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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 15 - Témoignages du 15 mai 2007


OTTAWA, le mardi 15 mai 2007

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, à qui a été renvoyé le projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel en vue de la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la corruption, se réunit aujourd'hui à 19 h 26 pour en examiner la teneur.

L'honorable sénateur Consiglio Di Nino (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je constate que nous avons le quorum. La séance est ouverte. J'aimerais remercier spécialement l'honorable Robert Nicholson, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada, et lui souhaiter la bienvenue. Ce soir, nous examinons le projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel en vue de la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la corruption.

Nous aurons comme témoin le ministre Nicholson, qui sera accompagné de Keith Morrill, directeur de la Direction du droit criminel, de la sécurité et des traités du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Je vous souhaite, à tous deux, la bienvenue.

L'honorable Robert Nicholson, C.P., député, ministre de la Justice et procureur général du Canada : Merci, monsieur le président et merci, honorables sénateurs, de m'avoir invité ici, ce soir.

Il se peut que Mme Lisette Lafontaine, avocate-conseil de la Section de la politique en matière de droit pénal du ministère de la Justice se joigne à nous d'un moment à l'autre.

Mesdames et messieurs, nous sommes ici pour examiner le projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel en vue de la mise en œuvre de la Convention des Nations Unies contre la corruption. La lutte contre la corruption figure parmi les priorités de notre gouvernement. Nous menons cette lutte au Canada grâce à la Loi fédérale sur la responsabilité, mais nous voulons également contribuer à la lutte sur la scène internationale. La Convention des Nations Unies contre la corruption est un instrument utile à cet égard.

[Français]

La Convention des Nations Unies contre la corruption est le premier traité anticorruption exhaustif mondial. Depuis le tout début du processus, le Canada appuie fermement la convention. La ratification de la convention par le Canada sera une extension logique et importante de nos engagements présents dans le combat contre la corruption.

[Traduction]

Avant de ratifier la convention, nous devons nous assurer que nous pouvons la mettre en œuvre pleinement. Les normes canadiennes de lutte contre la corruption figurent déjà parmi les plus élevées au monde. En général, le Canada remplit déjà les exigences de la convention. Toutefois, afin de se conformer pleinement à la convention, nous devons apporter certaines modifications techniques à nos infractions de corruption. Tel est l'unique but du projet de loi C-48.

Le premier groupe de modifications concerne la portée des infractions de corruption. Selon la convention, nous devons criminaliser aussi bien la corruption directe que la corruption exigée ou effectuée par un intermédiaire. La convention exige également que nous criminalisions tout acte de corruption où un avantage est exigé pour un tiers ou lui est attribué.

J'aimerais d'abord parler des infractions de corruption telles qu'elles figurent actuellement dans le Code criminel. Le code interdit actuellement la corruption d'agents publics et la corruption dans le secteur privé. La corruption d'agents publics est interdite par une infraction générale de corruption qui s'applique à tous les agents publics et par des infractions particulières de corruption pour certaines catégories de fonctionnaires, comme les membres du Parlement ou d'une législature provinciale, les juges, les fonctionnaires s'occupant de l'administration du droit criminel et les fonctionnaires municipaux.

Certaines des infractions du Code criminel relatives à la corruption interdisent déjà explicitement la corruption directe et la corruption exigée ou effectuée par un intermédiaire, ainsi que la corruption où un avantage est exigé pour un tiers ou lui est attribué. Toutefois, d'autres infractions n'interdisent pas cela explicitement. Dans certains cas, les infractions qui ne visent pas précisément la corruption par le truchement d'intermédiaires ou de tiers ont été interprétées par les tribunaux comme si c'était le cas. Les modifications proposées rendraient l'interdiction explicite dans les infractions où ce n'est pas déjà le cas.

C'est ce que fait le projet de loi C-48 dans les articles 3 à 7, et rien de plus. C'est ce que font ces articles. Ainsi, de façon générale, nous codifions la jurisprudence liée à la portée de ces infractions, sans les modifier autrement.

Il y a un deuxième domaine où nous codifions la jurisprudence. La convention définit les agents publics de façon plus large que la définition de « fonctionnaire » à l'article 118 du Code criminel. La convention définit les « agents publics » comme toute personne qui détient un mandat législatif, exécutif, administratif ou judiciaire d'un État partie, qu'elle soit nommée ou élue. La définition actuelle du Code criminel, pour sa part, mentionne de façon précise uniquement les fonctionnaires qui sont nommés pour remplir une fonction publique.

Toutefois, les tribunaux ont déjà appliqué la définition aux fonctionnaires nommés et aux fonctionnaires élus. Par conséquent, les modifications proposées codifieraient cette interprétation et assureraient la conformité de la définition aux exigences de la convention. C'est ce que stipule l'article 2 du projet de loi.

La convention impose également aux États parties de mettre en place des mesures permettant de saisir ou de confisquer un bien qui sert à la perpétration d'infractions de corruption d'agents publics nationaux et étrangers. Le Code criminel prévoit actuellement la confiscation des biens infractionnels, mais seulement s'ils sont liés à un acte criminel prévu par le code.

Ces infractions du Code criminel s'appliquent à la corruption d'agents publics canadiens, mais non pas à la corruption d'agents publics étrangers. Cette dernière infraction est inscrite dans la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers. Les modifications proposées permettraient aux dispositions liées à confiscation de s'appliquer également à l'infraction de corruption d'agents publics étrangers. C'est ce que font l'article 1 et les articles 8 à 11 du projet de loi C-48.

Les provinces ont été tenues au courant des négociations. Elles ont pris connaissance de tous les renseignements avant de signer la convention, et elles ont été informées des modifications prévues dans le projet de loi C-48. Les deux premières modifications ne font que codifier l'interprétation accordée par les tribunaux à ces infractions, alors que la troisième modification étend la portée des dispositions en matière de confiscation à une infraction qui se trouve dans la Loi sur la corruption d'agents publics étrangers. Dans le cas des infractions prévues dans les lois fédérales autres que le Code criminel, c'est normalement le gouvernement fédéral qui intente les poursuites. La procédure de confiscation serait donc appliquée par le gouvernement qui intente les poursuites.

La Convention des Nations Unies contre la corruption est un instrument complet. Mise à part l'incrimination des actes de corruption, qui constitue l'objet du projet de loi C-48, la convention impose aux États parties de prendre des mesures préventives contre la corruption, de s'entraider dans l'enquête et la poursuite des infractions stipulées par la convention et, si possible, d'offrir des ressources et de l'expertise à d'autres États parties qui ont besoin d'une telle aide pour la formation et le renforcement des capacités. Nous sommes déjà en mesure de remplir ces obligations.

Le Canada a signé la convention il y a trois ans, en mai 2004. Jusqu'à maintenant, 140 pays l'ont signée et 92 d'entre eux l'ont déjà ratifiée.

[Français]

Le gouvernement a l'intention de ratifier la convention. Mon collègue, le ministre des Affaires étrangères, prendra les mesures nécessaires à cet effet aussitôt que le projet de loi C-48 sera devenu loi.

[Traduction]

Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous et je vous souhaite le meilleur des succès dans vos délibérations sur ce projet de loi particulier.

Le sénateur Stollery : Merci, monsieur le ministre. Si j'ai bien compris, le Canada a signé la convention en mai 2004, mais ne l'a pas encore ratifiée. Quelles sont les conséquences si nous modifions le Code criminel en fonction d'une convention qui n'a pas encore été ratifiée? Je suis sûr qu'il existe une très bonne explication, mais j'aimerais l'entendre.

M. Nicholson : Je crois qu'il y en a, sénateur. La signature d'une convention indique l'intention du Canada de rendre ses lois conformes à la convention. Selon notre règle générale, nous ne ratifions pas une convention tant que nous n'avons pas rendu nos lois conformes à celle-ci.

Ce projet de loi apporte quelques modifications assez mineures aux articles du Code criminel liés à la corruption. Il codifie une certaine jurisprudence existante dans le domaine et apporte quelques modifications mineures. Avec l'approbation de cette chambre, et avec la sanction royale donnée au projet de loi C-48, nous serons en mesure de ratifier la convention, ce qui signalerait notre conformité.

Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, nous sommes fondamentalement déjà en conformité avec la convention — du moins, avec la jurisprudence qui existe — mais nous peaufinons le tout avec ces modifications plutôt techniques. Par la suite, avec l'approbation du Parlement, nous serons en mesure de ratifier la convention, à l'instar de nombreux autres pays.

Le sénateur Stollery : Je comprends maintenant.

Comme vous le savez peut-être, le comité a récemment effectué une étude importante sur l'Afrique. Parmi les problèmes que nous avions examinés, il y avait le vol d'actifs. Demain, je crois, nous aurons M. Raymond Baker de Washington, auteur d'un livre bien connu et bien accueilli, Capitalism's Achilles Heel. Il nous parlera du rôle de l'industrie bancaire internationale dans l'acceptation de dépôts d'argent volé.

Le comité sait qu'il y a des réclamations fondées concernant le vol de plusieurs milliards de dollars dans certains des pays que nous avons examinés en Afrique, particulièrement en ce qui a trait aux recettes pétrolières et aux recettes provenant des ressources naturelles. C'est l'une des grandes questions dont nous avons discuté et c'est l'une des raisons pourquoi nous sommes heureux que vous puissiez comparaître devant le comité, car nous connaissons assez bien ce contexte.

La Convention des Nations Unies contre la corruption a-t-elle du mordant pour faire face au secteur bancaire international? Lorsqu'un dirigeant africain — et je ne vise pas particulièrement ce continent, mais c'est sur l'Afrique que portait notre étude récente — dérobe 100 millions de dollars, il ne dépose pas cet argent dans une banque africaine; il le dépose plutôt dans une banque établie en Europe, en Amérique du Nord ou ailleurs. La Convention des Nations Unies peut-elle contribuer à mettre un terme au pillage des actifs nationaux?

M. Nicholson : C'est une très bonne question. Vous avez certainement mis en évidence un sérieux problème qui touche non seulement l'Afrique, mais de nombreuses régions du monde. Cette convention marque un pas dans la bonne direction pour veiller à ce que les pays s'engagent dans la coopération internationale et le partage des ressources et des renseignements nécessaires. De toute évidence, ce sont les premiers pas pour essayer d'éliminer, on l'espère, la corruption qui sévit parfois dans certains pays. L'adhésion à la convention témoigne de la volonté du Canada de travailler avec ces autres pays pour résoudre ce problème.

M. Morrill du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international est un spécialiste de cette convention particulière, et je l'invite à nous faire part de ses observations.

Keith Morrill, directeur, Direction du droit criminel, de la sécurité et des traités, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Merci, monsieur le ministre. J'étais le négociateur en chef du Canada pour cette convention.

En réponse à votre question, un des principaux sujets de discussion durant la négociation de cette convention a été ce que nous en sommes venus à appeler le « recouvrement d'avoirs », qui définit les mesures à prendre pour la restitution d'avoirs volés souvent dans les pays en développement. L'article 51 de la convention résume très bien ce concept :

La restitution d'avoirs en application du présent chapitre est un principe fondamental de la présente Convention, et les États parties s'accordent mutuellement la coopération et l'assistance la plus étendue à cet égard.

La convention comprend un article entier sur les mesures que peuvent prendre les États parties pour restituer les avoirs volés aux pays d'origine. Je dois admettre qu'il s'agit d'un domaine compliqué. Un pays ne peut pas tout simplement recevoir un message d'un autre pays lui disant : « Il y a beaucoup d'argent qui nous appartient dans un compte bancaire; veuillez nous le rendre. » Il a fallu beaucoup de négociations sur les types de coopération qui pouvaient être mis en place pour assurer l'obtention de preuves pertinentes, l'établissement des critères à suivre et les conditions dans lesquelles les États pouvaient agir.

Le recouvrement d'avoirs est une des questions fondamentales de cette convention. Cette question était également fondamentale pour nos collègues africains lorsque nous avons négocié la convention. La convention n'a peut-être pas été à la hauteur des attentes de nos collègues africains, puisqu'ils voulaient essentiellement obtenir de l'argent lorsqu'ils en faisaient la demande. Nous devions demander un peu plus que cela, mais la convention marque un pas décisif vers le recouvrement d'avoirs.

Le sénateur Stollery : Toutefois, la question ne concerne pas uniquement le recouvrement d'avoirs, mais aussi l'activité du système bancaire qui consiste à accepter les dépôts ou à cesser de les accepter, car il va de soi que l'incapacité de déposer l'argent freinerait le pillage des avoirs.

M. Morrill : La convention s'occupe également des aspects liés à la prévention. Par exemple, l'article portant sur la prévention du blanchiment d'argent — puisque voler de l'argent et le déposer dans un compte étranger constitue du blanchiment d'argent — oblige les banques et les autres institutions financières à prendre des mesures afin de s'assurer qu'elles connaissent leur client et qu'elles savent d'où proviennent les fonds.

Le président : Tous les pays signataires de cette convention signent-ils le même document et, le cas échéant, ces pays exercent-ils un pouvoir ou une autorité pour lancer une enquête sur cette même question?

M. Nicholson : Les pays n'adhèrent pas tous à l'ensemble des dispositions exactes de la Convention des Nations Unies. Le Canada, non plus, n'adhère pas à toutes les dispositions.

Par exemple, la convention contient une infraction appelée « enrichissement illicite ». En vertu de cette infraction, une personne qui vit au-dessus de ses moyens ou qui semble avoir une richesse supérieure à ce que prévoit son rôle au sein du gouvernement ou à titre d'agent public pourrait être tenue d'expliquer comment elle en est arrivée à posséder cette richesse.

Certains pays, dont le Canada, ont des réticences face à cet article parce qu'il enfreint la présomption d'innocence. M. Morrill pourra entrer dans les détails, mais d'après ce que j'ai cru comprendre, il y avait certaines discussions à l'ONU concernant le fait qu'une telle disposition est inacceptable aux yeux de nombreux pays. Par conséquent, cette disposition particulière est facultative. Bien sûr, cette disposition n'est pas incluse dans le projet de loi que vous avez devant vous, pour les raisons que je viens d'énoncer.

M. Morrill : Il y a quelques dispositions, surtout dans les structures d'incrimination et de prévention, où l'obligation que l'on contracte, c'est de prendre en considération; l'enrichissement illicite en est un exemple. D'autres dispositions de prévention conviendront à certains États, mais pas à d'autres, selon leur niveau de développement et la nature de leurs problèmes. Certains États ont d'énormes problèmes avec leurs policiers, mais pas avec leur magistrature. D'autres États, par contre, ont des problèmes avec leur magistrature, mais pas avec leurs policiers. De nombreuses structures liées à la prévention sont de nature consultative. Toutefois, tous les pays signataires du traité contractent certaines obligations de base liées à la prévention, à l'incrimination et à la coopération. Je crois que c'est l'une des principales questions soulevées par le sénateur.

Certains pays adhèrent à des dispositions qui ne sont pas obligatoires dans la convention, mais que les pays ont entrepris de prendre en considération. Le Canada prendra certaines choses en considération, mais il y a certaines choses qu'il rejettera. Nos collègues de l'Amérique latine, par exemple, affectionnent le concept de l'enrichissement illicite et ils ont voulu s'assurer que celui-ci figurait dans le traité. Aux termes des négociations, cette disposition figure dans le traité, mais elle n'est pas obligatoire. Certains pays, dont plusieurs pays africains, trouvent cette idée très attrayante et ils adhèrent à cette disposition.

Le président : Merci de votre explication.

Le sénateur Andreychuk : Je crois que c'est la première fois que nous avons essayé d'intégrer la question de la corruption à l'échelle internationale et, bien sûr, si je me souviens bien, on a eu droit à beaucoup de discussions sur la définition même de la corruption. Dans certains États, les commissions constituent de la corruption et la corruption ne se limite qu'aux honoraires d'intermédiation. Il y a eu beaucoup de discussions sur les différents systèmes juridiques, les différentes perceptions de la corruption et les différents niveaux de développement de tous les pays. Il s'agit de la première tentative visant à mettre tous les éléments ensemble.

D'après ce que je comprends, une fois que nous aurons signé la convention, il nous incombera de l'appliquer dans toute la mesure du possible. Le projet de loi C-48 est là pour essayer de rationaliser certains des principaux concepts d'une manière plus facile qu'avant. Nous avons eu, d'une part, une certaine corruption concernant les agents publics étrangers et les questions étrangères et, d'autre part, le Code criminel. Le projet de loi s'est avéré un bon outil pour le Canada pour revoir ses diverses lois et créer une certaine ressemblance. C'est l'un des avantages pour le Canada. Ai-je raison?

M. Nicholson : Je crois que vous avez raison, sénateur. Comme vous l'avez indiqué, c'est la première tentative exhaustive de rallier autant de pays dans un traité pour lutter contre la corruption.

Au niveau fédéral, ce projet de loi nous a donné l'occasion de clarifier et de simplifier le langage utilisé dans notre Code criminel. Lorsque le Code criminel du Canada a été adopté en 1892, il contenait de nombreuses dispositions qui existaient depuis des décennies. Par conséquent, le langage est désuet, même selon les normes canadiennes, sans parler de la comparaison des notes et de l'harmonisation avec d'autres systèmes judiciaires. Il s'agit d'une occasion de clarifier la loi, de simplifier les choses et de signifier notre intention de coopérer avec d'autres pays. Vous avez très bien indiqué les défis auxquels nous faisons face. On compte quelques grands systèmes juridiques dans le monde qui ont leur propre terminologie et leur propre façon de voir certaines de ces questions. Je crois franchement qu'il s'agit d'un document remarquable et je me dois de croire que c'est un pas en avant.

Même à notre niveau, la corruption d'agents publics concernait les fonctionnaires nommés. Pourquoi cette infraction ne devrait-elle s'appliquer qu'aux sénateurs? Ne devrait-elle pas s'appliquer aux fonctionnaires élus? D'après la jurisprudence, tel devrait être le cas. Selon moi, il est grand temps de reformuler une partie de ce libellé dans notre Code criminel. Je suis heureux que nous le fassions et je n'ai aucun doute qu'il s'agit d'un bon pas en avant.

M. Morrill : Le projet de loi touche principalement les sujets liés aux dispositions d'incrimination parce que nous avons déjà des lois modernes sur d'autres sujets importants, comme les dispositions de coopération et les dispositions d'entraide juridique. Nous avons négocié cela soigneusement afin de veiller à ce que les dispositions relatives à ces questions correspondent à la législation moderne du Canada.

Le sénateur Andreychuk : D'après ce que je comprends, l'enrichissement illicite est considéré presque comme un renversement du fardeau de la preuve. Si l'on découvre que vous avez plus d'argent que ce qu'indique votre chèque de paye, vous êtes d'emblée obligé de prouver que vous n'avez pas obtenu cet argent à partir d'une activité illicite. Cela touche également les questions liées à la protection de la vie privée. Il se peut que vous héritiez d'une somme d'argent ou que vous exploitiez parallèlement une entreprise légitime qui est conforme à votre emploi et qui n'entre pas du tout en conflit avec celui-ci. Cela pourrait être de l'argent qui provient d'une entreprise familiale, et cetera. D'autres pays n'ont pas encore entièrement réglé les questions liées à la protection de la vie privée.

M. Nicholson : C'est un très bon point, sénateur. Une des hypothèses de base de notre Code criminel est que vous êtes innocent jusqu'à preuve du contraire. Vous avez bien raison de dire qu'une disposition concernant l'enrichissement illicite créerait un renversement du fardeau de la preuve pour une personne qui est obligée d'expliquer sa richesse. Vous avez donné plusieurs exemples de situations où une personne peut recevoir de l'argent, des possessions ou une richesse pour des raisons légitimes. C'est un empiètement sur le droit à la vie privée de cette personne que de l'obliger à expliquer comment elle a obtenu ces biens. Encore une fois, ce n'est pas conforme à la présomption d'innocence qui fait partie de notre Code criminel.

Il s'agit d'un élément important et, très franchement, le fait que cette disposition ne soit pas obligatoire dans la convention est l'une des raisons pour lesquelles elle sera une réussite. Comme l'a dit M. Morrill, nous ne sommes pas tenus de signer cette disposition. Bien qu'elle soit populaire dans certains milieux, pour les raisons que j'ai indiquées et pour la raison que vous avez ajoutée, cela ne fonctionne pas dans notre pays.

Le sénateur Andreychuk : Il existe de nombreuses questions, comme les services bancaires à l'étranger et les règles de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Il s'agit donc d'une tentative de brosser un tableau général.

Nous avons entendu les fonctionnaires de Justice Canada. Nous avons parlé des fonctionnaires municipaux et de la mise à jour des articles précis du Code criminel pour inclure les fonctionnaires municipaux. Dans mes recherches, je n'ai pas réussi à trouver la raison pour laquelle nous faisions cela. Est-ce parce que nous ne mettons jamais les fonctionnaires municipaux au même niveau que les fonctionnaires provinciaux et fédéraux?

M. Nicholson : La corruption d'un fonctionnaire municipal est prévue dans le Code criminel depuis 1892, mais comme nous modernisons et étendons nos définitions d'« agent public », nous avons voulu préciser que nous entendions les agents publics à tous les paliers de gouvernement. Il s'agit d'étendre et de clarifier un article qui existe depuis 115 ans.

Le sénateur Andreychuk : Le projet de loi semble choisir directement et indirectement les articles qui contiennent une référence municipale pour les rendre conformes aux définitions actuelles qui prévalent pour les autres fonctionnaires.

M. Nicholson : En réalité, sénateur, il assure une conformité avec la jurisprudence. Nous avons un grand nombre de décisions judiciaires qui ont étendu la définition d'« agent public », et cela nous donne l'occasion de clarifier et de moderniser le Code criminel. C'est toujours un défi auquel nous devons faire face, comme vous le savez, lorsque nous travaillons à un tel document. Encore une fois, certaines de ces dispositions étaient désuètes en 1892 lorsqu'elles sont entrées dans le document. Cela nous donne une occasion de faire avancer le code pour qu'il soit en harmonie avec la jurisprudence actuelle.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Selon la nouvelle définition d'un fonctionnaire nommé ou élu pour remplir une fonction publique, vous ne considérez pas que cela englobe les fonctionnaires municipaux?

[Traduction]

M. Nicholson : Il les inclut, sénateur Robichaud, et la Convention des Nations Unies contre la corruption rend cette inclusion plus claire. J'ai indiqué au sénateur Andreychuk qu'au moins une disposition, celle concernant la corruption de fonctionnaires municipaux, figure dans le Code criminel depuis 1892. Oui, c'est inclus dans notre définition d'« agent public ». Cela pourrait être un député provincial ou un sénateur. Encore une fois, j'ai indiqué que le libellé était si désuet que le Code criminel parlait des agents publics nommés; nous avons de nombreux agents publics qui ne sont pas nommés et le projet de loi les inclut à tous les niveaux.

Le sénateur Robichaud : L'article 2 du projet de loi définit un « fonctionnaire » comme une personne qui a) détient une charge ou un emploi ou b) est nommé ou élu pour remplir une fonction publique. Le sénateur Murray a fait remarquer au Sénat que, selon lui, les fonctionnaires municipaux seraient compris dans cette définition.

M. Nicholson : Nous estimons qu'un fonctionnaire municipal est compris dans la définition de « fonctionnaire » comme une personne qui est nommée pour remplir une fonction publique. Les fonctionnaires municipaux sont compris dans cette définition.

Le sénateur Robichaud : C'est mentionné une fois de plus dans l'article 6.

M. Nicholson : Le Code criminel crée, d'une part, des infractions générales de corruption et d'abus de confiance, qui s'appliquent à tous les fonctionnaires, et d'autre part, des infractions particulières de corruption pour certaines catégories de fonctionnaires. Cela permet à la défense de s'adapter aux tâches particulières de ces catégories de fonctionnaires et de prévoir différentes pénalités. Cela s'applique à tous les fonctionnaires fédéraux, provinciaux et municipaux.

Le sénateur Corbin : J'ai cru comprendre que la Chambre des communes a adopté ce projet de loi à toutes les étapes sans débat. Est-ce exact?

M. Nicholson : C'est exact, sénateur.

Le sénateur Corbin : Pourquoi?

M. Nicholson : J'imagine que nous avons été chanceux. Selon le sentiment général au sein du gouvernement, nous ne voulons pas faire traîner ces choses trop longtemps. À l'occasion, nous avons des projets de loi où il existe un consensus sur la nécessité qu'ils soient étudiés par chacun des partis politiques. Évidemment, le gouvernement qui propose le projet de loi connaît bien les dispositions. Cette question ne date pas d'hier et cette convention particulière a été signée par le gouvernement précédent; par conséquent, celui-ci connaissait bien son contenu. Comme c'est le cas parfois, lorsque nous présentons des mesures législatives proposées, il se dégage un consensus général ou, dans le cas présent, une unanimité; le projet de loi a donc été adopté.

Le sénateur Corbin : Croyez-vous que l'intérêt public est bien servi lorsque vous procédez ainsi? Il me semble que, du point de vue procédural, nous avons des lectures de projets de loi afin de fournir un accès à des observations publiques. Ces observations ont été refusées dans ce cas. Pouvez-vous me donner une explication satisfaisante? Selon moi, vous n'avez pas rempli votre devoir législatif à cet égard.

M. Nicholson : Sénateur, c'est certainement ce que nous essayons de faire. Cette convention fait partie du domaine public depuis que le gouvernement précédent l'a signée en 2004. Encore une fois, parfois les gouvernements et les parlementaires veulent accélérer le processus. Je me souviens, dans le Parlement précédent, de la question de la Charte des anciens combattants. Les avantages dont allaient profiter les anciens combattants étaient sensés aux yeux de tous les députés de la Chambre des communes, mais nous étions bousculés par l'approche de l'ajournement de la Chambre. Lorsqu'on a voulu connaître mon avis à cet égard, en tant que whip en chef de l'opposition, j'ai indiqué que ce genre de chose justifiait l'accélération du processus. Cela dit, nous n'avons pas demandé à cette chambre d'adopter le projet de loi à toutes les étapes. De toute évidence, les sénateurs ont le droit d'examiner le projet de loi. Il a été étudié très attentivement par le gouvernement et la rétroaction que nous avons reçue a été bonne.

Lors du débat au Sénat, le sénateur Murray a demandé s'il y avait eu des consultations. Avait-on consulté les provinces? Dans mon exposé, j'ai souligné qu'il y avait eu des consultations et que ce projet de loi avait reçu un appui général. Ce projet de loi fait partie du domaine public depuis trois ans; ainsi, quiconque raisonnablement intéressé par le sujet aurait eu l'occasion d'en savoir plus. À vrai dire, grâce à la séance d'aujourd'hui, le public a l'occasion d'en connaître davantage.

Le sénateur Corbin : L'article 65 de la convention, chapitre 8, intitulé Dispositions finales : Application de la Convention, comprend ce qui suit, et je cite : « Chaque État partie prend les mesures nécessaires, y compris législatives et administratives, conformément aux principes fondamentaux de son droit interne. »

Je ne suis pas un avocat. Je ne comprends pas toujours les avocats. Que signifie l'expression « conformément aux principes fondamentaux de son droit interne »? Comment dois-je l'interpréter en tant que citoyen ordinaire? Qu'est-ce que cela signifie?

M. Nicholson : Dans notre cas, c'est-à-dire dans une démocratie parlementaire, le projet de loi est présenté à la Chambre des communes et adopté par celle-ci, puis il est adopté par le Sénat pour ensuite recevoir la sanction royale. Nous faisons partie du plus ancien processus législatif au monde. Après l'application de ce processus législatif particulier, nous serions pleinement conformes.

On ne veut pas qu'un pays quelconque impose la convention par la dictature ou qu'il lui donne force de loi sans suivre l'application régulière de la loi. Dans notre système parlementaire, sénateur, vous n'êtes peut-être pas un avocat, mais vous connaissez notre processus législatif. Il nous incombe de nous assurer que ce projet de loi passe par le processus législatif et, en effet, l'article en question oblige les signataires de la convention à veiller à ce que leurs lois soient rendues conformes aux dispositions.

Les modifications que nous apportons sont des dispositions assez minimes, mais c'est ce que nous avons fait. Nous sommes conformes à cette disposition particulière.

Le sénateur Corbin : Je suis perplexe face au commentaire qui est joint à chaque article et qui signale que le projet de loi n'a aucun effet juridique. Si tel est le cas, pourquoi donc appliquer tout ce processus? Je fais allusion au commentaire qui suit le texte du projet de loi. Il y a neuf ou dix pareils commentaires. Tous, sauf un, disent que le libellé de l'infraction a été modifié afin de le moderniser et de le rendre neutre du point de vue du genre et que la modification du libellé n'a aucun effet juridique. Pourquoi faisons-nous cela? S'agit-il d'un des mystères de la profession juridique?

M. Nicholson : C'est peut-être le cas, sénateur. Quand nous avons l'occasion de mettre à jour le langage et de le rendre neutre du point de vue du genre, nous le faisons. Nous n'essayons pas d'apporter une modification de fond à la loi. Une modification de fond à la loi pourrait avoir comme effet de remettre en question la jurisprudence relativement à l'article sur la corruption.

Quand nous rendons le libellé neutre du point de vue du genre ou quand nous le mettons à jour pour qu'il soit conforme à l'anglais et au français du XXIe siècle, nous n'essayons pas d'apporter une modification de fond. Il s'agit d'un effort administratif, et c'est une chose que nous faisons à l'occasion. Parfois, nous les rassemblons dans un projet de loi qui était auparavant appelé projet de loi omnibus, avant que ce nom prenne une connotation négative.

Le sénateur Downe : Pas pour tout le monde.

M. Nicholson : Peut-être pas pour tout le monde et peut-être qu'il renaîtra, mais pour l'instant, ce n'est pas le cas. C'est ce que nous essayons de faire avec ce projet de loi.

Le sénateur Corbin : Le sommaire à la page 2 du projet de loi, après la page couverture, se lit comme suit : « Le texte apporte des modifications de nature technique aux dispositions du Code criminel touchant les infractions de corruption [...] » C'est la première fois que je rencontre l'expression « modifications de nature technique » dans mes lectures de plusieurs centaines de projets de loi. Habituellement, le sommaire explique brièvement ce que les modifications tentent de faire.

Encore une fois, cette formulation me laisse perplexe. S'agit-il d'une bonne rédaction? J'ai déjà vu des projets de loi qui, dans la langue courante, semblent proposer des modifications techniques, mais nous n'avons jamais officiellement utilisé cette tournure dans le texte. Elle est utilisée ici pour la première fois dans mes nombreuses années de service sur la colline. Pourquoi l'utilise-t-on dans ce cas?

M. Nicholson : C'est une expression juste, sénateur. En grande partie, le projet de loi ne fait que mettre en vigueur ce qui a déjà été confirmé par les tribunaux ou ce que nous appelons la jurisprudence. Certaines des définitions ont été étendues. L'exemple qui vient en tête, c'est qui est un agent public et qui ne l'est pas. Étant donné que nous modifions légèrement la définition et que nous mettons à jour la loi, nous considérons généralement cela comme une modification de nature technique. Nous rendons la loi conforme à la Convention des Nations Unies. Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, le Canada compte d'importantes lois contre la corruption; par conséquent, des modifications très minimes ont été apportées. La plupart d'entre elles confirment ce que les tribunaux ont déjà dit. Voilà pourquoi nous les considérons comme des modifications de nature technique.

Le sénateur Downe : Monsieur le ministre, vous avez mentionné que les provinces avaient été tenues au courant et pleinement informées. Y a-t-il eu des provinces qui se sont opposées au projet de loi?

M. Nicholson : À ma connaissance, sénateur, aucune province ne s'y est opposée.

Le sénateur Downe : C'était ma seule question, monsieur le président. Mes observations font suite à la préoccupation du sénateur Corbin, à savoir l'examen dont a fait l'objet ce projet de loi. J'ignore comment le projet de loi a fini par se retrouver devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Peut-être parce qu'il fait allusion aux Nations Unies. Ce projet de loi conviendrait davantage au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Notre comité compte le sénateur Andreychuk qui est non seulement avocate, mais aussi ancienne juge. Mais à part son expertise, notre comité n'est peut-être pas le meilleur endroit pour examiner ce projet de loi. Nous pourrions discuter de cette question plus tard.

Le sénateur Dawson : J'ai assisté à une réunion où quelqu'un a demandé que le projet de loi soit renvoyé ici parce que nous avions étudié la question de la corruption dans les gouvernements étrangers.

Le sénateur Stollery : Nous sommes responsables des conventions et ce projet de loi vise à nous rendre conformes à une convention internationale.

Le sénateur Dawson : Si le sénateur Stollery veut admettre que c'était lui qui a proposé le renvoi, alors je suis d'accord avec cela.

[Français]

Je ne veux pas verser dans l'analyse article par article, mais j'aimerais obtenir une clarification concernant le texte en français à l'article 119 où figure une modification. Nous pouvons voir dans le nouveau texte l'expression «pendant qu'il occupe», alors que le texte précédent utilisait la terminologie «occupant une charge judiciaire». Pouvez-vous m'indiquer le but de cette clarification qui n'a pas d'équivalent en anglais?

[Traduction]

Nous examinons le paragraphe 119, qui se trouve à l'article 3 du projet de loi. Le texte initial anglais est plus ancien. Le français disait « pendant qu'il occupe » et maintenant, c'est « occupant une charge judiciaire ». Je me demande pourquoi nous avons changé le texte français pour dire « pendant qu'il occupe » au lieu de dire « occupant un poste »? C'est peut-être pour une raison technique. J'aimerais comprendre la raison.

M. Nicholson : À ma connaissance, le libellé de ce paragraphe existe depuis 1892. Les rédacteurs ont voulu l'adapter à la langue moderne. Encore une fois, le ministère de la Justice a des employés qui peuvent rédiger cette loi — qui, à mon avis, n'a pas d'égal — dans les deux langues officielles. D'après ce que j'ai cru comprendre, cela sert à clarifier et à mettre à jour la loi.

Le sénateur Dawson : Je suis sûr que le gouvernement précédent a contribué à doter le ministère de la Justice de si bons employés.

M. Nicholson : Je crois que l'un des atouts de ce pays, c'est le fait que nous sommes des pionniers dans ce domaine. Les énormes progrès que nous avons réalisés dans ce domaine remontent à de nombreuses années.

Dans les années 1990, j'ai occupé la fonction de secrétaire parlementaire pendant quatre ans et, auparavant, j'étais membre du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. Le degré d'attention et le temps que consacraient les fonctionnaires du ministère de la Justice étaient impressionnants. Après toutes ces années à titre de parlementaire et d'avocat, je continue d'être impressionné par le degré de raffinement et de précision qu'ils mettent dans leur travail.

Le sénateur Dawson : J'ai eu l'occasion de travailler avec certains de mes collègues de l'autre endroit pendant un certain temps. Nous étions toujours en mesure de reconnaître alors — et je crois que nous devrions en faire autant aujourd'hui — que le Sénat participe à ce projet de loi en offrant un second examen objectif. Après les quelque 140 années d'existence de cette Constitution, la plupart des pays dans le monde reconnaîtraient que la Constitution canadienne a bien servi les Canadiens relativement au type de lois que nous présentons — peu importe si nous sommes nommés, élus ou choisis par les provinces.

J'ai été surpris par vos observations sur le processus de nominations. Je reconnais le sénateur Andreychuk et surtout notre président comme d'excellentes nominations de sénateurs par le gouvernement précédent et je suis sûr que la qualité des nominations futures restera à la hauteur.

Je suis désolé de mon retard, monsieur le ministre; j'étais dans un autre comité en train d'adopter le projet de loi C-288 et nous avons été retardés.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Tous les pays qui reçoivent de l'aide ou qui prennent part à des projets conjoints avec le Canada font-ils partie de la convention? Même avec la convention et le projet de loi C-48, y aurait-il encore des amendements à proposer ou doit-on refuser de faire affaires avec ces gens?

M. Morrill : Je dois vous dire que 90 pays font déjà partie de cette convention. Parmi eux figurent beaucoup de pays en voie de développement; et 50 pays ont signé la convention bien qu'ils ne font pas encore partie de la convention, dont le Canada. Si on considère toutefois que c'est une convention négociée depuis seulement quatre ans, c'est un succès fulgurant dans le monde multilatéral.

La plupart des pays en voie de développement en font déjà partie. Je crois que la plupart des pays qui ont signé mais non pas ratifié la convention, comme le Canada, en feront partie dans les meilleurs délais. Peut-être qu'après une décennie depuis l'application de la convention, nous pourrions trouver des pays qui refuseraient de la ratifier, mais il semble pour le moment qu'il y ait beaucoup d'enthousiasme parmi les pays en voie de développement, et dans le monde développé, pour la ratification de la convention.

Le sénateur Robichaud : Je ne doute pas qu'il y ait beaucoup d'enthousiasme pour les pays qui souhaitent adhérer à la convention et apporter les changements à leurs lois afin de la respecter. Les gens après qui l'on doit courir sont généralement plutôt ceux qui refusent ou qui retardent leur adhésion.

Il s'agit définitivement d'un pas dans la bonne direction et on ne peut jamais tout faire d'un seul coup. Je me demandais simplement, lors des négociations avec les pays qui n'ont pas encore ratifié la convention, s'ils sont invités à le faire dans les plus brefs délais afin de procéder à la mise en œuvre de la loi.

M. Morrill : Comme le Canada n'a pas encore ratifié le traité, nous ne sommes pas dans la meilleure position pour demander quoi que ce soit aux autres pays; c'est d'ailleurs une des raisons pour lesquelles c'est très important pour le Canada de ratifier la convention. Nous serons alors dans une meilleure position pour encourager les autres pays.

Le sénateur Robichaud : C'est là où je voulais en venir.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk : Je voulais continuer dans la même veine que le sénateur Corbin. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a examiné la rédaction de manière détaillée. Peu importe si le terme « technique » est juste ou non, quand on examine ce projet de loi, je crois que les rédacteurs essaient d'assurer la conformité de nos lois; la convention n'est pas une modification de fond comparativement à l'orientation de nos propres lois.

Je crois que le segment de phrase selon lequel la modification du libellé n'a aucun effet juridique signifie que la forme masculine dans le libellé englobe aussi les femmes. Toutefois, nous avons la Loi sur la preuve au Canada qui est neutre du point de vue du genre, où le masculin désigne aussi bien les hommes que les femmes.

Les services de rédaction de Justice Canada tentent d'utiliser un libellé neutre du point de vue du genre dans toutes les lois. Évidemment, les rédacteurs n'ont pas relevé tous les cas dans toutes les lois. C'était l'une des failles. À mesure que nous changeons les lois, les services de rédaction les adaptent aux normes modernes.

Il y a aussi le français et l'anglais. Cette question suscite de grands débats au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Le libellé est différent parce que maintenant — et c'est l'un des domaines où le Canada excelle — nous donnons des instructions de rédaction aux services de rédaction. Ce groupe rédige en anglais et en français. Il y a ensuite l'obligation de s'assurer que l'intention et la conclusion sont les mêmes dans les deux langues. Vous ne verrez pas de traduction littérale, comme c'était le cas par le passé. Encore une fois, c'est là que vous trouvez des différences dans les différents domaines. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles est bien conscient de cela.

J'aimerais revenir à la question du sénateur Robichaud sur la raison pour laquelle ce projet de loi est présenté à ce comité. Il ne s'agit pas d'une modification de fond à notre loi. Nous faisons en sorte que nos lois soient conformes à une convention internationale, mais nous ne changeons pas de façon substantielle nos lois nationales; nous ne changeons pas notre Code criminel, ni les principes qui le sous-tendent ou notre façon de voir le droit criminel.

Si nous intégrons cette convention dans nos lois et que nous la ratifions, nous pourrons alors l'utiliser comme un outil de politique étrangère. Nous regardons souvent le bilan des droits de la personne; nous regardons les questions de transparence et de gouvernance. Dorénavant, nous disposerons d'un outil supplémentaire lorsque nous irons rencontrer ces gouvernements, à qui nous offrirons peut-être de l'aide au développement ou de l'aide d'urgence, pour déterminer où ils se situent à cet égard. Respectent-ils cette convention, même s'ils ne l'ont pas signée ou ratifiée? Nous pourrions les encourager à le faire. Nous pourrions peut-être même leur dire que nous leur offrirons de l'aide pour se conformer à leurs lois et politiques — nous pourrions leur offrir une aide technique, par exemple —, mais nous pourrions aussi leur rappeler l'existence de la convention et leur dire que nous nous attendons à un certain respect de celle-ci.

La convention est aussi un outil que peuvent utiliser les gens dans leurs propres pays lorsqu'ils constatent des pratiques répréhensibles au sein de leur gouvernement. Elle peut être un outil éducatif, un atout pour les habitants d'un pays et un outil de politique étrangère. Par conséquent, je crois que l'étude du projet de loi revient, en toute légitimité, à ce comité pour que nous puissions examiner le point général qu'a fait valoir le sénateur Stollery à propos des conventions, c'est-à-dire la question des relations avec d'autres États. Il s'agit d'un outil de politique étrangère, en plus d'une convention.

Vous voulez peut-être savoir quelle est ma question, mais je ne veux pas poser au ministre la question : « N'êtes-vous pas d'accord? »

M. Nicholson : Je suis toujours d'accord avec les paroles d'un juge. Je crois que vous avez bien résumé la question, sénateur. C'est un pas dans la bonne direction; il n'y a aucun doute là-dessus. Je vous souhaite le meilleur des succès dans vos délibérations et j'attends avec impatience l'adoption de ce projet de loi.

Le sénateur Downe : J'aimerais ajouter un commentaire aux propos du sénateur Andreychuk; je crois qu'elle a bien fait valoir son point. Toutefois, comme l'a indiqué le sénateur Corbin, le revers de la médaille, c'est que ce projet de loi a traversé en coup de vent la Chambre des communes. Le gouvernement déclare qu'il s'agit de modifications techniques minimes. Nous devrions peut-être en faire un examen. Il y a peut-être des points de vue contraires même si toutes les provinces semblent être de la partie.

Prenons la liste des pays qui ont ratifié cette convention. Nous nous sommes penchés sur certains d'entre eux dans notre rapport sur l'Afrique : le Congo et le Nigeria. Prenons ensuite la liste de certains pays qui ne l'ont pas encore ratifiée : le Canada, l'Allemagne, le Japon, la Nouvelle-Zélande et Singapour.

J'ignore à quel point il s'agit d'un outil, mais je crois qu'il incombe au Sénat, qui jouit d'une bonne réputation, d'examiner soigneusement le projet de loi proposé qui a peut-être traversé en coup de vent la Chambre des communes.

Ma préoccupation initiale quant à savoir pourquoi le projet de loi est ici et non devant le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles concerne les modifications au Code criminel et le fait que ce comité n'a pas l'expertise juridique nécessaire. Peut-être le projet de loi devrait-il être examiné par les deux comités pour obtenir le point de vue juridique. Vous avez fait allusion à la façon dont les rédacteurs recherchent une certaine formulation, chose que nous ne faisons pas normalement dans ce comité. C'est le point que j'ai fait valoir tout à l'heure.

Le président : Nous avons demandé que le projet de loi soit renvoyé à notre comité, car il traite des conventions internationales qui constituent la responsabilité directe de ce comité. S'il y a des reproches à faire, ils devraient être adressés à l'ancien président et au président actuel.

Le sénateur Downe : J'en prends note.

Le président : Monsieur le ministre, je tiens tout particulièrement à vous remercier de votre présence et de la patience dont vous avez fait preuve. À cause des caprices du Parlement qui viennent parfois changer nos plans, nous vous avons retenu un peu plus longtemps que ce qui était prévu. Nous vous sommes reconnaissants d'être venu ici pour nous fournir des éclaircissements sur ce projet de loi. Je suis sûr, comme vous l'avez dit, qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction pour résoudre un problème de taille qui sévit à beaucoup trop d'endroits dans le monde et, je souligne, comme je l'ai fait à maintes reprises, qu'il ne s'agit pas seulement du tiers monde.

La séance est levée.


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