conclu qu'il n'y aurait plus de poissons sauvages à pêcher au milieu du siècle. Les prélèvements importants que subissent les stocks de poisson partout dans le monde perturbent la biomasse et l'environnement dans lequel le poisson vit. La situation est très grave.

Autre point faible des pêcheries : les préoccupations politiques exercent une influence énorme sur leur sort. J'ai remarqué qu'aucun entrepreneur ne survit dans les pêcheries sans une certaine acuité politique. Il faut avoir un sens politique aigu pour comprendre ce qui se passe ou qui peut se passer. L'importance politique des pêcheries constitue l'une des difficultés lorsque vient le temps de s'en occuper, et les politiciens ont l'impression qu'ils doivent intervenir à tout moment pour des raisons politiques.

La cause principale de la situation de crise dans laquelle les pêcheries du monde entier se trouvent, c'est la surpêche. Je ne veux pas me laisser distraire par des enjeux environnementaux; ils sont aussi très importants, mais il ne s'agit que d'excuses servant à justifier notre négligence, notre ignorance des effets des méthodes de conservation. La véritable cause qui a engendré une situation de crise dans les pêcheries du monde entier, c'est la surpêche à grande échelle, qu'on semble tolérer en raison des sensibilités politiques qui caractérisent l'industrie mondiale de la pêche. La surpêche à grande échelle a commencé après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, et elle a été rendue possible par les progrès technologiques qu'on a réalisés depuis. La technologie permet maintenant de prendre tous les poissons de l'océan, à l'aide des sonars et des autres outils technologiques de pointe qui ont vu le jour depuis 1945.

Je crois que la pire chose pour les pêcheries mondiales, c'est qu'elles sont encore vues comme une ressource de propriété commune. Le fait que les pêcheries appartiennent à tout le monde voue les pêcheries de la planète à la catastrophe. Les pêcheries ne survivront pas, tant et aussi longtemps qu'il s'agira d'une ressource d'une propriété commune. La mer est vue comme une propriété commune, et tout un chacun agit dans son propre intérêt lorsque ça concerne les pêcheries. M. Crowley, de l'Atlantic Institute for Market Studies a dit un jour : « Personne n'est responsable de ce qui appartient à tout le monde. » C'est ça, le problème. On n'incite d'aucune manière les pêcheurs, peu importe d'où ils viennent, que ce soit du Canada, de Terre-Neuve, de l'Espagne, ou encore du Portugal, à agir de façon responsable et à placer la conservation tout en haut de leur liste de priorités tant et aussi longtemps que le régime actuel de propriété commune des pêcheries existera. Je crois qu'il faut passer de pêcheries qui sont de propriété commune à des pêcheries fondées sur les droits de propriété.

Le problème fondamental est d'encourager les pêcheurs, qu'ils soient canadiens ou étrangers, à toujours agir en fonction de la conservation du poisson. La seule manière de faire cela, c'est de prendre des mesures incitatives, ce qui fait défaut au système actuel, au sein duquel le gouvernement réglemente les pêcheries, octroie des permis de pêche aux pêcheurs et essaie ensuite de contrôler la manière dont la pêche se fait par voie administrative. Cela n'est pas efficace; cela ne fonctionne pas. Notre façon actuelle d'administrer les pêcheries ne fonctionne pas. Il est nécessaire de la modifier de fond en comble.

Je n'ai pas le temps d'en parler trop longuement ce matin, mais il faut que nous passions des pêcheries de propriété commune à des pêcheries fondées sur les droits de propriété. Il y a beaucoup de documentation au sujet du système des contingents individuels transférables, et vous connaissez tous ce système. Au cours des dix dernières années, l'Atlantic Institute for Market Studies, l'AIMS, a effectué beaucoup de travaux concernant les droits de propriété et la gestion des pêches. Je recommanderais au comité d'examiner le problème fondamental des pêcheries. Le problème fondamental des pêcheries du monde entier est qu'elles ne sont pas administrées de façon raisonnable; nous avons permis aux pêcheries de propriété commune de régner pendant trop longtemps. Il faut maintenant passer à des pêcheries fondées sur les droits de propriété. Pour une raison quelconque, bon nombre de pêcheurs résistent à cette idée, surtout les pêcheurs de la côte et les petits exploitants, qui ont l'impression que, d'une manière ou d'une autre, cela pourrait donner aux gros joueurs, quels qu'ils soient, l'occasion de créer un monopole des pêches. Ils ont déjà le monopole des pêches.

En passant à un système fondé sur les droits de propriété, on offrirait aux pêcheurs indépendants l'occasion d'obtenir un quota, et d'avoir droit à une part de ce que le ministère des Pêches et des Océans et les chercheurs jugent être le nombre de prises totales approprié et sécuritaire. Les pêcheurs obtiendraient une part de ce nombre total de prises, et s'ils obéissent tous aux règles et réussissent, alors leur droit de propriété relatif au poisson augmentera, et ils constateront que cela leur profite directement. A l'heure actuelle, au contraire, le pêcheur qui obéit à toutes les règles, qui agit avec classe et qui pense à la conservation et à tout le reste, a peur que les autres pêcheurs ne le fassent pas et ne fassent que tirer parti des sacrifices qu'il fait pour conserver les stocks de poisson et permettre éventuellement à ceux-ci d'augmenter. Il faut que nous agissions, non seulement ici à Terre-Neuve et au Canada; il faut favoriser le changement partout dans le monde pour surmonter le problème et sauver les pêcheries mondiales.

Comme vous le savez, pendant des siècles, nous n'avons pas pris ici plus de 300 000 tonnes de morue du Nord par année. En réalité, on capture la plupart du temps entre 150 000 et 200 000 tonnes de morue du Nord par année, surtout depuis le XIXe et le XXe siècles. En 1968, lorsque nous nous sommes dotés des chalutiers modernes et de tous les outils technologiques modernes qui ont vu le jour après 1945, les prises de morue du Nord sont passées à 810 000 tonnes, surtout à cause des Russes et des flottilles allemandes pratiquant la pêche lointaine, des chalutiers-usines congélateurs et d'autres choses du genre. Les stocks de poisson ne pouvaient pas subir cette pression, et tout cela a mené, bien sûr, à la décision que l'ONU a prise dans les années 1970 d'attribuer aux États côtiers une zone de 200 milles, la zone économique de 200 milles.

On constate maintenant que cela n'était pas la solution. Les pêcheries dans la zone de 200 milles relèvent de nous, mais le problème est ailleurs, parce que les pêcheries chevauchantes du plateau continental s'étendent jusqu'à 280 milles de la côte, ce qui rend la situation très complexe. En outre, malgré le fait que nous avons une certaine emprise sur ce qui se passe à l'intérieur de la zone de 200 milles, notre régime n'est pas véritablement une réussite. On a constaté que les chercheurs avaient surestimé leur capacité de déterminer le nombre de prises qu'ils allaient permettre et d'évaluer l'état de la biomasse. Après environ dix ans d'exploitation et de contrôle des pêcheries à l'intérieur de la zone de 200 milles, nous avons découvert que les prises dont les chercheurs pensaient qu'elles ne dépassaient pas ce qui était prévu dans le cadre de la ligne directrice FO.1 étaient beaucoup plus importantes, ce dont on a avisé les politiciens au pouvoir. À la fin des années 1980 ou au début des années 1990, les chercheurs avaient gravement sous-estimé le nombre de poissons capturés. Ils avaient pensé que la mesure qu'ils adoptaient allait préserver environ un tiers du poisson, mais, lorsqu'ils ont réexaminé les faits et les chiffres, ils ont conclu que nous avions pris les quatre cinquièmes des stocks de morue du Nord à l'intérieur de la zone de 200 milles. Ainsi, nous avons mal fait les choses nous-mêmes, indépendamment des problèmes engendrés par les stocks chevauchants et le fait que tous les pays souverains étaient déterminés à ne poursuivre que leurs propres intérêts.

Qu'est-il advenu de tous les stocks de poisson du monde? Les gens parlent de causes environnementales, et il en existe quelques-unes — par exemple, le fait que la colonne d'eau se soit réchauffée ou refroidie — mais la cause fondamentale de nos problèmes actuels, c'est une surpêche extrême. Au moment du moratoire, les chercheurs spécialistes des pêcheries canadiennes ont conclu que les millions de tonnes de poissons qui se trouvaient en mer et qui venaient habituellement, chaque printemps, à Terre-Neuve, juste après le capelan, et que les pêcheurs côtiers prenaient, se réduisaient à environ 2 p. 100 des stocks antérieurs. Lorsque j'ai vérifié cela auprès de nos chercheurs de St. John's cet été, j'ai été très étonné de découvrir qu'ils pensent que le stock de morue du Nord, non pas la morue côtière qu'on trouve aux environs des baies, mais bien le stock qui se trouve en mer, ne dépasse toujours pas les 2 p. 100 des stocks antérieurs qui existaient lorsque le moratoire est entré en vigueur en 1992. C'est incroyable, parce qu'on a introduit le moratoire en disant qu'il ne faudrait que quelques années pour que la morue du Nord reprenne le dessus. Comme vous le savez, 14 ans plus tard, le moratoire est toujours en vigueur. Les prévisions que l'on avait faites étaient tout à fait inexactes.

Nous devons passer du système de propriété commune des pêcheries à des pêcheries fondées sur les droits de propriété et supprimer le pouvoir du ministère des Pêches et des Océans. La façon actuelle de gérer les pêcheries, dans le cadre de laquelle chacun obtient un permis de pêche, et il y a 10 000 règles et règlements concernant la taille et la longueur des bateaux, ne contribue aucunement à prévenir l'extinction du poisson. Le système n'a pas fonctionné au Canada, et il n'a fonctionné nulle part dans le monde, que je sache. Les pays qui semblent s'en tirer le mieux à l'heure actuelle, comme la Nouvelle-Zélande, la Norvège et l'Islande, ont eu le courage et le bon sens d'adopter le modèle des pêcheries fondé sur les droits de propriété. Je recommande fortement au comité qu'il prenne le temps d'offrir aux gens l'occasion de constater s'il y a eu des changements ou non. Il est maintenant temps pour les gouvernements de convaincre les pêcheurs qui ne croient pas en cette nouvelle vision. Autant que je sache, dans chacune des pêcheries pour lesquelles on a adopté le modèle des droits de propriété, par exemple pour la pêche au flétan en Colombie- Britannique ou d'autres espèces sur d'autres côtes, y compris la côte est, les gens qui ont mis le système à l'essai ont jugé qu'il s'agissait d'un système de première classe; assurément, il s'agit d'un système bien meilleur du point de vue des pêcheurs et des stocks de poisson.

Le danger auquel nous faisons face est beaucoup plus important du fait qu'on se rend compte que l'extension de la zone où les pêcheries relèvent des États côtiers, qui a été portée à 200 milles en 1977, n'a pas sauvé les pêcheries. Nous savons que le problème des stocks chevauchants nuit à l'efficacité de la zone de 200 milles, mais même dans les parties du monde où ce problème n'existe pas, la simple extension de la zone n'a pas sauvé les pêcheries. Les sciences halieutiques n'ont pas permis de produire les évaluations et les projections précises que les chercheurs avaient cru possible.

Le gouvernement canadien néglige d'allouer les ressources nécessaires à la multiplication des efforts de recherche scientifique du MPO. Pendant deux ou trois ans après l'entrée en vigueur du moratoire, les dépenses ont augmenté en flèche, et les sondages se sont multipliés, afin d'obtenir des renseignements de base nécessaires pour évaluer de façon éclairée l'importance de la biomasse de morues et d'autres espèces, mais, depuis, les dépenses ont diminué, et je pense qu'il est tout à fait exact de dire qu'on ne dépense pas suffisamment d'argent pour la science, pour les sondages et pour l'obtention des renseignements nécessaires comme fondement pour tout le reste des politiques relatives à la pêche.

Je sais qu'il est toujours difficile d'obtenir de l'argent, quel que soit le ministère, mais je crois que l'une des choses que le comité devra faire, c'est d'exercer le plus possible de pressions sur le gouvernement pour qu'il augmente de façon importante les fonds nécessaires pour les études acoustiques ou autres, et qu'il fasse ce qu'il faut pour que les prévisions des chercheurs soient plus exactes.

En plus des autres problèmes, nous faisons face à celui des stocks chevauchants, de la pêche en haute mer et des droits souverains. Si nous pouvions faire en sorte que tous les pays du monde, y compris le nôtre, modifient le fondement des pêcheries pour le faire passer de la propriété commune aux droits de propriété, nous réaliserions quelque chose de beaucoup plus important que ce que nous pourrons jamais faire en distribuant les blâmes. Nous pouvons blâmer les étrangers. Cela ne change rien. Les conflits d'intérêts sont un problème au sein de l'industrie des pêches. Tout le monde blâme tout le monde. C'est tel type d'engin contre tel autre, telle taille de navire contre telle autre, ce sont les provinces les unes contre les autres, le gouvernement fédéral contre les provinces, les provinces contre le gouvernement fédéral, et tout cela pue le blâme, tout le monde blâmant les autres.

J'ai remarqué que, en général, les provinces ont souvent laissé entendre que, si la province de Terre-Neuve s'était occupée des pêcheries de Terre-Neuve, plutôt que le gouvernement fédéral, nous aurions pu faire beaucoup mieux que ce que nous avons fait depuis 1949. Cela n'a absolument aucun sens. Si les politiques et le pouvoir relatif aux pêcheries avaient été aux mains des provinces depuis 1949, le poisson aurait disparu 10 ou 20 ans plus tôt, et nous nous trouverions dans une situation pire que la situation actuelle.

Rien n'indique que les provinces aient jamais proposé quelque chose de sensé en ce qui concerne la façon de régir les pêches. J'énonce ce point de vue, que je peux défendre n'importe quand. Je n'ai jamais entendu une suggestion sensée de la part de l'une des quatre provinces de l'Atlantique, de suggestions qui auraient pu nous permettre d'éviter la crise actuelle. En réalité, les provinces en question ont largement contribué au problème en octroyant deux ou trois fois trop de permis à des usines de transformation du poisson, par rapport aux besoins, ce qui a poussé les pêcheurs à prendre davantage de poissons et à remplir davantage leurs quotas. On ne peut blâmer les politiciens. Je ne blâme pas les politiciens, parce qu'ils doivent réagir aux pressions qu'on exerce sur eux, et il est très difficile de résister, lorsque toutes les collectivités rurales veulent avoir une usine de transformation du poisson, pour obtenir des emplois. C'est très difficile de résister à cela, mais c'est l'une des raisons pour lesquelles la crise des pêcheries a pris une telle ampleur. Ici, à Terre-Neuve, nous avions une fois et demie le nombre d'usines de traitement du poisson de fond dont nous avions besoin, et cela vaut aussi pour d'autres provinces de l'Atlantique et pour le Québec.

Le gouvernement fédéral est un peu plus loin des gens, alors il ne subit pas les mêmes pressions que les gouvernements provinciaux, relativement à des choses qu'il ne devrait pas faire. J'ai fait partie du gouvernement provincial, c'est pour ça que je le sais.

Des organisations internationales et des autorités régionales comme l'OPANO ont bien entendu été actives, et je suis heureux de voir certains signes de changement à l'heure actuelle, mais cela ne suffira pas à sauver nos pêcheries, même s'il y a amélioration et que l'OPANO devient plus efficace et qu'elle obtient des pouvoirs de gestion et de contrôle. D'après ce que le ministre Hearn a dit devant le comité, il semble que les choses s'améliorent de ce côté. Cela va aider, mais cela ne sauvera pas les pêcheries mondiales.

Au Canada, nous faisons aussi face à un problème de partage des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, et les gouvernements provinciaux sont en concurrence les uns avec les autres. Il y a aussi des conflits d'intérêts au sein des pêcheries elles-mêmes.

Soit dit en passant, il est très révélateur que l'on prenne, dans les pêcheries mondiales, chaque année 20 millions de tonnes de poissons qu'on jette par la suite. Huit pour cent du poisson pris dans les stocks de poissons sauvages du monde sont jetés; les poissons sont gaspillés et ils meurent parce que les gens qui l'ont pris ne veulent pas de telles ou telles espèces, parce que ce poisson n'a pas de valeur pour eux ou parce qu'ils le laissent trop longtemps dans les filets maillants et il pourrit, et ainsi de suite. C'est un chiffre incroyable — 20 millions de tonnes de poissons gaspillés chaque année. Il faut que le monde s'occupe de cela aussi.

Comme l'étude récente le souligne, les chercheurs ne sont pas totalement pessimistes. Ils disent dans leur rapport que, si l'on apporte des changements maintenant, il n'est pas encore trop tard; il y a encore de l'espoir. J'espère qu'ils ont raison.

Pour conclure, je recommanderais au comité de concentrer ses efforts sur le problème des pêcheries de propriété commune, pour voir si le Canada peut paver la voie et persuader d'autres pays de modifier le fondement des pêcheries, comme l'a fait avec beaucoup de succès la Nouvelle-Zélande, ainsi que l'Islande.

Les Islandais ne gèrent pas les pêcheries en fonction de considérations politiques. Si une usine n'est plus viable, n'est plus rentable, elle ferme ses portes. Les Islandais ne subventionnent aucunement leur industrie. L'industrie ne peut se tourner vers un gouvernement fédéral pour obtenir de l'aide. Elle doit se débrouiller d'elle-même. Il n'y a qu'un gouvernement là-bas, qu'un seul peuple, et il faut donc obéir à des règles économiques. Si un établissement ne donne pas des résultats économiques positifs, on ne permet pas d'investir de l'argent qui se perdra, et on ne subventionne pas les pêcheries.

Comme vous le savez, nos pêcheries sont subventionnées de tous les côtés, ce qui est un de leurs points faibles. Nos pêcheries sont subventionnées, mais, malgré cela, elles ne sont pas un succès, et elles ne seront jamais un succès si elles doivent être subventionnées. Nous parlons ici, à Terre-Neuve, de l'Islande, parce que les entreprises de pêche de l'Islande ferment lorsqu'elles ne sont pas rentables. Nous ne semblons pas comprendre, à Terre-Neuve-et-Labrador ou dans la région de l'Atlantique, qu'on ne peut faire fonctionner les entreprises de pêche seulement grâce à des subventions financées par le gouvernement ou par les contribuables. Elles doivent pouvoir être rentables. C'est ainsi que fonctionnent les entreprises privées, et le système des entreprises privées est essentiel pour qu'on puisse s'enrichir, qu'on le veuille ou non. Nous devons dépendre non pas du gouvernement, mais du secteur privé, et si les entreprises de pêche du secteur privé ne font pas d'argent, alors le fait de les subventionner n'est pas une solution, et cela ne fonctionnera pas.

Le sénateur Johnson : Bienvenue, monsieur Crosbie. Je suis heureux de vous revoir. Vous êtes le premier à nous parler du concept d'une mesure incitant les gens à agir de façon responsable, ainsi que du principe des pêcheries fondé sur les droits de propriété. Pouvez-vous nous donner des détails? Vous avez parlé de quota individuel transférable pour encourager les pêcheurs à s'occuper de la conservation, et du fait qu'ils auraient le droit de s'approprier un quota et une part des prises. Quels sont les deux ou trois principaux éléments? La région dont je viens, où il y a beaucoup de lacs, dispose d'un système de quotas comme celui-ci, et la pêche est aussi saisonnière là-bas.

M. Crosbie : L'Atlantic Institute for Market Studies, l'AIMS, se penche sur cette question depuis environ 10 ans, et les gens qui en font partie ont travaillé sur la question des droits de propriété et de la gestion des pêcheries sur la côte atlantique. Ils ont publié un livre à ce sujet en 1996. Je vais essayer d'être bref. Dans le cadre du système actuel, le gouvernement octroie des permis de pêche, ce qui donne à une personne le droit de pêcher, sans qu'il s'agisse d'un droit de propriété. La personne obtient seulement la chance d'avoir une part du poisson pris. Il s'agit d'un permis qui permet à son titulaire de participer aux récoltes, à l'intérieur des limites réglementaires prévoyant quand il est permis de pêcher, où il est permis de pêcher et avec quel équipement on peut pêcher. Voilà le système en vigueur au Canada. C'est pourquoi le ministère des Pêches et des Océans administre autant de règlements et contrôle tout dans le détail. Le ministère tente de conserver le poisson, non pas par l'intermédiaire de la propriété, mais bien par un ensemble de règlements, concernant notamment le nombre d'heures pendant lequel il est permis de pêcher, la longueur du bateau, ainsi que le type d'engin qu'il est permis d'utiliser. C'est très frustrant pour les pêcheurs. La pêche est l'industrie où la réglementation est la plus excessive. Il est possible de modifier cette situation, mais seulement en adoptant un système fondé sur les droits de propriété. Le système actuel, bien sûr, engendre des pressions politiques importantes, puisque les électeurs des collectivités qui vivent de la pêche veulent avoir davantage accès aux poissons. Sur le plan politique, on est bien obligé de se plier à cela, mais cela mène à un accès au poisson d'un niveau tel qu'il n'est pas durable, et tout le monde perd de l'argent.

En conséquence de la démarche de réglementation qui le caractérise, le système actuel limite de façon de plus en plus interventionniste les types d'engins, la capacité d'entreposage des bateaux, les saisons de pêche, et ainsi de suite, mais ces efforts sont généralement futiles, parce que, comme on peut le lire dans l'étude, l'ingéniosité et l'inventivité des pêcheurs font que les règlements sont toujours en retard sur les dernières techniques pour contourner les règles. Peu importe le degré de complexité des règles, les pêcheurs sont toujours suffisamment intelligents pour les contourner. Le gouvernement crée de nouvelles règles pour tenter de mettre fin aux nouvelles pratiques que les pêcheurs ont adoptées pour contourner les règles, et le système ne fonctionne tout simplement pas.

Un permis de pêche ne donne pas à son titulaire le droit à une part des prises. Le permis ne lui donne que le droit de mettre à l'eau un certain type d'engin, puis il commence à investir trop d'argent pour de l'équipement, pour un bateau, et ainsi de suite, dans l'espoir de prendre davantage de poissons. La première personne qui prend le poisson en devient le possesseur et le propriétaire, et cela n'encourage pas la conservation, bien au contraire. Cela encourage à sortir pêcher en premier. Ce sont les gens qui se rendent sur les lieux où se trouve le poisson et qui travaillent le plus dur qui prennent la majeure partie du poisson, et qui investissent toujours plus d'argent, et qui finissent par investir trop et par y perdre, par ne pas obtenir une part adéquate d'une pêche qui est de toute façon incertaine. Chaque saison de pêche est une nouvelle course à la haute technologie de plus en plus épuisante pour prendre une part imprévisible d'une ressource en déclin.

Qu'est-ce que la pêche fondée sur les droits de propriété? Ça revient à offrir aux pêcheurs une part du stock ou une part des prises totales permises pour une espèce donnée par les chercheurs du ministère des Pêches et des Océans. Les pêcheurs détiennent un permis pour une pêcherie donnée — le hareng, le flétan, la morue ou une autre espèce. L'effort de pêche est toujours calculé par le ministère, et les pêcheurs obtiennent chacun le droit de propriété d'une certaine fraction des prises d'une espèce pour une année. Il s'agit d'un quota, et c'est généralement la formule des quotas individuels transférables qui est garante de succès. Il s'agit d'un droit de propriété que possèdent les pêcheurs, comme les fermiers possèdent les légumes qu'ils produisent et tout le reste, parce qu'ils possèdent une terre, qui constitue leur immobilisation principale. En vertu d'un système fondé sur les droits de propriété, le pêcheur a droit à une certaine quantité de poissons par année. Bien entendu, il faut administrer tout cela, et les pêcheurs doivent faire état de ce qu'ils prennent pour qu'on puisse vérifier qu'ils ne trichent pas, mais si l'on exploite le système de façon adéquate, le résultat pourrait être une augmentation des stocks de poissons.

Le sénateur Johnson : Comment cela fonctionnerait-il à l'échelle internationale? Est-ce qu'on en parle aussi dans l'étude de l'AIMS?

M. Crosbie : Il faudrait convaincre tous les pays de changer de système de pêche. De toute façon, ils seront tous désespérés d'ici dix ou quinze ans, et prêts à essayer quelque chose de nouveau, mais la première chose que nous devons faire, c'est d'adopter le système nous-mêmes. On l'a fait avec succès en Nouvelle-Zélande, en Islande et en Norvège. Nous devons le faire nous-mêmes, puis lancer une campagne visant à convaincre les autres pays de le faire aussi. Il ne s'agit pas d'un plan à court terme. Il nous faudra du temps pour changer ce qui se passe en haute mer, de toute façon, mais nous perdons notre temps à parler de choses qui n'arriveront jamais, qui sont des fruits de l'imagination, comme la gestion axée sur la conservation, alors que nous devrions nous occuper du vrai problème. Le vrai problème, c'est que, partout dans le monde, on continue de pêcher de la mauvaise façon, et la pression exercée sur les stocks de poissons ne fait qu'augmenter.

Le sénateur Campbell : Dans le contexte des pêches fondées sur les droits de propriété, comment déterminer qui est un pêcheur? Est-ce que tout le monde ne voudrait pas être pêcheur si l'on garantissait une part des prises?

M. Crosbie : Il faudrait instaurer des règlements à ce sujet. Dans le cadre du système actuel, les pêcheurs doivent détenir un permis de pêche pour la morue ou pour d'autres espèces. Ainsi, on connaît le nombre exact de pêcheurs. S'il y a ce qu'on juge être le bon nombre de pêcheurs et de pêcheuses, alors on n'accorde pas davantage de permis. Supposons qu'il y a un millier de pêcheurs pour une pêcherie donnée, que le TAC, ou total autorisé des captures, est un nombre donné, et que ces mille pêcheurs peuvent vivre décemment si on leur permet de capturer ce poisson. On pourrait réglementer. Il faudrait déterminer qui détient les droits de propriété. On a fait cela en Colombie-Britannique pour les pêcheries de flétans, comme on l'a fait ailleurs pour d'autres pêcheries.

Le sénateur Campbell : D'accord, mais tout le monde n'obtient pas une part égale des prises totales. Ce que je veux dire, c'est que le pêcheur mange ce qu'il prend.

M. Crosbie : Il obtiendrait une part. Disons que le pêcheur prend 1 p. 100 ou la demie de 1 p. 100 du TAC pour une espèce donnée. Tout le monde commence avec le même quota. Si un pêcheur décide de prendre sa retraite et d'arrêter de pêcher, il peut léguer les droits de propriété à sa famille, à ses fils ou à ses filles.

Le sénateur Campbell : Lorsque j'ai terminé mon secondaire à Terre-Neuve, si je décidais de devenir pêcheur, comment devrais-je faire pour obtenir un droit de propriété?

M. Crosbie : Il faudrait que vous présentiez une demande de permis de pêche à l'autorité réglementaire, le ministère des Pêches et des Océans, et si vous obtenez ce permis et que vous avez choisi une pêcherie en particulier, le ministère vous donnerait le droit de prendre un certain nombre de poissons au sein de cette pêcherie, à moins que le gouvernement n'ait décidé que cette pêcherie est complète et qu'il n'y a plus de place pour d'autres pêcheurs, en ce qui concerne un stock donné. C'est le gouvernement qui déterminerait le nombre de pêcheurs. Vous disposeriez d'un droit de propriété, et si votre pêcherie s'améliore et que la part qui revient à chacun augmente, vous pouvez alors vendre votre droit de propriété si vous voulez prendre votre retraite, ou vous pouvez le léguer à quelqu'un de votre famille.

Le sénateur Baker : À Ottawa, tous les politiciens, surtout ceux du parti de l'opposition, le Parti libéral, le NPD, le Bloc, ainsi que les députés indépendants et ceux des trois autres partis inscrits, le Parti marxiste-léniniste et le Parti communiste, tous les partis politiques reconnus demandent au gouvernement fédéral d'instaurer la gestion axée sur la conservation. Pour que tout le monde comprenne bien quelle est votre position en ce qui concerne la gestion axée sur la conservation, quel est le message que vous voulez transmettre aux défenseurs de cette idée?

M. Crosbie : Pourquoi ne pas essayer de vivre dans la réalité? Oubliez vos illusions politiques. Car il ne s'agit que d'illusions. Le Canada ne peut forcer, de façon unilatérale, les autres pays à accepter que nous nous chargions de la gestion axée sur la conservation du poisson à l'extérieur de la zone de 200 milles. Ils n'auront qu'à regarder le gâchis que nous avons fait à l'intérieur de la zone, qui relève déjà de nous. Diront-ils que le Canada est si bon, que notre administration est si efficace, que l'on devrait nous confier la gestion axée sur la conservation? Ils ne vont pas le faire. Les Français et les Portugais pêchent là-bas depuis 450 ans maintenant, et leurs pêcheurs et leurs pêcheuses dépendent autant du poisson que les nôtres. La gestion axée sur la conservation ne fonctionnera pas. Malheureusement, tous les pays sont égoïstes. Nous sommes égoïstes. Nous pensons que nous sommes les meilleurs, les plus humains; nous croyons que nous avons la conscience vaste; nous aimons la paix, nous sommes les gardiens de la paix. Nous ne sommes même pas belliqueux. Je ne vais pas dire ce que nous sommes parce que je ne veux pas aborder ce sujet, mais la gestion axée sur la conservation ne fonctionnera pas. Pourquoi quiconque voudrait-il nous la confier?

Ce que nous devons faire, c'est de convaincre les autres pays, surtout les pays pour lesquels la pêche est importante, du fait que c'est l'orientation qu'il faut se donner. À l'extérieur de la zone de 200 milles, il faut tenir compte de toutes les doctrines relatives à la liberté des mers. Nous n'obtiendrons jamais le soutien des États-Unis. Les Américains soutiennent que leurs navires ont le droit de naviguer partout sur les mers, alors ils ne nous accorderont pas leur soutien. Nous avons été chanceux en ce qui concerne l'Estai et le ministre Tobin. Je suis convaincu qu'il profitait de l'appui de M. Chrétien à l'époque. Il a pris un risque énorme lorsqu'on a arraisonné l'Estai à l'extérieur de la zone de 200 milles, ce qui a eu pour le Canada des conséquences qui n'étaient pas évidentes sur le coup. L'une des raisons pour lesquelles nous n'avons pas adopté certaines autres conventions et ainsi de suite, c'est que nous avions peur d'être pris dans un engrenage qui nous aurait mené à l'arbitrage dans le cas de l'Estai, auquel cas nous aurions assurément perdu, parce que ce que nous avons fait est contraire au droit international.

Nous ne devrions pas gaspiller nos énergies dans la promotion de la gestion axée sur la conservation. Nous devrions proposer quelque chose qui donnera lieu à un changement fondamental, et non à une perte de temps. La gestion axée sur la conservation est une illusion politique et un jeu. C'est le jeu démodé de la distribution des blâmes. On ne joue nulle part ailleurs davantage à ce jeu que dans l'industrie des pêcheries. Nous aimons tous à penser que ce sont les pêcheurs étrangers et les autres pays qui ont causé tous les problèmes. Eux aiment penser que nous sommes à l'origine des mêmes problèmes. Les Français et les Portugais vous diront que nous sommes voraces. Ils ont déjà pêché jusqu'à trois milles de nos côtes, puis jusqu'à 12 milles, puis les voraces Canadiens se sont appropriés une zone de 200 milles, et maintenant, nous ne nous contentons plus de cette zone de 200 milles, nous voulons une zone de 280 milles. Verra-t-on la fin des demandes immodérées, des demandes choquantes, de l'attitude belliqueuse de gens comme le sénateur Baker?

Le sénateur Baker : Vous êtes contre la gestion axée sur la conservation, et c'est un euphémisme.

M. Crosbie : Je suis contre la foutaise dans tous les domaines. C'est de la rhétorique politique; ce n'est pas sérieux. Je n'arrive pas à croire que presque tout le monde ici pense que la gestion axée sur la conservation est un concept sensé. Si j'étais n'importe lequel État étranger qui pêche là-bas, je n'accepterais pas une seule seconde de charger le Canada de la gestion axée sur la conservation. Soyons réalistes. Il y a le monde réel, puis il y a le monde politique, et, souvent, ce sont deux mondes différents. Ne perdez pas votre temps à parler de gestion axée sur la conservation. J'aimerais voir un homme comme vous consacrer son temps à un objectif de changement, au fait de nous doter d'un système efficace. Attribuons des droits de propriété; dotons-nous d'une pêcherie fondée sur les droits de propriété. Vous devriez mener le combat pour cette idée, et non pour ce qui n'est que poudre aux yeux.

Le sénateur Baker : Dans votre dernière chronique, vous avez prédit qu'il n'y aurait plus de poisson sauvage d'ici la fin du siècle. Quatre semaines plus tard, les chercheurs de l'Université Dalhousie ont dit que cela se produirait encore plus rapidement. Ils ont étudié la situation pendant longtemps. Cela vous dérangerait-il de nous dire ce qui figurera dans votre prochaine chronique, la dernière, ou devons-nous tous attendre et acheter le journal?

M. Crosbie : Je crois que, dans ma prochaine chronique, je vais faire vœu de silence.

Le sénateur Adams : Nous avons rencontré les gens du MPO hier et discuté de la question de la pêche à l'extérieur de la zone de 200 milles. Peut-être connaissez-vous cette question, puisque vous avez été ministre des Pêches. Je pense que l'OPANO a réussi à faire en sorte que 90 p. 100 des quotas se retrouvent dans des zones à l'extérieur de la zone de 200 milles. Nous avons découvert hier que, même avec un quota, nous ne pouvons obtenir un permis de pêche à l'extérieur de la zone de 200 milles. Pourquoi? Est-ce parce que le Canada n'a aucune emprise sur les quotas?

M. Crosbie : Je ne connais pas bien ce dont vous parlez, la pêche à l'extérieur de la zone de 200 milles. Je présume que nous ne pourrions pêcher que dans la mesure permise par l'OPANO. C'est l'OPANO qui décide, et nous sommes membre de cette organisation. Je ne connais pas bien les règlements qui s'appliquent à l'extérieur de la zone, mais l'OPANO est censé décider des prises effectuées à l'extérieur de la zone de 200 milles, et nous devrions donc obtenir l'autorisation de l'organisation, peu importe ce que nous voulons faire à l'extérieur de la zone de 200 milles. Évidemment, le fait que nous sommes déçus de la composition de l'organisation en général et de la procédure d'opposition ne justifierait pas que nous fassions fi d'une décision qu'elle prendrait. Cependant, il semble, d'après le ministre Hearn, que les choses vont changer, mais les changements se produisent très lentement, et ils ne vont avoir aucun effet, bien entendu sur les prévisions catastrophiques que le groupe de chercheurs dont on a parlé vient de faire en Nouvelle-Écosse. Nous devons procéder à des changements beaucoup plus fondamentaux si nous voulons sauver les pêcheries mondiales.

Les chiffres que j'ai devant moi indiquent que de 40 à 50 p. 100 du poisson qu'on consomme aujourd'hui est le produit de l'aquaculture. Il n'y aurait pas de saumon fumé sans aquaculture. Il est facile de concevoir que, d'ici le milieu du siècle, nous allons peut-être dépendre de l'aquaculture ou de la pisciculture, ce qui entraîne d'autres problèmes, comme vous le savez.

Le sénateur Cowan : Monsieur Crosbie, pouvez-vous nous faire part de votre point de vue sur la position du gouvernement concernant le moratoire du chalutage de fond dans les zones non réglementées en mer, et sur les pressions exercées sur le Canada pour qu'il signe ou appuie ce moratoire? Est-ce quelque chose qui serait sage pour nous de faire, ou devrions-nous nous tenir loin de tout cela?

M. Crosbie : Je crois qu'il n'est pas sensé de mettre complètement fin au dragage ou au chalutage. Il est vrai qu'on a permis le dragage et le chalutage au mauvais endroit, à la mauvaise époque de l'année, et que cela a engendré de nombreux problèmes. Les restrictions devraient être plus importantes en ce qui concerne les endroits où il est permis d'utiliser un chalut ou de faire du dragage, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la zone de 200 milles, et il existe certaines zones, comme le ministre l'a dit, où l'on ne devrait pas permettre le chalutage. Certaines pêcheries n'existeraient pas sans le dragage ou le chalutage. Je ne crois pas qu'on puisse interdire totalement le chalutage, mais on devrait le faire dans certaines zones, là où c'est sensé et raisonnable. Nous devrions réduire le dragage et le chalutage autant que possible, sauf dans les endroits où c'est absolument nécessaire ou lorsqu'il est possible de prendre l'espèce principale qu'on souhaite prendre sans capturer trop de poissons des espèces indésirables. C'est difficile à expliquer, mais je pense que l'explication qu'a donnée M. Hearn au comité était sensée, que, pour le Canada, il serait très dommageable de simplement mettre fin au chalutage ou au dragage. Nous devons prendre des mesures plus précises que cela.

Le président : Monsieur Crosbie, merci d'être venu ici et de nous avoir fait profiter de votre expérience, qui est importante et unique. En plus de cela, vous nous avez fait rire, et dont nous avions besoin à ce moment-ci de la journée. Merci d'être venu et bonne chance.

M. Crosbie : Merci, sénateur. Merci de m'avoir écouté. Je pense que votre comité est important. C'est une bonne chose que vous soyez venus à Terre-Neuve. Je ne parle pas toujours en faveur du Sénat, mais lorsque je le fais, je dis que l'une de ses plus grandes forces, ce sont ses comités, parce que vous ne perdez pas votre temps à vous occuper d'inepties politiques, ce qui se produit dans les comités de la Chambre des communes. Lorsque j'étais ministre et que j'ai participé au comité de la Chambre des communes, je n'ai jamais eu à me préparer, parce que je savais que ce ne serait que rhétorique politique d'un côté comme de l'autre, ni à être alerte, parce que je n'avais qu'à être un politicien et à répondre à la rhétorique politique par ma propre rhétorique politique. Cependant, lorsque j'ai témoigné devant le comité du Sénat, je devais toujours travailler beaucoup plus fort, parce qu'il était possible qu'une personne connaissant le sujet me pose une question intelligente, sans chercher seulement à marquer des points sur le plan politique. En règle générale, j'admire les comités du Sénat, et je trouve que l'effort que vous avez fait de venir ici a beaucoup de valeur. Si vous suivez mes suggestions, vous pourriez réellement faire bouger les choses, parce qu'il nous faut un débat sur la question. Pour une raison quelconque, les pêcheurs indépendants ont peur comme de la peste d'envisager le concept selon lequel on leur donnerait un bien et des droits de propriété et on les aiderait, mais ils ont peur qu'il s'agisse d'un genre de combine visant à permettre aux grandes entreprises d'acquérir un monopole. Personne ne peut forcer les pêcheurs à donner leur part. En s'intéressant à la question, le comité du Sénat pourrait se rendre très utile.

Le président : Sénateurs, nous accueillons maintenant Earl McCurdy, président du syndicat des pêcheurs. Il travaille auprès du syndicat depuis très longtemps, peut-être depuis le début de sa carrière. Il a succédé à Richard Cashin, et il travaille au syndicat depuis, ce qui témoigne des services qu'il rend et de l'estime qu'on a pour lui.

Earle McCurdy, président, Fishermen, Food and Allied Workers : Merci beaucoup, sénateur. Je vous remercie de m'offrir l'occasion de témoigner. Je travaille auprès du syndicat à peu près depuis aussi longtemps que la zone de 200 milles existe. Je suis arrivé environ trois mois après la zone de 200 milles, je me bats avec elle depuis et je me demande pourquoi nous n'avons pas pris 300 milles, pendant que nous y étions. De toute façon, j'imagine que c'est à cela que je vais en venir.

Je félicite le comité d'être venu dans la province. Le président m'a dit que vous aviez eu l'occasion de vous rendre au Labrador, ce qui est extraordinaire, puisqu'il s'agit d'un coin unique du monde, et parce que vous avez eu la chance d'en apprendre un peu sur l'histoire et sur les affaires de la Labrador Fishermen's Union Shrimp Company Limited. Comme son nom l'indique, cette organisation a été créée par notre organisation, avec beaucoup d'aide de la part de M. Rompkey et du ministre de l'époque, M. Leblanc. Le fait que l'organisation soit toujours aussi dynamique 28 ans plus tard indique, à mon avis, que c'était un bon concept.

Il est clair que l'un des plus importants points faibles de nos pêcheries est que les stocks sont chevauchants et que le poisson ne tient pas compte des subtilités du droit international lorsqu'il traverse la limite de la zone. Nous sommes très vulnérables lorsque le poisson converge à l'extérieur de notre zone économique. J'ai lu les transcriptions non pas des audiences de cette semaine, mais d'audiences précédentes, et je vais donc essayer d'éviter le plus possible de répéter des faits que vous avez déjà entendus de nombreuses fois, et plutôt formuler des commentaires et vous faire part de mes opinions.

Comme tous les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador, j'aimerais beaucoup que le gouvernement canadien ait le pouvoir de faire appliquer des règlements de pêche jusqu'à la fin du plateau continental. Il se peut que votre témoin précédent ait posé une question philosophique lorsqu'il a demandé si les demandes des Canadiens avaient une fin. En ce qui me concerne, il y a en a une : la fin du plateau continental me convient, et je pense que la plupart des habitants de Terre-Neuve-et-Labrador seraient d'accord avec moi. Certaines personnes ont utilisé le terme « gestion axée sur la conservation », qui, pour autant que je le sache, ne veut rien dire en droit; il ne s'agit que d'un terme que l'on a créé, et, peu importe ce qu'il veut dire, tout le monde aimerait vraiment que les autorités canadiennes puissent faire appliquer les règlements de pêche jusqu'à la fin du plateau continental.

Je veux reprendre certains éléments de la discussion que vous avez eue avec M. Crosbie. Il a dit que l'arraisonnement de l'Estai était risqué. C'est vrai, et je pense qu'il a valu la peine de prendre ce risque, parce que le droit international ne progresse que lorsque quelqu'un conteste et affirme une certaine autorité, que cette autorité soit appuyée par des documents écrits ou par le droit ou non. Sincèrement, je crois que c'était une très bonne idée de ne pas ratifier la Convention sur le droit de la mer à l'époque, en partie parce que celle-ci nous encadre en quelque sorte dans une procédure qui ne nous aurait pas protégés relativement à un événement comme l'arraisonnement de l'Estai. Nous avons été en mesure de refuser de reconnaître la compétence de la Cour internationale parce que nous n'avions pas signé la Convention à l'époque, ce qui nous a permis de dire : « Nous avons fait ce que nous avons fait; que pouvez- vous faire contre cela? »

De toute façon, nous devons faire face à la situation actuelle, et l'océan a beaucoup changé depuis 1995. J'ai trouvé très intéressante l'analyse de M. Saunders et celle d'autres témoins que vous avez reçue. La mesure prise à l'encontre de l'Estai en 1995 l'a été dans un vide, et, aux yeux de certains, on a peut-être partiellement rempli ce vide depuis. Je ne suis pas convaincu que ce soit le cas, mais il se peut que cela modifie un peu la situation.

J'ai participé pour la première fois à une réunion de l'OPANO en 1983. Si l'on me donnait le choix entre participer à une autre réunion de l'OPANO et subir un traitement de canal sans anesthésie, je choisirais le traitement de canal. Je suis allé aux réunions de l'OPANO chaque année depuis 1983, et, croyez-moi, c'est pénible, mais c'est important que les gens y participent et en tirent le meilleur parti. C'est évident qu'il y a eu davantage de moments faibles que de moment forts.

J'aimerais attirer votre attention sur quelques événements importants. L'arraisonnement de l'Estai en a été un. Je ne suis pas sûr que nous ayons tiré pleinement parti de la situation qui en a découlé. L'autre événement, qui a constitué un changement important, c'est l'augmentation de la surveillance à partir de mai 2004. La multiplication des vedettes a clairement rendu la tâche plus difficile aux pêcheurs qui cherchaient à violer le règlement, et il y a en mer des armateurs qui n'ont pas froid aux yeux. Le problème n'est pas réglé, mais cela a contribué à faire en sorte qu'il est plus difficile de violer le règlement. D'après mon expérience, il n'y a rien de plus exaspérant que d'essayer de rouler librement sur la Transcanadienne lorsqu'on croise constamment des voitures de patrouille. Il est évident que la présence accrue des agents de l'autorité est utile, sans régler totalement le problème.

Plusieurs stocks relevant de l'OPANO font encore l'objet d'un moratoire, ce qui constitue un gaspillage énorme de possibilités économiques pour les collectivités côtières qui en ont désespérément besoin. Je pense que nous pouvons examiner la situation des stocks de flétan noir, qu'on appelle aussi flétan du Groenland. À la fin des années 90 et au début des années 2000, l'OPANO a vraiment gaspillé une belle occasion : il y avait beaucoup de jeunes flétans qui, si on s'en était occupé de façon adéquate, auraient pu constituer une pêcherie beaucoup plus productive aujourd'hui, mais l'OPANO a fait fi des conseils des chercheurs et a fixé des quotas trop élevés. Nous en payons aujourd'hui le prix, et ce prix est très élevé.

En ce qui concerne les changements récents à l'OPANO, je pense que le dossier n'est pas clos. Je crois que les modifications apportées à la procédure d'opposition pourraient être une amélioration importante. Il n'y a pas eu beaucoup de recours à cette procédure récemment, mais elle a toujours été une espèce de point faible. Le changement le plus important concerne probablement le pouvoir de renvoyer à leur port d'attache les pêcheurs qu'on surprend à faire de fausses déclarations, puisque les conséquences économiques de ce pouvoir seront importantes. Il y a certaines lacunes concernant l'application de mesures de police par l'État du pavillon et l'ampleur des sanctions applicables, mais il est évident que le pêcheur qui se trouve à des centaines de kilomètres de son port d'attache, au beau milieu d'un voyage, et qui est renvoyé à ce port d'attache subit déjà une sanction importante.

L'organisation continue de présenter des points faibles, notamment le manque de conseils scientifiques adéquats concernant plusieurs stocks. La structure de vote pose clairement problème pour le Canada dans le cadre des réunions de l'OPANO. L'application de mesures de police par l'État du pavillon est un enjeu important. Les répercussions ont été très importantes dans la province, surtout sur la côte sud, et le nombre d'emplois a chuté. Au cours des dernières années, de nouveaux problèmes sont venus aggraver la situation de l'industrie de la pêche. Le prix de l'essence est un problème grave en soi, parce que les activités de la pêche exigent beaucoup de carburant. Le carburant est un poste budgétaire important, et, en outre, son prix a fait augmenter la valeur du dollar et a entraîné des pertes pour nous. Supposons que les consommateurs américains achètent pour 100 $ américains de crevettes, de crabe ou quoi que ce soit d'autre que nous exportons à l'heure actuelle aux États-Unis. Il y a quatre ans, nous aurions obtenu 157 $ en échange; à l'heure actuelle, nous n'obtenons que 111 $, et c'est beaucoup d'argent qui disparaît ainsi dans le vide. Une combinaison des deux facteurs rend la situation très grave.

Nous assistons à un véritable exode, un déclin de la population en termes absolus qui, à mon avis, touche uniquement notre province; et les prévisions démographiques à long terme laissent entrevoir un problème énorme. Quoi qu'il en soit des retombées heureuses de l'exploitation pétrolière et gazière pour la ville de St. John's, nos villages de pêcheurs traversent une période qui est très, très difficile.

Pour ce qui est de faire respecter la limite des 200 milles, je voudrais mentionner le fait que l'effort déployé pour composer avec les flottes étrangères depuis plus de 50 ans a été marqué au coin de la frustration. Les agents d'exécution qui sont chargés concrètement de faire ce travail deviennent un peu, à mon avis, la cible des critiques pour qui le Canada applique un régime inefficace à cet égard. Parcourir 20 milles de nuit en canot pneumatique pour aller arraisonner un bateau portugais ou espagnol et signifier aux gens qu'ils font l'objet d'accusations, voilà tout un boulot — cœurs sensibles s'abstenir —, et je crois que les personnes qui font concrètement ce travail d'exécution et de surveillance méritent une certaine reconnaissance, même si, à mon avis, elles sont probablement aussi frustrées que les autres devant les lacunes qui minent nos mesures d'exécution de la loi.

Il y a 101 questions dont je voudrais parler, mais je sais que le temps est limité. Pour terminer, je vais toucher un mot au sujet de la question que M. Crosbie a soulevée concernant la propriété commune et les droits de pêche. D'abord, je dirais simplement, à titre de précision, que bon nombre de nos pêcheries relèvent, de fait, de régimes de quotas individuels sur le plan de la gestion. Ce ne sont pas des quotas transférables. Si le propriétaire d'un bateau de 35 pieds détient un quota de pêche au crabe dans la baie de Bonavista, Clearwater Seafoods ne peut faire l'acquisition du quota pour l'appliquer à un bateau de 200 pieds. De fait, il existe des quotas individuels dans un certain nombre de pêcheries. Je ne crois pas pour un seul instant le raisonnement selon lequel un régime d'allocations fondé sur les droits, où les gens ont des quotas individuels qui leur sont attribués, qu'ils soient transférables ou non, représenterait je ne sais comment une meilleure intendance. Justement, l'histoire le montre, tous les stocks qui font actuellement l'objet d'un moratoire au Canada, sans aucune exception, étaient visés en grande partie, sinon en entier, par un régime fondé sur les droits qui n'a pas été à la hauteur des attentes des idéalistes. Pour être franc, je dirais que les savants de l'institut AIMS doivent rajuster le tir. J'ai toujours cru que les termes « groupe de réflexion » et « de droite » n'allaient pas très bien ensemble, à vrai dire.

J'aimerais traiter brièvement du récent rapport apocalyptique produit par un groupe de l'Université Dalhousie. Le groupe en question affirme que, si nous continuons pendant 50 ans à faire ce que nous faisons depuis 50 ans, il n'aura plus de pêche. Eh bien, durant 35 des 50 dernières années, nos stocks de morue du Nord se situaient entre 260 000 et 300 000 tonnes. Aujourd'hui, ils se situent à 2 000 tonnes. Je suppose que je pourrais dire : si, au cours des 70 prochaines années, nous larguons autant de bombes atomiques qu'au cours des 70 années précédentes, alors, deux villes de plus seront détruites; ce serait rigoureusement vrai, mais je ne sais pas à quel point ce serait pertinent, et je crois vraiment que tout cela repose sur une prémisse assez chancelante. De toute évidence, nous avons certains problèmes à régler, mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire de se munir d'affiches et d'aller annoncer à tous que « la fin du monde est proche ».

Voilà les observations que je formulerais pour partir le bal. Encore une fois, merci de l'occasion qui m'est ainsi offerte.

Le sénateur Baker : Monsieur McCurdy, les observations que vous avez formulées au sujet des modifications récemment annoncées nous intéressent particulièrement. Selon vous, si un bateau est condamné pour déclaration erronée, il est renvoyé à son port. Nous parlons ici d'un bateau étranger qui se trouve au nez, à la queue des Grands Bancs ou au Bonnet Flamand. Après avoir exploré la question plus à fond, nous avons découvert que, comme vous aviez raison de le faire remarquer, il y a une lacune au sens où les mesures correctives ne sont pas nécessairement prises : le port demande au commandant de justifier toute prise additionnelle qui se trouve à bord et, dans la mesure où le commandant peut prouver qu'il s'est trouvé dans une autre zone de pêche avant ou après, l'affaire tombe. Nous avons lu le procès-verbal de la réunion scientifique tenue en juin 2006 à Copenhague, je crois, et la plupart des points statiques qu'a soulevés la délégation canadienne pour s'opposer à ceci ou à cela et pour essayer d'obtenir de meilleures mesures ont été renvoyés à l'assemblée générale de septembre. À l'assemblée générale en question, il y a eu adoption de ces mesures prétendument positives de la part de l'OPANO. Êtes-vous d'accord jusqu'à maintenant?

M. McCurdy : Oui.

Le sénateur Baker : En faisant enquête sur les mesures positives en question, nous avons découvert que, si jamais il y a un problème touchant le système de surveillance des navires qui se trouve à bord du bateau d'un pêcheur terre- neuvien, il doit revenir au port pour le faire réparer; s'il ne le fait pas, on porte des accusations. Cependant, si les étrangers ont un problème, aucune telle exigence ne s'applique à eux; ce n'est pas une déclaration erronée qui ferait qu'ils seraient contraints de retourner à leur port d'attache ou de gagner le port le plus proche. Autrement dit, les inspecteurs canadiens peuvent constater que le SSN est défaillant, mais cela n'oblige pas le bateau étranger à rentrer au port. Mieux encore, nous avons découvert que les observateurs ne peuvent être contraints à témoigner devant un tribunal. De fait, convoquer ainsi l'observateur, pour asseoir la preuve, n'est pas et ne sera pas l'usage. Nous avons également découvert que, comme vous l'avez souligné il y a une minute, les peines ou sanctions imposées par l'État du pavillon ne sont garanties d'aucune façon.

Les mesures dont vous parlez s'appliquent aux pêcheurs canadiens que vous représentez : si le SSN d'un Terre- Neuvien est défaillant, il est inculpé et doit revenir au port; l'observateur est appelé à témoigner contre lui devant le tribunal. En droit, il existe des peines très sévères qui s'appliquent à votre pêcheur. Néanmoins, les bateaux étrangers, au large, y échappent. Comme pouvons-nous vraiment parler de progrès à ce moment-là?

M. McCurdy : J'imagine qu'il faut mesurer le progrès des choses d'après ce qui était là avant. Comme les mesures d'exécution en question sont de nature très technique, pour évaluer de telles propositions, je m'adresse généralement aux responsables de l'exécution au MPO. J'ai voyagé abondamment et j'ai lié connaissance avec bon nombre des gens qui sont directement responsables de l'exécution au MPO. Bon nombre d'entre eux, dont certains sont originaires de Terre-Neuve, m'apparaissent être des fonctionnaires dévoués; ils tiennent tout autant que vous et moi à appliquer un régime efficace et à mettre le grappin sur ceux qui font cela. D'habitude, je m'entretiens avec ceux qui me paraissent être tout à fait compétents et je leur dis : « Écoutez, de votre point de vue, pour que vous puissiez faire votre travail, qu'est-ce qui est le mieux : ceci ou cela? »

À mon avis, le programme des observateurs n'aurait fonctionné efficacement que si nous avions eu des observateurs canadiens, mais il s'est avéré que, à bord de certains bateaux, les observateurs étaient essentiellement des membres de l'équipage. De même, comme vous l'avez dit, il y a cette lacune au sens où, dans plusieurs pays d'Europe, le tribunal ne peut contraindre les observateurs à témoigner. Il existe donc de véritables lacunes. J'ai donc jeté un coup d'œil du côté de l'exécution de la loi, pour voir si nous allions trouver mieux.

Renvoyer un bateau au port est un acte significatif : si vous limitez la pêche, c'est une véritable pénalité que vous imposez, surtout si vous le faites pendant le voyage de pêche lui-même. C'est peut-être une façon un peu curieuse d'imposer une sanction, mais ce n'est pas mal. Imaginez que je me dirige en voiture vers Port aux Basques, mais que je me fais arrêter à Clarenville pour excès de vitesse et renvoyer à St. John's pour régler la question; même si je réussis à m'en tirer sans contravention, c'est quand même un coup assez dur : je devrais refaire le chemin jusqu'à Clarenville pour reprendre la route, là où j'étais au départ. C'est une conséquence qui me paraît avoir un effet salutaire.

Je peux seulement présumer que, si le SSN d'un bateau est défaillant, c'est un signe sans équivoque. Le Canada a bien sous son autorité les navires patrouilleurs : je présume que nos autorités arraisonneraient un bateau dont le SSN ne fonctionne pas. J'espère que, tout au moins, cela servirait à compliquer la vie des gens en question.

De fait, les Portugais sont d'avis que nous les persécutons en arraisonnant à répétition leurs bateaux, entre autres. C'est pourquoi j'ai dit à propos de ces mesures qu'il faut encore voir si elles se justifient. Je ne sais pas jusqu'à quel point elles seront efficaces. Je ne suis pas encore tout à fait prêt à crier victoire. Je crois qu'il est possible de mieux faire respecter la loi. Disons-le autrement : les gens qui s'occupent de faire respecter la loi croient que c'est possible. À mon avis, seul le temps nous permettra de le savoir.

Le sénateur Baker : Monsieur McCurdy, je voudrais vous lire une phrase qui est tirée du site Web de l'OPANO. Cette phrase me scandalise. Soit dit en passant, il y a quelque chose d'autre, une chose que j'ai apprise hier, qui m'a scandalisé : je ne savais pas que nos bateaux de 65 pieds draguaient autre chose que la crevette. Je ne savais pas que des usines de transformation vivaient du poisson de fond pêché par dragage. Je croyais que c'était fini, mais on drague bel et bien du poisson de fond. Je croyais que les seuls cas autorisés étaient ceux où les bateaux de 65 pieds prenaient de la crevette dans des zones définies. La deuxième chose qui m'a étonné au plus haut point, nous l'avons entendue hier de la part d'un témoin. Quelqu'un a entendu dire à l'émission Fisheries Broadcast, à la radio, qu'il y avait des quotas de dragage dans le golfe du Saint-Laurent. Le saviez-vous? Il a été question de 409 tonnes métriques dans les secteurs 4R et 4S, dans le golfe du Saint-Laurent, qui auraient été assignées à une flotte mobile au large. Les gens devaient s'adresser à vous pour avoir à bord des pêcheurs côtiers, de façon à pouvoir avoir accès aux quotas — il était entendu qu'ils recouraient à des pêcheurs côtiers auxquels il reste une part de quota après un certain nombre d'années, mais auxquels on n'avait jamais enlevé les droits de pêche sur les secteurs 4R, 4S et 4PN au large de Port aux Basques, à quelque 60 milles des berges.

M. McCurdy : Les secteurs adjacents à Terre-Neuve dont il est question ici sont les secteurs 4R et 3PN.

Le sénateur Baker : Ce sont donc les secteurs 3PN, 4R et 4S, dans le golfe du Saint-Laurent. Avant d'aborder la question qui m'étonne au plus haut point, puis-je demander à tous de répondre à cette question? Y a-t-il des bateaux qui draguent dans le Golfe? Y a-t-il des quotas de dragage dans le Golfe, dans le cas du poisson de fond? Nous le savons déjà, puisqu'on nous a prouvé qu'il existe des quotas de dragage qui servent à alimenter certaines usines de transformation sur la côte sud, mais ceci s'ajoute à l'ensemble. Pourriez-vous nous en parler?

M. McCurdy : De fait, je suis un peu étonné de constater que vous ne le saviez pas. Ce sont des chalutiers qui prennent, par exemple, la limande à queue jaune, qui n'a pas été prise cette année pour des raisons d'ordre économique. La perche de mer, que l'on prend par chalutage pélagique, et quelques autres espèces sont prises en quantités relativement mineures par des chalutiers hauturiers.

Le sénateur Baker : Des chalutiers hauturiers qui font un travail côtier, c'est-à-dire à l'intérieur de la zone des 200 milles?

M. McCurdy : À l'intérieur de la zone de 200 milles, oui.

Le sénateur Baker : Je ne le savais pas.

M. McCurdy : À propos du secteur 4R, au moment du moratoire, le ministre à l'époque, M. Tobin, ou peut-être était-ce M. Crosbie, avant lui — il y a quelques ministres qui ont dit cela — a annoncé que, une fois rétablis les stocks de morue du Nord, les premiers quotas seraient alloués au secteur côtier. Il n'y a jamais eu d'annonces correspondantes en ce qui concerne le secteur 3PS, le Golfe ou quelque autre secteur. L'annonce portait uniquement sur les secteurs 2J et 3KL. Par conséquent, au moment où la pêcherie du Golfe a été relancée de façon très modeste, certaines entreprises ont obtenu des quotas. Nous avons fait valoir que les pêcheurs côtiers locaux devaient pouvoir accéder à ce quota. Les autorités n'ont jamais été tout à fait d'accord. Elles n'étaient pas prêtes à affirmer qu'il y avait là allocation de la ressource. Certaines années, elles ont bien décidé de limiter l'équipement que l'on pouvait employer au filet maillant et à la palangre. Nous nous sommes adressés aux entreprises détenant les quotas en fragments dans le Golfe et leur avons dit : « Écoutez, nous aimerions nous entendre avec vous pour que ce quota puisse être pris par les petites embarcations, celles qui ont moins de 65 pieds — la plupart dans le Golfe ont moins de 35 pieds — et le livrer pour transformation à votre usine. » Au cours des quelques dernières années, nous avons négocié ce genre d'entente pour que les possibilités de pêche soient un peu plus grandes pour la flotte de pêche côtière dans le Golfe.

Il y a 400 tonnes qui sont attribuées aux chalutiers de moins de 65 pieds. En vérité, c'est un élément du programme scientifique dans le Golfe et ça fait partie intégrante du plan. Par exemple, ils effectuent des pêches de relevé. Une des difficultés auxquelles nous faisons face, c'est que même si les taux de prise dans le Golfe l'an dernier ont été phénoménaux — où que vous vous installiez, les taux de prise étaient exceptionnels, comme on n'en avait pas vu depuis très, très longtemps —, les conseils scientifiques sont d'avis que les stocks demeurent très faibles. Il n'y a pas un pêcheur dans le Golfe qui croit à cela. Nous avons donc les pêches dites indicatrices, qui existent depuis 12 ans. Il s'agit de fournir des données supplémentaires et de faire participer les pêcheurs à la démarche scientifique, plutôt que de se fier simplement à l'analyse informatique du milieu scientifique, qui, pour être franc, ne nous a pas très bien servis dans le passé. Vous serez heureux d'apprendre que, en 2006, c'est le taux de prise le plus élevé qui a été enregistré depuis 12 ans pour les engins mobiles, la pêche à la palangre et les filets maillants. Les stocks reviennent en force.

Le sénateur Campbell : Je crois que vous êtes le seul à avoir félicité le MPO de son travail d'exécution de la loi, et je suis d'accord avec vous sur ce point. Si nous estimons que, logiquement, toutes les collectivités aimeraient qu'il y ait un plus grand nombre de policiers qui patrouillent les rues, ne serait-il pas logique d'accroître le nombre d'agents d'exécution et de bateaux patrouilleurs? Je crois que les autorités ont affirmé qu'il y en avait deux en service à peu près tout le temps. Compte tenu du secteur qu'ils ont à couvrir et du nombre de bateaux de différents pays qui se trouvent là, voilà une tâche impossible.

M. McCurdy : On n'a jamais trop d'agents d'exécution. Certaines des personnes qui font concrètement ce travail de surveillance et certains responsables de haut rang m'ont dit qu'il y a des bateaux qui se conforment assez bien à la loi et qui ne posent pas un grand problème : les agents y font une inspection de temps à autre. Il y en a d'autres encore qui sont reconnus comme posant davantage de difficultés. Comme un policier qui a patrouillé un secteur où quelques-unes des rues posent plus de difficultés, les agents passent probablement un peu plus de temps à surveiller ces bateaux-là. Il y a des cas où il ne faudrait même pas tourner le dos pendant une seconde ou deux : il y aura tricherie. Les responsables de l'exécution m'ont dit que la surveillance supplémentaire a permis d'accroître sensiblement leur capacité de faire leur travail. Je suis sûr qu'ils diraient tous : donnez-nous en plus. Je ne laisse pas entendre que c'est suffisant. Si on regarde les statistiques concernant l'ampleur de l'activité enregistrées depuis mai 2004, on constate qu'il y a eu amélioration. Je dirais que le temps de patrouille supplémentaire est une amélioration et, vraiment, je félicite d'abord et avant tout les gens à bord de ces bateaux, qui font un travail ingrat.

Le sénateur Campbell : On ne se trompe pas en disant que nous n'allons récupérer ni le Bonnet Flamand, ni le nez ni la queue, n'est-ce pas?

M. McCurdy : L'avenir nous le dira, mais j'espère que vous avez tort.

Le sénateur Campbell : Je l'espère moi aussi et j'ai déjà proposé une façon de s'y prendre — tant pis pour la Cour internationale de Justice —, mais si nous ne les récupérons pas, nous allons devoir faire vraiment de la répression et devenir l'animal qu'on craint le plus dans le secteur... car, d'après tout ce que j'entends dire, nous n'allons pas les récupérer. Êtes-vous d'accord?

M. McCurdy : Qui sait ce qu'il en adviendra, mais, certes, il n'y a à l'horizon rien qui me pousse à croire que ce ne serait pas le cas.

Le sénateur Campbell : La « pêche fondée sur les droits », voilà qui induit en erreur, n'est-ce pas? La pêche fondée sur les droits n'a rien à voir avec les droits.

M. McCurdy : Non, il s'agit de privatisation.

Le sénateur Campbell : Tout à fait.

M. McCurdy : Il y a un point de vue selon lequel il suffit d'attribuer une valeur commerciale à quelque chose et de l'échanger à la Bourse, à la manière de contrats à terme de flancs de porc. Personnellement, je suis d'avis que les droits de pêche renvoient à l'héritage des gens des localités côtières; ce n'est pas un truc qu'on va brader à la Bourse.

Le sénateur Campbell : La meilleure façon de le dire, c'est de dire que c'est comme acheter un permis de taxi à Vancouver.

M. McCurdy : Si vous voulez voir le gâchis qu'on peut faire en gérant une pêcherie de cette manière-là, allez voir ce qui se passe sur la côte de la Colombie-Britannique. La gestion des pêches intérieures en Colombie-Britannique est une catastrophe canadienne confirmée.

Le sénateur Campbell : C'est une catastrophe confirmée parce que tout cela est fondé sur la somme d'argent que vous êtes prêt à payer pour obtenir le permis. Votre poisson ne vaut rien. Votre permis vaut l'argent que vous déboursez. Les permis se vendent à 250 000 $ l'unité. Ils sont échangés ou vendus. C'est à cela que je voulais en venir ce matin. Il est impossible de s'engager dans le domaine des pêches en Colombie-Britannique. Ce serait impossible, à moins de disposer de 250 000 $ pour se procurer un permis.

Au Labrador, nous avons discuté des possibilités pour les jeunes de demeurer au village de pêcheurs et de demeurer dans la collectivité, et de devenir pêcheurs, plutôt que de devoir s'exiler à Fort McMurray pour aller travailler, par exemple. Comment s'engager dans un secteur des pêches fondé sur les droits? Il n'y a pas de droits qui interviennent dans le dossier. Vous ne pouvez dire : « si je peux m'acheter un bateau, je peux aller à la pêche. » Voilà des droits. La façon actuellement envisagée, c'est la privatisation.

M. McCurdy : Il y a en Colombie-Britannique des pêcheries où plus de la moitié de la valeur des prises sert à couvrir l'achat du permis. À mon avis, le ministère des Pêches et des Océans devrait délivrer le droit de pêcher et non pas le droit de spéculer sur les droits de pêche; or, c'est ce qui se produit quand on applique les régimes d'ici fondés sur les droits. C'est vraiment le fait que des personnes autres que les pêcheurs eux-mêmes tirent des bénéfices des ressources qui vient diluer les retombées du secteur pour ceux qui, dans les faits, prennent le large et vont se mouiller.

Le sénateur Campbell : Un autre témoin nous a parlé de la vente de permis. Par exemple, je détiens un permis moi- même, moi qui habite à Palm Springs. Je vous donne mon permis, vous me le payez, et je touche un pourcentage. C'est la même chose si je possède une terre agricole que je loue. Je ne cultive rien, je loue ma terre, et c'est exactement ce qui passe dans le cas des permis. Ce sont les grandes entreprises qui finissent par détenir les permis et qui déterminent quelle voie vont prendre les pêches et qui y participera, et quel prix elles vont payer et quelle part vous sera due à vous. La pêche fondée sur les droits n'a rien de démocratique.

M. McCurdy : Je ne contesterai rien de tout cela. Je suis d'accord.

Le sénateur Johnson : Monsieur McCurdy, nous avons beaucoup entendu parler de l'OPANO depuis quelques jours. Vous en avez été commissaire. Pouvez-vous nous dire en quoi cela consiste?

M. McCurdy : Que je sache, la distinction qu'il faut faire entre un commissaire et n'importe quel autre conseiller de l'industrie au sein d'une délégation du Canada ou d'un autre pays, c'est que nous, nous sommes installés à la table d'honneur et avons droit peut-être à une bouteille d'eau, alors que les personnes en arrière ont peut-être seulement droit à de l'eau du robinet. À part cela, en vérité, les décisions se prennent sous la direction d'un ministre dont le seul contact à l'assemblée de l'OPANO est le chef de la délégation, qui est un fonctionnaire, et il y a généralement deux représentants de l'industrie qui agissent théoriquement à titre de conseillers supérieurs — et je ne sais pas très bien jusqu'à quel point nous sommes supérieurs, pour dire la vérité. Ce n'est pas le poste le plus prestigieux que j'ai eu à occuper, disons-le de cette façon.

Le sénateur Johnson : Est-ce efficace? L'OPANO a-t-elle suffisamment de mordant pour gérer les pêches dans le contexte du développement durable? Plusieurs témoins ont fait valoir l'inverse ce matin, surtout du côté scientifique, où les gens croient que l'OPANO a échoué et que même les réformes sont insignifiantes?

M. McCurdy : À mon avis, il ne serait pas injuste d'affirmer que, jusqu'à maintenant, l'OPANO a échoué lamentablement. Je crois que les stocks de turbot représentent un exemple récent de cet échec. J'espère n'avoir pas fait croire que les changements en question permettaient de résoudre subitement le problème. Je crois qu'ils serviront à combler certaines des lacunes à l'OPANO, mais je ne suis pas convaincu. C'est seulement dans la mesure où le Canada est vraiment apte à faire respecter la loi que nous allons vraiment connaître davantage de succès. Ce n'est pas parfait non plus, mais, tout au moins, c'est ce que nous pouvons faire de mieux quel que soit le régime adopté. Peut-être que certains des changements en question seront utiles. Je crois que certains d'entre eux présentent des possibilités intéressantes, mais, jusqu'à maintenant, cela n'a certainement pas fonctionné — et les changements ne m'ont pas encore emballé, puisqu'il faudrait voir encore qu'ils fonctionnent.

Le sénateur Johnson : À quoi vous attendez-vous à l'avenir? Sommes-nous seulement sur la bonne voie avec la réforme?

M. McCurdy : Vraisemblablement, les choses vont s'aggraver encore à l'avenir, mais peut-être s'aggraveront-elles de façon plus contrôlée et peut-être verrons-nous même quelques améliorations. Par exemple, qu'est-ce qui se passerait s'il y avait un plus grand volume de poissons? En ce moment, dans la zone de réglementation de l'OPANO, le nombre de poissons n'a rien pour enthousiasmer les gens, de sorte que c'est facile. Il me semble que le moment est bien choisi pour faire des progrès à cet égard : les gens ne sont pas atteints au portefeuille si vous le faites, et il n'y a pas grand-chose en jeu. Je vous dirais : resserrez les choses autant que vous le pouvez dès maintenant, pour qu'il y ait déjà en place des règles assez rigoureuses au moment où le poisson reviendra.

À mes yeux, il y a une sorte de nuage noir à l'horizon dont il faut tenir compte et qui pourrait représenter un jour une grande difficulté, et cela me paraît être une raison pour tous les pays membres de l'OPANO d'essayer de resserrer le régime : c'est l'idée que la Chine envisage sérieusement d'aller pêcher dans ces eaux-là.

Le sénateur Baker : Monsieur McCurdy, comme vous le savez, le sénateur Adams représente le Nunavut. Il a posé une question simple à laquelle je ne suis pas en mesure de répondre; peut-être êtes-vous en mesure de le faire. Si on regarde une illustration des bateaux qui s'adonnent à la pêche tel ou tel jour donné, on constate que le Canada est loin d'être aussi actif que l'Union européenne, l'Espagne, la Russie, le Portugal, l'Islande, l'Estonie, les îles Féroé et le Danemark, la Norvège, la Lituanie, la Lettonie. Il y en a quelques-uns qui sont moins actifs que le Canada : l'Ukraine, la Pologne et l'Allemagne comptent moins de bateaux que le Canada. Le site Web de l'OPANO le montre de façon tout à fait criante : les pêches de l'OPANO ciblent environ 25 pêcheries commerciales, dont 11 sont gérées par l'OPANO. Les prises sont signalées à l'OPANO et publiées sur le site Web quand elles deviennent publiquement accessibles, soit environ un an plus tard. Bon, 25 espèces commerciales sont ciblées, dont 11 qui relèvent de la gestion de l'OPANO sur la plate-forme continentale de Terre-Neuve. Pouvez-vous expliquer cela? S'il y a 11 espèces qui sont gérées, 14 espèces sont ciblées sans être gérées. Est-il question du grenadier de roche, de la grande argentine et de ces espèces?

M. McCurdy : Je ne sais pas. Je présume que ce sont des espèces dont l'intérêt commercial est relativement faible, mais je ne saurais répondre à la question. Je n'ai jamais vu cette illustration, mais je soupçonne qu'il s'agit de la présence de bateaux dans la zone de réglementation de l'OPANO. Pratiquement tous les quotas canadiens de l'OPANO portent sur une pêche qui se pratique à l'intérieur de la zone des 200 milles, qui ne fait pas partie de la zone de réglementation et qui ne se trouve donc pas dans cette illustration. Par exemple, dans le secteur 3L, toutes nos crevettes sont pêchées à l'intérieur de la zone.

Le sénateur Baker : La question du sénateur Adams portait sur les 14 espèces qui ne sont pas gérées par l'OPANO. Si un pêcheur canadien voulait en prendre, il lui faudrait un permis du MPO, alors que les étrangers peuvent en prendre et se concentrer sur ce poisson sans détenir un permis. Je ne pouvais lui expliquer quelles sont les 14 autres espèces que l'OPANO cible mais ne gère pas.

M. McCurdy : Cette réponse me rend perplexe. De la façon dont j'ai compris les choses, un permis de pêche au poisson de fond vous permet de pêcher du poisson de fond, exception faite de quelques espèces de poissons de fond où la pêche comporte des exigences particulières en plus — et s'il y a des stocks de poissons de fond qui ne sont pas visés par un quota, le détenteur de permis de pêche au poisson de fond a le droit de les pêcher. Il y a bien dans nos eaux des stocks relativement mineurs qui ne font pas l'objet d'un quota. La réponse donnée me paraît déroutante. Je ne sais pas très bien de quels stocks on parle.

Le sénateur Baker : Oui, mais qu'advient-il si vous n'avez pas de permis de pêche au poisson de fond? Le sénateur Adams parlait de l'idée de s'engager dans la pêcherie. Les pêcheurs du Japon, de la Pologne ou de la Lituanie peuvent se lancer et pêcher ce poisson, mais quelqu'un qui vient du Nunavut ou de Terre-Neuve ne peut pas. C'est ce qu'il voulait dire. Nous gérons et contrôlons toutes les espèces prises, alors que l'OPANO ne fait pas ça. La question des 14 espèces me rendait perplexe. En tant que commissaire de l'OPANO, le fait que cela se trouve sur le site de l'OPANO vous déroute aussi. Je n'en ai jamais entendu parler avant.

M. McCurdy : Je l'apprends moi-même. Je peux seulement présumer que ce sont des espèces qui présentent un faible intérêt commercial.

Le sénateur Baker : Oui, comme certaines espèces qui sont maintenant en voie d'être gérées.

M. McCurdy : Certaines ont commencé à être gérées récemment; d'autres échappent encore à la réglementation.

Le sénateur Baker : Pourquoi est-ce que, dans le cas de toute nouvelle espèce visée par la réglementation, la raie, par exemple, le Canada en obtient très peu par rapport à ce qui est attribué aux étrangers? Y a-t-il une formule qui s'applique qui fait que, dans le cas d'une nouvelle espèce visée par la réglementation, le Canada n'obtient que des miettes?

M. McCurdy : Non, il n'y a pas de formule. Pour répondre brièvement, je dirais que, en l'absence de réglementation, les gens pourraient y voir l'occasion de pêcher des espèces visées par le moratoire, et qu'il s'agit plutôt de combler une lacune, à mon avis. Auparavant, les gens invoquaient ces espèces pour pouvoir s'adonner à la pêche en eau peu profonde, ce qui, à ce moment-là, donnait une pêche illimitée à la raie, et les gens des bateaux étrangers qui souhaitaient le faire faisaient semblant de pêcher les espèces en question alors que, en réalité, ils étaient là pour prendre de la plie ou de la morue, par exemple.

Le président : Monsieur McCurdy, merci beaucoup d'être venu et d'avoir parlé avec tant de clarté et de franchise, de vous être joint au débat sur certaines questions. Nous l'apprécions : ça nous sera utile au moment de nous décider à propos de notre rapport final.

M. McCurdy : Merci.

Le président : Sénateurs, nous avons entendu tous les témoins invités; maintenant, nous allons inviter les gens qui souhaitent présenter un exposé à se manifester. J'ai ici une liste des personnes qui se sont inscrites. Je vous demanderais de vous en tenir à trois minutes, si c'est possible.

Julie Huntington, Newfoundland and Labrador Coalition for Healthy Oceans, à titre personnel : Merci de prévoir du temps pour que les gens puissent prendre la parole. Je suis militante écologiste. Quant à mon expérience personnelle, j'ai pêché au chalut de fond en Australie pendant cinq ans, puis j'ai vendu des permis de pêche et des bateaux de pêche. Je pouvais contourner toutes les règles appliquées au chalutage dans le Sud-Est, en Australie, et en faire quelque chose de profitable pour les pêcheurs qui achètent les permis d'autrui et qui se montent des quotas. Je sais qu'il est très difficile de gérer une pêcherie : les pêcheurs et les gens qui vendent des permis de pêche peuvent toujours contourner les règles mises de l'avant.

J'aimerais vous parler du projet de moratoire provisoire sur la pêche au chalut de fond en eaux internationales qui se trouve devant l'ONU en ce moment. Je suis en faveur d'une suspension temporaire du chalutage de fond en eaux internationales pour assurer la protection d'habitats délicats. À Terre-Neuve et au Labrador, nous avons fait des océans une source de nourriture et un lieu d'activités pendant des centaines d'années. Nous savons que, en l'absence d'une protection environnementale, l'habitat des poissons et les zones délicates peuvent être détruits et prendre des années à se rétablir, ou peut-être ne jamais se rétablir, de notre vivant.

En tant que citoyens du monde, nous devons agir de manière responsable. Nous devons penser à autre chose que nos propres zones de pêche. Voici que nous avons l'occasion de protéger des zones vulnérables en eaux internationales, que nous pouvons éviter qu'elles soient détruites. Nous pouvons le faire en appuyant une résolution vigoureuse des Nations Unies sur le chalutage de fond en eaux internationales.

Le moratoire proposé ne touche pas la gestion des pêches à l'intérieur de la zone de pêche exclusive du Canada. Nous y gérons déjà notre pêcherie, y compris la zone de chalutage de fond et les engins et différents types de pratiques qui s'y emploient, même si d'aucuns diraient peut-être qu'il nous faudrait un plus grand nombre d'observateurs et d'agents des pêches.

En appuyant le moratoire international sur le chalutage de fond, le Canada montrerait que nous reconnaissons la nécessité de travailler de concert avec d'autres pays afin de gérer efficacement les écosystèmes vulnérables en haute mer, par exemple les coraux et les zones sensibles comme celles des montagnes sous-marines.

Sénateurs, vous qui représentez les citoyens du Canada, je vous demande d'allier le geste à la parole, d'appuyer publiquement cette suspension internationale du chalutage de fond. C'est une question qui finira par nous toucher, que nous choisissions de participer ou non au moratoire sur le chalutage de fond. Cela nous touchera parce que les écosystèmes qui se trouvent à l'intérieur de notre zone et ailleurs dans le monde sont liés entre eux. C'est là le fondement de l'approche écosystémique de gestion; même les activités qui ont lieu en dehors de nos eaux territoriales peuvent avoir et ont bel et bien de nombreuses conséquences environnementales dans nos eaux à nous. Il nous faut du temps pour connaître et protéger les habitats vulnérables. En appuyant le projet de moratoire des Nations Unies sur le chalutage de fond en haute mer, nous pouvons le faire.

Le président : Madame Huntington, merci beaucoup d'avoir présenté cet exposé et d'avoir respecté la limite de temps accordée.

J. Leonard Barron, à titre personnel : Sénateurs, pour la majeure partie de ma vie, j'ai travaillé dans l'industrie du papier à titre de surveillant principal; bon nombre des principes que j'y ai appris s'appliquent à d'autres industries.

À la suite d'une catastrophe dans l'industrie du papier, il y a toujours une enquête qui est effectuée et qui vise à déterminer les causes de l'incident ainsi qu'à formuler des recommandations pour que cela ne se reproduise pas. La plupart du temps, les recommandations circulent au sein de l'industrie.

La perte de nos stocks de poisson de fond n'a fait l'objet d'aucune enquête détaillée visant à relever les événements associés à l'effondrement. À moins que cela ne soit fait, il n'y aura jamais de programme qui conduira vraiment au rétablissement des stocks. Cela fait 14 ans que nous avons dû appliquer un moratoire.

Quand le sénateur George Baker était président du comité des pêches de la Chambre des communes, il a annoncé son intention de procéder à une telle enquête. Cependant, à cause de très vigoureuses objections provenant de l'industrie et de la bureaucratie fédérale, le premier ministre Chrétien lui a retiré sa place au comité des pêches. C'était en 1995. Avec le temps qui passait et le personnel qui changeait à la fois au sein de l'industrie et au sein de la bureaucratie, il faudrait un nouvel effort pour que soit mis sur pied un programme de rétablissement des stocks.

Il existe de nombreux facteurs qui interviennent sur le rétablissement en question, dont l'ampleur de la surpêche à laquelle peuvent s'adonner les Canadiens et les étrangers. Est-ce qu'il y avait des contrôles en place avant 1992? Le cas échéant, quel était leur degré d'efficacité? La quantité de gaspillage tolérée avec les procédés propres au chalutage représente un autre facteur. Il y a à peu près trois mois, le Telegram, notre journal local, révélait que nos chalutiers crevettiers présentent un taux de rejet de 15 p. 100. C'est ce qui est ramassé, puis jeté parce que le poisson a suffoqué ou a été écrasé dans le filet. Les équipages de crevettiers locaux me disent que, lorsqu'ils prennent du poisson de fond, ils peuvent en jeter jusqu'à 30 p. 100, de façon à en arriver à un rendement qui est très intéressant du point de vue financier.

Il y a la taille des mailles des filets des chalutiers dont il faut tenir compte aussi, mais je voudrais porter à votre attention le fait que, quelle que soit la taille des mailles, une fois qu'un gros poisson est pris dans le filet, il se comporte comme un matériau filtrant et retient toutes les matières solides qui se trouvent sur le chemin du filet. Quand la maille est grande, cela a principalement pour effet de prolonger la durée de l'effort de pêche que doit déployer l'équipage du chalutier pour se faire un chargement complet.

Puis, il y a le coût élevé en capital des chalutiers-usines. Selon les estimations, l'Estai, que nous avons arrêté, coûte environ 35 000 $ par jour de pêche. Comme ce coût est élevé, les équipages sont fortement incités à prendre un chargement complet dans le délai le plus bref possible — et plus le chargement du chalutier se fait rapidement, mieux il est en mesure d'aller déposer son chargement au port pour revenir en mer.

Les autres facteurs dont je veux parler ont trait à l'environnement. Ils n'ont jamais été mesurés, comme on l'a dit, et il y a aussi l'estimation des stocks. Cela s'est fait de très, très piètre façon. Les chiffres employés par le MPO n'ont aucune justification mathématique. Les Norvégiens ont eu à composer avec un effondrement des stocks de poisson au début des années 80, et leurs stocks se sont rétablis. Il y a là une leçon à tirer, et nous devrions examiner de manière approfondie ce qu'ils ont fait pour que leurs stocks de poisson se rétablissent.

Puis, bien entendu, il y a la question de la gestion axée sur la conservation. Je ne dirai rien à ce sujet, car c'est une idée que j'appuie sans réserve.

Carl Powell, à titre personnel : J'ai apporté une carte que j'ai fabriquée moi-même à la maison pour illustrer les points que je veux soulever à propos des problèmes graves que je constate dans l'océan, près de notre province. Je commencerai ici, là où le Québec a modifié la frontière Québec-Labrador en la portant jusqu'au bassin de la rivière Churchill. Il a fait ça autour de 1999 et, maintenant, cela se trouve dans toutes les publications gouvernementales, particulièrement au Québec. Les sociétés minières internationales, celles qui exploitent des mines de diamant, qui exploitent les mines et les forêts se servent de cette carte, et notre gouvernement provincial dit que ce n'est pas un problème. C'est une façon très simple de réagir à la question, mais cela comporte des conséquences pour les pêches. Il y a là les cinq grandes rivières, d'abord la Romaine, où il y a maintenant cinq centrales hydroélectriques en voie de construction, et Jean Charest a annoncé que le prochain projet sera celui de la rivière Mecatina. Si les eaux d'amont demeurent au Québec, pas de problème, mais si elles se trouvent encore au Labrador, cela aura une grande incidence sur le poisson anadrome qui remonte la rivière, par exemple le saumon, le gaspareau, l'alose et la truite mouchetée. Cela a aussi une grande incidence sur la salinité et le taux de pH de l'eau, car il s'agit d'eau salée assujettie aux sécheresses et aux inondations que suppose le fonctionnement des centrales hydroélectriques. À moins d'y aménager des échelles à poissons, il n'y a rien qui pourra remonter la rivière. C'est une mesure très importante que le Québec a adoptée unilatéralement et, apparemment, il s'agit maintenant d'un fait accompli.

J'ai vu cela dans de nombreuses publications canadiennes. Je regarde la carte : on dit que cette frontière-ci marque le territoire revendiqué par le gouvernement fédéral. Je n'arrive pas à découvrir ce que cela veut dire. Voici ce que revendique le Québec. De fait, le bassin hydrographique touche au bassin hydrographique du cours inférieur du fleuve Churchill. Ici, en bas, il y a une ligne qui part de la baie des Chaleurs et qui sort ici, si vous voyez. Je peux vous laisser cette carte. La ligne en question descend jusqu'aux Îles-de-la-Madeleine; c'est le gisement d'Old Harry. Un gisement très riche en hydrocarbures et en minéraux. Ça se rend ici à côté du cap Anguille, de Port aux Basques, ça monte pour couper ensuite une ligne, en dessous, à 10 milles de la partie rectiligne de la frontière — le petit segment entre les deux lieux, là, et ce n'est qu'à 25 milles environ de Port-au-Choix.

Si vous allez voir une société pétrolière ou une société internationale de transport maritime quelconque, et cela a été fait en 1964... et, dans le cas de notre province, vous verrez que c'est le Canada-Newfoundland and Labrador Offshore Petroleum Board. Le seul endroit où vous pouvez obtenir un permis, c'est de ce côté-ci de la ligne. Si vous essayez de l'autre côté, il faut s'adresser au Québec, qui fonctionne de manière unilatérale. J'avance que cela se fait avec l'approbation tacite du gouvernement fédéral, mais tout le monde s'en sert maintenant, même les transporteurs qui montent le Saint-Laurent utilisent cette ligne-ci.

Cela comporte de grandes conséquences, en raison de ce qu'ils font là. Corridor Resources, filiale d'une société du Texas, pratique des forages au large de l'île d'Anticosti, mais je n'arrive pas à savoir — le gouvernement pourrait peut- être le faire — ce que cela veut dire, car la majeure partie du Saint-Laurent passe ici par Port aux Basques, par North Sydney, puis ça descend ici. Il y a quelque temps, un conseil arbitral à Ottawa a modifié la frontière et l'a rapprochée de la Nouvelle-Écosse, pour que Terre-Neuve ait une plus grande aire dans les Grands Bancs à des fins de forage de puits de pétrole, et voilà un lien. J'ai lu la décision et les lois applicables, et il y a un lien avec cette ligne. Maintenant, la ligne comporte un autre aspect juridique, car si vous dites qu'elle commence ici, il faut dire que c'était en 1964, et j'avance que, d'une façon ou d'une autre, ils ont obtenu l'information de Hooker Chemical, auprès de M. Smallwood à l'époque, au moment où ils étaient à la recherche de dômes de sel et de dômes de KCl, dans le coin de St. George, où il y en a beaucoup. Ici, en bas, à Saint-Pierre-et-Miquelon, ça s'appelle « la baguette », qui ressemble justement à une baguette de pain, et ça descend jusqu'ici, mais il y a le gros qui monte là.

À l'automne, en novembre ou en septembre, Pierre Pettigrew et Paul Martin, qui était alors notre premier ministre, ont annoncé qu'ils avaient cédé à la France ce gros morceau de terre. La limite nord se trouve ici, à la limite de la zone économique de 200 milles, puis ça descend presque jusqu'à la remontée précontinentale — cela appartient entièrement à la France. Les Français s'y adonnent à la pêche, et je sais qu'il y aura beaucoup de forage de puits pétroliers, parce que, juste ici, il y a Hibernia, Terra Nova et White Rose, et, ici, la queue des Grands Bancs, et, ça ne se trouve pas sur ma carte, mais, ici, il y a le nez. Voici la pente et, ici, voici la remontée précontinentale.

Je veux simplement souligner la mauvaise affaire que nous avons faite en entrant dans la Confédération et le peu de choses que nous en avons tirées et tout ce qu'Ottawa nous a peut-être pris. À mon avis, c'est nous qui sommes à blâmer. Bien des gens se soucient du Titanic — et la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis ont formé un regroupement pour essayer d'empêcher que tout le monde puisse aller s'en prendre un morceau, car il est maintenant assez facile de s'y rendre. Vous pouvez demander à n'importe qui où ça se trouve; le navire repose ici, sur un fond marin, le long de la pente continentale de Terre-Neuve, dans les Grands Bancs, sur la queue. Voilà où se trouve le Titanic. Nous l'avons fait entrer dans la Confédération, et rare sont les gens qui le savent, sauf Bob Ballard, et c'est lui qui m'a donné ce renseignement.

Fred Winson, North-East Avalon Group, Sierra Club du Canada, à titre personnel : Je suis ici aujourd'hui pour représenter la section Avalon nord-est du Sierra Club du Canada.

Je suis historien des pêches de formation, et je suis là aujourd'hui pour appuyer le moratoire sur le chalutage de fond. Pour vous donner une idée de l'ampleur du chalutage de fond qui a été pratiqué depuis quelques années au large de Terre-Neuve, en 1973, le gouvernement fédéral a gelé à 199 le nombre de permis de pêche au poisson de fond accordés à des bateaux de plus de 100 pieds. J'ai travaillé pendant plusieurs années comme observateur des pêches. Le chalutier de pêche fraîche moyen fait environ une vingtaine de voyages par année, à raison de quelque 50 courses par voyage, et chaque course s'échelonne sur une dizaine de milles, qui consiste à tirer les filets à raison de quatre nœuds pendant deux heures et demi. Par conséquent, chaque chalutier racle les fonds marins sur quelque 10 000 milles par année. Multipliez cela par quelque 200 bateaux, et vous obtenez autour de deux millions de milles sur lesquels nous raclons le fond des Grands bancs et de la plate-forme Scotian tous les ans. Échelonnez cela sur 20 ans, de 1973 à 1992, et vous commencez à avoir une idée de l'ampleur des torts attribuables au chalutage de fond. Et nous ne parlons là que de la flotte de chalutiers de pêche fraîche en haute mer. Cela ne compte pas les bateaux de moins de 65 pieds ni les bateaux étrangers. C'est seulement pour vous donner une idée de l'ampleur du phénomène et du genre de destruction qui fait que je suis là aujourd'hui et qui a mis à genoux le secteur des pêches sur la côte est.

Nous avons presque détruit tous les stocks de poisson de fond dans l'est de l'Amérique du Nord, depuis le banc de Georges jusqu'au Labrador. Nous avons détruit pratiquement toutes les espèces. La flotte de chalutiers de pêche fraîche prend maintenant du poisson de fond à l'intérieur de la zone de 200 milles; le turbot en est un bon exemple. Ce procédé technique et cette méthode de pêche ne sont pas viables à long terme. Nous disons que, si nous fermons la pêcherie, il y aura des problèmes avec toutes les usines de transformation de la crevette. La pêche à la crevette se fait selon le même procédé technique, et elle s'effondrera. Nous ne savons pas à quel moment, mais elle s'effondrera. Ça vaut également pour le sébaste : nous sommes en train de pêcher les derniers stocks de sébaste en ce moment même. Ça vaut pour le turbot. Les stocks vont s'effondrer. Nous ne savons simplement pas à quel moment.

Le moratoire sur le chalutage de fond représente une première mesure positive du point de vue de l'écosystème de la planète. Il est appuyé par plus de 1 200 scientifiques de 62 pays. Il s'appuie sur une documentation scientifique très substantielle.

Au Canada, nous n'avons jamais étudié la question de l'habitat. L'habitat n'est pas un facteur dont on tient compte dans les plans fédéraux de gestion des pêches. Vous ne saurez trouver une seule règle dans la Loi sur les pêches qui vise à protéger l'habitat du poisson contre le caractère destructeur des techniques de pêche. Il n'y en a pas et il n'y en a jamais eu, pas même si on remonte jusqu'au début de la pêche.

Le président : Je crois que vous avez fait valoir votre point de façon très claire. Merci d'avoir respecté la limite de temps accordée.

D.H. Steele, à titre personnel : Je me suis présenté aux audiences en tant qu'observateur. Je ne m'attendais pas à donner un exposé, de sorte que ce qui suit peut être un peu désarticulé. Tout de même, je suis convaincu que ceux qui ne se rappellent pas leur histoire sont condamnés à la revivre; je vais donc faire un peu d'histoire à votre intention, car je ne suis pas d'accord pour dire que ce que j'ai entendu aujourd'hui correspond vraiment à ce que les choses ont été dans le passé.

J'ai commencé à faire des recherches sur les pêches en 1953. Je faisais notamment des recherches sur les « ping pongs », c'est-à-dire le sébaste qu'on prenait dans les Grands Bancs. C'était les petits poissons que l'on prenait en très grand nombre durant les années 50. À ce moment-là, la pêche au sébaste donnait quelque 70 000 tonnes par année, mais, à la fin des années 50, il n'y en avait plus. Du point de vue commercial, l'espèce était disparue, il en restait peut-être 1 000 tonnes par année ou moins. La pêche en question est disparue, elle n'y est plus.

Par conséquent, il n'est pas vrai que l'effondrement de la morue du Nord et de toutes les autres espèces n'ait pas eu de précédents. C'est arrivé avant, et nous aurions dû nous en souvenir, au moment de gérer la morue.

Une idée me vient à l'esprit : comme le gouvernement fédéral insiste pour dire qu'il est le seul et unique responsable de la gestion des pêches, il devrait assumer la responsabilité de l'échec. Il devrait verser un dédommagement financier aux pêcheurs qui ont perdu leur source de revenu. La pêche au sébaste aurait dû pouvoir supporter des prises de 25 à 30 000 tonnes par année jusqu'à aujourd'hui. C'est cela une gestion durable, et non pas les 1 000 tonnes ou moins que l'on prend au passage maintenant. Du point de vue commercial, cette pêche est éteinte.

Du point de vue commercial, la morue est pratiquement éteinte. Il n'y a pas de pêcherie. Nous discutons de quelques milliers de tonnes, alors que la pêche soutenait jadis de 300 000 à 400 000 tonnes. Si ces poissons étaient pris aujourd'hui, les sommes d'argent injectées dans l'économie tous les ans seraient astronomiques. Je crois que le gouvernement fédéral devrait dédommager les pêcheurs pour la perte de revenu.

L'autre point que je voulais faire valoir, c'est que la gestion des pêches devrait être assimilée à une expérience. Vous procédez là à des expériences. En science, nous procédons à des expériences. La pêche, les pêcheries, c'est une expérience. Vous faites une prévision, vous allez en mer et pêchez le poisson, vous arrivez à tel ou tel résultat. Si les résultats ne sont pas ceux auxquels vous vous attendiez, eh bien, il faut faire de nouvelles prévisions. Vous ne faites pas valoir que ces résultats sont attribuables au fait que l'eau soit froide, qu'il y ait des phoques ou à quelque autre facteur externe qui entre en jeu. Vous retournez au principe de base et vous essayez de savoir pourquoi vous vous êtes trompé.

J'ai présenté un certain nombre de communications que j'aimerais vous faire connaître.

Le président : Certainement. Merci de faire valoir ce point. Si d'autres personnes souhaitent présenter un mémoire par écrit, nous serons heureux de les recevoir.

M. Steele : J'ai écrit une demi-douzaine d'articles sur la morue du Nord et d'autres sujets.

Le président : Nous serions heureux de les avoir.

M. Steele : J'aimerais vous les faire parvenir. Je dirais que j'ai eu de la difficulté à communiquer avec le Sénat canadien. Dans Internet, je réussis seulement à obtenir des pages du Sénat américain.

Le président : Avez-vous cherché le Parlement?

M. Steele : Non, je n'ai pas cherché le Parlement. J'ai cherché le Sénat canadien.

Le président : Le Sénat fait partie du Parlement canadien. Il y a deux chambres au Parlement, la chambre basse et la chambre haute. Si vous trouvez le Parlement sur Internet, vous trouvez le Sénat, et c'est un site Web tout à fait adéquat. Nous serons heureux de recevoir vos mémoires et ceux de quiconque souhaite transmettre ses idées par écrit. Merci beaucoup.

Raymond Walsh, à titre personnel : Je pratique la pêche depuis 35 ou 40 ans. J'ai commencé à me tenir au quai quand j'avais huit ans. J'ai du mal à parler de l'état dans lequel se trouvent les pêches. Vous parlez de surpêche. Ils ont pratiqué la surpêche quand ils sont arrivés à l'île avec les goélettes anglaises et ils ont commencé à pratiquer la surpêche au large de Pound Cove. C'est là que ça a commencé. La Reine est intervenue et nous a pris, nous qui étions arrivés d'Irlande il y a 500 ans et qui en étions les propriétaires, c'est nous qui avons trouvé cette terre, et la Reine est arrivée d'Angleterre et nous l'a prise et a pratiqué la surpêche, et aujourd'hui regardez ce que ça donne. L'argent et l'appât du gain vont main dans la main. Nous n'avions jamais d'argent à l'époque. Nous ne faisions que vivre comme des Indiens. Je dis simplement que c'est comme ça que les gens vivaient. Maintenant, regardez.

Je vous le dirai : je dois avoir neuf vies comme un chat. Ils m'ont bien mis à mort six ou sept fois, et ils ont écrit un livre sur ma vie. Je ne dis pas vous. Je vous dis simplement : ah, les hôpitaux... si vous pouviez seulement consulter mon dossier et savoir ce qu'ils m'ont fait. Je ne sais pas quoi, mais je suis mort et je suis revenu à la vie parce qu'ils m'ont fait tant de choses, il y a eu des chocs électriques, parce que j'avais parlé de la pêche. Si je décide de venir ici aujourd'hui, il est déjà prévu que le policier soit là. Ils ont envoyé trois policiers m'arrêter il y a quelques soirs de cela. Ils m'ont arrêté l'an dernier, au moment où je sortais d'un café. Je ne peux pas me présenter pour parler de la pêche ou de quelque autre sujet, pour exprimer mon opinion. Chaque fois que je le fais, ils m'arrêtent. C'est pitoyable. Des policiers armés.

Pourquoi y a-t-il des policiers avec des fusils et tout le reste? C'est que les jeunes sont bien mal pris et ils sont prêts à voler, en plein comme le Mexique. Il y a un lot qui part et un lot qui revient, et nous touchons le salaire minimum, et ils prennent tous ces nouveaux et ils s'en vont prendre le pétrole. Le pétrole ne devrait jamais être là. La pêche, c'est pour la pêche. Le pétrole sort de l'eau, laissez-moi vous le dire.

Nous, pêcheurs, nous sommes nombreux, je peux vous le garantir. Je suis venu ici aujourd'hui et nous formons un groupe de 25 000 ou 40 000 ou 50 000 pêcheurs, mais, le hic, c'est que c'est du pétrole qu'il y a en mer. J'ai été à Bay Bulls, là où on s'occupe des plates-formes de forage. J'ai dit à un ami qui se trouvait à la tête de l'entreprise : « Qu'est- ce qui nous arrive si jamais il y a une fuite de pétrole dans la mer? » Il m'a dit qu'il faut présenter une demande, une demande d'assurance. Nous n'avons rien. Les pêcheurs n'ont rien. Bon, si le pétrole se déverse dans la mer pendant que je suis assis ici, qu'est-ce que les pêcheurs obtiennent? Quel est notre dédommagement? Est-ce que c'est écrit dans un livre quelque part? Je ne le vois pas. Quel est le montant de notre dédommagement? Les responsables des plates-formes de forage sont venus nous voir, ils ont rencontré les pêcheurs, ils nous ont dit : « D'accord, si nous allons chercher du pétrole en mer, voici le dédommagement que vous obtenez si jamais il y a un incident, mais c'est une poignée de gens qui, à Terre-Neuve, dirigent toute l'affaire. »

Je vous le dis : je pourrais rester ici assis, toute la journée, et parler de cela. Aujourd'hui, si je n'avais pas rencontré George Baker à l'hôtel, je n'aurais pas su qu'il y avait une réunion. Nous avons un syndicat, un comité du crabe et un comité d'action. Même mes amis du comité d'action ne m'ont pas dit qu'il y avait une audience.

Je vous dirai autre chose : je suis peut-être membre du FFAW, mais je suis d'abord et avant tout membre des teamsters. J'étais à Toronto avant d'arriver là. Je suis teamster pour la vie. Quand on est teamster, c'est comme ça. Je dis simplement cela à propos du syndicat : c'est une autre farce. Ce n'est pas une farce si vous confiez la direction à quelqu'un de compétent. Ce sont des libéraux, puis des conservateurs, des libéraux, puis des conservateurs.

Le président : Monsieur Walsh, merci beaucoup.

Voilà qui met un terme à nos audiences, aujourd'hui. Merci à toutes les personnes qui ont présenté un exposé. Je le répète : si vous avez un mémoire à nous faire parvenir, veuillez le transmettre au greffier. Nous en ferons la lecture et le prendrons en considération au moment de produire notre rapport final.

La séance est levée.


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