Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 2 - Témoignages du 15 mai 2006
OTTAWA, le lundi 15 mai 2006
Le Comité permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 16 h 4 pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, je vois que nous avons le quorum. Nous sommes ici aujourd'hui pour entendre des témoignages sur l'étude que nous poursuivons durant cette nouvelle session pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.
Comme les sénateurs le savent,nous avons étudié la Convention relative aux droits de l'enfant et d'autres instruments internationaux connexes afin de déterminer la façon dont le Canada les a appliqués et dans quelle mesure. Ayant déjà présenté notre rapport provisoire, nous espérons arriver à des recommandations et des conclusions finales.
Nous sommes heureux de pouvoir entendre d'autres témoins dans le cadre de notre étude avant l'ébauche du rapport final. Dans ce groupe, nous avons la docteure Margaret Somerville du Centre de médecine, d'éthique et de droit, Université McGill et Mme Elspeth Ross du Conseil d'adoption du Canada. Bienvenue.
Dre Margaret Somerville, Centre de médecine, d'éthique et de droit, Université McGill : Je vous remercie de m'avoir invitée.
Je travaille depuis plus de deux ans sur les liens biologiques entre les enfants et les parents. J'aimerais vous dire qu'il y a plusieurs façons de défaire les liens biologiques parents-enfants dans le contexte d'une nouvelle conception de la biologie humaine, autrement dit les nouvelles techniques de reproduction.
J'ai cherché le lien entre l'adoption, les nouvelles technologies de reproduction et le mariage entre conjoints de même sexe. Et le lien, c'est que ces trois facteurs éliminent les liens biologiques entre les parents et les enfants. C'est intéressant, parce qu'il y a peu que le Canada s'est doté d'une législation sur la reproduction — la Loi sur la procréation assistée — et nous avons aujourd'hui une loi concernant le mariage, qui est la Loi sur le mariage civil. Ces deux lois existent depuis moins de deux ans. Il est tout à fait justifié que le Sénat les examine en relations aux enfants et dans le contexte actuel comportant des interventions technologiques tout à fait nouvelles et différentes.
Je souhaiterais que l'on prenne au sérieux le droit des enfants de connaître leurs parents et leur hérédité biologique. Je pense que cette question fait maintenant l'objet de débats. Un vieil adage sur les droits de la personne dit que ces droits sont les plus menacés lorsque nous agissons soi-disant dans le but de faire uniquement le bien. Les bonnes intentions ne nous empêchent pas de voir le mal inévitable qui résultera aussi de nos actions.
Dans notre débat sur la Loi sur le mariage civil, nous avons essayé de faire du bien, de mettre fin à l'horrible discrimination dont sont souvent victimes les homosexuels, les lesbiennes, les transgenres et les bisexuels. J'ai participé souvent à ce débat dans divers forums et je crois sincèrement que nous n'avons pas examiné de manière pertinente, sur la place publique ou au Parlement, ce que cela signifie pour les droits de l'enfant. Vous en avez maintenant l'occasion.
L'autre question importante, c'est que les enfants représentent probablement le groupe le plus important de personnes sans voix au chapitre et touchées par nos lois au pays. En tant qu'adultes, nous avons la responsabilité de parler en leur nom; pourtant, je trouve que de plus en plus nous ne le faisons pas. Nos sociétés s'intéressent surtout à un individualisme excessif et à nos droits, et puisque nous sommes des adultes, les enfants sont oubliés.
J'ai aussi consulté la Convention relative aux droits de l'enfant et j'ai noté que les articles 7, 8 et 9 se rapportent à ce dont je parle : les liens biologiques.
Ce matin, j'ai fait des recherches sur l'histoire de cette convention. Elle a été approuvée par l'Assemblée générale des Nations Unies en 1989 quand la plupart des questions — qui se posent aux personnes travaillant dans le domaine de l'éthique — ne se trouvaient même pas dans les romans de science-fiction. Il aurait été complètement fou d'envisager qu'un enfant puisse être conçu autrement que par un ovule et du sperme, un sujet qui se rapporte aux liens biologiques.
Les dispositions de la convention mentionnent le droit de l'enfant à avoir un nom à la naissance et, dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d'être élevé par eux. Rien n'indiquait qu'il fallait définir qui étaient ces gens ou ce qu'était le parent. C'était un homme ou une femme. Ce n'est plus vrai aujourd'hui.
Je pense qu'un grand nombre de dispositions de la convention doivent être lues dans le contexte de l'époque à laquelle elle a été approuvée. Notre pays l'a signée en 1990, et nous devrons réfléchir à ce à quoi nous nous attendions à l'époque et ne pas changer radicalement notre intention. On pourrait penser qu'elle permet des choses qui, à mon avis, ne devraient pas être permises.
Pour expliquer mon point de vue, je parlerai d'abord de la Loi sur le mariage civil. Quand il se limite à l'union entre un homme et une femme, le mariage normalise le droit des enfants à avoir une mère et un père biologiques et à être élevés par eux à moins — et c'est l'exception, qui était l'exception générale — qu'il y ait de bonnes raisons de procéder autrement, et ce, dans le meilleur intérêt de l'enfant; dans ce cas, l'adoption est permise comme étant l'exception à la parentalité assurée par des parents biologiques.
Lors de l'adoption de la Loi sur le mariage civil, toute la deuxième partie — une partie de la loi dont on ne parle pas souvent — a changé la définition de la « parentalité » dans toutes les lois fédérales. Elle a changé l'expression « parents naturels » que l'on trouvait dans les lois précédentes à « parents légaux ». Autrement dit, nous avons redéfini la parentalité en général en passant du concept de parent naturel ou biologique à celui de parent légal et social.
Parlons des nouvelles techniques de reproduction parce qu'elles modifient aussi le fondement biologique de la parentalité et complique le droit des enfants de connaître leurs antécédents biologiques et leurs parents naturels. Aux termes du droit international, qui, à mon avis, est tout aussi important pour interpréter la Convention relative aux droits de l'enfant — par exemple, la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies est l'exemple primaire, mais aussi le Pacte international relatif aux droits civils et politiques — les hommes et les femmes ont le droit de se marier et de fonder une famille. Donc, le droit de se marier est double, d'abord se marier puis de fonder une famille.
Dans le droit international, puisque le droit de se marier est limité à l'union entre un homme et une femme, le droit de fonder une famille est aussi limité à un homme et une femme. Nous avons changé cela au Canada. Aujourd'hui, le droit de se marier, qui comporte le droit de fonder une famille ne se limite pas au couple de personnes de sexe opposé mais inclut les conjoints de même sexe.
Je crois comprendre que les dispositions de la Loi sur la procréation assistée — par exemple, contre la mère porteuse et peut-être contre le clonage — seront contestées par les couples homosexuels pour motif d'inconstitutionnalité, de discrimination à leur encontre et contre leur droit de fonder une famille, qui accompagne le droit de se marier. Nous devons considérer, du point de vue des enfants, quels sont leurs droits, à la fois celui de connaître leurs antécédents biologiques — qui est leur mère biologique et qui est leur père biologique — et deuxièmement, quels sont leurs droits à des antécédents biologiques naturels.
La nouvelle science a déjà créé un enfant qui a trois parents génétiques. Une femme avait un mitochondrial ADN défectueux, il s'agit de l'ADN dans le liquide entourant le noyau central d'une ovule. Un dysfonctionnement de cet ADN empêche le développement de l'embryon. Les scientifiques ont prélevé un ovule chez une donneuse, ont retiré le noyau, l'ont inséré puis ont fertilisé l'ovule combiné avec le sperme du mari de la femme. Par conséquent, le bébé a un mitochondrial ADN d'une femme, le noyau central ADN de sa mère biologique et l'ADN de son père.
Et ce n'est pas tout. Des percées scientifiques entrevoient aussi à l'horizon la possibilité de fabriquer du sperme et des ovules à partir de cellules souches d'un adulte. Il sera théoriquement possible à un couple homosexuel, deux hommes ou deux femmes, d'avoir son propre bébé génétique.
Dans le document que l'on vous a remis, je dis que nous devrions légiférer de nouveaux droits pour les enfants au moins sur deux plans. Le droit d'être conçu avec une hérédité biologique naturelle, c'est-à-dire des origines biologiques intactes et en particulier d'être conçu à partir du sperme naturel d'un homme adulte identifié — l'utilisation de chacun de ces mots étant bien pesée — et de l'ovule naturel d'une femme adulte identifiée. « Identifié » signifiant que l'enfant a le droit de savoir qui lui a donné la vie, qu'il doit connaître cette identité génétique. Des études ont commencé dans ce sens.
Pourquoi un donneur vivant? Parce qu'à mon sens, c'est contraire à l'éthique, et la complicité de la société devrait être interdite légalement, vu qu'elle fournit la technique de reproduction, de procréer un enfant qui, nous le savons, ne pourra jamais rencontrer l'un de ses parents ou les deux, surtout si le parent est déjà décédé. « Adulte » en raison de la possibilité aujourd'hui d'utiliser des gamètes de fœtus avortés et féconder un enfant dont le père ou la mère ne serait jamais né. À mon avis, le premier droit de l'enfant est de ne pas être conçu de parents déjà morts.
Connaître l'identité de ses parents biologiques constitue le deuxième droit et cela s'applique aux enfants issus de gamètes donnés et de l'insémination artificielle au moyen de dons de sperme ou aux enfants adoptés.
Il devrait être interdit à la société d'approuver ou de financer toute technique de reproduction non conforme aux droits de l'enfant, à ses droits d'avoir une hérédité biologique naturelle et de la connaître, et en particulier, de connaître ses parents biologiques.
En fait, des recherches récentes montrent que les enfants doivent avoir accès à une famille biologique qui ne se limite pas aux parents. Il me faut peut-être une permission avant de vous remettre un document de travail préparé par un psychologue de l'Université de Chicago qui pourrait vous intéresser. Il a étudié le processus selon lequel nous formons notre identité et trouvons un sens à la vie. Il suggère que nous le faisons par une identification à la fois positive et négative à ceux qui nous sont proches biologiquement. Nous voyons des caractéristiques qui nous plaisent chez notre famille biologique et essayons de les copier tandis que nous faisons en sorte de ne pas avoir celles qui nous déplaisent. C'est l'aspect positif de l'identification négative.
J'estime que toute procédure génétique qui porte atteinte à l'avenir d'un enfant ou d'une génération ou qui est contraire à ses intérêts est moralement inacceptable et devrait être prohibée. Tout ce que nous faisons aux enfants en matière d'identité biologique se répercute sur leurs descendants.
Je pense que l'hérédité biologique naturelle et la connaissance de ces origines biologiques sont des droits naturels que nous devons légiférer et respecter.
Le droit d'avoir des enfants n'inclut pas le droit d'avoir des enfants qui n'ont pas de droits naturels à l'identité biologique et à l'hérédité naturelle. La majorité des pays acceptent ce principe. L'Angleterre, l'Australie et les pays scandinaves font partie des pays qui n'autorisent pas le don de gamètes lorsque les donneurs refusent d'être identifiés. L'industrie liée à la procréation s'y oppose fermement de crainte d'un ralentissement de ses activités. Je crois, comme le dit la loi canadienne en vigueur — et j'espère qu'elle sera maintenue — que ce ne devrait pas être une transaction commerciale. Cependant, bien que la Loi sur la procréation assistée l'interdise, nous constatons qu'il y a encore de la publicité pour acheter des ovules donnés. Nous croyons savoir qu'il y a toujours des ventes en dépit de l'interdiction. Cette interdiction n'est pas une petite affaire vu que toute infraction mène, pour une poursuite par voie de mise en accusation, à une amende de 500 000 $ et un emprisonnement maximal de 10 ans. J'ai fait des recherches pendant deux ans dans ce domaine, ce pour un universitaire n'est pas un mince sujet; je pourrais donc en dire plus.
Finalement, permettez-moi de dire que bien que nos intentions étaient bonnes lorsque nous avons légalisé le mariage homosexuel, nous avons éliminé le droit de l'enfant à une mère et à un père. Un mariage entre conjoints de même sexe signifie que deux personnes ont le droit de fonder une famille, cela doit aussi signifier que les enfants n'ont pas les droits à avoir des parents biologiques. Nous devons y penser dans le cadre des droits de l'enfant. Je ne pense pas que nous l'ayons fait suffisamment quand nous avons promulgué cette loi, ce qui ne veut pas dire que nous ne l'aurions pas malgré tout promulguer. Quoi qu'il en soit, nous devrons légiférer ces droits supplémentaires pour les enfants car nous avons éliminé les droits qui leur étaient accordés automatiquement avec le mariage de leurs parents.
Elspeth Ross, Conseil d'adoption du Canada : Merci de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui au nom du Conseil d'adoption du Canada (CAC). C'est notre première comparution devant le comité.
Je fais de la recherche à titre bénévole pour le CAC, j'ai été directrice exécutive, coordonnatrice à l'information et membre du conseil d'administration. Je suis un parent adoptant d'enfants autochtones, qui ont atteint aujourd'hui l'âge adulte, et je suis aussi un grand-parent. J'ai travaillé en temps qu'éducatrice dans les domaines de l'adoption, de la permanence et des troubles causés par l'alcoolisation fœtale pendant plusieurs années, au niveau local, provincial et national.
Le CAC se préoccupe des droits d'un groupe d'enfants et de jeunes défavorisés et largement oubliés à tous les niveaux du gouvernement.
Ces enfants et ces jeunes sont renvoyés aux organismes de protection de l'enfance parce qu'ils sont victimes d'abus, de négligence ou d'éclatement de la famille et sont oubliés par un système mis en place pour les protéger. Leurs droits fondamentaux à une famille et à la culture sont oubliés dès qu'il sont « pris en charge ».
Nous nous préoccupons aussi du fait que les enfants adoptés à l'étranger n'aient pas le même droit automatique à la citoyenneté qu'ont les enfants de Canadiens vivant à l'étranger ou les enfants adoptés au pays; des enfants adoptés dont les parents adoptants n'ont pas de prestations de maternité équitables qui leur donneraient le temps nécessaire pour intégrer leurs enfants à leur famille; et des droits à connaître ses origines.
Le CAC a été fondé en 1989 et a été constitué en personne morale en 1991 en tant qu'organisme national sans but lucratif dont la mission est d'informer les Canadiens et les Canadiennes sur tous les aspects de l'adoption, de promouvoir le placement d'enfants en attente d'adoption dans des familles permanentes, de promouvoir la transparence et l'intégrité dans tous les aspects de l'adoption et d'œuvrer pour une réforme législative.
Le programme canadien des enfants en attente d'adoption cherche des familles pour les enfants en attente d'être placés dans une famille de manière permanente.
Aujourd'hui, la responsabilité du Canada dans la mise en application appropriée aux pays de la Convention relative aux droits de l'enfant est une préoccupation générale. L'adoption et la protection de l'enfant sont de la responsabilité des provinces; cependant, le document général publié il y a deux ans par le Comité des droits de l'enfant de l'ONU énonce au paragraphe 41 :
Le comité réitère que, en toutes circonstances, l'État qui a ratifié ou adhéré à la convention est responsable de la pleine application de la convention sur son territoire.
Le paragraphe se termine ainsi :
En outre, il doit y avoir des garanties assurant que la décentralisation ou le transfert des responsabilités n'entraîne pas de discrimination dans la jouissance des droits par les enfants de différentes régions.
Le Canada est décentralisé.
Il est évident que les enfants adoptés et leurs familles sont victimes de discrimination au niveau fédéral en raison de leur traitement inégal aux termes de la Loi sur la citoyenneté et du Code du travail.
En outre, étant donné que de nombreux services pour les enfants sont fournis par les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral invoque cet état de fait pour se dégager de toute responsabilité.
Aux termes de la Convention, le gouvernement fédéral a la responsabilité de s'assurer que certains services sont fournis aux citoyens les plus vulnérables du Canada. Premièrement, la permanence : les enfants ont besoin de famille et de la nécessité « d'une certaine continuité dans l'éducation de l'enfant », article 20 de la Convention.
Le Canada devrait se préoccuper du nombre élevé d'enfants dans le système de protection de l'enfance et pour les adolescents, cela signifie des foyers de groupe et pas des familles. Il y a 76 000 enfants pris en charge et plus de 22 000 le sont en permanence, l'État faisant fonction de parents.
Nous savons que plus de la moitié des enfants pris en charge sont autochtones. L'insécurité, issue des changements de foyers, se manifeste par des problèmes d'attachement, de santé mentale, d'itinérance, de maille à partir avec la justice et du problème de devenir un fardeau pour la société.
Des formes variées de placement permanent doivent être favorisées, élaborées et soutenues telles que l'adoption ouverte, la tutelle et le placement chez de la parenté.
Certaines provinces font de grands efforts pour trouver des foyers d'adoption pour les enfants, dont un grand nombre ont des besoins spéciaux, par exemple, la Colombie-Britannique, l'Alberta, le Nouveau-Brunswick et l'Ontario. Le Québec est en voie d'amender sa législation. Il y a, cependant, beaucoup plus d'adoptions d'enfants étrangers au Canada que d'adoptions d'enfants canadiens.
Le besoin de données et de recherche : le comité pourrait montrer la voie en promouvant la collecte des données et la recherche au Canada, surtout la recherche des résultats. L'Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes ne tient pas compte des enfants pris en charge et des enfants autochtones. Le rôle de l'adoption dans les services de bien-être de l'enfance est limité et cela se reflète par une insuffisance des recherches dans le domaine de l'adoption au Canada.
Les enfants autochtones : le rapport provisoire du comité ne mentionne l'adoption qu'en relation à la réserve ayant trait à l'article 21 de la Convention qui déclare que le Canada n'est pas tenu d'appliquer les dispositions relatives à l'adoption puisqu'elles ne sont pas conformes à la version des Autochtones concernant les soins coutumiers. Le document de 2003 du Comité des droits de l'enfant de l'ONU demandait la poursuite du dialogue avec les Autochtones en vue d'aboutir au retrait de la réservation. Nous avons accordé la priorité à cette question et commencé à planifier, en collaboration avec d'importants groupes autochtones, des façons d'entamer des « discussions difficiles ».
Nous souhaiterions que cela aboutisse à une table ronde nationale sur cette question. Des rencontres sont nécessaires pour trouver les moyens d'offrir aux enfants autochtones pris en charge une famille permanente, tout en s'assurant qu'ils ne perdent pas leurs liens avec la culture et la collectivité. Les discussions préliminaires semblent très positives, mais elles ne sont que préliminaires.
Dans mon rapport, je mentionne, à l'intention des sénateurs, des pratiques prometteuses. Le Conseil tribal de Yellowhead a un programme d'adoption en vertu du droit coutumier et place des enfants. Des cérémonies sont organisées pour accueillir les familles non autochtones qui ont adopté des enfants de la collectivité. Des conseillers culturels sont nommés auprès des familles. Des mesures législatives sur l'adoption en vertu du droit coutumier sont en vigueur dans les Territoires du Nord-Ouest et un processus dans ce sens est engagé en Colombie-Britannique. Cependant, les autres provinces et territoires doivent protéger les droits des enfants dans les adoptions en vertu du droit coutumier.
La citoyenneté et l'adoption : le rapport préliminaire du comité fait état de préoccupations concernant le droit à une identité et les moyens de faciliter l'acquisition de la citoyenneté pour les enfants étrangers adoptés par des Canadiens — article 7 de la convention. Je suis heureuse de dire qu'un projet de loi est présenté aujourd'hui, 15 mai, pour amender la Loi sur la citoyenneté (adoption). En vertu de la procédure actuelle sur l'immigration, les enfants adoptés à l'étranger ont le statut de résident permanent à leur entrée au Canada et les parents doivent faire la demande de citoyenneté pour leur enfant. C'est une procédure administrative qui peut durer des années. Le projet de loi ne vise pas seulement à faciliter l'adoption d'enfants étrangers, mais aussi à ce qu'ils aient les mêmes droits que les enfants naturels. Le projet de loi porte sur les droits à l'égalité, conformément à l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés et « le droit d'acquérir une nationalité » conformément à l'article 7 de la Convention. Cela doit s'appliquer aux enfants adoptés il y a longtemps et pour lesquels les parents n'ont pas fait de demande de citoyenneté et pour les enfants adoptés par des Canadiens vivant à l'étranger. Des Canadiens, adoptés à un très jeune âge, sont aujourd'hui menacés de déportation parce qu'ils ont été incarcérés. Certains risquent de devenir des apatrides.
L'adoption devrait être un processus irrévocable conférant à l'enfant adopté les mêmes droits que ceux de l'enfant naturel. La déportation serait alors une violation flagrante des droits de la personne. La Convention de la Haye sur la coopération en matière d'adoption internationale indique dans le préambule et dans quatre articles que l'enfant résidera de façon permanente dans le pays d'accueil. Dans sa revue mensuelle, le Service social international (ISS), dont le siège est à Genève, a signalé à une centaine de pays ce risque de déportation des enfants adoptés par des Canadiens. Des documents de la réunion spéciale sur la Convention de la Haye citent la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU demandant aux pays de s'assurer que l'enfant adopté à l'étranger « ait le bénéfice de garanties et de normes équivalant à celles existant en cas d'adoption nationale. » Nous espérons que le projet de loi présenté aujourd'hui et ses règlements résoudront cette importante question.
Assurance-emploi : les femmes qui accouchent et les femmes qui adoptent sont traitées différemment. Les familles adoptantes réclament depuis longtemps des congés parentaux et de prestations d'assurance-emploi similaires à celles des mères qui accouchent. Beaucoup d'enfants adoptés localement ou à l'étranger ont des besoins spéciaux. Ils ont besoin de tout le temps nécessaire pour s'adapter à leur nouvelle famille et à leur nouvel environnement.
Le droit de connaître : le Conseil d'adoption du Canada est également préoccupé de la remarque de 1003 du Comité des droits de l'enfant de l'ONU en voie d'adoption que la ratification de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale n'a pas été suivie par des mesures juridiques et appropriées dans toutes les provinces. Nous croyons fermement que « certaines provinces ne reconnaissent pas le droit de l'enfant adopté de connaître, dans la mesure du possible, ses parents biologiques » (article 7 de la convention).
Quatre provinces canadiennes ont ouvert leurs dossiers d'adoption, la Colombie-Britannique, l'Alberta, l'Ontario et Terre-Neuve-et-Labrador. L'adoption du projet de loi 183 en novembre 2005 sans veto concernant la divulgation était un triomphe. Tout comme pour les enfants adoptés, les droits des enfants nés par insémination artificielle par donneur sont enfreints quand ils n'ont pas accès à l'information sur leurs origines. Nous devrions utiliser les leçons tirées de l'adoption pour les nouvelles techniques de reproduction. Nous demandons au comité d'œuvrer pour modifier la Charte des droits et libertés afin d'y inclure les enfants. Cela permettra, nous l'espérons, de leur donner des droits aux ressources, aux services, aux données et à la recherche.
Le président : Nous avons entendu beaucoup de témoignages sur les enfants et leurs droits. La Dre Somerville et Mme Ross ont parlé toutes deux de façon différente des droits des enfants de connaître leurs parents.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous êtes l'historienne, mais j'étais surprise de vous entendre dire que les enfants avaient des droits avant que nous changions la Loi sur le mariage civil. J'ai toujours pensé que pour l'Église chrétienne occidentale le mariage et la procréation des enfants était reliés. En tout cas, je ne pense pas forcément aux droits des enfants; je ne pense même pas aux droits des épouses il y a 300 ou 500 ans, quand les enfants de sexe féminin avaient moins de droits que les enfants de sexe masculin. C'est donc un constat que je ne comprends pas. Je vous pose ma question. Que faire d'un continent comme l'Afrique où les habitants de si nombreux villages et villes n'ont pas de parents biologiques? Si l'on a besoin de parents biologiques pour avoir une identité, positive ou négative, que faire lorsque les parents biologiques ne cessent de disparaître?
Dre Somerville : En réponse à la première partie de votre question, on peut dire que la Déclaration universelle des droits de l'homme énonçait des droits de l'homme qui existaient déjà; elle n'instituait pas ces droits. Elle déclarait les droits universels qui sont, à notre sens, le fondement de l'humanité. Donc, on peut dire que les droits inhérents à cette déclaration existaient avant d'êtres inclus dans cet instrument juridique international. L'un de ces droits, dans l'article 23, est que les hommes et les femmes ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ce droit au mariage établit des droits réciproques entre les parents et les enfants. Il impose des obligations aux parents, comme le font nos lois sur le mariage aujourd'hui, et ils ne peuvent pas tout simplement abandonner leurs enfants. Sans vouloir entrer dans des détails techniques, les droits, dans l'analyse jurisprudentielle, entraînent toujours des devoirs et vice versa. Quand quelqu'un a un devoir, quelqu'un d'autre à un droit. Si les parents ont un devoir envers l'enfant, alors l'enfant a un droit envers ses parents. Le fondement de cette analyse se trouve dans la jurisprudence et est avancée par des théoriciens juridiques.
En ce qui concerne la deuxième partie de votre question, il y a toujours eu des enfants qui n'ont pas connu leurs parents biologiques et c'est pour cela que nous, comme nous venons de l'entendre, avons institué l'adoption. Auparavant, la norme, comme le montrait l'expression « parents naturels » dans toutes nos lois, était : le droit à une mère et un père, de connaître ses parents biologiques et, dans la mesure du possible, d'être élevé par eux. Cela n'est pas toujours possible. Les parents se séparent ou l'un d'eux meure, donc à titre d'exception à cette norme, quelles lois régissent le traitement de l'enfant? Dans nos sociétés, les tribunaux appliquent la loi — soit de respecter tout d'abord le principe de « l'intérêt supérieur » de l'enfant dans la situation exceptionnelle que représente l'adoption.
Toutefois, en éliminant les parents biologiques, la Loi sur le mariage civil a fait en sorte que deux personnes mariées quelles qu'elles soient deviennent la norme ou l'unité de base. Vous pouvez alors prétendre que cela, comme corollaire, a fait du droit d'avoir des parents biologiques, même de savoir qui ils étaient, davantage l'exception que la règle. Vous ne pouvez avoir deux règles contradictoires : une doit être la règle et l'autre, l'exception.
Si nous laissons le mariage tel qu'il est à l'heure actuelle — et je pense que nous devrions réfléchir sérieusement pour savoir si nous voulons vraiment faire cela et si nous voulons l'examiner à nouveau dans la perspective des droits de l'enfant —, alors, à tout le moins, vous avez besoin d'une nouvelle législation positive qui redonne ces droits aux enfants. C'est un principe en éthique que lorsque vous ne pouvez éviter de faire du tort, parce qu'il y a autre chose que vous devez faire, et que cette autre chose que vous estimez devoir faire fait du tort, alors vous devez agir du mieux que vous pouvez pour réduire le plus possible ce tort.
Je vous dirai, que du point de vue éthique, nous devons faire cela en permettant, comme ma collègue l'a dit ici, premièrement, le droit de connaître l'identité de ses parents biologiques et non pas simplement de l'information à leur sujet; et deuxièmement, peut-être le droit de les rencontrer ou d'être en mesure de communiquer avec eux, certainement si les deux parties sont d'accord; et troisièmement, et je pense que c'est extraordinairement important par rapport à cette nouvelle science à laquelle je suis confrontée, le droit d'avoir des origines humaines naturelles. Cela est extrêmement important. Dans le domaine appelé biologie synthétique qui, à l'heure actuelle, nous inquiète davantage dans le contexte du bioterrorisme que dans celui des enfants, on parle de fabriquer des organismes vivants en prenant des gènes comme point de départ. Nous sommes des êtres complexes qu'il faudra beaucoup de temps à concevoir, mais c'est le genre de choses qui s'annoncent pour l'avenir. Nous devons vraiment réfléchir à cette question.
Le sénateur Munson : J'aimerais garder les choses le plus simple possible. Je trouve certains de vos arguments assez complexes.
Dans la dernière phrase de votre exposé, vous parlez d'imaginer l'ampleur des dommages qui seraient causés à un enfant né, non de l'union d'un spermatozoïde et d'un ovule, mais plutôt de cellules sexuelles fabriquées par la biotechnologie.
Est-ce que c'est un danger? Est-ce que c'est quelque chose qui arrive ou qui pourrait arriver? Comment décririez- vous ce danger?
Dre Somerville : Nous avons eu ce genre de discussion auparavant dans différents contextes. Je ne pense pas que ce soit quelque chose qui soit à l'horizon à l'heure actuelle. Cependant, si vous pensez à ce qui n'était pas à l'horizon il y a 10 ans, ce qui est maintenant à la fois réalité et à l'horizon est étonnant. Ayant travaillé sur les questions éthiques et juridiques entourant les nouvelles techniques de reproduction, plus rien ne m'étonne.
Il y a un certain temps, une journaliste m'appelle. Elle était tout essoufflée au bout du fil. Elle a dit : « Vous ne croirez jamais ce qu'ils ont fait maintenant ». J'ai dit : « Oh, ils ont cloné un nourrisson ». Elle a répondu : « Non, non. C'est Starbucks, le célèbre taureau de reproduction qu'ils ont réussi à cloner ». J'étais soulagée de voir qu'il s'agissait uniquement de Starbucks. Cela vous donne une idée que cela est possible.
Dans notre nouvelle Loi sur la procréation assistée, nous avons, à juste titre, je pense, interdit expressément le clonage des embryons; c'est-à-dire, la fabrication d'un embryon à partir de l'ADN de personnes vivantes ou décédées. Au moment où la loi a été adoptée, ce qui remonte seulement à 2004, nous ne savions pas qu'il serait possible de créer des gamètes à partir des cellules souches. C'est quelque chose de relativement récent. La science progresse tellement rapidement que les gens ont beaucoup de mal à suivre, intellectuellement, s'ils ne travaillent pas dans ce domaine. Même les gens qui travaillent dans le domaine vous diront que les progrès sont tellement spectaculaires et tellement spécialisés qu'ils ont de la difficulté à garder leurs connaissances à jour dans leur propre sphère élargie.
Nous devons décider : que voulons-nous comme règle fondamentale concernant les origines biologiques des enfants, même si parfois nous pourrions autoriser une exception à cette règle — bien que je n'arrive pas à penser à quelque chose pour laquelle nous voudrions faire cela à l'heure actuelle? Laissez-moi formuler cela autrement — une présomption en faveur du naturel comme règle fondamentale que nous voulons adopter pour régir la procréation. Disons que nous croyons que les enfants ont le droit d'avoir une mère et un père, de savoir qui ils sont et d'avoir des origines biologiques naturelles. Après cela, s'il y a des cas exceptionnels, vous pourriez vouloir autoriser une exception, bien que je ne puisse imaginer ce qu'ils pourraient bien être. Voilà vraiment l'approche que je propose parce que notre science progresse si rapidement. Savez-vous à quoi cette approche ressemble? C'est comme le principe de précaution. Vous avez probablement entendu parler du principe de précaution dans le domaine de l'environnement. Ce principe dit que nous avions l'habitude d'aller de l'avant et de faire tout ce que nous voulions et ensuite, de dire : « Regardez ce que l'on a fait à l'environnement, tous ces dégâts. Parfois, ils sont irréparables ». Nous avons maintenant le principe de précaution qui dit que si vous voulez faire quelque chose qui pourrait nuire à l'environnement, vous devez montrer que c'est justifié avant que vous soyez autorisé à le faire. Voilà ce que je suggère ici. Revenons aux origines naturelles de la réalité peut-être la plus importante que nous ayons, à savoir la transmission de la vie humaine d'une génération à l'autre et disons : partons de la présomption fondamentale que nous utilisons ce qui est naturel. Après cela, si nous pouvons justifier des exceptions à cette présomption, soit. Par exemple, je pense que la fécondation in vitro utilisée de manière naturelle, avec une aide technologique, est acceptable. Je n'ai pas de problème avec l'idée que les bébés soient conçus à l'extérieur de l'utérus et qu'ils soient réintroduits dans l'utérus. Cependant, le danger qui nous guette, c'est de perdre cette présomption fondamentale.
Le sénateur Munson : Je sais que d'autres sénateurs ont des questions, mais j'ai une question pour Mme Ross du Conseil d'adoption du Canada. Étant donné l'augmentation des unions entre conjoints de même sexe et l'utilisation des techniques de reproduction, quelles modifications législatives recommanderiez-vous afin de protéger les droits des enfants? Vous avez parlé de la Charte des droits et libertés. Avez-vous des recommandations précises?
Mme Ross : De façon générale?
Le sénateur Munson : Oui. Vous avez parlé de la Charte des droits et libertés. Comment interpréteriez-vous les droits des enfants par le biais de la Charte? S'agirait-il simplement d'une nouvelle ligne dans la Charte?
Mme Ross : Un amendement quelconque qui s'appliquerait aux enfants serait utile.
La présidente : Je vous ai entendu dire que les enfants n'avaient pas de voix. Dans notre rapport provisoire, nous avons dit qu'ils n'étaient pas un intervenant que l'on entend.
Mme Ross : Oui. J'ai le sentiment que les enfants sont laissés pour compte. Nous avons pensé que quelque chose de précis dans la Charte aiderait à leur donner une certaine importance. Nous voyons souvent les besoins des adultes, les besoins des parents et les besoins du reste du monde, mais nous ne voyons pas les droits des enfants. Nous ne voyons pas de recherche pour les enfants. Ils ne parlent pas. Les jeunes enfants ne peuvent parler. C'est ce qui me préoccupe.
Dre Somerville : Je suis tout à fait d'accord avec ce que Mme Ross a dit et je pense que c'est important. Je ne proposerais pas de modifier la Charte. Je pense que cela serait extraordinairement difficile. Nous devons comprendre exactement ce que vous avez dit, à savoir que les enfants ne sont pas entendus, qu'ils n'ont pas de voix. La Charte dit « chacun », et « chacun » comprend les enfants. La Charte s'applique effectivement aux enfants; c'est simplement que, dans la pratique, ils ne peuvent revendiquer leurs droits protégés par la Charte. Chacun a des droits en vertu de la Charte, et ensuite, il y a l'exercice de ces droits. Les enfants ne sont pas en mesure d'exercer leurs propres droits. De plus, lorsque leurs droits sont en conflit avec ceux des adultes, ce sont les adultes qui gagnent.
Le sénateur Hubley : Je veux poser une question sur les ressources, et je la formulerai comme ceci : lorsque les enfants vivent avec leurs parents biologiques, ils ont leurs droits. Si la relation biologique ou si le mariage sont rompus — et peut-être qu'il y a un arrangement au sein de cette famille par lequel elle devient élargie et que de nouveaux membres sont admis —, il y a immédiatement eu des décisions qui ont été prises pour les enfants sans que ces derniers aient eu un mot à dire.
Il s'agit probablement du scénario le plus favorable, mais il pourrait arriver qu'un enfant soit placé pour l'adoption. Entre ces deux extrêmes, qu'existe-t-il en matière de services de consultation pour ces enfants? Sous quelle forme leurs droits sont-ils exprimés? Ou le sont-ils? Il se peut qu'ils ne le soient pas. Je pose la question.
De nos jours, si un événement traumatisant survient dans une école, on fait immédiatement appel à des psychologues et des groupes d'aide aux personnes traumatisées. Qu'est-ce qui est offert au cours d'une période qui serait passablement traumatisant pour des enfants qui doivent quitter ce qui leur appartenait et qui était la seule chose qu'ils ont connue? Les choses ont maintenant beaucoup changé, que nous le voulions ou non. Est-ce que nous envisageons des services ou de mettre en place des services pour ces enfants, aussi bien les tout petits que les plus vieux? Il y a des milliers d'enfants qui à l'heure actuelle n'ont ni mère, ni père, ni identification quelconque; c'est l'État.
Mme Ross : Les enfants devraient définitivement avoir un mot à dire dans l'obtention de services de consultation. Mon expérience, c'est que cette possibilité est offerte aux enfants, qu'il y a des travailleurs sociaux et des psychologues. Cependant, les gens doivent faire preuve d'une attitude proactive pour les trouver. Souvent, si les enfants sont en foyer d'accueil et qu'ils se déplacent d'un endroit à l'autre, ils peuvent ne pas avoir de représentant qui peut les aider à obtenir les services nécessaires. Ce n'est pas aussi facile que l'on pense, compte tenu des réductions budgétaires dans les services. Il existe des services, mais il est souvent difficile d'obtenir les bons. Je crois que les enfants ont définitivement besoin de services de consultation.
Les enfants plus âgés, les adolescents, peuvent vouloir être adoptés. Les gens âgés de 18 ans peuvent vouloir une famille permanente. Cependant, l'idée doit leur être proposée; il faut en parler de manière positive. De nombreuses choses négatives circulent au sujet de l'adoption. C'est un mot indécent. Cependant, les enfants de tous âges doivent avoir l'occasion d'en discuter. Il y a certainement de nombreux travailleurs sociaux et travailleuses sociales et d'autres agents qui pourraient offrir ce service, mais la question est de savoir s'ils sont toujours disponibles. Les ressources ont été réduites.
Le sénateur Hubley : Vous avez touché le point qui me préoccupe. C'est merveilleux d'avoir des services de consultation, mais il faut tout de même l'intervention d'un adulte, parce que l'enfant n'a pas le genre de voix et ne comprend probablement pas les sentiments, ou pourquoi il se sent ainsi, si tel est le cas. Ce n'est pas automatique, n'est- ce pas? Il ne s'agit pas de services automatiques accessibles à tous les enfants qui pourraient vivre ce genre de changement.
Mme Ross : L'adoption relève de l'administration provinciale; on compte 13 administrations. Nous ne savons pas tout ce qui arrive dans toutes les administrations. Rien n'est centralisé. Il faut espérer que c'est accessible. Étant donné la grandeur du pays et le manque de ressources, on peut se demander si la possibilité est même offerte à certains enfants. Les gens pensent souvent que les groupes de frères et de sœurs ne peuvent être adoptés, qu'il n'y a pas de familles qui prendraient les groupes de frères et de soeurs; pourtant, si les familles sont préparées et appuyées, elles pourraient facilement le faire, et les frères et soeurs pourraient continuer de vivre ensemble. L'expérience du Conseil d'adoption du Canada, c'est qu'il y a des familles qui peuvent, si elles sont appuyées, aider ces enfants, et les enfants, si la possibilité leur est présentée, pourraient l'accepter. Il est certain qu'il est nécessaire de travailler sur les services et les ressources.
Le sénateur Hubley : Puis-je vous demander de commenter rapidement la question des 76 000 enfants qui sont à la charge de l'État, dont 22 000 de façon permanente, dont l'État est un parent? Avons-nous besoin d'un programme de sensibilisation pour trouver davantage de familles?
Mme Ross : Absolument. Le Conseil d'adoption du Canada a mis sur pied le programme Enfants du Canada en attente, mais le conseil n'est pas financé par le gouvernement. Il a été financé jusqu'à récemment par l'intermédiaire de la Fondation Dave Thomas et par la chaîne de restaurants Wendy's, qui est un organisme américain. Il est malheureux que ce programme, qui cherche à favoriser le placement des enfants dans des foyers permanents, ne soit pas financé par le gouvernement. C'est un problème réel et le besoin est réel.
Le sénateur Hubley : C'est étonnant. Le gouvernement doit savoir combien il en coûte pour s'occuper d'un aussi grand nombre d'enfants. À quelque part, nous devrions faire mieux.
Mme Ross : Il devrait y avoir des ressources pour qu'un grand nombre de ces 76 000 enfants puissent retourner dans leur famille. Le mieux serait d'offrir des services de sorte que ces enfants puissent rester dans leur famille d'origine. Il y a souvent si peu de ressources dans la société.
Dre Somerville : Concernant cette question, on vient juste de réaliser une grande enquête aux États-Unis sur les enfants du divorce. Il existe un livre intitulé Between Two Worlds : The Inner Lives of Children of Divorce, rédigé par Elizabeth Marquardt, qui traite de toutes les questions que vous avez soulevées concernant les répercussions psychologiques.
Le sénateur Kinsella : Le Canada a ratifié la Convention ayant trait aux enfants en 1989. Il me faudrait vérifier, mais le travail sur cette convention a dû débuter de nombreuses années avant cela. Avez-vous réfléchi à la question de savoir si un paradigme qui date d'au moins 20 ans est un paradigme approprié pour traiter du genre de questions que vous avez soulevées devant le comité aujourd'hui? Cette convention a été rédigée dans un monde beaucoup moins connaissant en matière de bioéthique et de techniques de reproduction. Si nous essayons d'enfermer notre analyse dans un paradigme du début des années 80 — et je pense que le travail à l'ONU a débuté dans les années 70, sinon dans les années 60 —, nous pourrions avoir de la difficulté parce que la norme dont nous parlons n'est pas appropriée.
Je vais lier ce que je viens de dire au point qu'a soulevé Mme Ross lorsqu'elle a parlé, comme l'a fait le sénateur Munson, de l'idée que le Sénat devrait peut-être envisager un amendement constitutionnel à la Charte canadienne des droits et libertés pour y inclure le mot « enfants », même si modifier la Constitution est une tâche très intimidante.
L'application d'une particularité peut parfois devenir l'ennemi du principe général. Comme nous l'a signalé le sénateur Munson, l'article 15 dit que la loi ne fait exception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination. En effet, les motifs interdits énumérés, et qui s'ajoutent à ce que l'on trouve dans les premières lignes de l'article 15, comprennent les déficiences physiques, point qui a été ajouté uniquement parce que 1981 était l'Année internationale des personnes handicapées. C'était un centre d'intérêt.
J'aimerais savoir si vous avez réfléchi au modèle d'analyse des droits de la personne qui nous est imposé, parce que nous faisons en réalité une étude de la mise en application par le Canada du traité que nous avons signé en 1989.
Dre Somerville : Il est très approprié d'utiliser la Convention relative aux droits de l'enfant, parce que je pense qu'elle traduit sous une forme assez concise la somme de sagesse accumulée suite à des millénaires d'expérience humaine en ce qui concerne les parents et les enfants, à laquelle on a ajouté une sensibilité propre à la fin du XXe siècle dans l'articulation des droits de la personne et exprimant comment cela devrait être si nous pouvions toujours réaliser ce que nous voulons le plus réaliser en matière de droits de la personne.
Je vous inciterais fortement à ne pas abandonner ce que j'appellerai une sagesse ancienne apprêtée sous une forme moderne que nous avons eue à élaborer à cause de nos nouvelles technologies. Un des autres domaines dans lequel je travaille s'appelle le transhumanisme. Il s'agit d'un groupe, comptant certaines personnes très respectables, qui pense que nous nous dirigeons vers ce qu'ils appellent un avenir post-humain, que les humains sont devenus un modèle périmé du point de vue de la biologie et que dans l'avenir nous allons devenir des cyborgs, des hybrides entre l'homme et la machine, et qu'un jour, nous serons complètement remplacés. Rodney Brooks, chef du laboratoire d'intelligence artificielle du MIT a publié un nouveau livre intitulé Flesh and Machines. C'est loin d'être le dernier venu dans le domaine. Il prétend que dans l'avenir, les robots pourraient revendiquer des « droits de robot » qui l'emporteront sur les droits de la personne.
Je pense qu'il faut être prudents lorsque nous traitons de cette technologie. Les pouvoirs qu'elle nous confère sont sans précédent tant dans l'évolution de la vie que dans l'histoire de l'humanité. Les scientifiques nous disent aujourd'hui que les humains sont le résultat d'environ 850 millions d'années d'évolution. Jusqu'à il y a quatre ou cinq ans, voilà ce que nous étions et ce que nos enfants seraient et c'est ainsi que les choses se passaient. Maintenant, nous avons, entre nos mains collectives, un pouvoir sur la vie humaine elle-même, et il s'agit d'un pouvoir qu'aucun autre humain n'a eu auparavant. C'est tout à fait ahurissant.
Nous devons utiliser le principe de précaution. Nous devons retourner à la Convention relative aux droits de l'enfant et réclamer la sagesse qui s'est accumulée au cours des millénaires. Lorsque je la lis, voilà les principes que j'aimerais vous voir appliquer.
Le sénateur Kinsella : Y a-t-il un fondement quelconque dans le contre-argument de l'école du post-humanisme, selon lequel il faut un meilleur équilibre entre l'aspect biologique et l'aspect social?
Dre Somerville : Je n'ai pas été explicite ici. Lorsque je dis « biologique », il existe un nouveau domaine appelé épigénétique qui s'intéresse à l'effet des aspects biologiques, culturels et sociaux. En d'autres mots, nos gènes sont modifiés par nos expériences sociales et culturelles.
Par exemple, nous savons maintenant que si les jeunes rats ne font pas l'objet d'un toilettage au cours d'une période de temps courte critique, ils sont incapables de s'occuper de leur propre progéniture. Ils ont un gène qui doit être activé par le toilettage pratiqué par leur mère.
Le sénateur Kinsella : Toutefois, l'élément temps est déterminant pour le principe de l'épigénétique. Est-ce que le temps, dans l'espace réel, est déterminant pour les humains quel que soit leur stade de croissance? Y a-t-il une définition de « famille » ou de « relations enfants-parents » qui ne soit pas contextualisée dans l'ordre du temps?
J'ai toujours eu des difficultés, dans une perspective d'analyse des droits de la personne, à comprendre comment quelqu'un, vivant seul sur une île, peut dire : « C'est mon crayon ». Il n'y a personne là pour faire en sorte que cette proposition soit raisonnable.
Dre Somerville : Nous pourrions avoir une discussion philosophique sur cette question.
Le sénateur Kinsella : Est-ce déterminant que ces discussions philosophiques aient lieu pour que nous puissions comprendre tout le sens des nouveaux horizons qui, d'après ce que vous dites, sont en train d'être explorés, pour pouvoir parler des droits de la personne d'une manière raisonnable?
Dre Somerville : En d'autres mots, à moins que l'on mette les gens immédiatement en contexte, on ne peut pas dire si oui ou non ils ont des droits. C'est ce que je crois comprendre de votre question.
Le sénateur Kinsella : C'est une de mes questions.
Dre Somerville : Je ne suis pas d'accord pour dire que les droits n'existent que dans un contexte. C'est pourquoi je défends l'idée que ces droits ne vous sont pas conférés par une source extérieure. Ils font partie intégrante de vous. Il s'agit d'entités intrinsèques qui vous reviennent simplement du fait que vous êtes un être humain. Cependant, comme nous avons tous des droits de la personne, ces derniers exigent que vous interagissiez de certaines façons et vous interdisent d'interagir de certaines façons, à la fois avec les autres êtres humains et, je prétendrais, avec toute la vie et notre planète.
Voilà peut-être où nos avis divergent. Je vous presse d'adopter une présomption fondamentale en faveur du naturel, de travailler principalement à partir de cela et, ensuite, de voir quoi d'autre vous voulez changer à cause de cette nouvelle connaissance que nous avons, si cela est pertinent. C'est très différent de l'idée que nous avons une feuille blanche, que nous pouvons faire cela maintenant, alors pourquoi ne pas le faire. Si quelqu'un veut nous empêcher de le faire, c'est à eux qu'il incombe de nous démontrer pourquoi nous ne devrions pas le faire.
Il y a une nouvelle école de pensée sur les nouvelles techniques de reproduction qui vient du Texas. John Robertson, un professeur distingué, est l'un des principaux porte-parole de cette école qui est fondée sur ce que ses tenants appellent des droits absolus à l'autonomie de reproduction, ce qui veut dire que ce que je fais en termes de reproduction ne regarde que moi, ce n'est pas l'affaire des autres. Ce n'est certainement pas l'affaire de l'État ni un domaine qui devrait être légiféré.
C'est gens disent : « Eh bien, si vous voulez faire quelque chose qui est moitié humain, moitié machine ou si vous voulez vous cloner vous-mêmes, vous avez le droit de le faire. » Je suppose qu'ils interdiraient probablement quelque chose qui est trop extrême. C'est là l'autre présomption de départ. Je vous invite à la rejeter. Cet enracinement dans le naturel est extrêmement important pour les aspects biologiques et culturels futurs de la vie humaine et pour son respect, y compris la réalité juridique et éthique.
Nous devons prendre conscience que lorsque nous faisons ces déclarations, particulièrement au sujet des parents et des enfants et de leurs droits réciproques, nous traitons avec les valeurs les plus fondamentales sur lesquelles est fondée la société. Les humains ont toujours centré leurs valeurs les plus importantes autour des deux grands événements de la vie humaine — la naissance et la mort. Je dirais que ce n'est pas un hasard si nous sommes tous actuellement engagés dans un débat poussé autour des valeurs qui entourent la naissance, à la lumière de ces nouvelles technologies.
On a déjà présenté un projet de loi sur l'euthanasie à la Chambre des communes. Ce sont deux questions liées ensemble. Ce sont les deux piliers extrêmes qui sous-tendent les autres valeurs qui constituent l'ensemble fondamental de valeurs auxquelles nous adhérons pour former une société. Voilà ce que le Canada examine — sa base de valeurs communes la plus profonde.
Le sénateur Nancy Ruth : Je ne pense pas que le mot « chacun » figure quelque part dans la Charte. Elle dit que des droits sont conférés aux personnes des deux sexes, que les droits sont garantis, mais elle ne fait pas usage du mot « chacun ».
Dre Somerville : Dans l'article 7, la Charte dit : « Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité... »
Le sénateur Nancy Ruth : Elle peut dire cela, mais en termes d'égalité des droits dans l'article 28, le mot « chacun » n'est pas utilisé. Je n'ai pas de copie de la Charte ici.
Est-ce que la Loi sur la procréation assistée traite actuellement de faire des embryons avec deux ovules, deux spermatozoïdes, des cellules souches adultes ou de l'utilisation de matériel génétique foetal?
Dre Somerville : Non.
Le sénateur Nancy Ruth : Y a-t-il eu une discussion publique plus large sur ces techniques? Pourquoi exclure l'utilisation du matériel génétique provenant de foetus avortés, en laissant entendre que cela équivaudrait à manipuler le matériel biologique?
Dre Somerville : Une bande dessinée a paru récemment dans un journal montrant un jeune couple qui se rencontrait pour la première fois. Je pense qu'on parlait de rencontres expresses. La jeune femme dit au jeune homme : « En fait, ma mère était un foetus ». Toutes les femmes présentes ici avaient la totalité des ovules qu'elles ont eus durant toute leur vie lorsqu'elles étaient des foetus âgés de cinq mois. À partir de ce moment-là, le nombre de leurs ovules n'a fait que diminuer.
La préoccupation éthique, c'est que vous avez un enfant qui est né dont la mère n'est jamais née parce qu'elle a été avortée. Vous devez écouter la raison et d'autres façons dont les humains apprennent les choses.
Dans le domaine de l'éthique, nous parlons du facteur yark. C'est-à-dire, lorsque vous dites à quelqu'un quelque chose qui soulève des questions éthiques, elle répond : « yark ». Il s'agit d'une réaction morale intuitive. Lorsqu'on cherche à savoir pourquoi cette personne a eu cette réaction, on constate qu'il y a souvent un problème éthique profond qui n'a pas encore été conscientisé; à ce moment-là, ces personnes n'étaient pas en mesure de dire pourquoi elles avaient répondu : « yark ».
Il est mal de fabriquer un enfant dont la mère n'a pas eu l'occasion de naître.
Le sénateur Munson : Croyez-vous dans le concept de commissaire aux enfants? Le présent comité a répondu aux recommandations du Comité des droits de l'enfant de l'ONU et a proposé que le Parlement crée la fonction de commissaire aux enfants. Est-ce une bonne idée que d'avoir un commissaire aux enfants?
Mme Ross : Un commissaire indépendant serait une bonne idée. Il y a des protecteurs des enfants dans diverses provinces et ils ont été utiles. Un commissaire aux enfants serait excellent. Nous nous sommes souvent demandé à qui parler, à quel sénateur ou à quel député concerné et intéressé nous pourrions nous adresser pour différentes questions.
Le sénateur Munson : Où iraient les enfants autochtones?
Mme Ross : Ce sont également des enfants.
Le sénateur Munson : Oui, mais il y a des administrations différentes.
Cependant, en principe, vous êtes d'accord avec cette recommandation.
Mme Ross : Je suis certainement d'accord. J'espère qu'on donnera suite à cette idée.
La présidente : Je tiens à remercier la Dre Margaret Somerville et Mme Elspeth Ross qui nous ont parlé de la perspective des enfants.
Vous nous avez amenés beaucoup plus loin que nous l'avions prévu lorsque nous avons entrepris la présente étude : nous examinions la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant. Comme vous l'avez tous deux fait valoir, nous devons élargir la portée de notre travail pour examiner les enfants d'aujourd'hui et leurs besoins.
Vous avez souligné le fait que nous n'avons pas édicté de lois qui tiennent pleinement compte des enfants. Nous édictons souvent des lois à partir du point de vue des adultes. Vous nous avez rappelé cette réalité et de nombreuses autres choses que nous allons prendre en considération.
Merci de votre participation.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant attendre Mme Claudette Deschênes, vice-présidente, Agence des services frontaliers du Canada, et M. Brian Grant, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales, Citoyenneté et Immigration Canada. M. Grant présentera ses collègues.
Soyez les bienvenus au Comité sénatorial permanent des droits de la personne. Nous sommes intéressés de savoir comment la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant est prise en considération dans votre travail.
Vous avez la parole, madame Deschênes.
Claudette Deschênes, vice-présidente, Exécution de la loi, Agence des services frontaliers du Canada : Madame la présidente, au nom de l'Agence des services frontaliers du Canada, je suis ravie de comparaître devant ce comité pour discuter des questions concernant les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.
[Français]
Je me réjouis de pouvoir aider ce comité à mieux comprendre nos politiques sur la détention des mineurs et des mineurs non accompagnés qui arrivent à nos points d'entrée, ainsi que nos efforts déployés pour lutter contre la traite des enfants. Je répondrai avec plaisir à vos questions sur ce sujet.
[Traduction]
L'Agence des services frontaliers du Canada joue un rôle important dans l'effort du Canada pour lutter contre le trafic des personnes, surtout des femmes et des enfants. Nous sommes un membre actif du programme « Nos enfants disparus », qui a permis, depuis sa création, de réunir avec leur famille plus de 4 000 enfants disparus ou enlevés.
Les agents de l'ASFC sont pleinement sensibilisés à la question des enfants qui ont besoin de protection et accordent une attention particulière aux enfants à leur arrivée au Canada. Qu'ils arrivent seuls ou accompagnés, chaque fois qu'il y a des préoccupations au sujet du bien-être des enfants, de leur relation avec l'adulte qui les accompagne ou de la raison pour laquelle ils arrivent au Canada, il est obligatoire de leur faire passer un deuxième interrogatoire détaillé en matière d'immigration. Cet examen additionnel a pour seul objectif d'assurer la sécurité de l'enfant.
Les mineurs ne sont détenus qu'en dernier recours, en tenant compte de la disponibilité des solutions de rechange à la détention, de la durée prévue de la détention et du risque que le mineur demeure sous l'emprise des passeurs ou des trafiquants qui l'ont amené au Canada et du genre d'établissement de détention. La décision de détenir un enfant n'est jamais prise sans tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. Je serai heureuse de discuter en plus grands détails de nos efforts visant à lutter contre le trafic des enfants et de nos politiques sur la détention des mineurs une fois que M. Grant, de Citoyenneté et Immigration Canada, aura terminé son exposé.
Premièrement, j'aimerais parler de deux incidents qui sont survenus récemment à Toronto parce qu'ils ont fait l'objet de beaucoup d'attention de la part des médias. Je parle du renvoi de mineurs des écoles.
Je veux dire clairement que la politique de l'ASFC n'a jamais été de contacter systématiquement les écoles pour faciliter l'arrestation de parents d'enfants qui fréquentent l'école. Dans la pratique, les écoles ont parfois été contactées pour obtenir l'adresse de résidence d'une famille, faisant l'objet de mandats non exécutés, ou, à la demande du parent ou du tuteur, pour réunir la famille. Les deux exemples, l'obtention de l'adresse de résidence et la réunification d'une famille à la demande de la mère, sont survenus récemment et ont été traités dans les médias. Je peux confirmer qu'après révision de ces cas, l'ASFC a clarifié sa politique par écrit. Les agents ne doivent pas se rendre dans les écoles ou avoir accès à l'information scolaire dans le but de mettre en application la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, sauf dans des circonstances extraordinaires.
Dans ces circonstances extraordinaires, l'approbation doit être obtenue de l'administration centrale, de la direction générale de l'exécution de la loi que je dirige. Les agents de l'ASFC ne se rendront pas dans une école sauf dans les circonstances suivantes : à la demande du parent, du tuteur légal ou d'un représentant de l'école dans le but de réunir la famille, ou pour des raisons de sécurité nationale ou de grande criminalité, et même dans ces circonstances, il faut l'autorisation préalable d'un haut responsable de l'ASFC. Les agents de l'ASFC n'examineront pas les dossiers scolaires sauf pour des raisons de sécurité nationale ou de grande criminalité, et même dans ces circonstances, il faut l'autorisation préalable d'un haut responsable de ma direction générale.
L'ASFC prend très au sérieux les obligations internationales du Canada envers les enfants. Nous nous efforçons chaque jour d'assumer nos responsabilités en respectant l'intérêt supérieur de l'enfant dans nos décisions. Tout n'est pas toujours parfait, mais nous nous efforçons d'y arriver.
[Français]
Il me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.
[Traduction]
La présidente : Merci.
Monsieur Grant, vous avez la parole.
Brian Grant, directeur général, Relations internationales et intergouvernementales, Citoyenneté et Immigration Canada : Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis accompagné de deux de mes collègues du ministère. Il s'agit de Micheline Aucoin, directrice générale, Direction générale des réfugiés, CIC, et de Mark Davidson, directeur de la citoyenneté.
Comme je sais, à partir de vos travaux antérieurs, que vous avez des connaissances approfondies et spécialisées dans les dossiers relatifs aux enfants et sur les engagements internationaux du Canada à leur égard, je ne ferai qu'aborder brièvement certains points qui s'appuient sur vos questions antérieures et ont trait aux domaines de responsabilité de CIC.
Premièrement, j'ai le plaisir de vous informer que le ministre a déposé cet après-midi à la Chambre des communes des modifications à la Loi sur la citoyenneté en vue de faciliter l'attribution de la citoyenneté aux enfants adoptés à l'étranger par des parents canadiens. Le projet de loi permettra aux enfants adoptés à l'étranger par des citoyens canadiens d'obtenir la citoyenneté canadienne sans devoir en premier lieu devenir résidents permanents. Ainsi, il y aura moins d'écart entre le traitement réservé aux enfants adoptés à l'étranger et celui dont bénéficient les enfants nés à l'étranger d'un parent canadien.
Deuxièmement, CIC s'affaire à établir une politique exhaustive sur le réétablissement des enfants mineurs seuls. Au bout du compte, la politique dépendra de la présence de personnes pouvant devenir des parents adoptifs ou des tuteurs légaux et pouvant garantir la sécurité et la protection du mineur jusqu'à ce que celui-ci ait sa majorité.
Dans le cadre de cet effort, on a élaboré un protocole de tutelle pour les mineurs de fait et les mineurs parents par le sang en cours de réétablissement au Canada. Le protocole de tutelle établit des procédures en vertu desquelles il faut informer tout adulte ayant à sa charge un mineur de fait ou parent par le sang de l'importance d'obtenir la tutelle légale pour veiller au bien-être et à la protection du mineur jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de la majorité dans la province de résidence.
Le protocole précise qu'il faut consulter les mineurs et leur donner l'occasion d'exprimer leur point de vue sur les dispositions prises.
Troisièmement, pour faciliter la réunification rapide des réfugiés réétablis, le Programme de réétablissement des réfugiés et des personnes visées par des considérations humanitaires permet le traitement simultané de réfugiés membres d'une même famille résidant à des endroits différents.
En outre, depuis juin 2002, les personnes protégées au Canada peuvent obtenir la résidence permanente avant la fin de l'évaluation des personnes à charge à l'étranger. Une fois que la personne protégée est résidente permanente, les demandes des membres de sa famille sont traitées plus rapidement.
Quatrièmement, les membres du noyau familial, y compris les enfants à charge, sont traités en priorité afin d'accélérer leur réunification. Le délai de traitement standard du ministère pour ces cas est de six mois.
Cinquièmement, la loi reconnaît que l'intérêt supérieur de l'enfant est une considération de premier ordre, ce qui se traduit dans les politiques et les lignes directrices opérationnelles. Par exemple, en 2005, CIC a publié des lignes directrices améliorées sur la politique concernant le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, et les agents ont reçu de la formation sur ses lignes directrices.
Sixièmement, le ministère a mis la dernière main à des mesures qui permettront au Canada de mieux répondre aux besoins uniques de toutes les victimes du trafic de personnes, y compris les enfants. Ces mesures comprennent des lignes directrices qui aideront les agents d'immigration à délivrer des permis de séjour temporaire de courte durée aux victimes du trafic de personnes. De plus, elles dispensent les victimes des frais de traitement exigibles pour un permis de séjour temporaire et elles leur donnent accès au programme fédéral de santé intérimaire afin qu'elles reçoivent les soins médicaux dont elles ont besoin.
Finalement, je souligne le fait que les programmes d'établissements de CIC contiennent des éléments dont l'objectif est d'aider les enfants immigrants à s'adapter à la société canadienne. Notamment, le programme de cours de langue pour les immigrants au Canada (CLIC), qui fournit des cours de langue aux immigrants d'âge adulte, et l'initiative des cours de la langue de niveau avancé comprennent tous deux des dispositions concernant la garde d'enfants, qui fournissent un environnement sûr aux enfants pendant que leurs parents suivent la formation, un environnement qui peut même améliorer les compétences linguistiques des enfants.
En outre, pour faciliter l'adaptation des enfants immigrants et membres d'une minorité visible à la société et au système scolaire du Canada, l'initiative Travailleurs de l'établissement dans les écoles, un partenariat entre CIC et certaines commissions scolaires, relie les familles aux services d'établissement dans la communauté ce qui favorise la création de liens entre les parents, les étudiants, les écoles et la communauté.
Voilà qui met fin à ma déclaration. Évidemment, nous répondrons volontiers aux questions que vous voudrez bien nous poser.
Le sénateur Munson : Au sujet des modifications dont vous avez parlé, pourquoi ces enfants devaient-ils d'abord devenir résidents permanents? Quel était le problème? Vous avez dit que le projet de loi devait permettre aux enfants adoptés à l'étranger par des citoyens canadiens d'obtenir la citoyenneté canadienne sans devoir en premier lieu devenir résidents permanents. Y avait-il une échéance à respecter?
M. Davidson : Le projet de loi C-14 que le ministre a déposé cet après-midi à la Chambre des communes vise à permettre aux enfants adoptés à l'étranger par des citoyens canadiens de ne plus avoir à devenir d'abord des résidents permanents. Le projet de loi a pour objet d'atténuer le plus possible les distinctions sur le plan de la citoyenneté entre les enfants nés à l'étranger de parents canadiens et les enfants qui sont adoptés à l'étranger par des citoyens canadiens. On trouvait qu'il n'était pas raisonnable que les enfants adoptés à l'étranger aient une étape de plus à franchir avant de demander la citoyenneté après leur arrivée au Canada. Le projet de loi va faciliter les choses en leur permettant d'accéder directement à la citoyenneté.
Le sénateur Munson : Cette formalité a-t-elle empêché des familles d'adopter des enfants à l'étranger?
M. Davidson : Il y avait deux situations, et on pouvait penser qu'il y avait deux groupes d'enfants adoptés. Dans le premier cas, les enfants rentraient au Canada. Ils devaient d'abord se soumettre au processus d'immigration avant de demander la citoyenneté. Dans l'autre, on retrouve les enfants qui sont adoptés par des citoyens canadiens qui vivent à l'étranger et qui n'ont pas l'intention de rentrer au pays. Le processus d'immigration ne leur était pas accessible parce qu'il s'adresse seulement à ceux qui comptent revenir vivre au Canada de façon permanente.
Les citoyens canadiens qui vivent à l'étranger et adoptent un enfant doivent actuellement recourir à une mesure provisoire de la Loi sur la citoyenneté qui prévoit l'attribution discrétionnaire de la citoyenneté par le gouverneur en conseil. Je répète qu'on a jugé que ce mécanisme discrétionnaire établissait une distinction abusive entre les enfants adoptés et les enfants biologiques.
Le sénateur Munson : Sur une note plus personnelle, il a été difficile de dire à notre fils, né à l'étranger et aujourd'hui âgé de 21 ans, qu'il était un étranger chez nous pendant longtemps, parce que c'est ce que les documents montraient. De toute façon, nous avons réglé le problème.
Avez-vous des chiffres sur la traite des enfants au Canada? Est-ce un problème important?
M. Grant : Nous sommes évidemment très vigilants à ce sujet. Il y a eu des reportages dans les médias. Des cas ont été rapportés par des membres de la société civile. Nous assurons un suivi et nous demandons des précisions pour que CIC ou la GRC puisse intervenir. Jusqu'à maintenant, rien ne prouve qu'il y ait des cas de trafic d'enfants au Canada.
Le sénateur Munson : Il n'y a aucune preuve à ce sujet?
M. Grant : Non. Nous restons vigilants toutefois, comme je l'ai dit.
La présidente : Il n'y a eu aucun cas de traite d'enfants?
M. Grant : Nous n'avons aucune preuve à ce sujet. Nous avons demandé des précisions pour donner suite à des signalements non vérifiés, et aucun renseignement ne nous a été fourni.
La présidente : Est-ce que des enfants non accompagnés sont entrés au Canada au cours de la dernière année? Je ne sais pas de quelle période vous parlez, et je vais donc vous poser la question pour la dernière année. Vous dites qu'il n'y a pas eu de traite d'enfants au cours de la dernière année. Y a-t-il eu des enfants qui sont entrés au Canada non accompagnés.
Mme Deschênes : Il n'y en a pas beaucoup. Ceux qui arrivent à un point d'entrée viennent habituellement rejoindre leur famille au Canada. Ce n'est pas du trafic pour nous. Oui, il y a des enfants accompagnés ou non qui voyagent avec un passeport qui n'est pas le leur, mais c'est dans le but de rejoindre leur famille dont certains membres sont déjà au Canada. Pour nous, ce n'est pas du trafic.
La présidente : Nous avons entendu dire ici, et j'en ai entendu parler ailleurs, qu'il y a des problèmes quand de jeunes femmes de 17 ans — qui sont des enfants jusqu'à l'âge de 18 ans selon la convention relative aux droits de l'enfant — ne sont pas traitées comme des enfants de 10 ou 12 ans. Faites-vous une distinction selon l'âge ou le sexe?
Micheline Aucoin, directrice générale, Direction générale des réfugiés, Citoyenneté et Immigration Canada : CIC ou l'ASFC n'en fait pas parce que, pour nous, l'âge limite est 18 ans et nos agents à la frontière ou dans les bureaux locaux sont donc formés pour recevoir et interroger des enfants. Selon la définition, ils le sont jusqu'à 18 ans.
Maintenant, quand ils relèvent non plus de CIC ou de l'ASFC, mais plutôt des lois sur la protection de la jeunesse ou l'aide à l'enfance qui sont de compétence provinciale, les limites d'âge sont différentes selon les provinces. Elles varient de 16 à 19 ans.
Mme Deschênes : J'ajouterais, étant donné que j'ai deux filles de 15 et 18 ans qui ont parfois l'air d'en avoir 25, qu'il peut y avoir des problèmes aux points d'entrée pour les jeunes de 17 ans. Je vais admettre avec vous que les agents peuvent parfois penser qu'il ne s'agit pas de mineurs. Évidemment, on peut poser certaines questions pour chercher à déterminer si on a affaire à un jeune de 17 ans ou à un adulte qui prétend être mineur. Nous veillons à ce que nos employés soient conscients du fait que les doutes qu'ils peuvent avoir ne sont pas des certitudes, et qu'ils doivent présumer que la personne a 17 ans et l'interroger comme s'il s'agissait d'un mineur.
Le sénateur Kinsella : Comment chacune de vos organisations définit-elle la « traite des personnes »?
M. Grant : Nous appliquons la définition qui se trouve dans la convention contre la criminalité transnationale organisée.
Le sénateur Kinsella : Et quelle est-elle?
M. Grant : Je ne l'ai pas avec moi.
Le sénateur Kinsella : Expliquez-nous-la dans vos propres mots. De quoi s'agit-il?
M. Grant : Il s'agit des personnes à qui on fait traverser des frontières et qui sont exploitées.
Le sénateur Kinsella : Dites-vous au comité qu'il n'y a pas de cas de cette nature au Canada, d'après vous?
M. Grant : Nous n'avons aucune preuve qu'il y a des cas de traite d'enfants.
Le sénateur Kinsella : Il n'y a aucune personne âgée de moins de 18 ans qui entre au Canada pour des fins de traite de personnes?
M. Grant : Je vous ai dit que nous n'avions aucune preuve nous permettant d'assurer le suivi de cas de ce genre.
Le sénateur Kinsella : Qui a la responsabilité de s'occuper de ces cas, s'ils existaient?
M. Grant : Ce serait les agents chargés de faire appliquer la loi.
Le sénateur Kinsella : La GRC?
M. Grant : La GRC et l'ASFC aux points d'entrée.
Le sénateur Kinsella : J'ai posé la question parce que vous êtes ici. Le Sénat a réussi l'an dernier à faire adopter un projet de loi facilitant la réintégration des enfants qui ont perdu leur citoyenneté il y a un certain nombre d'années. A-t- on pris les moyens pour faciliter le traitement des demandes de ceux qui ont demandé leur citoyenneté canadienne?
M. Davidson : Sénateur, vous faites référence au projet de loi S-2, qui a été adopté par le Parlement le printemps dernier et qui modifiait l'article 11 de la Loi sur la citoyenneté pour permettre aux personnes qui avaient perdu leur citoyenneté dans leur enfance, en vertu de l'ancienne loi de 1947, de récupérer leur citoyenneté.
Ces personnes ont pu présenter une demande depuis que le projet de loi a reçu la sanction royale le printemps dernier. Nous savons qu'il y a environ 90 demandes qui ont été reçues depuis. Elles sont en cours de traitement. Une nouvelle trousse de demande est maintenant offerte — sur notre site Web — à ceux qui en ont besoin. Nous avons effectivement traité et accueilli des demandes depuis que le projet de loi a reçu la sanction royale.
Le sénateur Dallaire : J'ai quelques questions d'ordre technique à poser au sujet des incidents survenus à Toronto qui ont fait l'objet de reportages dans les médias. Vous avez dit que le personnel n'irait pas dans les écoles à moins de circonstances exceptionnelles. Dans les deux cas rapportés, le personnel s'est adressé au directeur pour obtenir des renseignements, sans entrer en contact avec les étudiants, n'est-ce pas?
Mme Deschênes : C'est exact dans les deux cas. Dans le premier cas, nous détenions la mère. Elle a demandé que nous allions chercher ses enfants, et c'est ce que nous avons fait avec l'aide du directeur. Dans le deuxième cas, nous sommes allés demander une adresse au directeur, et il est maintenant clair que nous ne le referons plus.
Le sénateur Dallaire : Je pense aux circonstances exceptionnelles qui pourraient se reproduire. Le personnel était-il en uniforme ou habillé en civil?
Mme Deschênes : Je ne le sais pas. En cas de circonstances exceptionnelles, nous suivons le même protocole que les policiers qui se rendent dans une école à la recherche de quelqu'un. Nous demandons aux autorités d'aller chercher l'enfant et de l'amener chez le directeur. Par exemple, si une question de sécurité nationale nous obligeait à repérer les enfants ou les parents par l'entremise des enfants, nous procéderions de cette façon. Les agents restent discrets et essaient de ne pas se faire remarquer. Même avant que des précisions ne soient apportées à la politique — qui avait rarement été appliquée — nous tenions à ce que les gens sachent que ce n'était pas la pratique courante.
Le sénateur Dallaire : La situation actuelle est exceptionnelle. Depuis les attentats du 11 septembre, la façon de contenir la menace suscite beaucoup de panique. On a porté atteinte à nos libertés civiles et fait abstraction de conventions de longue date. Je dirais qu'on s'en prend à la limite aux droits de la personne en Amérique du Nord, en particulier sur le plan de la sécurité nationale. La menace ne disparaît pas, et le terme « sécurité nationale » est employé beaucoup plus souvent qu'il ne l'était durant la guerre froide, ce qui est assez intéressant.
Pour revenir à ce qui nous occupe, j'ai du mal à comprendre qu'on passe par les enfants pour arrêter les parents pour des questions de sécurité nationale et, en particulier, qu'on se rende à l'école. Rechercher les enfants chez eux dans la communauté est une chose. Le mot se passe, et s'il y a un endroit où on doit développer un sentiment de sécurité et assurer la protection contre le taxage, le vol et le vandalisme, c'est bien l'école. Dans certains cas, c'est le seul endroit où les enfants se sentent en sécurité parce que leurs maisons ne sont pas protégées.
Je n'arrive pas à imaginer que des forces de l'ordre puissent venir chercher des enfants à l'école chez nous. On le fait dans des pays en développement, pour recruter des enfants soldats par la force. Je ne vois pas comment on peut même songer à faire cela dans nos écoles.
Mme Deschênes : Sénateur, l'ASFC est tout à fait d'accord avec vous. Quand on établit une politique, cependant, il faut prévoir des exceptions. Dans ces cas, les agents se présenteraient à l'administration centrale et se serait probablement moi qui prendrais la décision. J'ai connu beaucoup de situations mettant en cause la sécurité nationale au cours des cinq dernières années, et je peux vous dire que nous ne prévoyons pas appliquer cette disposition. Je crois qu'il n'aurait pas été honnête de notre part de ne pas envisager cette possibilité en cas de besoin.
Le sénateur Dallaire : Je conclurai simplement en disant que je serais dans le camp adverse. J'ai l'habitude d'envisager les pires scénarios, mais je dirais que ce n'est pas une façon de bien faire appliquer la politique. On n'aurait jamais dû envisager la possibilité d'aller dans les écoles, pour des raisons de sécurité nationale, et ce sont les cas d'exception qui font tout échouer, pas les cas ordinaires. Je pense que vous êtes peut-être allé trop loin dans ce cas.
Au sujet de la détention, maintenant, quelle formation les agents reçoivent-ils pour transiger avec les enfants et quelles sont les conditions de détention? Concrètement. J'imagine qu'ils ne sont pas incarcérés, mais il y a des gens qui ont été détenus dans le port, à Québec, par exemple, ce qui n'est pas nécessairement très agréable. Quelle est la formation et comment précisément les enfants sont-ils traités?
Mme Deschênes : Je dirais qu'on enseigne d'abord aux agents que la détention est le dernier ressort, et nous insistons là-dessus. Nous n'avons pas de statistiques décrivant chaque cas, mais les enfants sont détenus la plupart du temps avec leurs parents. Soit qu'ils sont arrivés tous ensemble, soit qu'ils sont sur le point de tous quitter le Canada. Nous pensons évidemment à ne pas séparer les familles. La plupart des enfants sont détenus moins de six jours, ce qui est court. Dans la grande majorité des cas si ce n'est pas dans tous les cas, ils sont détenus dans des centres d'immigration. Oui, il est vrai que ce ne sont pas nécessairement des installations très confortables, mais nous essayons de les détenir dans un milieu qui soit le plus agréable possible. Il est très rare que des mineurs soient détenus.
[Français]
Le sénateur Dallaire : L'agence offre-t-elle une formation spécifique parce qu'il s'agit d'un enfant ou tout cela fait partie de la procédure normale?
Mme Deschênes : À notre avis, on devrait toujours penser à l'intérêt des enfants. L'agence revoit actuellement tout le volet formation et veut s'assurer que tous ont bien compris leurs responsabilités d'exécution de la loi et leurs responsabilités internationales quant aux droits humains. Je ne dirais pas que nous sommes tous parfaits, mais c'est quelque chose que l'on considère aux ports d'entrée.
Le sénateur Dallaire : Vous révisez les procédures présentement en vigueur. Est-ce que vous le faites aussi dans les cas d'enfants vivant des traumatismes dans de telles conditions?
Mme Deschênes : C'est exact.
Le sénateur Dallaire : Concernant le statut de réfugié, y a-t-il des enfants provenant de pays qui sont en conflit?
Mme Aucoin : Oui, mais les statistiques ne sont pas exactes. Par exemple, il existe des statistiques sur les requérants principaux âgés de moins de 18 ans, sauf que dans la grande majorité des cas, l'enfant est accompagné de ses parents.
Le système est assez complexe. Par exemple, si les parents ont une certaine nationalité mais que l'enfant a une autre nationalité, leur statut de réfugié sera contre différents pays et automatiquement, l'enfant se trouve à faire une demande comme requérant principal.
Selon les statistiques que l'on a sur les requérants principaux étant des enfants, la grande majorité qui arrivent sont accompagnés de leurs parents ou d'un gardien légal. Sinon, ils sont avec d'autres membres de la famille. Cela étant dit, nous avons quand même un groupe très restreint d'enfants de moins de 18 ans qui arrivent non accompagnés et qui font une demande de statut de réfugié.
Le sénateur Dallaire : Dans ce cas-là, est-ce il y a de la formation, une procédure particulière pour ces enfants qui sont déjà probablement traumatisés?
Mme Aucoin : Oui, les agents de CIC ou de CBSC, aux ports d'entrée, ont une formation sur la manière d'interviewer ces enfants. Les techniques d'entrevue ne sont pas exactement les mêmes que pour les adultes, les enfants voient les choses d'une autre façon. Donc, oui, ils sont formés pour cela.
Ensuite, quand ils passent par la détermination du statut de réfugié, autrement dit par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la CISR, celle-ci doit nommer quelqu'un pour aider l'enfant à faire cette détermination.
Le sénateur Dallaire : Ils choisissent une personne?
Mme Aucoin : Oui. Après nous, je crois que vous entendrez Paul Aterman de la CISR ; il pourra vous donner des détails là-dessus.
[Traduction]
Le sénateur Munson : Vous m'amenez à poser quelques autres questions. Vous ne pouvez pas nous dire combien d'enfants sont détenus dans des centres aujourd'hui, avec ou sans leur famille?
Mme Deschênes : Ce que j'ai voulu dire c'est qu'il est difficile d'évaluer d'après les statistiques le délai de traitement et les détails de chaque cas. Je peux vous dire, par exemple, qu'en avril dernier, 10 mineurs ont été détenus dans l'ensemble du pays. Neuf d'entre eux étaient accompagnés et l'un ne l'était pas.
L'an dernier, en 2005-2006, il y a eu 715 mineurs détenus. Encore ici, je ne peux pas vous dire pendant combien de temps mais, pour la grande majorité d'entre eux, plus de 70 p. 100, la détention a duré moins de six jours. Sur ce nombre, 620 étaient accompagnés et 95 ne l'étaient pas.
Le sénateur Munson : Avons-nous des centres de détention à l'étranger?
Mme Deschênes : Non. De plus, la grande majorité des mineurs détenus — 555 sur 715 — l'ont été en Ontario, et probablement dans la région du Grand Toronto.
Le sénateur Munson : Je m'intéresse à la formation dont vous avez parlé. Offre-on des cours et du counselling? Y a-t- il des activités récréatives à l'intention de ces personnes? Comment cela fonctionne-t-il? Je crois comprendre qu'il y a eu des critiques à ce sujet.
Mme Deschênes : Si les enfants vont être détenus plus de six ou sept jours, nous allons leur offrir des possibilités d'apprentissage. Certes, les agents sont formés pour s'occuper des enfants. Nous nous préoccupons plus particulièrement des mineurs non accompagnés parce que, quand ils sont accompagnés, c'est probablement à leurs parents que nous nous intéressons et ce sont eux qui s'occupent des enfants.
Les agents apprennent que les enfants peuvent répondre aux questions de façon différente; qu'ils ne peuvent pas employer des mots compliqués ni les expliquer, qu'il faut respecter les enfants parce qu'ils peuvent déjà se sentir très vulnérables. Nous donnons beaucoup de formation.
Nous cherchons à faire en sorte, depuis la création de l'ASFC, que les programmes de CIC font partie de la formation donnée aux agents, afin qu'ils comprennent bien leurs responsabilités.
La présidente : Je voudrais vous poser quelques questions supplémentaires. J'aimerais savoir ce que vous entendez par « centre de détention ». Est-ce un endroit où l'on garde des gens? Vous dites que les enfants sont parfois gardés en détention avec leurs parents. S'ils ne sont pas accompagnés de leurs parents, est-ce qu'ils sont détenus avec d'autres adultes, ou uniquement avec des enfants?
Mme Deschênes : Nous essayons de séparer les enfants des adultes, mais ce n'est pas toujours possible. Les centres de surveillance de l'immigration ne sont pas vraiment des endroits d'où l'on peut entrer ou sortir librement. Il y a un garde de sécurité à l'entrée et les portes sont verrouillées. Toutefois, on peut marcher autour du centre — comme c'est le cas à Montréal et à Toronto, par exemple.
La présidente : Donc, ce ne sont pas des installations hôtelières, comme on l'a laissé entendre?
Mme Deschênes : À Toronto, le centre est assimilé à un hôtel. À Laval, il s'agit d'un centre de détention en bonne et due forme, mais on peut se déplacer autour de celui-ci.
La présidente : Vous dites que vous essayez de séparer les enfants des adultes, mais que ce n'est pas toujours possible.
Mme Deschênes : Encore une fois, certaines personnes sont placées en détention parce que leur vol arrive tard la nuit et qu'il n'y a pas d'agent pour les accueillir. Il faudrait que l'enfant soit détenu pendant 3, 4 ou 5 heures, jusqu'à 3 heures du matin, par exemple, aux fins de contrôle. Dans ces cas-là, les personnes sont placées en détention et ramenées le lendemain matin.
Dans le cas d'un mineur non accompagné, nous communiquons habituellement avec les services sociaux de la province, mais cela ne fonctionne pas toujours.
La présidente : Les statistiques que vous avez citées visent les enfants que l'Agence garde en détention, non pas les enfants qui sont pris en charge par la province — les immigrants ou réfugiés. Ils peuvent également être placés en détention à ce moment-là, n'est-ce pas?
Mme Deschênes : Je ne sais pas si je peux répondre à la question. Je dois me renseigner.
La présidente : Vous nous avez dit ce que vous entendez par « sécurité nationale ». Je suppose que vous employez les définitions utilisées aux fins du système de sécurité nationale. Vous avez parlé des enfants qui sont gardés en détention dans des circonstances extraordinaires, pour des raisons de sécurité nationale et de grande criminalité. Que voulez-vous dire par cela?
Mme Deschênes : Dans les deux cas, nous utilisons les définitions qui figurent dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. La « sécurité nationale » englobe habituellement les actes terroristes, et la « grande criminalité », les activités criminelles organisées. Encore une fois, l'Agence n'interviendrait que dans des cas extrêmes. Je présume que s'il y avait atteinte à la sécurité nationale, elle ferait appel à la GRC et au SCRS, qui pourraient l'aider à retrouver les parents.
Le sénateur Kinsella : J'aimerais savoir qui tient légalement lieu de parent quand les enfants sont placés en détention.
Mme Deschênes : Que voulez-vous dire au juste?
Le sénateur Kinsella : Je vous donne un exemple. Supposons qu'un enfant placé en détention a besoin d'une intervention médicale. À qui va-t-on demander l'autorisation? À l'adulte qui l'accompagne, ou au ministère?
Mme Deschênes : Lorsque l'enfant est placé en détention avec un parent, c'est le parent qui prend la décision.
Le sénateur Kinsella : Y a-t-il des cas où l'enfant n'est pas placé en détention avec un parent?
Mme Deschênes : Seulement s'il est seul, à l'arrivée. Un enfant ne serait jamais séparé d'un parent qui arrive en même temps que lui, ou que l'on cherche à renvoyer. On ne placerait jamais un enfant en détention pour des raisons mineures. On essaierait toujours de le remettre en liberté, puisque c'est l'intérêt supérieur de l'enfant qui prime. Dans la plupart des cas, l'enfant est placé en détention parce que les parents veulent le garder avec eux et non le confier à quelqu'un d'autre, à l'extérieur.
Le sénateur Kinsella : Donc, de manière générale, le parent est toujours responsable de l'enfant?
Mme Deschênes : Oui.
Le sénateur Nancy Ruth : Je voudrais revenir aux commentaires du sénateur Dallaire concernant la formation des agents et le traitement accordé aux enfants réfugiés.
Cette question est liée au genre. Est-ce que les agents sont sensibilisés aux problèmes qui touchent particulièrement les enfants de sexe féminin? Je songe au viol, aux agressions sexuelles, à la mutilation génitale, ainsi de suite. Ensuite, et je crois comprendre que le pourcentage est plutôt faible, mais parmi les enfants qui demandent le statut de réfugié, y a- t-il un écart, selon le genre, entre ceux qui sont acceptés et ceux qui ne le sont pas?
Mme Aucoin : Il m'est impossible de répondre à la deuxième question. M. Aterman, du CISR, connaît peut-être la réponse. Sinon, nous pouvons vous fournir les statistiques.
Pour ce qui est de votre première question, les agents qui sont appelés à interroger les enfants et les adultes reçoivent une formation sur les questions liées au genre et les questions culturelles.
Nous devons parfois composer avec des personnes qui ont subi un sérieux traumatisme et qui ont besoin de soins spécialisés. Dans ce cas-là, les agents de l'ASFC, aux points d'entrée, ou le bureau local de CIC vont renvoyer les enfants, les mineurs non accompagnés, aux services de protection de l'enfance appropriés de la province.
Le sénateur Peterson : Vous avez dit que vous pouvez intervenir dans les écoles dans des circonstances extraordinaires. Comment cette décision serait-elle prise, et qui autoriserait l'intervention?
Mme Deschênes : Lorsqu'un parent nous demande d'aller chercher les enfants à l'école, nous le faisons. Nous emmenons le parent avec nous. S'il y a atteinte à la sécurité nationale ou si des activités criminelles organisées sont soupçonnées, la demande est acheminée à l'administration centrale, où un agent prend la décision d'intervenir en se rendant sur les renseignements fournis. Pour l'instant, il n'y a pas beaucoup d'exceptions qui nous autoriseraient à poser un tel geste. Toutefois, nous avons jugé nécessaire, sur le plan stratégique, de garder cette option ouverte.
Le sénateur Hubley : Monsieur Grant, j'aimerais savoir ce que vous entendez par « personnes protégées »? Faites- vous allusion aux mineurs? Au début de la page 5 de votre exposé, vous dites que « les personnes protégées au Canada peuvent obtenir la résidence permanente avant la fin... » Qui sont les personnes qui entrent dans cette catégorie?
Mme Aucoin : Il y a deux groupes. Le programme de rétablissement des réfugiés comprend les réfugiés sélectionnés à l'étranger qui s'installent au Canada. Parfois, ils vivent tous ensemble dans un camp de réfugiés, par exemple, en tant qu'unité familiale. Dans ces cas-là, la réunification des familles est relativement simple. Les demandes des membres de la famille sont traitées simultanément, et la famille arrive au Canada en tant que groupe.
Parfois, les personnes sont séparées. Les membres d'une même famille peuvent se retrouver dans des camps différents. Comme nous ne voulons pas réinstaller une partie seulement de la famille, nous traitons les demandes des membres de la famille qui vivent dans des endroits différents, et parfois dans des pays différents. Ils ne voyageront pas nécessairement ensemble, mais nous essayons de traiter leurs demandes en même temps.
Dans certains cas, les familles qui se retrouvent dans un camp de réfugiés ne savent pas où se trouvent les autres membres de celle-ci. Elles ont peut-être quitté leur pays rapidement et ne savent pas où sont les autres. Lorsque la famille arrive au Canada, et que nous ne savons pas où se trouvent les autres membres de celle-ci mais que nous arrivons à les identifier, nous avons un an pour les trouver. Si nous arrivons à les trouver à l'intérieur de ce délai, leurs demandes sont traitées et ces personnes peuvent entrer au Canada sans difficultés.
Les « personnes protégées » sont les personnes qui s'installent au Canada et qui revendiquent le statut de réfugié ici. Dans le passé, les personnes qui présentaient une demande de résidence permanente et qui voulaient inclure dans celle- ci des membres de la famille se trouvant à l'étranger ne pouvaient obtenir leur résidence permanente tant que les demandes de tous les membres de la famille n'avaient été traitées. Les règles ont changé en 2002.
La présidente : Notre temps est écoulé. Je remercie tous les témoins d'être venus nous rencontrer.
Nous aurons d'autres questions à poser au fur et à mesure que nous avançons dans notre étude. J'invite les sénateurs qui n'ont pas eu l'occasion d'intervenir lors du deuxième tour de poser leurs questions, car les réponses seront fournies par écrit.
Je vais en poser une tout de suite. La définition de « parent » n'a jamais été abordée. Il y a de plus en plus de parents, dans le monde, qui se séparent, ce qui fait que nous nous retrouvons avec des unités et des structures familiales différentes. Ma question s'adresse aux deux groupes de témoins : comment pouvons-nous nous assurer que la personne est effectivement le parent de l'enfant? Et comment pouvons-nous nous assurer qu'il s'agit effectivement du conjoint qui a la garde de l'enfant?
Je vous demanderais de répondre à ces questions par écrit.
Nous allons maintenant entendre le troisième groupe de témoins. Je souhaite la bienvenue à M. Paul Aterman, de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, et à M. Stephen Wallace, à M. Michael Montgomery et à Mme Amy Baker, de l'Agence canadienne de développement international.
Paul Aterman, directeur général des Opérations, Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada : Merci, madame la présidente. J'aimerais donner au comité un aperçu du travail de la Commission et expliquer comment nous faisons notre travail lorsque des enfants sont en cause. Je tiens à préciser que nous avons pour objectif de veiller à ce que le cas de chaque enfant qui se présente devant la Commission soit traité avec équité, célérité et sensibilité. La Commission est le plus grand tribunal administratif indépendant du Canada. Au cours d'une année, elle rend entre 40 000 et 60 000 décisions quasi judiciaires qui concernent des droits humains fondamentaux, comme les droits à la sécurité, à l'unité familiale et à la liberté.
La Commission se compose de trois sections, la plus importante étant la Section de la protection des réfugiés, qui effectue environ 80 p. 100 du travail. Elle a pour mandat de statuer sur les demandes d'asile présentées par des personnes qui sont déjà au Canada. Il y a ensuite la Section de l'immigration, qui tient des enquêtes au sujet de personnes qui seraient interdites de territoire au Canada ou qui pourraient en être renvoyées. La Section tient également des contrôles des motifs de détention des personnes détenues aux termes de la Loi sur l'immigration. Il y a enfin la Section d'appel de l'immigration, qui entend des appels de refus de demandes de parrainage, des appels de mesures de renvoi interjetés par des résidents permanents et des appels concernant la perte du statut de résident permanent. Voilà pour le champ de compétences de la CISR.
[Français]
À titre de tribunal administratif, la commission s'emploie à rendre la justice d'une façon simple, rapide et équitable. La majorité des gens qui se présentent ne connaissent pas les institutions canadiennes. Ils ont peut-être une connaissance limitée de nos langues officielles et nous sommes chargés de rendre des décisions qui pourraient avoir des répercussions très importantes sur leur vie. Nous nous efforçons de rendre nos procédures accessibles de manière à ce que les gens qui se présentent devant nous, avec ou sans avocats, puissent comprendre notre processus. Nous accordons une attention particulière aux personnes vulnérables qui comparaissent devant nous notamment, aux enfants.
[Traduction]
Les questions qui touchent les enfants sont soulevées de différentes façons. L'enfant peut être un demandeur d'asile devant la Section de la protection des réfugiés. Dans la grande majorité des cas, il est accompagné d'un adulte. Assez rarement, il est seul. Les enfants non accompagnés constituent toujours un sujet de préoccupation pour nous. Je vais vous en parler sous peu.
La Section de l'immigration peut devoir déterminer si un enfant est admissible au Canada et s'il doit en être renvoyé. Elle tient également des contrôles des motifs de détention qui visent les enfants. Il arrive parfois que les enfants ne soient pas accompagnés d'un adulte. Toutefois, tout comme dans le cas des enfants qui se présentent devant la Section de la protection des réfugiés, la majorité d'entre eux le sont.
Les enfants comparaissent rarement à titre de partie devant la Section d'appel de l'immigration. Toutefois, les décisions que rend la Section peuvent agir sur leur intérêt. Par exemple, la séparation des parents constitue souvent un problème dans les cas de parrainage de membres de la famille. L'intérêt des enfants est engagé même si les parents sont parties à la procédure. Il en va de même lorsqu'un parent risque d'être renvoyé du Canada, malgré que les enfants, eux, ne soient pas parties à la procédure.
Passons maintenant aux obligations internationales du Canada concernant les enfants. La Commission remplit ces obligations de deux façons. L'une traite des questions de procédure, et l'autre, des questions de fond. Les « questions de procédure » s'entendent de la manière dont nous gérons les cas touchant les enfants. Les « questions de fond » s'entendent de la manière dont les cas qui touchent les enfants sont tranchés. Il est important de faire la distinction entre les deux. Dans certains cas, la Commission n'a pas le droit de gérer le cas différemment tout simplement parce que des enfants sont visés. Toutefois, elle peut trancher le cas différemment, parce que justement des enfants sont visés.
Pour ce qui est des questions de procédure, comme les autres témoins vous l'ont brièvement expliqué, lorsque des enfants comparaissent devant la Commission, un représentant désigné doit être nommé parce qu'un enfant ne peut se représenter lui-même. La Commission nomme un représentant désigné. Dans la grande majorité des cas, c'est un parent qui est nommé. Toutefois, lorsque l'enfant n'est pas accompagné ou qu'il ne convient pas que le parent agisse à titre de représentant, la Commission nomme un représentant indépendant, habituellement un avocat ou un travailleur social.
Le représentant désigné doit défendre l'intérêt supérieur de l'enfant dans le cadre des procédures de la Commission. Il ne peut s'occuper d'autres questions qui peuvent toucher l'enfant, comme le logement ou ses besoins en éducation. Il peut uniquement aider l'enfant lors des procédures. Tel est le rôle du représentant désigné.
Je voudrais maintenant vous parler de la mise au rôle des causes touchant les enfants.
[Français]
Lorsqu'un enfant est non accompagné, son cas est considéré comme prioritaire quant à la mise au rôle. Nous voulons diminuer l'anxiété qu'un enfant est susceptible d'éprouver lorsqu'il attend qu'une décision relative à son cas soit prise.
En ce qui concerne la tenue des audiences, les décideurs reçoivent une formation afin de traiter les enfants avec sensibilité. On s'attend, notamment, à ce qu'ils expliquent la procédure à l'enfant qui fait l'objet de l'audience, qu'ils l'interrogent de manière à ne pas l'intimider, et qu'ils soupèsent les éléments de preuve présentés par un enfant de façon à tenir compte des difficultés qu'il peut avoir à témoigner.
En ce qui concerne les instruments de politique, l'approche à l'égard de ces questions de procédure est définie dans les directives sur les enfants qui revendiquent le statut de réfugié.
[Traduction]
Je pense que le comité a reçu une copie de ces directives. Vous voudrez peut-être les examiner.
[Français]
D'autres instruments de politique de la commission traitent également de questions de procédure en rapport avec les enfants. Par exemple, en ce qui concerne les audiences par vidéoconférence, on favorise une approche où l'on n'inclut pas les cas de mineurs non accompagnés, parce que cette procédure ne convient pas à ce type de cas.
[Traduction]
Passons maintenant aux questions de fond. L'expression « statut de réfugié » est définie dans les instruments internationaux, dont la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et la Convention contre la torture. Le Canada a également incorporé la notion de « personne protégée » dans la définition. Qu'il s'agisse du droit canadien ou du droit international, les critères sont les mêmes pour les adultes et pour les enfants. Autrement dit, il n'y a pas de critères de fond différents qui servent à déterminer si vous êtes un réfugié ou non. Cela dit, comme je l'ai déjà mentionné, les cas sont traités différemment, et les éléments de preuve sont évalués de manière différente, s'ils touchent des enfants.
Concernant les questions de fond qui visent les enfants placés en détention, la Section de l'immigration s'inspire à cet égard des dispositions de la loi. Or, la loi est très claire : la détention d'un mineur ne doit être qu'une mesure de dernier recours. Les décideurs de la Section de l'immigration s'efforcent, dans la mesure du possible, d'adopter une solution de rechange à la détention. Ils tiennent compte, par exemple, des conditions en vertu desquelles un enfant est détenu. Ce sont là des facteurs qui pèsent sur leur décision. Dans certains cas, les décideurs peuvent juger que, malheureusement, il est dans l'intérêt supérieur de l'enfant de garder celui-ci en détention, si sa remise en liberté l'expose à des risques encore plus grands. C'est une question que doit trancher la Section de l'immigration.
Enfin, pour ce qui est de la Section d'appel de l'immigration, les enfants qui comparaissent devant elle ne sont pas parties aux appels. Toutefois, il arrive souvent que les décideurs tiennent compte de l'intérêt supérieur de l'enfant dans leurs décisions. Lorsque la famille est séparée, l'intérêt supérieur de l'enfant peut être pris en compte par les décideurs quand vient le temps de déterminer si une personne peut être admise au Canada dans le cadre d'une demande de parrainage. Parallèlement, l'intérêt supérieur de l'enfant est également pris en compte quand vient le temps de déterminer si un parent doit être envoyé ou non du Canada.
En ce qui a trait à la formation, nous veillons à ce que les décideurs des trois sections reçoivent une formation initiale sur l'application du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant. Ils ont droit à une formation de trois semaines qui met l'accent, entre autres, sur les instruments internationaux, y compris la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.
La formation initiale porte surtout sur les questions de procédure, car c'est dans ce domaine que la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant influe de façon plus directe sur le travail de la Commission. Les décideurs reçoivent une formation sur la façon d'interroger les enfants et de tenir des audiences avec ceux-ci, de même que sur la désignation des représentants. Ils sont également informés des décisions que rendent les tribunaux et qui influent sur l'intérêt de l'enfant.
Voilà en bref comment la commission traite les enfants et s'acquitte de nos obligations internationales.
Stephen Wallace, vice-président, Direction générale des politiques, Agence canadienne de dévelopement international : C'est un plaisir de vous rencontrer, et je vous remercie de m'en avoir offert l'occasion. J'aimerais vous présenter M. Montgomery, notre analyste principal des Droits des enfants, qui m'accompagne ce soir.
[Français]
Nous avons préparé quelques notes qui vous seront distribuées.
[Traduction]
Les notes portent sur trois questions : tout d'abord, notre feuille de route dans le domaine, ensuite, de quelle façon nous abordons les programmes pour traiter des droits des enfants et, enfin, ce que nous prévoyons à mesure que nous allons de l'avant. Je vais donc faire mes observations en trois parties.
Pour ce qui est de la première partie, depuis le tout début, nous avons beaucoup fait en tant que pays dans le domaine des droits des enfants, en ce sens que nous avons contribué à l'adoption de la convention et coparrainé le Premier sommet mondial pour les enfants de 1990. Le Canada a de la sorte fixé un programme selon moi important. Puis, en l'an 2000, nous avons fait oeuvre de pionnier avec la tenue à Winnipeg, en 1990, de la conférence sur les enfants touchés par la guerre, qui avait engagé la participation de plusieurs ministères. L'ACDI et les Affaires extérieures en avaient été les coparrains. L'assemblée spéciale des Nations Unies de 2002 a porté sur les enfants touchés par la guerre, les enfants autochtones et la participation des enfants aux conflits. La résolution numéro 1612 qui en a résulté a rallongé la longue liste des réalisations canadiennes dans le domaine. Ce qui nous amène au présent.
Ma deuxième observation concerne la façon dont nous abordons les programmes. J'aimerais commencer par vous brosser un tableau de la situation.
[Français]
Nous savons que les enfants font partie de la plus grande catégorie de pauvres dans les pays en voie de développement.
[Traduction]
Quarante pour cent presque des enfants des pays en développement vivent au sein de familles gagnant moins de 1 $ par jour. Le lien entre la pauvreté et les droits des enfants est bien établi. La pauvreté nie aux enfants leurs droits de la personne à une étape névralgique de leur développement. C'est là en partie l'orientation qu'adopte l'ACDI. Le respect des droits des enfants, y compris de faire en sorte qu'ils peuvent exprimer leurs vues, est nécessaire pour réduire la pauvreté de manière durable.
Les filles et les garçons de moins de 18 ans n'ont peut-être pas le droit de voter. On ne leur accorde peut-être pas, non plus, la possibilité de faire connaître leurs préoccupations. Ils font peut-être partie des membres les plus maltraités et exploités de leurs sociétés. Pourtant, comme nous le constatons dans de nombreux pays en développement, des enfants dirigent déjà la maisonnée et font leur apport économique. Ils s'occupent des plus jeunes et sont même déjà parents. Du point de vue du développement, les enfants ont le pouvoir de perpétuer les cycles de la pauvreté et de la violence. Avec notre aide, ils ont aussi le pouvoir de briser ces cycles et de bâtir un avenir meilleur.
C'est à travers cette lunette que l'ACDI voit les droits des enfants et qu'elle cherche à intégrer l'engagement pris par le Canada à l'égard des droits des enfants dans tous ses secteurs d'activité. Elle s'est concentrée sur les objectifs de développement du Millénaire, huit objectifs quantifiables, ciblés et nets en matière de pauvreté et de développement durable. Six de ces huit objectifs portent directement sur la condition des enfants. Qu'il s'agisse de santé, d'éducation ou de pauvreté, les droits des enfants sont en jeu. En effet, à l'ACDI, les droits des enfants ne sont pas vus comme étant un point central, mais plutôt comme un domaine dont il faut tenir compte dans tout projet de gouvernance, de santé, d'éducation, d'environnement, de développement de l'entreprise privée, voire de lutte au VIH/sida. Nous voyons l'égalité des sexes comme un élément qui recoupe tous ces secteurs de telle façon que nous pouvons y intégrer les droits des femmes et des hommes, y compris des garçons et des filles. Chaque secteur s'efforce d'améliorer la vie des enfants et d'appuyer cette amélioration sur une base durable.
[Français]
Prenons le cas de la santé, par exemple. Nous savons qu'à chaque année, 10 millions d'enfants meurent de malnutrition, ce qu'il serait facile d'arrêter. À chaque jour, 1 400 filles et femmes meurent de causes relatives à la santé maternelle.
[Traduction]
Quand nous travaillons dans le domaine de la santé maternelle, par exemple — et au cours des dernières années, nous y avons investi plus de 50 millions de dollars —, nous croyons que cette aide est axée sur le droit de l'enfant de vivre, de survivre, de se développer et d'avoir des normes de santé qui donnent de l'espoir aux générations futures.
Il en va de même en éducation. Actuellement, 130 millions d'enfants ne reçoivent pas d'instruction. Au cours des quatre dernières années, nous avons quadruplé les dépenses engagées dans l'éducation des enfants et dans la réduction de l'écart entre les garçons et les filles. Il reste encore beaucoup à faire avant qu'ils aient tous accès à une instruction de base obligatoire et de qualité, mais c'est un domaine qui met directement en jeu les droits des enfants.
Nous avons aussi appris que le travail que nous avons fait dans différents domaines n'atteint pas les 180 millions d'enfants forcés d'accomplir les pires formes de travail, les 13 millions d'enfants déplacés, les 15 millions d'orphelins du sida et les 2 millions de filles qui, chaque année, aboutissent sur le marché du sexe. Au cours des dernières années, nous avons élaboré un Plan d'action pour la protection des enfants visant à offrir de l'aide ciblée dans les secteurs difficiles à rejoindre et engageant les pires formes de souffrances et de traitements. Je crois que nous avons engagé au cours des cinq dernières années à ce seul titre 170 millions de dollars environ — et ce n'est pas fini — pour établir des programmes visant à protéger les enfants.
Dans la mise en place de ce programme particulier ciblant les enfants marginalisés, nous nous sommes penchés, par exemple, sur certaines formes de travail des enfants. Avec l'appui de l'honorable sénateur Dalllaire, en sa capacité de conseiller spécial, nous avons examiné la question des enfants touchés par la guerre. Nous avons aussi traité avec un certain nombre d'institutions de divers pays afin de les appuyer dans leurs efforts en vue de stopper la traite des enfants.
Ce sont là quelques éléments d'un programme de protection des enfants qui est différent de ce qu'on voit habituellement dans différents secteurs, d'un programme dans le cadre duquel on essaie d'intégrer les préoccupations relatives aux enfants.
Le plan d'action comprenait aussi un fonds de recherche de 2 millions de dollars pour assumer un leadership éclairé concernant de nouvelles problématiques et pour essayer de défendre des causes et d'exercer de l'influence à l'égard de certains problèmes qu'il faudra régler plus tard.
Nous avons passé en revue, à l'interne, le travail de notre organisation en vue de renforcer notre capacité d'intégrer et de promouvoir avec efficacité un programme de protection des enfants.
[Français]
Nous regardons aussi vers l'avenir. Nous travaillons sur cinq ou six points en ce moment. L'un d'eux est de renforcer l'approche des droits de la personne à l'égard des enfants et leur protection. Nous savons que les enfants sont des acteurs puissants de développement. Nous considérons des moyens additionnels pour faciliter leur libération et pouvoir équiper ces enfants pour jouer ce rôle très important.
Par ailleurs, nous regardons la question institutionnelle et légale par rapport à la capacité des gouvernements — et aussi de la société civile — de mettre en œuvre des engagements envers des conventions, de leurs propres enfants et de leurs propres citoyens.
[Traduction]
Nous sommes en train d'examiner la question de la recherche et du dialogue en matière d'orientation, les genres de lois, de politiques et de règlements qui peuvent influer de manière sytémique sur les droits des enfants. À notre avis, il reste beaucoup à faire au-delà des projets et des programmes destinés aux enfants et il faut étudier les changements systémiques du point de vue de la politique en se basant, comme je l'ai dit tout à l'heure, sur les constatations issues de notre recherche en matière de protection des enfants pour éclairer les programmes futurs.
Nous nous sommes aventurés au cours des cinq dernières années dans des domaines dans lesquels l'ACDI, en tant qu'organisme, n'avait jamais travaillé. Notre programme de recherche semble servir de base pour énoncer ce qui pourrait devenir un autre programme d'avenir pour nous. Durant les prochaines semaines, nous réunirons des jeunes et des chercheurs des quatre coins de la planète à l'Université d'Ottawa pour faire le point sur ces projets de recherche.
[Français]
Et essayer de créer un momentum, un peu de travail additionnel, ici, sur le plan de la protection des enfants.
[Traduction]
L'ACDI s'est engagée à rehausser le rôle joué par le Canada dans la lutte contre la pauvreté partout dans le monde et, de ce fait, à continuer de se concentrer sur les enfants en tant qu'éléments critiques. Leur courage, leur expérience de vie, leur créativité et leur capacité de changer le monde qui les entoure peuvent transformer les attitudes et les comportements et faire un apport utile et permanent au développement.
Voilà le genre de programme que nous tenions à vous décrire brièvement. Avec l'aide de M. Montgomery, nous pourrons répondre à vos questions et vous l'expliquer davantage.
Le sénateur Munson : On nous a remis deux rapports intéressants. J'ai remarqué que vous aviez parlé de la traite des enfants, alors que la question ne figure pas dans le texte que vous aviez préparé. Nous avons effectivement posé des questions à ce sujet aux porte-parole de l'Agence des services frontaliers du Canada. Notre comité a l'impression qu'il se fait de la traite d'enfants, peut-être même au Canada. Pourtant, si l'on en croit le témoignage précédent, rien ne l'indique. Voilà que vous en parlez.
Dans le cadre de votre travail, avez-vous obtenu des preuves que le phénomène est réel?
M. Wallace : Pour ce qui est des statistiques, je cède la parole à M. Montgomery. Il y a des preuves, surtout dans le sud-ouest asiatique.
Michael Montgomery, analyste principal des droits des enfants, Agence candienne de développement international : Je crois que nous avons mentionné le phénomène en rapport avec des pays en déeloppement. Il faut savoir de quels pays on parle. Pour ce qui est de la traite d'enfants au Canada, il se peut qu'il n'y en ait pas beaucoup de preuves, mais nous avons certes la preuve qu'il se fait de la traite aux frontières de certains pays où nous sommes actifs. Nous pouvons vous fournir des exemples de la façon dont certains pays tentent d'y mettre fin, au besoin.
Je répète que la preuve d'une traite des enfants au Canada même est plus ténue.
M. Alterman : Il en est question occasionnellement dans des dossiers dont est saisie la commission, mais c'est presque accessoire à la question au sujet de laquelle elle doit se prononcer. En règle générale, la question n'est pas soulevée par la personne en cause, dans le cadre de sa demande du statut de réfugié. Il existe quelques cas où la traite est devenue un problème. Vous vous rappellerez par exemple les navires au large de la côte de la Colombie-Britannique qui arrivaient de Chine avec, à leur bord, des personnes qui ont demandé le statut de réfugié. Certaines étaient parfois des mineurs qui n'étaient pas accompagnés d'un adulte. Il a semblé à la commission que ces enfants étaient débarqués au Canada en vue de les faire travailler plus tard. Ce ne fut pas la base sur laquelle la demande a été étudiée, mais c'est une question qui a fait surface dans la preuve présentée.
Il en est question occasionnellement, mais accessoirement. Dans l'ensemble, la commission n'est pas tenue d'en tenir compte puisque cela ne fait pas partie de la preuve. Il est donc difficile pour nous de quantifier le phénomène.
L'autre problème, c'est qu'il arrive que des enfants fassent l'objet d'une traite et qu'on les fasse entrer clandestinement. Les deux situations ne sont pas forcément identiques. Parfois, leurs parents ont peut-être consenti à leur entrée clandestine, mais il ne faudrait pas en conclure qu'ils font l'objet d'une traite. Il est difficile de savoir au juste ce qu'il en est.
Le sénateur Munson : C'est vous qui en avez parlé. Chaque fois que j'entends de pareilles choses, je frémis. En tant que journaliste, j'ai travaillé à l'étranger et vu beaucoup de pauvreté. En ce qui concerne l'état de santé, par exemple, chaque année plus de dix millions d'enfants meurent. C'est aberrant. Vous avez parlé du nombre de filles et de femmes qui meurent en couches.
On peut lire dans votre document que l'ACDI dépense 54 millions de dollars. D'après les normes d'autres pays, est- ce beaucoup pour régler ce genre de problèmes ou n'est-ce qu'une goutte dans l'océan? Où nous situons-nous au juste par rapport aux autres?
M. Wallace : Nous avons investi proportionnellement plus dans la santé que dans tout autre secteur. L'an dernier, nos dépenses en matière de santé représentaient plus du quart de notre enveloppe, qui est d'un peu moins de 3 milliards de dollars. Quand il est question des 54 millions de dollars, ils vont en réalité à un programme ciblé relatif à la santé maternelle. Toutefois, notre effort en matière de santé est plus important maintenant qu'il ne l'a jamais été pour plusieurs raisons liées en particulier aux maladies infectieuses, mais également à notre reconnaissance du lien qui existe entre la santé et les autres impacts développementaux.
Par rapport aux autres, le Canada fait une contribution importante. En termes absolus, nous parlons d'une partie de l'aide globale du Canada qui doit être située par rapport aux autres donateurs.
J'ajouterais seulement que ces données qui, en fait, sont incontestables et affligeantes peuvent aussi être inversées si l'on y met l'effort voulu. Ce sont des morts inutiles au sujet desquelles on peut agir directement.
Le sénateur Munson : Vous avez mentionné, dans un paragraphe, que vous offriez aussi de la formation en matière de droits des enfants au personnel de l'ACDI et à des organismes partenaires.
De quel genre de modèle vous inspirez-vous? Quel genre de formation faut-il pour que le personnel puisse se mettre à la place des enfants?
M. Montgomery : L'ACDI offre de la formation sur les droits des enfants depuis cinq ans. Le cours, donné en français et en anglais, dure deux jours. Il a lieu deux fois par année. Nous ciblons les agents de l'ACDI ainsi que ceux de nos partenaires.
Quant au modèle, nous travaillons de près avec l'UNICEF. Il est évidemment question de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant, après quoi nous examinons de quoi pourrait avoir l'air une approche à l'établissement de programmes axée sur les droits. Quand les agents examinent les propositions de programme, ils peuvent décrire en termes très explicites les problèmes soulevés par les droits de l'enfant.
Plutôt que de voir les enfants comme des victimes, nous les considérons comme des participants actifs. On sollicite en réalité leur opinion au sujet des services qui les touchent. Ainsi, ils pourraient s'exprimer au sujet du travail juvénile, de l'éducation ou de la santé.
Le sénateur Nancy Ruth : J`ai une autre question en matière de santé. Mon intérêt commence tout juste à s'éveiller. Qu'arrive-t-il dans des pays comme l'Afrique du Sud où, dans 20 ou 25 ans, les gens mourront à 35 ans en laissant des orphelins?
Qu'arrive-t-il à la démocratie dans une société où il n'existe pas de juge formé parce qu'ils sont tous morts prématurément et que dire du racisme dans des pays où il y a moins de Blancs séropositifs? A-t-on réfléchi au rôle que pourrait jouer le Canada pour y appuyer la démocratie?
M. Wallace : J'ai vécu pendant deux ans au Lesotho, en Afrique australe, un des pays peut-être les plus touchés au monde. L'espérance de vie là-bas est maintenant de 40 ans.
J'aurais deux choses à dire. Tout d'abord, nous n'avons jamais vécu de pareille situation jusqu'ici. Je ne crois pas que nous ayons déjà été témoins d'un effet démographique comme celui qu'ont le VIH et le sida sur la société. À de nombreux égards, nous ignorons ce que l'avenir nous réserve.
Ensuite, particulièrement en Afrique du Sud, certains travaux remarquables ont été menés en ce qui concerne les médicaments antirétroviraux et pour créer des milieux où règne la prévention et où les personnes infectées par le VIH peuvent recevoir du soutien et des soins. En fait, nous commençons à voir des sociétés se recomposer, redevenir entières. Ce n'est pas une condamnation à mort.
L'initiative lancée par l'Organisation mondiale de la santé sous l'appellation « 3 by 5 » — le traitement d'ici 2005 de 3 millions de personnes des pays en développement au moyen d'antirétroviraux — a démarré en Afrique du Sud. L'OMS a fait du bon travail. On peut en constater certains effets, on peut faire de la prévention, prodiguer des soins, donner des traitements et du soutien pour faciliter le fonctionnement de la collectivité.
Nous avons aussi vu des ONG canadiennes faire de l'excellent travail auprès des enfants. Elles tentent, comme l'a affirmé M. Montgomery, d'intégrer les enfants à la solution, plutôt que de les considérer comme une partie du problème, dans la lutte au VIH/sida.
Dans plusieurs pays africains, y compris en Afrique du Sud, on observe des signes encourageants qui permettent d'espérer un revirement de la situation, mais nous n'avons pas encore réussi à la maîtriser. Nous n'avons pas encore déployé pleinement cette initiative. Selon moi, nous savons maintenant ce qu'il faut faire.
Le sénateur Hubley : Dans un rapport rendu public en 2005, Global Campaign for Education souligne que le Canada se classe au septième rang des pays riches qui contribuent à financer l'instruction de base dans les pays en développement. L'organisme reproche au Canada de ne pas faire sa juste part dans l'effort total requis. Le rang du Canada n'a pas changé depuis la parution du rapport de 2004 de Global Campaign for Education, en dépit du fait que l'éducation primaire universelle fait partie des objectifs de développement du Millénaire.
Je me demande comment vous pourriez répondre à cette critique. Que fait votre ministère pour accroître les fonds consacrés à l'éducation dans le tiers monde? Sur quoi seront ciblés les fonds, dans quels pays? Le financement est-il lié d'une quelconque façon à l'importation de biens et services canadiens?
M. Wallace : La réponse à votre dernière série de questions est facile : c'est non. Notre financement est tout à fait inconditionnel.
Pour commencer au début de votre question, nous avons appliqué une stratégie qui fait de l'éducation de base notre point de mire fondamental. Par là, nous entendons 10 ans d'instruction de haute qualité qui garde les enfants à l'école et leur ouvre des débouchés dans la vie. Notre stratégie d'éducation a été axée sur les objectifs de la Coalition mondiale et sur la vision du Programme relatif à l'éducation pour tous, et autour d'eux.
Nous avons accéléré notre campagne. Nous avons quadruplé, comme je l'ai dit, notre budget d'éducation, du début de 2000 à 2005. Nous avons maintenant un fonds de 100 millions de dollars rien que pour l'éducation en Afrique. Nous cherchons des moyens de continuer cela.
Même si le Canada est en septième place dans le monde, actuellement, au plan du financement de l'éducation dans les pays en développement, nous intensifions cet effort-là. Nous cherchons des moyens de faire plus.
Il a été utile, pour cela, que nous ne dispersions pas nos efforts en matière d'éducation. Nous insistons au contraire sur le fait que le Canada doit tirer orgueil des 10 années d'éducation de base de qualité offerte dans les pays qui en ont le plus besoin. Je pense que nous avons fait diverses choses dans ce domaine qui ont été utiles.
Si nous avions plus de ressources, est-ce que nous les exploiterions plus efficacement? Absolument. C'est l'un des investissements les plus rentables qui soient dans le développement.
Le sénateur Hubley : Quand vous mettez en œuvre un programme d'éducation, est-ce que vous êtes restreints, à bien des égards, par l'infrastructure? Autrement dit, avez-vous un établissement scolaire? Est-ce que c'est quelque chose que vous fournissez, ou est-ce que vous ne faites que présenter les programmes d'éducation?
M. Wallace : Quand on pense aux plus de 100 millions d'enfants qui ne sont pas à l'école en ce moment et à la situation dans leur pays, leurs besoins sont différents des uns aux autres. Il y a des enfants, par exemple, dans des pays fragiles et en échec, qui ont besoin de mesures d'intervention par l'entremise du programme Vivre à l'abri de la peur. La véritable clé, c'est d'atteindre les enfants, ce n'est pas l'infrastructure.
D'autres pays ne peuvent pas payer les salaires des enseignants. Il y a des endroits où il n'y a plus de gens formés à cause du VIH/sida, alors les ressources humaines qui appuient l'éducation de base sont inexistantes.
Et dans d'autres pays encore, particulièrement dans les régions rurales, c'est un problème d'infrastructure. Nous avons constaté, par exemple, que les frais de scolarité constituent un obstacle extraordinaire à l'éducation. En Tanzanie, ils ont supprimé les frais de scolarité, même si ce n'était que quelques cents par jour. L'assiduité à l'école est passée, je pense, de 47 p. 100 à plus de 80 p. 100 en deux ans.
Il faut voir quels sont les obstacles et, dans chaque pays, le contexte est différent. C'est pourquoi il est important que nous appliquions une approche intégrée de l'éducation. Il ne s'agit pas seulement de se concentrer sur l'infrastructure, le programme pédagogique ou les frais de scolarité. Il faut rassembler des mesures d'aide particulières, avec d'autres donateurs. C'est quand on réunit ces mesures que notre maillon le plus faible ne nous donne plus de problèmes.
Le sénateur Dallaire : Monsieur Aterman, j'aimerais parler de déportation : l'examen préalable au renvoi et le retour sécuritaire de l'enfant, où qu'il soit.
Est-ce que nous avons déporté des enfants cette année? Est-ce que nous sommes sur le point de le faire? Y a-t-il une formation et des méthodologies particulières appliquées à chaque cas?
M. Aterman : J'aimerais préciser une chose. La Commission adopte des mesures de renvoi touchant des enfants qui ne sont pas admissibles au Canada. Elle peut aussi ordonner la déportation de parents qui, alors, peuvent retirer leurs enfants du Canada.
L'évaluation des risques préalable au renvoi est une procédure distincte qui ne relève pas de la compétence de la Commission. C'est l'ASFC qui la fait, au point de renvoi. C'est la dernière vérification qui détermine s'il est vrai ou faux que les gens courent de grands risques s'ils sont renvoyés du Canada. Cela se fait à un point où ils sont prêts à renvoyer quelqu'un, et c'est généralement bien après que la Commission ait pris ses décisions.
Peut-être puis-je récapituler, sénateur. Quand un enfant demandeur du statut de réfugié présente une demande et que la Commission détermine qu'il n'est pas un réfugié, alors, sous réserve de toute décision du tribunal fédéral contraire à celle de la Commission, l'enfant peut être renvoyé. À ce moment-là, le parent ou le tuteur de l'enfant peut demander à l'ASFC de procéder à une évaluation des risques préalable au renvoi. Au bout du compte, la Commission prend effectivement des décisions relativement aux enfants, que ce soit des demandeurs du statut de réfugié ou des enfants qui sont inadmissibles au Canada. Quoi qu'il en soit, elle prend ces décisions à la lumière de critères qui sont également applicables aux enfants et aux adultes.
Le sénateur Dallaire : Si un enfant est arrivé ici en se déclarant réfugié et que nous décidons qu'il n'est pas un réfugié et nous le déportons, est-ce que nous faisons un suivi à l'autre bout, ou est-ce que notre responsabilité prend fin une fois que l'enfant est aux mains d'une autre compétence?
M. Aterman : Je ne peux pas vous répondre, puisque la Commission ne s'occupe pas des processus de renvoi et de la déportation en tant que tels. C'est l'Agence des services frontaliers du Canada qui s'en occupe.
Si les enfants viennent devant nous en disant qu'ils craignent d'être persécutés dans leur pays d'origine et que la Commission détermine qu'ils ne le seraient pas, ils sont susceptibles d'être renvoyés. C'est là qu'est enclenchée l'évaluation du risque préalable au renvoi.
Comme vous pouvez le constater d'après nos échanges, c'est un processus complexe. Il y a bien des étapes. La Cour fédérale peut y participer. Il y a aussi la possibilité de demande présentée au ministère, fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et de compassion. C'est encore autre chose sur quoi la Commission n'a aucun pouvoir. Nous appliquons la définition de réfugié et nous sommes limités par elle.
Le sénateur Dallaire : Et qu'en est-il des enfants qui arrivent séparés de leurs parents? Y a-t-il un suivi pour que ces enfants ne se retrouvent pas entre de mauvaises mains, où ils risquent d'être violentés, de faire l'objet de trafic ou du commerce du sexe, ou quelque chose du genre?
M. Aterman : Nous nous efforçons de l'éviter dans la limite de nos compétences. Par exemple, quand un mineur non accompagné se présente devant nous sans parents ni proches, nous lui assignons un représentant. Comme je l'ai dit tout à l'heure, l'objet de désignation de ce représentant est de faire en sorte que l'enfant puisse participer de façon concrète à nos délibérations. Les représentants désignés ne sont pas nécessairement habilités à composer avec les questions liées au bien-être de l'enfant. Cependant, en pratique, ils tendent à s'occuper de ces aspects. Bien que nous les désignions pour aider les enfants lors des audiences, invariablement, nous constatons qu'ils participent aux démarches auprès des autorités de protection de l'enfance, de la commission scolaire, et cetera, pour s'assurer que l'enfant est en sécurité et qu'on s'occupe de lui.
En gros, notre pouvoir s'arrête là. Il y a des cas où nous nous préoccupons du bien-être d'un enfant. Dans ces cas-là, nous communiquons avec les autorités provinciales de protection de l'enfance, et alors cela devient leur responsabilité.
Le sénateur Dallaire : Est-ce que cela fonctionne bien avec toutes les provinces?
M. Aterman : Cela dépend d'une province à l'autre. C'est une question entre les administrations fédérale et provinciales. D'après ce que je comprends, l'âge de l'enfant, qui détermine si les autorités de protection de l'enfance peuvent s'engager, varie d'une province à l'autre, ce n'est pas le même dans tout le pays.
Au Québec, par exemple, nous entretenons des rapports constants avec les ONG qui s'occupent surtout d'enfants immigrants et réfugiés. Nous, à la Commission, entretenons des rapports réguliers avec eux. Ils sont notre lien avec l'organisme de services sociaux. C'est une relation de travail très efficace.
À Toronto, nous avons dû un peu improviser. Nous avons des rapports avec le cabinet de droit McCarthy Tétrault, qui offre gratuitement ses services aux enfants qui comparaissent devant nous. Parfois, nous avons affaire avec des avocats qui agissent à titre de représentants désignés et, parfois, ce sont des organismes de services sociaux. C'est un peu au cas par cas.
Comme je l'ai dit, nous avons un pouvoir limité. Nous nous occupons de l'arbitrage, et pas nécessairement des autres aspects du bien-être de l'enfant.
Le sénateur Dallaire : Alors le transfert ne se fait pas forcément sans accroc entre vous et les organismes provinciaux du pays. Et la personne qui est désignée pour les aider n'est pas forcément chargée de faire plus que de les aider à traverser le processus, qui pourrait durer plusieurs mois, n'est-ce pas?
M. Aterman : Nous essayons de régler leur cas rapidement. Il est certain que cela peut durer plusieurs mois. Leur pouvoir est limité à s'occuper des enfants alors qu'ils comparaissent devant la Commission — autrement dit, les processus de règlement des différends et d'arbitrage, et pas nécessairement les autres aspects. Il y a des aspects où c'est inégal.
Le sénateur Dallaire : Ce n'est pas très clair pour moi. Peut-être le comité voudra-t-il étudier la question plus en profondeur.
Premièrement, j'aimerais expliquer le contexte, pour ceux d'entre nous qui évoluons dans la sphère internationale, relativement aux enfants. L'ACDI a littéralement été éviscérée dans les années 90, avec les importantes mesures d'austérité qui ont été imposées à cette époque pour réduire le déficit budgétaire. Ce n'est que maintenant que nous effectuons une lente remontée, et nous n'en sommes encore qu'au niveau tout à fait irresponsable de 0,37 p. 100 du PIB. Je reviens à peine de la Hollande, qui y investit 0,8 p. 100 de son PIB. C'est à s'interroger sur le genre de priorité qu'on accorde au développement international. L'ACDI est loin d'avoir le niveau de financement qu'il lui faut pour s'acquitter de la tâche, sans compter les horribles contrariétés au sujet des arrangements contractuels et le fait que nous jetons de l'argent par les fenêtres, de l'argent qui semble être gaspillé dans beaucoup de ces pays. Si vous êtes dans le domaine du développement international et que vous ne pensez pas qu'il y aura du gaspillage, il vous suffit de regarder la manière dont nous gaspillons l'argent. Vous pouvez imaginer le gaspillage dans les pays qui commencent à peine à s'organiser et qui essayent de constituer des structures démocratiques.
En ce qui concerne la protection de l'enfance, nous parlons d'enfants touchés par la guerre, d'enfants-soldats, de protection dans ces pays et de la manière dont ils peuvent vraiment s'occuper des enfants. Il y a aussi la dimension, dans ces conflits, qui prend de plus en plus de place, celle du viol des jeunes filles.
De plus en plus d'enfants sont utilisés comme des instruments de conflit, que ce soit en premier lieu comme enfants- soldats, esclaves du sexe, épouses de brousse ou sources de viol, qui provoquent la peur et, au bout du compte, donne le contrôle aux extrémistes et à leurs manœuvres. Est-ce que vous ne croyez pas que, peut-être, l'aspect de la protection des enfants, au nombre des quatre priorités originales du développement social dont a parlé la ministre Minna, a été négligé dans les priorités de l'effort déployé, en regard des énormes souffrances et de la vulnérabilité des enfants dans ces zones de conflit?
M. Wallace : Il est absolument clair qu'on ne peut pas correctement assurer la protection des enfants rien qu'avec des programmes de santé, d'éducation, de gouvernance ou de développement démocratique. Il faut cibler. Il faut cibler précisément qui sont les enfants, où ils sont, et cibler les meilleurs moyens de les atteindre efficacement.
Nous avons appris que si on ne met pas résolument l'accent sur la protection des enfants dans les programmes, en fin de compte, on laisse bien des gens marginalisés, notamment par les phénomènes que vous connaissez bien et que vous venez de décrire.
Pouvons-nous faire plus avec le programme de protection de l'enfance, sur lequel nous avons dépensé, depuis cinq ans, 171 millions de dollars, et plus encore? Nous pourrions dépenser plus, et nous pourrions faire plus et mieux avec plus de ressources. Est-ce que 171 millions de dollars, c'est beaucoup d'argent? À certains égards ça l'est, mais nous avons pu faire beaucoup de bonnes choses, dans des domaines qui sont très importants.
Dans l'ensemble, nous avons l'impression de laisser beaucoup de choses inachevées, dans ce domaine. Au fil de ce que nous apprendra ce programme de recherche, il pourrait être utile de cibler un peu mieux nos efforts. Il nous faut resserrer le point de mire et intensifier certains de nos efforts, mais par-dessus tout, nous ne pouvons pas faire marche arrière, parce que nous n'arriverons à rien avec le programme régulier.
M. Montgomery : J'aimerais m'exprimer en ma qualité de membre non représentatif du Canada. Je suis en détachement à l'ACDI. Je crois que nous manquons de leadership relativement aux enfants et au développement. C'est vrai en ce qui concerne les enfants et le VIH, par exemple. La dépense sur les enfants et le VIH est extrêmement faible. UNICEF et ONUSIDA ont récemment fait campagne pour porter le regard du monde sur ce problème, au moyen de la campagne Unissons-nous pour les enfants. Ce ne sont pas que les enfants qui sont infectés par le VIH; ce sont les 15 millions d'enfants qui sont touchés en tant qu'orphelins.
En ce qui concerne la dépense des pays sur les enfants, il est certain que nous pourrions faire plus. Il faut porter l'attention sur ce problème dans les pays en développement, mais aussi ici.
Vous avez parlé des filles dans les forces de combat. L'ACDI a appuyé le fonds de recherche pour la protection de la jeunesse qui s'intéressait à cet aspect, et cela a constitué l'un de leur projet les plus innovateurs. Sur 13 projets, six étaient axés sur les enfants touchés par la guerre et trois sur les enfants dans les forces de combat. Nous avons découvert, bien entendu, que les enfants en général étaient absents mais que les filles, particulièrement étaient absentes des initiatives de démobilisation, et cetera.
Je vous remercie de poser la question, parce que vous avez bien raison de dire que les enfants ont besoin de plus d'attention, et particulièrement de financement.
Le sénateur Dallaire : Nous parlons de 2 millions de dollars en R-D qu'a dépensés un comité dont j'étais président, et nous sommes actuellement en train d'évaluer les conclusions de ces travaux. J'espère que vous allez reconstituer ce comité. Nous sommes le seul pays à avoir fait de la R-D sur la protection de l'enfance. Personne d'autre ne fait clairement ce type de recherche.
Au sujet de la démobilisation, la réhabilitation et la réintégration, peut-être pourrions-nous faire plus. Ce pourrait être un thème cible pour nous, en ce qui concerne les dirigeants d'enfants soldats et les façons de les réintégrer, particulièrement les filles, après les énormes traumatismes qu'elles ont vécus. Cela prend plus de trois mois de rééducation et de réintégration, particulièrement dans les sociétés dominées par les hommes, les femmes sont violées et jetées aux loups. Les ONG ne semblent pas pouvoir se charger de projets de plus grande envergure et à plus long terme.
En ce qui concerne les enfants qui participent au commerce des drogues, par exemple, à Rio de Janeiro, 3 000 enfants âgés de 9 à 14 ans qui participent à ce commerce sont tués chaque année. On est en train d'envisager de placer ces enfants sur le même pied que les enfants soldats. J'ai étudié la question, particulièrement à Rio de Janeiro, où la situation est assez semblable à la guerre. La police tire sur les enfants. N'est-ce pas un aspect auquel nous voudrions nous ouvrir? Ces guerres des drogues sont pires que les guerres de gangs à New York. Peut-être voudriez-vous réfléchir à la possibilité de rehausser leur statut, au titre de la protection, et déterminer si les Nations Unies devraient faire quelque chose à ce sujet.
Enfin, un mot sur le Corps canadien. C'est vous qui dirigez le Corps canadien. Je ne suis pas convaincu qu'il parvienne à réaliser l'objectif de plus engager les jeunes Canadiens. Je crois que le Corps canadien ne devrait avoir personne, parmi ses dirigeants, qui soit âgé de plus de 30 ans, puisqu'il essaie de pousser les jeunes Canadiens à aller au- delà de nos frontières.
Je suis très heureux de ces 170 millions de dollars, mais je crois que proportionnellement, la démarche de protection des enfants pourrait avoir besoin de plus.
M. Wallace : Je vous remercie pour vos conseils sur les premiers éléments. Ce sont de sages conseils qui méritent une réflexion approfondie.
En ce qui concerne le Corps canadien, ce serait une bonne idée que d'ouvrir plus largement le débat. Le Corps canadien suit actuellement deux pistes. La première est pour créer un centre d'excellence sur la gouvernance. Les jeunes pourraient y participer, mais il ne s'agit pas que des jeunes. Il s'agit de renforcer ce que le Canada a de mieux à offrir au plan de la démocratie, d'une bonne gouvernance, de la justice et des droits de la personne. Le point de mire est plus sur l'aspect de la gouvernance.
La question de la mobilisation des jeunes Canadiens pour le développement est une piste différente. Nous pourrions parler plus longuement du mandat du Corps canadien et de son orientation quand vous le voudrez.
Le président : Monsieur Aterman, dans l'affaire Baker, que vous connaissez sûrement, je n'en doute pas, on a conclu que les droits des enfants devaient être tenus en compte, particulièrement ceux des enfants nés au Canada, quand on déporte les adultes.
Est-ce que vous avez modifié vos méthodes à la Commission, après l'affaire Baker? Est-ce que vous prenez en compte, distinctement, des droits des enfants, par comparaison aux intérêts des enfants? Je vous entends parler d'intérêts. Nous pourrions débattre de la définition de ce terme, mais les droits des enfants sont inscrits dans la Convention. C'est une mesure de droit.
M. Aterman : La décision, dans l'affaire Baker, a été prise par un agent de l'immigration relativement au renvoi d'une mère et aux conséquences pour ses enfants nés au Canada. L'incidence la plus directe de cette décision est ressentie sur les travaux de la Commission dans les dossiers de renvoi, à la Section d'appel de l'immigration, qui peut décider du renvoi de résidents permanents parce qu'ils ont commis des infractions au criminel ou ont fait de fausses déclarations. La question qui se pose à la Section d'appel de l'immigration est comment, dans l'exercice de sa discrétion, peut-elle faire peser les intérêts de l'enfant dans cette décision.
Dans l'application de la décision Baker, les intérêts de l'enfant sont un facteur que les membres de la Section d'appel de l'immigration tiennent en compte, mais ce n'est pas un facteur prépondérant. La Cour fédérale a pris par la suite d'autres décisions qui indiquent que c'est un facteur dont doit tenir compte la Section d'appel, mais ce n'est pas ce qui détermine la décision. Nous avons un éventail de faits. Il peut y avoir des cas où le parent en question n'a pas de rapports particulièrement étroits avec les enfants et, dans certains cas, l'influence du parent peut ne pas être tout à fait positive. Nous avons eu des cas où les membres de la Commission ont déterminé qu'il est dans l'intérêt de l'enfant que le parent soit déporté, et aussi de l'intérêt de la Société canadienne. Il y a d'autres cas où les membres de la Commission ont déterminé qu'il est de l'intérêt de l'enfant de ne pas renvoyer le parent du Canada. S'ils n'avaient pas eu d'enfants, la Commission aurait pris une autre décision, mais le fait que l'intérêt des enfants était en jeu a été déterminant. Tout dépend des éléments de chaque cas, mais c'est effectivement une affaire qui a changé la façon dont la Section d'appel de l'immigration fait son travail quand les intérêts des enfants sont en jeu.
Pour ce qui est de la deuxième partie de votre question, sur les droits des enfants, comme je l'ai dit tout à l'heure, de façon générale, en ce qui concerne les demandes de statut de réfugié, la Convention relative aux droits de l'enfant a eu des répercussions sur les méthodes de la Commission, et moins sur la substance de son processus décisionnel. Il y a quelques cas où elle a eu une incidence sur la teneur des décisions, et c'est lorsque les droits des enfants étaient touchés d'autres façons.
Pour donner un exemple concret, disons le déni du droit à l'éducation. Si un adulte présentait cet argument, dans une demande de statut de réfugié, comme de la persécution, la Commission dirait que c'est peut-être de la discrimination, mais ce n'est pas forcément de la persécution, et par conséquent, le demandeur n'est pas un réfugié. Cependant, il y a eu des cas d'un déni du droit à l'éducation. Je pense à l'Afghanistan où, sous le régime taliban, les petites filles n'avaient pas droit à l'éducation. Dans ces cas-là, la Commission déterminait que cette violation des droits de l'enfant suffisait à constituer de la persécution.
Il y a eu quelques cas où la Commission examinait l'incidence de la persécution sous un autre angle que celui de l'incidence sur les adultes, mais de façon générale, ce n'est pas le cas.
Le président : C'est instructif.
Je tiens à remercier nos témoins d'être venus et de nous avoir fourni tous ces renseignements. Nous communiquerons avec vous ultérieurement, sans le moindre doute, aux fins de suivi, au fil des progrès de notre étude.
La séance est levée.