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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 8 - Témoignages - Séance de l'après-midi


EDMONTON, le mercredi 20 septembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui à 13 h 58 pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, nous sommes réunis aujourd'hui pour continuer notre examen, en vue d'en faire rapport, des obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.

Cet après-midi, honorables sénateurs, nous avons une table ronde de jeunes et d'enfants, d'après la terminologie adoptée. Je devrais plutôt parler de jeunes que d'enfants, bien que, d'un point de vue juridique, toute personne de moins de 18 ans est considérée comme un enfant au sens de la Convention. Je suppose qu'aucun d'entre vous n'a plus de 18 ans, ce qui vous vaut le qualificatif d'enfants, même si celui de jeunes est plus approprié.

Nous sommes le Comité sénatorial permanent des droits de la personne et avons décidé d'entreprendre une étude sur la Convention relative aux droits de l'enfant. Voici une quarantaine d'années que la communauté internationale a commencé à élaborer des lois portant sur les droits de la personne. Nous avons des ententes internationales sur toute une gamme de questions, mais le domaine des droits de la personne est relativement récent.

La première génération de traités et d'ententes signés était de nature générale, si bien qu'il était difficile d'en suivre la mise en œuvre dans un pays donné.

Au fur et à mesure de leur élaboration, et plus particulièrement dans les années 80, dont le point culminant a été la Convention relative aux droits de l'enfant, les ententes sont devenues plus spécifiques, comportant des articles dont on pouvait mesurer les répercussions dans son propre pays.

Nous voulions étudier la Convention relative aux droits de l'enfant pour voir dans quelle mesure le Canada avait mis en œuvre ce traité qu'il avait signé et qu'il s'était engagé à respecter.

De plus, nous voulions savoir combien de jeunes et d'enfants au Canada savaient quels étaient leurs droits aux termes de la Convention, car nous avons constaté qu'il s'agissait d'un problème. La Convention a été signée à Genève par le gouvernement qui a fait grand état de sa signature. Nous savions depuis un moment ce qu'elle stipulait, mais nous voulons toutefois savoir jusqu'à quel point la Convention a été intégrée dans les politiques et pratiques. Les jeunes ne peuvent exercer leurs droits s'ils ignorent les détenir.

C'est pourquoi nous avons posé des questions à de nombreux jeunes, certains connaissant leurs droits, d'autres, non. Nous voulons aussi, bien sûr, amener l'ensemble de la collectivité à s'intéresser aux questions touchant les jeunes et les enfants au Canada, afin de ne pas parler dans le vide quand il est question des droits. Nous voulons parler d'expériences quotidiennes.

Dans la Convention relative aux droits de l'enfant, il est essentiellement dit que nous devons donner la parole aux jeunes, aux enfants; que nous ne pouvons nous contenter de créer des programmes pour eux, de leur parler, de parler d'eux, ou de faire ce que nous estimons être dans leur meilleur intérêt. Nous ne pouvons y parvenir sans vous inviter à la table, sans créer des forums où vous pouvez exprimer vos opinions. Vous êtes responsables de votre propre développement, cela fait partie de vos droits.

La table ronde d'aujourd'hui vise en partie à vous parler de la Convention, des questions qui vous concernent ainsi que de toute autre question que vous souhaiteriez aborder.

Notre comité est constitué de sénateurs venant de partout au Canada. Nous pouvons effectuer un tour de table et nous présenter, en précisant d'où nous venons, avant que vous en fassiez autant. Après cela, nous aimerions que quelqu'un explique à quel titre vous êtes ici, si vous faites partie d'un seul groupe ou représentez plusieurs entités. Après quoi, nous pourrons simplement ouvrir la discussion sur les questions que vous souhaitez aborder.

Laissez-moi commencer. Je m'appelle Raynell Andreychuk. Je viens de la Saskatchewan. Je siège au Sénat depuis maintenant 13 ans et je m'occupe du processus des droits de la personne depuis déjà un certain temps.

Le sénateur Munson : Je m'appelle Jim Munson et, à 60 ans, je suis l'un des plus jeunes sénateurs. Je représente l'Ontario, mais viens à l'origine du Canada atlantique.

Le sénateur Carstairs : Je m'appelle Sharon Carstairs. Je suis sénateur du Manitoba et j'ai vécu 12 ans en Alberta. En fait, je suis née et j'ai grandi en Nouvelle-Écosse. J'ai enseigné pendant 21 ans, une partie du temps à Calgary, en Alberta. J'ai consacré 22 ans à la politique et 12 ans au Sénat.

La présidente : Et vice-présidente de ce comité.

Mme Barnett : Je m'appelle Laura Barnett. Je suis la recherchiste du comité. Je viens de Toronto.

Mme Moss-Norbury : Je m'appelle Vanessa Moss-Norbury, je suis greffière du comité et je viens d'Ottawa.

Le sénateur Poy : Je m'appelle Vivienne Poy, et je suis un sénateur de l'Ontario. Je vis à Toronto. Je suis née à Hong Kong et je suis donc d'origine chinoise.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Je suis le sénateur Lovelace Nicholas et je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick. Je viens d'une communauté des Premières nations.

Le sénateur Nancy Ruth : Je m'appelle Nancy Ruth et je viens de Toronto. J'ai été un clown. J'ai également été ministre du culte. J'ai essayé d'être élue; je n'ai pas réussi et soudainement je me suis retrouvée au Sénat.

Participant A : Je viens de Westlock en Alberta, j'aime les animaux et la lecture.

Participant B : Je viens de Westlock et j'aime les sports.

Participant C : Je suis venu parler aujourd'hui de l'éducation pour et par les jeunes; je viens d'Edmonton en Alberta.

Participant D : Je suis né à Trinidad. J'ai déménagé à Saskatoon lorsque j'avais huit ans. Je viens de passer les deux dernières années à Calgary où j'y allais à l'école et je ne suis arrivé à Edmonton qu'en septembre pour terminer mes études dans le domaine du counselling des enfants et des jeunes.

J'aidais le Participant E à réunir des jeunes par l'entremise d'un groupe dont je m'occupais à Saskatoon. Je suis donc très heureux d'être ici. Je m'intéresse à tout ce qui touche les jeunes et les enfants.

Participant E : Je viens également de Saskatoon. J'ai déménagé ici il y a environ deux semaines. Nous sommes des collègues mais également de très bons amis. Nous sommes devenus amis grâce à ce travail auprès des jeunes.

Nous ne travaillons pas officiellement pour la Commission des étudiants ou le Centre d'excellence pour la participation des jeunes depuis que nous avons déménagé à Edmonton, mais lorsqu'ils ont appris que nous avions déménagé ici ils nous ont demandé de les aider à trouver des jeunes pour cette table ronde.

Le Centre d'excellence pour la participation des jeunes a aidé à organiser des réunions l'année dernière en Ontario, et c'est comme ça que nous en sommes venus à participer. Ces trois participants ont été invités par Robert White, un travailleur social de Westlock. Tout cela a été fait un peu à la dernière minute. Nous nous sommes rencontrés pour la première fois aujourd'hui.

Vous aurez un avant-goût de ce que c'est quand on est des jeunes qui ne connaissent pas les droits de la personne ou la Convention, car il y en a quelques-uns ici.

Nous avons en fait plus de 18 ans. Nous sommes au début de la vingtaine. Nous avons commencé à nous occuper de la Commission des étudiants lorsque nous avions environ leur âge. Nous connaissons mieux les droits des enfants et la participation des jeunes, et nous essayons d'encourager les plus jeunes à participer et à faire connaître leurs points de vue. Nous les laisserons parler librement, et peut-être plus tard pourrons-nous nous aussi participer à la discussion si quelqu'un veut nous poser des questions.

La présidente : Participant C, dites-nous ce qui vous intéresse. Nous partirons de là.

Participant C : L'éducation basée sur les jeunes m'intéresse. Si les jeunes décidaient quels cours suivre, ils aimeraient beaucoup plus l'école. Si l'on invitait les jeunes à décider plutôt que leurs parents, ils aimeraient beaucoup plus aller à l'école.

Les professeurs et la commission scolaire devraient offrir des cours qui sont plus orientés vers les jeunes pour que ces derniers aiment plus fréquenter l'école. Je vais vous expliquer ce que je veux dire.

Pour l'apprentissage musical, les jeunes devraient écouter de la musique qu'ils aiment. Quant aux jeux éducatifs, ils devraient également tenir compte de l'âge du jeune. On devrait trouver dans les salles de cours plus de manuels scolaires qui ont été rédigés en pensant aux clients, aux jeunes, pour que les cours soient intéressants. Les jeunes devraient aider à préparer les manuels scolaires pour mieux apprécier leur expérience d'apprentissage.

Bref, les jeunes aimeraient l'école et voudraient y aller s'ils participaient au processus pédagogique et pouvaient décider des cours qu'ils suivraient, plutôt que laisser leurs parents prendre toutes ces décisions.

La présidente : Pouvez-vous me donner un exemple? Vous parlez de musique pour les jeunes. Quelle musique vous offre-t-on que vous n'aimez pas? Pouvez-vous nous donner un exemple? Que voudriez-vous comme musique?

Participant C : N'importe quelle musique que les jeunes aiment, le rock, le rap, la musique country, peu importe, qui offre une forme d'éducation mais qui tient quand même compte de ce que les jeunes aiment.

La présidente : Quel type de musique avez-vous maintenant? Est-ce que vous avez des cours de musique?

Participant C : Non, pas vraiment.

La présidente : Il n'y en a pas.

Participant C : C'est ça.

La présidente : Nous allons maintenant passer aux questions et peut-être mes collègues auront-ils des questions à poser aux étudiants.

Le sénateur Munson : Ma question s'adresse au participant C. Je m'intéresse vivement au volet pédagogique que vous avez mentionné. On m'a forcé lorsque j'allais à l'école à prendre des cours de trigonométrie, de physique, d'algèbre, tous ces sujets que je détestais, et je les détestais vraiment. Je n'ai pas été consulté. Évidemment, c'était dans les années 60 et l'étudiant n'était pas consulté. C'était plutôt « voici tes cours, et pas de discussion. »

Dites-vous qu'il n'existe aucun processus qui vous permette de rencontrer le conseil étudiant ou les professeurs pour décider des cours que vous voulez suivre?

Participant C : Pas vraiment. Si les étudiants pouvaient vraiment participer au processus d'éducation, comme organiser les cours pour que les jeunes aiment vraiment apprendre, ça serait différent. Si les jeunes pouvaient aider à préparer les textes de cours, préparer les notes ou des choses de ce genre, cela rendrait les cours un peu plus « intéressants », parce que les jeunes dorment littéralement en classe.

Le sénateur Munson : Pouvez-vous nous donner des exemples de cours que vous n'aimez pas à l'école, qu'on vous force à prendre; pourriez-vous les échanger contre d'autres?

Lorsque les gens vont à l'université, comme vous le savez, c'est la première fois de leur vie qu'ils peuvent choisir leurs cours. Il semblerait que cet âge arbitraire de 18 ans représente tout un changement. C'est comme si on disait qu'aujourd'hui vous êtes un adulte et que vous pouvez donc choisir. Cependant lorsque vous avez 15, 16 ou 17 ans, vous ne pouvez pas choisir.

Participant C : C'est vrai. Un exemple serait les mathématiques. Ce n'est pas agréable. Je ne dis pas qu'il faudrait qu'on ait le choix de laisser tomber ce cours pour en prendre un autre, mais aider les jeunes, peut-être des jeunes qui aideraient les jeunes.

La présidente : Vous ne parlez pas de laisser tomber un cours, vous dites simplement de faire les choses de façon différente?

Participant C : Non, je ne dis pas qu'il faut laisser tomber le cours; je dis suivez le cours, mais rendez-le plus intéressant pour les jeunes. Stimulez les jeunes, demandez-leur d'aider à préparer les manuels scolaires, par exemple. Je ne dis certainement pas qu'il ne faut pas suivre le cours, suivez-le cours mais rendez le cours plus intéressant.

Le sénateur Carstairs : Ma question s'adresse au participant B. Vous avez dit que vous aimez beaucoup les sports. Est-ce que vous pouvez vraiment pratiquer les sports qui vous intéressent?

Participant B : Nous avons des camps d'essais. Nous avons également des activités sportives internes, et nous pouvons jouer deux fois par semaine et parfois même tous les jours, mais ce sont les équipes qui décident. Si vous ne faites pas partie de l'équipe officielle, nous avons ces équipes de rechange et vous pouvez aller jouer juste pour le plaisir de jouer.

Le sénateur Carstairs : Si vous aviez le choix, passeriez-vous plus de temps à faire du sport que c'est le cas actuellement?

Participant B : Probablement pas. Je l'ignore.

Le sénateur Carstairs : Ma question s'adresse au participant B. Vous avez dit que vous aimiez beaucoup les animaux. Jugez-vous que le système d'éducation aborde les choses qui vous intéressent, soit les animaux?

Participant A : Pas vraiment. On nous enseigne des choses sur les animaux, mais il n'y a pas vraiment des choses concrètes. Nous ne voyons pas les animaux et nous n'avons pas vraiment de contact avec eux à l'école. Nous n'avons pas de club pour ceux qui aiment les animaux ou des choses de ce genre.

Le sénateur Carstairs : Habitez-vous à la ville ou à la campagne?

Participant A : À la campagne.

Le sénateur Carstairs : Est-ce que vous faites partie d'un club 4-H ou d'un programme de ce genre?

Participant A : Non, nous vivons en ville, mais c'est une toute petite ville.

La présidente : Je fais partie de ces rares personnes, et c'est présomptueux de ma part, à avoir déjà été à Westlock. C'est une localité étonnante, très variée.

Pouvez-vous me dire qui on trouve dans cette ville, quelle est l'importance de cette localité, combien on y trouve de groupes ethniques et d'immigrants de fraîche date?

Il y a un joli ouvrage au sujet de cette localité, c'est une nouvelle qui a été écrite par un étudiant, qui a maintenant à peu près 27 ans, et c'est en le lisant que j'ai découvert Westlock. Je ne sais pas si vous êtes au courant.

Qui aimerait nous en dire un peu plus long au sujet de Westlock et de son importance relative?

Participant B : Westlock compte 5 000 habitants.

La présidente : À quelle distance la ville se trouve-t-elle d'Edmonton?

Participant B : À 45 minutes ou une heure de route, selon la vitesse à laquelle vous conduisez.

La présidente : Est-ce que la plupart des gens qui y travaillent sont dans l'agriculture? Est-ce que ces gens ont quitté la ferme ou Edmonton pour habiter là?

Participant B : Moi, je suis venu d'Edmonton pour aller y vivre, mais il y a dans ma classe des élèves qui vivaient jadis dans des fermes et qui sont venus s'installer à Clyde et à Westlock.

La présidente : Est-ce que les enfants viennent à Westlock en autobus scolaire?

Participant B : Oui. Il y a des autobus scolaires qui viennent de Pickardville et de Clyde, et il y a également des autobus municipaux et ruraux.

La présidente : Dans votre système scolaire, il y avait jadis un important séminaire catholique, une école secondaire catholique. Existe-t-elle toujours?

Participant B : Il y a une école catholique qui va du jardin d'enfants à la douzième année, et il y a également l'école primaire et l'école secondaire.

La présidente : Combien y a-t-il environ d'élèves au secondaire?

Participant B : Il y a 200 élèves au secondaire inférieur et environ 300 dans les classes supérieures.

La présidente : Vous êtes tous les deux à Edmonton, n'est-ce pas?

Participant D : Le participant C est à Edmonton. Les trois autres sont ici.

La présidente : Participant C, où êtes-vous à Edmonton, dans quel quartier?

Participant C : J'habite dans le quartier sud et je fréquente l'école secondaire McNally. McNally a environ 500 élèves, ce n'est pas vraiment une grosse école secondaire.

La présidente : Y a-t-il des élèves autochtones?

Participant C : Oui, il y a une grosse composante ethnique. On trouve à peu près tous les groupes ethniques possibles dans cette école.

Le sénateur Nancy Ruth : Participant A, quelque chose pique un peu ma curiosité; pouvez-vous me dire si vous vous intéressez aux animaux et si vous vouliez amener quelque chose en classe, former un club ou faire quelque chose dans le cadre du système scolaire, comment pourriez-vous vous y prendre?

Participant C, je voudrais vous poser la même question. Vous semblez vouloir nous parler davantage de la façon dont les cours sont donnés que dire plutôt « on doit suivre des cours d'histoire ou de math », si vous voyez ce que je veux dire. Est-ce que vous avez la possibilité de vous plaindre ou encore d'aider vos professeurs à s'améliorer ou faire des suggestions, ou est-ce simplement qu'il y a les professeurs d'un côté et les élèves de l'autre, sans qu'il semble possible pour vous, si vous le vouliez, de faire changer les choses en quoi que ce soit?

Participant C : Si c'est ça qu'on veut, oui, on peut toujours en parler à la commission scolaire. Ce serait un processus assez lourd, mais je ne sais pas. Cela en vaudrait peut-être la peine.

Participant A : Chez nous, ce serait probablement possible si on le voulait vraiment, mais il faudrait que beaucoup de gens s'intéressent à ce genre de choses et en règle générale, il n'y a pas assez d'élèves pour s'inscrire au club ou en créer un nouveau.

Le sénateur Nancy Ruth : Également sur un plan général, je voudrais vous demander à tous si vous voulez bien nous dire quelques mots au sujet de la drogue, du sexe, de la religion et du racisme.

Participant C : En ce qui concerne la drogue et l'alcool, la situation n'est pas bonne actuellement dans beaucoup d'écoles. Il y a de la drogue un peu partout. La plus populaire je crois, qu'on trouve actuellement, c'est la méthamphétamine parce qu'elle est bon marché. Elle est pourtant extrêmement toxicomanogène. J'ai quelques amis qui l'ont essayée et qui sont devenus vraiment accros, ils sont actuellement en désintox.

L'alcool n'est pas bon non plus, et il y a beaucoup de fêtes chez nous; pas vraiment beaucoup depuis la rentrée des classes, mais pendant l'été, il y a des fêtes un peu partout.

Quant au sexe, oui, les adolescents sont sexuellement très actifs.

Le sénateur Nancy Ruth : De façon librement consentie, ou y a-t-il aussi des viols, ou un peu des deux?

Participant C : Le plus souvent, c'est librement consenti, mais il y a de temps à autre un cas de viol.

Il y a également beaucoup de racisme. Il y a énormément de gamins qui s'amusent un peu partout à aller peindre des croix gammées, et c'est vraiment très moche. Moi, j'ai quelques amis qui sont originaires d'Afrique, ce sont des Soudanais. Ils sont assez souvent harcelés. Les autres gamins sont fort racistes à leur endroit. Les Pakistanais et les Afghans, on les appelle des terroristes, et c'est moche. Ce n'est pas cool.

Le sénateur Nancy Ruth : Dans ce cas, qu'est-ce que vous suggéreriez pour tenter de remédier à certains de ces problèmes, qu'il s'agisse de drogue, d'alcool, de beuverie, de viol ou de racisme? Ce n'est pas facile, mais si quelqu'un avait une réponse, nous serions tous en train de la mettre en application, mais je me demande si vous n'auriez pas quelque chose à proposer.

Participant C : Moi mon sentiment, c'est qu'on a beau essayer de scolariser les gamins autant qu'on veut, c'est comme cela qu'ils finissent par grandir. À l'origine, c'est toujours à la maison que ça se passe : la façon d'agir des parents, la façon dont les parents traitent les enfants, le mode de vie des parents et les amis. C'est cela que les gamins choisissent.

La présidente : Vous dites que ce sont les parents. Nous entendons tout le temps dire que c'est ce qu'ils trouvent sur Internet, ce qu'ils apprennent de leurs amis. D'où vient cette influence? Les parents nous disent : « Nous n'avons plus guère de contrôle parce que nos enfants vont chercher toute cette information et toutes ces idées ailleurs. » Qu'en est-il au juste?

Participant C : C'est facile à dire, mais les parents pourraient également dire tout aussi facilement : « Fini Internet, terminé. » Bien que les gamins aient toujours la possibilité de se brancher ailleurs. Tout dépend. Ça vient des parents. Il y a beaucoup de parents qui sont vraiment racistes et ils ne se rendent pas compte de l'influence que cela a sur leurs enfants, or cette influence est significative.

Si les parents boivent beaucoup, si les parents font beaucoup la fête, leurs enfants vont les imiter. C'est ce qu'ils apprennent à la maison. Si les enfants sont trop surveillés, ils vont se révolter, ils vont tomber dans la drogue, que sais-je encore. Cela leur donne le sentiment d'être des rebelles.

La présidente : Est-ce que les enfants ont trop de liberté et pas assez d'encadrement ou est-ce l'inverse, trop d'encadrement, trop de discipline, ce qui fait qu'ils se rebellent?

Participant C : Oui, je pense que c'est davantage le fait de leur interdire des choses, parce que si on leur interdit quelque chose ils répondent en se rebellant.

Si les parents surveillent leurs enfants, c'est certain qu'ils vont se rebeller et se dire : « De la marde, je n'aime pas mes parents. » C'est uniquement cela que j'entends dans la bouche des élèves à l'école, à quel point ils n'aiment pas leurs parents, à quel point leurs parents sont trop durs, que tout ça ce n'est pas bon et ainsi de suite. Ils ne comprennent pas que s'ils tombent dans la drogue et ce genre de chose, leurs parents ne vont pas aimer cela, non? C'est tout dans leur tête.

Le sénateur Carstairs : L'un des droits qui sont les vôtres en tant qu'enfants, en tant que jeunes gens, c'est celui de ne pas subir de châtiments corporels. Or, il existe toujours au Canada une loi qui permet les châtiments corporels.

Le sénateur Nancy Ruth : Savez-vous ce qu'on entend par « châtiment corporel »?

Le sénateur Carstairs : Frapper, donner des coups de sangle, gifler. Vous avez le droit de ne pas être frappé, giflé, poussé au bas de l'escalier, de ne pas vous faire tirer les cheveux ou les oreilles. Peu importe la description, il s'agit de châtiment corporel.

Deux fois on a conclu que nous sommes en contravention de la Convention relative aux droits de l'enfant parce que nous autorisons toujours le châtiment corporel au Canada. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Estimez-vous que les parents doivent avoir le droit de faire usage de la force contre leurs enfants et dans l'affirmative, pourquoi?

Participant C : Non, parce que les parents iront trop loin; beaucoup de parents iront trop loin. Ils ne savent pas quand s'arrêter. Regardez quand un bambin de deux ans se met à pleurer : les parents pètent les plombs et se mettent à le frapper. Si l'enfant a fait une grosse bêtise, ils vont se défouler sur lui. Un parent en colère se défoule sur son enfant. Il ne sait pas quand arrêter.

Quand j'étais jeune, mon père était vraiment violent et il ne savait pas quand s'arrêter. Il ne cessait pas de me frapper.

Le châtiment corporel n'est pas une bonne solution; ça existe chez tous les parents. Si tous les jours les parents crient à leur enfant en lui disant de ne pas faire telle chose, il est évident que l'enfant va se rebeller et le faire.

Si le parent prend la peine de montrer à l'enfant ce qui est bien et ce qui est mal sans hurler et lui montre quand il est tout jeune ce qui est bien et ce qui est mal au lieu de le frapper, l'enfant va apprendre.

Le sénateur Carstairs : Participant B, qu'en pensez-vous?

Participant B : J'allais plus ou moins dire la même chose; ça ne devrait pas arriver parce que c'est une mauvaise chose.

Il y a une fille à mon école qui a menti. Elle disait que ses parents la battaient à coup de ceinture. Je l'ai dit à ma mère qui en a parlé à sa mère à elle et il y a eu une grosse engueulade. C'était vraiment bizarre. Oui, c'est une mauvaise chose; ils ne devraient pas le faire.

Participant A : Les parents ne devraient pas pouvoir frapper leurs enfants. Je sais que certains parents choisissent de ne pas les frapper, mais ça dépend de la personne. Il y en a qui vont trop loin et ce n'est pas bon pour l'enfant quand il grandit parce qu'il se peut bien qu'il fasse comme eux et batte ses enfants.

Le sénateur Carstairs : Qu'est-ce qu'ils devraient faire à la place? S'ils n'ont pas le droit de frapper leur enfant — et au fait, je pense comme vous que ça ne devrait pas être permis — quelles autres méthodes sont efficaces? Tout le monde a besoin de discipline, les enfants comme les adultes. Quelle serait l'autre solution?

Participant C : Faire du travail de base, comme nettoyer, faire des tâches ménagères. Priver l'enfant de sortir, ce n'est pas une solution. Le jeune enfermé dans sa chambre pique une crise et tape dans les murs. Si les parents aident le jeune à faire la vaisselle ou autre chose, s'ils lui donnent quelque chose à faire mais en l'aidant, le jeune va le faire et ne va pas se rebeller.

Ce genre de discipline, c'est mieux que de frapper le jeune ou de le priver de sortie. Si le parent force le jeune à faire des tâches ménagères ou des corvées, à nourrir les bêtes ou peu importe s'ils vivent à la ferme, cela donne une chance aux jeunes.

Participant B : Oui, lui donner des travaux et lui parler sans crier au lieu de le frapper; lui parler et lui dire ce qui n'est pas bien.

Le sénateur Carstairs : Des parents m'ont dit que la raison pour laquelle ils n'interdisent pas les sorties c'est parce qu'ils se sentent punis, eux : « Si je colle mon ado à la maison, ça me force à rester à la maison moi aussi. » Il n'y a que si la mère est à la maison que le jeune restera aussi.

C'est alors les prières qui commencent : « Allons, maman, tu ne peux pas m'imposer ça pour trois mois. » N'importe quel parent devrait avoir assez de jugement pour savoir qu'il ne peut pas imposer cette punition pendant trois mois. J'ai toujours pensé qu'une semaine sans sortie, c'était bien plus efficace que d'annoncer que ça durera trois mois et de céder deux semaines plus tard.

Parfois, cela peut marcher si le parent enlève quelque chose. Ma fille a reçu une contravention pour excès de vitesse. Ce n'est pas la police qui l'a pincée; c'est moi, parce que le hasard a fait que j'étais dans la voiture derrière elle sans qu'elle le sache. Je l'ai tout simplement privée de voiture pendant un mois. C'est ce qui a été le plus efficace.

Participant B : Enlever quelque chose, c'est bien. Je comprends ça. Ma mère m'enlève mon stéréo ou autre chose, ça marche.

Participant D : J'allais seulement dire que ces droits s'appliquent aux citoyens ou aux immigrants reçus et il y a un autre droit qui dit que les gens peuvent pratiquer leur culture et quelque chose comme ça.

Quand les gens immigrent ici, peut-être que dans leur culture ces choses-là sont admises, ce n'est pas pareil ici parce que les jeunes au Canada diront : « Écoute, tes parents n'ont pas le droit de faire ça. »

Pour certains, c'est difficile de décider parce qu'on leur dit que ce n'est pas permis, mais on leur dit aussi quand ils arrivent qu'ils ont le droit de pratiquer leur culture mais que vous n'avez pas le droit de faire ça parce qu'il y a des lois ici.

Je ne sais pas. Ça arrive souvent. Dans mes cours, on est justement en train d'étudier la Convention des droits de l'homme et ça a été une des principales choses.

La présidente : Vous venez de signaler quelque chose de très important, le fait qu'il y a des droits contradictoires. Alors, que voulez-vous dire au juste?

J'ai déjà été juge au tribunal de la famille. Une fois, un des parents ne s'était pas contenté de gifler. Dans un cas, il s'agissait d'une cuillère en bois mais sur tout le corps, et le parent a donc été inculpé d'agression. Il a dit que c'était acceptable dans sa culture. En fait, c'est ainsi qu'il avait été élevé. On lui avait dit que c'était acceptable et nécessaire.

Qu'est-ce qui s'applique dans ce cas? Le droit de l'enfant de ne pas être maltraité, de ne pas subir de châtiment corporel ou le droit de l'enfant de s'identifier à sa culture?

Participant D : Le droit de ne pas être maltraité. Je pense que c'est seulement différent parce que s'ils sont avec leurs pairs et qu'ils ont les mêmes droits, c'est plus facile à suivre.

Mais quand les gens arrivent dans un nouvel endroit et que leurs pairs ont des attentes différentes et suivent différentes choses, alors ils sont à l'extérieur de leurs limites et des règles qu'ils suivraient normalement peut-être. Ensuite les jeunes viennent ici et commencent à se tenir avec leurs amis canadiens et faire des choses canadiennes, et leurs parents n'acceptent pas ce genre de choses-là. C'est un peu une zone grise.

Le sénateur Poy : Vous venez de parler de la culture des nouveaux immigrants. Pensez-vous que c'est une bonne idée, lorsque les gens demandent à venir ici, de leur dire quels sont les droits de leurs enfants avant de venir?

Participant D : Je pense que oui. Je pense que ça changerait beaucoup les choses. Beaucoup viennent ici sans le savoir et en cas d'incident, il y a des gens qui se pointent chez eux et qui leur disent que ce qu'ils font est interdit et illégal. Ils ne le savaient pas et ça complique encore davantage le travail de la police. Peut-être que ce qu'il faut c'est les informer avant qu'ils viennent ou à un autre moment.

Le sénateur Poy : On ne le leur dit probablement pas, n'est-ce pas? Cela ne fait pas partie du processus d'immigration de leur expliquer leurs droits et ceux de leurs enfants au Canada, mais je crois que c'est très important pourtant.

Participant C : Certainement.

Le sénateur Poy : Par ailleurs, connaissez-vous vos droits en tant que jeunes? Est-ce qu'on vous explique vos droits à l'école?

Participant D : Ils le feront à présent, après aujourd'hui.

Le sénateur Poy : Si on vous frappe ou qu'on vous donne la fessée — c'est ce qu'on appelle les châtiments corporels — et que cela vous fait très mal, vous allez le dire à votre enseignant ou à quelqu'un. Cependant, beaucoup d'enfants ne connaissent pas leurs droits. On ne vous les a jamais enseignés et je crois qu'il est très important de le faire à l'école.

Participant C : Je pense qu'il faut enseigner les droits à l'école, mais il faut également expliquer ces droits aux parents.

Le sénateur Poy : Absolument.

Participant C : Il ne faut pas le dire seulement aux enfants, parce que même si les enfants disent qu'ils ont certains droits, les parents peuvent les accuser de mentir. Mais si les parents connaissent ces droits, les choses vont changer.

Le sénateur Poy : En effet. Je suis évidemment tout à fait contre les châtiments corporels, mais certains disent que les jeunes et les adolescents d'aujourd'hui sont tellement indisciplinés, contrairement à dans notre temps, qu'il faut vraiment pouvoir recourir à de telles mesures.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez, en commençant par le participant A. Croyez-vous que les châtiments corporels soient nécessaires?

Participant A : Non. Au lieu de frapper leurs enfants, les parents devraient leur expliquer ce qu'ils ont fait de mal. Les enfants ne comprennent pas ce qu'ils ont fait de mal et ils peuvent le faire de nouveau, ce qui leur attirera encore plus d'ennuis.

Le sénateur Poy : Et dans le cas d'un très jeune enfant, que doivent faire les parents avec un enfant de trois ou quatre ans qui est trop jeune pour qu'on puisse lui expliquer les choses?

Participant A : Je pense que le parent devrait le mettre en pénitence dans le coin, lui enlever des jouets pour quelques jours, pour qu'il comprenne.

Participant B : J'allais dire à peu près la même chose. Les parents devraient leur parler au lieu de les frapper, ou encore leur retirer un jouet. Si l'enfant est très petit, on peut l'envoyer dans sa chambre pendant un certain temps ou lui enlever un jouet.

Participant C : Comme je le disais tout à l'heure, c'est un apprentissage. Les parents peuvent punir un enfant en l'obligeant à faire quelque chose; par exemple, s'ils l'obligent à faire des corvées, ils peuvent faire ces corvées avec l'enfant. Ainsi, ils peuvent montrer à l'enfant ce qui est bien et ce qui est mal. Ils parlent avec l'enfant pendant ce temps, au lieu de lui crier par la tête. Ils devraient travailler avec lui pour faire les corvées, ou toute autre punition qui a été donnée à l'enfant, pour que l'enfant comprenne ce qu'il a fait de mal.

Le sénateur Poy : Croyez-vous que beaucoup de problèmes sont causés par le manque de temps des parents, étant donné que les deux parents travaillent; ils ne sont pas à la maison et quand ils rentrent, ils veulent que tout soit parfait, sinon ils sont mécontents?

Participant C : Oui, je l'ai remarqué. Si les deux parents travaillent, ils sont épuisés à la fin de la journée. Ils ne veulent pas prendre le temps d'enseigner les choses à leur enfant; ils se contentent de l'envoyer dans sa chambre, c'est tout.

Participant E : Vous avez mentionné que certains prétendent que les jeunes sont pires de nos jours. Moi, ça me fait toujours rire quand mes parents racontent leurs mauvais coups, parce que c'est drôle, ils se remémorent le bon vieux temps. Quand les gens critiquent les jeunes d'aujourd'hui, ils voient les choses sous un angle tout à fait différent.

Je pense — mais je ne le sais pas vraiment parce que je n'ai que 23 ans — mais en fait je soupçonne que ce qui a effectivement changé et ce qui a empiré, c'est le fossé des générations. Beaucoup des questions dont nous parlons en ce moment, par exemple la discipline et même la participation des jeunes aux décisions à leur école, découlent de ce fossé entre les générations, parce que comme vous l'avez signalé, les parents sont occupés. Il y a moins de communication entre les adultes et les jeunes, si bien que ces problèmes risquent davantage de survenir et de prendre des dimensions exagérées.

Je ne pense pas que les adolescents d'aujourd'hui soient pires que par le passé. Cependant, notre structure sociale et notre façon d'intervenir auprès d'eux ne sont peut-être pas aussi efficaces.

La présidente : Participant D, voulez-vous ajouter quelque chose?

Participant D : Je suis assez d'accord avec ce qu'a dit le participant E. Mais cela n'est pas seulement dû au fait que les deux parents travaillent, car dans bien des cas, les jeunes travaillent eux aussi et il n'y a personne à la maison. On ne passe plus beaucoup de temps en famille et on n'a pas le temps de régler ce genre de problèmes, et c'est dommage. Cela aussi, c'est un facteur important de nos jours. Les jeunes peuvent commencer à travailler dès l'âge de 12 ou de 13 ans, ce qui soulève d'autres questions. Tout le monde travaille et tout le monde est occupé et personne n'a plus le temps de faire quoi que ce soit.

Participant B : Elle vient de dire qu'il y a des jeunes de 13 ans qui travaillent. L'année dernière, il y a eu des jeunes de 12 ans qui ont commencé à travailler, mais ils ne peuvent le faire que pendant deux heures.

La présidente : Nous avons sillonné le Canada et entendu des gens nous décrire les problèmes auxquels les jeunes font face. Participant E, vous avez dit que les jeunes d'aujourd'hui ne sont pas pires que par le passé, mais je pense qu'il y a une différence. Mon expérience est différente de celle de mes parents et de celle de mes grands-parents.

Quel est à votre avis le problème le plus difficile qui se pose à vous actuellement? Différents groupes nous ont parlé de l'école, de la santé, des relations interpersonnelles, des parents, de la pornographie, de la drogue, etc. Vous, qu'est-ce qui est votre plus grand défi d'après vous aujourd'hui?

Participant A : C'est probablement l'école, parce que c'est là que nous passons le plus clair de notre temps, que nous apprenons des choses et que nous voyons nos amis.

Participant B : Je dirais l'école aussi, à cause de la pression du groupe et de tout ce que nos camarades veulent nous faire faire.

Participant C : Je pense moi aussi que c'est l'école. Le participant B a parlé de la pression du groupe, mais il faut montrer aux jeunes comment résister à cette pression du groupe, comment dire non. Beaucoup de jeunes ne savent pas comment refuser. Ils ont une image dévalorisée d'eux-mêmes. Il faut leur montrer à agir de façon à améliorer qui ils sont au lieu de se déprécier.

Le sénateur Munson : Cet échange est extrêmement instructif. Je fais partie de la génération vieillissante des baby-boomers et je pense que le problème tient, entre autres, au fait que pendant les années 1960, nous avions beaucoup de liberté. Nous nous sommes battus pour cette liberté et maintenant nous essayons d'imposer un contrôle à nos enfants. C'est vraiment bizarre.

Cependant, le participant C a parlé de racisme, de ce qui se passe à l'école et de l'injustice faite aux Soudanais.

Existe-t-il des programmes pour remédier à ces problèmes? Les gens se parlent-ils? Arrive-t-il qu'un enseignant ou un directeur d'école prenne deux jeunes qui sont nés à Edmonton et deux autres, qui sont originaires du Soudan, pour les inviter à s'asseoir ensemble et à discuter. Y a-t-il des programmes de ce genre?

J'ai une autre question. Y a-t-il des campagnes de sensibilisation à l'intimidation à l'extérieur des écoles? Certes, les professeurs ne sont pas des gardiennes d'enfants, mais ne pourraient-ils pas rassembler quelques jeunes et les inviter à parler ensemble?

Participant C : Oui, cela se fait beaucoup, mais bien des jeunes ne disent rien de crainte de se faire traiter de mouchards.

À l'heure actuelle, à Edmonton, si un jeune dénonce un membre d'un gang, il est sûr de recevoir une raclée. Voilà pourquoi beaucoup de jeunes se taisent. Ils n'en parleront même pas au directeur de l'école. Ils gardent tout pour eux jusqu'à ce qu'ils éclatent.

Quand cela arrive, le jeune est suspendu de l'école. Jusque-là, il n'avait rien voulu dire parce qu'on le traitait de mouchard ou de « stool ». Un beau jour, n'en pouvant plus, il éclate et s'en prend à ceux qui l'intimidaient; il leur donne une volée et se fait expulser de l'école parce qu'il a peur de dire ce qui s'est passé.

Le sénateur Munson : Comment peut-on éviter d'en arriver là?

Participant C : Je pense que les jeunes apprennent tout cela à la maison. Beaucoup de jeunes racistes le sont devenus très jeunes. Mon père était vraiment raciste, mais j'ai pu surmonter cette tendance et je ne suis pas raciste. Tout est dans la façon dont on a été éduqué.

Le sénateur Munson : Quelque chose s'est produit dans votre vie et une lumière s'est allumée. Vous avez sans doute parlé à certains de vos amis et dit « tout cela est ridicule. Un être humain est un être humain ».

Participant C : Oui, mais beaucoup de jeunes ne le comprennent pas. Ils croient ce que leur apprennent tous les membres de leur famille. Ils s'en tiennent à cela.

Ma mère m'a beaucoup aidé à ne pas devenir raciste. Elle n'est pas raciste, mais mon père l'est. Si les deux parents sont racistes, de même que les grands-parents, les tantes et les oncles, l'enfant apprendra forcément à être raciste.

Il y a beaucoup de campagnes de sensibilisation à l'intimidation, mais elles ne semblent pas vraiment atteindre leur but. Les jeunes pensent que c'est une farce. Les messages ne sont pas assez clairs. S'ils l'étaient, les gens comprendraient peut-être le message, mais en ce moment ils se moquent de toutes ces campagnes. Si les messages n'étaient pas amusants mais plutôt simples et révélateurs — il faudrait que les messages soient vraiment frappants — ils pourraient vraiment rejoindre les jeunes.

Participant B : En effet, cela dépend de ce que nous enseignent nos parents. Mes parents sont divorcés et je ne vois pas très souvent mon père parce que je n'aime pas sa nouvelle femme, qui est vraiment méchante envers moi. Je pense moi aussi que ce qui importe, c'est la famille et ce que pensent les mères de famille. Ma mère n'est pas raciste, mais mon oncle, oui.

Participant D : Y a-t-il des campagnes de sensibilisation contre le racisme et l'intimidation à votre école?

Participant B : En 7e année, nous avons une journée défi où on nous parle toute la journée de questions liées à l'intimidation.

Le sénateur Munson : Le visage de notre pays est en train de changer, comme vous l'avez décrit par ce que vous avez dit au sujet de votre école. Mon fils vient de finir son cours secondaire à Ottawa. Dans des écoles partout au pays, les élèves de race blanche seront peut-être en minorité.

Notre société doit accepter ce fait. Il n'y a plus de frontières dans le monde d'aujourd'hui et les gens se déplacent d'un pays à l'autre. Quant à moi, je garde espoir parce que dans notre famille nous prenions le temps de discuter ensemble. Nous n'avions pas à expliquer longuement les choses parce que nos enfants sont nés à l'étranger et qu'ils comprenaient très bien la situation à leur retour au Canada.

Vous avez tout à fait raison au sujet des parents. Ce qui importe, c'est de prendre le temps de parler ensemble, de réserver pour cela non pas un vendredi soir mais un dimanche soir, simplement pour bavarder ensemble. Chez moi, par exemple, nous essayons de réserver le dimanche soir à ces conversations. Notre jeune peut même garder sa casquette. Nous lui disons « tu peux tout simplement t'asseoir et nous écouter ». Cela peut se faire.

Il faut réserver deux ou trois heures par semaine à ces échanges parce que, comme vous l'avez dit, tout le monde court tout le temps. Cela donne des bons résultats lorsqu'on peut se réserver des moments en famille, car l'éducation commence à la maison.

Participant E : Vous avez demandé si le directeur d'école avait le temps de s'occuper de ces conflits; je dirais tout d'abord que les directeurs n'en ont pas le temps, étant donné la pénurie de personnel à l'école.

Par ailleurs, si on désigne un employé pour jouer ce rôle, cela n'ira pas nécessairement de soi car peu de gens sont à l'aise et qualifiés pour l'assumer. C'est ce que j'ai constaté quand j'étais à Saskatoon; les adultes ne voulaient pas aborder ces sujets avec les jeunes parce qu'ils n'étaient pas à l'aise, eux-mêmes, avec ces questions. Il me semble qu'on saute des étapes. Demander aux jeunes de faire ce que les adultes autour d'eux sont incapables de faire, c'est beaucoup demander.

J'ai constaté, et j'ai travaillé dans une école pendant cinq ans, que nous avons toujours des conversations où tout le monde dit : « Qu'est-ce qu'ils ont dit? Vous parlez de quoi? » Nous répondons : « Oui, nous en parlons, et oui, nous savons que vous ne voulez pas aborder la question, mais c'est précisément ce que vous devez faire. »

Je pense que nous devons accorder plus d'importance à ce genre de questions, même si cela nous met mal à l'aise, et que l'on doit permettre plus souvent que l'on traite de ces questions; il s'agit non seulement de permettre que l'on traite de ce genre de questions mais aussi que l'on s'attende à ce que ce genre de conversations aient lieu à l'école en s'assurant que le personnel reçoit la formation dont il a besoin et possède l'expérience dont il a besoin pour se sentir à l'aise avec ce genre de sujet.

Le sénateur Carstairs : Participant E, vous m'avez rappelé mon expérience en tant qu'enseignante lorsque j'enseignais l'éducation sexuelle — bien entendu à l'époque nous appelions cela l'éducation familiale, l'initiation à la vie. C'est vrai; les enseignants qui se sentaient à l'aise pour enseigner l'éducation sexuelle étaient rares. La grande majorité d'entre eux étaient très mal à l'aise, et les enfants étaient plus embarrassés pour l'enseignant que d'apprendre quoi que ce soit en matière d'éducation sexuelle, parce qu'ils disaient : « Oh, ce pauvre enseignant qui doit enseigner ce sujet et de toute évidence ne se sent pas très à l'aise de le faire ».

J'aimerais vous parler tous les deux de la question de la protection de la vie privée, depuis les lettres que vous recevez, les courriels que vous recevez et vos casiers à l'école. Avez-vous l'impression que l'on respecte en fait votre vie privée, ou avez-vous l'impression que parce que vous êtes un jeune, les parents et les enseignants peuvent vous traiter comme ils le veulent : ils peuvent lire votre courrier, ils peuvent examiner tout ce qu'ils veulent?

Participant C : Oui, c'est un gros problème, particulièrement avec les parents. Si on reçoit une lettre d'un ami, les parents vont vouloir la lire. Nous avons l'impression de ne pas pouvoir refuser, qu'ils doivent la lire.

C'est la même situation en ce qui concerne les courriels. Bien sûr, les jeunes peuvent avoir une certaine intimité, mais comment savent-ils si quelqu'un à l'autre bout n'est pas en train de lire leurs courriels, si quelqu'un n'est pas en train de faire intrusion dans votre ordinateur et de lire vos courriels?

Même à l'école, si les enseignants soupçonnent quoi que ce soit, ils peuvent ouvrir vos casiers sans permission, ce qui est une bonne chose parce qu'un grand nombre de jeunes pourraient y garder de la drogue ou Dieu sait quoi. Mais il n'en reste pas moins qu'un jeune pourrait leur dire : « Ce jeune a de la drogue » et ce n'est pas la vérité, et ensuite l'enseignant ira fouiller dans son casier. Je pense qu'ils devraient faire une enquête, interroger les jeunes plutôt que d'aller fouiller son casier.

Participant B : Dans notre école, les enseignants ne peuvent fouiller notre casier que s'ils découvrent que quelqu'un a apporté de la drogue, donc ils ne peuvent pas aller fouiner dans nos casiers chaque fois qu'ils le veulent. C'est du moins ce qu'ils nous ont dit.

Le sénateur Munson : Vous les croyez, n'est-ce pas?

Participant B : Oui.

Participant A : Je considère qu'à l'école on respecte beaucoup ma vie privée mais c'est à la maison; ma mère connaît tous les mots de passe de mon ordinateur, elle peut avoir accès à ma messagerie instantanée et lire mes messages. Je n'ai pas vraiment beaucoup d'intimité à la maison.

La présidente : Participant A, simplement pour reprendre ce que vous avez dit à propos du fait que votre mère connaît votre mot de passe, une partie du problème pour les parents — et je suppose que ce sera également un problème pour les jeunes — c'est qu'ils tiennent à s'assurer que leurs enfants ne sont pas exposés à la pornographie et n'en deviennent pas victimes.

Dans les cas terribles où un enfant a fait l'objet d'exploitation sexuelle et a moins de 18 ans, souvent on reproche aux parents d'avoir ignoré ce que faisait leur enfant. Par la suite, l'enfant souvent répond : « Je savais ce dans quoi je m'embarquais à ce moment-là, mais la situation a dérapé, et je me suis ressaisi. »

Êtes-vous en train de dire que cette invasion de votre vie privée est une bonne chose même si elle est frustrante, ou que les parents ne devraient pas agir de cette façon-là? En tant que sénateurs, c'est un aspect auquel nous allons devoir faire face en ce qui concerne la loi : la capacité de contrôler et de limiter l'accès privé de la part des enfants à une bonne partie de cette nouvelle technologie.

Participant A : Je vis avec mes grands-parents, mais ma mère demeure l'un de mes tuteurs. Elle a installé ce programme sur mon ordinateur qui bloque toute violence, nudité, jurons ou quoi que ce soit, donc elle saura si j'essaie d'avoir accès à ce genre de choses. Je ne crois pas qu'elle devrait avoir accès à ma messagerie textuelle pour prendre connaissance des conversations personnelles que j'ai avec mes amis.

Le sénateur Nancy Ruth : Un grand nombre des conversations ont traité de ce que l'on pourrait décrire comme des « droits concurrents », le genre de droit qui permet d'empêcher un jeune d'avoir accès à la violence et à la pornographie, votre droit de dire que les messages que vous recevez sur votre système de messagerie textuelle sont privés. C'est un énorme problème partout. Il y a des familles qui viennent d'autres pays et qui ignorent quels sont les droits de leurs enfants dans ce pays, et il existe des cultures où ces droits sont concurrents. Cela se produit partout dans la société.

Est-il possible pour vous dans vos écoles, individuellement, de vous réunir avec quelques autres jeunes — et peut-être un enseignant — pour commencer à parler de ce genre de questions? Car elles vont faire partie de votre vie pour le reste de votre vie. Les histoires que nous avons entendues ici se reproduiront.

Je viens de Toronto qui, dans 10 ans, ne sera plus une ville à majorité blanche; le changement a été rapide. Cela n'est pas forcément le cas dans les maisons de courtage et les institutions bancaires, mais c'est le cas en ville.

Que pensez-vous de l'idée d'enseigner aux enfants quels sont leurs droits et peut-être ensuite faire la même chose avec les parents? Car eux non plus ne sont pas au courant des droits des enfants. Quelle mesure pourrait-on prendre pour régler ces problèmes des droits concurrents, et a) apprendre quels sont vos droits et b) quels sont les autres qui ont ces mêmes droits? Comment pouvez-vous travailler ensemble? À quel niveau vous est-il impossible de travailler ensemble?

Participant A : Il faudrait qu'on nous renseigne davantage à propos de nos droits parce que, avant aujourd'hui, j'ignorais quels étaient mes droits, et je crois que c'est le cas aussi pour mes grands-parents.

Le sénateur Nancy Ruth : Qui pourra le mieux vous renseigner à ce sujet?

Participant A : Je pense que ce sont probablement les enseignants à l'école.

Le sénateur Nancy Ruth : Pas vous?

Participant A : Non.

Participant B : Lorsqu'on nous a invités à venir ici, ma mère a dit qu'elle ignorait l'existence de ces droits, et jusqu'à aujourd'hui moi non plus, je n'en savais rien.

Le sénateur Nancy Ruth : Croyez-vous que c'est un sujet dont vous pourriez traiter dans votre école avec d'autres jeunes et un enseignant? Vous n'êtes pas le seul qui n'est pas au courant.

Participant B : Nous pourrions probablement réunir tout un tas de gens qui veulent se renseigner de même que certains enseignants, et nous pourrions probablement avoir un cours sur ce sujet et le dire au directeur de l'école.

Le sénateur Nancy Ruth : Ce serait une expérience intéressante.

Qu'en pensez-vous, participant C?

Participant C : Des cours sur les droits de la personne dans les écoles seraient très utiles, où on enseignerait aux étudiants en quoi consistent les droits de la personne, mais aussi dans les collèges ou dans les établissements d'enseignement fréquentés par de jeunes adultes; il faudrait aussi qu'on leur enseigne ce sujet.

Je sais que des travailleurs sociaux et d'autres personnes reçoivent une formation à ce sujet, mais je considère que c'est une formation que tout le monde devrait recevoir parce qu'à l'heure actuelle la formation n'est pas suffisante.

Le sénateur Nancy Ruth : Croyez-vous être assez curieux pour aller sur Internet ce soir et trouver de l'information sur les droits des enfants?

Participant C : Oh, oui. Bien sûr.

Le sénateur Munson : C'est donc un aspect essentiel. C'est le message de l'après-midi : comprendre les droits de la personne.

Aujourd'hui, à titre d'exemple, en tant que nouveau membre du comité, j'ai dû faire une entrevue; donc j'ai demandé à la présidente quels étaient les principaux éléments des droits de l'enfant. La Convention comprend environ 46 articles, et elle a parlé du droit de faire partie d'une famille, du droit de recevoir une éducation, du droit de se faire entendre devant un tribunal plutôt que de se voir imposer certaines choses. Ce sont des questions simples.

C'est un cours intensif pour moi aussi, mais en septième, huitième, neuvième et dixième années, si on offrait des cours sur les droits de la personne partout au pays, cela serait utile. C'est une bonne chose d'épargner à une personne le risque de faire l'objet d'intimidation, et c'est une bonne chose d'empêcher une personne de tenir des propos terribles à propos de quelqu'un d'autre. Vous avez tout à fait raison de le dire parce que c'est une éducation en soi.

Participant C : En ce qui concerne le droit d'avoir une famille, combien de jeunes à l'heure actuelle ont été mis à la porte du Edmonton Integrated Services? On a décidé de fermer ce service, parce que le dirigeant a décidé que tous ces jeunes devaient retourner dans leur famille. Combien de jeunes ne peuvent pas retourner dans leur famille et avaient besoin de ce service pour vivre? Combien de jeunes vivent dans la rue à l'heure actuelle?

Le sénateur Carstairs : Participant C, pourriez-vous nous en dire un peu plus à propos de ce programme?

Participant C : Edmonton Integrated Services est un important projet de foyers collectifs à Edmonton, et le responsable, qui vient d'être élu, a décidé que tous les enfants devaient pouvoir rentrer dans leur famille et que les parents devaient reprendre leurs enfants, mais combien de parents ne sont pas disposés à le faire?

Il n'y avait aucune raison de fermer ce service, mais c'est ce qu'ils ont fait, et maintenant il n'existe pratiquement aucun foyer collectif dans la ville pour ces jeunes. Il s'agit du foyer le plus important; je le sais parce que mon frère travaille pour le Edmonton Catholic Social Services.

Participant E : Est-ce que les jeunes ont eu leur mot à dire dans cette décision, ceux qui restaient dans ces écoles?

Participant C : Je l'ignore. Je ne le crois pas.

Participant D : Cette situation est peut-être aussi attribuable en partie au fait qu'ils viennent de modifier la Child, Youth and Family Enhancement Act, et qu'il s'agissait de l'un des plus grands objectifs de cette loi, à savoir faire en sorte que les enfants demeurent au sein de leur famille ou avec leurs parents proches; mais cela semble être une mesure draconienne. Il existe un processus à suivre.

Participant C : C'est ce qu'ils ont fait. Non, ce n'est pas correct. Je connais un jeune de 14 ans, le frère de la petite amie de mon frère qui vit dans la rue à l'heure actuelle, parce qu'on a décidé de fermer tous les foyers collectifs.

La présidente : Simplement pour situer un peu le contexte de la Convention relative aux droits de l'enfant, l'aspect le plus difficile des négociations au cours des années 80 portait sur la disposition concernant le droit à une famille, qui consistait à définir une famille.

Cela signifie-t-il demeurer avec ses parents biologiques? Cela signifie-t-il avoir une famille élargie; ou une définition communautaire de la « famille », comme celle qui existe chez les Autochtones de notre pays, en considérant que si une mère n'arrive pas à s'occuper de son enfant, pourquoi ne pas confier l'enfant à la grand-mère ou à quelqu'un d'autre? Il s'agit toujours de la famille.

La Convention n'a pas défini la « famille », mais a indiqué que chaque enfant a le droit d'avoir un environnement familial. Vous dites que parfois un foyer d'accueil, un foyer collectif, ou un voisin peut permettre la formation des liens affectifs, assurer la sécurité et l'amour que les propres parents biologiques d'un enfant sont incapables de fournir ou refusent de fournir.

Il faut que notre société comprenne que ce peut être une très bonne politique de dire, « N'institutionnalisez pas les jeunes. Envoyez-les à la maison ». Cependant, s'ils ne peuvent pas aller à la maison, nous devons leur offrir une option qui est aussi bonne que de les envoyer à la maison, et c'est là où nous éprouvons des difficultés.

Nous venons d'apprendre, suite à notre visite à Regina, que cela s'est déjà passé. Nous avions un foyer-refuge sécuritaire pour les enfants dont les familles n'étaient pas fonctionnelles, mais ce foyer n'était pas très sûr pour les enfants.

C'est un problème avec lequel nous nous débattons, et vous avez abordé un aspect essentiel : nous nous épanouissons tous lorsque nous avons confiance en quelqu'un, lorsque nous vivons avec une personne avec laquelle nous nous sentons à l'aise et qui nous donne de l'affection, et c'est ce dont nous avons besoin surtout lorsque nous sommes enfants, mais aussi tout au long de notre vie. Si, dès le départ, les enfants ne bénéficient pas d'un tel environnement, vers qui vont-ils se tourner?

Comme l'un des jeunes m'a dit hier, ils vont se tourner vers les gangs parce qu'ils s'y sentent à l'aise. Les gangs ne les jugent pas; les jeunes disent « Ils m'acceptent comme je suis, et c'est la raison pour laquelle j'en fais partie. » Il y a quelque chose qui ne va pas si l'on dit que le seul endroit où un enfant se sent à l'aise c'est dans un gang.

Nous ne disons pas « Retournez chez vos parents »; dans la Convention, nous disons que l'enfant a le droit à un environnement où il reçoit de l'affection et se sent en sécurité.

Participant C : Oui. En ce qui concerne les gangs, la première fois que l'on m'a mis dehors, j'étais dans la rue, et je me suis tourné vers les gangs. Ce n'était pas un droit, mais cela m'a donné un sentiment de sécurité, et c'était un faux sentiment de sécurité parce que j'ai été poignardé trois fois à cause de ce choix stupide, ce qui n'était pas une bonne chose.

Si on met les enfants dans la rue, et qu'ils n'ont rien d'autre, ils vont se tourner vers les gangs; c'est tout ce que je suis en train de dire. S'il existait davantage de foyers collectifs, et si le Edmonton Integrated Services n'avait pas été fermé, il n'y aurait probablement pas autant de jeunes faisant partie de gangs.

Le sénateur Carstairs : Nous avons tendance à considérer que la famille se compose du père et de la mère et de trois mignons petits enfants. Aucun d'entre vous ne vit dans ce genre d'environnement.

Vous vivez avec vos grands-parents.

Vous vivez avec votre mère.

En ce qui concerne le participant C, j'ignore précisément où vous vivez à l'heure actuelle.

Participant C : Je vis dans un foyer collectif.

Le sénateur Carstairs : Combien de vos camarades de classe se trouvent dans votre situation et non dans la situation que la plupart des adultes considèrent comme la norme, c'est-à-dire, maman, papa et trois mignons petits enfants?

Participant C : Énormément de jeunes.

Le sénateur Carstairs : Participant B, avez-vous une idée du nombre d'étudiants dans votre école qui font partie d'une famille traditionnelle et du nombre qui font partie d'une famille comme la vôtre?

Participant B : Un grand nombre de mes amis vivent uniquement avec leur mère ou uniquement avec leur père; il y a très peu d'étudiants de mon année qui vivent avec leurs deux parents.

Participant A : La plupart de mes amis vivent effectivement dans un foyer collectif ou simplement avec leur mère, mais certains de mes amis vivent avec toute leur famille. L'une de mes amies vient d'un foyer collectif et elle vient de déménager chez sa mère; son père est mort lorsqu'elle était plus jeune. Voilà à quoi ressemblent la plupart des familles de mes amis.

Le sénateur Carstairs : Croyez-vous que cela fait partie du problème, c'est-à-dire qu'il n'y a pas suffisamment de stabilité familiale? De toute évidence, si l'un des parents bat les enfants, on ne peut pas parler de stabilité familiale.

Participant D : Je ne crois pas que ce soit nécessairement le problème, mais un simple problème de soutien pour ces différentes structures familiales. Certains types de famille reçoivent beaucoup d'aide, mais il n'y a pas beaucoup d'aide pour tous les différents types de famille qui existent — comme par exemple dans notre cas nous avons été élevés par notre grand-mère qui s'est occupée de nous. Par exemple, les familles élargies sont différentes. Je ne crois pas qu'il existe suffisamment de mécanismes de soutien pour aider ces différents types de structures familiales.

Le sénateur Munson : Certaines des discussions que nous avons eues aujourd'hui ont été très utiles.

La présidente : Je considère qu'elles ont été très utiles. Comme je l'ai déjà dit, j'ai travaillé pour le tribunal de la famille et au début l'aspect le plus difficile était d'écouter les enfants. Je m'occupais de cas de garde. Le père et la mère voulaient tous les deux que les enfants vivent avec eux. Les agents chargés du cas préparaient les rapports.

Nous voulions que le juge parle d'abord aux enfants, et je me suis vraiment battue pour que cela se fasse, et lorsque le premier enfant est entré dans mon cabinet pour me parler — et c'était en privé — je ne savais pas comment lui parler. Je savais comment parler à mes nièces et neveux et tous les enfants qui m'entourent, mais j'ignorais comment parler aux enfants en tant que juge. Comment les aider dans ce genre d'environnement.

J'ai dû apprendre toute une série de nouvelles aptitudes pour parler à des jeunes qui ne faisaient pas partie de ma famille ni de ma structure. J'ai l'impression que nous tous ici présents, nous sommes tous débattus avec ce genre de problème, c'est-à-dire arriver à se parler vous et nous — je ne suis pas sûre qui souffre le plus; c'est probablement nous.

On nous accuse souvent de parler aux jeunes de façon condescendante, de manquer de pertinence, d'être moralistes, mais même la façon dont nous nous exprimons est différente.

Je suis allée à l'étranger pendant sept ans, et lorsque je suis revenue, j'avais de la difficulté à parler aux adultes parce que le jargon, la langue avait changé. Ils parlaient de choses que j'ignorais. Chacun d'entre nous doit faire l'expérience de ce processus d'apprentissage. Je considère que c'est la leçon que je tire des discussions d'aujourd'hui.

Nous élaborons un grand nombre de politiques à votre intention : où vous loger; le genre de lois que vous devez respecter; ce que vos parents peuvent ou ne peuvent pas faire. Tout cela fait désormais partie des processus gouvernementaux que réclame la population.

Nous constatons que lorsque nous élaborons des politiques pour les jeunes, nous devons apprendre à tenir compte du point de vue des jeunes, parce qu'une partie de la Convention dispose que l'on tienne compte des opinions des jeunes, et cela devrait faire partie de nos politiques et de nos pratiques.

Il serait intéressant de réunir une dizaine de politiciens ici simplement pour qu'ils vous parlent — non pas pour entendre vos présentations, mais pour parler — et voir s'ils se sentent à l'aise. Si on tenait plus de réunions de ce genre, peut-être que nos lois et nos politiques changeraient. J'ai trouvé ces discussions très utiles.

Est-ce que vous voulez faire d'autres commentaires au sujet de ce processus ou à propos de votre vie? Nous tenons à vous assurer que nous allons tenir compte des commentaires entendus au cours de cette réunion. Nous allons beaucoup réfléchir à ce qui s'est dit au cours de cette réunion. Nous allons préparer un rapport, et j'espère que vous constaterez certains échos de vos commentaires dans ce rapport.

Participant E : Il est remarquable que vous veniez d'avouer que vous avez dû apprendre à parler aux jeunes, parce que d'après notre expérience, souvent les gens ne sont tout simplement pas prêts à admettre que c'est une compétence qu'ils ne possèdent peut-être pas, et il faut qu'ils l'admettent avant qu'ils puissent prendre les mesures qui s'imposent.

Je suis d'accord avec tout ce que vous venez de dire. Pour ce qui est de créer davantage d'occasions qui nous permettent de converser simplement et normalement, le fait que nous soyons ici en dit déjà long. Ces personnes ont fait du vraiment bon travail aujourd'hui, compte tenu du fait qu'elles ont été invitées à la dernière minute. Vous avez vraiment fait du bon travail.

Quelles sont certaines des solutions de rechange à ce genre de table ronde? En quoi consisterait une situation qui serait mieux adaptée aux jeunes? Je suis très satisfait de la façon dont les choses se sont déroulées aujourd'hui, mais que pourrions-nous faire d'autre? Je considère que c'est le début d'un travail qui nous permettra de trouver d'autres possibilités pour les jeunes et les adultes — les jeunes et les sénateurs — de travailler ensemble, travail qui est vraiment intéressant et essentiel si on veut assurer l'application des articles 3, 12 et 13.

Dans l'exemple donné par le participant C de la fermeture de foyers collectifs, de toute évidence il n'existe pas de structure permettant aux jeunes d'être consultés à ce sujet. N'est-ce pas le meilleur exemple que l'on puisse donner d'une décision prise qui touche les jeunes? Il faudrait vraiment examiner des cas de ce genre pour améliorer la situation, du moins améliorer les articles en question.

La présidente : Je vous remercie.

Honorables sénateurs, nos témoins suivants sont MM. Kristopher Wells et Will Simpson.

Kristopher Wells, Département des études sur la politique d'éducation, Faculté d'éducation, Université de l'Alberta : C'est un plaisir d'avoir été invité à comparaître devant vous aujourd'hui. Je suis en train de terminer un doctorat sur les politiques de l'éducation à l'Université de l'Alberta. Ma recherche porte sur les minorités sexuelles, les jeunes et les enseignants dans le réseau d'éducation publique.

J'ai la chance de profiter d'une bourse de recherche du gouvernement fédéral qui m'est accordée par l'entremise du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Ici même à Edmonton, je dirige un groupe de jeunes qui s'appelle Youth Understanding Youth. Il s'agit du groupe de soutien social pour les gais, les lesbiennes, les bisexuels, les transgenres et les jeunes allosexuels.

Je vais vous préciser brièvement certains termes que j'utilise au fur et à mesure que j'avancerai dans mon exposé.

J'ai également la chance de travailler avec le Service de police d'Edmonton et, plus particulièrement, son unité des crimes fondés sur la haine et les préjugés, pour aider à informer le service de police et le public sur des questions particulières concernant les minorités sexuelles à Edmonton, plus précisément en ce qui concerne la violence et la victimisation.

Le fait d'être à l'université me donne la chance de travailler avec de nombreuses institutions sociales que je considère importantes et qui essaient de déterminer ce que c'est que d'être résidents d'Edmonton et d'être Canadiens. J'espère pouvoir vous transmettre certains de ces renseignements aujourd'hui dans le cadre de mon bref exposé.

Je fais partie des premières générations de Canadiens à être nés libres. J'entends par là qu'en 1969, l'homosexualité a été décriminalisée. Je suis né en 1971; par conséquent, je ne suis pas né criminel dans mon pays. Ce phénomène a des répercussions très importantes pour les minorités sexuelles au Canada.

Nous rencontrons de nombreuses personnes dans notre collectivité qui ont eu une peur bien fondée de la police et des grandes institutions sociales. Je travaille avec elles pour les aider à surmonter cette peur et leur faire comprendre que nous vivons dans une nouvelle réalité où nous tentons d'être plus visibles, de mieux faire entendre notre voix et d'être davantage membres à part entière de nos grandes institutions sociales.

Il est également important de reconnaître cette situation parce que la prochaine génération, celle qui suit la mienne, s'extériorise maintenant avec fierté tant à l'école que dans sa famille, ce qui a d'importantes conséquences pour les enseignants, les organismes gouvernementaux, lorsque les homosexuels « sortent du placard » à l'âge de 14 ou 15 ans, c'est-à-dire l'âge moyen où l'on affirme son identité sexuelle. Le problème se pose directement dans les écoles, alors qu'il y a une décennie, il n'était même pas nécessaire d'aborder la question avant peut-être l'éduction postsecondaire ou après.

Nous avons connu de nombreux changements, certainement depuis 1995 — lorsque la Cour suprême du Canada, dans la décision Egan, a reconnu pour la première fois la discrimination dont la communauté homosexuelle a toujours été victime — nous avons assisté dès lors à des changements rapides au Canada. Ce sont là des changements dont nous pouvons tous être certainement fiers quand on considère l'aspect multiculturel et pluraliste de notre pays.

Au cours des dix prochaines minutes, je me propose de vous donner un aperçu général de la question et de parler un peu de la recherche qui se fait à l'échelle nationale. Que savons-nous de cette communauté de jeunes en particulier? Qu'est-ce que les statistiques nous ont révélé? Que nous disent les jeunes? Lorsque nous possédons ces données, que pouvons-nous faire pour aborder certaines des réalités et des vulnérabilités auxquelles est exposé ce groupe à risque?

J'aimerais vous faire brièvement part de certains travaux que nous avons effectués ici à Edmonton et qui revêtent un intérêt national pour établir un modèle de résilience et de leadership chez les jeunes.

Ma recherche porte sur les questions suivantes : comment faire passer les jeunes d'une situation de risque à une situation de résilience? Quels sont les principaux facteurs de protection qui doivent être intégrés à leur vie? Nous examinerons ensuite certaines des grandes lacunes que nous pourrions combler, ainsi que certaines alliances que nous pourrions vouloir créer, et le type de soutien déjà en place qui parfois ne nécessite qu'un peu de coordination et de collaboration supplémentaires pour avoir un impact énorme.

Will Simpson va vous parler de la philosophie de l'organisation The Society for Safe and Caring Schools and Communities; de certains de leurs projets et ressources qui portent sur la question plus générale de la diversité, en mettant particulièrement l'accent sur l'information du public dans nos collectivités.

J'aime toujours commencer mon exposé en définissant certains termes, ne connaissant pas le langage des gens et ne sachant pas non plus jusqu'à quel point ils sont sensibilisés à la question.

Lorsque j'utilise l'acronyme « LGBT » ou « LGBTA », cela veut dire lesbienne, gai, bisexuel, transgenre et « allosexuel ».

Le terme « allosexuel » est contesté. Certaines personnes me disent que c'est un mot qui ne devrait jamais être utilisé en public, mais il est important de comprendre que c'est un terme que les jeunes utilisent maintenant pour se décrire eux-mêmes. Il est plus fluide.

Le terme « queer » vient en fait du latin torquere, qui veut simplement dire « tordre », ou « altérer », et en altérant une chose, on peut la voir différemment. On veut ici parler de la fluidité de la sexualité, cette sexualité qui n'est pas une simple représentation binaire du mâle d'un côté et de la femelle de l'autre; ni cette opposition de l'hétérosexuel d'un côté, de l'homosexuel de l'autre. Nous savons que dans les binaires, on privilégie toujours un côté, alors que l'autre est toujours subjugué. Les termes sont définis en rapport l'un avec l'autre.

Ainsi, l'utilisation du terme « allosexuel » vise vraiment à briser le modèle binaire et à remettre en question ce qui est normal, ce que normal veut dire dans notre société. Fait intéressant à signaler, les jeunes aiment bien utiliser ce terme parce qu'il ne les fixe pas dans une catégorie — ne les réduit pas à être un jeune homme gai ou une jeune femme lesbienne — mais reconnaît que leurs désirs, leurs intérêts peuvent changer au cours de leur vie.

C'est aussi une discipline universitaire. Les études sur les « allosexuels » sont en train de se tailler une bonne place dans les études sur la sexualité, les études sur les femmes, les départements d'anglais, par exemple. Certes, il y a des études sur les « allosexuels » qui se font dans le monde de l'éducation.

Un autre terme synonyme est « minorité sexuelle ». Nous savons qu'en droit et dans les lois, le gouvernement fédéral reconnaît trois types de minorité au Canada : linguistique, ethnique et culturelle et sexuelle. Cette expression est davantage utilisée de façon universelle, particulièrement dans les lois et les politiques.

Il est important de reconnaître que cette minorité est une minorité invisible; les jeunes lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres ne s'affichent pas nécessairement comme tels dans leurs familles ou leurs collectivités, à moins de se sentir tout à fait en sécurité de le faire.

Une telle révélation peut nous amener à poser le constat suivant : « Cette personne m'a suffisamment fait confiance pour s'afficher et me faire part de cette partie importante de sa vie. » Cette « invisibilité » fait de ce groupe une entité difficile à joindre; il est difficile d'aborder certains de ses besoins et de ses préoccupations. C'est une arme à double tranchant. La sécurité de ces personnes est parfois liée à leur invisibilité, mais il est difficile d'aborder leurs problèmes de sécurité si elles ne sont pas en même temps visibles.

La recherche nous indique également que ce groupe est la cible démesurée d'actes de violence et de victimisation. On dit souvent que l'homophobie dans notre société est l'un des derniers préjugés acceptables qui n'est pas nécessairement enrayé dans notre vie de tous les jours.

Par exemple, depuis trois ans, l'unité des crimes fondés sur la haine et les préjugés indique que les minorités sexuelles sont parmi les groupes les plus ciblés et les plus victimisés de la région d'Edmonton.

Nous savons également qu'il y a un grave problème d'intimidation. En fait, dans sa réponse au rapport provisoire des Nations Unies, le gouvernement fédéral a fait remarquer que ce groupe en particulier était fortement à risque d'intimidation et de victimisation au Canada. Il faut certainement faire d'autres efforts pour corriger cette situation.

L'identité sexuelle, en ce qui concerne les transgenres, est un concept plus récent. On ne possède pas beaucoup d'information et peu d'efforts de sensibilisation ont été faits à ce sujet. Essentiellement, « l'identité sexuelle » est définie comme étant le sentiment qu'a une personne d'être un homme ou une femme, ce qui peut être conforme à son sexe biologique comme tel, ou non.

On entend souvent parler de ce phénomène de ne pas se sentir dans le bon corps. Les gens vont prendre différents moyens pour harmoniser leurs émotions internes avec leur identité biologique. Certains vont aller jusqu'à l'inversion sexuelle chirurgicale, d'autres vont simplement changer leurs traits particuliers, leurs vêtements et leur apparence.

De plus en plus de commissions des droits de la personne au Canada reconnaissent l'identité sexuelle comme un motif de distinction illicite. C'est le cas en Alberta ainsi qu'en Ontario, et je crois au Québec également. Il y a de plus en plus de procès dans ce domaine.

Ce qui est important pour les jeunes, c'est que cela les place souvent dans une situation extrêmement risquée. La communauté transgenre est la plus à risque de toutes les minorités sexuelles, simplement parce qu'elle va au-delà de deux frontières ou catégories fondamentales dans notre société, à savoir le sexe, la sexualité et les deux combinés.

Parfois, on constate que le comportement homophobe, l'intimidation ou la discrimination sont utilisés pour ramener les jeunes — ou les adultes dans certains cas — à leur rôle sexuel particulier : « Regarde ce que c'est d'agir comme un homme, ou d'agir comme une femme, et si tu franchis cette petite ligne, on va utiliser le langage ou d'autres moyens pour te remettre à ta place. »

Si un homme s'exprime de façon trop féminine, on dit qu'il est une « tapette ». Si une femme s'exprime de façon trop masculine pour afficher ses intérêts ou ses objectifs, on la traite souvent de « gouine ». Ce sont là les deux termes les plus dégradants ou les plus communs utilisés chez les jeunes dans nos écoles, malheureusement, aujourd'hui.

Mais que savons-nous à l'échelle nationale des jeunes membres des minorités sexuelles? En 2004, j'ai travaillé avec Youthography, une société nationale de marketing dirigée par Ping Marketing. La société a mené une enquête auprès de 1 353 jeunes, âgés de 13 à 29 ans, dans chaque province et territoire du pays. Dans le cadre de cette enquête, j'ai eu la possibilité de poser dix questions qui portaient spécifiquement sur l'orientation sexuelle et l'identité sexuelle.

À ce jour, il s'agit de la seule recherche nationale qui s'est penchée sur l'orientation sexuelle et l'identité sexuelle de nos jeunes à grande échelle partout au Canada. Nous avons ainsi des données de base pour repérer certains de ces enjeux.

Dans cette enquête anonyme, 3,5 p. 100 des répondants se sont identifiés comme membres d'une minorité sexuelle, ce qui est conforme aux autres études. Pourtant, 7,5 p. 100 reconnaissent également avoir eu des expériences avec des personnes du même sexe, précisant qu'ils ne considèrent pas leur orientation originelle comme en faisant une personne LGBT, même si certaines de leurs expériences sexuelles ou érotiques l'ont été avec des personnes du même sexe.

Si ces deux statistiques sont combinées, 11 p. 100 de cette population se trouvent aux prises avec des problèmes inhérents au fait d'être non hétérosexuelle, se demandent s'ils sont ou s'ils ont l'impression d'être des non-hétérosexuels, ce qui vient confirmer les statistiques communes selon lesquelles une personne sur dix dans notre société est non hétérosexuelle. Lorsque nous travaillons avec les éducateurs, on leur dit souvent que dans une classe de 30, il pourrait y avoir trois élèves qui sont non hétérosexuels. Et comment les documents à l'étude tiennent-ils compte de leurs besoins et de leurs préoccupations?

Nous assistons à une meilleure sensibilisation, à une plus grande familiarisation au sein de la communauté des jeunes en ce qui concerne ces questions. Cela se reflète par le fait que 58,6 p. 100 ont dit connaître un camarade de classe ou un collègue LGBT.

De même, 62 p. 100 ont dit être à l'aise, tout à fait à l'aise ou très à l'aise avec les enjeux concernant les LGBT. Ainsi, nous constatons un changement au sein des données démographiques où les jeunes de notre société sont vraiment à l'avant-garde à ce sujet.

Nous avons obtenu les mêmes statistiques et les mêmes résultats concernant le débat sur les mariages entre personnes de même sexe, où les moins de 35 ans étaient tout à fait en faveur de tels mariages. La résistance provenait des générations plus âgées.

Il est important de signaler qu'en ce qui concerne les questions de sécurité et de protection, 23,8 p. 100 ont dit avoir été témoins d'un acte de violence ou de violence verbale dirigé contre une personne de leur âge. Dans le groupe vulnérable, c'est-à-dire les 15 à 19 ans, le taux atteint 27,5 p. 100 des jeunes, ce qui inclut, de toute évidence, les jeunes hétérosexuels — qui ont été témoins d'un acte de violence dirigé contre un membre d'une minorité sexuelle.

En 2005, Douglas Janoff, aujourd'hui criminologue au service du gouvernement fédéral, a rédigé un livre intitulé Pink Blood : Homophobic Violence in Canada. Il a retracé, de 1990 à 2004, plus de 100 morts violentes et meurtres de personnes membres de la minorité sexuelle au Canada et 355 tabassages d'homosexuels.

Il a parcouru toutes les statistiques connues de la police, les archives et les articles de journaux et créé un profil composite de la violence homophobe au Canada. Les résultats sont étonnants et témoignent de certains des préjugés les plus extrêmes en ce qui concerne la violence contre les personnes de la minorité sexuelle. Dans pratiquement chaque histoire, on fait état de violences des plus horribles et de meurtres commis dans tout le Canada.

Santé Canada précise que le profil de celui qui attaque les personnes de la minorité sexuelle est en général un homme blanc âgé de 15 à 25 ans.

La recherche indique également que souvent, il s'agit d'un groupe particulier qui n'a pas tellement fait l'expérience de la diversité. Ces gens-là ont appris à craindre l'autre personne à cause de sa différence, et non pas à célébrer ou à accepter cette personne parce qu'elle est différente ou qu'elle peut offrir quelque chose pour enrichir notre communauté. Nous essayons vraiment de faire en sorte que la diversité ne soit pas perçue comme un obstacle, mais comme une possibilité offerte à chacun de nous d'élargir nos horizons.

Les faits qui sous-tendent les statistiques indiquent que de nombreux jeunes membres de la minorité sexuelle ou de jeunes LGBT courent de très grands risques dans nos écoles et nos collectivités. Nous sommes à la fois témoins de comportements visant à afficher leur homosexualité, à sortir du placard ou encore à se renfermer.

Certains décrochent de leurs écoles ou quittent les groupes de soutien dans leur collectivité. Ils se tournent vers la drogue et l'alcool en proportion plus grande que leurs pairs hétérosexuels, drogue et alcool qu'ils considèrent comme des mécanismes de défense pour contrer les stigmates, la honte, l'intimidation et la victimisation. Les jeunes de la minorité sexuelle vivent souvent une victimisation accrue de la part des pairs.

Dans certains cas, la recherche a montré que lorsque les jeunes de minorité sexuelle sont attaqués, contrairement aux jeunes hétérosexuels, ils sont à ce point assujettis à une violence et à des préjugés si extrêmes qu'ils doivent souvent avoir recours à des soins médicaux à cause de la gravité de l'attaque — simplement parce qu'ils étaient un membre d'une minorité sexuelle.

Nous savons qu'ils se retirent souvent des activités sociales et scolaires. Tout cela dépend de divers facteurs : le sentiment de ne pas être acceptés, ils deviennent aliénés, et par conséquent isolés.

Un enseignant m'a raconté l'histoire d'un jeune élève de l'école secondaire de Brooks, en Alberta, qui a été attaqué par un groupe de garçons après l'école, qui l'ont retenu de force et lui ont gravé le mot « fag » sur les deux bras. Les actes extrêmes de violence comme celui-ci sont courants. Cela s'est produit il y a quelques années, nous ne parlons pas ici d'une décennie. C'est là une réalité de tous les jours pour nombre de ces jeunes.

Ils sont également plus susceptibles d'être témoins de violence car en général, ils trouvent très peu d'endroits sûrs pour rencontrer d'autres personnes, des gens de leur âge, et ils se réfugient dans des lieux pour adultes qui ne sont pas souvent sûrs. Nous savons que lorsque les jeunes, peu importe leur identité, se retrouvent dans des endroits pour adultes, ils sont plus susceptibles d'être victimisés, d'être vulnérables.

En pareil cas, ils fréquentent souvent les bars. Les bars dans la communauté gaie, lesbienne, bisexuelle et transgenre ont toujours été un endroit où se réfugier; le seul endroit où ils peuvent aller pour se rencontrer, parce que s'ils se faisaient visibles en public, ils seraient attaqués. Lentement, avec la légalisation des mariages entre conjoints de même sexe, nous espérons être en mesure de créer de nombreux autres lieux, des endroits publics sûrs, pour les gens.

Les taux d'intimidation et de harcèlement sexuel sont considérablement plus élevés chez les jeunes des minorités sexuelles. Ils fuguent plus souvent que leurs pairs hétérosexuels. Souvent, ils sont chassés de leur foyer, leur famille étant leur plus grande source de discrimination. Aussi, ils se tournent souvent vers la prostitution et la vie dans la rue simplement pour survivre.

La recherche nous indique que de 11 p. 100 à 35 p. 100 des jeunes de la rue sont des membres de la minorité sexuelle. De quels moyens disposent ces organismes et ces groupes, qui se consacrent à une population vulnérable, pour faire face au fait que nombre de ces jeunes sont des membres de la minorité sexuelle et ont besoin de programmes et de services différents pour les aider à sortir de la rue?

Ce qu'il convient de signaler, c'est que lorsqu'ils quittent la maison ou se tournent vers la prostitution, ils se retirent des principaux réseaux de soutien qui sont un élément essentiel pour établir cette résilience dont nous avons parlé tout à l'heure.

Nous savons qu'ils sont plus enclins à la dépression, qu'ils ont plus d'idées suicidaires ou qu'ils font plus de tentatives de suicide. Les statistiques sur le suicide sont absolument renversantes pour cette communauté : ces jeunes sont deux à trois fois plus susceptibles que leurs pairs hétérosexuels d'envisager et de tenter le suicide.

En Alberta, une étude de l'Université de Calgary, portant sur le climat politique en place depuis de nombreuses années dans cette province, a montré que les hommes gais et les jeunes bisexuels de la province étaient 14 fois plus susceptibles de tenter de se suicider, par opposition à la moyenne nationale qui est de deux à trois fois. Ce sont là des statistiques assez étonnantes. Malheureusement, le tiers de tous les suicides chez les jeunes de la minorité sexuelle se produisent avant l'âge de 17 ans.

Nous savons que les idées suicidaires ou les tentatives de suicide s'accompagnent également d'une incidence plus élevée de violence physique et sexuelle. Ce sont là des signes avant-coureurs, des indicateurs et des possibilités d'intervention critique avant qu'il ne soit trop tard.

Fait important, ces statistiques ne sont pas simplement liées au fait qu'une personne soit membre de la minorité sexuelle. Elles ont trait à la victimisation et au manque de groupes de soutien, que ce soit le milieu familial, l'école ou d'autres communautés religieuses. Cette lacune est toujours là.

Je dis souvent que si les jeunes n'ont pas de soutien à la maison, vers quoi se tournent-ils? Ils se tournent souvent vers leurs écoles, mais, s'ils n'ont pas de soutien dans leurs écoles, ils se tournent souvent vers la rue où ils tentent de trouver une source quelconque de soutien simplement pour survivre.

Dans le cadre d'une étude menée en Colombie-Britannique, on a fait enquête auprès de 77 jeunes au sujet de leurs difficultés scolaires; l'enquête a une portée régionale, mais elle vient confirmer les statistiques nationales. Les auteurs de l'étude ont constaté que 66 p. 100 avaient entendu des propos homophobes faits par des élèves à leur école, 37 p. 100 ont dit ne pas avoir l'impression d'appartenir au groupe et près de 40 p. 100 ont dit avoir très peu d'estime de soi.

Fait important à signaler, même si l'on peut constater qu'il s'agit là de statistiques négatives, elles sont aussi positives : 39 p. 100 ont avoué à un enseignant ou à un conseiller pédagogique qu'ils étaient gais ou lesbiennes. Cela montre qu'il existe une possibilité critique d'intervention. Les conseillers pédagogiques sont capables de s'assurer que ces jeunes trouvent du soutien, qu'ils ont le counseling approprié s'ils en ont besoin ou qu'ils peuvent accéder à d'autres types de ressources connexes.

Nous avons dressé le portrait des jeunes LGBT en les peignant comme étant l'un des groupes les plus à risque dans notre société, mais il nous faut également comprendre que certains d'entre eux doivent faire face à la discrimination, au stress, à la honte, aux stigmates de toutes sortes. Certains sont des élèves perfectionnistes qui ont toujours A+ : « Je vais être le meilleur possible dans mes études, de sorte que ce sera une chose que je pourrai contrôler pendant que tout le reste m'échappe. »

Les titulaires de bourses, les présidents de classe, les leaders étudiants ou les athlètes très performants participeront à tellement d'activités que leurs parents, leurs amis et leur famille ne se demanderont pas pourquoi ils ne fréquentent pas quelqu'un de l'autre sexe : « Oh, Pierre est tellement occupé. Il est capitaine de l'équipe de football. Il fait partie du club de débats oratoires. Bien sûr, il n'a pas le temps de fréquenter personne. » Les gens utilisent ces activités pour en faire du camouflage ou des mécanismes de défense pour cacher cette partie d'eux-mêmes qu'ils n'osent même pas nommer ni divulguer.

Nous avons parlé de risque. Parlons maintenant de résilience. Que se passerait-t-il si les chercheurs, les gouvernements et les travailleurs communautaires ne se penchaient pas sur les jeunes comme étant « à risque », mais les considéraient comme étant « prometteurs »? En quoi cela changerait-il le genre de questions que nous posons?

Parfois, quand nous percevons les jeunes comme des gens à risque, nous les « pathologisons ». Nous ne nous concentrons que sur leurs déficits quand nous savons que la résilience est centrée sur l'exploitation de leurs atouts. Quels sont les principaux soutiens dont ils ont besoin dans leur vie pour faire face à la diversité, pour relever les défis auxquels ils devront faire face?

Nous savons que l'adolescence — nous sommes tous passés par là — est l'une des périodes les plus difficiles de notre vie. Nous essayons de nous adapter, de nous astreindre à faire face aux exigences du développement, de faire face aux défis et de nous situer dans la vie. Cela est déjà si difficile, sans avoir à ajouter le fait d'être membre de la minorité sexuelle ou d'une minorité en général, et de composer avec les expériences qui s'y rattachent.

Nous avons constaté certains facteurs très importants pour construire de la résilience, surtout dans la communauté des minorités sexuelles.

Les représentations positives sont essentielles, surtout chez les jeunes ruraux qui n'ont pas le soutien des groupes communautaires, des médias et des écoles de l'endroit. L'acceptation par la famille et la communauté est essentielle. La famille est probablement le facteur de résilience le plus important dans la vie des jeunes de la minorité sexuelle et, en fait, dans la vie de tous les jeunes.

Les relations positives avec les pairs et à l'école sont essentielles — il faut créer ce lien important. La résilience, c'est favoriser l'établissement d'un lien important dans la vie des jeunes. Ce peut être avec un membre de la famille, un adulte à qui l'on fait confiance, un enseignant ou un chef religieux.

Les derniers facteurs de résilience sont des réseaux de soutien spécifiques à la collectivité. Certains d'entre vous ont déjà peut-être entendu parler des alliances entre élèves gais et hétérosexuels qui se forment dans les écoles. Ces alliances se forment dans les écoles non seulement pour aider à offrir du soutien aux élèves, mais pour aider à changer la culture globale de l'école, pour créer une culture scolaire qui valorise la diversité et l'inclusion.

Enfin, ces stratégies s'interrelient pour faire en sorte que les jeunes se bâtissent un état d'esprit axé sur la résilience, ce que j'appelle « l'attirail de résilience ». Les jeunes d'aujourd'hui ont besoin de différents outils pour relever les nombreux défis qui se posent à eux.

S'ils n'ont qu'un seul outil dans leur boîte à outils, cela va peut-être les aider, mais ce sera certainement plus difficile. Nous essayons de leur donner les bons outils pour aborder les problèmes de discrimination, de préjugés dans leur vie afin qu'ils puissent être en santé et réussir : c'est-à-dire avoir la bonne clé pour le bon verrou.

Will Simpson, directeur général, The Society for Safe and Caring Schools and Communities : Je suis directeur d'école depuis plus de 30 ans. Lorsque je suis entré en fonction, j'ai constaté nombre des problèmes dont Kris a parlé. Je perdais des élèves à cause des préjugés, et je n'arrivais pas à les ramener à l'école. Une fois que j'en perdais dans la rue; il n'y avait aucun moyen de les récupérer. Nous avons échafaudé des projets, des idées et des objectifs pour mieux nous comprendre et nous respecter. Et c'est ce dont je veux vous parler dans un contexte global.

Kris parle de la « minorité invisible », et il le fait mieux que quiconque; il peut vous dire ce qui se passe et ce que l'on ressent, vous donnant ainsi l'impression d'être à sa place. Mais sa place est un endroit terrible. Pouvez-vous imaginer une personne qui traverse l'école secondaire, la puberté, et les différentes étapes de cette période sans que personne ne l'accepte, y compris sa famille? Nous savons que le réseau familial est l'un des plus forts.

Quand nous établissons des programmes, nous essayons d'impliquer non seulement l'école, mais aussi la collectivité. Nous visitons beaucoup de réserves, avec beaucoup de succès. Nous savons que nous ne pouvons pas simplement aller à l'école et changer les choses. Bien qu'il soit très important que les élèves aient quelqu'un à qui parler lorsqu'ils arrivent à l'école, c'est encore plus important de traiter avec la collectivité, y compris la famille. C'est la clé du succès, à mon avis : et la collectivité et l'école sont sollicitées pour travailler main dans la main.

Nous avons des stratégies globales, nous appuyons aussi des programmes d'études; nous utilisons les programmes provinciaux. Nous sommes très chanceux; la Society for Safe and Caring Schools and Communities est devenue une association nationale en juin dernier, nous en sommes vraiment très fiers. Cependant, différentes régions constateront le succès et l'échec de différentes mesures incitatives, selon les personnes. Tout est une question d'êtres humains.

Nous avons établi un programme. Nous croyons seulement à la création d'un programme exhaustif car les approches par étape ne fonctionnent pas; c'est une façon de perdre.

Nous avons déterminé des sujets et des matières importants à traiter, et le respect doit être inclus là-dedans. L'estime de soi des jeunes est très fragile et nécessite une attention constante. La diversité est source de succès, mais il faut prévenir les préjugés; les préjugés de religions, de races et de croyances. C'est une expérience difficile pour les jeunes, et beaucoup d'entre eux sont en colère.

Au moment de la puberté, la colère monte et descend, frappe à droite et à gauche. Tout le monde qui a des fils, des filles ou des petits-enfants sait que certains jours, certains sujets ne doivent pas être abordés. Les parents choisissent leurs batailles lorsqu'ils élèvent leurs enfants. Je sais qu'avec mes fils, c'est ce que je fais; je choisis la bataille que je vais gagner aujourd'hui. Si je ne peux pas la gagner, je ne l'entreprends pas. Je dois être certain que l'équilibre est là.

L'une des questions qui me préoccupe tellement, comme Kris avec la diversité, c'est la question de l'intimidation, ce préjugé qui ressort, surtout pour les minorités invisibles. C'est terrible et cela ne devrait pas être toléré dans les écoles.

Nombre des directeurs d'école ne le tolèrent pas; cependant, le préjugé va se transposer dans la collectivité. Il faut avoir une approche à deux volets dès que nous sommes à l'extérieur de l'école et dans la collectivité; autant que possible, on ne résout pas un conflit ou un désaccord en imposant une sanction. Il faut discuter.

À notre avis, il existe quatre stratégies gagnantes : l'attachement, l'altruisme, la réalisation et l'autonomie. Ce sont là des stratégies qui fonctionnent dans les écoles. Si un jeune affiche un bon rendement à l'école, son estime de soi est grandement renforcée.

Les jeunes doivent croire qu'ils sont des êtres spéciaux et autonomes. Ils doivent savoir qu'ils peuvent voler de leurs propres ailes. Ils doivent aussi être attachés à quelqu'un. Dans les collectivités autochtones que je visite, ce sont les grands-parents qui jouent ce rôle. Ce sont les personnes les plus merveilleuses, et bien souvent, elles vont s'occuper de 20 ou 30 enfants, parfois même ce ne sont pas les leurs ni leurs petits-enfants, mais ils le font de toute façon. Ils croient à l'avenir; ils croient qu'il faut avoir des buts à atteindre, et je pense fermement que nous devons encourager nos jeunes à croire en l'avenir.

Et c'est là que l'idée de respect intervient, respect pour la foi et la religion de quelqu'un, sa culture et sa diversité. À mon avis, tout revient à croire, à respecter et à accepter l'autre, et c'est ainsi que nous procédons. Un préjugé peut parfois se transmettre d'une génération à l'autre.

Ma grand-mère, Dieu ait son âme, était une véritable écossaise, mais si vous prononciez le mot « Anglais », elle était prête à exploser. Mais qu'est-ce qu'elle avait des préjugés contre les Anglais. Je n'ai jamais pu la changer.

Il y a des préjugés solidement enracinés qui sont tellement difficiles à extirper d'une famille. Il est difficile de traiter avec des gens, comme Kris le disait, dont les préjugés sont vraiment enracinés. C'est ce que l'on appelle le « changement de paradigme », être capable de passer d'un domaine à un autre. C'est pourquoi il est si important pour nous de travailler avec les jeunes avant que ce paradigme ne s'installe, pour que l'on puisse faire ce changement.

Voici comment nous procédons : nous réglons les problèmes, nous trouvons des façons de contourner les difficultés. Nous avons une approche à cinq volets sur la façon dont les problèmes doivent se régler, y compris certains problèmes de mathématiques.

Il est important de percevoir la diversité comme un atout — comme Kris l'a très bien dit. Si on applique cela à autre chose, si la foi, la religion et la culture deviennent un atout, alors ce n'est plus considéré comme un déficit, mais comme quelque chose qui est bon. Notre point de vue est réellement important.

Nous envisageons les choses dans une perspective internationale. Nous savons que notre société est spéciale parce que nous sommes le fruit de plusieurs peuples réunis.

Au Canada, c'est le cas et c'est la raison pour laquelle je me dois de féliciter le Sénat d'avoir décidé d'examiner la question des droits des enfants. C'est une étape très importante. C'est une étape probablement que seuls les Canadiens pourraient entreprendre — et peut-être l'amener un peu plus loin — parce que dans de nombreuses cultures, cela est impossible. Lorsque votre comité a décidé de s'intéresser aux droits des enfants, j'en étais extrêmement ravi.

Nous tentons d'appuyer ce que le Sénat fait, et de bien des façons. Nous avons lu tout le rapport et nous estimons qu'il est très bien. J'ai parlé de ce qui était important. Nous voulons vous appuyer, vous encourager à continuer ce que vous faites. Merci de nous avoir invités. Nous tenions particulièrement à vous faire part de la situation à Edmonton, c'est une ville merveilleuse, qui subit des changements énormes et nombreux, et ce n'est pas fini. Les enfants ont toujours le droit d'être protégés, et nous sommes en pleine période de changements.

Nous tenions à partager cela avec vous; jouez un rôle de leadership pour assurer la mise en œuvre des obligations internationales en matière de droits de la personne — je crois que le Canada fait figure de leader à cet égard — pour respecter la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

Je travaille avec de nombreuses écoles qui participent aux objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies, écoles qui établissent les objectifs du processus éducatif au sein de l'UNESCO. C'est fantastique. Nous pourrions également faire office de leader à cet égard.

Mais ce qui est le plus difficile, c'est d'inclure la diversité. Les minorités invisibles, que Kris nous a très bien décrites aujourd'hui, sont le problème qui semble être le plus difficile à régler.

Quand on entend Kris parler, on peut se dire : « Bien sûr. C'est tout à fait sensé pour moi. Pourquoi ce jeune garçon, ou n'importe qui d'autre, doit-il se faire graver le mot « fag » et pour quelle raison? Pour aucune raison précise, sauf que les gens ne comprenaient pas sa réalité. »

J'aime bien l'idée d'un commissaire à l'enfance. C'est un plan extraordinaire parce qu'il y aurait quelqu'un qui pourrait assurer un suivi — c'est merveilleux.

Enfin, le gouvernement fédéral s'engage à faire respecter les droits des enfants. C'est en quelque sorte notre dernière bataille pour ainsi dire; nous avons abordé les droits de tout le monde, c'est maintenant au tour des enfants.

Je remercie le Sénat de nous avoir invités ici aujourd'hui.

Le sénateur Nancy Ruth : Kristopher, merci d'être ici et merci pour votre intervention. Il est bon que tout le monde soit au courant.

J'aimerais réagir à votre phrase : « les représentations positives sont essentielles ». Je suis la seule lesbienne connue au Sénat avec probablement trois ou quatre sénateurs gais, mais je n'ai pas décelé beaucoup de choses dans votre exposé qui me concernaient.

En ce qui concerne vos statistiques sur la violence, j'aimerais connaître la répartition selon le sexe, de même pour les tabassages, les batailles, les bars. Chez moi à Toronto, nous avons de la difficulté à garder le bar Slack Alice ouvert; un seul bar pour les femmes dans une ville de 3,5 millions de personnes.

Est-ce que vous pourriez reprendre ces statistiques et nous les donner selon le sexe, et ne pas m'oublier.

M. Wells : Absolument. L'une des choses auxquelles nous faisons face, c'est la traditionnelle invisibilité des lesbiennes qui font partie de la communauté dans son ensemble. Nous constatons, particulièrement dans les écoles secondaires et chez les jeunes, que la plupart de la violence est dirigée contre les jeunes hommes, simplement parce que les jeunes lesbiennes ou les femmes qui se posent des questions sont souvent perçues comme étant au service des hommes. Elles sont perçues comme un objet de désir idéalisé.

Ce n'est pas menaçant pour la masculinité d'un jeune que de voir deux femmes s'embrasser, mais c'est une menace de voir deux hommes poser le même geste, ou de faire l'objet d'affection parce que c'est une menace directe contre lui, contre sa propre identité. Il n'est pas porté à remettre sa masculinité en question parce que témoin d'expressions d'affection chez des jeunes femmes.

À notre avis, l'arme du sexisme, c'est l'arme de l'homophobie. On qualifie souvent un jeune homme, qui agit de façon plus féminine, de fifi. C'est comme si le fait d'être féminin est répréhensible. Et ces jeunes sont constamment bombardés de messages que le fait d'avoir des caractéristiques ou des expressions féminines est la pire chose qui puisse arriver à un homme, et nous devons tout simplement détruire ce mythe.

L'une des choses les plus importantes que les enseignants au niveau élémentaire puissent faire ou que les parents puissent faire, c'est d'aider à démolir cette notion de modèle binaire rigide homme-femme accompagné de caractéristiques bien particulières, ces petites cases d'identité sexuelle dans lesquelles la société essaie de faire entrer les jeunes. C'est tout un défi!

Nous constatons également que pour les jeunes femmes, il est vraiment difficile de trouver des ressources qui répondent à leurs besoins particuliers. Elles sont oubliées, souvent parce que les statistiques sont tellement horribles pour les jeunes hommes dans nos collectivités.

C'est bien de voir qu'il se fait plus de recherches dans ce domaine, surtout en ce qui concerne les soins de santé et l'information sur le VIH et le sida, pour s'intéresser aux absents. Il y a aussi les bisexuels qui sont oubliés. L'invisibilité est très grande chez les bisexuels, nous ne faisons que commencer à comprendre les questions de transgenre. Il y a toute une pléthore de problèmes de politique et de logement, des problèmes sociaux et médicaux qui affectent cette communauté en particulier également.

Il nous faut véritablement travailler ensemble comme communauté et non pas nous opposer les uns aux autres au sein de la communauté des minorités sexuelles. Il faut travailler en groupe pour comprendre que nos oppressions sont liées.

Nos oppressions en tant que minorité sexuelle sont également semblables aux oppressions que les minorités ethnoculturelles ou linguistiques éprouvent. Les minorités doivent vraiment se serrer les coudes et dire : « Nous sommes ici pour nous appuyer mutuellement, peu importe nos différences », parce que la discrimination repose souvent sur ce pouvoir et ce privilège.

En ce qui concerne l'intimidation, nous savons qu'il y a des répartitions spécifiques selon le sexe également. Par exemple, les jeunes femmes ont tendance à être intimidées par voie d'aliénation, d'exclusion, alors que les jeunes hommes sont en général intimidés de façon plus directe et violente.

Il existe une recherche intéressante qui porte sur la prédisposition neurobiologique. On a enregistré des résonances magnétiques sur le cerveau de personnes qui ont subi des intimidations et sur des personnes qui n'ont pas subi d'intimidations et on a pu déceler une différence.

Il existe aussi une recherche fascinante indiquant que le fait d'être intimidé a des répercussions sur nos voies neurologiques et nos capacités d'établir des liens, de faire preuve de résilience, en bout de ligne, sur notre capacité d'apprendre. Si une personne, peu importe qui, ne se sent pas en sécurité à l'école ou dans sa collectivité, elle ne sera pas en mesure d'apprendre de façon efficace.

J'espère avoir répondu un peu à votre question. Je pourrai vous fournir des statistiques précises.

Le sénateur Nancy Ruth : Je tiens simplement à vous encourager à continuer de faire cette répartition selon le sexe. Le rapport ne fait pas des différences entre les garçons et les filles comme je le souhaiterais.

Je me souviens à quel point nous nous sommes battues pour que le « L » apparaisse au début de l'acronyme. Je suis là depuis trop longtemps. J'ai peur de voir se répéter l'histoire.

Le sénateur Poy : Mon commentaire s'adresse à M. Simpson. Vous avez parlé de votre organisation, et je me demande quel genre de programmes spécifiques vous avez mis en place et dans quelle mesure vous réussissez à les appliquer dans les écoles et ici, à Edmonton.

M. Simpson : Je peux dire ceci parce que je viens tout juste de commencer, je peux également vous faire part de ce qui s'est fait si bien que je ne donnerai pas l'impression de prêcher pour mon clocher.

Nous appelons ce programme le « SACSC », pour faire court, une évocation de notre père qui guide nos travaux. Dans notre organisation, la Society for Safe and Caring Schools and Communities, SACSC, nous avons eu beaucoup de succès parce que nous avons pu faire notre travail grâce à des subventions de recherche. Nous travaillons en collaboration avec l'Agence canadienne de développement international et la Prévention nationale du crime. Ces deux organismes disposent de lignes directrices vraiment bien et très rigoureuses pour assurer l'efficacité.

Tout ce que nous faisons fait l'objet de recherches. Je travaille avec un chercheur. Nous commençons par effectuer un sondage, ensuite nous procédons à des entrevues, nous faisons notre travail, et après nous voyons comment les choses aboutissent. Nombre de ces projets sont un succès.

Je vais vous donner l'exemple d'un projet qui ne l'a pas été. Nous avons tenu tout un atelier à Wabasca, qui est au centre-nord de Slave Lake à partir d'Edmonton. Il s'agit d'une communauté autochtone merveilleuse qui est établie à cinq heures d'ici où vivent des gens absolument extraordinaires.

Nous sommes allés dans les écoles du premier niveau du secondaire et nous avons vraiment fait une différence. Nous sommes allés dans la collectivité, où nous avons laissé notre marque également. Mais nous n'avons pas réussi à pénétrer dans l'école secondaire, et nous avons dû repenser notre travail.

À partir de cette expérience, nous avons changé notre programme dans les écoles secondaires, et maintenant nous procédons par l'entremise des jeunes. Voici notre message : « Vous dans les écoles secondaires, vous savez quoi faire. Vous savez quels sont vos problèmes. Vous les découvrez et vous les traitez, et nous allons vous donner le pouvoir d'aider tout le monde. Nous allons vous aider à montrer comment vous impliquer, comment aborder les médias, comment impliquer d'autres élèves. Prenez n'importe quel problème qui puisse se poser dans votre école, parlez-en beaucoup et essayez d'y trouver une solution. »

C'est ce que nous faisons actuellement avec trois des ateliers que nous donnons ensemble, et je constate des résultats énormes.

Nous sommes allés rencontrer des écoles il y a quelques minutes à peine — tout juste avant de venir ici — et les élèves étaient vraiment emballés, les jeunes souhaitaient vraiment faire une différence, et c'est là, je crois, que nous pouvons véritablement apporter des changements. Nous avons un programme pour les écoles élémentaires que je suis toujours en train de récrire et que je vais probablement récrire jusqu'à ce que j'arrête d'écrire quoi que ce soit; je découvre toujours de nouveaux documents, et nous devons continuer d'en ajouter et d'en ajouter.

Nous avons aussi une série sur la diversité, grâce à Kris, qui est un excellent rédacteur et orateur, il nous a beaucoup aidés à réaliser notre série sur la diversité de sorte que maintenant, nous sommes les leaders dans ce domaine. Sans lui, nous n'aurions jamais pu nous approcher d'un tel objectif.

Nous avons parlé de diversité et de racisme. Certains quartiers d'Edmonton comptent une vaste population de ressortissants des Indes orientales, c'est-à-dire ici même, entre autres, le secteur où je travaille avec les directeurs et la collectivité, avec les ligues communautaires.

Lorsque nous avons un échec, nous apprenons parfois davantage. Nous travaillons depuis 11 ans, de sorte que nous comprenons maintenant ce qu'il faut faire et comment le faire. Actuellement, chacun de nos projets est en quelque sorte une activité dont la promotion se fait de bouche à oreille. Donc, une réserve peut en parler à une autre, et nos Premières nations s'en parlent entre elles.

Je reçois souvent des appels téléphoniques d'un cousin ou de quelqu'un dans une réserve qui me demande si on peut y aller et y faire la même chose que nous avons faite à Wabasca. Je réponds que nous avons eu du succès dans deux secteurs, mais pas partout. Sachant cela, la personne veut quand même avoir notre aide. C'est ainsi que nous arrivons à transmettre l'information.

Le sénateur Poy : Est-ce que vous intéressez les jeunes à votre programme de sorte qu'ils puissent en fait vous informer sur la façon de les appliquer?

M. Simpson : Oui. Le programme Action Jeunesse est l'un des programmes offerts dans les écoles secondaires. Bien sûr, dans le domaine de Kris, où il traite avec les jeunes, c'est exactement ce qu'ils font. Il est de beaucoup préférable de procéder de façon collective, et il n'y a rien de mieux que d'enseigner à quelqu'un comment apprendre ce qui doit être fait. Oui, le leadership des jeunes est un volet important de nos composantes dont l'objectif est d'apporter des changements.

Le sénateur Poy : Vous avez parlé de votre implication dans les réserves. Et à Edmonton? Est-ce que vous êtes aussi très actifs dans les écoles d'Edmonton?

M. Simpson : Oui. Actuellement, nous travaillons avec 14 écoles à Edmonton et aux alentours. De ces 14 écoles, cinq sont des écoles secondaires, et nous menons un projet différent avec chacune. Il serait si facile d'accorder une subvention et de demander à tout le monde de faire la même chose, mais ce n'est pas la bonne façon de procéder.

La bonne façon, c'est de trouver ce dont les élèves ont besoin et de les former en conséquence. Nous leur enseignons à jouer le rôle de facilitateur, à mener des ateliers. Nous ne leur montrons pas ce qu'il faut faire parce qu'ils ont vraiment ce qu'il faut; nous leur enseignons comment le faire.

Le sénateur Poy : Les écoles doivent vous contacter pour vous inviter; ce n'est pas vous qui allez dans les écoles. Est-ce ainsi que ça fonctionne?

M. Simpson : C'est étrange comment les contacts se font. Quelqu'un va connaître quelqu'un, et on nous téléphone. Ou encore je connais quelqu'un, je sais que cette école travaille sur telle ou telle chose.

En fait, aujourd'hui, l'une de nos écoles catholiques, nos écoles séparées — en Alberta et en Saskatchewan, nous avons des écoles publiques et des écoles séparées — avait un problème. Je savais qu'elle avait un conseil étudiant très intéressant, puissant et qu'elle cherchait des solutions à un problème. J'ai rencontré la conseillère aujourd'hui qui m'a dit : « C'est exactement ce que nous cherchions. »

Je connaissais quelqu'un, elle connaissait quelqu'un et tout à coup la question a été soulevée. Je sais que le programme sera très intéressant parce que ce sont les leaders dans toute l'école. Ils cherchent quelque chose à se mettre sous la dent. Je suis vraiment emballé par ce projet. C'est l'école Austin O'Brien à Edmonton que nous venons tous juste d'organiser.

Le sénateur Poy : Comment vous infiltrez-vous dans les collectivités? Vous avez parlé des écoles et des collectivités. Vous adressez-vous aux groupes communautaires?

M. Simpson : Oui. Nous travaillons avec beaucoup de groupes communautaires. Et c'est là que parfois les collectivités fermées, ou plus petites, en profitent.

À Brooks, en Alberta, vous avez probablement entendu parler du gros problème de l'usine d'emballage. Il est impossible de trouver de la main-d'œuvre en Alberta. Nous devons parcourir le monde pour y parvenir.

Malheureusement, les travailleurs provenant d'autres pays se sont retrouvés avec ce problème de syndicalisation ou de refus de syndicalisation, et cela a été vraiment très difficile; cela a divisé la collectivité en plein milieu, cette belle collectivité de Brooks, tout près de la frontière du Montana. La question a été source de grandes divisions; nous sommes donc intervenus et nous avons enseigné quoi faire à certaines personnes de la collectivité. Il est préférable que les facilitateurs proviennent de la collectivité plutôt que d'y exporter des experts.

Nous avons formé les facilitateurs, et maintenant nous avons deux ou trois très bons facilitateurs, avec qui nous restons en contact tout le temps pour voir comment ils font leur travail et si nous pouvons faire autre chose pour les aider.

Ils voulaient effectuer une enquête pour voir si leur intervention était vraiment importante; nous avons donc préparé une enquête et nous leur avons dit de l'essayer et de voir comment les choses iraient. Ils travaillent avec des gens comme des chauffeurs d'autobus, le personnel de soutien dans les écoles et les personnes qui s'occupent du cinéma, ils enseignent à la communauté comment faciliter les choses de cette façon; ils utilisent tous les réseaux sur lesquels ils peuvent mettre la main.

Un autre très bon réseau, un groupe que l'on doit rencontrer dans la collectivité, ce sont les personnes qui s'occupent de la petite enfance : les groupes de parents, les nouvelles mamans.

La présidente : Nous allons devoir parler de ce projet à Brooks qui ressemble beaucoup à un projet réalisé à Johannesburg par un institut qui a adopté la même approche. Je ne sais pas si vous le savez, mais c'est intéressant; donc notre projet pourrait aussi revêtir un caractère international intéressant.

Le sénateur Carstairs : Vous m'avez reconvaincue que, bien sûr, la contribution la plus importante que peut apporter un enseignant, c'est de donner à l'enfant l'estime de soi, que ce soit par le truchement de l'histoire, des mathématiques, des arts, de la linguistique, il faut enseigner l'estime de soi.

L'une de mes préoccupations, qui en fait découle de la question du sénateur Ruth, c'est la violence de plus en plus grande chez les fillettes. Cela m'inquiète parce qu'elles vont maintenant commencer à cibler les lesbiennes.

Cela n'arrivait pas avant. On a fait des efforts pour identifier la communauté gaie, mais pas la communauté lesbienne. Leur identification laissait à désirer mais ils croyaient avoir raison parce que si un garçon affichait des caractéristiques féminines, il devait être gai, et nous savons que c'est faux. Je parle ici de l'enseignement dans les années 60, 70 et au début des années 80.

Comment abordez-vous le problème de la culture sans cesse changeante chez les jeunes femmes, et en quoi cela aura-t-il des répercussions sur la lutte que mènent les jeunes lesbiennes?

M. Simpson : Je crois, comme vous, que l'estime de soi est la clé de tout. Cependant, l'autre facteur dont il faut tenir compte concernant l'estime de soi est que d'avoir une forte estime de soi est bon, mais pas au point de ne pas respecter les autres.

Il faut trouver cet équilibre, et c'est là que le leadership intervient. Le leadership ne consiste pas à être la personne la plus directive dans la salle; c'est écouter les gens dans la salle, tout simplement comme vous êtes en train de le faire. Vous êtes les leaders les plus forts que nous ayons au Canada parce que vous avez une grande capacité d'écouter les gens.

C'est ce que nous devons faire, ensuite les appuyer — faire preuve d'un bon leadership dans les écoles également. Les écoles doivent apprendre à pratiquer ce qu'elles prêchent. Elles ne peuvent pas seulement dire quoi faire à une personne, puis ensuite partir et faire autre chose. Elles doivent participer activement à l'implantation de la tolérance, de la compréhension, du respect et de la diversité.

La plupart des leaders ont habituellement un héros ou une héroïne dont ils cherchent à reproduire les valeurs ou le comportement, et je crois que ce modèle doit être pratique.

Dans bien des cas pour les jeunes, ce sont leurs parents, mais s'ils n'ont pas un parent qui peut être un héros, ce peut être un des grands-parents, et si ce n'est pas un des grands-parents, ce peut être en enseignant. Dans ces régions, il faut que l'information du public demeure très forte.

Bien que nous ayons la capacité d'avoir des conseillers dans les écoles en Alberta, malheureusement, nous en avons perdu beaucoup. En un sens, cela a été très dur pour nous parce que nous n'avions pas eu la formation. Pourtant, dans un autre sens, chaque enseignant est devenu un conseiller presque immédiatement. Peut-être était-ce un avantage, mais tous les directeurs d'école devraient avoir une meilleure formation dans ce domaine-là aussi.

M. Wells : J'aimerais revenir à cela. L'estime de soi — concept très individualiste — est souvent mesurée en se comparant à d'autres.

Certaines personnes parlent de la nécessité de ne pas seulement se concentrer sur le développement de l'estime de soi, mais aussi sur ce qu'elles appellent « l'estime sociale » : comment quelqu'un est perçu et valorisé dans la collectivité, l'importance d'être entendu et d'être validé comme membre à part entière qui apporte sa contribution.

Ma philosophie d'enseignement porte en partie sur la façon d'aborder un groupe ou une classe comme une communauté d'apprenants. Et j'insiste sur le fait que lorsqu'un membre de cette communauté décroche, c'est une perte pour toute la communauté, parce que maintenant nous avons beaucoup perdu l'accès à l'information sur cette personne, à son talent et à ses dons qu'elle pourrait partager avec nous, dont toute la collectivité pourrait bénéficier et s'enrichir.

Ainsi, le défi consiste à savoir comment encourager ou amener les gens à partager ces différents dons et talents et à reconnaître qu'ils se présentent sous des formes différentes. Parfois, il suffit simplement de fournir ce soutien supplémentaire pour les aider à briller.

En ce qui concerne la question de l'intimidation, de l'intimidation entre les fillettes, Debra Peplar et Wendy Craig ont effectué une recherche fascinante à l'Université York et à Kingston, et elles dirigent un centre d'excellence du Conseil national de recherches qui est financé, bizarrement, par Industrie Canada pour faire ce genre de travail.

Les réactions au stress sont biologiquement différentes selon le sexe. La réaction des garçons est souvent de se battre ou de fuir, et ils vont faire face à l'agression, dit-on souvent, dans la cour d'école. Ils vont se battre, ils vont résoudre le problème et en ressortir avec des amis, et le tour sera joué; ça s'arrêtera là.

Quant aux femmes, elles cherchent à établir des liens dans le concept que l'on appelle « se plaire et se lier d'amitié ». Il s'agit davantage de savoir comment la personne s'intègre à leur réseau social, à quel endroit elles établissent ces liens personnels. Il s'agit beaucoup plus d'expériences relationnelles.

Nous devons renforcer ces relations importantes entre pairs. Nous devons travailler avec les jeunes pour les aider à comprendre leurs différences.

Plus particulièrement, il s'agit d'une de nos obligations au Canada, au moment où nous devenons un pays de plus en plus diversifié et où nous avons besoin d'un niveau plus élevé de compréhension — je crois que la diversité est souvent abordée à un niveau superficiel. Il peut s'agir de la diversité linguistique, parfois de diversité ethnoculturelle, et très rarement de diversité religieuse.

Cependant, on passe souvent sous silence la diversité sexuelle, particulièrement dans les écoles, parce que les jeunes ne réalisent pas qu'ils ont le soutien de leur administration pour aborder ces questions.

Ainsi donc, on se retrouve dans des situations où des jeunes femmes peuvent librement cibler d'autres jeunes femmes qu'elles soupçonnent d'être lesbiennes ou sexuellement atypiques. Comme vous l'avez dit, le langage n'a pas d'importance, elles ne correspondent pas à la définition de la « norme », c'est-à-dire ce que cela veut dire que d'être une jeune fille dans une société ou dans une communauté en particulier.

On a eu un cas à New York où deux jeunes femmes provenant d'un autre pays marchant dans le métro en se tenant la main ont été ciblées et battues parce qu'un groupe d'adolescents pensaient qu'elles étaient lesbiennes.

Ça c'est un gros problème. Il nous faut les politiques et les directives nécessaires pour permettre aux enseignants et aux membres de la collectivité, d'abord, de parler du problème et de se sentir à l'aise d'utiliser les termes pour identifier ce qui se passe, après quoi on pourra commencer à utiliser certains des programmes qui vont vraiment avoir une importance.

C'est pourquoi je suis si reconnaissant de pouvoir travailler avec la Society for Safe and Caring Schools and Communities parce qu'elle n'a pas eu peur d'aborder le problème.

En fait, sa série de guides a été présentée au gouvernement de l'Alberta; elle comprenait un document pour les élèves membres des minorités sexuelles, et le gouvernement a dit qu'il les acceptait tous, sauf ce guide. La SACSC est intervenue et a dit au gouvernement qu'il n'aurait aucun document s'il ne les prenait pas tous, parce qu'il s'agit d'une composante essentielle de la diversité.

Il faut que plus de gens se lèvent et reconnaissent une telle situation; parfois, simplement les inclure dans le pouvoir des statistiques, c'est tout ce qui est nécessaire. Une fois que les gens comprennent ce qui se passe en réalité, ils veulent apporter leur contribution. Nous pouvons leur donner du pouvoir en les incluant dans les statistiques, dans les politiques et dans les pratiques qui existent.

Il n'est pas nécessaire de réinventer la roue. Il existe de nombreux programmes extraordinaires appliqués dans tout le pays. Le Toronto District School Board est un leader au pays. Nous constatons maintenant que c'est le cas du Vancouver School Board, et cela se répercute jusqu'à Victoria, à Winnipeg et ici à Edmonton.

Le mouvement commence à se faire sentir, et je crois qu'avec la légalisation des mariages entre conjoints de même sexe, on a accordé une nouvelle légitimité sociale aux minorités sexuelles au Canada, au point où certaines familles constituées de parents de même sexe vont dans leurs écoles maintenant et disent : « En quoi votre école et son programme scolaire reflètent-ils la diversité de nos vies et celle de nos enfants? Qu'allez-vous faire pour nous assurer que nous sommes inclus? » Au même moment, les élèves sont dans leurs écoles à exiger d'être vus, entendus, respectés et de vivre en sécurité.

On est également témoins d'une tendance chez les élèves des écoles secondaires à traduire leurs écoles et leurs conseils scolaires devant les tribunaux des droits de la personne. Il y a eu des causes partout dans le pays, et la plus importante est venue de la Colombie-Britannique, où on a établi une sorte de liste de contrôle de sorte que les conseils scolaires puissent dire : « Si vous ne suivez pas ces lignes directrices et ne faites pas preuve de toute la diligence raisonnable pour vous assurer que votre école constitue un environnement où il n'y a pas de discrimination, tout particulièrement pour les jeunes membres des minorités sexuelles, vous serez jugé responsable, et les coûts ne seront pas une question ou un argument que nous allons accepter. » Par conséquent, les coûts ne peuvent être invoqués comme prétexte pour ne pas mettre en œuvre ces programmes concernant la santé, le bien-être physique et moral des élèves dans leur école.

Je comprends les questions et les commentaires indiquant que nous devons faire davantage, surtout en ce qui concerne — comme nous essayons actuellement de le comprendre — les véritables différences entre l'intimidation, l'agression et la violence entre les sexes et comment ces choses-là se manifestent. Il nous faut différents types de soutien et de stratégies pour apparier ce que nous constatons dans la recherche. Malheureusement, la recherche n'en est qu'à ses débuts.

Le sénateur Carstairs : Ma seule nouvelle préoccupation, je dois dire, est que dans le débat sur les mariages entre conjoints de même sexe, il n'était pas question seulement de différence d'âge, mais de différence ethnique. Certains groupes ethniques, bien honnêtement, ont très bien fait entendre leur opposition à l'adoption de cette loi.

C'était intéressant parce qu'eux-mêmes faisaient l'objet de discrimination, et pourtant, ils n'étaient pas disposés à élargir leur interprétation. Quel genre de travail précis faites-vous actuellement avec ce genre de diversité?

M. Simpson : Travailler avec les jeunes; lorsque nous travaillons avec les jeunes, nous ne pouvons pas toujours corriger ce qui est, mais nous pouvons corriger ce qui devrait être, et c'est là que nous pouvons orienter l'avenir.

Lorsque nous avons réalisé tous ces projets et que nous avons examiné ce qui pouvait vraiment faire une différence, nos projets Action-Jeunesse et notre mondialisation, nous avons constaté que lorsque des jeunes entrent en contact avec d'autres jeunes au Canada, ou ailleurs dans le monde, même de l'autre côté de la rue, ils ont une meilleure compréhension et plus de tolérance à l'égard de ce que nous avons de semblable et de ce qui nous rend différents.

Malheureusement, nos croyances et nos religions reposent parfois sur des traditions, et parfois ces traditions n'incluent pas la diversité. Elles mettent l'accent sur les similitudes parce qu'elles veulent faire ressortir la différence sous un éclairage négatif, et cela est malheureux.

J'espère que les choses vont changer grâce à nos jeunes et à nos grands-parents — nos grands-parents aussi semblent être plus compréhensifs. Quand on passe l'âge de 50 ou 60 ans, on regarde souvent en arrière et on voit les choses de façon plus claire.

Lorsque je travaille dans les réserves, j'ai toujours tendance à graviter autour des grands-mères et des grands-pères parce qu'ils ont vécu et sont là, ils semblent être les plus tolérants. Ils semblent même être allés au-delà de la sagesse. Ils vont simplement vous regarder et vous écouter, ils semblent savoir. C'est pourquoi j'estime que les jeunes ont une bonne relation avec leurs grands-parents, peut-être plus souvent que leurs propres parents, parce que leurs grands-parents ont vécu.

Le sénateur Lovelace Nicholas : En fait, vous avez déjà répondu à ma question. Je voulais savoir si vous aviez déjà travaillé dans les collectivités des Premières nations. Il y a beaucoup de suicides, de tabassage par des gangs, et les différences ne sont pas acceptées. Vous avez donc répondu à ma question. Merci.

La présidente : Vous avez effectivement parlé d'intimidation, je crois, dans le seul contexte du travail dans l'école, et nous avons entendu parler des gangs et d'autres choses.

Pouvez-vous dire si l'intimidation est le problème de l'heure? L'intimidation existait à mon époque aussi, sous des formes différentes ou peut-être pour des raisons différentes. Quel est le problème le plus difficile à régler dans les écoles? Je sais que vous travaillez dans cinq régions, mais même de façon assez large, est-ce que c'est l'intimidation, les gangs, la drogue? Qu'est-ce que c'est? Est-ce que vous pouvez circonscrire le problème?

M. Simpson : Je vais vous faire part de mon expérience personnelle. La raison pour laquelle je suis directeur général, c'est parce que l'un de mes fils a décidé qu'il ne voulait pas écouter son père, ce qui, je pense, est tout à fait nouveau — un fils qui ne veut pas écouter son père. Il voulait essayer le monde des gangs et des drogues, ce monde terrible dans lequel il a vécu. Je pensais l'avoir perdu, mais non.

Pour atteindre une personne, nous passons par une autre personne, et nous réussissons à la ramener.

Un vaste rapport a été publié sur le crystal meth hier en Alberta. Il s'agit d'une drogue terriblement envahissante parce qu'on y devient accro très rapidement, et elle est intégrée à pratiquement toutes les autres drogues de sorte que l'on devient facilement accroché. Il y a des personnes très malheureuses qui deviennent accrochées à cette drogue, c'est si facile à faire, si facile à obtenir, et c'est le mal à l'origine d'un grand nombre des problèmes que nous observons.

On le voit dans les écoles lorsque quelqu'un n'a pas beaucoup d'estime de soi. Ces personnes essaient de trouver quelque chose d'autre dans leur vie, donc elles recherchent autre chose, et souvent se tournent vers l'alcool, les drogues et les gangs. Les gangs sont leur institution sociale lorsqu'elles n'ont pas de famille ni d'autre soutien pour les protéger.

D'après ce que je pense, maintenant, si ces gens-là ont au moins un système de soutien, que ce soit le père, la mère ou un des grands-parents, un jour ou l'autre ils vont voir la lumière au bout du tunnel et revenir à ce système de soutien. Espérons qu'ils seront toujours vivants pour le faire.

Nous pouvons voir comment toutes ces questions sont interreliées. Le manque d'estime de soi conduit à la consommation ou à l'essai de la drogue. Les gangs sont le tissu social qui offre une protection. Nous sommes des créatures sociales, et à cet âge, nous avons tellement besoin d'attention, et si on la trouve au sein de la gang, c'est là où nous irons; si on la trouve dans la consommation des drogues, c'est là où nous irons.

C'est une question peu claire, et nous devons toujours revenir à la tolérance, à la compréhension, à l'attention, parce que nous ne savons pas quand les gens vont revenir à nous. Nous espérons qu'ils le feront.

La présidente : Si je vous comprends bien, ce que vous dites, c'est que ce n'est pas une chose plutôt qu'une autre qui marginalise une personne, ce peut être n'importe quel des facteurs.

M. Simpson : Oui. Ce peut être plusieurs facteurs différents qui amènent une personne dans cette zone.

En fait, quand je vois les gens s'en sortir, je me dis toujours : « Tu vois tellement les choses de façon claire. Tu es une personne tellement merveilleuse. Que t'est-il arrivé? » Et elle doit se dire : « Qu'est-ce qui m'est arrivé? » Les gens ont beaucoup de difficulté à réfléchir à ce qui s'est passé, à essayer de voir si c'est un seul événement qui les a poussés dans ce monde-là.

Quand Kris et moi avons commencé à aborder cette question, j'ai parlé des enfants traumatisés. En tant que directeur, je pouvais me promener dans les corridors et voir presque instantanément si un enfant avait été victime d'abus. J'ai fait confiance à cette intuition jusqu'à la fin. Ce n'est pas tant ce qu'ils disaient ou faisaient, mais la façon dont ils agissaient. Ils étaient totalement différents de ce qu'ils étaient avant. Et ça, un jour, ça fait toute la différence.

C'était une tragédie. Dans l'une de mes écoles du centre-ville, le problème était tellement répandu que je n'avais personne qui n'avait pas été victime d'abus. Je me demandais dans quelle direction le monde s'en allait et qui faisait que chaque jeune personne était dans cette situation.

Et encore une fois, cela est relié à la zone socio-économique dans laquelle les gens vivaient. Ils étaient mis de côté, tout le monde vivait de l'aide sociale, plusieurs familles vivaient ensemble, la situation était terrible. La drogue et l'alcool font perdre à ces gens leur sens du bien, et lorsqu'ils n'ont aucun espoir, ils s'en fichent éperdument.

Je voyais des familles qui étaient des familles merveilleuses, mais lorsque l'un des deux parents buvait et qu'il perdait la raison, les enfants étaient alors abusés, soit sexuellement, soit physiquement.

Reconstruire ces enfants prenait tellement de temps. Ils avaient vraiment besoin d'être avec nous à ce moment-là. Ils nous suivaient partout pour être avec quelqu'un qui ne les frapperait pas. Les enfants ont cette habileté innée de trouver les bonnes personnes. C'est une habileté spéciale qu'ils ont, ils sont capables de s'en remettre à nous.

Je ne sais pas si j'ai très bien répondu à votre question.

La présidente : Oui, merci, vous avez bien répondu. Vous nous avez confirmé ce que d'autres témoins ont dit, ce qui est très utile. Vous avez élargi notre débat et l'avez rendu plus inclusif à l'égard de certaines questions, ce qui est très bon.

Nous en sommes arrivés à la fin d'une longue journée. Notre séance a été excellente et contenait beaucoup d'informations. Nous vous remercions d'être venus comparaître pour nous transmettre cette information et nous soumettre ces problèmes. J'espère que certains de vos propos seront repris dans notre rapport.

La séance est levée.


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