Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 19 - Témoignages du 20 juin 2007
OTTAWA, le mercredi 20 juin 2007
Le Comité sénatorial permanent des Affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui à 16 h 6 pour étudier le projet de loi C-61, dont il a été saisi par ordre de renvoi, Loi modifiant la Loi sur les conventions de Genève, la Loi constituant en corporation la Canadian Red Cross Society et la Loi sur les marques de commerce.
Le sénateur Peter A. Stollery (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue et je déclare la séance ouverte. Madame le sénateur Johnson parraine le projet de loi au Sénat. Nous allons donc commencer notre étude du projet de loi C-61, Loi modifiant la Loi sur les Conventions de Genève, la Loi constituant en corporation la Canadian Red Cross Society et la Loi sur les marques de commerce.
[Français]
Nous avons le plaisir d'accueillir le ministre des Affaires étrangères, l'honorable Peter MacKay, qui nous fera une présentation du projet de loi et répondra à nos questions. Le ministre est accompagné par des fonctionnaires des Affaires étrangères et du Commerce international Canada.
[Traduction]
Il s'agit de M. Paul Gibbard, directeur général (par intérim), Direction générale de la sécurité humaine et droits de la personne et de Mme Nguyen, conseillère principale en politique, Groupe des affaires humanitaires et des interventions d'urgence. Soyez les bienvenus au Sénat.
L'honorable Peter MacKay, C.P., député, ministre des Affaires étrangères : Je vous remercie, monsieur le vice- président et ainsi que mesdames et messieurs les sénateurs.
Je tiens d'abord à remercier madame le sénateur Johnson d'avoir parrainé cet important projet de loi, le C-61, dont l'objet est la mise en œuvre du troisième protocole additionnel aux Conventions de Genève. Les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels gouvernent la conduite des parties engagées dans des conflits armés et constituent les assises du droit international humanitaire. Au total, 194 États souscrivent aux Conventions de Genève, faisant de ces traités internationaux les premiers à jouir d'une ratification universelle. Cela fait ressortir leur importance déterminante et leur pertinence pour le Canada et les nations du monde entier.
Je me propose de concentrer mes observations d'aujourd'hui sur trois grands thèmes : l'importance du Protocole III sur le plan international, l'importance d'une prompte ratification par le Canada et un bref survol du projet de loi.
[Français]
Le troisième protocole additionnel est aussi connu sous le nom de Protocole III. Il a été adopté en décembre 2005 et reconnaît le cristal rouge comme emblème additionnel à la croix rouge, au croissant rouge ainsi qu'au lion et au soleil rouge.
Le Canada a signé le Protocole III il y a un an, déclarant ainsi notre intention publique d'adopter une loi afin de ratifier ce protocole. Le présent projet de loi est l'aboutissement de cette démarche.
Le projet de loi C-61 a été présenté à la Chambre des communes le 8 juin 2007.
[Traduction]
Cette date est importante parce qu'elle marque également le trentième anniversaire des Protocoles additionnels I et II. Ces derniers fournissent un cadre crucial au renforcement de la protection des civils et des autres parties engagées dans un conflit armé, introduisant des règles essentielles sur la conduite des hostilités et sur les méthodes et moyens de guerre. Ils jouissent de larges appuis, comptant chacun quelque 165 ratifications.
Pour sa part, le Protocole III établit un emblème additionnel distinctif — le cristal rouge — pour le Mouvement de la Croix-Rouge et du croissant rouge. Les emblèmes distinctifs sont importants, car ils sont conçus dans le but de protéger les travailleurs humanitaires du Mouvement qui fournissent une aide critique aux personnes victimes de conflits et de catastrophes naturelles. Pourquoi est-ce important? En bref, le cristal rouge est dénué de toute connotation religieuse ou politique, ce qui rehausse ainsi le but protecteur de l'emblème sans choquer les organismes participants ni leur imposer un symbole qu'ils n'acceptent pas.
Le Protocole III bénéficiera aux sociétés nationales du Mouvement de la Croix-Rouge qui ne se sentent pas à l'aise d'utiliser soit la Croix-Rouge, soit le croissant rouge. Ainsi par exemple, les sociétés nationales de l'Erythrée et du Kazakhstan ont manifesté un intérêt pour l'utilisation du cristal rouge, ce qui devrait faciliter leur entrée dans le Mouvement de la Croix-Rouge. En effet, grâce à l'adoption du Protocole III, l'entrée dans le mouvement du Magen David Adom (la société israélienne) et de la Société palestinienne du Croissant-Rouge a été facilitée en juin 2006.
Il aura fallu plus de 50 ans pour parvenir à une entente au sujet du Protocole III. Malgré la nature humanitaire de cet exercice, cette question s'est embourbée dans la politique du Moyen-Orient. Nous espérons que le Protocole III aidera à faire avancer l'universalité, l'impartialité et l'efficacité du Mouvement de la Croix-Rouge en réaction aux situations de conflits et de catastrophes naturelles. J'estime qu'une prompte ratification du Protocole III est importante pour plusieurs raisons. Il a fallu 50 ans pour parvenir à ce stade. Le Protocole III est entré en vigueur le 14 janvier dernier. Depuis lors, 84 États ont signé, dont le Canada, les États-Unis, Israël, la Suisse, la Norvège et certains membres de l'Union européenne. Toutefois, jusqu'ici seulement 17 États l'ont ratifié. Les États-Unis, qui soutiennent ardemment le Protocole III l'ont ratifié en mars.
Afin d'encourager la pleine acceptation internationale de l'emblème du cristal rouge, il est essentiel que le plus grand nombre possible d'États ratifient le Protocole III. Une prompte ratification permettrait au Canada de promouvoir la pleine acceptation du cristal rouge à partir d'une position de leadership international. Il faut que nous agissions dès maintenant en ce sens pour donner plus de légitimité à nos arguments.
[Français]
Elle facilitera nos efforts pour gagner à cette cause les États qui sont encore réticents. Elle nous permettra de nous joindre à des pays d'optique commune, tels que les États-Unis, la Suisse, la Norvège et certains membres clés de l'Union européenne, dont le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui attachent une grande importance au cristal rouge.
Une prompte ratification mettrait aussi en évidence notre engagement envers le mouvement international de la Croix-Rouge. Par cette ratification, le Canada aiderait à résoudre une question épineuse de longue date pour le mouvement. Elle montrerait notre détermination à jouer un rôle proactif dans cette affaire.
[Traduction]
Si l'ébauche du projet de loi est adoptée d'ici la fin de septembre, le Canada pourra ratifier le Protocole III à temps pour la Conférence internationale du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui doit avoir lieu en novembre à Genève. La conférence se tient tous les quatre ans et réunit tous les membres du Mouvement, y compris les 194 États parties et les 186 sociétés nationales. Ce sera une occasion unique de promouvoir le cristal rouge. Une belle occasion s'offre au Canada de faire preuve d'un véritable leadership sur ce plan en novembre. L'adoption opportune du projet de loi C-61 est une étape importante à cet égard.
Le projet de loi propose des modifications de forme à trois lois distinctes sans soulever de controverse et sans y apporter des changements de fond, mais de manière à se conformer au Protocole III : il s'agit ici de la Loi sur les conventions de Genève, de la Loi sur la société canadienne de la Croix-Rouge et de la Loi sur les marques de commerce. Ces modifications donneraient au cristal rouge le même niveau de protection dans les lois canadiennes que la Croix-Rouge. Le Protocole III prévoit d'accorder au cristal rouge le même statut — et les mêmes conditions de respect et d'utilisation — que celui dont jouissent les emblèmes actuels que sont la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge.
Concrètement, les modifications aux lois existantes auraient pour effet de : criminaliser tous homicides ou blessures infligées à un ennemi dans une guerre en utilisant le cristal rouge pour feindre un statut protégé et d'interdire aux personnes de porter, d'utiliser ou d'afficher l'emblème du cristal rouge ou les mots « cristal rouge » ou une imitation, sauf avec l'autorisation par écrit de la Société canadienne de la Croix-Rouge.
L'adoption rapide du projet de loi C-61 est une priorité pour notre gouvernement et, à mon avis, pour tous les parlementaires canadiens. Elle témoigne de notre engagement envers le droit international humanitaire et envers le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans le monde entier. Elle manifesterait un respect et un appui sans réserve. Je fais donc appel au leadership et à l'engagement des honorables sénateurs pour qu'ils étudient promptement cette question.
Le vice-président : Je dois avouer qu'avant d'avoir vu le projet de loi, je n'avais pas entendu parler du cristal rouge et de ce qu'il représente, et je ne l'aurais donc pas reconnu. Si j'ai bien compris, aux yeux de certains, la Croix-Rouge a une connotation religieuse. Personnellement, j'ai toujours cru que cet emblème n'était rien d'autre que le drapeau suisse dont le fondateur de la Croix-Rouge, lui-même Suisse, avait inversé les couleurs. Je ne pensais pas qu'il pouvait revêtir un autre sens à part cela. Nous avons vu des photos de navires-hôpitaux ou de tentes arborant la Croix-Rouge, et ce symbole est donc très connu. Il faudra donc faire connaître le cristal rouge pour que les diverses populations du monde soient au courant de sa valeur symbolique. A-t-on proposé de faire quelque chose en ce sens?
M. MacKay : C'est une bonne question. Je crois que le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge a l'intention de faire connaître le nouvel emblème. Ainsi que je l'ai précisé, il est de couleur rouge, mais je n'ai pas d'illustration en couleur à vous montrer. Sans vouloir insulter personne je dirais que par sa forme il ressemble à la figure en losange d'un terrain de baseball. Son importance tient au fait qu'en tant que symbole, il n'évoque rien de religieux et ne prêtera donc pas à des erreurs d'interprétation ou ne sera pas jugé injurieux ou inacceptable dans certains pays. On s'efforcera de le faire connaître pendant un certain temps afin que les autres pays lui attribuent la même signification soit celle de la protection et de l'aide humanitaires. À titre d'exemple, dans la bande de Gaza, compte tenu des récents incidents, ce nouveau symbole permettra aux ambulances israéliennes d'entrer dans les territoires palestiniens pour faciliter l'acheminement des blessés à l'hôpital, ainsi que nous l'avons vu hier soir. Autrement, la Croix-Rouge aurait hésité à agir, sans disposer d'un emblème acceptable à l'équivalent israélien de la Croix-Rouge.
Le sénateur Corbin : Je suis le porte-parole de l'opposition officielle au Sénat pour ce projet de loi et je me suis engagé à faire diligence pour qu'il soit adopté. Je confirme cela aujourd'hui. Bien entendu, je ne me prononce pas au nom de mes collègues. Ils peuvent avoir des réserves, mais j'en doute.
De toute façon, s'agissant de la Croix-Rouge canadienne, je ne peux m'empêcher de penser à ce que nous faisions à l'école primaire de Grand Falls au Nouveau-Brunswick. Chaque année, on nous demandait de donner 5 ¢ à la Croix- Rouge canadienne. En retour, on nous donnait un petit macaron, que nous portions fièrement à la boutonnière jusqu'à ce que nous le perdions pendant la récréation ou ailleurs.
Cela étant, je suppose que j'ai toujours été un fervent adepte de la Croix-Rouge canadienne. Cinq cents, c'était une grosse somme à l'époque pour la famille. Nous le donnions tous.
Dans votre déclaration, il semble que vous souligniez une chose avec vigueur. Je me reporte au texte français où vous dites « cette question épineuse », comme s'il s'agissait d'un défi insurmontable à relever que de défendre votre argument aujourd'hui alors qu'en fait, il s'agit de légiférer notre engagement. Je ne vois pas ce qu'il y a de si compliqué à tenter de mettre en œuvre ce qui est essentiellement une initiative heureuse et qui tombe sous le sens.
Par ailleurs, vous dites que l'adoption de ce projet de loi donnerait plus de poids à nos efforts pour gagner l'adhésion d'autres États qui semblent réticents. Vous avez cité notamment les autres pays d'idéologie commune auxquels nous nous joindrions, à savoir les États-Unis, la Suisse, la Norvège et certains des principaux membres de l'Union européenne, comme le Royaume-Uni et les Pays-Bas, qui accordent une grande importance au cristal rouge.
Y a-t-il des pays européens qui s'opposent à cette initiative? Qu'entendiez-vous par là? Il me semble y avoir une difficulté ou un défi à surmonter en coulisse.
M. MacKay : Sénateur, merci de votre question et de l'affection que vous portez à la Croix-Rouge canadienne depuis votre enfance au Nouveau-Brunswick. Je pense que bien des Canadiens partagent ce sentiment chaleureux à l'égard de l'organisation.
Pour répondre directement à votre question, je dirai que, à ma connaissance, il n'y a pas d'opposition concertée ou autre dans un pays quelconque ou une organisation quelconque. Au demeurant, j'essaie de vous signaler aujourd'hui la frustration que ressentent certains États parce qu'il a fallu 50 ans avant d'en arriver là. Pendant un certain temps, le Mouvement de la Croix-Rouge a eu l'impression que le dossier marquait le pas.
J'essaie de vous communiquer que le Canada a ici l'occasion de se montrer un chef de file. Nous pouvons finalement faire aboutir le dossier du cristal rouge, en collaboration avec nos partenaires internationaux. J'ai cité les pays qui ont choisi la même voie que le Canada. Ces pays ont décidé d'être proactifs, de faire adopter l'initiative par leur parlement, pour la ratifier. Ensuite, je pense que nous pourrons travailler avec d'autres pays pour faire comprendre l'urgence en l'occurrence auprès d'autres pays membres.
Je le répète, que je sache, il n'y a pas de véritable réticence, mais des pays comme l'Érythrée et le Kazakhstan sont parmi ceux qui, en l'occurrence, ont exprimé le souhait de commencer à utiliser ce symbole.
Je reviens à la question du président. Plus vite les pays membres vont ratifier cette initiative, plus vite le monde commencera à se familiariser et à accepter ce symbole supplémentaire, le cristal rouge.
Le sénateur Corbin : Y a-t-il un nombre optimal à atteindre avant que ce soit le cas?
M. MacKay : Non. En fait, comme je l'ai dit, l'unanimité est quasi totale parmi ceux qui ont exprimé leur appui. Il me faut ajouter cependant qu'il y a certaines étapes à franchir avant la ratification officielle.
Le sénateur Corbin : Le ministre a fait allusion à la Croix-Rouge, au croissant rouge et à la Société du lion et du soleil rouges. Nous croyons savoir que cette dernière est presque tombée en désuétude.
M. MacKay : C'est exact. Même si ces symboles sont toujours reconnus, ils sont devenus désuets. Je pense que, techniquement, ils continuent d'exister dans le cadre de la création du Mouvement de la Croix-Rouge, mais ils n'existent plus comme symboles pour promouvoir le mouvement.
Le sénateur Johnson : Le projet de loi a été très bien reçu au Sénat. Je suis très fière de le parrainer. Les gens ont beaucoup d'affection pour le Mouvement de la Croix-Rouge, et il a fallu pas mal de temps pour apporter ce changement. Je suis contente de savoir que normalement tout devrait être réglé dans un jour ou deux.
J'ai quelques précisions à vous demander. Pouvez-vous m'expliquer quelle protection existe à l'heure actuelle pour les emblèmes de la croix rouge et du croissant rouge en vertu de la loi canadienne?
M. MacKay : Je vais peut-être demander à mes fonctionnaires d'intervenir. Il existe, bien sûr, une protection en vertu d'une loi canadienne, mais également en vertu du droit international humanitaire qui fait que ceux qui portent, arborent ou exhibent le symbole peuvent s'attendre à ne pas subir des actes violents ou agressifs, même dans une zone de conflit. Cela veut dire que ceux qui représentent les mouvements de la Croix-Rouge, du Croissant Rouge et du Cristal Rouge sont là pour des raisons humanitaires, souvent dans des zones de guerre ou de sinistre, et ils doivent avoir cette protection.
Le sénateur Johnson : Je vais en parler de nouveau demain. Qu'est-ce qui se passe si une œuvre de bienfaisance utilise ou veut utiliser un symbole identique ou semblable à l'emblème du cristal rouge, établi dans le Protocole III, à une fin non commerciale?
M. MacKay : Il y a une disposition assez particulière qui concerne les droits acquis. Si ce symbole en forme de losange, le cristal, tout comme le croissant ou la croix, étaient utilisés auparavant par un organisme pour une certaine raison, cet organisme serait protégé. On prévoit donc des droits acquis. On interdit l'usage du symbole à des fins commerciales, et on interdit aussi son utilisation à mauvais escient.
Le sénateur Johnson : Qu'est-ce qui arrive si le logo d'une compagnie est identique ou analogue à l'emblème du cristal rouge établi par le Protocole III, compte tenu de tout ce qui existe de nos jours?
M. MacKay : Voilà une autre bonne question. Cela concerne la Loi sur les marques de commerce, qui est également modifiée. Le Protocole III prévoit que les parties contractantes doivent prendre les mesures nécessaires pour prévenir et réprimer, en tout temps, tout mauvais usage des emblèmes distinctifs; cela s'applique aux trois — dont le nouveau.
L'amendement à la Loi sur les marques de commerce protège la croix rouge, le cristal et le croissant. C'est le but de cette modification. Les emblèmes doivent être utilisés uniquement à des fins d'aide humanitaire.
Le sénateur Johnson : Comment peut-on obtenir la ratification universelle? Combien de pays n'ont toujours pas ratifié le protocole?
M. MacKay : Aucun pays ne l'a ratifié. Je pense qu'il y a 17 pays qui ont fait ce que nous faisons — 17 sur 194.
Le sénateur Johnson : Y a-t-il une date limite?
M. MacKay : Je ne la décrirai pas comme une date limite artificielle mais tous les pays devraient essayer de le faire avant la Convention qui doit se réunir à Genève en novembre. Une fois que le projet de loi aura été adopté par le Parlement, le Canada pourra exercer des pressions sur d'autres pays qui prennent peut-être leur temps. J'espère que bon nombre de ces pays auront ratifié cette mesure d'ici novembre.
Le sénateur Johnson : Je suis sûre, que le projet de loi sera adopté par le Parlement et que vous pourrez ainsi continuer à faire votre bon travail.
M. MacKay : Je vous remercie de vos efforts concernant ce projet de loi.
Le sénateur Andreychuk : Monsieur le ministre, les symboles sont importants parce que le Mouvement de la Croix- Rouge et son travail sont importants en vertu des conventions de Genève. Les symboles sont importants pour les civils qui ont besoin d'avoir accès au Mouvement de la Croix-Rouge et vice versa. Les symboles protègent aussi les travailleurs du Mouvement de la Croix-Rouge. Il importe que ceux qui ne représentent pas le mouvement de la Croix- Rouge ne l'utilisent pas à mauvais escient. Cependant, il faut que ces gens-là aient une reconnaissance crédible là où ils travaillent. Je pense que l'ajout de ce symbole ne causera pas problème.
Vous dites qu'il faudra faire de la publicité concernant le symbole du cristal pour que les gens comprennent qu'il a la même portée en vertu des conventions de Genève que les autres symboles. Est-ce qu'il est possible qu'un pays utilise un seul symbole, ou est-ce qu'un pays peut en utiliser plus d'un?
M. MacKay : Si je comprends bien, les pays peuvent choisir ce qu'ils veulent faire. Ils peuvent utiliser un seul symbole ou les trois. Un pays multiculturel comme le nôtre pourrait utiliser un symbole ou tous les symboles dans certaines régions. D'autres pays choisiront peut-être de n'utiliser qu'un symbole. L'utilisation du cristal rouge lui- même, qui fait l'objet de ce projet de loi, vise les pays qui n'aiment pas utiliser l'un ou l'autre des deux symboles actuels. Tant que le but pratique du projet de loi c'est de donner aux pays qui jusqu'ici ont refusé ou n'ont pas pu utiliser les deux symboles actuels, d'en avoir un autre. C'est au fond une question de tolérance. Il s'agit d'une mesure progressiste de la part du Mouvement de la Croix-Rouge. C'est quelque chose qu'ils s'engagent à faire depuis des années, et c'est la conclusion de ces efforts.
Pour reprendre ce qu'a dit tout à l'heure le sénateur du Nouveau-Brunswick, le Canada va peut-être faire la promotion active du nouveau symbole. Par exemple, les enfants auront peut-être à payer cinq dollars plutôt que cinq cents, compte tenu de l'inflation, pour promouvoir l'utilisation de ces symboles. La croix rouge, le croissant rouge et le cristal rouge reflètent les valeurs canadiennes et nos efforts humanitaires partout au monde.
Le sénateur Andreychuk : Il faut faire un effort d'éducation. Il ne s'agit pas d'obtenir un consensus au sein de la collectivité. Le but c'est d'offrir de bons services aux personnes en situation de crise, et de bien protéger les travailleurs qui donnent ces services. Je simplifie, bien entendu, le travail de la Croix-Rouge.
En dehors des raisons politiques de faire ou de ne pas faire cela, je me souviens que certains s'inquiétaient du fait qu'il y aurait davantage de symboles qui identifient le mouvement de la Croix-Rouge. Est-ce qu'il va y avoir encore un autre symbole et un autre? Plus il y en a, plus il y a possibilité de confusion. Il est important d'avoir un seul symbole simple. Nous reconnaissons la réalité politique selon laquelle la meilleure solution que nous pouvons trouver d'avoir au moins un symbole. Je me demande pourquoi vous dites que le Canada en ferait la promotion. Je comprends qu'on pourrait le faire au pays, mais je me demande si on n'aggraverait pas le problème si on faisait la promotion dans d'autres pays?
M. MacKay : Je comprends qu'idéalement, il serait bon d'avoir un seul symbole pour le Mouvement de la Croix- Rouge. J'irais peut-être jusqu'à dire que la Croix-Rouge elle-même est peut-être un des symboles les plus reconnus au monde. Je pense de nouveau à ce que la présidente a dit au début de la réunion. La réalité politique étant ce qu'elle est, le but c'est qu'un plus grand nombre de pays puissent bénéficier des services de la Croix-Rouge tout en assurant la protection voulue aux travailleurs. C'est vraiment ce qui a inspiré ce projet de loi.
Je signale également l'article 2 du projet de loi, où il est question de la Loi sur les conventions de Genève, qui interdit l'usage perfide de la croix-rouge, du croissant rouge et maintenant du cristal rouge pour tuer ou blesser gravement un ennemi. Le but de cette modification c'est d'élargir cette protection et donc l'usage perfide serait une violation de la loi et de la Loi sur les conventions de Genève.
[Français]
Le sénateur Dawson : Monsieur le président, je suis un peu comme vous, l'autre soir quand madame le sénateur a présenté son projet de loi, j'ai été obligé d'utiliser le Google sur Internet pour connaître la définition du cristal rouge. Je pense qu'on devrait profiter pour en faire une promotion. Vous avez présenté tout à l'heure le logo en noir et blanc. Si on avait une copie couleur pour commencer à faire la promotion du symbole cela aiderait parce que les gens ne le connaissent pas. Il est encore en noir et blanc, mais faites semblant qu'il est en couleur. C'est le symbole au bout.
[Traduction]
Il y a 194 États parties et 186 sociétés nationales. Pourquoi certaines sociétés nationales n'ont-elles pas d'État et vice- versa? Il n'est pas nécessaire de répondre à la question aujourd'hui, mais j'aimerais savoir quelle distinction on fait entre les États parties et les sociétés nationales.
M. MacKay : J'apprécie votre engagement à faire la promotion du symbole. J'aurais voulu avoir un grand symbole en couleur à vous montrer.
Je crois que la distinction entre les 194 États souscrivant aux conventions et les 186 sociétés nationales c'est que certains pays n'ont pas encore formé une société nationale. Même si le pays en question ait déjà accepté l'utilisation du symbole et la convention, il n'a pas encore formé une société nationale. Je crois que c'est la raison.
Le sénateur Downe : Monsieur le ministre, j'appuie ce projet de loi comme bon nombre de mes collègues, mais j'ai une question. Dans votre exposé, vous avez dit qu'il aura fallu plus de 50 ans, et ensuite que cette question s'est embourbée dans la politique du Moyen-Orient. Pouvez-vous, ou un de vos fonctionnaires, nous donner plus de détails là-dessus?
M. MacKay : Je voulais dire que les Israéliens, ils ne se sentaient pas à l'aise d'utiliser ces deux symboles en particulier. Ils sont tout à fait en faveur du Mouvement de la Croix-Rouge et de ses efforts humanitaires, mais les symboles qui se rattachent à la croix, que certains voient comme la croix de Saint-Georges, et le croissant, qui se rattache plus à la culture arabe, ne mettaient pas les Israéliens à l'aise.
Le sénateur Gustafson : Vous dites que le Canada aiderait à résoudre une question épineuse de longue date. Pourquoi la question épineuse? Pourquoi est-ce une question de longue date? Nous savons tous ce que symbolise la croix. Nous connaissons tous le symbole de la croix. Peut-être que dans certaines parties du monde ce n'est pas connu. Je m'interroge là-dessus, très franchement. Peut-être que je n'ai pas effectué approfondi suffisamment la question, mais les symboles sont importants.
M. MacKay : Ils le sont assurément.
Le sénateur Gustafson : Quelqu'un a mentionné le lion rouge. Le lion est de la tribu de Juda. Nous savons que c'est le symbole d'une nation. L'aigle est le symbole d'une nation. Les symboles sont importants. Qu'est-ce que le Mouvement de la Croix-Rouge en pense?
M. MacKay : Sénateur, un des principes sur lesquels le Mouvement de la Croix-Rouge est fondé est l'universalité et l'inclusivité. Concernant la question précédente, c'est précisément ce que fera le symbole en l'occurrence. Il élargira le champ d'application pratique du travail du Mouvement de la Croix-Rouge tout en respectant les normes et les valeurs culturelles et religieuses. Certains pays étaient d'avis que les symboles actuels étaient incompatibles avec leurs croyances religieuses et leur culture. C'est le principe sous-jacent de l'utilisation plus répandue de ce nouveau symbole.
En réponse à votre question pourquoi cela a pris 50 ans, je vous dirai qu'il y a beaucoup de conflits dans le monde actuel qui remontent à l'époque du Nouveau Testament, sinon plus loin. Cinquante ans est une longue période pour justifier cette lutte à cause d'un symbole, et entraver le travail essentiel du Mouvement de la Croix-Rouge. L'addition de ce symbole, qui permettra de rallier davantage à cette cause certains de ces pays afin de respecter le principe d'universalité, va dissiper, dirai-je toute confusion initiale concernant l'addition du symbole proprement dit. Ensuite, il nous incombe à nous et au Canada tous d'être au premier plan pour faire accepter et reconnaître ce nouveau symbole.
Le sénateur Corbin : J'ai deux questions, concernant la nomenclature utilisée dans le libellé de ce projet de loi.
[Français]
En français, à la page couverture, on lit : projet de loi C-61, Loi modifiant la Loi sur les conventions de Genève, la Loi constituant en corporation la Canadian Red Cross Society. J'ai toujours pensé que la Canadian Red Cross Society était une institution bilingue. Ce texte me laisse croire qu'elle est incorporée sous un nom anglais seulement. Est-ce le cas?
M. MacKay : Monsieur le sénateur, vous avez raison, c'est exact. Il est nécessaire, pour la présentation, d'avoir un titre avec une introduction bilingue. Il est nécessaire de le changer.
Le sénateur Corbin : Plus loin, à l'article 5 on dit :
La même loi est modifiée par adjonction, après l'article 9, de ce qui suit :
10. Titre abrégé : Loi sur la Société canadienne de la Croix-Rouge.
Est-ce que ceci a pour effet de rendre bilingue le nom officiel de la Canadian Red Cross Society?
M. MacKay : Je pense que oui, certainement, le titre est bilingue. C'est une institution canadienne et c'est nécessaire. Dans votre travail aujourd'hui, vous avez la capacité d'effectuer les changements nécessaires.
Le sénateur Dawson : C'est juste la question d'être certain que nous procédons rapidement. Si le greffier peut nous aider, nous voulons une terminologie qui nous permettra d'adopter le projet de loi tout en supposant que l'article 10 précède l'article de présentation parce qu'effectivement à l'article 1, on parle de Canadian Red Cross Society. Puisque l'un des objectifs aujourd'hui est d'aller rapidement, si nous modifions le projet de loi, il doit retourner à la Chambre des communes.
[Traduction]
Lorsque cela nous arrivera, ce sera trop tard.
M. MacKay : C'est quelque chose qui concerne le titre abrégé vis-à-vis le titre intégral. Je vais demander à Mme Nguyen de répondre.
Mi Nguyen, conseillère principale en politique, Groupe des affaires humanitaires et des interventions d'urgence, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Pour préciser, les rédacteurs faisaient face à un problème; ils avaient compris que le titre intégral en français faisait toujours référence à la Canadian Red Cross Society en anglais, mais puisque d'autres lois invoquaient ce titre intégral de la même façon, le seul moyen de contourner la difficulté était d'introduire un titre abrégé, qui aurait dorénavant un titre entièrement en français.
C'est pourquoi le titre au long en français porte toujours le nom anglais « Canadian Red Cross Society ».Il n'y avait aucune autorisation de modifier toute les autres lois canadiennes qui faisaient référence à cette loi.
Le sénateur Dawson : En fait, ce serait moderniser le titre. Si nous l'adoptons tel quel, ce serait dire en fait que la Red Cross est maintenant la Croix-Rouge?
Mme Nguyen : Exactement.
Le sénateur Corbin : Je voudrais passer à autre chose, à moins qu'il n'y ait des sénateurs qui veuillent dire quelque chose, mais j'ai la permission du président, à qui j'ai parlé tantôt, de vous poser la question suivante.
Nous avons rarement l'occasion de discuter des activités du Mouvement de la Croix-Rouge en général, et je ne veux pas vous prendre au dépourvu.
M. MacKay : D'accord, pourvu qu'il ne s'agit pas de l'accord de l'Atlantique.
Le sénateur Downe : Ça c'est dans la salle voisine.
Le sénateur Corbin : J'ai entendu aux nouvelles il y a quelques mois, concernant les événements tragiques du tsunami qui ont frappé les régions des océans Pacifique et Indien, que la Croix-Rouge canadienne ou la Société de la Croix- Rouge, sur le plan national ou international, qui avait reçu des dons sincères et très généreux de milliers et milliers de Canadiens et Canadiennes pour venir en aide aux victimes de deuil et de sinistre, n'avait pas réussi à dépenser tout l'argent donné à cette occasion. C'est ce que j'ai entendu aux nouvelles. Je n'ai pas pu vérifier ces renseignements et je n'ai pas tenté de le faire, mais avez-vous des commentaires à ce sujet? C'est essentiel lorsqu'on sollicitera la générosité des Canadiens dans le cadre d'un événement semblable à l'avenir. Est-ce que la Croix-Rouge canadienne utilise les dons sagement, en effet, et que font-ils des montants excédentaires?
M. MacKay : Mon expérience, et ce que j'ai appris du Mouvement de la Croix-Rouge dans mes fonctions actuelles — le travail que ses membres font en Afghanistan, l'aide humanitaire qu'ils ont fournie au moment de catastrophes naturelles et de conflits comme ce fut le cas au Liban l'été dernier — me porte à croire que la Croix-Rouge canadienne et le Mouvement de la Croix-Rouge internationale, sont les organismes les plus, ou parmi les plus dignes de confiance au monde. Je ne pourrais pas vous dire ce qu'ils font dans le cas d'une demande de dons de la part de Canadiens pour un projet précis. J'imagine que s'il y avait un excédent, il serait versé dans leurs recettes générales.
Il se peut qu'ils soient dans une situation où ils ont du mal à fournir de l'aide — par exemple, quand le gouvernement d'un pays tente de leur mettre des bâtons dans les roues ou les empêche d'accorder un genre d'aide. Je songe au Soudan, où il y a eu des cas où le gouvernement a résisté aux efforts d'aide humanitaire de la part des Nations Unies, des organisations non gouvernementales ou ONG, et des organismes tels que le Mouvement de la Croix-Rouge. Néanmoins, dans ce cas particulier au sujet de l'incapacité de la Croix-Rouge canadienne d'apporter toute l'aide aux bénéficiaires de ces dons, si vous pouviez me donner un peu plus de contexte concernant ce cas en particulier, je me renseignerai volontiers pour vous. Il me ferait plaisir d'y jeter un coup d'œil pour vous.
[Français]
Le sénateur Dawson : Si nous pouvions adopter le projet de loi, les sénateurs qui auraient des questions pourraient les poser après. De cette façon, on s'assurerait d'adopter le projet de loi.
[Traduction]
Si vous voulez bien, sénateur?
Le sénateur Andreychuk : Cinq secondes.
Le sénateur Dawson : Sénateur, j'ai des questions et je ne les pose pas.
Le président suppléant : C'est un projet de loi du gouvernement dont nous essayons de faciliter l'adoption.
Le sénateur Andreychuk : Juste pour qu'on ne l'oublie pas, je ne sais pas s'il s'agissait de la Croix-Rouge canadienne, mais il y avait une ONG au Canada à l'époque du tsunami qui avait plus d'argent qu'elle ne pensait pouvoir utiliser à cette fin et elle a demandé publiquement si elle pouvait réaffecter ces fonds à l'Afrique.
Le président suppléant : Je suis désolé sénateur Andreychuk; je ne voudrais pas manquer de politesse, mais les options sont très simples. Nous n'avons que quelques minutes et nous adoptons ou non le projet de loi. Vous êtes les ministériels et nous tentons de faciliter la tâche.
Le sénateur Gustafson : Je voulais simplement dire que les soldats revenant de la Seconde Guerre mondiale avaient la plus haute estime pour le Mouvement de la Croix-Rouge.
Le sénateur Downe : Et aussi l'Armée du Salut, pour votre gouverne.
Le président suppléant : Honorables sénateurs, vous plaît-il que le comité procède à l'étude article par article du projet de loi C-61?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : Vous plaît-il que le comité procède à l'étude article par article du projet de loi C-61, Loi modifiant la Loi sur les Conventions de Genève, la Loi constituant en corporation la Canadian Red Cross Society et la Loi sur les marques de commerce.
Le titre est-il reporté?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : L'article 1 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : L'article 3 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : L'article 4 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : L'article 5 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : L'article 6 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : L'article 7 est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : L'annexe est-elle adoptée?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : Le titre est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : Le projet de loi est-il adopté?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : Dois-je faire rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix : Oui.
Le président suppléant : Merci beaucoup. Maintenant, sénateur Dawson, si quelqu'un a encore des questions, vous avez cinq secondes parce qu'il faut que nous quittions la salle.
Merci beaucoup, et merci monsieur le ministre de votre patience et d'avoir répondu à nos questions.
La séance est levée.