Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 7 - Témoignages du 7 novembre 2006
OTTAWA, le mardi 7 novembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 17 h 25, pour examiner l'entente intervenue entre le Canada et les États-Unis sur le bois d'œuvre.
Le sénateur Peter A. Stollery (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le sénateur Stollery : Soyez tous les bienvenus à la réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Aujourd'hui, nous entamons notre étude de l'entente sur le bois d'œuvre. Nous nous intéressons plus particulièrement au mécanisme de règlement des différends prévu dans l'Accord de libre-échange nord- américain, c'est-à-dire l'ALENA, notamment à la façon dont le mécanisme est touché par l'entente intervenue entre le Canada et les États-Unis sur le bois d'œuvre résineux.
Nous accueillons aujourd'hui Lawrence Herman, avocat chez Cassels Brock, et Jon Johnson, avocat chez Goodmans.
[Français]
Carl Grenier est vice-président exécutif du Conseil canadien du libre-échange pour le bois d'œuvre. Nos trois témoins d'aujourd'hui n'en sont pas à leur première visite devant notre comité. Ils ont comparu en février 2003 dans le cadre de notre étude sur l'ALÉNA.
[Traduction]
M. Herman a travaillé à différents accords commerciaux, par exemple à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, soit le GATT, aux accords passés dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, en d'autres mots de l'OMC, et à l'ALENA. En tant qu'avocat, il se retrouve régulièrement devant des organes de règlement des différends créés en vertu de l'ALENA, ainsi que devant le TCCE, soit le Tribunal canadien du commerce extérieur, et d'autres tribunaux du Canada.
M. Johnson se spécialise surtout dans la pratique du droit commercial et du droit du commerce international. Il continue de conseiller le gouvernement, diverses associations industrielles et des clients du secteur tant public que privé dans des dossiers de commerce international découlant de l'ALENA et de l'OMC. M. Johnson a également beaucoup contribué au règlement du litige en matière de bois d'œuvre opposant le Canada aux États-Unis et a acquis de précieuses connaissances dans le domaine des recours en matière de commerce des États-Unis et le fonctionnement du groupe spécial binational de l'ALENA.
[Français]
M. Grenier représente le Conseil canadien du libre-échange pour le bois d'œuvre, un organisme canadien privé qui représente les entreprises de produits forestiers et les associations industrielles du Canada. Ce conseil a été mis sur pied en 1998 afin de favoriser le rétablissement du libre-échange du bois d'œuvre entre le Canada et les États-Unis.
Sans plus tarder, j'inviterais M. Herman à faire sa présentation. Il sera suivie de M. Johnson et, enfin, de M. Grenier. Nous passerons ensuite aux questions.
[Traduction]
Monsieur Herman, vous avez la parole.
Lawrence Herman, avocat, Cassels Brock, à titre personnel : Je vous remercie. J'ai pris bonne note des questions qui intéressent le comité et je félicite celui-ci de son examen de l'entente qui, comme je le dis dans mon mémoire, est l'un des accords internationaux les plus exceptionnels et controversés qu'ait passés le gouvernement du Canada. La mesure dans laquelle cette entente confère aux États-Unis un droit de regard indirect et direct sur l'économie canadienne est probablement sans précédent dans toute la gamme des accords signés par le Canada en matière de commerce ou dans d'autres domaines.
L'entente sur le bois d'œuvre est un accord négocié, et nous savons que les accords négociés représentent l'édifice de l'ALENA et de l'OMC. Le fait que les parties concluent des ententes négociées en matière de droit du commerce international n'a rien d'exceptionnel. Cela étant dit, tous les analystes reconnaissent que le litige auquel met fin l'entente sur le bois d'œuvre correspond à la réalité d'un déséquilibre des échanges et des rapports de force qui existe entre le Canada les États-Unis. De plus, l'accord sur le bois d'œuvre et le conflit en la matière illustrent les écueils qui attendent les entreprises canadiennes quand elles se lancent sur les marchés américains, surtout lorsqu'elles en dépendent.
En ce qui concerne l'entente sur le bois d'œuvre, nous en discuterons entre nous, ici à la table. Elle comporte certains gains pour le Canada. La question est de savoir si les gains en valent le prix. Ainsi, le Canada acquiert un certain accès au marché américain — j'ai bien dit un certain accès — et il récupère quatre millions de dollars de droits qui ont été versés par les entreprises canadiennes et qui leur seront rendus. L'industrie canadienne y gagne, avec un peu de chance, une période de paix et de stabilité commerciales qui avantage aussi les travailleurs et les collectivités du Canada.
Il ne faudrait toutefois pas s'illusionner. L'entente sur le bois d'œuvre sous-entend un régime commercial très structuré et géré de près qui n'a rien du libre-échange. Ce sont des relations commerciales gérées de près dans le domaine du bois d'œuvre, et elles confèrent à l'industrie américaine le droit, grâce à divers mécanismes, de contester des changements apportés aux pratiques canadiennes de gestion des forêts. Nous pourrons passer en revue les détails tout à l'heure, mais il est indéniable que l'industrie et le gouvernement des États-Unis peuvent désormais contester les programmes intérieurs du Canada. Le droit tant du Canada que des provinces canadiennes de gérer leurs propres ressources fera l'objet de contraintes externes importantes.
En règle générale, la situation n'a rien inhabituel, parce que chaque traité ou obligation internationale impose des contraintes externes à l'exercice de la souveraineté d'un État. Toutefois, le droit souverain du Canada et des provinces canadiennes à l'égard des ressources sera soumis à d'importantes contraintes. Cela ne fait aucun doute.
Si l'on tient compte de tout ce qui précède, en dépit de toutes les importantes concessions faites par le Canada pour obtenir l'accès au marché américain — même si cet accès est très encadré et limité —, dans l'ensemble, selon moi, et je suis sûr que mes éminents et érudits collègues ne souscriront pas tous à mes propos, l'entente était probablement le moins pire des maux pour le Canada dans les circonstances. L'entente sert marginalement les intérêts canadiens.
Votre comité examine les répercussions à long terme de l'entente sur les dispositions de l'ALENA concernant le règlement des différends. Ce que nous ne pouvons pas vous dire et que ne peut, selon moi, vous dire quiconque pratique en droit commercial, c'est à quel point la nature de l'entente établit un précédent pour le groupe d'experts. Cependant, il est possible qu'elle établisse un précédent parce que l'entente a été conclue en dehors du cadre de l'ALENA. Certains affirmeraient, y compris moi-même, qu'elle fait éclater le régime de règlement des différends prévu dans l'ALENA. Il est toutefois difficile de répondre à la question de savoir si elle a des conséquences défavorables sur l'ALENA et sur d'autres secteurs industriels canadiens.
La question la plus souvent posée est de savoir si l'entente sur le bois d'œuvre et le mécanisme de règlement des différends qu'elle prévoit ont des répercussions sur d'autres secteurs. Il est difficile de le dire. Au mieux, la réponse est ambiguë. Il est possible que d'autres secteurs industriels et économiques qui commercent aux États-Unis soient touchés, mais il faut reconnaître que le bois d'œuvre résineux est à de nombreux égards unique. Il n'y a peut-être pas d'autres situations comme celle-là. C'est difficile à dire.
Pour résumer l'effet de cette entente négociée et de tout le conflit sur le bois d'œuvre résineux sur l'ALENA, l'entente a plusieurs répercussions. La position des États-Unis à l'égard des groupes d'experts de l'ALENA et des décisions des comités de contestation extraordinaire fait ressortir les lacunes du chapitre 19 de l'ALENA. Je vais me borner à en commenter le processus. Je crois que les honorables sénateurs sont conscients de la différence entre le chapitre 19 et le chapitre 20. Le chapitre 19 est un examen lancé par des parties privées des décisions des organismes commerciaux, et l'entente sur le bois d'œuvre fait ressortir les contraintes inhérentes à ce processus.
La question est de savoir si le chapitre 19 pourrait servir à régler les différends d'une ampleur comme celle du conflit du bois d'œuvre. Sa faiblesse, c'est que la compétence des groupes d'experts en matière d'examen est limitée. Ainsi, ils ne peuvent pas conclure que le préjudice déterminé par l'U.S. International Trade Commission, l'USITC, est contraire aux lois des États-Unis et ordonner le remboursement des droits au Canada. Ils ne peuvent le faire. Ils peuvent renvoyer la décision à l'USITC, ce qu'ils ont fait trois fois, mais ils n'ont aucun pouvoir de contrainte. Le gouvernement des États-Unis, par la voie de son délégué commercial général, a déclaré qu'ils n'avaient pas le droit d'ordonner le remboursement des droits et ils ne l'ont pas fait, de sorte que le gouvernement des États-Unis n'est pas obligé, de par la loi, de rembourser les droits, quelle que soit la conclusion des groupes d'experts. Il y a là une faiblesse.
En ce qui concerne les contre-mesures ou les représailles, on pourrait soutenir que le Canada a le droit d'user de rétorsion si les États-Unis ne mettent pas en œuvre les décisions du groupe d'experts. Toutefois, la rétorsion est un jeu compliqué, sur le plan politique, et les dispositions de l'ALENA à cet égard sont longues et encombrantes. Le Canada doit franchir certaines étapes avant de pouvoir passer à l'acte.
Je ne crois pas non plus que la renégociation du chapitre 19 de l'ALENA soit une option viable. Elle serait en réalité vouée à l'échec. Les négociations commerciales du cycle de Doha sous l'égide de l'OMC demeureront lettre morte jusqu'après les prochaines élections présidentielles, de sorte que rien, au sein de cette tribune multilatérale, n'aura d'influence sur soit le chapitre 19, soit d'autres aspects de nos différends commerciaux bilatéraux.
J'estime qu'il faudra suivre de près l'effet qu'a l'entente sur le bois d'œuvre sur le chapitre 19. À de nombreux égards, le chapitre 19 continuera de s'appliquer et d'être efficace. Selon mon expérience en matière de produits américains, le chapitre 19 est plutôt efficace, mais il faut reconnaître que, comme processus, il ne suffira peut-être pas pour traiter d'importants différends commerciaux de cette nature. Nous en revenons donc à la négociation d'un accord.
Par conséquent, bien que j'aie de nombreuses réserves au sujet de l'entente sur le bois d'œuvre et des concessions que le Canada a faites pour obtenir un accès encadré et une période de stabilité commerciale, je n'ai pas de préoccupation majeure. Je reconnais que, si l'entente fonctionne pour toute la durée prévue de sept ans, elle procurera une période de paix et de stabilité commerciales importante pour les entreprises canadiennes et leurs travailleurs. Tout compte fait, je crois que l'entente est marginalement acceptable pour le Canada. Voilà ce que j'avais à dire.
Le vice-président : Monsieur Herman, je vous remercie. Monsieur Johnson, si vous voulez bien commencer.
John Johnson, avocat-conseil, Goodmans, à titre personnel : J'aimerais me concentrer sur l'effet qu'a l'entente de 2006 sur le bois d'œuvre sur le mécanisme de règlement des différends qui passe par le groupe d'experts binational prévu au chapitre 19 de l'ALENA. J'estime que l'effet est négatif, non pas en raison de ce qu'accomplit l'entente, mais plutôt le contraire. L'entente de 2006 est le résultat de la décision qu'a prise le Canada de négocier avec les États-Unis un règlement dans le cas du bois d'œuvre résineux, après que le gouvernement américain ait refusé de reconnaître la victoire canadienne, une victoire obtenue en passant par un groupe d'experts binational qui aurait dû aboutir au plein remboursement des dépôts et à la cessation du prélèvement de droits. Il est clair que le gouvernement des États-Unis a refusé de respecter la victoire canadienne parce qu'il souhaitait obliger le Canada à négocier, et c'est effectivement ce qui s'est produit.
Le refus par les États-Unis de reconnaître la victoire du Canada reposait sur la façon dont le gouvernement des États-Unis interprétait ses propres lois de mise en œuvre du chapitre 19 de l'Accord de libre-échange nord-américain. La position adoptée par le gouvernement des États-Unis à l'égard de son propre droit, si elle n'est pas contestée et renversée, compromet gravement l'avenir du processus prévu au chapitre 19. Ce refus a laissé trois grandes questions en suspens lorsqu'ont débuté les négociations de l'entente sur le bois d'œuvre, en avril.
La première est l'article 129 de la loi de mise en œuvre des accords de l'Uruguay Round. Je parle de cette loi des États-Unis qui met en œuvre des décisions défavorables du groupe d'experts de l'OMC. Les États-Unis ont recours à ce processus pour en venir à une autre détermination. L'U.S. International Trade Commission a émis une nouvelle décision reconnaissant un préjudice, ce qui a annulé la décision défavorable du groupe d'experts de l'ALENA. La deuxième question, et la plus critique, concerne le remboursement des droits. Les États-Unis ont adopté comme position qu'en vertu de leur propre loi, les décisions du groupe d'experts binational de l'ALENA n'avaient pas d'effet rétroactif. Cela signifie que, pendant les deux ou trois années qu'on a mis à en venir à une décision finale, aucun remboursement des dépôts prélevés dans l'intervalle ne pouvait se faire, même s'ils ont été prélevés illégalement. La troisième question concerne le fait que les États-Unis ont adopté comme position qu'en vertu de leur propre loi de mise en œuvre, aucun tribunal américain n'avait compétence pour faire respecter la décision d'un groupe d'experts binational. À la fin d'avril 2006, quand les négociations de l'entente sur le bois d'œuvre ont débuté, toutes ces questions étaient en suspens. L'entente sur le bois d'œuvre ne porte sur aucune de ces questions et ne corrige pas la situation. Elle prévoit plutôt que tout différend en vertu duquel il faudrait régler une fois pour toutes ces questions est exclu, bien que Carl Grenier ait fait remarquer qu'en vertu de la modification, les parties doivent mettre fin aux poursuites. Ce qui arrivera exactement aux poursuites n'est pas clair.
Au paragraphe (1) de l'article XI de l'entente de 2006 sur le bois d'œuvre, l'entente n'empêche pas le Canada ou les États-Unis de maintenir les positions qu'ils ont défendues durant le conflit sur le bois d'œuvre. En d'autres mots, les États-Unis peuvent continuer de dire qu'en dépit du fait qu'ils ont remboursé 80 p. 100 de l'argent, les décisions du groupe binational de l'ALENA sont prospectives uniquement et qu'ils n'ont pas à rembourser l'argent prélevé durant les deux ans ou les deux ans et demi qui les ont précédées.
Je vais parler m'attarder à chacun des points. En ce qui concerne l'article 129 relatif aux droits antidumping et compensateurs, il faut qu'il y ait détermination d'un préjudice ou d'une menace de préjudice pour pouvoir prélever de pareils droits. L'U.S. International Trade Commission a constaté une menace de préjudice, et le Canada a contesté cette décision sur deux tribunes : tout d'abord, dans le cadre du processus de formation d'un groupe d'experts binational et, ensuite, devant l'OMC. Le groupe d'experts binational a, en fin de compte, ordonné dans les faits à l'ITC de conclure à l'absence d'un pareil préjudice, ce qu'il a fait. La procédure de contestation extraordinaire prévue dans l'ALENA a été invoquée, ce que les États-Unis avaient le droit de faire. Ils ont perdu leur cause, ce qui aurait dû mettre fin à l'affaire. Les dépôts auraient dû être pleinement remboursés, et on aurait dû cesser de prélever des droits.
Toutefois, le Canada a aussi contesté la conclusion de menace de préjudice devant l'OMC. Celle-ci a tranché en faveur du Canada, et les États-Unis ont alors eu recours au processus prévu à l'article 129 pour renvoyer l'affaire à l'ITC pour qu'il se prononce à nouveau sur la menace de préjudice. L'ITC a jugé qu'il y avait menace de préjudice, et le gouvernement des États-Unis a déclaré que cette décision primait sur la conclusion négative dans le cadre de l'ALENA, de sorte que les droits ne seraient pas du tout remboursés.
Le Canada et l'industrie canadienne ont poursuivi le gouvernement des États-Unis — l'affaire Tembec, d'après l'un des principaux plaignants — devant le U.S. Court of International Trade. Ils ont invoqué comme argument que l'article 129 permettait uniquement de mettre en œuvre des décisions négatives de l'ITC, ce qui correspond clairement au libellé de la loi. Le tribunal était d'accord avec cet argument et a statué en ce sens le 21 juillet 2006, mais après le début des négociations de l'entente sur le bois d'œuvre. Voilà l'enjeu soulevé par l'article 129.
Pour ce qui est de la question du remboursement des droits, l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis et l'ALENA disposent clairement que le processus d'examen par un groupe d'experts binational, un substitut en quelque sorte au processus d'examen judiciaire national, doit mener au même résultat. Si le Canada avait droit au plein remboursement en vertu des procédures nationales des États-Unis, le processus binational devrait donner le même résultat. Les États-Unis ont adopté comme position que leur loi prévoyait que la décision du groupe binational n'était que prospective. Dans le cas du bois d'œuvre, cela engageait d'importants montants parce que, du 22 mai 2002, quand ont été prélevés à l'origine les droits et les dépôts, jusqu'au 4 novembre 2004, date d'entrée en vigueur de la décision du groupe binational, il n'y aurait aucun remboursement des dépôts prélevés, ce qui représentait quelque 3,5 milliards de dollars.
Dans l'affaire Tembec, c'est ainsi que le gouvernement des États-Unis a interprété ses propres lois. Le tribunal du commerce international des États-Unis était en désaccord total avec la position du gouvernement des États-Unis et s'est prononcé en faveur du Canada, le 13 octobre 2006. Dans cette affaire, notre victoire était complète, bien que la valeur de cette victoire ne soit pas claire.
Pour ce qui est de prétendre qu'aucun tribunal n'a compétence pour faire respecter une décision du groupe binational, plusieurs dispositions du droit des États-Unis sont destinées à empêcher un plaideur des États-Unis de faire appel à des tribunaux américains pour faire réviser une décision du groupe binational. Cela vient du fait que le seul examen d'une décision du groupe binational qui est autorisé passe par la procédure de contestation extraordinaire prévue dans l'ALENA, et c'est justement la raison pour laquelle ces dispositions s'y trouvent. Une autre série de dispositions prévoit essentiellement que le fait que les États-Unis ont approuvé l'ALENA ne donne pas à un particulier le droit de poursuivre, ce qui est logique. Essentiellement, le gouvernement des États-Unis a déformé le sens de ces dispositions du droit américain pour soutenir qu'aucun tribunal américain n'a le droit de faire appliquer une décision du groupe binational. Dans sa décision du 21 juillet dans l'affaire Tembec, le tribunal du commerce extérieur a entièrement rejeté ces arguments des États-Unis.
Après tout cela, où en sommes-nous? En ce qui concerne le remboursement des droits, c'est critique. Si vous ne pouvez pas récupérer vos dépôts pour les deux années et demie qu'a duré la bataille juridique, vous cesserez d'utiliser le processus binational. Vous lui préférerez le processus national des États-Unis. Cependant, le plus bizarre dans tout cela, c'est la façon dont fonctionne le groupe binational. Dans une affaire engageant l'imposition par les Etats-Unis de droits antidumping ou de droits compensateurs à des biens canadiens, le gouvernement des États-Unis pourrait invoquer le processus du groupe binational. L'industrie nationale puissante aux États-Unis pourrait l'exiger, et les plaideurs canadiens se retrouveraient de la sorte dans la situation où ils n'auraient pas la certitude de récupérer leurs dépôts.
Bref, la question de l'article 129 décourage le gouvernement du Canada d'exercer ses droits au sein de l'OMC tout en tentant d'obtenir un examen judiciaire national ou un examen du groupe binational dans toute affaire de droits antidumping ou de droits compensateurs aux États-Unis.
Le chapitre 19 pose peut-être d'autres problèmes, mais si les États-Unis avaient appliqué leur propre loi de mise en oeuvre comme ils étaient censés le faire, le chapitre 19 aurait été efficace. Nous aurions récupéré notre argent et les dépôts, et il aurait été désormais interdit de prélever des dépôts. Le problème n'est pas l'ALENA comme tel ou les lois de mise en oeuvre des États-Unis, mais la façon dont les États-Unis interprètent ces lois et décident de les appliquer.
Pour ce qui est des options à notre disposition, les autres mécanismes de règlement des différends prévus dans l'ALENA, au chapitre 20 et à l'article 1905 dont a parlé M. Herman dans son mémoire, ne sont d'aucune utilité. L'affaire a été réglée. Quoi qu'il en soit, comme le fait remarquer avec raison M. Herman, tout ce que nous en tirons, c'est le droit d'user de rétorsion, ce qui est difficile à faire.
Il serait juste, étant donné les décisions du 21 juillet 2006 et du 13 octobre 2006, que le gouvernement du Canada dise légitimement au gouvernement des États-Unis : « Nous voulons obtenir de vous l'assurance que vous avez appliqué la loi de la manière dont le Tribunal international du commerce, une cour respectée, l'a précisé. » Quant à savoir jusqu'où il faudrait aller en ce sens, je l'ignore, mais je crois qu'il serait parfaitement raisonnable d'argumenter à cet effet.
L'autre option, qui pourrait s'ajouter à la première ou la remplacer, c'est que de telles situations vont se présenter et que le gouvernement du Canada devrait appuyer les plaideurs qui souhaitent contester de manière à en arriver à un règlement complet et définitif. Il arrivera encore que le remboursement des droits soit en jeu et, à nouveau, comme l'a souligné M. Grenier, la procédure n'est pas morte. C'est tout ce que j'avais à dire.
Carl Grenier, vice-président exécutif, Conseil canadien du libre-échange pour le bois d'oeuvre : J'admire mes collègues capables de prendre autant de recul à l'égard de ce dossier. J'ai personnellement travaillé au dossier du bois d'oeuvre dès novembre 1982, de sorte que mes convictions sont plutôt profondes à certains égards.
Vous nous avez demandé de vous parler de l'entente sur le bois d'oeuvre résineux en insistant particulièrement sur ses répercussions sur le mécanisme de règlement des différends de l'ALENA. Comme j'espère bien le faire comprendre par mon témoignage, l'impact de l'entente sur le bois d'oeuvre résineux se fera le plus sentir à l'égard du chapitre 19 de l'ALENA, dans la partie qui traite des allégations de subvention et de dumping. Le chapitre 11, qui porte sur les relations entre un investisseur et un État, est également affecté par cette entente, mais dans ma déclaration, je vais me concentrer sur le chapitre 19.
Selon certains, le règlement mis en oeuvre le 12 octobre a enfin mis un terme à un litige épuisant et coûteux avec lequel il fallait en finir. Certains ont prétendu que les différends en matière de bois d'oeuvre résineux n'avaient jamais été censés être réglés dans le cadre de l'ALENA. D'autres affirment que le chapitre 19 n'en a pas souffert. D'aucuns affirment également que l'accord de règlement est meilleur que tout ce qui aurait pu résulter de poursuites. Je soutiens que toutes ces vues sont erronées.
Tout d'abord, le simple fait de conclure l'entente a affecté le chapitre 19. L'existence même de l'entente conclue au moment où des résultats judiciaires critiques étaient sur le point de se concrétiser compromet l'article 19. Comme les États-Unis ont trouvé des moyens de retarder les décisions judiciaires, parfois avec la complicité du gouvernement du Canada et toujours contrairement à l'esprit du chapitre 19 qui prévoit un règlement expéditif du différend, l'industrie a décidé qu'un règlement vaudrait peut-être mieux que des poursuites juridiques d'une durée indéfinie. C'était facile à prévoir.
Parce que les exigences des États-Unis pour obtenir un règlement sont toujours si déraisonnables, les poursuites se sont prolongées. Lorsqu'enfin, nous étions sur le point de tout gagner, le gouvernement du Canada a décidé, sans vraiment consulter l'industrie et à des fins politiques transparentes, qu'il réglerait en cédant à toutes les exigences des États-Unis, et même plus. Ainsi, le gouvernement des États-Unis n'avait pas à l'origine demandé à obtenir les 450 millions de dollars qu'a consentis le gouvernement du Canada pour les inciter à régler. Un règlement en avril de cette année signifiait que la règle du droit devait être remplacée par la négociation, par le versement d'argent pour résoudre des conflits commerciaux, et que le libre-échange était remplacé par des restrictions illégales du commerce, comme des quotas interdits en vertu des règles de l'OMC. Les deux gouvernements ont foulé aux pieds le principe même de s'en remettre à leur règle du droit pour résoudre leurs différends commerciaux.
Le gouvernement du Canada n'aurait pas pu choisir un pire moment pour contester en vertu de l'ALENA. Le 17 mars, un groupe de l'ALENA a décidé, enfin et catégoriquement, que le bois d'œuvre résineux du Canada n'était pas subventionné. Si vous vous en souvenez bien, l'octroi de subventions était au cœur même du problème. Il a fallu lutter pendant longtemps pour arracher cette décision. Les États-Unis avaient quarante jours pour la contester, sans quoi elle devenait définitive et il fallait immédiatement révoquer l'ordonnance d'imposition de droits compensateurs. Les États- Unis auraient alors été obligés de cesser de prélever 40 millions de dollars par mois simplement en droits compensateurs et en dépôts en espèces en avril dernier. Les États-Unis et le Canada ont annoncé les modalités fondamentales de l'entente le 27 avril, soit à l'échéance fixée pour la contestation américaine. Or, cette entente n'a pas empêché les États-Unis de déposer une demande de contestation. Ils l'ont fait, mais c'était un acte spécieux qui visait deux objectifs : empêcher la décision du groupe d'experts de l'ALENA du 17 mars de devenir définitive et exiger de l'industrie canadienne qu'elle continue de payer. Depuis lors, nous avons versé 800 millions de dollars que nous n'aurions même pas dû payer.
D'après les règles de l'ALENA, on a 90 jours pour mener à terme une contestation extraordinaire. Comme elle avait empêché la décision du groupe de devenir définitive le 28 avril, la contestation extraordinaire aurait dû prendre fin le 10 août. L'issue juridique ne faisait aucun doute. Nous aurions eu gain de cause. En raison de l'entente intervenue le 27 avril sur les modalités de base d'un règlement, le Canada et les États-Unis ont conjointement annoncé une « suspension » indéfinie de la contestation extraordinaire, le même jour. Les dommages faits cette journée-là sont catastrophiques. La décision du groupe ne pouvait pas devenir définitive. Le concept de la contestation extraordinaire comme tel a été ridiculisé par le dépôt d'une demande spécieuse des États-Unis. Les procédures prévues ont été répudiées par un acte illégal. Les contestations extraordinaires ne peuvent être légalement suspendues — aucune règle ne le prévoit — du fait que les deux gouvernements unissent leurs forces pour prévenir la révocation des droits compensateurs.
Le simple fait de négocier a également envoyé un message très clair aux entreprises américaines qui cherchent à se protéger de la concurrence livrée par le Canada : déposez une pétition, et vous pourrez au moins obtenir un compromis. Le compromis représentera toujours moins que le libre-échange, et encore moins si vous le rendez suffisamment dispendieux pour les Canadiens. Il n'y a pas de doute : si vous étirez le processus suffisamment longtemps, vous obtiendrez peut-être aussi de l'argent en prime.
Quand le gouvernement du Canada a récompensé l'industrie américaine en lui consentant 500 millions de dollars US, le 27 avril, c'était tout juste après que l'industrie américaine ait appris d'un juge des États-Unis, le 7 avril, que les Américains n'avaient droit à rien — pas un sou. En exigeant une entente, ils ont reçu 500 millions de dollars alors que, si le Canada s'en était tenu aux dispositions du chapitre 19, la concurrence américaine n'aurait rien reçu.
Le fait d'essayer de bloquer les décisions judiciaires a également compromis le chapitre 19. Les États-Unis ont tenté de faire peur aux Canadiens pour les dissuader de recourir au chapitre 19, et ils le font depuis quelque temps déjà. Ainsi, ils ont menacé les Canadiens de conserver les droits déposés avant toute décision d'un groupe d'experts qui aurait pu juger que ces dépôts allaient à l'encontre de la loi. C'est le point qu'a fait ressortir M. Johnson.
Les Américains avaient pour théorie que les tribunaux peuvent imposer le plein remboursement, mais pas les groupes d'experts de l'ALENA. C'était leur hypothèse de départ. Or, un groupe de trois juges de l'U.S. Court of International Trade présidé par la juge en chef elle-même a réfuté cette théorie le 13 octobre. La cour a déclaré que les pouvoirs du groupe d'experts à cet égard ne sont pas différents de ceux du tribunal. Fait étonnant, le gouvernement du Canada s'est alors joint au gouvernement des États-Unis pour rapidement faire casser la décision et, par conséquent, la vider de tout son sens ou de ses conséquences, la rendant dans les faits nulle.
Sans cette décision, aucun Canadien ne peut logiquement invoquer le chapitre 19 parce que les États-Unis ont promis au départ de ne pas rendre aux Canadiens leur argent même s'ils gagnent leur cause. Pourquoi le Canada ne voulait pas voir cette décision consacrer, assurant ainsi aux Canadiens la même indemnisation prévue au chapitre 19 que ce que le tribunal américain avait décidé, mais sans les longs retards et les coûts importants des appels, demeure inexplicable. De plus, les États-Unis ou, du moins, l'industrie américaine interjetteront très certainement appel.
L'industrie canadienne ayant dans les faits renoncé à poursuivre devant les tribunaux en raison de l'entente intervenue — l'entente sur le bois d'œuvre résineux — et le gouvernement du Canada ayant pris des mesures pour rejeter la décision, il n'est pas évident que quelqu'un défendra la décision de la cour dans le cadre d'un appel.
Si la décision n'était pas maintenue, il ne faudrait pas oublier, non plus, la contestation, par l'industrie américaine, de la constitutionnalité du chapitre 19. Après avoir entièrement documenté et défendu leur cause devant l'U.S. Court of Appeals, le Canada et les États-Unis ont tous deux pris des mesures pour y mettre fin. L'industrie américaine s'est opposée aux deux motions, tout comme l'industrie canadienne. Les industries de part et d'autre de la frontière souhaitaient que la question soit tranchée, soit de savoir si le chapitre 19 est constitutionnel.
Le gouvernement des États-Unis préférerait ne pas répondre à cette question, de sorte que les Canadiens devront continuer de se demander s'il faut recourir à ce chapitre. Le gouvernement du Canada ne souhaite pas obtenir la réponse parce que — en fait, j'en ignore la raison. Peut-être le gouvernement du Canada souhaite-t-il simplement s'aligner sur la position du gouvernement des États-Unis.
Enfin, il faut parler de l'ingérence récente et étonnante des États-Unis dans le fonctionnement du Secrétariat de l'ALENA. Il y a dix jours, le Secrétariat des États-Unis a publié deux avis dans le Federal Register — l'équivalent de notre Gazette du Canada — : l'un mettait fin à une poursuite d'antidumping et l'autre, à tort, à une poursuite pour droits compensateurs. Nous avons de bonnes raisons de croire que les États-Unis ont donné au Secrétariat l'ordre de publier ces avis. Même s'ils sont erronés et en dépit des efforts déployés par le gouvernement du Canada pour les faire corriger, les États-Unis résistent.
Le secrétaire est comme un greffier de la cour, et les États-Unis sont si enhardis par l'entente sur le bois d'œuvre résineux qu'ils croient pouvoir ordonner au greffier de prendre parti. Bien sûr, si le greffier travaillait pour une partie au détriment de l'autre, le chapitre 19 ne pourrait fonctionner.
Le secrétaire devrait être mis à la porte — cela ne fait pas de doute. Cependant, les États-Unis ne le feront certes pas et, bien que le Canada tente de régler les problèmes immédiats posés par les deux cas, il ne semble pas qu'il va exiger le renvoi du secrétaire.
En guise de conclusion, en l'absence de l'entente sur le bois d'œuvre résineux, les tribunaux américains auraient pu confirmer la validité du chapitre 19. Nous saurions qu'il est constitutionnel. Nous saurions que les groupes d'experts binationaux ont les mêmes pouvoirs que les tribunaux d'ordonner aux organismes d'obtempérer et de rendre tout l'argent prélevé. Une de ces décisions était en suspens, et l'autre était sur le point de tomber et, pourtant, le gouvernement du Canada a agi de manière à les éviter toutes deux.
Sans l'entente sur le bois d'œuvre résineux, en se fiant uniquement au chapitre 19 et aux processus judiciaires, nous ne paierions plus de dépôts en espèces et nous serions à douze mois de récupérer notre argent — tout l'argent, avec intérêts.
Ne vous leurrez pas; contrairement aux déclarations de certains, le chapitre 19 a été créé expressément avec le bois d'œuvre résineux à l'esprit. C'est ce vieux litige qui aurait toujours été censé être réglé selon le principe de la règle du droit grâce au chapitre 19.
Le gouvernement du Canada s'est joint aux États-Unis pour répudier les résultats du processus invoqué aux termes du chapitre 19. Il n'a pas agi comme protecteur convenable de l'ALENA lorsqu'il s'est joint à une suspension illégale d'une contestation extraordinaire, qu'il n'a pas nommé les juges et qu'il a laissé les États-Unis s'ingérer dans le fonctionnement du Secrétariat de l'ALENA.
Il existe des demandes de formation de groupes d'experts toujours en suspens pour lesquelles le gouvernement du Canada n'a pas respecté ses obligations, soit d'en nommer les membres. Pour sauver le chapitre 19, une institution d'une grande valeur pour le Canada, le gouvernement du Canada doit changer de cap, faire cause commune avec l'industrie pour essayer de préserver la décision du Tribunal international du commerce du 13 octobre et obtenir, puis de faire confirmer, une décision favorable quant à sa constitutionnalité.
Certains croient que tous ces dossiers sont clos; ils se trompent. L'entente sur le bois d'œuvre résineux a été modifiée le 12 octobre — 19 pages de modifications pour un accord de 100 pages —, et l'exigence voulant qu'on laisse tomber les poursuites a été éliminée. Le gouvernement du Canada doit également insister vigoureusement sur une protection responsable de l'institution, en partenariat avec les États-Unis et le Mexique, sans quoi l'avenir des avantages conférés par le chapitre 19 risque d'être gravement compromis.
L'Accord sur le bois d'œuvre a fait très mal à ce chapitre. Il sera difficile de s'en remettre, mais on ne peut pas encore dire que c'est impossible. En votre qualité de membres du Sénat, vous allez bientôt être saisis du projet de loi C-24, Loi de 2006 sur les droits d'exportation de produits de bois d'œuvre. Vous pouvez faire beaucoup, par vos délibérations, afin d'atténuer les dommages causés à l'industrie et au mécanisme de règlement des différends de l'ALENA.
Je vous remercie et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le sénateur De Bané : Ça a été déprimant d'entendre votre opinion à propos de ce qui s'est passé. J'ai lu les avis de deux juristes et il est décourageant de constater qu'au bout du compte, les États-Unis ont vraiment exercé leur puissance et il nous a fallu nous y soumettre.
J'ai à l'esprit ce que Gordon Ritchie, qui était le numéro deux dans ces négociations sur l'ALENA, a dit à propos du différend il y a quelque temps. Pour l'essentiel, selon lui, nous avons eu affaire à des brutes; c'est le terme qu'il a utilisé. Quand un ancien sous-ministre d'Affaires étrangères et Commerce international Canada emploie un mot aussi fort que brutes au sujet des responsables américains de ce secteur d'activités, ce n'est pas banal.
Il y a quelque temps, notre comité se trouvait à Vancouver, où un expert de ces questions du bois d'œuvre nous a rappelé que le conflit sur ce produit remonte à 200 ans — deux siècles. Il a consacré tout un livre là-dessus. L'évaluation que vous faites de ces deux aspects dans les mémoires que vous nous avez envoyés m'a déprimé.
Dans la foulée de vos propos antérieurs, que pensez-vous des observations suivantes faites par le gouvernement du Canada il y a quelque temps en réponse à une recommandation figurant dans un rapport du Comité permanent de la Chambre des communes des affaires étrangères et du développement international? La recommandation no 3 du comité est la suivante :
Que le gouvernement fédéral collabore avec les États-Unis et le Mexique afin que les décisions des groupes spéciaux formés aux termes du chapitre 19 établissent des précédents par rapport à toute décision subséquente prise par ces groupes à propos des mêmes produits.
Je vous lis maintenant un extrait de la réponse du gouvernement.
Une telle modification, aussi avantageuse qu'elle puisse paraître, exigerait manifestement une réouverture du chapitre 19, ce qui ne serait pas dans l'intérêt du Canada pour le moment.
Le gouvernement du Canada a formulé sa réponse à une recommandation avant la conclusion de l'accord final. Quelle serait votre réaction à cet énoncé — « exigerait manifestement une réouverture du chapitre 19, ce qui ne serait pas dans l'intérêt du Canada pour le moment »? Cette réponse vous paraît-elle juste? Je vois que M. Herman sourit. Qu'en pensez-vous? Ou encore monsieur Johnson?
M. Herman : La question de la réouverture de l'ALENA ne concerne pas seulement le Canada et les États-Unis; il y a une troisième partie, le gouvernement du Mexique, dont il faudrait obtenir l'accord. D'après ce que je crois comprendre, le gouvernement du Mexique n'est pas favorable à la réouverture de l'ALENA.
Quoi qu'il en soit, sénateur, la réouverture de l'ALENA dans un seul petit domaine entraînerait inexorablement la réouverture de l'ALENA dans d'autres domaines. Bien malin qui pourrait prédire où tout cela aboutirait, à supposer d'ailleurs que les États-Unis acceptent de réouvrir l'ALENA, ce dont je doute.
Je crois que nous devons nous laisser guider par la réalité. Cette réalité, c'est que le chapitre 19 ne sera pas réouvert. L'ALENA ne sera pas réouvert. Les États-Unis n'ont aucunement intérêt à accepter de le réouvrir et le Canada n'a pas les leviers nécessaires pour obtenir un consentement en ce sens.
Voilà la réalité.
M. Johnson : Je suis d'accord avec M. Herman en ce qui concerne la réouverture de l'ALENA pour les raisons suivantes. C'est tout simplement exclu. Il est difficile de négocier avec les États-Unis en matière de commerce pour toute une gamme de raisons. Il nous faudrait traiter avec le Congrès; le président américain n'aura probablement pas le pouvoir de faire quoi que ce soit d'envergure après le mois de décembre. En tout état de cause, on n'a pas le cœur à ça là-bas, et si l'accord était réouvert, les États-Unis auraient une liste de modifications longue d'un kilomètre, modifications qui seraient totalement inacceptables.
Les problèmes que j'ai fait ressortir, et que M. Grenier a signalés, à propos du chapitre 19 ne tiennent pas à ce que l'ALENA prévoit. Ils ne découlent même pas du libellé de la loi américaine de mise en œuvre de l'ALENA. Les problèmes sont liés à la difficulté d'obtenir que les États-Unis respectent leurs lois. Si les États-Unis se conformaient au texte de leurs lois et à l'interprétation qui en a été faite par leur tribunal du commerce international, la plupart des problèmes qui se posent relativement au chapitre 19 seraient résolus.
M. Grenier : Je suis d'accord avec M. Herman et avec M. Johnson. Je ne crois pas que la solution passe par la réouverture du chapitre 19 ou de l'ALENA proprement dit.
Il est utile de se rappeler que nous avions l'Accord de libre-échange Canado-américain avant l'ALENA, et le chapitre 19 est pratiquement demeuré inchangé d'un accord à l'autre. Nous avons dû pour cela déployer toutes nos ressources. Il nous a fallu rompre les négociations trois semaines avant la fin pour obtenir le chapitre 19, et nous n'avons pas obtenu tout ce que nous demandions, bien sûr. Cet alignement politique des planètes, si je peux dire, a disparu et il ne reviendra peut-être jamais. D'ailleurs, si le gouvernement américain respectait ne serait-ce que ce à quoi il s'est engagé pendant la négociation du chapitre 19, je ne crois pas que des problèmes de ce type se poseraient.
Le moyen par lequel nous pouvons obtenir du gouvernement américain qu'il respecte ses engagements consiste à intenter des recours auprès du système judiciaire des États-Unis. C'est exactement ce que nous avons commencé à faire dans le litige sur le bois d'œuvre.
Le sénateur De Bané : Ces deux mémoires soulèvent des questions importantes. Par exemple, M. Johnson termine sa réflexion en affirmant que la position du gouvernement des États-Unis dans la mise en œuvre d'une loi qui a été catégoriquement rejetée par un tribunal américain respecté est non conforme à l'obligation des États-Unis de s'acquitter de bonne foi de leurs obligations issues de traités. C'est là une affirmation grave.
De son côté, M. Herman affirme que l'accord que nous avons signé avec les États-Unis leur donnera, dans certains cas, un droit de regard direct sur l'activité économique canadienne, et c'est là un fait sans précédent.
Lorsqu'on lit des allégations troublantes, par exemple, que les États-Unis refusent d'appliquer leurs propres lois, refusent de se comporter de bonne foi et peuvent désormais, dans certains secteurs, peuvent régir l'activité économique menée dans notre pays, tout cela me rappelle ce que M. Pearson avait l'habitude de dire : les États-Unis sont le meilleur ami du Canada, que cela nous plaise ou non.
Le sénateur Eyton : Cela fait plaisir de voir des visages amicaux au bout de la table.
Tous les Canadiens sont probablement exposés depuis trop longtemps à la problématique du bois d'œuvre et aux questions connexes. La première fois que j'ai eu à m'en occuper de manière assez détaillée, c'était dans les années 1980. J'avais alors des rapports avec la société MacMillan Bloedel et avec certains producteurs de l'Est. Il me semblait à l'époque que c'était à la fois une thématique et un problème importants. Au fil des ans, on a tenté, au moyen d'une multitude d'arrangements et de tractations, de résoudre le problème qui se posait entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne cette industrie.
J'ai également été partie prenante, jusqu'à un certain point, au processus qui a débouché sur les accords de libre- échange. Je n'ai pas compris l'observation de M. Grenier, quand il a indiqué que les accords de libre-échange et leurs dispositions visaient à mettre en place un processus de règlement des différends en matière de bois d'œuvre. Je pensais naïvement que le bois d'œuvre est une question à part différente. Certes, il pouvait bénéficier des accords et de leurs dispositions mais, à mes yeux, il a toujours constitué un problème distinct qui n'a encore jamais été vraiment résolu.
Pour reprendre l'idée de M. Herman, est-ce que le problème du bois d'œuvre est unique en son genre? Évidemment, si nous pouvons observer et affirmer d'une manière ferme et catégorique qu'il s'agit d'un problème unique en son genre, cela ne va pas forcément établir un précédent et, donc, ne créera pas les ravages dont vous avez parlé dans votre exposé.
M. Herman : Le sénateur Eyton a formulé quelques observations valables.
Si on étudie l'histoire des rapports commerciaux canado-américains, on constate que le bois d'œuvre se distingue comme étant un domaine tout à fait unique et inhabituel. Nous avons eu des problèmes avec la viande de porc fraîche et congelée dans les années 1980 et avec le poisson de fond, qui étaient des secteurs importants et qui ont fait l'objet de mesures américaines. Jusqu'à un certain point, le chapitre 19 de l'ancien a été conclu dans l'espoir qu'il favorise le règlement de cas comme ceux-là, où d'énormes secteurs économiques ont été touchés, directement ou indirectement, par des mesures commerciales américaines.
J'estime que ce secteur du bois d'œuvre est probablement unique en son genre. Les avocats aiment employer le terme sui generis. J'accepte une grande partie de ce que M. Grenier a dit, mais je ne crois pas que le ciel soit en train de nous tomber sur la tête. L'accord a des incidences sur le chapitre 19, mais dans la gestion des dossiers commerciaux canado- américains, le chapitre 19 donne d'assez bons résultats. Dans ces dossiers quotidiens, l'entente n'aura probablement pas d'importantes répercussions négatives.
Je déteste parler comme un avocat et je fais des efforts pour m'exprimer de manière plus accessible, mais il est difficile de dire si ce règlement aura des répercussions. Ce que j'ai dit précédemment, c'est qu'il a entaché le processus de l'ALENA. en ce sens que le chapitre 19 était censé régler ces différends, mais il n'y est pas parvenu. Donc, à mon sens, cela reste à voir. Refermons ce chapitre et allons de l'avant.
Au bout du compte, il nous a fallu négocier avec une entente sous une forme ou une autre avec les États-Unis pour régler ce problème et de nombreux autres dossiers. À eux seuls, les recours judiciaires n'auraient pas tout réglé. Comme M. Grenier l'a dit, si nous avions eu gain de cause devant tous les tribunaux américains, ce qui aurait demandé des années, et si nous avions recouvré tous nos droits de douane, l'industrie américaine, compte tenu de l'ampleur des enjeux économiques, aurait enclenché une nouvelle requête dès le lendemain et nous en serions revenus à la cinquième enquête sur le bois d'œuvre.
Cela n'a pas été une pilule facile à avaler mais, étant pragmatique, je dirais que le moment est venu de tourner la page et d'espérer que cette entente négociée nous procure un certain degré de stabilité sur le plan commercial, dans l'intérêt de l'industrie canadienne et de ses travailleurs.
Voilà ce que j'espère. Je crois qu'il y a une possibilité que l'entente nous donne ce résultat.
M. Grenier : Le sénateur Eyton a raison de dire que lorsque nous avons négocié l'ALE dans les années 1980, le dossier du bois d'œuvre a été mis sur la touche. Ni l'un ni l'autre gouvernement ne voulait s'occuper du bois d'œuvre, alors qu'ils négociaient une entente beaucoup plus importante, l'ALE lui-même, qui est devenu l'ALENA et son chapitre 19.
On s'est entendu sur une exception parce qu'une entente est survenue à la fin de 1986, bien avant la conclusion des négociations plus générales. Le protocole d'entente de 1986, qui établissait une taxe à l'exportation, notamment, a été dénoncé par le Canada en 1991 à la demande pressante de la Colombie-Britannique. La plupart des autres provinces du Canada et le reste de l'industrie avaient la ferme conviction que nous nous retrouverions à la troisième enquête sur le bois d'œuvre peu de temps après, et c'est effectivement ce qui est arrivé, de manière brutale. Le gouvernement américain n'a pas attendu que la coalition présente une nouvelle requête.
Toutefois, nous disposions du chapitre 19. Nous nous en sommes servis pour nous défendre et nous avons remporté une victoire éclatante en 1994. Nous avons rencontré l'autre partie pour des « consultations », qui sont devenues des négociations, et ont abouti à l'Accord sur le bois d'œuvre de 1996. Nous nous trouvions dans une position bien meilleure, parce que nous avions gagné, et parce que nous avions bénéficié du libre acès au marché pendant deux ans grâce au chapitre 19.
Oui, il y a eu une exception faite en 1986 dans l'ALE, mais il y a belle lurette que cette exception a été supprimée.
M. Johnson : L'exception dans l'accord canado-américain pour tenir compte du protocole d'entente était étroite. Dans l'accord canado-américain, les frais d'exportation étaient interdits et cela a été repris reconduit dans l'ALENA. Le Protocole d'entente était fondé sur des frais d'exportation et il n'était pas conforme avec la disposition pertinente de l'ALE, d'où l'exception convenue. Il s'agit d'une exception limitée portant sur une question bien circonscrite.
Je ne crois pas qu'il y ait quoi que ce soit d'unique dans le bois d'œuvre proprement dit. Ce qui est unique, c'est qu'il se trouve que l'industrie du bois d'œuvre aux États-Unis possède une influence incroyable auprès du gouvernement national. Ce secteur d'activité réalise des échanges commerciaux d'une énorme ampleur et ces échanges, contrairement à ceux qui sont réalisés dans le domaine de l'automobile, et qui ils se font dans les deux sens, ont tendance à être unidirectionnels. C'est là un facteur à prendre en compte.
Toutefois, l'élément unique du secteur du bois d'œuvre, c'est le pouvoir de cette industrie, par l'intermédiaire de sa coalition, d'influer sur les décisions du gouvernement américain dans une telle mesure que les États-Unis étaient disposés à se soustraire à une obligation issue d'un traité pour parvenir à un règlement.
Le sénateur Di Nino : Merci, messieurs. En vous écoutant tous les trois, j'ai appris que j'en savais très peu sur le sujet.
Étant un homme d'affaires, je sais qu'il n'est pas inhabituel en affaires de négocier des ententes. Cela se fait normalement et régulièrement. Cet accord est un peu différent, mais c'est une façon d'en arriver à des compromis avec vos clients lorsque vous avez des litiges. Je ne vois pas pourquoi ce serait différent simplement parce que ce sont des gouvernements.
Êtes-vous d'accord sur ce point?
M. Herman : Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, la négociation s'inscrit dans le droit commercial international. Elle est enchâssée dans l'ALENA, bien que ce ne soit pas dans le contexte du chapitre 19, et dans l'OMC, comme elle l'était dans l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Elle fait partie du processus de règlement des litiges commerciaux. À mon avis, on doit se réjouir du principe des solutions négociées, sans quoi on aurait des litiges interminables et des mesures de rétorsion qui équivaudraient à une guerre commerciale. Une solution négociée fait partie du processus et c'est une bonne chose en principe.
La différence entre nous, qui n'est pas tellement grande, à mon avis, c'est que mes collègues croient que l'entente négociée n'est pas bonne. Je conviens que ce n'est pas une entente extraordinaire, mais elle vaut probablement mieux qu'une série de solutions non souhaitables. C'est là l'écart entre nous.
M. Grenier : J'ai participé à des négociations avec les États-Unis pendant longtemps. J'ai commencé en 1976 lorsque je travaillais pour le ministère des Affaires extérieures, qui portait ce nom à cette époque, dans le cadre du Tokyo Round. J'ai participé à des négociations avec les Américains à ce moment-là et durant les années suivantes.
Je crois que nous devrions négocier avec les États-Unis pour établir de nouvelles règles dans un contexte élargi. Nous l'avons fait évidemment dans le cadre de l'Accord de libre-échange, de l'ALENA, de l'OMC et du GATT avant cela. Nous avons négocié avec les Américains pour régler des litiges comme celui du bois d'œuvre trois fois en 20 ans. J'ai participé à divers titres à ces trois négociations. Selon moi, négocier pour régler un litige comme celui du bois d'œuvre ou de tout autre produit est différent lorsqu'on négocie avec les États-Unis. C'est différent parce qu'il y a une énorme symétrie entre les deux. C'est la principale raison pour laquelle le Canada a cherché à établir des règles plus claires et des règles rigoureuses lorsque nous avons négocié le premier accord de libre-échange avec les Américains dans les années 1980.
Lorsque vous vous assoyez avec les Américains pour négocier une entente comme celle du bois d'œuvre, ce ne sont pas de vraies négociations; c'est une guerre d'usure. Ils vous ont à l'usure et vous finissez par accepter, parfois après un changement de gouvernement ici, à Ottawa.
M. Johnson : Vous faites une analogie commerciale. Je ferais l'analogie suivante : vous et moi avons un contrat. Je romps carrément le contrat. Vous dites : « Vous avez rompu le contrat; vous devriez offrir une compensation. » Je vous réponds : « C'est bien dommage. Je suis plus important et plus fort que vous, et voici le résultat que je veux. » C'est une analogie commerciale.
M. Herman : M. Johnson a raison; il s'agit d'un contrat commercial, mais c'est comme si un fournisseur dépendait totalement d'un client; si ce client se retourne contre lui, le fournisseur a des problèmes. C'est peut-être la grande leçon que l'on doit tirer pour l'industrie canadienne du bois d'œuvre.
Le sénateur Di Nino : Je ne suis pas en désaccord.
Dans le contexte où nous avons des échanges commerciaux d'environ un milliard de dollars par jour avec les États- Unis, il semble pour un amateur comme moi que nous n'avons pas trop souffert de cette relation. Est-ce une exagération ou un euphémisme de dire cela?
M. Grenier : Je crois que c'est tout à fait juste. Évidemment, c'est comme le chômage. Le taux de chômage n'est que de 5 p. 100, mais si vous êtes sans emploi, le chômage est de 100 p. 100 pour vous.
Le sénateur Di Nino : Il donne et puis reprend très rapidement. C'est la réalité de la vie, malheureusement.
Vous avez tous dit que l'idée de rouvrir le chapitre 19 ou l'accord est un non-sens, et je suis d'accord avec vous. Je crois que la rétorsion serait totalement insensée.
Toutefois, on pourrait faire autre chose pour améliorer la situation concernant le chapitre 19. L'autre endroit a fait diverses propositions, comme une liste permanente d'experts ou des choses de cette nature.
Pouvez-vous nous proposer des recommandations que nous pourrions faire au gouvernement?
À mon avis, il faudrait élargir notre sphère d'influence et de défense aux États-Unis. Il y a un certain temps, nous avions recommandé notamment d'augmenter le nombre de bureaux commerciaux, en particulier dans les secteurs où nous avons des difficultés. Que pensez-vous de cette recommandation?
M. Grenier : Concernant la dernière suggestion, il est clair qu'il faut accroître notre influence aux États-Unis. Comme vous l'avez probablement conclu, nous avons un problème politique avec les États-Unis. Il s'agit d'un problème commercial, mais au bout du compte, c'est un problème politique attribuable à la manière dont le système américain est établi. Ce n'est pas le président qui a le dernier mot, mais bien le Congrès et le comité sénatorial des finances.
Notre groupe a conclu il y a longtemps que nous devrions avoir un contrepoids à la coalition en faveur des importations équitables de bois d'œuvre. Nous avons investi de l'argent, pas beaucoup parce que nous en avions peu. Malheureusement, cette initiative n'a pas reçu l'appui de toute l'industrie canadienne.
Vous serez ravi d'apprendre que, par suite de ces efforts, au moins 150 des 535 législateurs du Congrès américain appuient maintenant la position canadienne. Ils s'opposent aux restrictions sur l'importation du bois d'œuvre canadien. Ce contrepoids n'a jamais été exercé auparavant; c'est la coalition qui occupait tout le terrain.
Je crois que si nous devions mettre en place une initiative plus sérieuse, il faudrait la poursuivre sur de nombreuses années. On ne peut pas arrêter après avoir conclu une entente, comme nous le faisons présentement. Il faut un effort permanent.
À mon avis, nous pourrions en arriver à une sorte d'impasse avec la coalition à l'intérieur du système politique américain. Je ne propose rien d'extraordinaire. D'autres pays l'ont fait pour régler des problèmes semblables.
Le sénateur Di Nino : Un grand nombre appuient notre position, dont l'industrie de l'habitation. Lorsque nous avons procédé à l'examen de l'Accord de libre-échange aux États-Unis, de grandes entreprises — par exemple, Home Depot — ont comparu devant nous et ont appuyé nos efforts. Nous devrions travailler avec ces entreprises.
Le vice-président : Lorsque vous avez dit que nous avions un problème politique avec les États-Unis, il m'est venu à l'esprit qu'ils avaient un gros problème politique avec nous et avec beaucoup de monde. Au cours des dernières années, l'opinion mondiale n'a pas joué en faveur des Américains.
Avec ces horribles litiges, ils ont peut-être gagné la partie, mais ils n'ont pas gagné devant le tribunal de l'opinion publique canadienne, s'ils s'intéressent à leur image.
Vous avez dit que le bois d'œuvre était un cas spécial. Je me suis entretenu avec des négociateurs commerciaux américains il y a un certain temps, et ils m'ont dit que, comme nous le savons tous, la plupart des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis ne font l'objet d'aucun litige. Les échanges vont dans les deux sens.
L'un d'eux était un négociateur aguerri, et il a dit qu'il y avait une demi-douzaine de litiges entre les États-Unis et le Canada. Ce sont les litiges commerciaux les plus difficiles que connaissent les Américains. Ils sont presque impossibles à régler et ils concernent tous des produits primaires comme le bois d'œuvre. Vous avez aussi mentionné les pêches.
À Winnipeg, le comité se souviendra qu'on lui a fait part des problèmes liés au blé, qui tournaient autour de la Commission canadienne du blé. Puis nous avons entendu que la même affaire reviendra 11 fois. Les différends portent sur les produits primaires comme les pêches, la foresterie et l'agriculture, et tous sont extrêmement difficiles à régler. Est-ce vrai?
M. Grenier : Oui.
M. Herman : Je dois apporter quelques précisions et mettre peut-être les choses en perspective.
Le Canada a, par le passé, appliqué un nombre important d'ordonnances de droits antidumping contre les produits américains. Je crois qu'il ne faut pas l'oublier. Je n'ai pas tous les exemples ici, mais il y a quelques années, nous avons appliqué des droits antidumping contre le fil d'acier provenant des États-Unis. La liste est longue : les framboises, la laitue Iceberg et toutes sortes de produits agricoles. Nous avons assommé les Américains avec notre système. Ne l'oublions pas.
L'autre aspect dans le dossier du bois d'œuvre, c'est qu'une partie du conflit reflète des problèmes de structure. Je crois que M. Grenier a dit que le bois d'œuvre circule dans une direction. Cela signifie que les États-Unis constituent le marché et que nous sommes les fournisseurs. Ce mouvement causera toujours des problèmes sur le plan commercial.
L'industrie de l'acier a connu de nombreux problèmes. Il y a eu un certain nombre de litiges commerciaux concernant l'acier américain importé au Canada et l'acier canadien importé aux États-Unis. Ces problèmes ont été pour la plupart réglés. L'industrie s'est restructurée.
Les échanges d'acier et de produits sidérurgiques se font de part et d'autre, en partie à cause du pacte de l'automobile. Ce n'est pas un commerce à sens unique. Cela fait toute une différence.
Au cours des dernières années, la paix est revenue dans le secteur de l'acier à cause de ces changements de structure. Cela pourrait faire une différence à long terme dans le secteur du bois d'œuvre. Peut-être que non, mais peut-être que oui.
Il faut garder ces choses en tête. Je répète que le Canada a été l'instigateur d'importants litiges commerciaux touchant les produits américains, alors ces choses ne se produisent pas seulement au sud de la frontière.
Le vice-président : Le comité a entendu des témoins dire que l'industrie de l'automobile est le plus grand utilisateur d'acier. Les fabricants d'automobiles au Canada achètent leur acier au Canada. C'est une partie de l'industrie qui n'est pas intégrée. Les fabricants d'automobiles américains utilisent l'acier américain et les fabricants canadiens utilisent l'acier canadien. C'est probablement à cause des coûts de transport. Il n'est pas souhaitable de transporter de l'acier lourd de part et d'autre de la frontière. L'industrie de l'automobile a ceci de particulier que la composante acier n'est pas intégrée.
M. Herman : Je ne suis pas certain que ce soit vrai. Je crois que les acheteurs de Detroit achètent de l'acier à Hamilton et en Caroline du Sud. Je pense que l'acier circule dans les deux directions. Vous voyez sur le Queen Elizabeth Way de nombreux camions transportant des bobines de tôle à chaud qui entrent aux États-Unis, et de l'acier américain est importé au Canada. Je crois que les échanges d'acier sont intégrés, mais je suis peut-être mal informé.
Le vice-président : Nous avons examiné cette question et ce sont les statistiques que nous avons obtenues.
Le sénateur Andreychuk : Merci, monsieur Herman, d'avoir soulevé la question de l'antidumping. Les problèmes sont parfois créés par nous, et parfois par nos voisins.
Je voulais poser une question à M. Johnson au sujet de sa déclaration préliminaire. Vous avez dit qu'il n'y avait rien qui clochait au sujet du chapitre 19 ou de la loi d'application américaine. Tout est dans l'interprétation.
Dans les échanges commerciaux, y a-t-il toujours un aspect lié à la politique étrangère et un aspect lié au commerce? Les gens, du moins les législateurs, se soucient de leurs électeurs, et c'est une partie du problème. Ils interprètent les accords à leurs avantages.
Notre comité a souvent suggéré d'aborder la question du commerce à la lumière des accords conclus, mais en considérant aussi qu'il s'agit d'une question de politique étrangère. Les législateurs des deux côtés de la frontière devraient collaborer davantage et de façon continue. Notre comité a dit que nous devrions envoyer plus de parlementaires à Washington et vice versa pour apprendre à mieux nous connaître.
Êtes-vous d'accord pour dire que nous n'aurons pas d'ententes négociées tout le temps, mais que nous pourrions probablement conclure des accords plus rapidement si nous adoptions une approche plus suivie en matière de politique étrangère?
M. Johnson : Dans ce cas particulier, lorsqu'on a conclu l'Accord de libre-échange en 1988, les Américains ont mis en œuvre le chapitre 19 et la loi qu'ils ont adoptée a fait exactement ce qu'elle devait faire. Lorsque vous lisez le document intitulé Statement of Administrative Action, qui est essentiellement le document d'administration des États- Unis qui est déposé avec la loi et qui explique en quoi consiste l'accord, pourquoi la loi qui le met en œuvre est nécessaire et ce qu'elle signifie, il est clair que les Américains voulaient donner effet au chapitre 19 et rendre les décisions du groupe binational exécutoires, etc. Dans ce cas particulier, rien ne clochait au sujet de la loi.
Ce qui est consternant, c'est lorsque vous lisez les mémoires que les Américains ont déposés dans l'affaire Tembec et que vous les comparez à ce qu'ils ont dit dans le Statement of Administrative Action; il y a tout un monde entre les deux positions.
Vous dites que les législateurs doivent communiquer davantage pour que de meilleures lois soient édictées pour la mise en œuvre des accords commerciaux. Dans ce cas-ci, je crois qu'il n'y avait rien qui clochait au sujet de la loi d'application, mais le problème a surgi par la suite, et je crois que c'était sous l'influence du lobby du bois d'œuvre américain sur l'administration.
M. Grenier : Je comprends que vous proposez qu'il y ait plus de contacts politiques entre les deux pays et entre les législateurs. Je crois que c'est bien d'établir des contacts. Que les dirigeants entretiennent de bonnes relations générales est une bonne chose aussi, évidemment. Toutefois, je dois rappeler que nous n'avions rien fait aux Américains en ce qui a trait au bois d'œuvre; ce sont eux qui nous ont fait des choses. C'est une chose de contester des droits antidumping sur les produits américains qui entrent au Canada. C'est très bien et cela s'inscrit dans l'ordre des choses, et nous n'avons pas l'incroyable saga que nous connaissons avec le bois d'œuvre. Il y a une leçon à tirer ici.
Je me rappelle une réunion que nous avons eue avec des législateurs américains qui se sont venus au Canada à leur retour du Japon dans les années 1980. Ils s'étaient arrêtés à Vancouver, et nous avions organisé une grande rencontre avec l'industrie du bois d'œuvre. Le président d'un des plus importants comités du Congrès de l'époque était un homme imposant qui savait ce qu'il voulait. Je me souviens d'un excellent exposé sur la position du Canada qui expliquait tout : pourquoi nous ne leur faisions pas de tort et pourquoi nous n'accordions pas de subvention. Les gens se sont ensuite mêlés les uns aux autres, et il a mis un bras autour de moi et l'autre bras autour d'une autre personne en même temps. Il avait de longs bras. Il a dit : « Eh bien, nous avons entendu tout cela. Que pouvez-vous faire pour moi aujourd'hui? » C'est à cela également que vous vous exposez. En effet, toute politique est locale. Comme nous l'apprendrons aujourd'hui, ce n'est peut-être pas le cas aux États-Unis.
Le sénateur Andreychuk : M. Grenier dit ce que je voulais dire. Il y a un aspect juridique, mais il y a aussi un aspect politique. Nous disons que le lobby du bois d'œuvre aux États-Unis a beaucoup d'influence sur le système, et j'ai entendu la même chose au sujet de l'agriculture et de l'acier. Inévitablement, lorsqu'il y a une influence politique, le succès n'est pas toujours assuré, mais dans la plupart des cas, cela facilite les choses. Vous pouvez avoir les meilleurs accords, mais il faut de bonnes relations et vous devez mettre des efforts dans votre politique étrangère comme vous en mettez dans vos accords commerciaux. C'est ce que j'essayais d'expliquer.
[Français]
Le sénateur Corbin : Ma question s'adresse principalement à M. Grenier, mais j'invite les autres témoins à commenter s'ils le désirent. À mon avis, cet accord est enveloppé de tellement de papier et attaché avec toutes sortes de bouts de ficelle que je me demande s'il durera longtemps. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?
M. Grenier : Vous avez tout à fait raison. Trois accords ont été conclus avec les États-Unis depuis 20 ans, celui de 1986, celui de 1996 et celui-ci, en 2006. Le dernier accord est de loin le plus compliqué, le plus complexe et celui, à mon sens, qui tient le moins compte de la réalité du marché, de la façon dont le bois d'œuvre est vendu et transigé entre le Canada et les États-Unis.
On sait tous que les États-Unis ne sont pas autosuffisants en bois d'œuvre depuis plus d'un siècle. Le Canada possède environ le tiers du marché américain et il en aurait davantage s'il n'avait pas été victime des attaques répétées. Les États-Unis ont besoin de bois, il n'y a pas de doute. La manœuvre est claire et transparente; ils font ces attaques contre nous pour simplement restreindre un peu le flot du bois de façon à maintenir les prix plus élevés. C'est aussi simple que cela. Je pense que les meilleurs d'entre eux, nos adversaires de la coalition, savent très bien qu'il n'y a pas de problème de subvention ou de dumping de bois d'œuvre entre le Canada et les États-Unis. Cela ne va pas les empêcher de continuer, c'est très clair.
Pas plus tard qu'il y a deux semaines, juste après la mise en oeuvre de l'accord du 12 octobre, les avocats de la Coalition ont déclaré en cour qu'ils ne voulaient pas abandonner leur cause constitutionnelle sur le chapitre 19 parce que, justement, ils estimaient qu'ils en auraient besoin probablement plus rapidement qu'autrement.
La durée de l'accord est de sept ans et peut être prolongée à neuf ans. Eux-mêmes reconnaissent le fait que l'accord ne durera peut-être pas si longtemps. C'est malheureux parce que cet accord va nous coûter très cher. Et la stabilité qu'on souhaite tous dans ce marché pour un certain temps ne sera peut-être pas au rendez-vous.
J'ai l'impression que la principale menace à la pérennité de l'accord sur le bois d'œuvre viendra de sa complexité. S'il y a aujourd'hui des disputes concernant l''application de cet accord, elles ne seront pas réglées de la façon qu'on a essayé de régler avec le chapitre 19 ou avec l'OMC. On a exclus tout cela puisque maintenant c'est un tribunal d'arbitrage situé à Londres, qui sera formé obligatoirement de non Canadiens et de non Américains, qui sera appelé à juger des litiges qui pourront survenir.
Je pense qu'inévitablement il y aura des litiges. Un accord commercial comme celui-là a créé un précédent. Cela n'avait jamais été fait entre le Canada et les États-Unis. Le seul précédent que j'ai pu trouver est celui intervenu l'an dernier pour régler la question du ciment entre les États-Unis et le Mexique.
Ce précédent qu'on a créé maintenant donne une raison tout à fait valable à la Coalition de revenir à la charge assez rapidement. Le Canada sera-t-il capable de vivre avec cet accord? Comment les entreprises canadiennes se débrouilleront-elles à l'intérieur du cadre très contraignant de cet accord? Ce sont des questions ouvertes auxquelles je n'ai pas de réponse.
[Traduction]
Le sénateur Austin : Je comprends que vous êtes ici depuis un certain temps et qu'il se fait tard. J'aimerais poser deux questions. La première est relativement simple. Elle concerne l'industrie, et personne ne l'a encore posée. Elle porte sur l'accès que les producteurs de bois d'œuvre européens ont au marché américain, les contraintes qui existent relativement à ces importations et l'impact possible de ces importations à la fois sur les industries américaine et canadienne du bois d'œuvre.
C'était ma première question. La deuxième s'adresse à vous trois. Vous avez parlé, d'une manière ou d'une autre, de l'influence, qu'elle soit commerciale, nationale ou binationale. Le sénateur Andreychuk a soulevé la question complexe des relations canado-américaines, non seulement en ce qui a trait au commerce, mais aussi à la politique étrangère et à d'autres dossiers.
M. Johnson, permettez-moi de citer un extrait de votre discours du 8 mars 2005 que j'ai trouvé fort intéressant :
Si, en raison de l'intransigeance des États-Unis, le Canada est forcé d'obtenir moins que ce qui avait été convenu à l'ALE et à l'ALENA, ce devrait être également le cas pour les États-Unis. Le Canada devrait donner le choix aux États-Unis de respecter ses obligations à l'égard de la procédure du groupe spécial binational spécifié au chapitre 19, à laquelle le Canada accorde beaucoup de valeur ou de perdre les avantages de l'ALENA qu'ils estiment particulièrement.
Tout cela est bien beau, mais est-ce qu'on peut l'appliquer concrètement aux relations canado-américaines? Vous avez abordé la question de la sécurité énergétique. Y voyez-vous éventuellement un lien avec l'énergie canadienne ou même le gazoduc de l'Alaska? Comme je l'ai dit plus tôt, j'ai seulement deux ou trois petites questions auxquelles vous pourriez répondre rapidement. Tout d'abord, j'aimerais avoir votre point de vue sur la concurrence étrangère dans le secteur du bois d'œuvre.
M. Grenier : C'est une question intéressante. Vous vous rappellerez qu'avant la conclusion du dernier accord, en 1996, et pendant 15 ans, la part qu'occupaient sur le marché américain les pays tiers fournisseurs de bois d'œuvre se maintenait à 0,5 p. 100. La part du Canada augmentait avec le marché américain, surtout parce que les États-Unis n'arrivaient pas à satisfaire à la demande intérieure. En raison des quotas qui nous ont été imposés de 1996 à 2001 en vertu de l'Accord canado-américain sur le bois d'œuvre résineux de 1996, la part des fournisseurs de pays tiers a fait un bond spectaculaire pour atteindre près de 5 p. 100; elle a donc décuplé. Elle est encore petite dans l'ensemble, mais croît rapidement.
Le sénateur Austin : Ainsi, compte tenu de notre capacité limitée, ces pays ont la possibilité de s'approprier une plus grande part du marché.
M. Grenier : Mises à part les contraintes du marché associées au prix, ces pays ne sont assujettis à aucune restriction. Quand les prix sont bas, comme actuellement, ces pays se retirent pratiquement du marché. Il est intéressant de noter que lorsque nous avons libéré une part du marché en 1996 et accepté les limites imposées au volume de nos exportations, nos concurrents américains n'arrivaient pas à la reprendre. Ce sont les fournisseurs des pays tiers qui l'ont prise. Si cet accord est mis en œuvre et maintenu, aura-t-il la même incidence? Cela reste à voir. Si les prix grimpent encore, vous verrez l'apparition de nouveaux concurrents sur le marché américain.
Le sénateur Austin : Les producteurs américains voulaient maintenir les importations de bois d'œuvre canadiennes, et sans doute étrangères, à 30 p. 100. Puis c'est passé à 33 p. 100. Qu'en est-il maintenant et à quel pourcentage s'ajouteront les 5 p. 100?
M. Grenier : D'après l'entente, nous occupons 34 p. 100 du marché. Je pense que les Américains ne veulent pas s'ouvrir à l'Union européenne, au Brésil ou autres, parce que les fournisseurs seraient très nombreux : il y aurait non seulement les pays européens, mais aussi la Nouvelle-Zélande et le Brésil, qui sont de grands producteurs, et possiblement la Russie, qui pourrait se jeter dans la mêlée. Je ne crois pas que les États-Unis voudraient courir ce risque seulement pour se plier à la volonté de la coalition. Les restrictions visent exclusivement le Canada parce que nous sommes le plus important fournisseur étranger et leur voisin.
Le sénateur Austin : Nous sommes limités, mais pas eux. Monsieur Johnson, qu'en pensez-vous?
M. Johnson : Je pensais particulièrement à l'article 1905 de l'ALENA, que M. Herman a évoqué dans son document. Au moment où j'ai fait ces commentaires, le 8 mars 2005, les États-Unis s'étaient déjà soustraits à leur engagement ou étaient sur le point de le faire. À mon avis, la procédure de contestation extraordinaire n'a pas donné des résultats satisfaisants, mais le gouvernement américain a indiqué clairement que l'article 129 l'emportait sur la décision de l'ALENA et qu'il allait prendre position sur les remboursements décrits dans les commentaires. C'est exactement ce qu'il a fait.
À l'époque, comme il était très probable que les États-Unis ne respectent pas une décision favorable au Canada, ce qui fut d'ailleurs le cas, on songeait à invoquer l'article 1905 du chapitre 19. Au départ, l'article 1905 s'appliquait surtout aux échanges avec le Mexique. Les Américains craignaient que le Mexique ne s'acquitte pas de ses obligations et tenaient au respect du chapitre 19, ce qui est digne de mention. L'article 1905 est d'application générale et prévoit une procédure à laquelle on peut avoir recours, mais qui n'est pas très intéressante.
Si, par exemple, les États-Unis refusaient d'appliquer une décision du groupe binational, le Canada pourrait demander d'instituer ce qu'on appelle un comité spécial, qui ressemble au Comité de contestation extraordinaire, selon la même procédure. Si le comité spécial en arrivait à la conclusion que le Canada avait raison et que les États-Unis avaient eu tort de refuser de mettre l'accord en œuvre, un certain nombre d'options s'offriraient au Canada, dont celle de suspendre les avantages découlant de l'ALENA, et il n'y aurait aucune disposition de proportionnalité. Les États- Unis pourraient seulement s'objecter, par exemple, si la suspension était manifestement excessive.
Nous étions certes préoccupés par ces questions à l'époque, et nous avons beaucoup réfléchi à l'article 1905. Nous nous demandions si nous devions l'invoquer et, si oui, quand. Nous avons décidé, alors que nous contestions l'article 129, qu'il ne serait pas judicieux de l'invoquer avant de connaître l'issue du litige. Nous avons donc mis cela en veilleuse. C'est en référence à ce contexte que je parlais de l'article 1905 dans mon allocution.
Il ne faut pas oublier que si, au bout du compte, les États-Unis ne respectent pas le chapitre 19 — en supposant que la question en litige a été résolue, que la procédure prévue au chapitre 19 a été jugée inconstitutionnelle et que par conséquent, les États-Unis ne peuvent l'utiliser —, nous aurons besoin d'un recours et ce sera la procédure énoncée à l'article 1905. J'étais plus optimiste à l'époque que je ne le suis maintenant, mais il est évident qu'on ne veut pas se priver d'avantages et avec raison. Comme on l'a déjà souligné, 95 p. 100 de nos échanges avec les États-Unis ne donnent pas lieu à des conflits commerciaux et profitent énormément à nos deux pays.
C'est dans ce contexte que j'ai formulé mes commentaires.
Le sénateur Austin : Peut-être pourriez-vous revenir afin que je puisse poser mes questions à M. Herman.
Le vice-président : J'aimerais remercier les témoins pour cette discussion intéressante et instructive. Avant de partir, j'aimerais vous dire que nous avons vérifié et nous ne sommes pas certains que le ministre ou des fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international comparaîtront demain. Nous vous en aviserons dès que nous le saurons.
La séance est levée.