Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 7 - Témoignages du 29 mars 2007
OTTAWA, le jeudi 29 mars 2007
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 10 h 47, pour examiner, en vue d'en faire rapport, des questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, la réunion d'aujourd'hui a pour principal objet de poursuivre nos délibérations sur les bélugas et les personnes qui les chassent. Tout à l'heure, je vais souhaiter la bienvenue à nos invités. Auparavant, toutefois, j'aimerais que nous réglions certaines questions de nature administrative.
Nous avons reçu une lettre très positive du ministre en réponse à notre rapport sur l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, c'est-à-dire l'OPANO. Il en accepte la plupart des recommandations et il est en train d'y donner suite. Nous pouvons, en tant que comité, nous estimer très fiers de cette réussite. Je vais faire circuler la lettre que nous avons reçue hier.
Nous n'avons pas déposé notre rapport au Sénat. Il serait probablement temps de le faire. Si nous en avons le temps, je pourrais prendre la parole à son sujet aujourd'hui, ou nous pouvons attendre jusqu'au retour du congé de Pâques.
Le sénateur Baker : Monsieur le président, aujourd'hui le sénateur Watt et le sénateur Adams souhaitaient prendre la parole au Sénat au sujet d'une motion que le sénateur Adams a fait inscrire au Feuilleton concernant la pêche dans le Nord, plus particulièrement la pêche du béluga. Vous pourriez peut-être reporter votre discours au Sénat jusqu'à notre retour. Ainsi, nous pourrions y intégrer ce que sont venus nous dire les témoins d'aujourd'hui.
Le président : Je vois que le vice-président est d'accord. Nous sommes toujours désireux de rendre service au sénateur Adams et au sénateur Watt. C'est entendu.
Nous poursuivons aujourd'hui nos discussions au sujet des bélugas. Nous accueillons la délégation du Nunavik. Ainsi, nous allons entendre M. Novalinga, M. Oovaut et M. Aullaluk qui ont des déclarations à nous faire, de même que M. Kalingo. Soyez les bienvenus au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Comme vous le savez, nous avons déjà entendu les hauts fonctionnaires, qui nous ont donné une séance d'information. C'est maintenant à votre tour de nous exposer votre point de vue. Cela ne signifie pas que nos délibérations sont terminées. Notre examen de la question n'est pas fini, mais les témoignages d'aujourd'hui en représentent un volet très important. Messieurs, si vous voulez bien commencer.
M. Paulusi Novalinga, Puvirnituq, Nunavik, Québec, président, Nunavik Hunters, Fishermen and Trappers Association : Je vous remercie. Je représente le Nunavik Hunters, Fishermen and Trappers Association, c'est-à-dire l'association des chasseurs, des pêcheurs et des trappeurs du Nunavik. Je suis ici pour bien faire comprendre que le béluga n'est d'aucune façon menacé. Notre savoir traditionnel le confirme. Dans notre région, nous sommes très inquiets parce que certains de nos membres ont été accusés d'avoir trop chassé le béluga. Déjà, ils ont un casier judiciaire. On les poursuit parce qu'ils auraient trop chassé le béluga.
Nous, les Inuits du Nunavik, sommes blessés et préoccupés par le fait que certains de nos chasseurs ont été accusés d'avoir trop chassé le béluga sur notre territoire traditionnel de chasse. Pour la première fois de notre histoire, nous avons été poursuivis pour avoir chassé un animal que nous avons toujours utilisé à des fins de subsistance et de survie. Nous sommes scandalisés, puisque notre peuple, depuis ses tout débuts, a toujours chassé le béluga.
Le béluga est pour nous une source importante de nourriture dont on utilisait également, dans le passé, la peau pour faire du cuir, des vêtements et même des médicaments. On sait que cet animal est bon pour notre santé, qu'il contient des acides gras comme des oméga-3 qui sont bénéfiques pour le système cardiovasculaire.
Si l'on s'arrête à l'état de santé de mon peuple il y a vingt ans, le diabète était inconnu sur notre littoral. Puis, des quotas ont été imposés sur la chasse au béluga. Actuellement, on dénombre sur notre côte 44 cas de diabète, une maladie causée par l'abandon de notre alimentation traditionnelle. C'est un fait. La maladie est attribuable au fait que nous consommons surtout des aliments achetés en magasin, ce que nos médecins peuvent prouver.
La situation est encore plus troublante quand on note que notre peuple du Nord, notamment du Nunavut, ne s'est jamais vu imposer des restrictions de chasse. Le fait que le Nunavut est également notre territoire traditionnel de chasse la rend encore plus inacceptable.
Les bélugas de toute la baie d'Hudson se déplacent vers le Nunavik pour neuf mois de l'année. Par conséquent, il nous est inacceptable de nous faire dire que le nombre de bélugas est en baisse. Ce n'est pas le cas. En fait, leur nombre augmente. L'été, ils vont s'alimenter et mettre bas partout sur la côte nord, mais chaque année, ils reviennent au Nunavik pendant neuf mois. Par conséquent, nous nions que notre chasse est en train d'épuiser les stocks de bélugas.
Nous avons toujours eu nos propres règles, même si elles n'existent pas par écrit. Elles sont transmises de génération en génération. On nous a appris à préserver et à respecter la vie, et c'est ce que nous avons toujours fait.
Par conséquent, nous estimons que le peuple du Nunavik a été injustement traité dans ce dossier. Je vous remercie.
Eli Aullaluk, maire de Akulivik, à titre personnel :
[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
Je vous remercie. C'est pour nous un privilège de pouvoir venir ici témoigner.
Je suis chasseur. Je dépends du produit de ma chasse pour me nourrir. Quand j'étais dans le Sud, je ne pouvais habituellement pas me procurer ce genre de nourriture. Je devais donc manger au restaurant des steaks et de la lasagne. Malheureusement, il fallait toujours que j'aie sur moi des Rolaids.
J'aimerais vous raconter mon expérience de chasse du béluga de septembre et d'octobre derniers. Je m'appelle Eli Aullaluk et je suis maire d'Akulivik. C'est mon troisième mandat, et des élections auront lieu plus tard cette année. Qui sait quel en sera résultat. Depuis que des organismes du Nunavik se réunissent pour délibérer de plans de gestion du béluga, je les appuie parce que je souhaite préserver ces stocks pour les générations à venir.
L'été dernier, soit le 28 août 2006, peu de temps après que Pêches et Océans Canada ait informé les collectivités que le maximum des prises autorisées avait été atteint dans le détroit d'Hudson, j'ai envoyé un courriel à Mme Danielle Baillargeon, de Pêches et Océans Canada, pour lui demander s'il était possible de chasser le béluga. Elle n'a jamais répondu à ma requête.
Durant l'été, me souvenant enfin des îles Nottingham et Salisbury dans le détroit d'Hudson, je me suis rendu en personne au bureau de la Nunavik Hunters, Fishermen and Trappers Association à Kuujjuaq et plus tard, je suis allé voir le président Paulusi Novalinga, à Puvirnituq. Les deux fois, nul ne s'opposait à ce que je chasse sur ces îles puisqu'elles étaient situées à l'extérieur des limites du territoire visé par le plan de gestion du béluga.
À mesure que s'amplifiait mon instinct de chasser le béluga, j'ai communiqué avec d'autres personnes, comme Mark T. Gordon de l'Administration régionale Kativik, c'est-à-dire le KRG. À deux occasions, il n'a pu me donner de réponse définitive, mais il a mentionné que la chasse du béluga dans le détroit d'Hudson était fermée.
Le 12 octobre 2006, j'ai envoyé un courriel à Michel Tremblay, de Pêches et Océans Canada, pour m'informer de la possibilité de chasser le béluga dans l'île Nottingham ou dans l'île Salisbury voisine. Il ne m'a jamais répondu, mais le 18 octobre, il m'a envoyé un courriel, après notre départ pour aller chasser le béluga.
Le 17 octobre, j'ai reçu un appel de l'agent des pêches Norman Nadeau, d'Ivujivik. Il examinait la question d'éventuelles chasses au béluga dans la région. Il m'a dit qu'il communiquerait avec les bureaux de Pêches et Océans Canada à Québec pour savoir si je pouvais chasser et qu'il me reviendrait sous peu. Le même jour, il m'a rappelé pour m'annoncer une bonne nouvelle : je pouvais aller chasser. Les pourparlers entre Pêches et Océans Canada et le conseil de gestion de la faune du Nunavut ont permis de savoir que j'aurais le temps de chasser le béluga dans le détroit d'Hudson, aux îles Nottingham et Salisbury, pour une semaine environ parce que la saison de chasse du béluga à cet endroit fermait le 22 octobre, à minuit. Il m'a fallu deux ou trois jours pour m'y rendre par bateau.
Il nous restait cinq jours environ. Quand nous avons reçu le renseignement, nous avons quitté par bateau dès le lendemain. Nous avons débarqué à l'île Nottingham le même jour, mais en raison du mauvais temps, nous avons dû patienter dans la collectivité d'Ivujivik pendant trois ou quatre jours au moins.
Des agents de Pêches et Océans Canada se trouvaient à Ivujivik au même moment, de sorte que le capitaine de mon bateau et moi avons pu leur rendre visite, accompagnés du maire d'Ivujivik, M. Adamie Kalingo, qui est ici aujourd'hui. Nous avons discuté avec eux de nos préoccupations concernant la chasse. Les agents ont été très polis et se sont montrés compréhensifs quand nous leur avons parlé de notre besoin de chasser pour assurer notre survie.
Quelques jours plus tard, nous avons circulé dans les eaux le long de la côte de l'île Nottingham, où nous avons repéré des bélugas. Ensuite, nous nous sommes rendus jusqu'à l'île Salisbury, qui se trouve à deux à quatre heures de distance environ par bateau, au nord-est de l'île Nottingham. Pendant presque deux jours, nous avons navigué dans les eaux de la côte ouest de l'île, sans voir de béluga. Nous avons passé une nuit dans l'île à un point d'ancrage très glacé alors que la température frôlait le point de congélation. Nous avions un peu peur.
Nous avons entamé notre voyage de retour vers l'île Nottingham le 26 octobre. Plus tard, après avoir mouillé à cette île, j'ai consulté Eli Angiyou, un agent des ressources renouvelables de l'Administration régionale d'Akulivik. Je l'ai appelé par téléphone satellite le même soir. Je lui ai demandé de consulter les autorités de Pêches et Océans Canada à Québec pour savoir s'il était possible de prendre six bélugas à Ivujivik, où la chasse de ce mammifère était alors fermée.
Nous avons laissé entendre que les prises, s'il y en avait, seraient déduites du quota de l'année suivante, comme il est prévu dans le plan de gestion triennal adopté pour 2006-2008. À nouveau, j'ai appelé Eli Angiyou après que nous avons atteint Ivujivik, le soir du vendredi 27 octobre. Il m'a annoncé qu'il avait parlé au téléphone avec des agents de Pêches et Océans Canada et qu'ils avaient catégoriquement rejeté notre requête.
Le samedi 28 octobre, nous avons quitté Ivujivik pour rentrer chez nous à travers les troupeaux de bélugas qui passaient par là, mais nous ne les avons pas chassés parce qu'on nous en avait refusé l'autorisation. Nous sommes enfin revenus à Akulivik le lundi, après avoir interrompu notre voyage pendant deux nuits en raison du mauvais temps.
Quand je pense à ce voyage — au dernier —, je me rends compte qu'il fut terrible et très dangereux. En cette saison de l'année, surtout à bord d'un bateau seul, nous sommes en danger lorsque nous voyageons vers des lieux aussi distants pour chasser le béluga, s'il y en a.
Conscients de ce danger, nous avons rencontré quelques chasseurs de notre collectivité, de même que certains aînés, le 1er novembre, pour discuter des préoccupations relatives aux bélugas. Lors de cette réunion, nul, moi-même inclus, ne s'est opposé à ce que quiconque chasse le béluga dans notre région immédiate.
Le lendemain de cette réunion, les chasseurs ont pris quatre bélugas, pour la plus grande joie et satisfaction de tous. Une fête communautaire était prévue parce que le nouveau pasteur anglican, qui est désormais membre de notre collectivité, venait tout juste d'arriver. La fête a eu lieu. La collectivité d'Akulivik n'aurait pu être plus heureuse à ce moment-là, même si nous n'avions pas été autorisés à prendre du béluga dans la région. La chasse sur notre côte de la baie d'Hudson est interdite.
Voilà le message que je souhaitais vous transmettre. Le quota nous fait mal.
Six personnes, je crois, ont pris les bélugas dont j'ai parlé, et je crois savoir qu'elles ont été mises en accusation. Elles pourraient se retrouver devant les tribunaux, à notre grand mécontentement. Cela nous fait du tort. J'espère qu'on laissera tomber ces chefs d'accusation, car ce sont nos traditions et notre gagne-pain qui sont en jeu. Nous en avons besoin pour survivre.
Johnny Oovaut, maire de Quaqtaq, à titre personnel : Je m'appelle Johnny Oovaut. J'ai 44 ans. Je suis le maire d'une collectivité de chasse à la baleine de 315 âmes. Je suis un consommateur de béluga en cure de désintoxication — un peu comme un alcoolique.
Nos pratiques suscitent probablement souvent des interrogations parce qu'on est habitué de voir des baleines dans l'aquarium de Vancouver. Je remarque que les groupes de défense des animaux aiment bien faire passer les animaux pour inoffensifs, comme les ours polaires, mais les ours polaires sont très dangereux. Ils ne sourient pas comme nous.
On se demande probablement pourquoi nous mangeons ce gentil béluga, un peu comme nous nous demandons pourquoi on mange des escargots, par exemple, ou des sauterelles.
L'établissement de ma collectivité est attribuable à la présence de baleines. Mes ancêtres pouvaient chasser des mammifères comme les phoques et les baleines sur ce territoire. À l'automne, les vents commencent à souffler du Nord, de sorte qu'il était très facile de chasser dans la mer même si on n'utilisait pas de bateau. C'est pourquoi la collectivité s'est établie là, parce que c'est là que passaient les baleines.
Je me souviens de ma première chasse à la baleine, au bord de l'écoulement glaciaire. Nous nous faisions souvent sermonner par les chasseurs parce que nous marchions sur la glace, parce que les baleines ont l'ouïe très fine. Nous étions très excités quand les baleines se pointaient, de sorte que parfois nous oubliions les avertissements et marchions sur la glace. C'est alors que les chasseurs nous faisaient des remontrances.
J'ai tué ma première baleine à 12 ans, avec le fusil de mon père. Il m'a fallu tirer plusieurs coups, mais j'en ai enfin tué une. Ce n'est donc pas d'hier que je chasse la baleine.
J'habite à environ 500 pieds de la mer. À l'automne, c'est-à-dire en octobre et en novembre, elles passent près de la côte habituellement vers midi et demi — à l'heure du déjeuner. Je le sais parce que je vois souvent des baleines pendant que je déjeune. J'écourte alors mon repas pour aller les chasser.
Ce que j'essaie de vous dire, c'est que nous connaissons très bien les baleines. Nous pouvons presque vous dire à la semaine près quand elles vont se pointer dans notre région. C'est donc vous dire que nous habitons là depuis longtemps.
Des découvertes archéologiques attestent que les Inuits occupent cette partie particulière de Diana Bay dans le détroit d'Hudson depuis 3 800 années. J'aimerais aussi souligner que le Caporal McLean, dans les années 1940, allait dans la baie d'Ungava pour y rencontrer les Inuits. Il a observé qu'après avoir vécu là aussi longtemps, les Inuits avaient accumulé beaucoup de savoir.
Les membres de ma collectivité nourrissent beaucoup d'attentes à l'égard de mon voyage ici. Nous sommes à la recherche de personnes qui peuvent nous aider, de personnes qui peuvent nous accorder un traitement équitable. Trois des chasseurs de ma collectivité ont été accusés d'avoir enfreint la loi. Malheureusement, j'ignore quelle loi au juste ils ont enfreinte.
J'ignore en vertu de quelle loi Pêches et Océans Canada est obligé de venir dans notre collectivité pour accuser ces hommes. C'est très injuste parce que ces hommes n'ont aucune représentation juridique. Nous ne savons pas à qui nous adresser; nous ne savons pas quelle loi a été enfreinte; nous ne savons pas quelles sont les amendes et les peines prévues. Voilà comment on nous traite, en somme avec très peu de respect.
En 1985, une étude a été effectuée. On a dit qu'il restait 200 baleines dans la baie d'Ungava. Aussi récemment que l'an dernier, on affirmait toujours qu'il n'y en avait que 200. Je m'interroge. Cela signifie qu'elles ne meurent pas et qu'elles ne se reproduisent pas depuis 20 ans — comment est-ce possible?
Les Inuits vivent là-haut. Nous vivons dans la toundra. Nous sommes branchés sur notre environnement et nous sentons la présence des animaux qui nous entourent. À cause du réchauffement de la planète, nous avons constaté la présence d'étranges insectes dans le Nord, dont le sirex, que l'on retrouve habituellement dans des régions boisées. Nous n'avons pas de forêt. Nous voyons aussi de grands corbeaux dans le Nord. Il n'y a pas d'arbres où nous habitons. Que font-ils là? Nous avons aussi observé la présence de dauphins. Habituellement, nous n'en voyons pas. Nous avons des bélugas. Nous avons des narvals de temps à autre, des baleines boréales, des épaulards et de petits rorquals, mais jamais des dauphins.
Depuis deux ans, nous remarquons la présence d'éléphants de mer. Quelqu'un en a tué un l'autre jour. Habituellement, il n'y en a pas chez nous.
Les trois hommes n'ont reçu aucune information. J'ignore de quoi ils sont accusés. Je le leur ai demandé, et ils m'ont dit qu'ils l'ignorent. Le seul conseil que je leur ai donné a été de ne rien dire. Je leur ai dit que, s'ils étaient interrogés, ils ne devaient rien dire. Je leur ai expliqué que, s'ils disent quoi que ce soit, ils s'incrimineront, que la meilleure chose à faire est de ne rien dire à partir de maintenant parce qu'on ne sait pas de quoi ils sont accusés. Nul ne peut me fournir de réponse quand je demande à savoir devant quel tribunal ils vont être traduits parce que la cour provinciale n'a pas compétence en matière fédérale.
Pêches et Océans Canada a concocté un plan de gestion, mais je n'ai jamais vu de signature inuite au bas du document. Je crois que le mauvais temps sévissait lorsqu'ils ont tenté de se rendre là-bas pour des consultations, et les délégués ont été incapables de se rendre jusqu'à cette collectivité, de sorte qu'ils ont simplement décidé de mettre en œuvre leur plan de gestion sans obtenir l'approbation des Inuits.
Quoi qu'il en soit, nous n'avons jamais vraiment approuvé ce plan.
Ils nous ont demandé de prélever des échantillons — une dent et ainsi de suite. Nous le faisons, mais ils ne nous ont jamais communiqué de résultats. Ils demandent aux chasseurs de compter les baleines. Ils demandent à leurs agents des ressources renouvelables de compter les baleines. Nous nous faisons souvent faire des remontrances si nous ne faisons pas de signalement. Les chasseurs inuits ne comptent pas les animaux. Nous ne voyons pas pourquoi il faudrait le faire. Comme je l'ai dit, nous pouvons voir, nous pouvons sentir la présence de ces animaux, qu'ils soient nombreux ou pas. On nous reproche souvent de ne pas dénombrer les animaux. Cela ne nous intéresse pas. Ce n'est pas dans nos façons de faire. Comme M. Novalinga l'a dit tout à l'heure, nous respectons les animaux. Nous ne les torturons pas. Nous ne nous adonnons pas à la chasse par plaisir. En fait, je n'arrive pas vraiment à comprendre ce qu'il y a de si emballant à collectionner des bois. Pour nous, ces mammifères représentent un moyen de subsistance. Au sein de ma collectivité, nous avons perdu certaines de nos traditions. Nous nous chicanons entre nous et nous sommes mécontents les uns des autres. Il y a maintenant des luttes internes entre les peuples inuits en raison des lois qui ont été adoptées.
Je me suis rendu à la localité d'Arviat — qui s'appelait auparavant Eskimo Point — au Nunavut, sur la côte ouest de la baie d'Hudson où j'ai séjourné chez un vieil homme. Nous parlions de la chasse aux baleines, et je lui ai demandé : « Combien de baleines avez-vous ici? » Ce à quoi il a répondu : « Oh! Moi-même, j'en ai pris sept. » Je n'en revenais pas. C'est à peine si nous réussissons à en prendre autant pour toute la collectivité. « Comment faites-vous? », lui ai-je demandé. C'est à se demander pourquoi ils sont autorisés à chasser tant de baleines au Nunavut. En réalité, ils chassent les mêmes stocks que nous. Sur la côte est de la baie d'Hudson, il y a des îles, celles de Sanikiluaq, ou les îles Belcher. Cette localité relève de la compétence du Nunavut, alors que celle qui se trouve juste en face de ces îles s'appelle Holman. Les baleines passent juste devant, mais on ne peut pas les chasser. Or, nous croyons que ce sont les mêmes baleines qui se rendent jusqu'aux îles Sanikiluaq. Là-bas, ils peuvent en prendre autant qu'ils veulent. C'est très injuste.
Dans ma localité, quand nous chassons en juin, nous pouvons atteindre notre quota en une seule journée, en une heure ou une heure et demie environ. C'est vous dire combien de baleines y passent. L'an dernier, à l'automne, les baleines ont migré pendant deux mois environ.
Les chasseurs ne se rendent plus à la pointe désormais pour attendre les baleines parce qu'on leur a dit qu'ils n'étaient pas autorisés à les chasser.
Le quota de cette année a été abaissé parce que, nous a-t-on dit, il était entendu que si nous faisions trop de prises, le quota de l'année suivante serait réduit d'autant. C'est là quelque chose que je n'arrive pas à comprendre parce que nous n'avons jamais signé le plan de gestion. Il a été adopté unilatéralement.
Certains membres de ma localité ont parlé d'avoir un affrontement du même genre que celui de Burnt Church, mais nous leur avons dit que nous allons commencer par dialoguer. C'est la voie que nous avons choisie. Nous allons d'abord dialoguer. Nous tenterons de résoudre le problème au moyen de discussions. Malheureusement, nous n'avons pas beaucoup confiance en Pêches et Océans Canada parce que, quand il affirme nous avoir consultés, il ne semble jamais tenir compte de notre point de vue dans les politiques qu'il élabore.
J'ai invité ses représentants une fois à venir dans ma localité, et ils sont venus. Durant cette réunion, nous avons parlé de les accueillir chez nous pour les informer, pour que nous puissions leur montrer ce que nous faisons avec les bélugas. Ils ont accepté de venir, mais nous ne les avons jamais vus. Ils passent leur temps à nous faire patienter inutilement.
La limite de notre patience est atteinte. Nous avons la patience légendaire des Inuits, mais elle tire à sa fin.
J'espère que les circonstances vont changer. La localité de Lake Harbour, au Nunavut, n'est pas loin de la mienne, à seulement 40 minutes de distance par avion. Je crois qu'on y chasse les mêmes baleines également. J'espère que nous obtiendrons des réponses bientôt. Je vous remercie.
Adamie Kalingo, maire de Ivujivik, à titre personnel : Bonjour. Je suis arrivé ici hier, c'est-à-dire avec une journée de retard, en raison du mauvais temps qui sévissait chez moi. Il m'a fallu prendre trois avions pour me rendre jusqu'ici. À l'origine, je prévoyais être accompagné d'un collègue inuit qui est tout à la fois conseiller municipal, lecteur profane, capitaine de bateau et préposé à l'entretien de logements. Il ne parle qu'une seule langue. Il souhaitait vous parler avec beaucoup de passion de ses convictions dans ce dossier très complexe, mais quand je l'ai informé que nous venions ici uniquement pour écouter les membres du comité parler de la question, il s'est ravisé à la dernière minute. Je crois qu'il souhaitait vous dire que nous ne voulons pas que cette chasse prenne fin. C'est là notre objectif ultime.
La localité d'Ivujivik est très petite. Toute son économie repose sur la chasse à la baleine. Les fouilles archéologiques vous diront que le rorqual bleu y a déjà été présent. Aujourd'hui, nous observons la présence d'épaulards. Nous observons de nombreuses espèces différentes de baleines, y compris des narvals. Je ne sais pas si vous l'avez remarqué, mais les localités de l'Arctique sont établies le long du littoral, de sorte que leur subsistance dépend de la pêche, comme vous l'appelez — pour nous, c'est notre mode de vie. Nous sommes très près de la mer parce que nous aimons les phoques. Nous aimons manger la viande de baleine et des trois genres de phoque — du phoque annelé, du phoque du Groenland et du phoque barbu.
Notre langue est intacte. L'existence de ma localité est attribuable à la présence de baleines, même si nous n'avons pas toujours habité là. Ce sont des forces de l'extérieur qui ont alimenté la croissance de la collectivité, mais nous sommes, de par notre nature, des nomades. Nous continuons de vivre en nomades. Nous n'aimons pas demeurer au même endroit très longtemps. Nous ne sommes pas végétariens. L'arbre le plus proche se trouve probablement à 900 kilomètres de chez nous. Nous habitons dans le désert arctique.
Nous utilisions les tendons de la baleine pour faire nos vêtements. Les femmes s'en servaient pour coudre nos vêtements. Le caribou n'était pas abondant à cette époque-là dans mon village. Sa présence ne date que des années 1970. Voilà qui vous montre que nous connaissons les déplacements des animaux. Nous savons qu'ils vont et viennent au gré des décennies. Quand nous affirmons que la population de bélugas décline, nous savons aussi que, tôt ou tard, elle se rétablira.
Nous ne sommes pas très attirés par les aquariums du Sud. Quand nous voyons des baleines dans des aquariums, nous savons que les animaux souffrent probablement. Nous préférerions les voir dans leur habitat naturel.
Quand il est question, dans mon village, du béluga, la tribune téléphonique prend vie. Si vous pouviez comprendre ma langue, vous entendriez des personnes — même des femmes — parler avec passion de protéger la chasse du béluga. C'est vous dire à quel point elle est importante.
Nous avons un centre de recherche dans la région, ce qui vous montre qu'en tant que peuple, nous collaborons avec vous dans la recherche sur les animaux. Nous savons que leurs corps renferment des contaminants comme le DDT et les BPC. Ce sont des choses que nous savons. Nous le savons quand un animal est malade. Les animaux ne sont pas tous sains. Nous aimerions poursuivre ces recherches de concert avec vous.
Que je sache, il n'y a que 13 ans que Pêches et Océans Canada collabore vraiment avec les Inuits en matière de gestion des bélugas. Même là, la question est complexe, et vous ne véhiculez votre message à la population qu'en une seule langue. Vous ne lui parlez pas dans sa langue. Il y a le problème de la traduction en dialecte local. Je parle de nombreux dialectes, parce que chaque village a le sien et, parfois, cela sème de la confusion.
Le nombre de voyageurs qui se déplacent dans l'Arctique à bord d'avions est maintenant très élevé. Nous nous déplaçons beaucoup. Il m'a fallu, comme je le disais, deux jours pour venir ici. Je ne suis presque pas venu. Je ne savais même pas que nous aurions le privilège de prendre la parole devant vous. Tel que je l'avais compris, nous venions ici pour suivre vos audiences. Le simple fait que nous nous soyons déplacés pour venir ici en personne vous montre à quel point cette question soulève les passions chez nous.
Tout cela est très compliqué quand vient le temps de gérer la ressource. Nous avons la Société Makivik, qui traite avec les ayants droit de la Convention de la Baie James et du Nord québécois, cet accord particulier annoncé par Robert Bourassa en 1974, en même temps que son projet du siècle, soit le barrage hydroélectrique de la baie James. Quand mon peuple en a pris connaissance, les villages d'Ivujivik, de Puvirnituq et de Sanikiluaq n'étaient pas vraiment contents. Même aujourd'hui, certains anciens sont toujours mécontents de la nouvelle forme de gouvernement qui est en place.
Le morse de l'Atlantique ouvre un tout nouveau débat qui concerne strictement les pêches. À nouveau, notre survie dépend de ce gros animal, qui peut faire vivre de nombreuses familles de la collectivité. À nouveau, il nous faut rouler nos manches et en discuter de manière à trouver un moyen de soutenir cette activité culturelle.
Le programme de soutien de la chasse est une activité municipale menée de concert avec le gouvernement provincial, qui s'occupe également à certains égards de pêche, et il s'efforce d'appuyer de son mieux les chasseurs, mais il y a des limites à ce qu'il peut faire.
Il y a aussi M. Novalinga, en matière d'aménagement de la faune. Ils n'ont pas un gros budget, mais les oiseaux de même que les poissons des lacs et les animaux leur posent beaucoup de problèmes. Il ne faut pas oublier les sociétés qui gèrent les portefeuilles de biens immobiliers et qui s'occupent des terres locales. Elles ont le pouvoir d'émettre des permis de chasse à ceux qui en font la demande.
Quand ils essaient de se concerter en ce qui concerne le béluga, c'est déjà extrêmement difficile, et il y a le fait que vous êtes également présents à la table. J'ignore comment nous allons unir nos efforts, mais je parle au nom de mon peuple quand je dis que nous ne voulons pas voir cette chasse disparaître.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir accordé du temps pour vous entretenir de cette question ce matin.
Le président : C'est nous qui vous remercions d'être venus, et nous vous sommes tous reconnaissants de nous aider à comprendre la situation et votre position. Les sénateurs vont avoir des questions à vous poser. Ils les poseront directement aux personnes ou aux groupes visés.
Le sénateur Baker : Je vous remercie d'être venu témoigner aujourd'hui et de nous expliquer le problème en détail. Le sénateur Watt nous avait fait un exposé à ce sujet. Il nous a distribué il y a quelque temps déjà des coupures de journaux au sujet de fonctionnaires de Pêches et Océans Canada qui posent leur hélicoptère au beau milieu de la collectivité. Les rotors font lever la poussière, qui recouvre alors la viande de béluga, et ils font peur à la population. Nous avons été scandalisés de ce que nous avons lu dans un article de journal. Pêches et Océans Canada et le pilote de l'hélicoptère ignoraient peut-être ce qu'ils faisaient, ou peut-être était-ce un nouveau pilote. Comme nous l'a affirmé le sénateur Watt, il existe de nombreux autres endroits où peuvent se poser les hélicoptères, puisqu'il n'y a pas beaucoup de grands immeubles ou d'arbres qui les en empêchent. Malgré tout, lorsqu'ils se sont posés là, toute la viande de la collectivité a été ruinée. C'était vraiment honteux de lire pareille chose.
Le sénateur Watt nous a soumis de nombreux articles de journaux et a souligné les accusations auxquelles certains s'exposaient en raison de la viande qu'ils avaient en leur possession. Les membres du comité connaissent la loi parce que certains d'entre eux sont responsables de son adoption. Quand nous nous sommes rendu compte que certains membres de la collectivité s'exposaient peut-être à des peines d'emprisonnement et à de lourdes amendes, nous avons été scandalisés. J'en parle parce que je tiens à ce que vous sachiez que les membres du comité sont au courant du problème depuis le tout début. Il les préoccupe. Le sénateur Watt en est très vivement préoccupé et y travaille très fort.
Je fais aussi partie du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, qui est chargé des lois et de la Charte canadienne des droits et des libertés qui dispose que, lorsque vous êtes interpellé par un agent, vous avez le droit à une représentation juridique immédiate, sans frais. M. Oovaut a affirmé qu'on ne leur a pas dit devant quel tribunal se présenter. Vous n'avez même pas d'avocat pour vous représenter. Par conséquent, la première chose qui me frappe en tant que sénateur, à entendre la description des événements, c'est que vos droits ont été gravement bafoués. Vous n'êtes pas de simples concitoyens qui s'adonnent à la chasse par plaisir. La chasse fait partie de votre vie et assure votre survie. Vous êtes visés par la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Nous nous souvenons que, lorsque cet accord a été adopté, tous les peuples devaient être considérés comme des ayants droit aux termes du Règlement sur les mammifères marins, qui est un règlement d'application de la Loi sur les pêches. Nous savons qu'aux termes de ce règlement, vous êtes exclus de certaines dispositions relatives au fait de tuer des mammifères à des fins de subsistance, par exemple vendre des phoques. Des habitants de la province d'où je viens, Terre-Neuve, et de la région du sénateur Rompkey au Labrador sont accusés de vendre des dos bleus, c'est-à-dire des phoques à capuchon. Il n'y a pas de phoque à capuchon dans le Nord. On y trouve des phoques du Groenland dont le pelage est blanc ou dont la robe est tachetée. Le jeune phoque à capuchon est qualifié de dos bleu pour environ deux à trois ans. Les chasseurs de la circonscription du sénateur Rompkey au Labrador et de ma circonscription à Terre-Neuve ont été accusés il y a 12 ans d'avoir tué des phoques à capuchon; l'affaire est encore en instance.
Elle ira jusqu'en Cour suprême parce que Pêches et Océans Canada et le ministère de la Justice fédéral refusent de lâcher prise. Il faut contenter les groupes de défense des animaux. Quand une accusation est portée, ils ne lâchent pas prise. Ils ont tout le trésor fédéral à leur disposition si leurs avocats décident de poursuivre des habitants du Labrador et de Terre-Neuve — comme ils le font pour les chasseurs de dos bleu. Je vous en parle pour que vous sachiez que les effets que nous a signalés le sénateur Watt et que vous avez maintenant décrits dans votre témoignage nous préoccupent.
Il y a deux jours, des chercheurs se sont présentés devant le comité pour témoigner. J'étais content parce qu'ils ont été honnêtes avec le comité. Ils ont dit que, lorsqu'ils ont expliqué aux agents des pêches de votre secteur pourquoi il fallait vous accorder des quotas, les agents des pêches avaient l'air perplexe et n'en saisissaient pas la logique. Le chercheur en chef a déclaré que les agents des pêches de la collectivité n'arrivaient pas à comprendre pourquoi les chasseurs de la collectivité avaient besoin d'un quota.
Ils ont produit des tableaux qui illustraient la présence de 60 000 baleines en un endroit et de 20 000 autres ailleurs. Ils les ont dénombrées à bord d'un avion, puis ont multiplié le résultat par deux. Ils en ont compté 10 000 à la surface et évaluent qu'il pourrait y en avoir 10 000 autres sous l'eau. Ils en ont compté 58 000 au fond d'un côté de la baie d'Hudson, 20 000 autres dans la circonscription du sénateur Adams au Nunavut et 20 000 ici. Puis ils ont affirmé en avoir dénombré 200 dans une petite partie de la baie d'Hudson. Tous ces chiffres indiquent qu'il n'y a pas de pénurie de baleines. La population de bélugas n'est pas problématique. Cependant, comme ces 200 mammifères se mêlent aux autres baleines et vont dans vos collectivités, si 200 baleines sont tuées, il se pourrait que ce soit les 200 qu'ils ont dénombrées dans cette petite partie de la baie d'Hudson.
Pas étonnant qu'ils aient secoué la tête et n'aient pas compris la logique. C'est le témoignage que nous avons entendu.
D'autres documents ont été remis à notre comité au sujet de la grande nécessité de cet aliment pour assurer le bien- être des membres de la collectivité et décrivant les avantages pour la santé du béluga. En raison de la teneur vitaminique de la viande et de son important apport nutritif, vous n'attrapez pas certaines maladies et vous êtes protégés contre cette affection dont a souffert l'homme blanc quand il est venu dans ces terres. La viande est essentielle.
On nous a fourni toute cette preuve. À la suggestion du sénateur Watt, je vais proposer — étant donné le témoignage de M. Oovaut au sujet de la représentation juridique — que le comité recommande en termes non équivoques que Justice Canada offre immédiatement, sans frais, de l'aide juridique à tous les accusés et que l'aide soit assurée par des avocats de la défense chevronnés qui connaissent bien le Règlement sur les mammifères marins. Il en existe 20 environ au Canada qui connaissent ce règlement d'application de la Loi sur les pêches.
Le sénateur Watt propose une motion — avec un peu de chance, le reste du comité l'adoptera — selon laquelle il recommande que Justice Canada et Pêches et Océans Canada vous offrent immédiatement des services d'aide juridique.
Quand vous avez été accusé, j'imagine que ce fut en vertu du Règlement sur les mammifères marins qui relève de la Loi sur les pêches, parce qu'il n'y a pas eu d'accusation portée en vertu de l'autre loi. Je m'attends donc qu'il s'agit d'une infraction à un certain article du Règlement sur les mammifères marins.
Si des personnes que vous connaissez sont accusées, sur le document d'information qui leur est remis, on précise quel article de la loi elles sont censées avoir enfreint. Je sais qu'on ne vous a pas remis de document. Comment savez-vous que quelqu'un a fait l'objet d'accusations en vertu de la loi — ou de toute autre loi?
M. Oovaut : Les hommes ont été emmenés au poste de police local où ils ont rencontré des agents de Pêches et Océans Canada qui les ont informés qu'ils étaient accusés. La semaine dernière, j'ai demandé à un de ces hommes s'il avait eu des nouvelles ou reçu des appels et il m'a dit qu'il n'avait rien reçu, rien du tout.
M. Kalingo : Le seul document que nous avons reçu de Pêches et Océans Canada est une lettre qui dit que sept personnes de ma collectivité ont été mises en accusation, mais la lettre ne précise pas en vertu de quelle loi. Elle dit que justice suivra son cours. C'était peu après l'étude de fin octobre, début novembre; la lettre est arrivée en décembre, je crois.
Le sénateur Baker : Les personnes qui savent qu'elles ont été mises en accusation ont-elles été interrogées par des agents des Pêches pour savoir si elles avaient tué des bélugas?
M. Aullaluk : Comme je l'ai dit tout à l'heure, il est possible que plusieurs chasseurs de ma collectivité aient été mis en accusation en raison des prises effectuées l'automne dernier. Comme j'étais un de ceux qui organisaient la chasse, il ne serait que juste que je sois informé si des accusations sont portées contre ces chasseurs. Nul ne m'en a informé. J'estime que je devrais être informé, en tant que maire de la collectivité et un des principaux organisateurs de la chasse.
Le sénateur Watt : Pour que les gens vous entendent davantage — car je connais bien les problèmes dont vous parlez —, j'aimerais simplement dire que c'est l'un des témoignages les plus émouvants que j'aie entendus. Il m'a beaucoup ému.
Monsieur le président, il me semble logique de sauter cette partie. Je préfère que d'autres puissent interroger ces témoins.
Le sénateur Adams : J'ai été scandalisé la semaine dernière quand nous avons entendu des chercheurs de Pêches et Océans Canada, comme l'a mentionné tout à l'heure le sénateur Baker. Ces personnes étudient le déplacement des bélugas entre les parties occidentale et orientale de la baie d'Hudson et les différences entre certains des troupeaux.
Dans la région où habitent les témoins — au bout de la baie d'Hudson et sur sa côte est —, le sénateur Baker a mentionné que 200 bélugas seulement y passent. Dans la région de Churchill, au Manitoba, il y a 59 000 bélugas environ. Il me semble qu'une grande partie du troupeau va là, certains provenant de l'ouest et d'autres de l'est.
Ils nous affirment que la population de ce troupeau de quelque 200 bélugas décline chaque année et qu'elle ne se mêle pas à l'autre troupeau qui va jusqu'à Churchill — ces 59 000 baleines. Selon eux, les deux troupeaux ne cohabitent pas, et les troupeaux reviennent au même endroit chaque année. C'est ce qu'ils m'ont dit.
Je me suis rendu à Churchill en 1953. J'étais là quand l'usine de traitement de la viande de baleine a ouvert à Churchill. J'avais l'habitude de chasser les baleines les weekends et de me faire un peu d'argent supplémentaire à l'usine. J'obtenais 1,50 $ du pied de baleine lorsque je vendais mes prises à l'usine. C'est à ce moment-là que la famille s'est réinstallée à Churchill.
Avant de retourner là-bas, j'espère obtenir un exemplaire de l'information connue des chercheurs de Pêches et Océans Canada qui illustre le déplacement des baleines. Aux alentours du détroit de Lancaster, dans la baie Resolute, il y a 20 000 baleines environ. Dans la mer de Beaufort, aux alentours de Tuktoyaktuk, il y en a 39 000. Dans votre collectivité, il n'y en a que 200. Est-ce parce que les troupeaux ne cohabitent pas?
Est-ce la même chose que la bernache du Canada? Si on tue la femelle, le mâle passe le reste de sa vie seul, sans autre partenaire ou famille. C'est ce que nous savons en tant qu'Inuits. Je n'ai jamais entendu parler d'un troupeau de bélugas qui ne se mêlait pas aux autres troupeaux.
M. Novalinga : Que je sache — d'après ce que m'ont appris les aînés —, ils se mêlent aux autres troupeaux et ils se déplacent. Il faut aussi tenir compte du moment où on effectue ces études. On choisit toujours le moment où les baleines sont parties, et nous ignorons au juste combien il y a de baleines. Quand les baleines se sont déjà déplacées, ils viennent faire les études. Nous savons que les troupeaux se mêlent.
Le sénateur Adams : Au Nunavut, nous n'avons pas de quota, mais parfois, je rencontre là-bas des agents de la faune et de Pêches et Océans Canada. Vous avez mentionné que le Nunavut faisait la chasse en conformité avec les règlements pris par le conseil de gestion de la faune. Négociez-vous les quotas avec le Nunavut ou avec Pêches et Océans Canada? J'aimerais savoir comment fonctionne le système des quotas parce qu'il n'y en a pas au Nunavut. Rencontrez-vous des représentants du conseil de gestion de la faune chaque année pour discuter de chasse? Comment vous y prenez-vous et pour quelles raisons est-ce ainsi?
M. Novalinga : Chaque année, parfois deux fois par année, nous nous rencontrons au sujet des îles au large des côtes, particulièrement celles qui se trouvent entre le Nunavut et le Nunavik.
Les fonctionnaires affirment que, selon leurs études, le béluga se rend dans son sanctuaire chaque été. Ils s'appuient sur cette certitude. Le béluga vient au Nunavik chaque hiver et y demeure pendant neuf mois de l'année. Pourtant, les fonctionnaires affirment que les baleines sont parties. Ils disent qu'elles se trouvent dans la baie d'Ungava — elles se trouvent effectivement dans la baie d'Ungava à ce moment-là de l'année, c'est vrai. Il est sûr qu'en août, elles sont parties, lorsqu'ils font leurs études. Bien sûr, elles se déplacent vers leur présumé sanctuaire où elles passent deux mois de l'année. Vous ai-je bien répondu?
Le sénateur Adams : Oui. La question à laquelle ils doivent répondre avant que des réductions soient décrétées par Pêches et Océans Canada est de savoir combien de membres du troupeau sont en réalité là. Cela devrait être décidé de concert avec le conseil de gestion de la faune du Nunavut. Je crois que c'est en train de se faire actuellement. Il faut que vous obteniez ces renseignements entre vous, du conseil de gestion de la faune du Nunavut, sans passer par Pêches et Océans Canada. Je sais que le président représente Pêches et Océans Canada. Je crois que la décision relève du gouverneur en conseil et du président du conseil de gestion de la faune du Nunavut.
Je sais que lorsqu'on élabore la politique relative aux revendications territoriales, on consulte le territoire et le conseil. J'estime que l'on devrait procéder de la même façon. Si on le faisait maintenant, il serait plus facile de négocier un accroissement des quotas ou de tourner le dos complètement au système des quotas. Qui l'a mis en place? Était-ce Pêches et Océans Canada ou le conseil de gestion de la faune du Nunavut?
M. Novalinga : Je ne peux pas vraiment vous répondre. Qui est chargé d'établir ces règles? J'aimerais qu'on me le dise. Qui nous réglemente? Je me le demande aussi.
Le sénateur Adams : Selon notre accord territorial, la pêche doit être soumise à des quotas. J'ai fait une découverte la semaine dernière. Nous avons eu une réunion avec des fonctionnaires de Pêches et Océans Canada au sujet des personnes accusées dans le nord du Québec, dans la région du Nunavik, et nous avons examiné le projet de loi C-5; il s'agissait cette fois-ci du béluga, des ours polaires, du caribou des bois du Manitoba et d'autres espèces de caribou. Nous avons étudié le projet de loi sans y trouver quoi que ce soit qui permette de porter des accusations.
Après mon retour au bureau, nous avons reçu une copie du projet de loi, et l'avons lue. J'y ai trouvé une disposition stipulant qu'une personne qui tue un animal faisant partie d'une espèce menacée est passible d'une amende pouvant atteindre 50 000 $. Lorsque nous avons étudié ce projet de loi en comité, cela n'y figurait pas. J'ignore pourquoi on l'a ajoutée. Le gouverneur en conseil a inclus cette disposition concernant les amendes après que notre comité a adopté le projet de loi.
M. Oovaut : Le sénateur Adams a demandé s'il y a des négociations. Mais il semble que la question du béluga soit non négociable. Je soupçonne les fonctionnaires de Pêches et Océans Canada de se rendre dans le Nord uniquement pour pouvoir dire à leurs supérieurs qu'ils l'ont fait. Mais ils ne nous ont pas écoutés. Nous avons eu des discussions en table ronde; les fonctionnaires semblaient d'accord avec nous, mais lorsque Pêches et Océans a publié ses documents, ceux-ci ne contenaient pas ce dont nous avions discuté. Le ministère a sorti ses propres chiffres.
Il s'agit donc d'une question non négociable. J'ai l'impression qu'ils tentent seulement de faire plaisir à leurs supérieurs.
Le sénateur Johnson : À la lumière de ce que vous venez de dire, quel rôle jouez-vous, à la Nunavik Hunting, Fishing and Trapping Association, en matière d'administration et d'établissement de quotas pour les bélugas? Je sais que vous êtes parfaitement au courant qu'en 1988, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada considérait déjà le béluga de la baie d'Ungava comme une espèce menacée. Puis il s'est prononcé contre l'inscription des bélugas de l'est de la baie d'Hudson et de la baie d'Ungava sur la liste des espèces en voie de disparition ou exposées à un péril particulier. Il souhaitait d'abord solliciter l'avis du Conseil consultatif de gestion de la faune de Nunavut.
J'aimerais que vous nous expliquiez ce qu'il en est de vos communications et de vos relations avec les autorités qui déterminent la situation des espèces que vous chassez — ou ne chassez plus maintenant?
Plus simplement, vous consulte-t-on? Vous avez dit que oui, mais avez ajouté ne pas compter les bêtes. Que se passe- t-il si, au cours du processus de consultation, vous n'êtes pas d'accord avec ce qu'on dit de ces espèces supposément menacées?
M. Kalingo : Pêches et Océans Canada embauchera quelqu'un sur place pour déterminer la taille de la population des espèces. Cependant, même cette personne sera mal à l'aise de fournir ces renseignements, car il n'y a pas de véritable lien de confiance entre le gouvernement et les gens de la région. Elle sera donc prise entre l'arbre et l'écorce.
Comme l'a dit M. Novalinga, notre savoir traditionnel nous permet de reconnaître beaucoup d'espèces et de stocks, y compris ceux, très nombreux, qu'on retrouve dans les grandes régions sauvages, et qui sont les plus difficiles à attraper. Nous reconnaissons beaucoup de populations diverses grâce à notre savoir traditionnel, qui semblent vous échapper. Voilà pour les renseignements.
Le sénateur Johnson : Donc, vous n'approuvez rien de ce qui a été dit à propos des espèces menacées et du nombre de bêtes?
M. Kalingo : Non. Si je me fie à ce qu'ont observé de visu les gens, les aînés, les chiffres sont erronés.
Le sénateur Johnson : Quelqu'un a-t-il une remarque à faire?
M. Oovaut : En ce qui concerne la consultation, la gestion a commencé en 1985. Depuis cette date, je n'ai jamais vu un seul scientifique dans ma communauté.
Nos commentaires ne semblent pas compter beaucoup. M. Mike Hammill a participé à l'une de nos réunions, à Kuujjuaq; il disait à quel point le nombre de baleines avait diminué à Nastapoka. Mais ces mêmes baleines qui manquaient, selon lui, se trouvaient à la baie James. À la pause-café, je suis allé le voir pour le lui faire remarquer, et il en a convenu avec moi. J'ignore pourquoi il avait toujours passé cela sous silence. Je trouve cela malhonnête, et je pense qu'il aurait dû révéler ce qu'il m'a dit avant.
Je lui ai également dit que leurs connaissances scientifiques étaient limitées. Ils croient que seule la baleine blanche se reproduit, mais les jeunes baleines grises femelles se reproduisent aussi. Il l'ignorait. On nous a très peu consultés.
Le sénateur Johnson : Aux fins du compte rendu et de notre étude — et je comprends comment vous pouvez vous sentir —, êtes-vous en train de nous dire que les chiffres des chercheurs concernant les bélugas sont inexacts?
M. Oovaut : Pas totalement.
M. Novalinga : Nous n'accordons pas vraiment beaucoup de crédit aux chiffres qu'on nous a fournis à cause des conditions météorologiques, qui changent quotidiennement. Par exemple, si les chercheurs procédaient à un relevé de population en survolant ma région, Puvirnituq, ils ne pourraient voler à basse altitude que la moitié du temps, en raison du ciel nuageux. Ils survoleraient donc le secteur trois jours par semaine seulement, disons. Or, tout le monde sait que les bélugas se déplacent sans arrêt. Lorsqu'on finirait par pouvoir examiner le secteur en avion, les baleines qui se trouvaient là cinq jours auparavant seraient maintenant 500 milles plus loin. De plus, les baleines ne restent pas toujours en surface : elles doivent plonger pour se nourrir, et le font constamment. Elles passent la majeure partie de leur vie sous l'eau, invisibles. Donc, les données des scientifiques sont forcément inexactes.
Le sénateur Johnson : La semaine dernière, les fonctionnaires de Pêches et Océans Canada ont déclaré devant notre comité que le ministère déploie énormément d'efforts pour trouver un équilibre entre les besoins alimentaires et culturels des Inuits à l'égard du béluga et la pérennité de ces stocks au Nunavik. Selon eux, Pêches et Océans reconnaît les connaissances et les besoins des Inuits du Nunavik et doit conjuguer ces réalités avec la capacité de la ressource de se renouveler. Cela dit, le plan de gestion triennal en vigueur, qui doit prendre fin en 2008, reflète-t-il, à votre avis, les connaissances traditionnelles et scientifiques? Vous semblez dire que ce n'est pas le cas, et que le ministère tient des propos erronés.
M. Kalingo : Comme je l'ai dit plus tôt, plusieurs institutions, si vous voulez, ou diverses organisations siègent à notre table de discussion, mais cela ne se produit qu'à un seul endroit, une seule fois par année. Ce n'est qu'après coup, de retour chez eux, que les gens apprendront ce qui s'est dit lors de la rencontre. C'est là que le bât blesse. C'est extrêmement difficile pour les membres de ce comité. Ils ne se sentent pas à l'aise de se retrouver à cette table à tenter de collaborer.
Le sénateur Johnson : Vous comprenez sans doute que nous tâchons ici d'être équilibrés et de connaître les points de vue des uns et des autres. En général, nous entendons un tout autre son de cloche de la part des fonctionnaires.
M. Oovaut : Les scientifiques nous ignorent. Puisque nous n'avons pas de diplômes universitaires, nos opinions ne comptent pas, même si nous avons des méthodes assez scientifiques, comme pour la construction d'igloos. Ces connaissances ne sont pas reconnues, faute de documents pour prouver que nous sommes qualifiés. Selon leurs normes, nous n'avons pas les compétences voulues. C'est une position partiale.
Le sénateur Johnson : Si vous contrôliez totalement la situation, chasseriez-vous le béluga en respectant des limites quant au nombre, d'après le savoir traditionnel qui vous est transmis depuis des générations?
M. Oovaut : Nous chassons strictement ce dont nous avons besoin pour vivre. Nous avons toujours veillé à ne pas tuer plus que nécessaire car c'est un péché.
Laissez-moi vous raconter l'histoire d'une lutte entre un moustique et un homme. L'homme était si intimidé par le moustique qu'il décida de le garder et de le laisser en vie durant l'hiver. L'homme a perdu la bataille et est mort, mais le moustique a survécu. La morale de cette histoire : il ne faut pas torturer les autres espèces. Nous devons respecter les animaux.
Nous ne tuons pas pour le plaisir, mais par nécessité. D'ailleurs, nous ne comprenons pas le concept de la chasse sportive.
Le sénateur Johnson : Moi non plus.
M. Oovaut : Pas plus que le but de la pêche sportive. On ne devrait pêcher et chasser que pour assurer sa subsistance.
M. Novalinga : Je ne peux pas vraiment répondre à votre question, mais j'ajouterais, à ce qu'à dit M. Oovaut, qu'il y a différentes saisons de chasse et de pêche selon les animaux. Par exemple, nous pouvons chasser une espèce qui migre, mais lorsqu'une autre le fait à son tour, nous cessons de la capturer. Nous ne tuons jamais les animaux lorsqu'ils mettent bas, s'accouplent, nourrissent leurs petits ou nichent. Il se peut que nous prenions quelques œufs pendant une courte période, mais nous connaissons les animaux et nous savons à quel moment nous pouvons chasser telle ou telle espèce. Par exemple, la bernache du Canada est parmi les premiers oiseaux migrateurs à revenir au printemps. C'est donc elle que nous chassons en premier. Quelques semaines plus tard, lorsque l'oie des neiges est de retour, nous cessons aussitôt de chasser la bernache du Canada pour lui permettre de faire son nid. Nous avons nos propres règlements, mais comme ils ne sont pas écrits, ils ne sont pas reconnus.
Comme M. Oovaut l'a dit, nous n'avons peut-être pas de diplôme, mais mon père était aussi intelligent que n'importe quel scientifique.
Le sénateur Johnson : J'ai grandi dans la région du lac Winnipeg, je sais donc de quoi vous parlez. Je comprends la situation. Je pense que nous devons bien comprendre toute l'information que nous recevons au sujet des stocks.
Le sénateur Baker : J'ai une dernière question à poser avant que nous discutions de la motion du sénateur Watt, à moins que le comité souhaite le faire plus tard.
Le président : Je crois que nous devrions remercier nos témoins de leur participation puis poursuivre la séance à huis clos.
Le sénateur Baker : Les scientifiques qui ont comparu devant notre comité ne nous ont pas dit qu'il y avait un problème avec la population de bélugas. Ce n'est pas ce qu'ils ont affirmé.
En fait, ils nous ont dit que ce n'était pas toute la population de bélugas qui était en péril, mais plutôt une petite colonie fréquentant les eaux arctiques de l'est de la baie d'Hudson. C'est pourquoi les experts scientifiques en chef, qui ont comparu devant le comité, nous ont dit que lorsqu'ils donnaient des séances d'information à des agents des pêches, ceux-ci n'en revenaient pas à quel point on s'en faisait autant pour une si petite population de bélugas qui s'était tout simplement mêlée à une autre plus grande et qui s'est retrouvée le long de votre littoral.
Ma question s'adresse à M. Aullaluk : que vous chassiez le béluga aujourd'hui ou demain, cette semaine ou la semaine prochaine, ce qu'ils vous ont fait a mis votre vie en danger, n'est-ce pas? N'est-il pas dangereux pour un chasseur de s'aventurer aussi loin sur l'océan?
M. Aullaluk : Tout à fait, surtout à cette époque de l'année, en octobre, et lorsque nous partons qu'avec un seul bateau. Il faut être prêt à toute éventualité — le bateau pourrait même se briser. À cette saison, c'est très froid et venteux. Après coup, on s'est rendu compte que c'était très dangereux.
Le sénateur Watt : J'aimerais faire une remarque. Je suis sénateur depuis longtemps et je siège à ce comité depuis plusieurs années. Il nous est arrivé de filmer les séances de comité dans le but d'informer les Canadiens. J'estime que nous avons raté une bonne occasion de le faire aujourd'hui, monsieur le président. Les témoignages émouvants que nous ont livrés les témoins auraient pu toucher de nombreux Canadiens — les électeurs de ce pays, ceux qui choisissent le gouvernement.
Je suis désolé que nous ne soyons pas suffisamment organisés pour filmer les témoignages aujourd'hui. Nous aurions pu sensibiliser le public à leur cause. Veuillez accepter mes excuses, car j'en suis en partie responsable.
Le président : Nous avions demandé des caméras, mais nous n'étions pas les seuls. Il y a tellement peu de moyens technologiques disponibles au Sénat. Nous en avions fait la demande, mais elles avaient déjà été assignées à d'autres comités. Quoi qu'il en soit, je tiens à remercier les témoins d'avoir comparu et de nous avoir été d'une aussi grande aide. C'est loin d'être la fin de nos discussions et de nos délibérations. Je peux vous assurer que nous n'en resterons pas là. Nous n'avons pas fait le tour de la question et nous allons la pousser plus loin. Il reste à déterminer quand et comment nous le ferons.
M. Oovaut : Si je puis me permettre, j'aimerais faire une brève remarque. En ce qui concerne la population de bélugas dans la baie d'Ungava, nous avons demandé à Pêches et Océans Canada de mener une étude sur le bruit des bateaux parce que cela fait fuir les bélugas. Pourtant, rien ne semble avoir été fait jusqu'à maintenant. Selon nous, il n'y a plus de bélugas à cause de la pollution sonore. Les politiques de Pêches et Océans Canada exigeant que les communautés aux abords de la baie d'Hudson et de la baie d'Ungava aillent chasser ailleurs ont causé le décès d'un homme qui s'était vu obligé d'aller chasser dans la baie James. Un homme est mort durant cette chasse, et Pêches et Océans Canada en est responsable.
M. Novalinga : Pour conclure, j'aimerais attirer votre attention sur les trois mesures suivantes.
Premièrement, il faudrait éliminer les quotas jusqu'à ce qu'une loi adéquate qui tienne compte des intérêts de toutes les parties — Nunavut, Nunavik et Terre-Neuve-et-Labrador — soit adoptée.
Deuxièmement, on devrait retirer les accusations qui ont été portées contre des chasseurs. Les quotas devraient être établis en conjuguant le savoir traditionnel autochtone et les données scientifiques. Par ailleurs, l'information scientifique doit tenir compte des connaissances traditionnelles autochtones et de la nécessité de cette chasse pour assurer notre survie.
Troisièmement, il conviendrait d'intégrer à la Loi sur les espèces en péril, soit le projet de loi C-5 en 2002, le droit à la survie.
La séance se poursuit à huis clos.