Aller au contenu
 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 19 - Témoignages du 19 juin 2007


OTTAWA, le mardi 19 juin 2007

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, auquel a été référé le projet de loi C-293, loi concernant l'aide au développement officielle fournie à l'étranger, se réunit aujourd'hui à 18 h 5 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Peter A. Stollery (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Je vous souhaite à tous la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-293, loi concernant l'aide au développement officielle fournie à l'étranger. Ce projet de loi vise à faire de la réduction de la pauvreté l'objectif de l'aide au développement officiel du Canada, pour veiller à ce que cette aide s'inscrive dans le cadre des obligations internationales du Canada en matière de droits de la personne et tienne compte du point de vue de ceux qui vivent dans la pauvreté.

[Français]

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Maureen O'Neil, présidente du Centre de recherches pour le développement international ainsi que Annette Nicholson, avocate générale et secrétaire générale du Centre de recherches pour le développement international.

[Traduction]

Bienvenue au Sénat du Canada. Le CRDI est une société d'État canadienne qui collabore étroitement avec les chercheurs des pays en développement et les appuie dans leur quête de moyens de créer des sociétés en meilleure santé, plus équitables et plus prospères. Nous avons invité des représentants du CRDI à comparaître devant nous aujourd'hui pour entendre leur opinion au sujet de ce projet de loi et pour savoir pourquoi le Centre a cherché à être exclu du projet de loi lorsqu'il était étudié à la Chambre.

Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, dans le cadre d'une étude du projet de loi et du processus visant à l'adopter et, au bout du compte, à le mettre en application, le comité devrait, selon moi, entendre d'autres témoins pour s'assurer que tous les arguments s'équilibrent. Après avoir entendu tous les témoins, les honorables sénateurs seront mieux placés pour juger de la valeur du projet de loi. Ils seront en mesure de répondre à certaines des objections, modifications ou réflexions visant à changer la nature du projet de loi, ou des aspects de celui-ci, comme nous l'avons constaté grâce à notre analyse et aux témoignages entendus jusqu'à maintenant.

Pour ce faire, sans oublier que la session tire à sa fin, comme exemple, deux témoins ne sont pas disponibles demain, mais pourraient venir la semaine prochaine, mardi. Il s'agit de Nigel Fisher, dirigeant d'UNICEF Canada, et d'un représentant de Vision mondiale. Ils ont tous deux des opinions bien arrêtées sur l'argument présenté en faveur du projet de loi. Ils peuvent comparaître la semaine prochaine.

La question est de savoir s'il est suffisant de présenter les arguments liés à ce projet de loi. Je ne le crois pas. J'aimerais pouvoir présenter d'autres témoins devant le comité. J'imagine que nous poursuivrons l'étude du projet de loi lors de la reprise à l'automne, au lieu de vouloir aborder trop rapidement l'étude article par article.

Voilà ma suggestion.

Le vice-président : Permettez-moi de décrire ce qui se passe pour que les téléspectateurs comprennent ce dont nous parlons. Le sénateur Dallaire a proposé deux témoins; un d'UNICEF Canada et un autre. Nous devions les recevoir demain, mais ils n'étaient pas disponibles. Ils ont communiqué avec nous pour nous dire qu'ils sont disponibles la semaine prochaine.

Étant donné que le sénateur Dallaire parraine le projet de loi, je pense que le comité devrait tenir compte de son opinion. Si les membres du comité sont d'accord, c'est ce que je propose.

Le sénateur Segal : Premièrement, étant donné tout le travail accompli par nos collègues à l'autre endroit sur ce projet de loi et les opinions très fermes et positives de certaines ONG à ce sujet, peu importe les craintes que je peux ressentir, l'idée d'avoir des discussions avec tous les témoins qui peuvent nous aider à comprendre me semble être une proposition extrêmement équitable formulée par le parrain du projet de loi. Il est certain que j'appuie le projet de loi.

Si les honorables sénateurs membres du comité sont prêts à l'accepter, je serais tout à fait d'accord. Je crois que la question de l'aide internationale et de sa gestion transparente, touche tous les Canadiens et je ne veux pas que qui que ce soit puisse dire que lors de notre examen, nous n'avons pas donné aux témoins possédant l'expertise nécessaire pour renforcer notre réflexion, le temps nécessaire pour le faire. J'appuie la proposition de mon collègue, le parrain du projet de loi.

Le sénateur Corbin : Je remercie le sénateur Dallaire pour sa déclaration, sa compréhension et sa collaboration, mais il faut également garder en tête que le comité s'attendait à entendre certains témoins qui ne peuvent pas comparaître immédiatement. Ils seraient prêts à témoigner devant le comité à l'automne. Je pense surtout au professeur Verna de l'Université Laval, un expert dans le domaine de l'aide au développement. Pour des motifs liés à sa santé, le professeur Verna n'a pas été en mesure de comparaître devant le comité. Toutefois, il nous a fait savoir qu'il serait disponible à l'automne. Bien entendu, il se peut que le comité veuille entendre d'autres témoins également.

Le vice-président : Je ne vois aucune raison de ne pas retenir la suggestion du sénateur Dallaire. Comme nous le savons tous, le comité de direction consulte généralement les sénateurs pour décider des témoins à inviter. À l'heure actuelle, je représente le sénateur Di Nino. Je fais partie du comité de direction avec le sénateur Corbin, et je suis certain que le sénateur Di Nino serait d'accord. Voilà. C'est ce que nous ferons la semaine prochaine.

Maureen O'Neil, présidente, Centre de recherche pour le développement international : Je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner devant vous aujourd'hui au sujet du projet de loi C-293.

[Français]

Vous connaissez déjà, pour la plupart, le Centre de recherche pour le développement international.

[Traduction]

Je n'ai même pas à vous en donner un bref aperçu, parce que le président a eu l'obligeance de le faire. Le CRDI a été créé par une loi du Parlement en 1970. Selon la Loi sur le centre de recherche pour le développement international, notre mission a pour objet :

[...] de lancer, d'encourager, d'appuyer et de mener des recherches sur les problèmes des régions du monde en voie de développement et sur la mise en œuvre des connaissances scientifiques, techniques et autres en vue du progrès économique et social de ces régions.

Vous trouverez un exemplaire de la Loi sur le CRDI dans la documentation qui vous a été remise.

Le crédit parlementaire qui nous est accordé pour l'exercice 2007-2008 est de 145 millions de dollars, ce qui représente environ 85 p. 100 du budget total du Centre. Le reste de son financement provient de divers partenaires, dont l'ACDI, le Department for International Developement du Royaume-Uni et la Direction du développement et de la coopération de la Suisse, ainsi que d'autres bailleurs de fonds comme la Fondation Ford et la Société Microsoft.

[Français]

La CRDI possède six bureaux régionaux situés au Caire, à Nairobi, à Dakar, à Montevideo, à New Delhi et à Singapour. Grâce à eux, le CRDI peut tenir compte des perspectives régionales, suivre l'évolution de la situation et des besoins locaux, travailler avec les chercheurs, cultiver les partenariats de financement et diffuser les résultats de recherche dans les pays en développement avec les chercheurs.

Le Parlement a été clairvoyant lorsqu'il a voulu que presque la moitié des membres du Conseil des gouverneurs qui dirigent le CRDI soient des spécialistes venant de pays en développement. La moitié des membres plus un sont des Canadiens.

[Traduction]

J'en viens à notre principale préoccupation. Comme vous le savez, l'article 4 prévoit qu'il incombera au ministre « compétent » de décider si un projet contribue à la réduction de la pauvreté avant que l'aide au développement puisse être accordée. Le CRDI craignait que cela n'entre en conflit avec sa structure de gouvernance de même qu'avec son statut de société d'État dont la mission est prescrite par la loi. À titre de société d'État, le Centre fait rapport au Parlement par l'entremise du ministre des Affaires étrangères. Le président du Conseil des gouverneurs du Centre, Gordon Smith à l'heure actuelle, remet au ministre le rapport annuel et les états financiers vérifiés par la vérificatrice générale et approuvés par le Conseil afin qu'il les dépose au Parlement. Toutefois, comme le veut la Loi sur le CRDI, le Conseil des gouverneurs établit la ligne de conduite du Centre. Pour la période visée par la stratégie générale 2005- 2010, le conseil a approuvé le financement de la recherche dans quatre grands domaines : politique sociale et économique, technologies de l'information et de la communication; environnement et gestion des ressources naturelles ainsi qu'innovation, politique et science. Je le répète, c'est le Conseil des gouverneurs du CRDI qui est chargé d'établir les orientations et de surveiller la conduite des travaux du CRDI.

Par conséquent, le CRDI a été très heureux d'apprendre que le Comité des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes acceptait d'ajouter à l'article 4 un paragraphe stipulant que « la présente loi n'a pas pour effet de limiter le financement ou restreindre les activités du Centre de recherche pour le développement international ». Ainsi, l'adoption de cet amendement a permis de dissiper la plus grande inquiétude du Centre au sujet du projet de loi C-293.

[Français]

J'aimerais maintenant aborder l'élément fondamental du projet de loi. D'entrée de jeu, je tiens à préciser l'idée que la réduction de la pauvreté devrait être au centre de l'aide publique au développement du Canada et le fait de tenir compte des points de vue des populations pauvres ne posent aucun problème au CRDI.

Cependant, lorsque le Comité des affaires étrangères et du développement international de la Chambre des communes a débattu du projet de loi C-293, j'ai pris connaissance avec grand intérêt des divergences exprimées au sujet de ce que l'on entend par « réduction de la pauvreté ».

[Traduction]

Le lien avec la réduction de la pauvreté est direct et évident dans bon nombre des projets du CRDI. À Rosario, en Argentine, par exemple, le CRDI a financé un projet qui a aidé 10 000 familles à créer 790 jardins communautaires grâce auxquels 40 000 personnes peuvent se nourrir. Dans les environs d'Amman, en Jordanie, où l'eau fait cruellement défaut, un dispositif permettant de réutiliser les eaux usées domestiques, ou « eaux grises », pour arroser les potagers a aidé les familles à accroître leur revenu mensuel de 10 p. 100 en moyenne.

Cela fait plus de 10 ans que le CRDI appuie la mise au point et la mise à l'essai de systèmes communautaires de suivi de la pauvreté dans 14 pays d'Asie et d'Afrique. Il est certain que ces projets s'inscrivent aisément dans l'objectif de réduction de la pauvreté.

Mais il arrive que le lien ne semble pas direct. À titre d'exemple, en collaboration avec le Department for International Development du Royaume-Uni, le CRDI finance la recherche sur l'adaptation aux changements climatiques en Afrique. Au Vietnam, il a aidé toute une nouvelle génération d'économistes à se familiariser avec l'économie de marché. Il a contribué à l'élaboration de la politique scientifique et technologique de plusieurs pays, allant du Mexique au Mozambique. J'aimerais d'ailleurs souligner ici que l'un des partenaires du Centre, le ministre des Sciences et de la technologie du Mozambique, M. Venâncio Massingue, a témoigné devant vous en 2005 alors que vous amorciez votre étude sur l'Afrique.

[Français]

Le CRDI a appuyé des travaux sur l'innovation et la compétitivité au Chili, en Indonésie et en Inde et il a aidé des chercheurs d'Afrique du Sud pendant que leur pays passait de l'apartheid à la démocratie.

Ces projets contribuent à réduire la pauvreté à la longue et, parfois indirectement. Une partie de l'aide que le Canada destine à la réduction de la pauvreté doit être consacrée à des efforts à long terme visant la mise en place de systèmes d'innovation durables dans les pays en développement afin d'aider ces derniers à concevoir leurs propres solutions pour résoudre leurs problèmes.

Il faut les aider à créer la richesse, sans quoi il ne peut y avoir de distribution de la richesse et les habitants de ces pays ne peuvent améliorer leur sort. Le CRDI contribue à réduire la pauvreté en favorisant l'innovation.

[Traduction]

En terminant, monsieur le président, le CRDI exécute la mission qui lui a été confiée par la loi. Grâce à la recherche, il aide les pays en développement à trouver des solutions à la fois locales et durables à leurs problèmes. Afin qu'il puisse poursuivre cet important travail, j'aimerais demander au comité de conserver l'amendement qui exempte le CRDI des dispositions du projet de loi C-293.

Le sénateur Segal : Merci de comparaître devant le comité aujourd'hui pour nous faire part de votre point de vue sur le projet de loi dont nous sommes saisis.

Pouvez-vous m'aider à comprendre? Si vous me le permettez, je parle maintenant du point de vue du contribuable canadien. Il y a deux organisations qui n'ont pas de liens directs entre elles, mais qui collaborent d'une certaine façon. Il s'agit de l'ACDI et du CRDI, dont les mandats et les responsabilités sont différents.

Je présume que l'un des avantages nets dont nous sommes censés bénéficier grâce à l'excellent travail accompli par le CRDI, et je suis certain que c'est le cas, c'est que vos recherches et vos projets-pilotes et autres activités permettent de créer un ensemble de données. Ces données permettent au Canada de décider la façon dont nous fournissons de l'aide étrangère et dont nous finançons d'autres activités d'aide étrangère, non seulement nous-mêmes mais avec nos partenaires multilatéraux.

Pouvez-vous faire savoir au comité comment vous communiquez officiellement vos conclusions avec l'ACDI afin qu'elle puisse profiter de ces renseignements?

Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez du niveau actuel de transparence de ces constatations; si ce niveau vous sied; si vous aimeriez qu'il soit intensifié; et si cette transparence est, selon vous, nécessaire et satisfaisante?

Le projet de loi porte sur la transparence, pas sur le CRDI proprement dit, mais sur la transparence en ce qui concerne l'ACDI, et je pense que vos conseils seraient extrêmement utiles au comité.

Mme O'Neil : Je vais répondre à cette question en vous donnant des exemples sur le fonctionnement. D'abord je dois dire qu'on ne s'attend pas, du reste on ne s'y est jamais attendu, à ce que chaque projet financé par le CRDI s'imbrique immédiatement dans l'approche globale que le Canada réserve à l'aide au développement.

Voici un exemple d'un résultat direct et concret découlant des conclusions d'une recherche gérée par le CRDI. Il s'agit d'un Projet d'intervention sanitaire essentiel en Tanzanie qui, fait intéressant, a démarré en 1993 quand un rapport sur le développement de la Banque mondiale a signalé une gamme d'interventions, qui envisageait-on, pourraient opérer un changement énorme dans la vie des gens.

À cette époque, l'ACDI était très enthousiaste à cette idée et a transféré des fonds au CRDI pour que le Centre puisse, pour ainsi dire, faire une expérience suivant les paramètres suivants : est-ce que c'est bien vrai? Nous pensons que c'est vrai. Est-ce bien vrai? Le CRDI ayant manifesté son intérêt à mettre la notion à l'essai, s'est rendu dans divers pays africains.

La Tanzanie a répondu vouloir tenter le coup. Par conséquent, pendant huit ans, la notion a été mise à l'essai en temps réel, avec des gens réels, avec des spécialistes des sciences sociales et des professionnels de la santé tanzaniens dans deux districts de la Tanzanie. L'expérience a démontré qu'une meilleure connaissance des ravages de la maladie en Tanzanie pourrait transformer la planification sanitaire et, en fait, la prestation des services de santé.

Pendant huit ou neuf ans, la recherche a démontré qu'en intervenant mieux et différemment, en s'attardant aux maux qui frappaient les gens, plutôt que d'écouter les consignes de Dar es Salaam sur le choix des services de santé à dispenser, le taux de mortalité chez les enfants a chuté de 40 p. 100. Ce phénomène est dû au fait qu'on avait jugulé le nombre extraordinairement élevé d'enfants qui mouraient de la malaria.

Ces conclusions, que l'ACDI a fait siennes, refont actuellement surface comme en témoigne l'approche adoptée par les systèmes sanitaires africains. Cela prouve également qu'il faut beaucoup de temps pour mener à bien un travail sérieux.

Comment établissons-nous un dialogue? Le président de l'ACDI siège à notre conseil d'administration. Cela n'est pas nécessairement stipulé dans la loi mais, par convention, on demande au président de l'ACDI de siéger à notre conseil d'administration. On se demande si cette pratique va être maintenue étant donné ce qu'on dit de la présence de fonctionnaires au sein des conseils d'administration de sociétés d'État. Cependant, le mécanisme s'est révélé efficace pour garantir que l'ACDI — et notre conseil d'administration se réunit trois fois par an — est au courant des questions dont le conseil d'administration est saisi pour le présent et pour l'avenir. Cela signifie que le président de l'ACDI participe à l'orientation stratégique du CRDI à ce niveau-là. Au niveau de l'exploitation, je rencontre d'habitude le président de l'ACDI toutes les six semaines pour faire le point et discuter de la planification.

Je suis sûre que nombre d'entre vous qui suivez les questions de développement se souviennent des stratégies de réduction de la pauvreté que les pays devaient mettre en place pour profiter de l'allégement de la dette. Les chercheurs appuyés par le CRDI étaient souvent les personnes-ressources clés dans leur pays lors de l'élaboration de ce travail. En collaboration avec l'ACDI, afin de tirer profit des expériences acquises, nous avons créé un réseau d'économistes et autres spécialistes ayant participé à l'élaboration de ces stratégies. Le réseau aide directement l'ACDI à analyser la mise en œuvre des stratégies et à déterminer les éventuels changements nécessaires.

Au nom de la transparence, le CRDI verse chaque projet financé dans une base de données. Cette information est accessible à tous.

[Français]

Le sénateur Dawson : Je vous félicite de votre présentation et d'avoir été capable de la faire malgré les contraintes d'un projet de loi. Comme vous le savez, le Comité a proposé que nous ayons un encadrement pour les questions de l'ACDI. Nous croyons qu'un encadrement n'est pas un outil pour empêcher les gens d'évoluer, mais au contraire, cela donne plutôt des paramètres sur lesquels ils peuvent se rapporter au gouvernement et dans lesquels les gens peuvent prendre des mesures sur leurs performances, que ce soit la définition ou la mise en place. Vous avez un encadrement qui, je pense, pourrait nous inspirer en ce qui concerne ce qui devrait être fait avec l'ACDI.

Ma question est : où distingue-t-on les zones grises entre vos deux organismes? L'ACDI nous a déjà dit qu'une partie de son budget va à l'expérimentation et à la recherche, mais à quel endroit leur recherche et la vôtre se croisent-elles?

Vous dites que le président de l'ACDI siège à votre conseil, cela doit aider, mais dans les opérations sur le terrain et à Ottawa, y a-t-il des directives claires et des rencontres structurées pour éviter le dédoublement?

Mme O'Neil : En effet, on procède d'une façon tout à fait différente. L'ACDI appuie le groupe consultatif sur la recherche en agriculture. En gros, les transferts pour la recherche de l'ACDI sont plutôt pour les grands centres que pour nous, même si on travaille avec les centres de recherche agricole. Il y a quelques années, on a fait une étude dans le domaine de l'environnement pour voir quelle était la différence entre l'appui donné par le CRDI et celui donné par l'ACDI. Il est clair que c'est différent.

De plus, chez nous, nous sommes en opération boutique, on travaille directement avec les chercheurs ailleurs, ce qui n'est pas le cas pour l'ACDI. Leur mandat ressemble à ce qu'ils ont fait au Kenya, il y a quelques années, après la réunion du G8 à Kananaskis où ils ont créé un centre de recherche sur le sida au Kenya. C'est plutôt quelque chose de physique. Nous, nous travaillons directement avec les groupes de chercheurs. Nous faisons un travail très différent.

Mes collègues sont des spécialistes dans le domaine de recherche. La différence ne se situe pas seulement dans les sujets de recherche mais également dans la façon dont on travaille.

Le sénateur Dawson : Je ne peux pas présumer du moment où on va ajourner et des événements de l'automne, s'il y aura une prorogation ou non. Je veux penser en fonction du projet de loi tel qu'il est écrit. Croyez-vous que les dispositions du projet de loi ayant pour but de mieux rendre compte au Parlement de l'aide financière fournie à l'extérieure sont suffisantes? Autrement dit, dans le projet de loi, on ajoute la responsabilité aux organismes de venir expliquer la façon dont ils ont dépensé leur argent. Les dispositions de ce projet de loi sont-elles suffisantes?

Mme O'Neil : Comme présidente d'une société d'État, ce n'est pas vraiment mon rôle de faire des commentaires. On dépose chaque année un rapport annuel qui dit — je l'espère assez clairement — où on a dépensé l'argent. Le budget de cette année a clairement indiqué que tout le système gouvernemental doit être très clair sur ce qu'il a fait.

[Traduction]

Le sénateur Johnson : Si je comprends bien, il nous suffit de conserver l'amendement à l'article 4 du projet de loi. À part cela, ce projet de loi n'a aucune incidence sur vous. Ai-je raison de dire que le projet de loi touche essentiellement d'autres que vous?

Mme O'Neil : Nous souhaitons que ce projet de loi n'ait pas d'incidence sur les dispositions législatives qui nous gouvernent. Pour vous aider, je peux demander à notre conseillère juridique de vous donner plus de détails.

Annette Nicholson, avocate générale et secrétaire générale, Centre de recherche pour le développement international : De notre point de vue, nous allons contribuer évidemment aux rapports préparés à la demande du ministre. Finalement, c'est essentiellement l'incidence que cette disposition aura sur nous.

Comme l'a dit Mme O'Neil, nous souhaitons avant tout éviter tout conflit entre l'objectif de ce projet de loi et la structure de gouvernance et le mandat propre au CRDI. Nous estimons que le paragraphe 4 de l'article 4 nous donne satisfaction.

Le sénateur Johnson : Merci. La semaine dernière, Robert Fowler est venu témoigner et il nous a fait part des nombreuses inquiétudes que le projet de loi suscitait pour lui. Son témoignage m'a fait réfléchir. Il nous a exhortés à ne pas adopter ce projet de loi. Il a dit :

Dès le départ, je vous dirai carrément que je pense effectivement que les Canadiens peuvent faire mieux. Nous pouvons être des fournisseurs d'aide au développement plus futés, plus efficaces et plus efficients. Toutefois, à mon avis, ce projet de loi, sous sa forme actuelle, ne nous permettra absolument pas de le faire.

Que pensez-vous de cette affirmation?

Mme O'Neil : Je ne pense pas qu'en tant que présidente d'une société d'État, je puisse me prononcer sur les propos d'un autre témoin.

Le sénateur Johnson : Des témoins nous ont dit que toute personne intéressée pouvait trouver les données dont elle a besoin grâce à des documents du domaine public et des publications sur papier et électroniques. Ainsi, le projet de loi C-293 ajouterait un niveau supplémentaire aux exigences de faire rapport et de communiquer, imposées à l'ACDI déjà très bureaucratisée. On nous a dit que ce projet de loi allait alourdir davantage la prestation de l'aide. Encore une fois, j'aimerais connaitre votre opinion.

Mme O'Neil : Nous essayons sans cesse de faciliter la tâche aux gens qui cherchent de l'information sur notre site Internet. Nous souhaitons que les gens trouvent des renseignements utiles sur le résultat de notre travail.

[Français]

Le sénateur Corbin : La semaine dernière, nous recevions comme témoin M. Lucien Bradet, président du Conseil canadien sur l'Afrique. J'ai l'impression que vous le connaissez peut-être. Il nous a exprimé son étonnement. Cela suit ce que le sénateur Johnson vous demandait.

[Traduction]

Je vais citer ce qu'il a dit :

Un organisme que les Canadiens admirent énormément, le Centre de recherche pour le développement international, le CRDI, semble ne pas comprendre ce problème car le Centre fait l'objet d'un article spécial. Je ne comprends pas pourquoi. Le Centre accepterait-il quelque chose d'inapproprié? Je ne le pense pas. Toutefois, le Centre est exempté des dispositions du paragraphe 4(4). Le lecteur s'interroge.

Et plus bas, il dit :

L'exemption générale qui concerne le Centre de recherche pour le développement international, le CRDI, semble révéler les difficultés qui accablent les initiatives de réduction de la pauvreté entreprise par le Canada grâce à son aide publique au développement.

Et la conversation se poursuit :

Depuis combien de temps le Centre s'occupe-t-il de développement? Depuis bien des années. Le Centre craint quelque chose car il demande une exemption. Je ne comprends pas pourquoi. On ne m'a pas mis au courant. Je ne sais rien.

Vous êtes une société de la Couronne, c'est un fait. L'essentiel de votre budget provient du gouvernement fédéral. Vous recevez également des sommes du gouvernement suisse. Ce sont des faits connus. Toutefois, vous êtes indépendant du gouvernement, n'est-ce pas?

Mme O'Neil : Les dispositions législatives qui nous régissent précisent la nature de nos rapports avec le gouvernement, et la loi stipule que nous ne sommes pas un mandataire de Sa Majesté.

Le sénateur Corbin : Ce qui signifie que vous êtes un organisme indépendant, n'est-ce pas?

Mme O'Neil : Oui.

Le sénateur Corbin : Vous êtes indépendant sur le plan de vos activités quotidiennes, du choix des projets et de la manière de les financer.

Mme O'Neil : C'est exact.

Le sénateur Corbin : Que pensez-vous des observations qu'a faites M. Bradet la semaine dernière? Il ne semble pas comprendre. J'ai essayé de lui expliquer certaines choses, mais sans succès. Voici pour vous l'occasion de dissiper tout malentendu au sujet de l'exemption du CRDI des dispositions du projet de loi.

Mme O'Neil : J'ai expliqué les raisons qui justifient cette exemption, à savoir notre préoccupation quant au rapport entre différents textes législatifs. Je devrais peut-être inviter M. Bradet à prendre le thé pour lui expliquer en détail les raisons pour lesquelles nous avons demandé cette exemption.

Le sénateur Corbin : Vous devrez peut-être lui offrir plus qu'une tasse de thé, peut-être un repas complet. Très bien. Je n'en dirai pas plus long.

Ma question suivante et la dernière porte sur vos modalités de présentation de rapport et de vérification. Pourriez- vous les décrire au comité? Elles sont à l'origine de préoccupations qui ont motivé la rédaction de ce projet de loi. Pourriez-vous aussi nous dire si le CRDI a déjà fait l'objet d'une vérification de la part du vérificateur général? Si oui, quelles observations favorables ou défavorables ont été formulées?

Mme O'Neil : Le CRDI est examiné chaque année par le Bureau du vérificateur général. Nous avons également de notre propre chef demandé des vérifications spéciales bien avant l'entrée en vigueur de la Loi fédérale sur la responsabilité qui exige que les sociétés d'État subissent des examens spéciaux. En fait, une nouvelle vérification est en cours en ce moment même.

Si nous avons demandé de nombreux examens spéciaux au fil des ans, c'est parce qu'il s'agit à notre avis d'une manière excellente et peu coûteuse d'obtenir de très judicieux conseils en gestion. Nous nous réjouissons du fait que les résultats de ces examens spéciaux ont été favorables dans l'ensemble, ce qui nous a probablement incités à en demander de nouveaux.

Comme je le disais, un examen spécial est en cours en ce moment même. Il s'agit du troisième examen spécial et nous devrions en connaître tous les résultats au mois de mars prochain. Nous avons volontairement demandé de tels examens avant d'y être obligés par une loi fédérale. Le Bureau du vérificateur général effectue une vérification chaque année et nous n'avons jamais eu de problèmes.

Le sénateur Corbin : Avez-vous déjà reçu une demande ou fait l'objet de pressions de la part de représentants du gouvernement du Canada, relativement à un projet de votre choix ou à son financement. Par représentants du gouvernement du Canada, j'entends des ministres ou n'importe qui d'autre, comme des hauts fonctionnaires par exemple.

Mme O'Neil : Non, jamais.

Le sénateur Corbin : J'imagine que vous résisteriez à de telles pressions.

Mme O'Neil : Oui, mais cela ne s'est jamais produit. Quand nous travaillons dans des régions névralgiques, comme le Moyen Orient par exemple, nous sommes comme il se doit très prudents. Car après tout, nous faisons encore partie de la famille de la politique étrangère, même si nous n'exécutons pas directement la politique étrangère du Canada. Nous demeurons un organisme canadien.

Permettez-moi de signaler que Denis Desautels, l'ancien vérificateur général du Canada, préside notre Comité des finances et des vérifications.

Le sénateur Segal : Nous nous réjouissons tous de l'indépendance de votre organisme. Mais si le gouvernement au pouvoir décidait un beau jour de concentrer ses efforts sur l'Afrique sub-saharienne ou sur l'Amérique centrale, est-ce que votre conseil d'administration rajusterait ses priorités en conséquence ou considèrerait-il la nouvelle orientation du gouvernement comme un fait intéressant mais pas nécessairement pertinent?

Mme O'Neil : Permettez-moi de décrire la démarche qui aboutit à l'établissement de nos orientations stratégiques, démarche dans laquelle le conseil d'administration joue un rôle important. Nous nous fondons sur les documents issus de vastes consultations menées aussi bien ici à Ottawa que dans d'autres pays, c'est-à-dire des pourparlers avec des hauts-fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, des dirigeants de l'ACDI, des représentants des ONG et des conseils subventionnaires du gouvernement fédéral. Tous ces intervenants font partie du milieu dans lequel nous évoluons et influencent nos orientations stratégiques.

Le sénateur Andreychuk : Merci d'être des nôtres aujourd'hui. Je connais le travail du CRDI, alors je vais me faire un peu l'avocat du diable.

Nous avons eu un échange très intéressant par vidéoconférence avec un représentant de la Grande-Bretagne qui nous a expliqué que les recherches ne sont pas exclues des mesures de réduction de la pauvreté. Apparemment, ce pays a élaboré une stratégie de réduction de la pauvreté comportant l'augmentation de l'aide au développement et cette stratégie s'est traduite par un projet de loi. Pour que le projet de loi soit efficace, il faudrait que le gouvernement canadien, au sens le plus large du terme, concentre véritablement ses ressources, son attention et ses priorités sur la réduction de la pauvreté, après avoir défini celle-ci. En pareil cas, cela ne mènerait-il pas à l'élaboration d'une stratégie globale à laquelle devrait collaborer le CRDI et les autres sociétés d'État dont les activités s'exercent à l'étranger?

Mme O'Neil : J'ai lu la transcription des propos de M. Lowcock, que je connais assez bien car j'ai siégé au conseil consultatif du CRDI sur les orientations gouvernementales. Je suis bien au fait du travail qui s'y fait. Je sais par ailleurs que le Royaume-Uni s'interroge sur le mécanisme qui régirait l'utilisation des fonds de recherche. Il est très intéressant qu'on ait décidé dans ce pays d'accroître de façon spectaculaire les sommes consacrées au soutien parce qu'on considère que l'augmentation des capacités de recherche dans les pays en développement est une partie très importante de leur mandat. On est à déterminer comment l'argent sera dépensé. Entretemps, nous en sommes les heureux bénéficiaires puisqu'ils sont un partenaire important du CRDI, comme je l'ai signalé. À l'heure actuelle, nous disposons de 50 millions de dollars provenant du Department for International Development, de Grande-Bretagne, qui devront être dépensés au cours des cinq prochaines années.

Je tiens à souligner que si nous avons des réserves au sujet de ce projet de loi, elles portent essentiellement sur les rapports entre celui-ci et la loi qui régit le CRDI. Et, pour réitérer la réponse que j'ai donnée à la question du sénateur Segal, notre conseil fait une nouvelle analyse tous les cinq ans en tenant compte de l'évolution du milieu, des politiques en vigueur à Ottawa et des priorités fixées par l'ACDI.

Dans son témoignage que j'ai trouvé excellent, M. Lowcock a aussi rappelé que la réduction de la pauvreté a de nombreux visages. Il a ajouté que cela aidait les gens de son organisme à décrire aux Britanniques leur travail. Il ressort toutefois de son témoignage qu'il n'y avait pas d'approche exclusive et que les moyens étaient nombreux. On privilégiait plutôt une approche très large parce qu'il faut agir dans bien des domaines pour changer le tissu social ou économique d'un pays. Cela est ressorti clairement de son témoignage.

Le sénateur Andreychuk : Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites parce que la réduction de la pauvreté va plus loin que l'aide au développement. Elle passe par toutes les autres approches, notamment la recherche, les activités des organismes prêteurs et l'influence que nous exerçons sur les organisations ou structures internationales; toutes ces approches sont aussi importantes que l'aide au développement proprement dite. Vous l'avez bien expliqué.

J'aurais dû trouver le temps d'examiner toute cette question avant aujourd'hui. Qu'est-ce qui vous a amené à conclure que votre organisme devrait être exclu et qu'il faudrait favoriser un dialogue?

Mme O'Neil : Cela n'était pas clair à la lecture du projet de loi; on ne savait pas très bien qui était inclus. Par conséquent, quand nous avons lu le projet de loi et parallèlement, la loi qui nous régit, nous avons jugé important que les rapports entre ces deux textes de loi soient bien clairs.

Le sénateur Andreychuk : Votre position repose-t-elle uniquement sur le texte législatif?

Mme O'Neil : Elle repose sur le projet de loi.

Le sénateur Andreychuk : Si le gouvernement optait pour une stratégie dans laquelle la réduction de la pauvreté serait la priorité, cela pourrait entraîner certains changements. On aurait pu aussi s'orienter dans une autre voie, ce qui aurait entraîné la modification de la loi qui régit le CRDI ou ses structures. Vous réexaminez votre programme tous les cinq ans. Le gouvernement pourrait un jour considérer le CRDI et se dire, nous avons besoin d'un nouvel instrument.

Mme O'Neil : Le gouvernement pourrait faire bien des choses.

Le sénateur Andreychuk : Mais, ce qui a déclenché tout le processus, c'est que vous craignez que votre structure, votre organisation et votre loi habilitante soient assujetties à ce projet de loi, d'après certaines interprétations.

Mme O'Neil : C'est exact. À moins d'être expressément exclu, le CRDI serait inclus. Je vais demander à ma conseillère juridique de répondre à votre question avant d'aborder moi-même le conflit entre deux textes de loi. Je vais donc, avec votre permission, céder la parole à Mme Nicholson.

Mme. Nicholson : Comme nous l'avons signalé, nous craignons d'être visés par le projet de loi à cause de la définition « d'aide internationale », même si les définitions sont générales. Par ailleurs, en lisant les restrictions énoncées à l'article 4, nous nous sommes demandé si cela signifiait qu'on devrait modifier le mandat que nous confère la Loi sur le CRDI? Y aura-t-il des répercussions sur notre mandat? Y aura-t-il risque de conflit entre les rapports hiérarchiques prévus par la Loi sur le CRDI, qui précise que le président remet notre rapport annuel au ministre des Affaires étrangères qui le dépose devant le Parlement? Cela entraînerait-il un conflit au niveau de la procédure de présentation de nos rapports?

En tant qu'avocat, je crains toute confusion comme la peste. Quand on est régi par une loi, on veut s'assurer de s'y conforme intégralement aussi bien l'esprit que la lettre. On ne peut pas se permettre de laisser un autre texte de loi semer de la confusion.

Le sénateur Dallaire : D'après les statistiques, près d'un milliard de personnes vivent dans la misère noire et plusieurs milliards d'autres habitants des pays en développement vivent dans la pauvreté.

On a beaucoup discuté d'une disposition qui dit « tient compte des points de vue des pauvres » et d'une autre qui dit que « le ministre compétent » consulte des gouvernements, des agences internationales et des organisations de la société civile canadienne ».

Trouvez-vous que cela est contraignant pour le ministre? Trouvez-vous que cela impose une contrainte au ministre qui doit s'acquitter d'une tâche aussi colossale? Croyez-vous que cela imposerait un fardeau de travail énorme au ministre? Et inversement, trouvez-vous qu'il s'agit d'un processus normal à suivre pour quelqu'un qui cherche à procurer des ressources à ceux qui répondent au critère?

Mme O'Neil : Je le répète, à titre de présidente d'une société d'État, il ne m'appartient pas de commenter différents aspects de ce projet de loi. Je vais cependant faire une observation. Je n'ai jamais eu connaissance d'un changement majeur de politique ou d'une réorientation de politique qui se soit faite sans que les ministres successifs responsables de l'ACDI n'aient mené des consultations.

Le sénateur Dallaire : On a beaucoup débattu de la question et il y a beaucoup de confusion au sujet de la réduction de la pauvreté. Certains estiment que l'approche pourrait être contraignante ou méprisante au lieu d'être vaste. Manifestement, le Royaume-Uni et d'autres pays ont adopté une optique plus vaste.

Nous utilisons des expressions comme « développement durable », « aide au développement », « autonomie économique » et « réduction de la pauvreté ». Croyez-vous que la réduction de la pauvreté englobe tout cela?

Autrement dit, si nous parlons « d'autonomie économique », cela suppose-t-il automatiquement une réduction de la pauvreté? L'autonomie économique est-elle une conséquence de la réduction de la pauvreté ou un moyen de la favoriser? Y a-t-il un conflit entre ces différentes activités? En donnant de l'aide ou de l'argent, adoptons-nous une optique mondiale de manière à agir sur toutes les autres également?

Mme O'Neil : Je crois que plusieurs témoins ont parlé du Comité d'aide au développement de l'OCDE dont fait partie, évidemment, le Canada. Les témoins vous ont décrit le travail qu'a fait ce comité avec les autres pays donateurs pour définir le contenu de l'aide au développement.

Si l'on considère cette longue liste, je crois qu'on conclura que tous ces éléments contribuent à réduire la pauvreté. Ils peuvent tous être des instruments pour combattre la pauvreté.

Le sénateur De Bané : Permettez-moi de vous dire tout d'abord qu'en tant que Canadien je suis très fier du CRDI. C'est un des organismes les plus admirables dans lequel le Canada travaille d'égal à égal avec des chercheurs venant de pays en développement et les aide à élaborer des projets pour aider leur propre pays. Je trouve extraordinaire que votre conseil compte un pourcentage aussi considérable d'experts en développement de calibre mondial.

La semaine dernière, nous avons entendu les témoignages d'un ancien fonctionnaire, M. Bob Fowler, qui est un des plus grands experts sur l'Afrique. À son avis, il est évident que le projet de loi part d'une bonne intention. Il a également exprimé des réserves au sujet de la teneur du projet de loi qui le préoccupe grandement.

M. Fowler a attiré notre attention sur les lacunes suivantes. Voici ce qu'il a dit :

Dans le domaine de l'aide, il y a des problèmes importants qu'il faut examiner de près. Entre autres, la concentration de l'aide, à la fois géographique et thématique, et le fait qu'elle ne soit plus liée au soutien budgétaire direct, point sur lequel je ne suis pas d'accord avec votre comité. De plus, le montant de l'aide publique au développement est une question d'importance cruciale, les attentes démesurées quant à ce que l'aide au développement peut et ne peut pas raisonnablement accomplir. Je trouve que ce projet de loi ne remédie à aucun de ces problèmes. Je ne crois pas qu'il nous permettra de n'atteindre aucun de ces buts.

Bien au contraire, l'adoption de ce projet de loi pourrait bien à mon avis rendre notre aide moins efficace et compliquer davantage le règlement de difficulté fondamentale qu'il faut absolument aplanir pour améliorer notre rendement sur le plan de l'aide.

Il ajoute ensuite :

J'ose espérer que nous croyons tous que l'aide devrait viser à améliorer la situation économique du tiers monde, à libérer des milliards de personnes de l'esclavage d'une misère inhumaine et, pour ce faire, à éliminer progressivement l'exclusion d'un milliard d'Africains de l'économie mondiale.

Après avoir décrit les conséquences objectives qu'aura ce projet de loi à son avis, il a rappelé que le gouvernement allemand devra dépenser 135 milliards de dollars sur une période de 30 ans pour permettre aux 18 millions d'Allemands de l'Est d'avoir le même niveau de vie que les Allemands de l'Ouest.

Il a ajouté que le montant de 2 milliards de dollars que le Canada consacre aux 980 millions d'Africains pourra faire très peu pour les aider. A son avis, il faut se montrer plus précis, plus obsédé par ce qu'on peut et ne peut pas accomplir, de ce que le pays donateur, le Canada, doit faire et de ce que le bénéficiaire de son aide doit faire pour arriver à des résultats positifs.

Il s'est efforcé de parler sans ménagement et d'exprimer sans ambages son point de vue. Il nous a demandé d'éviter de nous laisser aller à des rêves irréalistes. Il s'est dit prêt à approuver des subventions budgétaires inconditionnelles du gouvernement canadien à un gouvernement africain, à la condition qu'il s'agisse d'un des quatre ou cinq pays africains bien gouvernés. Ce serait gaspillé son argent que de donner des subventions à certains autres pays. Il a mentionné le Zimbabwe qui est très prospère, mais a rappelé la situation lorsqu'il était gouverné par une bande de brigands.

Pensez-vous que les propos de M. Fowler étaient exagérés? Je sais qu'il s'agit d'une question fort délicate et je vous demande votre avis non pas à titre de présidente mais à titre de spécialiste qui travaille tous les jours dans le domaine du développement.

Mme O'Neil : J'hésite à commenter les propos de l'ancien ambassadeur Fowler puisqu'il a de nombreuses années d'expérience.

Je rappellerais les frustrations qui ont incité les ONG canadiennes à faire des démarches, lesquelles ont abouti à la rédaction de ce projet de loi.

J'hésite à m'exprimer sur cette question car le sénateur De Bané sait très bien que je ne peux pas me séparer en deux pour ne parler qu'à titre de spécialiste et non de présidente d'une société d'État.

Les frustrations en question découlaient d'un désir de clarté, c'est-à-dire le même genre de préoccupations exprimées dans le budget. Le gouvernement souhaitant plus de clarté et plus d'efficacité, on a fini par déposer un projet d'initiative parlementaire. Ce projet de loi a déclenché des discussions intéressantes, fascinantes, sérieuses et fondées, aussi bien à la Chambre des communes qu'ici, au Sénat.

En ce qui concerne la définition des objectifs des ONG, on a atteint un des objectifs grâce aux discussions qui ont eu lieu. L'une des difficultés que représente n'importe quel projet de loi d'initiative parlementaire, comparativement à un projet de loi du gouvernement, c'est qu'il n'est pas soumis au même examen inter et intraministériel. Le projet de loi est déposé et le comité doit s'en accommoder tant bien que mal avec l'aide du personnel de la Bibliothèque du Parlement et des comités. Cependant, le processus est rendu un peu plus difficile que dans le cas d'un projet de loi déposé selon la procédure normale, qui a franchi toutes les étapes dans les différents ministères, qui a fait l'objet de pourparlers entre Justice Canada et l'ACDI de même qu'avec le ministère des Finances. Le comité est saisi en pareil cas d'un projet de loi quelque peu différent.

Une des réserves exprimées par M. Fowler avait trait à la sécurité. Le comité sur l'aide au développement définit très clairement les pays qui peuvent bénéficier d'aide publique au développement. Il souligne que l'insécurité a des effets néfastes sur les populations et qu'elle rend impossible tout progrès. Je crois qu'il a exprimé ce point de vue important.

Mais il y a aussi le côté opérationnel. Que signifie tout cela sur le plan des activités? Le libellé d'un projet de loi ne décrit pas en détail le déroulement de ces activités. Voilà pourquoi, d'après les comptes rendus que je peux lire, j'estime que ce débat ouvre la voie à une enquête intéressante sur les activités en cours. Vous avez abordé certains de ces facteurs dans votre examen de l'aide aux pays africains, mais votre comité a le loisir d'examiner à fond les activités de n'importe quel ministère. Il peut assurément scruter les activités de n'importe quel ministère ou société d'État qui travaille ou soutient le travail effectué dans des pays en développement. M. Fowler a fait état de certaines questions opérationnelles qui le préoccupent.

Le sénateur Downe : J'aimerais revenir sur la question du sénateur Andreychuk au sujet des raisons qui ont motivé la demande d'exemption des dispositions de ce projet de loi. Vos administrateurs se sont-ils réunis pour discuter de la question avant de recommander cette mesure, ou est-ce votre comité exécutif qui a formulé cette recommandation?

Mme O'Neil : C'est notre comité de direction, après consultation du président du conseil d'administration.

Le sénateur Downe : Les administrateurs n'ont pas été consultés, ou en faisaient-ils partie?

Mme O'Neil : Le président du conseil d'administration est un des administrateurs du CRDI.

Le sénateur Downe : Plusieurs non-Canadiens font partie de cet organe, comme vous l'avez dit dans votre déclaration initiale. Étaient-ils eux aussi d'accord pour demander cette exemption?

Mme O'Neil : Ils ont été informés que nous avions demandé l'exemption.

Le sénateur Downe : Et ils n'ont pas répondu.

Mme O'Neil : Non, ils reconnaissent que les deux projets de loi doivent être clairs et que s'ils ne le sont pas, nous devrions bénéficier d'une exemption.

Le sénateur Downe : Selon le projet de loi, il faut se concentrer sur la réduction de la pauvreté et exclure tout le reste. Dites-vous que les étrangers qui font partie de votre conseil n'étaient pas en faveur de cela et demandaient une exemption?

Mme O'Neil : Ce n'est pas la question qui a été posée. La raison pour laquelle nous demandons une exemption, c'est que le projet de loi et notre loi ne correspondent pas. On ne parle pas des objectifs visés par le projet de loi.

Le sénateur Downe : Le président de l'ACDI a-t-il formulé un commentaire?

Mme O'Neil : Il sait que c'est ce que nous cherchions à obtenir, mais il n'a pas formulé de commentaires directs. Cela s'est passé très rapidement. Nous communiquions constamment avec le président de notre conseil. Les gouverneurs étaient mis au courant de nos activités. Le président du conseil nous a donné des orientations. Le président de l'ACDI, comme les autres directeurs, savait très bien que nous cherchions à obtenir une exemption, ce dont nous avions discuté avec le président de notre conseil.

Le sénateur Downe : Je veux être certain de bien comprendre vos consultations. Vous n'avez pas tenu de réunion à ce sujet?

Mme O'Neil : Non, nous n'avons pas tenu de réunion spéciale.

Le sénateur Downe : Votre groupe de direction a donc formulé la recommandation et a indiqué, en fait, que c'est ce que vous recommandiez. Je me demande comment cela fonctionne.

Mme O'Neil : Nous avons analysé les effets possibles sur le CRDI; cette analyse a été communiquée au président du Conseil. Elle a fait l'objet d'un rapport aux directeurs qui connaissaient la position qui avait été prise.

Le sénateur Downe : Je présume qu'on leur a demandé de répondre s'ils le souhaitaient. Je suis intrigué par le fait que vous avez autant d'étrangers au sein de votre Conseil. Je me demande quelle a été leur réaction au projet de loi. Si j'ai bien compris, une recommandation a été formulée mais aucune réponse n'a été donnée; est-ce exact?

Mme Nicholson : Le conseil se réunit trois fois par an, et obtient régulièrement des mises à jour au sujet de nos activités. Nous ne demandons pas d'obtenir un commentaire sur chaque ligne de nos rapports, mais nous avons naturellement travaillé en étroite collaboration avec le président. Si un directeur avait exprimé des préoccupations, il l'aurait fait sans hésitation, nous les aurions entendues et nous les aurions calmées, par courrier électronique directement ou par le truchement de rapports additionnels, ou encore lors des réunions.

Le sénateur Downe : Je crois comprendre qu'il s'agit d'une recommandation venant de la haute direction du CRDI, mais les directeurs n'ont pas tenu de réunions distinctes, de sorte qu'il n'y a eu aucune consultation. Vous l'avez déjà dit. C'est clair; n'est-ce pas?

Mme O'Neil : Ce n'est pas ce que nous avons dit. Nous avons dit que nous avions consulté le président du Conseil, et que les directeurs avaient mis au courant de ces consultations. Les directeurs étaient au courant des conversations avec le président, et leur déroulement a été communiqué à nos directeurs pour qu'ils en discutent.

Le sénateur Downe : Y a-t-il eu une discussion? Vous avez dit qu'il n'y avait pas eu de réunion à ce sujet.

Mme O'Neil : Nous n'avons pas tenu de réunion précise à ce sujet. Toutefois, lors des réunions, nous fournissons des mises à jour sur les questions importantes et, puisque le président y participait, les directeurs ont eu l'occasion de formuler des commentaires. Avons-nous dit que nous ne pouvions pas prendre position avant d'obtenir la décision du Conseil lorsque cette question a été soulevée et que le comité en a été saisi pour la première fois? Non. Nous nous sommes adressés au président du Conseil, nous en avons parlé, nous avons vérifié le texte du mémoire présenté à la Chambre des communes et nous avons fait rapport au Conseil.

Le sénateur Downe : Avez-vous fait rapport au président, ou avez-vous formulé une recommandation à son intention?

Mme O'Neil : Ça n'était pas aussi formel que cela.

Le sénateur Downe : Qui a décidé que vous souhaitiez être exempts du projet de loi? J'essaie de savoir quel type de consultation vous avez tenue. Le personnel a-t-il formulé une recommandation au président?

Mme O'Neil : Le personnel a formulé une recommandation à l'intention du président. Le personnel a communiqué l'analyse au président, qui était d'accord avec ce que nous avons dit dans notre mémoire au comité de la Chambre des communes.

Le sénateur Downe : C'était ma question initiale, et maintenant j'ai la réponse.

Je remarque que votre loi permet de nommer des députés et des sénateurs. Y a-t-il des députés ou des sénateurs au sein de votre conseil?

Mme O'Neil : Non. Comme vous le savez d'après vos responsabilités antérieures, le conseil ne décide pas de ses membres.

Le sénateur Downe : Oui, c'est le gouverneur en conseil. Selon moi, c'est une bonne chose qu'il n'y ait ni député ni sénateur au sein du conseil. Je pense que cela poserait un problème.

Le sénateur Johnson : Un sénateur ne peut pas faire partie du conseil d'une société d'État.

Le sénateur Downe : Oui, mais cette loi le permet.

Le sénateur Johnson : Laissez-moi préciser un élément. On nous a dit que les rapports prévus dans le projet de loi ralentiraient le travail de l'ACDI et que les mesures de reddition de comptes prévues par le projet de loi ne sont pas nécessaires. Vous avez indiqué que vous faites l'objet d'une vérification chaque année et que tous les Canadiens peuvent savoir ce qu'ils ont besoin de savoir au sujet de votre travail.

Les mesures de reddition de comptes contenues dans ce projet de loi sont-elles nécessaires? Quels seront leurs effets sur vous, précisément?

Mme O'Neil : Les mesures de reddition de comptes ne nous toucheront pas, puisque nous sommes exempts du projet de loi. Nous faisons rapport par le truchement d'un rapport annuel déposé au Parlement. Si les mesures de reddition de comptes s'appliquaient à nous, cela ne poserait pas de problème, parce que nous faisons déjà rapport.

Le sénateur Johnson : À qui faites-vous rapport?

Mme O'Neil : Nous faisons rapport au Parlement. Notre rapport annuel est déposé au Parlement par le ministre des Affaires étrangères.

Le sénateur Johnson : Selon vous, le projet de loi améliorera-t-il ou facilitera la prestation d'APD?

Mme O'Neil : Encore une fois, je pense que ce n'est pas à moi d'exprimer une opinion à ce sujet.

Le sénateur Corbin : La création de bureaux à l'étranger est l'une de vos réalisations les plus géniales et les plus intelligents. Elle a été réalisée en vertu des objectifs et des pouvoirs du centre, prévus à l'article 4 du projet de loi. Pouvez-vous nous dire quelles sont les activités réalisées dans ces bureaux régionaux et nous parler de vos réussites au fil des ans? Demeurez-vous aux mêmes endroits d'une année à l'autre, ou changez-vous d'endroits de temps à autre?

Au fait, j'aimerais vous féliciter de cette initiative, qui fait cruellement défaut dans d'autres institutions du gouvernement, dans le domaine de l'aide au développement. Vous savez ce que je veux dire.

Mme O'Neil : Merci beaucoup. Le CRDI a des bureaux dans les régions pratiquement depuis sa création. Oui, ces bureaux ont changé d'endroits au fil des ans. Par exemple, l'un des premiers bureaux a été ouvert au Liban, et il a été déplacé au Caire lors de la guerre civile. Juste avant les élections démocratiques en Afrique du Sud, nous avions un bureau là-bas, que nous avons conservé pendant environ sept ans. Toutefois, nous pensions qu'à ce moment-là notre bureau de l'Afrique de l'Est, à Nairobi, pouvait prendre le relais parce que les institutions sud-africaines sont beaucoup plus solides que celles de l'Afrique de l'Est, et nous travaillons directement avec elles.

Nous avons un bureau à Singapour depuis de nombreuses années. Remarquez bien que nous ne travaillons pas à Singapour même. Nous avons fait un examen des coûts, en le comparant à d'autres emplacements possibles en Asie. À ma grande surprise, il s'est trouvé qu'il coûte moins cher d'être à Singapour qu'à Hanoï, et on n'a pas le désagrément occasionné par la présence au bureau d'agents de sécurité interne. L'Asie de l'Est relève de ce bureau-là.

Nous sommes à New Delhi depuis un certain temps. Nous trouvons que c'est un emplacement efficace pour faire notre travail. Autrefois, nous étions à Bogota, en Colombie. Dans les années 1980, c'est devenu un endroit extrêmement difficile où faire affaire. On a décidé que l'Amérique latine relèverait du bureau à Montevideo. C'est un endroit plus facile où faire affaire.

Nos programmes, selon nous, constituent une matrice. Nous travaillons sur des thèmes, notamment l'environnement, la politique sociale et économique, la politique de l'innovation, la science et les nouvelles technologies. Bien entendu, ce travail se fait quelque part. Nos agents de programme à Ottawa sont itinérants. Bien que leur bureau soit à Ottawa, ils passent entre 60 et 100 jours par an dans les régions à travailler avec les chercheurs.

Les avis en provenance du terrain et des chercheurs, qui en fait préparent les propositions qu'on nous fait parvenir, sont évidemment cruciales, car c'est ainsi qu'on élabore notre programme. À l'heure actuelle, à peu près le tiers de notre personnel se trouve dans les régions, mais je le répète, les agents de programme dont les bureaux sont à Ottawa passent entre 60 et 100 jours par an en déplacement. Même ceux qui sont dans les régions sont itinérants.

Par exemple, votre bureau se trouve peut-être à Singapour, mais le Cambodge ou le Vietnam relèvent de vous. Vous vous déplacez dans toute l'Asie de l'Est. Si vous êtes à Delhi, vous travaillez non seulement en Inde, mais aussi dans toute l'Asie du Sud. Si vous êtes à Montevideo, il est évident que vous ne faites pas le gros de votre travail en Uruguay; vous travaillez un peu partout dans la région, à rencontrer les chercheurs, les organismes de recherche et les ONG qui s'intéressent aux politiques.

À notre avis, il est essentiel que nous ayons des bureaux dans ces endroits. Les professionnels qui y travaillent comptent des Canadiens et des non-Canadiens. Par exemple, à Singapour, il se trouve que nous avons un expert en biotechnologie qui est en fait Africain. Le personnel dans tous nos bureaux et au siège même du CRDI est composé d'un excellent mélange d'éléments.

Le sénateur Peterson : Vous avez dit que vous étiez une société d'État et que le conseil se réunissait trois fois par an. Qui décide de cela? Est-ce que cela constitue une surveillance suffisante de la gouvernance?

Mme O'Neil : Selon notre conseil, cela constitue une surveillance suffisante. Le comité exécutif du conseil se réunit quatre fois par an, comme l'exige la loi; le comité des finances et de la vérification se réunit quatre fois par an; et le Comité des ressources humaines se réunit trois fois par an, outre les trois réunions du conseil au complet.

Le sénateur Peterson : Le conseil tient-il des téléconférences?

Mme O'Neil : Non, le conseil au complet ne se réunit pas par téléconférence mais en personne. Si des questions surgissent et nécessitent que le conseil au complet se prononce, de temps en temps nous parvenons à le faire s'il n'y a pas d'objection par courrier électronique. Ce n'est pas le genre de réunion que nous préférons, parce qu'il est très important que les directeurs participent à des discussions, et c'est ce que nous faisons.

Si vous voulez, je peux vous décrire la façon dont nous organisons notre travail. Nous avons une réunion en mars, qui porte sur le budget; une réunion au mois de juin, où les directeurs peuvent débattre et discuter des évaluations qui ont été faites par les chercheurs du CRDI; et à l'automne, une réunion sur les programmes à venir. Notre conseil approuve les cadres de programme et le budget annuel chaque année, et il a l'occasion de réfléchir profondément aux conclusions des évaluations de nos programmes.

Le sénateur Peterson : Comment cela se compare-t-il aux autres sociétés d'État? Est-ce qu'elles fonctionnent à peu près de la même façon?

Mme O'Neil : Il y a une tellement grande variété de sociétés d'État; c'est difficile de comparer. En tant qu'organisme qui finance la recherche, ce qui est une activité à plus long terme, nous estimons qu'il s'agit d'une société très différente de Postes Canada, par exemple.

Je devrais vous dire que lorsque le conseil se réunit, il se réunit pendant deux jours, outre un repas de travail en soirée. Par ailleurs, au besoin, lors d'une année d'élaboration d'une nouvelle stratégie, nos réunions sont généralement plus longues.

Le vice-président : J'ai une brève question avant que se termine notre réunion intéressante. Le comité, comme vous le savez, a consacré beaucoup de temps à l'examen des problèmes en Afrique. Comme tout le monde le sait, l'agriculture est certainement l'un des grands enjeux.

J'ai constaté en fin de semaine que la Fondation Gates a mis sur pied un projet de recherche agricole dont Kofi Annan, je crois, est le président. Je l'ai lu dans les journaux en fin de semaine. Leur but, c'est d'augmenter la productivité. Le monde s'inquiète de l'accès aux marchés. Voilà pourquoi nous avons le cycle de Doha, qui semble avoir chancelé un peu dernièrement. Cependant, la Fondation Gates, sauf erreur, finance la recherche agricole afin d'augmenter la productivité. Êtes-vous au courant de cela? Si oui, pourriez-vous nous en faire part?

Mme O'Neil : J'ignore les détails du projet, mais peut-être les sénateurs aimeraient-ils que comparaisse à une date ultérieure notre directeur de la gestion de l'environnement et des ressources naturelles, qui a effectivement eu des discussions avec la Fondation Gates à propos de ce domaine important dans lequel ils vont se lancer.

Le vice-président : Merci beaucoup.

Honorables sénateurs, au nom de vous tous, j'aimerais remercier nos témoins de cette conversation édifiante. Je vous signale que demain, nous recevrons le ministre MacKay qui viendra nous parler du projet de loi C-61, qui porte sur la Croix-Rouge et qui n'est pas très controversé. Le sénateur Johnson en est le parrain. La chaîne CTV sera dans la salle demain. J'en vois qui froncent les sourcils en partie parce que je crois que notre propre système de télévision est occupé demain. Il y a beaucoup de choses qui se passent.

Le sénateur Corbin : Est-ce que la CTV suivra le protocole en matière de télédiffusion?

Le vice-président : Absolument. Je leur ai dit, pour ne pas dire ordonner, qu'ils ne pouvaient pas interrompre les travaux du comité lorsque nous sommes en session et que les caméras doivent donc être là avant le début de la séance et y rester jusqu'à ce qu'elle soit levée.

Est-ce que ça va pour tout le monde? Alors d'accord, merci beaucoup.

La séance est levée.


Haut de page