Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans
Fascicule 9 - Témoignages du 10 mai 2007
OTTAWA, le jeudi 10 mai 2007
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 10 h 54, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.
Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je veux souhaiter la bienvenue à nos témoins de ce matin. Comme les sénateurs le savent, nous poursuivons nos audiences sur la situation au Nunavut et les pêcheries du Nunavut. Nous parlons aussi de ce que différentes personnes obtiennent des quotas, des différentes espèces et de la répartition de ces espèces.
J'ai le plaisir d'accueillir aujourd'hui nos témoins du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, qui est une organisation importante pour la direction des pêcheries au Nunavut. J'ai le plaisir d'accueillir M. Joe Tigullaraq et M. Jim Noble, qui vient en fait de la côte Ouest du Canada. Je pensais qu'il était de Green Bay, à Terre- Neuve-et-Labrador, mais ce n'est pas le cas.
Le sénateur Meighen : C'est quand même un bon gars.
Le président : Nous allons aussi entendre le témoignage de Michael d'Eca, qui est le conseiller juridique du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut.
Joe Tigullaraq, président et premier dirigeant, Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut :
[Le témoin s'exprime dans sa langue maternelle.]
Puisqu'il n'y a pas d'interprète, je vais passer à l'anglais, même si j'aurais aimé mieux parler inuktitut, ma langue maternelle.
Merci de l'occasion qui m'est offerte de témoigner devant vous aujourd'hui.
Le président : Avant que vous commenciez, permettez-moi de vous dire que l'un de nos collègues a proposé un projet de loi pour que les règles du Sénat permettent l'utilisation d'une certaine forme d'inuktitut. Nous nous occupons de cette question grâce aux sénateurs Watt et Adams. Peut-être pourriez-vous parler votre langue maternelle la prochaine fois que vous venez témoigner. Pour l'instant, nous allons écouter votre témoignage en anglais.
M. Tigullaraq : M. Noble et M. d'Eca vont m'aider à répondre aux questions des sénateurs.
Le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut aimerait aborder brièvement trois sujets dans les observations préliminaires. Premièrement, j'aimerais expliquer le champ de compétence du Conseil en ce qui concerne les pêches marines commerciales du Nunavut. Deuxièmement, Michael abordera brièvement les faits récents qui ont aidé à renforcer et moderniser ces pêches. Finalement, je formulerai quatre grandes recommandations que le Conseil voudrait que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans fasse valoir dans tout rapport qu'il pourrait publier sur la question de la croissance du secteur des pêches au Nunavut.
Je commencerai notre exposé par quelques mots sur le rôle du Conseil dans les pêches marines commerciales du Nunavut. Premièrement, permettez-moi de préciser que le champ de compétence du Conseil vise principalement la gestion de la faune et des pêches — notamment l'attribution des ressources halieutiques.
Cela dit, les recommandations et les décisions du Conseil concernant l'attribution des pêcheries marines au Nunavut, qui sont en croissance, ne visent pas seulement les questions de gestion. Ces décisions doivent nécessairement tenir compte des questions fondamentales touchant la situation socioéconomique, la gouvernance, le commerce, l'emploi et l'essor de la région. Or ce sont d'autres organismes — principalement le ministère des Pêches et des Océans, ou MPO, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, le gouvernement du Nunavut et Nunavut Tunngavik Inc., ou NTI, qui ont la compétence, l'expertise et l'expérience voulues dans ces domaines.
Il importe donc de garder à l'esprit que le Conseil, pour exercer efficacement sa compétence, dépend énormément de l'utilisation efficace de leur compétence par ses partenaires de cogestion.
Le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut est un organisme de réglementation composé de neuf membres : quatre nommés par les Inuits, trois, par le gouvernement fédéral et un, par le gouvernement territorial, et un président proposé par les huit autres membres et nommé par le gouvernement fédéral.
En vertu de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, ou ARTN, le Conseil agit en tant que tribunal indépendant et prend la plupart des décisions touchant la gestion des pêches dans la région du Nunavut. Cette région couvre tout le territoire terrestre du Nunavut — à l'exception de quelques petites îles dans la baie d'Hudson —, toutes ses eaux intérieures et toutes les zones marines jusqu'à la limite extérieure de son territoire marin limitrophe.
Dans la région du Nunavut, c'est le Conseil qui prend les décisions portant sur l'établissement, la modification ou la suppression des limites d'exploitation. Par exemple, en ce qui concerne la pêche commerciale, le Conseil fixe les quotas, les restrictions sur les engins et les saisons. Si un quota, une restriction ou une saison doit être modifié, la proposition doit être présentée au Conseil pour qu'il prenne une décision. Le Conseil est aussi chargé de l'attribution des quotas commerciaux dans la région du Nunavut.
Toutes les décisions du Conseil concernant les quantités maximales de poissons pêchés font l'objet d'un examen par le ministre fédéral des Pêches et des Océans. Même si cela se produit rarement, il peut arriver que le ministre rejette une décision du Conseil, mais ce rejet doit respecter les conditions établies par l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.
À l'extérieur de la région du Nunavut, c'est le ministre qui prend toutes les décisions touchant la gestion des pêches, notamment pour fixer les quotas commerciaux, les restrictions sur les engins et les saisons. Cependant, l'Accord prévoit que le Conseil joue un rôle consultatif important en matière de faune, et le ministre doit tenir compte de ses conseils.
La compétence consultative du Conseil vise le territoire qui se trouve à l'est de la région du Nunavut, ainsi que les eaux du détroit de Davis et de la baie de Baffin qui sont sous l'autorité du Canada et qui ne font pas partie d'une autre zone de règlement de revendications territoriales. Cette région est appelée la zone I dans l'Accord. La compétence consultative du Conseil vise aussi le territoire qui se trouve au sud de la région du Nunavut, ainsi que les eaux de la baie James, de la baie d'Hudson et du détroit d'Hudson qui ne font pas partie d'une autre zone de règlement de revendications territoriales. Cette région est appelée la zone II dans l'Accord.
Vous n'êtes pas sans savoir que les eaux de la zone I sont celles où se trouvent la plupart des ressources halieutiques marines commerciales du Nunavut. Par conséquent, le pouvoir décisionnel à l'égard de ces ressources relève du ministère fédéral des Pêches et des Océans. Le Conseil y exerce une grande autorité, mais uniquement à titre consultatif, contrairement à ce qui se produit dans la région du Nunavut.
Une fois que le ministre fédéral des Pêches a déterminé l'attribution régionale des ressources marines du Territoire, le Conseil, en vertu de son pouvoir consultatif, recommande les sous-attributions commerciales accordées individuellement aux pêcheurs du Nunavut. Cet arrangement est conforme à la politique du MPO portant que les décisions touchant la gestion des pêcheries particulières se prennent habituellement au niveau le plus proche possible de ces pêcheries.
Comme je l'ai souligné au début, pour que le Conseil formule des recommandations et des décisions éclairées et responsables en matière d'attribution, il doit pouvoir compter sur ses partenaires de cogestion — plus particulièrement le MPO, le gouvernement du Nunavut et NTI — afin que ceux-ci exercent leurs compétences de façon éclairée et responsable. Le Conseil dépend ensuite d'eux pour qu'ils lui fournissent des conseils appropriés au sujet des questions fondamentales comme la situation socioéconomique, la gouvernance, le commerce, l'emploi et l'essor de la région.
C'est l'établissement de cette approche ciblée, coopérative et coordonnée entre organismes compétents que le Conseil a encouragée avec succès au cours des dernières années.
Avant de céder la parole à M. d'Eca pour qu'il présente son exposé, j'aimerais inviter le comité ou un représentant du comité à une audience publique qui aura lieu à Iqaluit les 12 et 13 juin. Le sujet du débat sera l'élaboration des politiques d'attribution des pêcheries en haute mer.
M. d'Eca va brièvement vous faire part des événements réjouissants qui se sont produits — et qui continuent de se produire — en ce qui concerne les pêches commerciales du Nunavut. Après ses observations, je vous présenterai très brièvement les recommandations que le Conseil voudrait que le comité permanent fasse valoir dans tout rapport qu'il pourrait publier sur la question de l'essor des pêches au Nunavut.
Michael d'Eca, conseiller juridique, Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut : Merci, monsieur le président. C'est avec grand plaisir que je viens témoigner devant le Comité permanent des pêches et des océans. Je pense que nous avons témoigné devant le comité au moins une fois déjà, sinon deux. Le CGRFN craint que le dossier halieutique au Nunavut demeure une source de confusion — peut-être pas pour les membres du comité, mais pour d'autres — et que la pêche soit perçue — à tout le moins par quelques personnes mal informées — comme une activité exploitée et gérée par des personnes au mieux malavisées, et au pire incompétentes. Je souhaite que mon bref exposé sur la récente évolution des pêches au Nunavut contribue à montrer que les Nunavummiuts ont parcouru un long chemin, que les promoteurs et les gestionnaires exécutent avec dynamisme un très bon travail, et qu'ils méritent l'appui constant du comité dans les efforts continus qu'ils déploient pour mettre en valeur les pêches du Nunavut pour les Nunavummiuts et par les Nunavummiuts, en partenariat avec le gouvernement du Canada.
Les eaux profondes de l'Atlantique Nord qui jouxtent le Nunavut, et dont M. Tigullaraq a parlé, hébergent au moins deux espèces suffisamment abondantes pour faire l'objet d'une pêche commerciale viable : le flétan noir — que nous appelons turbot — et la crevette. Malheureusement, depuis les premières années de leur exploitation — en gros, depuis 1990 —, ces deux pêcheries ont presque constamment été régies en fonction des intérêts des gens du Sud. Pour cette raison, la grande majorité des emplois et des profits créés par ces pêches ont été exportés dans le Sud au profit de l'industrie halieutique de l'Atlantique.
Contrairement à ce qu'on observe pour toutes les autres pêches maritimes commerciales au Canada, le Nunavut n'a jamais bénéficié d'un accès majoritaire aux ressources halieutiques de ses eaux contiguës. Même si l'accès du Nunavut aux ressources de ses eaux contiguës a grimpé en flèche depuis quelques années, sa part demeure inférieure à 49 p. 100 en 2007, alors que la norme ailleurs au pays varie entre 80 et 90 p. 100.
Pour ce qui est des allocations qu'il reçoit effectivement, la part du Nunavut s'est traditionnellement limitée presque exclusivement à la conclusion, chaque année, d'ententes d'affrètement de bateaux avec redevances avec des gens du Sud, lesquels ont inévitablement exploité le quota avec leurs navires et leurs équipages pour ensuite, au terme de la saison, mettre les voiles avec la plus grande partie des profits.
On assiste depuis peu à l'émergence d'importants changements, des changements qui signalent finalement un réel essor de l'industrie halieutique du territoire. Depuis 2001, le Nunavut reçoit la totalité de l'allocation canadienne de flétan noir dans la baie de Baffin et le nord du détroit de Davis — ce qui correspond à la division 0A des zones de gestion de l'OPANO. Durant ces six années, l'allocation de flétan noir a presque doublé, passant de 3 500 tonnes à 6 500 tonnes. Pour 2007, le Nunavut dispose d'une allocation globale de 8 500 tonnes pour ses ressources en poisson de fond des eaux contiguës, ce qui correspond à 68 p. 100 de la ressource, comparativement aux maigres 11 p. 100 de 1993, l'année d'entrée en vigueur de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. Il s'agit là d'une augmentation de plus de 618 p. 100 en quelque 14 années depuis la création du CGRFN.
En 2002, le ministre des Pêches et des Océans a officiellement accepté « que l'on cesse d'octroyer à des intérêts étrangers au Nunavut l'accès aux eaux contiguës au territoire tant que celui-ci n'aura pas obtenu l'accès à la majeure partie de ses ressources halieutiques contiguës ». Ça a été une décision importante du ministre. La même année, il divulguait son nouveau cadre relatif aux accès, qui subordonnait toute décision relative à l'octroi de nouveaux accès ou d'accès supplémentaires aux trois principes suivants : la conservation, la reconnaissance des droits ancestraux et issus de traités des Autochtones, et l'équité.
En 2003, le gouvernement du Nunavut et la Nunavut Tunngavik Inc. ont établi la Stratégie de développement économique du Nunavut, qui considérait la pêche comme un important secteur de croissance dans l'économie future du territoire. En 2004, le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans publiait un rapport intitulé Les pêches au Nunavut : Allocations de quotas et retombées économiques et qui visait à permettre à la pêche « de se développer en harmonie avec les valeurs, la culture et le mode de vie du Nord ».
En 2005, le GN et la NTI ont donné suite à leur Stratégie de développement économique en publiant la Stratégie des pêches du Nunavut, qui oriente clairement la valorisation à long terme de l'industrie halieutique territoriale.
En 2006, le GN a rendu public le document intitulé Organizational and Performance Review of Nunavut's Offshore Fishing Industry, rapport indépendant ayant pour but de faciliter la formulation de politiques et de programmes, la planification stratégique et la prise de décisions d'investissement dans le domaine halieutique. Le rapport était assorti de plusieurs recommandations judicieuses visant à rapprocher les pêches maritimes du Nunavut de sept cibles ou objectifs principaux. La première recommandation était que la conservation et la durabilité passent avant tout, et la deuxième concernait la nécessité d'obtenir le plus rapidement possible un accès à toutes les ressources situées au large du Nunavut. Le rapport insistait ensuite sur la nécessité de renforcer les capacités communautaires de façon telle que le contrôle puisse être exercé à l'échelle communautaire, et que soit réduite la dépendance envers les intérêts extérieurs. La quatrième recommandation était d'intensifier et d'améliorer les possibilités de formation et d'emploi, pour réduire les occasions perdues associées à l'exploitation des ressources du Nunavut. Le rapport signalait ensuite l'objectif qui était de tenter de trouver, avec le temps, un équilibre entre les pêches hauturières et les pêches côtières. La sixième recommandation était d'utiliser l'argent provenant de l'accès aux ressources pour financer l'établissement de projets scientifiques et d'initiatives côtières, et la septième concernait la viabilité des entreprises.
Les sept éléments reprennent ceux que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a défendus dans son rapport.
Pour ce qui est des attributions du CGRFN, un certain nombre des recommandations touchaient explicitement une allocation équitable des ressources maritimes du Nunavut. Premièrement, la création d'un Comité consultatif sur l'allocation des ressources halieutiques dans le Nunavut, formé de représentants du GN et de la NTI, qui conseillerait le CGRFN dans la formulation de recommandations et de décisions objectives, équitables et transparentes au sujet de la répartition des ressources halieutiques. Les sénateurs se souviennent sûrement que le président a dit que ce sont ces organismes qui possèdent l'expertise et la compétence voulues aux chapitres de la gouvernance, des questions commerciales et de la formation professionnelle — questions qui touchent de loin la gestion, qui est la principale fonction du CGRFN. Deuxièmement, l'obligation d'allouer une portion du quota total de flétan noir à une pêche côtière expérimentale, afin d'encourager l'essor des pêches côtières. Troisièmement, l'allocation du quota à la collectivité plutôt qu'à des individus ou à des entreprises privées. Quatrièmement, la présentation d'un plan d'affaires détaillé, d'un plan de gouvernance et d'un plan de retombées économiques par chaque demandeur d'allocation. Cinquièmement, au terme de chaque saison de pêche, la présentation par chaque entreprise d'un rapport de fin d'année détaillant les activités menées durant l'année, notamment le degré auquel l'entreprise a respecté ou n'a pas respecté son plan d'affaires, son plan de gouvernance et son plan de retombées économiques. Sixièmement, la réduction ou le retrait des allocations attribuées aux entreprises qui n'ont pas respecté leurs plans ou produit les rapports demandés, et septièmement, faire en sorte que les recommandations, les décisions et les conseils formulés au sujet de l'allocation des ressources halieutiques reposent sur les plans d'affaires, les plans de gouvernance, les plans de retombées économiques et les rapports de fin d'année, ainsi que sur des critères de contiguïté, d'adjacence, de besoin économique et de dépendance économique historique.
Au début de l'été 2006, comme suite à la publication par le GN du rapport sur les pêches, le CGRFN a annoncé que :
[...] son actuelle politique d'allocation pour les pêches maritimes commerciales connaîtra bientôt des modifications substantielles, en réponse aux recommandations formulées dans le rapport indépendant. Dans cet esprit, le Conseil souhaite sonder la population sur les recommandations mises de l'avant par le rapport au sujet de l'allocation équitable des ressources maritimes du Nunavut.
Le rapport sur la pêche en haute mer portait sur beaucoup de domaines qui ne relèvent pas du Conseil, mais, en ce qui concerne l'attribution des ressources, le Conseil voulait obtenir l'avis de la population, du secteur et de ses partenaires de cogestion.
Après avoir reçu un certain nombre de mémoires sérieux et très utiles de la part des membres de l'industrie halieutique du Nunavut, du MPO et du gouvernement du Nunavut, le CGRFN a diffusé à l'automne 2006 un avis public indiquant qu'il tiendrait une consultation publique de deux jours vers la fin de novembre avec l'industrie de la pêche, avec ses partenaires concernés dans la cogestion des ressources, ainsi qu'avec les particuliers intéressés.
Cette consultation, qui a attiré de nombreux participants, s'articulait autour de quatre documents encore à l'état d'ébauche : une version révisée de la Politique d'allocation du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut pour les pêches maritimes commerciales; le mandat du Comité consultatif des pêches du Nunavut, composé de participants du GN et de la NTI; des modèles de référence pour les plans de gouvernance, les plans d'affaires et les plans de retombées économiques au Nunavut et des lignes directrices pour la production d'un rapport annuel sur les politiques d'allocation dans le Nunavut par les participants à l'industrie halieutique du Nunavut.
Dans la foulée de cette fructueuse consultation, le CGRFN a invité l'industrie halieutique et ses partenaires de cogestion pertinents à lui soumettre par écrit d'autres commentaires visant à bonifier les diverses ébauches portant sur la politique d'allocation.
Durant l'hiver et le printemps de 2007, le personnel du CGRFN et des consultants ont amélioré ces versions préliminaires à la lumière des communications présentées par l'industrie et les partenaires. Ce processus est maintenant presque achevé. M. Tigullaraq a mentionné l'audience qui s'en vient.
Le CGRFN organise pour les 12 et 13 juin 2007, à Iqaluit, une audience publique finale consacrée aux ébauches de documents sur les politiques d'allocation. On s'attend à ce, très peu de temps après, le CGRFN prenne une décision sur tous les documents. Le CGRFN prévoit avoir mis en place, pour la saison de pêche 2008, une nouvelle politique d'allocation complète pour les pêches maritimes commerciales, visant l'objectif suivant :
Favoriser l'application d'une démarche concertée, professionnelle et diversifiée pour une mise en valeur écosystémique des ressources halieutiques, tout en continuant de respecter les principes de conservation, de compter sur un réinvestissement dans la pêche par les pêcheurs du Nunavut et d'assurer une répartition élargie des retombées tangibles aux Nunavummiuts.
De plus, le CGRFN espère pouvoir mettre sur pied un Comité consultatif des pêches du Nunavut qui soit opérationnel et qui ait les compétences nécessaires pour lui fournir des conseils opportuns, professionnels, impartiaux et éclairés sur l'allocation des ressources halieutiques, des modèles de référence détaillés pour la préparation des plans de gouvernance, des plans d'affaires et des plans de retombées économiques pour le Nunavut que doivent soumettre les demandeurs de l'industrie, et pour la préparation du rapport annuel exigé des participants de l'industrie.
Le Nunavut se trouve maintenant à l'aube d'une nouvelle ère dans l'exploitation et la gestion de ses pêches maritimes commerciales — une ère où sera finalement rompu le cycle d'affrètement de bateaux avec redevances, où les Nunavummiuts posséderont et exploiteront les bateaux de pêche qui sillonneront leurs eaux contiguës, où l'investissement de ressources dans les infrastructures, la formation, le savoir et l'organisation permettra de faire grandement progresser l'économie et la situation de l'emploi au Nunavut, grâce à son industrie de la pêche.
Le CGRFN est très satisfait — voire même très fier — du rôle joué jusqu'à maintenant par le Nunavut dans la mise en valeur de ses pêches maritimes commerciales. Naturellement, il reste encore beaucoup de choses à accomplir, et qui seront accomplies. Cela dit, les Nunavummiuts et leurs organisations ont fait — et continuent de faire — un très bon travail. La pêche au Nunavut — une activité en constant progrès, il faut en convenir — est une réussite qui doit susciter la fierté de tous les Nunavummiuts, de tous les Canadiens et de tous les membres de votre comité. Le comité a contribué à cette réussite en essayant d'aider le Nunavut à favoriser l'essor de ses pêcheries, et il continue de le faire.
Voilà qui conclut mon exposé, honorables sénateurs. Nous serons heureux, mes collègues et moi, de répondre à vos questions, après que M. Tigullaraq vous aura présenté les quatre recommandations du CGRFN, dont nous espérons que vous tiendrez compte.
M. Tigullaraq : Les recommandations que je vais vous lire vont ont déjà été présentées par Nunavut Tunngavik Inc. Cependant, je vais les répéter, parce que nous représentons essentiellement les mêmes gens du Nunavut.
Premièrement, le gouvernement fédéral doit continuer d'appuyer les efforts du CGRFN, de NTI et du GN en vue de favoriser la croissance des pêcheries au Nunavut, au profit des Nunavummiuts. Deuxièmement, le gouvernement fédéral doit accroître l'accès et les quotas des pêcheurs nunavutais dans les eaux limitrophes, afin de parvenir à l'équité avec les autres provinces de l'Atlantique — c'est-à-dire que les pêcheurs nunavutais doivent obtenir l'allocation de 80 à 90 p. 100 des stocks voisins. Troisièmement, le gouvernement fédéral doit accroître substantiellement le budget de recherche scientifique et d'exploration en ce qui concerne les ressources marines voisines du Nunavut; une base scientifique solide est ce qui permettra à des pêcheries du Nunavut d'être mises en valeur. Quatrièmement, le gouvernement fédéral doit élaborer et réaliser, en collaboration avec le Nunavut, un plan de mise sur pied d'une infrastructure de pêche au Nunavut qui soit comparable à ce qui existe au sud pour les pêches de l'Atlantique. Le gouvernement fédéral doit aussi élaborer et faire fonctionner un régime de permis favorable aux intérêts du jeune secteur de la pêche au Nunavut, régime qui devra tenir compte de l'Accord du Nunavut.
Le président : Vous dites « ... une ère où sera finalement rompu le cycle d'affrètement de bateaux avec redevances ». Pourriez-vous nous expliquer, à partir des pêcheurs et en montant la hiérarchie, comment l'affrètement des bateaux fonctionne? Je présume que la pêche à la crevette fait partie des activités en haute mer et que la pêche au turbot est semi-hauturière. Je sais qu'il y a probablement des palangriers là-bas. Est-ce que les bateaux pour la pêche au turbot sont des bateaux de 40 à 60 pieds, ou sont-ils plus gros que cela? Si c'est le cas, à qui appartiennent les bateaux, et s'agit-il des bateaux dont vous parlez lorsque vous dites que l'affrètement sera une chose du passé? S'il s'agit d'une chose du passé, comment les Nunavummiuts s'y prendront-ils lorsqu'ils posséderont et exploiteront les bateaux eux- mêmes?
M. d'Eca : Je ne suis pas sûr, en ce qui concerne la taille des bateaux. M. Noble et M. Tigullaraq pourraient vous fournir des renseignements plus précis à ce sujet. Nous sommes déjà dans l'ère dont nous parlons; le Nunavut possède plusieurs bateaux. La Baffin Fisheries Coalition possède deux bateaux, la Qikiqtaaluk Corporation en a un, et Qikiqtarjuaq aimerait en posséder un et est en train de prendre des mesures en ce sens. C'est en train de se produire. D'après ce que je sais, il s'agit d'un gros bateau, et ce sont des bateaux qui coûtent des millions de dollars.
Le président : Ai-je raison de dire que la pêche à la crevette se fait en haute mer? Il s'agit de bateaux qui vont en haute mer, où on vend les crevettes aussitôt qu'on les a pêchées, ou à peu près.
Jim Noble, directeur des opérations, Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut : C'est exact, monsieur le président.
Le président : Est-ce que certains de ces bateaux appartiennent aux Nunavummiuts à l'heure actuelle, ou encore, quelle proportion des bateaux appartient à des intérêts étrangers?
M. d'Eca : Parlez-vous des crevettiers?
Le président : Oui, seulement les crevettiers.
M. Noble : La Qikiqtaaluk Corporation est la société titulaire du permis de pêche à la crevette. Elle a un permis et demi. Elle vient de faire l'acquisition d'un nouveau navire, le MV Saputi. Je pense qu'elle possède 51 p. 100 des parts de ce navire.
Le président : Elle possède la majorité des parts d'un navire de pêche en haute mer qui vend des crevettes aussitôt qu'elles sont pêchées.
M. Noble : C'est exact.
Le président : Pouvez-vous nous parler des autres propriétaires du navire?
M. Noble : La Baffin Fisheries Coalition possède un navire semblable pour la pêche en haute mer à la crevette et au turbot. Elle possède un bateau de pêche à filets maillants dont, je crois, elle possède aussi 51 p. 100 des parts.
Le président : Qui possède les 49 p. 100 des parts qui restent?
M. Noble : Elles sont probablement de propriété étrangère.
Le président : Des investisseurs étrangers possèdent 49 p. 100 des parts du bateau.
M. Noble : C'est exact, monsieur.
Le président : Ces investisseurs sont-ils des pays nordiques, de la Norvège ou de la Finlande?
M. Noble : Oui.
Le président : Lorsque nous parlons de rompre le cycle d'affrètement de bateaux avec redevances, envisageons-nous d'acquérir davantage de parts des navires que les 51 p. 100 actuels?
M. Noble : Je pense que ces bateaux font l'objet d'un contrat de location avec option d'achat. Chaque année, on investit les recettes d'exploitation des bateaux dans le capital.
Le président : Avec le temps, les 49 p. 100 des parts vont revenir aux Nunavummiuts.
M. Noble : C'est exact.
M. d'Eca : L'affrètement avec redevances a toujours eu lieu surtout dans la zone 0B, la zone la plus au sud. Là-bas, le Nunavut n'a jamais eu de quota important, et c'est encore le cas aujourd'hui. Je pense que c'est 27 p. 100. C'est une petite allocation divisée entre plusieurs collectivités et entreprises. Le problème de ces titulaires de quotas, c'est qu'ils n'ont pas suffisamment de moyens pour même songer à acheter un bateau. La seule chose qu'ils puissent faire, c'est s'adresser aux pêcheurs du Sud qui disposent d'un bateau et d'un équipage et conclure une entente d'affrètement avec redevances, selon laquelle, comme je l'ai déjà dit, puisqu'il s'agit du navire et de l'équipage des pêcheurs du Sud, ce sont eux qui obtiennent la plus grande part des profits. Le fait même que le Nunavut participe en faisant en sorte de devenir propriétaire, et, graduellement, seul propriétaire — ce qui est le plus important, c'est que nous avons maintenant des allocations suffisantes pour commencer à faire l'acquisition de navires, et, cela ne fait aucun doute, les Nunavummiuts sont en train de devenir propriétaires. Je crois qu'ils planifient tous d'acquérir 100 p. 100 des parts des bateaux.
Le sénateur Robichaud : Comment les redevances sont-elles partagées? Sont-elles partagées entre les principaux actionnaires, à 51 p. 100 contre 49 p. 100, ou est-ce que ces gens demandent davantage que le montant correspondant aux parts des bateaux qu'ils possèdent?
M. d'Eca : Je ne sais pas. Je ne sais pas si l'un ou l'autre de mes collègues connaît la réponse à cette question.
Le sénateur Robichaud : Des témoins nous ont dit que la plus grande partie de l'argent va ailleurs.
L'objectif, c'est que le plus d'argent possible reviennent aux collectivités. C'est la raison pour laquelle je vous demande quelle part des recettes revient à la collectivité, et ce qui vous reste pour faire l'acquisition de bateaux.
M. d'Eca : Nous avons des chiffres concernant les recettes globales que le Nunavut tire des pêcheries, mais le CGRFN n'a pas accès à des renseignements aussi précis que ceux que vous demandez. Nous devrions vérifier, cependant.
Le président : Où pourrions-nous obtenir ces renseignements? Devrions-nous poser la question au gouvernement?
M. d'Eca : Dans le cadre de la nouvelle politique que le CGRFN va approuver bientôt, les plans d'affaires, les plans de gouvernance — ce genre de détail — seront établis. Il a aussi toute la question de la transparence. C'est une ressource publique; c'est-à-dire, un conseil public qui souhaite faire les choses de la façon la plus ouverte possible, mais il y a aussi la question de la confidentialité des renseignements commerciaux. Je m'attends à ce que ce genre d'indicateurs fassent partie des plans et soient diffusés. Il faudra déterminer si les renseignements seront rendus publics en tentant soigneusement de trouver l'équilibre entre la confidentialité des renseignements commerciaux et la nécessité de préserver la transparence en ce qui concerne l'accès à une ressource publique.
Vous pourriez poser la question aux entreprises de pêche qui sont intéressées et leur demander de vous fournir des détails, parce que vous souhaitez creuser un peu plus la question des ententes.
Le sénateur Adams :
[Le sénateur Adams s'exprime dans sa langue maternelle.]
Je constate que le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut compte neuf membres. Y a-t-il trois membres des Territoires du Nord-Ouest? Pourriez-vous m'indiquer encore une fois comment se répartissent les membres du conseil? D'où les autres membres du conseil viennent-ils à part vos membres? Il y a vous et le personnel du MPO. Vous avez été nommé pour cinq ans auprès du MPO, et vous présidez le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Mis à part vous, qui présidez le conseil, et le MPO, qui d'autre siège au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut?
M. Tigullaraq : Le gouvernement fédéral nomme trois membres, et le gouvernement territorial en nomme un. Différents ministères fédéraux nomment des fonctionnaires du gouvernement fédéral, dont les ministères de l'Environnement et des Affaires indiennes et du Nord. Le représentant territorial est nommé par le ministère de l'Environnement du gouvernement du Nunavut. Des organisations inuites nomment les quatre autres membres, notamment les trois associations régionales inuites que sont la Kivalliq Inuit Association, la Kitikmeot Inuit Association et la Qikiqtani Inuit Association; le quatrième membre nommé par une organisation inuite est nommé par NTI, Nunavut Tunngavik Incorporated. Les huit membres proposent un candidat pour la présidence, et le président est nommé par le gouvernement fédéral.
Le sénateur Adams : On parle parfois d'analyser les demandes de quotas du ministère des Pêches et des Océans ici, à Ottawa. Est-ce que les présidents votants participent au processus? Si j'étais pêcheur, par exemple, et que je présentais une demande de quota — je pense que les quotas sortent en février — au ministre pour obtenir le droit de pêcher au Nunavut, qui étudierait ma demande? Est-ce que tous les autres représentants viennent d'autres régions du Nord? Je sais que le fait de revenir au ministre engendre un conflit d'intérêts, mais lorsqu'une personne présente une demande de quota, est-ce que tous les présidents votants participent à l'évaluation de cette demande, ou est-ce seulement les administrateurs qui ont le droit de vote?
M. Tigullaraq : Dans le cadre de la politique actuelle, le conseil prend une décision et recommande l'octroi du quota à telle ou telle personne. Il formule cette recommandation à l'intention du ministre des Pêches et des Océans, puisque la majorité des quotas concernent les zones qui sont à l'extérieur de la région du Nunavut.
M. d'Eca : C'est au ministre que revient la décision concernant l'allocation globale des points. C'est sa décision. L'allocation générale pour le Nunavut, par exemple dans la zone 0A, qui fait l'objet d'une décision du ministre, est de 6 500 tonnes. C'est ensuite au CGRFN qu'il revient de décider, dans le cadre de sa politique d'allocation, qui il faut recommander pour les allocations individuelles. L'ensemble des membres du CGRFN votent ensuite là-dessus. Puis les noms sont présentés au ministre, qui prend la décision finale.
Le sénateur Adams : Les autres membres du CGRFN et le gestionnaire de la faune du gouvernement n'ont pas le droit de vote.
M. d'Eca : Non. Le CGRFN ne compte que neuf membres. Ils sont indépendants à la fois des organisations inuites qui les ont nommés et du gouvernement qui les a nommés. Il s'agit d'un tribunal indépendant qui prend ses propres décisions. Les ministères du gouvernement peuvent le conseiller, tout comme NTI ou des entreprises de pêche peuvent le faire, mais c'est ce petit groupe de membres du conseil qui prend la décision.
Le sénateur Adams : Vous avez parlé des Affaires indiennes et du MPO au début de votre exposé. Est-ce que c'est surtout le ministère des Affaires indiennes qui est susceptible d'envisager des accords de revendications territoriales? C'est-à-dire que les quotas ne regardent pas ce ministère, et ainsi de suite, parce que cela relève du MPO. Je veux en apprendre davantage sur les trois membres issus des AINC et sur l'influence qu'ils ont en ce qui concerne les accords de revendications territoriales conclus avec le gouvernement du Canada.
M. Tigullaraq : Les membres du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut ne représentent pas les organismes qui les nomment. Le CGRFN représente la population du Nunavut, inuite ou non — le conseil représente la population de la région du Nunavut.
On ne voit pas comme un problème le fait que les personnes nommées votent sur différentes décisions qui doivent être prises par le conseil, que celle-ci aient trait à l'allocation des quotas, dans le cas qui nous occupe, ou à d'autres responsabilités, au sujet desquelles le conseil prend régulièrement des décisions.
Le sénateur Adams : Les recommandations actuelles sont de faire passer à 80 ou à 90 p. 100 les allocations au Nunavut, et nous avons parlé plus tôt des redevances. J'essaie depuis un certain temps de comprendre comment le système des quotas fonctionne. Si le ministre était d'accord, vous seriez d'accord pour qu'on impose un système de quotas à combien de collectivités? Pouvez-vous nous dire combien de collectivités devraient avoir des quotas dans la région de Baffin, c'est-à-dire dans les zones 0A et 0B? Vos recommandations sont d'allouer 80 à 90 p. 100 au Nunavut. Comment envisage-t-on cela pour l'avenir?
À ce moment-ci, M. d'Eca dirait qu'il y a un rapport sur la stratégie d'avenir des pêcheries du Nunavut. Ce rapport devrait préciser combien de quotas sont alloués. Savez-vous à qui on devrait octroyer les quotas là-bas, dans la région de Baffin?
M. d'Eca : Lorsque nous obtiendrons 80 à 90 p. 100, il y aura beaucoup plus de poissons. Je ne peux pas m'exprimer au nom des membres du conseil, mais il est clair qu'ils souhaiteraient répartir les quotas le plus possible. On utilisera les politiques d'allocation comme mécanismes de répartition; des lignes directrices équitables que le CGRFN utilise pour s'assurer que l'on répartit les avantages le plus possible et de la façon la plus efficace possible chez les Nunavummiuts.
On peut espérer que toutes les collectivités intéressées, et, assurément, celles qui se trouvent le long de la côte de l'île de Baffin, participeront aux pêches.
Le sénateur Adams : C'est la raison pour laquelle je posais la question. Je ne connais que ces trois collectivités. Il y en a une sur l'île de Baffin qui s'appelle Pond Inlet, et qui, à une certaine époque, avait conclu un contrat avec Clearwater Atlantic Seafood Inc., qui pêchait là-bas en 2000. On avait des quotas, à l'époque. Chacune des collectivités pouvait dire qu'elle disposait de plus de 8 000 tonnes métriques, et qu'elle devrait être en mesure d'obtenir au moins 3 000 tonnes métriques. Elle vend ses quotas aux pêcheurs, qui en deviennent ainsi les titulaires. C'est difficile de comparer les ententes territoriales à ce que M. Kaludjak, président de NTI, a dit il y a deux ou trois jours, sur le fait de percevoir les redevances pour le secteur minier. C'est autre chose en ce qui concerne les pêcheurs. Ceux-ci possèdent les navires, et s'ils obtiennent 500 tonnes pour une collectivité, ce sont eux qui perçoivent les redevances. Le gars qui était titulaire du quota de 500 tonnes l'a vendu à une autre entreprise, mais il ne perçoit pas les redevances. C'est la politique actuelle du Nunavut. La seule manière pour lui de posséder le quota au sein de la collectivité, c'est de conclure un partenariat avec le propriétaire du navire. De cette façon, il peut obtenir une part des redevances.
Nous présentons des revendications territoriales, et vous parlez des étrangers. Eux aussi pêchent là-bas. Ils obtiennent des quotas et aussi une partie des redevances, même s'ils ont acheté les quotas pour 500 $ la tonne ou quelque chose comme ça, des collectivités. C'est la raison pour laquelle le système des redevances qui régit les pêcheries du Nord me dérange.
Pour répondre à votre question au sujet du système de quotas, monsieur le président, et sur les proportions dans le cadre de celui-ci, l'entreprise obtient 51 p. 100, et l'autre partenaire qui possède 49 p. 100 des parts perçoit peut-être 49 p. 100 des redevances. Je pense que c'est ainsi que le système fonctionne. C'est en fonction des quotas, et c'est ce qui me dérange.
Nous parlons de navires très coûteux. Même les gens qui sont titulaires de quotas de 500 tonnes ne perçoivent pas de redevances. Les banques leur disent : « Vous avez un quota de 500 tonnes, très bien, mais vous ne percevez pas les redevances, et vous ne pourrez pas nous rembourser. »
Le président : À un moment donné, au cours de nos audiences, il faudra que nous essayions d'obtenir des renseignements sur la répartition des profits et des redevances, qui, d'après ce que je comprends, pourrait être deux choses différentes. On peut présumer que les profits découlant de l'exploitation d'un navire sont répartis en fonction des parts, mais les redevances sont peut-être un autre montant, à ce qu'il me semble. À ce moment-ci, ce n'est pas clair pour moi. Nous allons devoir continuer de poser ce genre de questions.
Le sénateur Robichaud : Cette question se posait déjà lorsque nous nous sommes penchés sur le problème pour la première fois, il y a de ça passablement d'années. M. d'Eca a dit que cela n'était pas un secret, mais que c'était les affaires, et que personne ne voulait publier les chiffres, en vertu d'une entente commerciale.
Lorsque nous nous sommes rendus là-bas, certaines personnes ont affirmé qu'elles ne pouvaient faire une évaluation adéquate parce qu'elles ne disposaient pas des renseignements nécessaires, et, d'après ce que j'ai entendu dire, la situation n'a pas changé.
M. d'Eca : Assurément, dans le cadre du nouveau régime que le CGRFN mettra en place, avec les plans d'affaires et de gouvernance détaillés, et ainsi de suite, il y aura beaucoup plus de renseignements divulgués. Cependant, je veux souligner encore une fois qu'il y a une tension entre transparence et ouverture et confidentialité des renseignements commerciaux. Cela sera défini clairement dans les politiques futures du CGRFN, mais il y aura toujours une tension. Voulez-vous que tout le monde sache combien vous payez dans le cadre de vos ententes de redevances? Est-ce un désavantage pour votre entreprise? Ce sont des questions légitimes qu'il faut poser.
Je comprends que vous souhaitiez faire la lumière là-dessus, mais nous devons tous admettre qu'il y a une tension qui a lieu d'être entre l'ouverture et la transparence et la protection des renseignements commerciaux.
Le président : C'est vrai; par contre, en protégeant leurs renseignements, les entreprises préservent leur pouvoir. Cela nous empêcherait de comprendre comment le transfert de propriété va se faire entre les intérêts étrangers et les intérêts locaux. Si nous n'arrivons pas à obtenir les renseignements concernant ce qui est de propriété étrangère et ce qui est de propriété locale, nous ne pouvons bien comprendre comment la transition va se faire. C'est une question complexe, et je ne pense pas que nous allons pouvoir y répondre du jour au lendemain.
Le sénateur Adams : Les Inuits sont reconnus comme étant des Canadiens au même titre que les autres habitants du pays. Les accords de revendications territoriales précisent que les Inuits n'ont pas le droit de posséder le plancher océanique. Est-ce qu'il s'agit des îles ou du fond de la mer? Les Inuits vivaient là-bas des milliers d'années avant que les Européens débarquent; néanmoins, nous n'avons pas le droit de posséder de zones marines. Est-ce que cela veut dire le fond de la mer?
Dans votre mémoire, vous parlez des traités. Parlez-vous des peuples autochtones? Je ne pense pas que les Inuits ont conclu des traités pour régler les revendications territoriales. Je veux m'assurer que j'ai raison.
Je n'ai pas de numéro de traité; je n'ai pas de numéro d'assurance sociale qui permettrait au gouvernement de savoir combien je dois en impôts sur le revenu.
M. d'Eca : Vous avez raison, sénateur Adams. La propriété du fonds marin n'est pas un élément des accords de revendications territoriales. Même si le Nunavut a un certain nombre de droits et intérêts dans le domaine des revendications territoriales, les Nunavummiuts n'ont pas été en mesure de réaliser cela. Je ne pense pas qu'aucun autre peuple autochtone se trouve dans ce genre de situation, au chapitre de la propriété.
Les Inuits ont un certain nombre de droits et d'avantages très importants dans le cadre des accords de revendications territoriales. Il est important que les bénéficiaires de ces accords soient pleinement conscients de leurs droits, et, comme votre exemple le montre, qu'on parle publiquement de ses droits, qu'on les défende et qu'on s'assure que le gouvernement respecte toutes ces obligations découlant des accords de revendications territoriales. Les Inuits ont renoncé à un certain nombre de choses pour pouvoir conclure leur accord de revendications territoriales, et ils méritent de profiter de tous les avantages que prévoient les différentes dispositions.
L'article 15 parle du fait d'obtenir une part équitable des permis concernant les eaux adjacentes du Nunavut. Nous n'avons pas encore parlé du régime de permis aujourd'hui. Il faut prendre encore beaucoup de mesures pour mettre pleinement en œuvre même les dispositions relatives aux pêcheries des accords de revendications.
Le sénateur Hubley : Vous nous avez présenté beaucoup d'informations, et je vous en remercie, même si je suis encore plus dérouté qu'avant.
Si nous suivons le poisson, nous devrions être en train de suivre l'argent, mais je ne pense pas que c'est ce qui se produit.
Ma première question concerne la Baffin Fisheries Coalition qui, d'après ce que je sais, a fait l'acquisition de deux chalutiers congélateurs. Où a-t-on trouvé l'argent pour acheter ces chalutiers congélateurs, qui valent plusieurs millions de dollars chacun? Est-ce que c'est de l'argent qui découle des redevances?
M. Noble : Pour vous mettre en contexte, nous avons commencé à pêcher le turbot au Nunavut en 1985. Au départ, nous disposions d'un petit quota dans la zone 0B. Le conseil a reçu les demandes de toute personne intéressée à pêcher. Nous avons divisé ce petit quota en de nombreux petits morceaux, et tout le monde a obtenu un peu de capital et un paiement de redevances. Cependant, la pêcherie n'a pas connu de croissance, et nous n'avons pas été reconnus en tant qu'organisation de pêcheurs. Par la suite, en 2001, le ministre nous a donné le quota 0A. Le conseil et les partenaires de cogestion, NTI et le GN, se sont adressés à toutes les collectivités de pêcheurs et à tous les gens qui participaient aux activités de la pêcherie de la zone 0B, et ils leur ont demandé ce qu'ils voulaient faire dans l'avenir. Les collectivités ont décidé d'instaurer un partenariat, la BFC.
Elles ont ouvert un compte bancaire dans lequel elles ont déposé les paiements de redevances. On n'a versé aucuns fonds aux membres ou collectivités; tout a été déposé à la banque. Les paiements de redevances effectués par les investisseurs étrangers de 2001 à aujourd'hui ont été suffisants pour que les entreprises achètent 51 p. 100 des parts.
Le sénateur Hubley : Sur le plan de l'organisation, vous avez fait un travail digne de mention. J'aimerais être en mesure de faire le lien entre ce que vous avez fait et la santé de vos collectivités.
Était-il possible de faire autre chose avec les redevances que d'acheter des chalutiers congélateurs? Est-ce que l'infrastructure aurait été un enjeu important? Si vous disposiez d'installations sur les quais et d'usines de transformation, une part des richesses découlant des activités de la pêche reviendraient à la collectivité. Il y a toujours un écart entre les objectifs et ce qui se produit sur le terrain.
Les collectivités profitent-elles de façon concrète des 68 p. 100 des ressources qui forment maintenant l'allocation du Nunavut, pas nécessairement sous forme de redevances? En quoi cette allocation supplémentaire contribue-t-elle à la prospérité des collectivités?
M. Noble : En plus d'avoir fait l'acquisition des deux navires grâce aux paiements de redevances que la BFC a reçus pour les 3 500 tonnes métriques initiales, on a créé une organisation de formation pour les collectivités et un fonds de recherche d'environ 500 000 $ par année. Avec cet argent destiné à la recherche, nous avons lancé une entreprise conjointe avec le gouvernement fédéral, et le CGRFN est arrivé avec 2 500 tonnes métriques supplémentaires, ce qui a profité aux collectivités.
Depuis trois ans, les collectivités obtiennent des paiements de redevances directs. Non seulement, les paiements de redevances ont augmenté, mais, puisqu'elles possèdent 51 p. 100 des parts, elles obtiennent aussi une part des recettes découlant de l'exploitation du bateau. Le revenu augmente chaque année.
Le sénateur Hubley : Il y a des possibilités d'emploi et de formation. Est-ce que cela se reflète dans l'infrastructure?
M. Noble : J'ai négligé de dire qu'on décharge environ 600 tonnes métriques à Cumberland Sound, ce qui contribue aussi à la construction d'infrastructures là-bas.
Le sénateur Hubley : Est-ce le seul endroit?
M. Noble : À l'heure actuelle, oui. Nous effectuons des études dans d'autres collectivités pour voir quelles ressources il est possible de mettre en valeur. À Clyde River, il serait peut-être possible de pêcher l'hiver. Nous serons peut-être en mesure de congeler le poisson, ce qui nous permettra de l'envoyer vers le sud, le long de la côte.
Le sénateur Meighen : J'aimerais poser des questions sur le même sujet que le sénateur Hubley, l'infrastructure, parce que le comité a abordé ce thème déjà, en 2003-2004. En effet, un certain nombre de personnes ont formulé des commentaires concernant le besoin d'améliorer l'infrastructure physique au Nunavut. Nous avons constaté qu'il n'y a pas de ports en eaux profondes, pas de ports pour les petits bateaux ni de centres maritimes pouvant accueillir une flotte de pêche côtière ou en haute mer. Mis à part ce que vous avez déjà dit, est-ce qu'autre chose s'est produit à cet égard, et, sinon, est-ce qu'il doit se produire quoi que ce soit?
M. d'Eca : M. Noble me corrigera si je me trompe, mais il ne s'est passé que très peu de choses du côté du gouvernement fédéral, peut-être même rien du tout. Le gouvernement du Nunavut et Nunavut Tunngavik ont travaillé sans répit — vous avez peut-être entendu parler de NTI aussi — pour que soit respecté l'engagement concernant la construction d'un port en eaux profondes et pour obtenir de l'argent du fonds des ports pour petits bateaux.
D'après ce que je sais — et mes collègues sont peut-être mieux placés pour répondre que moi —, il ne s'est pas passé grand-chose ces dernières années, peut-être même rien du tout. L'une des choses essentielles, c'est que nous devons créer davantage de richesses pour pouvoir apporter du changement au sein des collectivités. Par rapport à l'emploi, si l'on veut exploiter de petits bateaux pour la pêche côtière, le problème, c'est qu'il n'y a pas d'infrastructure. Les choses bougent, cependant. Le CGRFN, avec ses nouvelles politiques, encourage l'essor de la pêche côtière, mais il y a un besoin d'infrastructure. Vous avez raison de parler de cela précisément.
Le Nunavut a fait ce qu'il pouvait pour encourager les gouvernements à agir. Il existe un PE entre le gouvernement du Nunavut et le gouvernement du Canada, mais nous n'avons pas réussi, autant que je sache, à faire bouger le gouvernement fédéral, mais j'exagère peut-être.
M. Noble : En ce moment, le ministère du Développement économique et des Transports envisage d'effectuer un sondage de la zone côtière et d'essayer d'obtenir du gouvernement fédéral de l'aide financière pour le faire. Les représentants du ministère travaillent aussi à des sondages du fond marin et à des zones d'essai où il pourrait être possible de construire un port; cependant, le gouvernement fédéral n'a pas encore offert son aide.
Le sénateur Meighen : Pensez-vous avoir fait suffisamment de bruit pour attirer l'attention sur ce besoin? Je serais intéressé à entendre la réponse du gouvernement fédéral. Dit-il qu'il n'a pas d'argent pour construire des quais ou des usines ou pour encourager les projets d'infrastructure, ou ne dit-il rien du tout?
Le sénateur Robichaud : C'est l'œuf ou la poule.
Le sénateur Meighen : D'après ce que je sais, on a fait un peu de bruit. On a formulé des demandes.
M. Noble : Nous avons rencontré les représentants du ministère à deux reprises. On nous a dit qu'il s'agissait d'une situation intéressante, parce que le Canada est déjà passé par sa phase de croissance des pêches dans les régions septentrionales du monde. On y a construit des quais, et, aujourd'hui, on ne fait que les entretenir et on essaie de faire en sorte que ce soit les collectivités du sud du Canada qui s'occupent de leurs propres ports. Il n'y a pas d'argent neuf pour la croissance des collectivités bourgeonnantes du Nord. Il n'y a plus de programmes.
Le sénateur Meighen : On applique dans le Nord une stratégie élaborée dans le Sud.
M. Noble : Oui, au moment où nous voulons favoriser l'essor de certains secteurs, nous constatons que le soutien tire à sa fin.
Le sénateur Meighen : En 2005, on a admis que le Nunavut ne serait pas en mesure de construire des usines de transformation du poisson dans toutes les collectivités; cependant, il y a eu un certain mouvement visant à essayer de déterminer quelles sont les collectivités les plus prometteuses, celles où il serait le plus avantageux de construire des usines de transformation du poisson. Y a-t-il eu de quelconques progrès dans ce dossier? Avez-vous déterminé quelles collectivités seraient le plus aptes à accueillir des usines de traitement du poisson, ou est-ce qu'il faut d'abord construire l'infrastructure?
M. Noble : Nous avons effectué des études de faisabilité à Broughton Island. À l'heure actuelle, nous effectuons quelques activités de pêche à titre d'essai, pour déterminer s'il y a des ressources, dans les régions des collectivités, que nous pourrions utiliser pour construire ces installations. Le travail avance. C'est un travail qui exige du temps et de l'argent. Cependant, il n'y a pas encore d'installations, malgré tout notre travail.
Le sénateur Meighen : Savez-vous quand nous pourrons prendre connaissance des résultats de ces études?
M. Noble : Il y a un essai de pêche prévu à Clyde River. Je pense que ça va commencer dans quelques jours.
Le sénateur Meighen : Monsieur Tigullaraq, vous avez donné, il y a un an, une entrevue à la radio de Radio-Canada au sujet des filets maillants. J'ai la transcription devant moi. Tout le problème de la pêche fantôme et des filets qui continuent de dériver éternellement m'intéresse. Vous êtes aussi confronté au problème des glaces, qui, dans ce cas précis, ont emporté des filets maillants; cependant, lorsqu'on les a retrouvés, ils étaient toujours roulés, alors il n'y a pas eu de pêche fantôme. Y a-t-il dans le Nord un règlement régissant la pêche à l'aide de filets maillants?
M. Noble : Nous avons travaillé en collaboration avec le MPO, et nous avons déterminé une saison où la pêche est interdite. Il y a une bonne communication entre le ministère des Pêches et des Océans, le Conseil et le secteur de la pêche en ce qui concerne la surveillance de l'état des glaces. Nous examinons les cartes des glaces pour décider quand la pêche doit être interdite pour éviter que la glace ne se referme de la même manière qu'à l'époque, comme vous l'avez entendu dans le reportage de la SRC. Nous n'avons pas eu de problème depuis.
Le sénateur Meighen : La première proposition qui a été formulée, c'était de bannir les filets maillants, mais le conseil de gestion de la faune a jugé cette mesure trop extrême. On n'a perdu aucun filet depuis l'établissement de ce service de surveillance, et la période pendant laquelle les filets maillants sont autorisés varie en fonction de l'état des glaces, n'est-ce pas?
M. Noble : Je pense qu'il n'y a eu aucun problème au cours des deux dernières années.
M. d'Eca : Le CGRFN s'est exprimé publiquement depuis 1996, lorsqu'il a écrit une première lettre au ministre pour défendre l'imposition de limites quant à l'utilisation de filets maillants partout dans l'Atlantique. Le Conseil fait pression en ce sens pour l'ensemble des pêcheries, non pas pour que le Nunavut soit pris isolément. Il n'y a pas vraiment eu de réaction. Je pense que l'industrie de la pêche résiste.
Nous avons apporté des changements au Nunavut; dans la zone 0A, les pêcheurs doivent retirer leurs filets avant un moment précis à l'époque des premières gelées. Je ne suis pas sûr de savoir de quoi vous parlez exactement, mais c'est sûrement quelque chose qui va dans le même sens que la position du CGRFN, selon laquelle les filets maillants posent problème, partout dans l'Atlantique. Nous devons nous pencher sur les différents engins et faire en sorte que ceux-ci soient conformes aux meilleures pratiques de conservation et de gestion des ressources.
Le sénateur Comeau : Monsieur d'Eca, dans votre exposé, vous avez parlé du rapport qu'a publié le gouvernement en 2006. Ce rapport comporte deux parties, dont l'une porte sur la compétence du CGRFN. À la page 3 de votre exposé, à la disposition 3, vous dites : « Idéalement, l'allocation des quotas de pêche à la collectivité plutôt qu'à des particuliers ou des sociétés. » Je trouve le mot « idéalement » plutôt intéressant.
S'agit-il d'une mesure que vous prenez pour le cas où vous perdriez votre pari selon lequel la question de la qualité des quotas octroyés aux collectivités n'est pas encore réglée? Est-ce que cela tient au fait d'avoir différentes méthodes d'application des règlements relatifs à la pêche?
M. d'Eca : Sénateur, je veux qu'il soit clair que cette partie de mon exposé s'inspirait d'un rapport indépendant. Le gouvernement a demandé conseil à des consultants. C'est ce que les consultants ont répondu. Je ne suis pas sûr d'utiliser exactement les mêmes mots qu'eux, mais c'est dans ce sens que les choses devraient aller selon eux.
Le CGRFN n'a pas pris de mesures à cet égard. Il s'est tenu loin de ce dossier, mais les consultants et le CGRFN se fondent sur les directives précisées dans l'accord de revendications territoriales. Ces directives gouvernent la prise de décisions par le CGRFN pour ce qui est de la région du Nunavut. Le CGRFN les a utilisées comme fondement pour formuler ses conseils au sujet de la pêche à l'extérieur de la région du Nunavut. L'accord de revendications territoriales indique clairement une préférence pour les chasseurs, les trappeurs et les organisations régionales de protection de la faune en ce qui concerne l'allocation des quotas. L'accord parle d'entreprises économiques viables parrainées par les organisations de chasseurs et de trappeurs ou par les organisations régionales de protection de la faune. Sans savoir ce que les auteurs voulaient dire exactement, je pense qu'ils ont déterminé que l'accord de revendications territoriales témoignait d'une préférence pour la démarche consistant à allouer les quotas aux collectivités plutôt qu'à des particuliers.
Le sénateur Comeau : Voilà qui confirme certaines des choses que nous avons entendues au cours de notre dernière étude, au sujet du fait qu'on s'intéressait beaucoup à l'idée de laisser les collectivités allouer les quotas elles-mêmes, surtout avec la disposition supplémentaire concernant le principe de contiguïté, qui, je crois, est accepté de tous dans le Nord. Sans dire que c'est la collectivité qui pêche, la disposition 6 dit : « La réduction ou la suppression des allocations des entreprises qui ne respectent pas leurs plans ou les exigences en matière de reddition de comptes. »
En d'autres termes, si une collectivité fait affaire avec un fournisseur pour la pêche de ressources appartenant à cette collectivité, et si ce fournisseur ne respecte pas les modalités des plans sur lesquels ils se sont entendus, le fournisseur ne serait plus autorisé à pêcher.
C'est le meilleur des deux mondes. De cette façon, c'est la collectivité qui est titulaire du quota, parce que le danger que présente l'adoption du modèle de l'entreprise ou d'un modèle de propriété, c'est qu'il devient possible de vendre les quotas à l'extérieur de la collectivité. Nous ne voulons pas être confrontés à la situation qui s'est produite dans la zone 0B, où bon nombre des quotas appartiennent à des intérêts étrangers. Nous avons mentionné, l'autre jour, le fait que deux ou trois dentistes de la Floride ramassent les profits qui découlent de l'exploitation des stocks.
Pensez-vous que le modèle des quotas appartenant à la collectivité peut être avantageux pour vos collectivités?
M. d'Eca : Les politiques actuelles du CGRFN, qui, encore une fois, sont fondées sur les directives de l'accord de revendications territoriales, sont très en faveur de l'allocation des quotas aux collectivités. Elles favorisent les chasseurs, les trappeurs et les organisations régionales de protection de la faune. On est encore en train d'élaborer la nouvelle politique, mais je peux vous dire que cette politique va aller encore plus dans le même sens. Je pense que le CGRFN va s'assurer qu'aucun dentiste ne pourra avoir la mainmise sur les quotas du Nunavut.
Le sénateur Comeau : Ce qui pose vraiment problème, c'est lorsqu'on peut vendre les ressources à n'importe qui. Les ressources pourraient bien être vendues à des gens de la région, mais lorsqu'elles sont vendues, elles sont vendues ailleurs. Elles vont ailleurs.
Monsieur Tigullaraq, à la page 5 de votre exposé, vous dites : « Cet arrangement est conforme à la politique du MPO voulant que les décisions touchant à la gestion des pêches particulières se prennent habituellement au niveau le plus proche possible de ces pêches. »
Est-ce que c'est le concept de contiguïté, et est-ce que les politiques du MPO, qui évoluent, vont dans cette direction? D'après ce que je sais, le MPO résiste à l'idée de contiguïté.
M. d'Eca : Je suppose qu'il y a bel et bien un lien avec la contiguïté, mais je pense que nous avons tiré cela d'un cadre stratégique qu'a publié le ministère des Pêches et des Océans il y a deux ou trois ans. Dans ce document, les représentants du ministère expliquent qu'ils veulent que les décisions soient prises au niveau le plus près possible de la collectivité. Cela reflète l'importance du principe de contiguïté, non seulement en ce qui concerne la réception des allocations, mais aussi dans la prise de décisions qui touche notre pêcherie.
Le sénateur Comeau : Ce serait une bonne nouvelle.
Le sénateur Adams : Monsieur le président, tout le monde devrait avoir un permis. À ce moment-là, le ministre allouerait les quotas entre la zone 0E et la zone 0B. On donne un permis au Nunavut, n'est-ce pas?
D'après les pêcheurs professionnels, chaque fois que les gens se rendent là-bas, ils ont des quotas. Les étrangers doivent-ils utiliser ce permis pour se rendre là-bas?
M. d'Eca : C'est à la fois vrai et incroyable que le Nunavut ne soit titulaire que d'un seul permis de pêche au poisson de fond. Si on devait instaurer un régime de redevances, il se pourrait qu'une personne soit titulaire du quota, et une autre du permis; ainsi, c'est ensemble qu'elles pourraient pêcher. Il arrive parfois que cette personne ne soit pas titulaire du permis. Le Nunavut possède le seul permis, et il est difficile, sur le plan logistique, d'octroyer ce permis. Une autre chose qu'il faut vraiment réformer, c'est le régime de permis du Nunavut. Notre régime est envisagé en même temps que celui de la partie sud de l'Atlantique, et, là-bas, les capacités sont dépassées, ce qui fait que le gouvernement n'est pas intéressé à délivrer de nouveaux permis. Néanmoins, nos pêcheries sont en croissance, ce qui fait que nous avons besoin d'un régime de permis qui reflète cet état de fait.
Je dirais que le MPO s'est montré très intéressé et tout à fait prêt à collaborer avec le Nunavut pour l'élaboration des politiques en matière de permis. Je pense qu'on est en train de prendre des mesures, sous l'égide du gouvernement du Nunavut, pour faire cela précisément. J'espère que le gouvernement fédéral et le gouvernement territorial s'entendront sur la forme que devrait prendre ce régime de permis.
Le président : Il s'agit d'un permis de bateau, n'est-ce pas? Il y a un permis de pêche, mais il faut avoir un bateau pour pêcher. Devons-nous comprendre qu'il n'y a qu'un seul bateau pour lequel le Nunavut est titulaire du permis? Est-ce exact?
M. d'Eca : Les autres propriétaires de bateau sont aussi titulaires de permis. Je pense qu'ils ont peut-être acheté leur permis avec leur bateau. Le gouvernement fédéral n'a délivré qu'un seul permis au Nunavut, et cela passe par le CGRFN, alors celui-ci doit s'acquitter de la tâche difficile de déterminer à qui donner ce permis. Je sais que les autres Nunavummiuts qui possèdent des bateaux sont tous titulaires d'un permis.
M. Noble : C'est difficile à comprendre, mais il n'y a qu'un seul permis. Ce permis est valide pour la zone 0, c'est-à- dire à la fois les zones 0B et 0A. Lorsque le MPO délivre les permis pour l'année, il attribue ces permis aux trois bateaux que nous utilisons au Nunavut. Les propriétaires des autres bateaux qui viennent du sud du Canada sont titulaires de permis dans d'autres zones de pêche, mais ils n'ont pas de permis pour pêcher dans notre zone.
Il n'y a pas eu de navires étrangers dans les eaux du Nunavut depuis 2003. Tous les bateaux qui y naviguent à l'heure actuelle sont de propriété canadienne, et battent pavillon canadien. Nous utilisons le permis en question pour nos trois bateaux.
M. d'Eca : Il s'agit d'un permis limité, alors il y a la pêche concurrentielle dans la zone 0B. Les gens qui possèdent le bon permis peuvent s'y rendre pour concurrencer les autres pêcheurs. Nous ne disposons pas d'un permis qui permettrait à une entreprise du Nunavut de le faire. Ainsi, le Nunavut est prisonnier de cette pêcherie de la zone 0B, et je pense que le quota totalise 1 000 ou 1 500 tonnes, une bonne quantité.
Le président : Est-ce que les trois navires qui partagent le permis sont autorisés à pêcher dans la zone 0B?
M. Noble : Pas dans le cadre d'un quota concurrentiel.
Le président : Vous êtes titulaires de 27 p. 100 du quota de la zone 0B?
M. Noble : Exact. Nous avons droit à 1 500 tonnes métriques de ce quota.
Le président : Aucun navire dont le permis appartient au Nunavut n'a le droit de pêcher une partie des 27 p. 100 de ce quota. Est-ce exact?
M. Noble : Non, pas en dehors de ces 27 p. 100.
Le président : Nous n'avons pas toutes les réponses. Nous sommes tous aux prises avec ce problème. Nous avons une autre réunion bientôt, et nous allons continuer d'étudier la question. Nous recevons le ministre mardi.
Le sénateur Robichaud : Ne serait-il pas possible de procéder à une nouvelle répartition du quota de la zone 0B?
M. Noble : Oui; cependant, le ministre nous refuse l'accès en raison du fait que les pêcheurs du sud du Canada étaient là avant nous. Ils ont tous des permis, et les quotas sont tous alloués. On nous a dit que la seule manière pour nous d'avoir accès à cette pêcherie, c'est d'acheter l'une des entreprises avec son permis. C'est la seule façon pour nous d'obtenir davantage que les 27 p. 100 actuels.
Le sénateur Robichaud : Nous devrions approfondir la question.
Le président : Oui, nous devrions le faire. Cela soulève toute la question des permis. La délivrance de permis est devenue quelque chose de gros. Les coûts ont augmenté en flèche, ce qui fait que les titulaires de permis possèdent davantage qu'un bout de papier. Ils possèdent beaucoup de capital, et ce capital fait l'objet d'échanges. Ce n'est pas une situation propre au Nunavut. C'est quelque chose qui se passe partout dans l'Atlantique, et probablement partout au pays, par rapport à la manière dont on délivre les permis. Je ne sais pas si le ministre des Pêches et des Océans peut récupérer ces permis.
Le sénateur Robichaud : Je pense qu'il pourrait le faire. On nous a dit qu'il s'agit d'un privilège. Nous devrions examiner cette question de plus près.
Le président : Oui, nous devrions le faire. Ce n'est pas un problème propre au Nunavut. C'est un problème auquel nous sommes confrontés dans toutes les provinces de l'Atlantique. Au Nouveau-Brunswick, il y a des pêcheurs de crabe qui se trouvent essentiellement dans la même situation.
Le sénateur Robichaud : En ce qui concerne la partie sud de la côte et la pêche aux crabes, le quota a été alloué, à un moment donné, à un groupe de pêcheurs semi-hauturiers. Après avoir senti que les pêcheurs de la côte exerçaient des pressions sur lui, le ministre a divisé ce quota et leur en a donné une part, et c'est à ce moment que tout a été chambardé. Récemment, le ministre Thibault en a fait un quota permanent.
Ce que je dis, c'est que les ministres ont le pouvoir de décider. Ce n'est pas facile.
Le président : Nous devons examiner de plus près toute la question des permis et des quotas.
Merci beaucoup d'avoir comparu. Votre témoignage nous a été très utile. Vous nous avez donné des réponses, mais vous avez aussi soulevé de nouvelles questions. Nous allons tenter d'obtenir des réponses à ces nouvelles questions.
Nous recevons le ministre mardi. Il pourra peut-être nous donner une idée précise de l'avenir des pêches. Nous voulons nous assurer que le produit de la pêche vous appartienne et que vous puissiez continuer de pêcher.
Je pense que nous avons compris certains des problèmes auxquels vous êtes confrontés, comme d'autres électeurs des provinces de l'Atlantique.
Nous allons continuer d'observer et de poser des questions, et nous allons publier un rapport. Merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui.
Le séance est levée.