Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne
Fascicule 9 - Témoignages - Réunion du vendredi 22 septembre
VANCOUVER, le vendredi 22 septembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 8 h 59, afin d'examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.
Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs, nous avons produit un rapport provisoire, et nous nous intéressons maintenant à certains éléments de la Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies, de même qu'à tout autre document appuyant l'application des traités en matière de respect des droits de la personne au Canada.
Ce matin, nous avons l'honneur de recevoir Adrienne Montani, coordonnatrice provinciale de la BC Child and Youth Advocacy Coalition, et Krista Thompson, directrice exécutive de la Covenant House.
Adrienne Montani, coordonnatrice provinciale BC Child and Youth Coalition : Vous avez mon mémoire entre les mains, sénateurs; je vais donc en parcourir les grandes lignes, en tenant pour acquis que vous pourrez le lire en détail plus tard. Vous ignorez peut-être qui nous sommes, mais nous voudrions d'abord vous remercier de nous donner, ce matin, l'occasion de discuter avec vous de questions très importantes. Nous sommes heureux que le comité se penche sur la convention de l'ONU et sur sa mise en œuvre au Canada.
First Call, ou la BC Child and Youth Advocacy Coalition, est une coalition intersectorielle et non partisane formée d'organismes partenaires régionaux et provinciaux de partout en Colombie-Britannique. Nous unissons nos efforts parce que nous partageons la conviction que les enfants devraient jouir de droits prioritaires sur les ressources du gouvernement et de la société, d'où notre nom. Je vais commencer mon exposé en mettant l'accent sur la pauvreté chez les enfants, qui est au centre de nos préoccupations. Au sein de notre coalition, nous disons souvent que ce problème est une honte pour notre pays. Dans mon mémoire, vous trouverez quelques statistiques concernant notre non-respect de l'engagement pris en 1989 en vertu de la résolution appuyée par tous les partis à la Chambre des communes et visant à éliminer la pauvreté chez les enfants avant l'an 2000. Vous connaissez sans doute Campagne 2000. Nous y participons, et chaque année, nous publions un rapport sur le sujet pour la Colombie-Britannique.
Aujourd'hui, il y a encore 1,2 million d'enfants pauvres dans ce pays, et malheureusement, depuis 30 ans, environ un enfant sur six vit dans la pauvreté. Cela n'a donc pas changé. En Colombie-Britannique, nous avons cette honteuse particularité d'enregistrer le taux le plus élevé au pays en ce qui concerne la pauvreté chez les enfants. Ici, un enfant sur quatre vit actuellement dans un foyer à faible revenu. Entre autres données déplorables, 65 p. 100 des mères monoparentales de la province sont pauvres; on peut donc observer un phénomène de féminisation de la pauvreté. Les familles biparentales pauvres vivent avec presque 12 000 $ sous le seuil de la pauvreté, alors malgré les nombreux débats à propos des statistiques utilisées, quiconque vit avec si peu de revenus est dans la misère. La Colombie- Britannique est sous la moyenne nationale. Bien sûr, comme d'autres vous l'ont probablement dit, certains sous- groupes d'enfants et de jeunes sont surreprésentés dans ces statistiques. Il s'agit d'immigrants nouvellement arrivés, d'enfants autochtones, de familles handicapées, de familles racisées, d'immigrants réfugiés, et cetera. Ces populations sont très fortement surreprésentées.
Nous connaissons les causes de cette situation. Trop nombreux sont les parents qui n'arrivent pas à trouver assez de travail tout au long de l'année pour subvenir aux besoins de leur famille, ou encore qui ne trouvent aucun emploi suffisamment rémunérateur. Nous savons que les prestations d'aide sociale de la plupart des provinces sont scandaleusement basses. Terre-Neuve et quelques autres provinces méritent des félicitations pour la façon dont leur gouvernement s'est attaqué au problème. Nous avons laissé la monoparentalité devenir un cauchemar social et humanitaire pour les femmes. Nous laissons libre cours au racisme et à d'autres formes de discrimination en faisant mine de regarder ailleurs.
Ce qui nous préoccupe, compte tenu de cette situation, c'est le fait que nous n'avons pas respecté l'article 27 de la Convention. Nous pensons que le Canada a les moyens financiers de mettre fin à la pauvreté chez les enfants, ou de répondre à leurs besoins au moyen d'un système complexe assurant à la fois des soutiens de marché, sociaux et de revenu. On peut se le permettre. On pourrait s'inspirer des politiques publiques d'autres pays comme la Suède, le Danemark et beaucoup d'autres États ayant considérablement réduit la pauvreté chez les enfants. Or, on semble manquer de volonté politique d'agir.
Par souci d'économie de temps, je ne vais pas citer toutes les initiatives positives mises en œuvre, dont le Programme de la prestation nationale pour enfants. Je crois que vous entendrez parler de certaines d'entre elles ce matin. Nous voulions d'abord mettre l'accent sur la pauvreté chez les enfants, parce que le problème est étroitement lié au déni des autres droits garantis dans la Convention. L'exclusion sociale et une vulnérabilité accrue sont autant de conséquences de la pauvreté chez les enfants et les jeunes. Le droit de jouer et de participer pleinement, ainsi que de recevoir une éducation, une alimentation nutritive et des services de qualité est compromis par la pauvreté dans laquelle vivent ces enfants et par l'exclusion sociale qui en découle.
J'aimerais également attirer votre attention sur les droits des jeunes enfants. Ce qui nous préoccupe, c'est que le Canada ne se soit pas encore engagé à fournir un système de garderies complet. Nous étions sur le point d'accomplir de grands progrès à cet égard avec la signature des accords fédéraux-provinciaux sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants, mais malheureusement, ces ententes ont été annulées et prendront fin en mars. En ce moment au pays, il n'y a qu'au Québec qu'on peut voir un système de garderies qui réponde aux besoins des familles. Nous ne ménageons aucun effort pour faire renaître ces accords. Le fait de ne pas reconnaître le droit des jeunes enfants à des services de garde et à des environnements d'apprentissage de qualité, abordables et accessibles est un problème important pour les familles canadiennes, dont la plupart comptent deux parents actifs sur le marché du travail. Les garderies ont également une incidence significative sur la viabilité et la santé de notre société, maintenant et dans l'avenir.
Je le répète; je n'énumérerai pas les initiatives positives en vigueur favorables aux jeunes enfants et à leur famille. Mais les services destinés aux jeunes enfants demeurent un fatras de programmes qui peinent à survivre. Cette situation prouve encore une fois notre incapacité à considérer ces services comme un droit universel, plutôt qu'un privilège ou une question de chance, pour peu que l'on soit né dans la bonne communauté ou la bonne famille.
Avec la promesse d'un Plan d'action national, les défenseurs des droits des enfants ont eu l'espoir qu'on commencerait à accorder une attention soutenue aux droits des enfants. Le processus a été d'une lenteur décevante mais, malgré ses limites, le programme constituait au moins un bon départ pour les enfants en bas âge. On ne peut en dire autant pour ce qui est des droits des enfants plus âgés : ceux d'âge scolaire et les adolescents. À notre avis, les gouvernements fédéraux qui se sont succédé ont attaché peu d'importance à la promotion et à la protection des droits de ces enfants, malgré tous les efforts déployés par le secteur communautaire et les défenseurs des droits des enfants au sein des organismes de services gouvernementaux. Encore une fois, il y a eu de bons programmes mais le financement s'est fait au coup par coup. Il existe également un Centre d'excellence pour la participation des jeunes. Mais de façon générale, pour ce qui est des types d'investissements et de l'importance qu'on doit nécessairement accorder aux droits de ces enfants, selon nous, on n'est pas allé au-delà de l'observance symbolique des engagements en vertu de la Convention.
Nous aimerions vous faire part de nos inquiétudes au sujet l'article 43 du Code criminel qui légalise, si l'on peut dire, les châtiments corporels. Peu importe l'intention qui le sous-tend, nous considérons que cet article constitue un déni du droit des enfants à ne subir aucune violence. Il perpétue la croyance selon laquelle frapper un enfant est acceptable, et a été invoqué par des agresseurs d'enfants pour justifier leurs actes. À notre grande déception, dans sa décision de 2004, la Cour suprême a restreint le droit de recourir à la force en permettant de l'utiliser seulement à l'encontre des enfants âgés de 2 à 12 ans. Les enfants de ce groupe d'âge demeurent donc les seuls à être privés d'une protection en vertu du droit criminel en ce qui a trait au recours à la force.
Nos organismes partenaires voulaient également porter à votre attention un ensemble de préoccupations relatives au droit des enfants de grandir dans un environnement sain et sécuritaire, de même que d'être protégés des toxines. Leurs corps en pleine croissance sont plus vulnérables. Nous nous inquiétons du fait que lorsque l'on fixe des limites concernant les polluants ou l'exposition aux toxines, on n'établit aucune norme pour les jeunes; les enfants courent donc davantage de risques. Les normes instaurées sont souvent basées sur des études menées auprès d'adultes. Nous voulons que le critère du meilleur intérêt des enfants soit également pris en compte dans ce type de processus. Il en va de même pour le droit à l'information garanti par la Convention. Beaucoup de familles et d'enfants ignorent l'existence de ce droit et trouvent difficile d'accéder à l'information, même dans les écoles, au sujet des substances auxquelles ils sont exposés — quels types de produits nettoyants ou de pesticides sont utilisés — dans les lieux où ils passent beaucoup de temps.
Je sais que ce comité a recommandé de créer un poste indépendant de commissaire aux enfants. Nous approuvons cette recommandation et vous appuyons dans vos efforts. Je pense avoir fait le tour des éléments que je voulais souligner rapidement. Merci de m'en avoir donné l'occasion. Vos questions sont les bienvenues. Nous voulions vous dire également que nous espérons que les efforts destinés à ranimer la Convention échapperont à toute considération partisane, et que nous pourrons tous travailler de concert à la mise en œuvre de la Convention pour le bien de nos enfants.
Krista Thompson, directrice exécutive, Covenant House : Sénateurs, permettez-moi de vous dire pour commencer que je suis impressionnée par la liste des personnes venues témoigner ainsi que par le travail des membres de ce comité. Je suis relativement nouvelle dans le secteur. Je suis directrice exécutive de la Covenant House depuis six mois, et avant cela, je travaillais dans le domaine des soins de santé en Colombie-Britannique. Je suis ici pour vous transmettre de l'information qui, je l'espère, vous sera utile, et qui concerne spécialement les jeunes sans-abri, que je représente aujourd'hui.
La Covenant House a été fondée à New York dans les années 1960. Elle est aujourd'hui une organisation d'aide internationale présente dans plus de 21 villes en Amérique du Nord, centrale et du Sud. Au Canada, nous fournissons des refuges et des programmes de soutien aux jeunes sans-abri de 16 à 24 ans. Nous travaillons avec des gens qui seront bientôt les parents de la prochaine génération, et nous nous concentrons sur la prévention dans le monde des sans-abri. Notre énoncé de mission consiste à être au service des jeunes de la rue en difficulté. Nous le faisons avec un absolu respect et un amour inconditionnel.
La Covenant House est principalement financée par des dons. Environ 13 p. 100 de notre budget provient de l'aide gouvernementale, alors ici, à Vancouver, nous comptons sur le soutien d'environ 40 000 donateurs pour fonctionner et venir en aide aux enfants de la rue. À Vancouver, nous disposons d'un budget annuel de 7 millions de dollars. Chaque année, nous permettons à environ 1 500 jeunes de sortir de la rue. Parmi ceux qui viennent chez nous, soit environ 1 800 jeunes l'an dernier, 70 p. 100 ont subi une forme quelconque de violence sexuelle ou psychologique de la part de leurs parents ou d'autres adultes. La plupart du temps, les jeunes de la rue sont issus de foyers instables, où ils étaient maltraités. Nombre d'entre eux ont vécu dans des maisons d'accueil ou des foyers collectifs. À Covenant House, environ 50 p. 100 des enfants et des jeunes viennent du système de placement en familles d'accueil de la Colombie-Britannique.
Je vous ai dressé un bref portrait de certaines caractéristiques des jeunes de la rue à Vancouver. Plus de 70 p. 100 d'entre eux ont dit avoir souffert de la faim à quelques reprises; 45 p. 100, se retrouver souvent sans rien à manger; 40 p. 100, avoir été battus plus de trois fois au cours de leur expérience dans la rue; 37 p. 100, passer souvent une nuit complète chez un marchand de beignes; 44 p. 100, passer fréquemment toute une nuit à se promener; 74 p. 100 ont déclaré avoir volé; 80 p. 100, avoir vendu de la drogue; 66 p. 100, avoir commis des agressions; et 34 p. 100, se prostituer régulièrement pour survivre. Ce sont des rues de Vancouver dont nous parlons.
La Covenant House mène présentement un projet de recherche qui nous aidera à repérer les lacunes importantes dans le continuum de services offerts aux jeunes sans-abri. Des points saillants sont ressortis des anecdotes rapportées par les travailleurs d'approche et par les jeunes eux-mêmes. J'ai inclus ces renseignements dans le mémoire, il ne s'agit réellement que d'un aperçu. Mes travailleurs sur le terrain me disent chaque jour qu'il y a une demande considérable de soutien en santé mentale, tandis que l'accès à ces soins est limité, à moins de payer pour obtenir des services privés. C'est la même situation pour les services de traitement de la toxicomanie et de l'alcoolisme. Mes travailleurs de première ligne me disent qu'ils ont personnellement constaté une hausse significative du déchargement des services gouvernementaux traditionnels pour les jeunes sur Covenant House et d'autres organismes privés et non gouvernementaux. Ces personnes, qui discutent avec les travailleurs sociaux s'occupant des dossiers de nos jeunes, me disent souvent que ces derniers admettent être à ce point à court de ressources que, dans les faits, ils n'examinent pas tous les dossiers des jeunes âgés de 16 ans et plus. Aux dernières nouvelles, un jeune de 16 ans est encore un enfant.
À Covenant House, nous disons souvent que nous sommes des deuxièmes parents pour nos jeunes. Nous leur sommes dévoués et leur donnons l'amour et les soins dont ils ont manqué dans leur enfance. Si nous, en tant que société et au gouvernement, jouons le rôle de parents auprès des enfants abandonnés, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour nous occuper d'eux. Nous devons remuer ciel et terre, comme le ferait un parent, pour nous assurer que nos jeunes reçoivent les soins dont ils ont besoin.
J'aimerais vous raconter une petite histoire, puis je conclurai mon exposé. Nous aidons beaucoup de jeunes à trouver du travail, notamment en leur donnant une formation préalable à l'emploi. J'ai remarqué que, souvent, lorsqu'un jeune est bien habillé, que ses chaussures sont cirées et que nous l'aidons à rédiger son curriculum vitae, il a du mal à communiquer avec les gens. Beaucoup de ces jeunes sourient rarement. Je croyais que c'était parce qu'ils étaient renfrognés, fâchés, et je les en blâme pas. Mais en réalité, ils ne sourient pas parce que leurs dents sont en si mauvais état qu'ils ne veulent pas les montrer. Cela peut sembler anodin, mais sans sourire, un jeune aura de la difficulté à entrer en contact avec le monde. Au Canada, nous avons réalisé beaucoup de progrès, mais nous pourrions faire quelques efforts de plus afin de fournir certains services essentiels.
La présidente : Mme Thompson, j'aimerais ajouter quelque chose là-dessus. Vous n'est pas la première à venir ici et à protester; la liste est longue. Je vous dis cela pour que vous sachiez que vous n'êtes pas la seule. Pourquoi votre message à propos des besoins criants des jeunes démunis n'est-il pas entendu partout au pays? Nous parlons des enfants. Nous parlons des ressources. Ensuite, nous entrons dans les détails, et c'est à vous que je m'adresse, madame Montani. L'an dernier, vous avez vanté les mérites d'un système de garderies; mais c'était l'an dernier. Notre pays existe depuis longtemps. Aujourd'hui, nous faisons face au problème des sans-abri avec davantage de ressources, de spécialistes et de compréhension. D'un côté, nous continuons à nous enthousiasmer devant ne serait-ce qu'une promesse, et d'un autre, à nous indigner devant la détresse des gens sur le terrain, qui sont stressés, qui voient les besoins, mais qui ne suffisent pas à la demande. Qu'est-ce que cela révèle sur notre société?
Mme Thompson : Je vais me risquer à répondre à cette question. Ce que vous dites me rappelle les nombreuses conversations que j'ai eues avec des contribuables canadiens typiques, qui, soit dit en passant, sont nos donateurs, et qui m'ont dit ignorer cette réalité. Ils ne la connaissent pas. Peut-être ont-ils choisi de ne pas savoir, mais au Canada, ils vivent dans une société utopique. Franchement, il n'y a pas si longtemps, j'étais comme eux, à penser la même chose. En visitant mes donateurs sur la colline, dans Vancouver Ouest, où ils vivent dans une enclave pratiquement coupée du monde difficile que connaissent tant de jeunes, je me suis rendu compte qu'on pouvait se promener toute une journée dans cette ville sans être témoin de la misère, sauf peut-être quand on voit un vieillard poussant un chariot ou un mendiant étrange. On ne s'arrête pas pour y penser. Je crois que, peu importe de quel côté de la Chambre ou de la clôture nous nous trouvons, nous devrions nous dire que nous avons encore du chemin à faire et regarder la réalité en face.
La présidente : Vous dites que les gens ignorent la réalité. Mais les gens que vous décrivez lisent. Les journaux regorgent d'articles sur les sans-abri, particulièrement ici. Hier, on a également parlé des problèmes ruraux par opposition aux problèmes urbains, et du fait que le sort de tous, y compris des enfants, est encore pire si l'on vit en milieu rural. Vous êtes susceptible de mourir plus jeune, d'attraper davantage de maladies, et cetera. Toutes ces mesures dont nous parlons contribuent-elles à apporter un changement réel, ou devons-nous trouver une autre approche?
Mme Thompson : Je crois que la volonté politique est importante. À moins que les gens de nos communautés ne disent aux décideurs : « voilà qui est bien; mais il faut aller plus loin », et qu'ils n'exercent vraiment des pressions sur eux pour qu'ils aillent de l'avant, il y a peu de chances que cela change. Je ne crois pas que ceux qui s'occupent des sans- abri aient nécessairement la crédibilité voulue auprès du contribuable moyen.
La présidente : La Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU est un document fondé sur les droits. Si elle avait force de loi dans notre pays, comme nous l'avons réclamé, ce ne serait pas nécessairement une question de volonté politique, mais de droit. Avez-vous modifié des éléments de votre programme afin d'en tenir compte?
Mme Montani : En tant que coalition de groupes de défense, First Call n'a pas de programme. Mais nous essayons de faire valoir le fait que c'est de droits dont nous parlons, et pas uniquement de besoins. Quant à votre question concernant les raisons pour lesquelles l'information véhiculée par les médias n'a pas d'impact, je crois qu'il n'y a pas de réponse facile. Nous nous faisons probablement tous une opinion là-dessus, de même que sur les raisons pour lesquelles les gens, parfois, refusent de savoir. Comme Mme Thompson l'a expliqué, vous pouvez trébucher sur quelqu'un dans la rue et poursuivre quand même votre journée chargée. Vous ne remarquerez pas les sans-abri et ne réfléchirez pas à leur sort. Nous mettons beaucoup l'accent sur le problème de la pauvreté et des faibles revenus. Malheureusement, on blâme encore fortement les victimes, tant dans les médias que dans le discours public. « Ces gens ont fait de mauvais choix. Pourquoi devrais-je payer pour eux? Ils ont choisi d'avoir ces enfants. » Malgré ce genre de réactions peu charitables, tout le monde s'intéresse aux actions caritatives. Les banques alimentaires se sont multipliées de façon exponentielle, et on a pris d'autres mesures pour réparer les pots cassés de façon sporadique. On se dit : « J'ai fait ma part. » La tâche qui nous attend consiste à informer ceux qui savent diriger une entreprise et gérer de grands systèmes, et à examiner les faits qui attestent des tendances. Par exemple, on ne peut dire que les gens sont pauvres seulement à cause de leurs choix, car en examinant les tendances sur 30 ans, on se retrouverait à dire : « En 1994, tout un tas de gens ont pris plein de mauvaises décisions. » La pauvreté est liée aux conditions économiques et à d'autres facteurs sociaux. Nous tentons d'exposer les faits à des gens qui, à leur tour, nous l'espérons, en parleront à leurs pairs. Les entreprises parleront au secteur privé, et les gens du gouvernement, aux pouvoirs publics.
Comme Mme Thompson l'a mentionné, dans les secteurs des services ou des groupes de défense des droits, on nous qualifie souvent de groupe d'intérêt particulier. Cela ne nous sert pas à grand-chose habituellement car j'ignore de quel intérêt on parle au juste. C'est pourtant vrai. On nous considère comme des âmes sensibles qui ramènent encore le problème sur le tapis. Nous avons besoin d'alliés, et c'est pourquoi First Call s'est constitué en coalition : pour que nous soyons présents dans de nombreux secteurs où les gens parleront entre eux, en exposant les faits; il existe ou non des solutions; il y aura toujours de la pauvreté ou des abus. Il existe des solutions, mais nous devons réellement accorder de l'importance à ces questions.
Le sénateur Nancy Ruth : Selon moi, votre dernière remarque vise principalement une modification du système canadien, et non ces 7 millions de dollars en dons que vous devez recueillir lorsque rien ne change. Les politiciens sont normalement élus pour quatre ans. Ils ne se préoccupent pas vraiment de changer le système. Avez-vous des suggestions? Nous avons l'avantage d'être sénateurs. Nous sommes en poste pour plus de quatre ans. Faire des changements systémiques est un problème de taille dans tous les secteurs, que ce soit celui de l'environnement ou d'autres.
Mme Montani : Je peux vous parler de mon expérience. J'ai été nommée commissaire d'école pour six ans au conseil scolaire de Vancouver. C'est une grande machine. C'est relativement petit comparé au gouvernement fédéral, mais dans notre province, c'est un vaste district. Je suis arrivée là-bas en pensant que mon équipe et moi pourrions faire des changements. Cependant, il était difficile ne serait-ce que de nous occuper des frais de scolarité : il fallait mettre la main sur les recherches et les données, et ensuite travailler avec tous les groupes communautaires et les parents qui avaient peur de perdre des programmes s'ils cessaient de payer des frais de scolarité. Je comprends. Je l'ai vécu. Je crois que cela demande beaucoup de courage, et nous devons choisir avec soin les gens que nous élisons. Nous devons demander à nos politiciens ou à n'importe quel député de représenter l'ensemble de la société, et le fait que leur mandat soit limité à quatre ou cinq ans ne nous intéresse pas. Ce qui nous intéresse, ce sont les intérêts à long terme de nos enfants.
Le sénateur Nancy Ruth : Connaissez-vous des incitatifs fiscaux et autres mesures du genre qui pourraient aider? Le gouvernement en place est sur le point de faire des coupures de 2 milliards, et comme on l'a vu par le passé, ce sont habituellement les pauvres qui écopent. Les systèmes en vigueur prévoient-ils des incitatifs permettant d'assurer le renouvellement du financement de vos projets ou de s'attaquer à la pauvreté chez les enfants de manière systématique?
Mme Thompson : J'ai une certaine connaissance des lois fiscales relatives aux dons de charité, et j'ai aidé le gouvernement à modifier les lois concernant les incitatifs fiscaux liés à la disposition de biens en capital. Je vous dirais qu'il faut continuer ainsi. Je sais que le secteur caritatif a un rôle à jouer. Mais il n'est pas le seul. À la Covenant House, nous voyons des jeunes qui auront besoin qu'on les soutienne toute leur vie. Là n'est pas le rôle d'une organisation caritative qui survit grâce à des dons. C'est le rôle de la société et du gouvernement de fournir, dans certains cas, un soutien à vie à ces jeunes gens qui ont tant souffert. Je crois que c'est important.
Cela vous semblera banal, mais je suis canadienne de huitième génération. Je suis certaine que beaucoup d'entre vous ont tout autant que moi la conviction que nous avons bâti un pays considéré sur la scène internationale comme une société civile soucieuse du bien-être des citoyens. Nos dirigeants n'en parlent pas souvent. J'ai entendu le premier ministre actuel expliquer les raisons de notre présence en Afghanistan. C'est pour ces mêmes raisons que nous devons faire marche arrière ici, dans notre pays. Reliez les deux messages. Aidez à amener notre pays, notre population et nos communautés à se souvenir de qui nous sommes.
Mme Montani : J'ai également une réponse à cette question. Si vous examinez une partie de l'initiative nationale anti-pauvreté, Campagne 2000, vous verrez que nous présentons depuis maintenant une dizaine d'années les mêmes recommandations en faveur de la prestation fiscale canadienne; donc, la création de ce type de prestation pour les enfants et du Supplément de la prestation nationale pour enfants a été une bonne chose. Nous avons recommandé que ces programmes soient bonifiés, et avons fixé des objectifs. Nous voudrions que les prestations versées aux familles admissibles au maximum soient d'environ 4 000 $ par année.
D'autres changements structurels consisteraient à garantir des revenus suffisants ou, à tout le moins, à hausser le salaire minimum, et à envisager un changement systémique de l'assistance sociale. Actuellement, les prestations d'aide sociale sont établies de façon totalement arbitraire par les gouvernements provinciaux. Les taux ne semblent pas tenir compte de ce qu'il peut en coûter pour un panier de provisions, ni du prix des loyers dans une ville en particulier, entre autres facteurs. Nous devons trouver une façon logique de calculer ces taux de prestations et les indexer au coût de la vie, parce que ces familles sont les plus pauvres d'entre les pauvres. Quoi qu'il en soit, de plus en plus, nous devrons examiner la situation des pauvres qui travaillent, parce que la plupart des enfants défavorisés vivent dans des foyers dont les parents ont un emploi. Il faut que le gouvernement réagisse et offre des programmes de soutien du revenu lorsque le marché ne garantit pas un salaire décent. Le gouvernement doit également faire sa part du côté du marché et dans le milieu des affaires afin que les salaires soient suffisants. Le gouvernement peut montrer l'exemple en accordant un niveau minimal de prestations et de meilleurs congés parentaux. Récemment, on a vu quelques améliorations à ce chapitre. Mais on pourrait faire mieux. Encore une fois, nous pouvons nous inspirer de la Suède, du Danemark et d'autres pays ayant de formidables politiques de soutien aux familles.
Le sénateur Nancy Ruth : Madame Thompson, Mme Montani vient de nous parler de salaire suffisant et de prestations d'aide sociale indexées sur le coût de la vie; vous dites que les jeunes dont vous nous parlez sont issus de foyers dysfonctionnels, n'est-ce pas?
Mme Thompson : Soixante-dix-huit p. 100 d'entre eux disent avoir été violentés.
Le sénateur Nancy Ruth : Même si ces mesures étaient en place, il est possible qu'il y aurait encore 70 p. 100 de jeunes provenant de tels foyers, qui ont des dents cariées et tout le reste. Comment faites-vous le lien entre les deux?
Mme Thompson : Les parents des jeunes que nous voyons ont peu ou pas d'éducation. Ils ont survécu un peu comme leurs enfants survivent aujourd'hui. C'est un cycle. Il faut pouvoir briser ce cercle vicieux en améliorant les conditions de vie et l'accès à l'éducation. Je suis célibataire et mère de quatre enfants, et j'ai moi-même déjà vécu dans un sous-sol pendant près de deux ans. L'angoisse de ne pas savoir comment on arrivera à payer l'épicerie pendant les deux prochaines semaines s'ajoute au niveau de stress qu'on vit dans son ménage, aux enfants qui abandonnent tôt l'école pour travailler ou qui sont victimes d'agressions, et à tous les autres problèmes dont nos jeunes nous font part. Je pense que toutes les initiatives pour lesquelles Mme Montani milite finiront par améliorer la qualité de vie de ces jeunes.
La présidente : Vous dites que la pauvreté est cyclique. D'après ce que nous avons entendu, c'est vrai, et nous en avons des preuves. Les pauvres sont surreprésentés dans tous nos systèmes. Mais cherchez-vous à nous dire que les enfants en détresse sont issus seulement de ce type de famille? Nous avons appris, dans le cadre d'autres dossiers, que la drogue frappait tous les groupes socio-économiques. Les enfants se retrouvent dans la rue et ont des problèmes. La violence n'est pas uniquement présente dans les foyers à faible revenu; on la retrouve partout. Pouvez-vous me donner l'heure juste à ce sujet? Vos statistiques sont-elles davantage axées sur les parents défavorisés à l'origine de ces problèmes, ou les jeunes sont-ils issus de toutes les couches de la société canadienne?
Mme Thompson : Je peux seulement parler de l'expérience de la Covenant House.
Mme Montani : Je peux vous fournir des statistiques pour tous les niveaux de revenus.
Mme Thompson : Ce serait formidable. Parmi les jeunes qui viennent nous voir, il y en a effectivement de familles de la classe moyenne. Dans ces familles, les dépendances sont fréquentes. La violence et diverses formes de dépendance sont répandues sur la colline, à Vancouver Ouest. On peut aussi trouver ces problèmes dans une famille de la classe moyenne, mais la prochaine génération issue de cette famille pourrait ne pas faire partie du même milieu. En Colombie-Britannique, le traitement des dépendances n'est même pas accessible aux personnes de la classe moyenne, parce que, comme bien d'autres, celles-ci vivent un chèque de paye à la fois. Si on leur demandait de dépenser 15 000 $ pour un programme de traitement pour leur enfant, elles en seraient incapables.
Mme Montani : Je comprends bien vos propos. Un tableau reconnu est utilisé dans de nombreuses présentations d'un chercheur, Doug Willms, dont vous avez probablement entendu parler. Ce tableau fait état de quatre tranches de revenus, du plus faible au plus élevé. Il y a incontestablement une plus grande vulnérabilité dans les foyers à faible revenu. Si vous avez lu, dans l'édition d'aujourd'hui du Vancouver Sun, l'article qui s'intitule : « les enfants pauvres sont plus susceptibles de se blesser accidentellement », vous aurez appris que la vulnérabilité, les risques de mauvais traitements, de blessures accidentelles ou d'échec scolaire sont plus élevés quand on se trouve au bas de l'échelle. La majeure partie des enfants vulnérables dont il est question dans les travaux de recherche de Doug Willms sont répartis dans tous les niveaux de revenus, et ils sont nombreux. C'est pourquoi nous réclamons des programmes universels; si, dans le cadre de vos interventions, vous ciblez seulement les jeunes qu'on vous signale ou les plus pauvres d'entre tous, vous laisserez de côté de nombreux enfants vulnérables.
Du côté de la petite enfance, nous préconisons un accès universel pour tous les jeunes enfants. C'est leur droit de bénéficier de services de garde et de milieux d'apprentissage de qualité avant leur entrée à l'école et pendant leur scolarité. Nous nous sommes tous entendus pour garantir une éducation universelle de la maternelle à la douzième année. Vous pouvez parler à des défenseurs du droit à l'éducation qui vous diront que l'éducation est sous-financée. J'en conviens avec eux, mais au moins, en tant que société, nous nous sommes mis d'accord pour fixer ce minimum. Tout le monde peut aller à l'école dès l'âge de six ans. Nous n'en avons pas fait autant pour les jeunes enfants. Nous avons besoin de programmes universels qui leur permettent de prendre un bon départ dans la vie. Je comprends votre point de vue, et vous avez raison. Nous laisserons des gens de côté si nous ciblons trop nos interventions.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Quel pourcentage des jeunes qui participent à vos programmes décrochent un emploi? La moitié, ou moins que cela?
Mme Thompson : Leur nombre est en baisse. Lorsque la Covenant House a commencé à offrir des programmes de formation professionnelle et préalable à l'emploi, de 60 à 70 p. 100 de nos jeunes déclaraient avoir trouvé du travail dans un délai d'un an après avoir suivi ces programmes. Mais ce pourcentage est en diminution. Nous pensons que cela s'explique par une augmentation des problèmes et des dommages que nous observons au sein de notre clientèle. Par exemple, et surtout depuis 48 à 60 mois, la méthamphétamine fait des ravages chez nos jeunes ici, à Vancouver. C'est un phénomène relativement nouveau. Un trouble concomitant est plus que probable, mais la dépendance elle-même est nocive, et elle compromet, parfois de façon permanente, la capacité des jeunes à occuper un emploi. Nous constatons une baisse rapide du taux de réussite. C'est pour cette raison que nous procédons à une restructuration de l'ensemble de nos programmes.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Qu'en est-il de leur éducation et de leurs moyens de transport? Certains jeunes peuvent trouver un emploi. Mais peut-être qu'ils ne sont pas suffisamment scolarisés, qu'ils n'ont aucun moyen de se rendre à leur travail, ou encore qu'ils n'ont pas d'argent pour acheter les uniformes dont ils ont besoin.
Mme Thompson : Les billets d'autobus coûtent cher.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Qu'arrivera-t-il à ces jeunes et aux sans-abri pendant les prochains Jeux olympiques? Va-t-on les cacher, ou vont-ils disparaître?
Mme Montani : Je l'ignore. Aujourd'hui, dans le journal, un titre annonçait qu'on prévoit une hausse exponentielle du nombre de sans-abri. Je ne me souviens plus des chiffres. Mais cela nous préoccupe. Le coût des logements dans le Lower Mainland est généralement astronomique, et il ne cesse d'augmenter. De leur côté, en 2002, les familles vivant de l'aide sociale ont vu leur subvention de logement réduite par le gouvernement provincial, une mesure qui a particulièment touché les familles de plus de deux enfants. On est censé réaliser ainsi des économies d'échelle, ou quelque chose du genre. Dans le secteur des services sociaux, nous redoutons le déplacement des jeunes.
Mme Thompson : Grâce à mon poste à la Covenant House, je siège au Comité directeur de la grande région de Vancouver pour les sans-abri. Ce comité est en activité depuis 2000, et il reçoit un financement. Nous y siégeons tous en tant que bénévoles, mais le personnel qui aide à mettre en œuvre le programme et à organiser les réunions est subventionné par le gouvernement. Des fonds provenant de l'Initiative de partenariats en action communautaire, l'IPAC, contribuent au fonctionnement du comité. J'ai vu les chiffres dernièrement. Au cours des quatre ou cinq dernières années, on a dépensé 58 millions de dollars, et les subventions de l'IPAC ont aidé de façon significative nos organismes à but non lucratif et autres ONG à lutter contre plusieurs problèmes ici, à Vancouver. Je peux vous fournir une copie de certaines de ces conclusions. Nous devons poursuivre nos actions. Je crois que l'IPAC est importante. Je préconise qu'on continue à la financer.
Le sénateur Nancy Ruth : Qu'est-ce que l'IPAC?
Mme Thompson : L'IPAC est une initiative de Service Canada qui vise spécialement à régler le problème des sans- abri partout au pays. Le financement est versé par le biais d'agences, soit, dans notre cas, le district régional de Vancouver, ou DRV, qui regroupe plusieurs administrations municipales. Le gouvernement fédéral transfère des fonds au DRV. Puis, le DRV, par l'entremise de plus de 40 organisations à but non lucratif, décide de la façon de distribuer ces fonds, et il a ciblé la population des sans-abri. Ce financement a changé les choses et continue de le faire. J'ai cru comprendre que le gouvernement, Service Canada et le ministre procédaient à un examen du processus d'attribution des subventions à l'IPAC, mais nous n'avons reçu aucune indication quant à un renouvellement de ce programme après le 31 mars 2007.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous n'êtes pas les seuls dans cette situation.
Mme Thompson : Je sais. Je parlais seulement de mon humble point de vue.
Le sénateur Lovelace Nicholas : J'ignore si vous avez répondu à ma question, mais personne ne sait ce qu'il adviendra des sans-abri pendant les Jeux olympiques.
Mme Thompson : Je crois que le comité directeur pour les sans-abri, qui a été mis sur pied en l'an 2000, a pédalé aussi vite qu'il a pu pour apporter des solutions au problème des sans-abri à Vancouver, mais les choses ont avancé lentement. On commence tout juste à remédier au manque de coordination entre nos 40 organisations censées travailler ensemble. Ici, à Vancouver, nous avons une date butoir, c'est l'an 2010; il est donc urgent d'agir. Nous devons trouver des solutions créatives pour masquer le problème d'ici aux prochains Jeux.
Mme Montani : Nous devons arrêter de créer des sans-abri.
Le sénateur Lovelace Nicholas : C'est vrai.
Mme Montani : Cela aiderait. Nous avons besoin de davantage de refuges et de services pour les sans-abri, mais nous devons également arrêter de créer une demande. Des prestations d'aide sociale plus élevées et un salaire suffisant seraient très utiles, de même que des services pour les personnes atteintes de maladies mentales, et des logements subventionnés pour les personnes qui souffrent de troubles mixtes, et autres choses du genre.
Le sénateur Nancy Ruth : Le salaire suffisant est-il la même chose que ce que les gens de ma génération appellent le revenu annuel garanti?
Mme Montani : Je ne suis pas certaine que leurs définitions soient tout à fait semblables. Le salaire suffisant est un salaire-subsistance que verse le secteur de l'emploi et qui doit être déterminé de concert par les communautés. Si vous vivez par exemple à Victoria, en Colombie-Britannique, qu'est-ce qu'un salaire suffisant? Le revenu annuel garanti est davantage régi par des politiques, je crois, mais l'intention est certainement la même. Il s'agit d'accroître les revenus de ceux qui vivent sous le seuil de pauvreté et qui ne peuvent subvenir à leurs besoins.
Le sénateur Poy : Les jeunes âgés de moins de 16 ans peuvent-ils recevoir des prestations d'aide sociale, un revenu minimal de subsistance? Sont-ils admissibles?
Mme Thompson : Avant l'âge de 18 ans, ils sont censés être des pupilles sous tutelle judiciaire ou gouvernementale. Quel est l'âge de la majorité? Quiconque est âgé de moins de 19 ans a droit à des services de soutien en vertu de la loi.
Le sénateur Poy : S'ils y avaient droit, ils ne seraient pas dans la rue. S'ils pouvaient recevoir de l'aide du gouvernement, ils n'en seraient pas là. Peut-être pourriez-vous nous expliquer cela?
Mme Thompson : Les quelque 1 800 jeunes qui viennent chaque année dans notre établissement ont tous droit à ces services.
Le sénateur Poy : Y ont-ils accès?
Mme Thompson : Dans certains cas, oui, mais dans d'autres, non. Beaucoup sont simplement passés entre les mailles du filet, et parfois, c'est délibéré. Autrement dit, comme je l'ai expliqué dans ma présentation, quand un jeune a 16 ans, les travailleurs sociaux lui disent : « Tu es assez grand maintenant. Je dois me préoccuper d'enfants de huit ans. Je n'ai pas suffisamment de temps, d'argent ou d'énergie pour m'occuper de toi, alors tu dois t'organiser. » Il arrive souvent que ces jeunes fassent l'objet de ce qu'on appelle, en Colombie-Britannique, des accords spéciaux avec les jeunes. On leur remet un chèque d'assistance sociale, et on les aide un peu pour commencer. Mais ils ne peuvent payer le loyer et l'épicerie. Ici, le salaire minimum est de six dollars de l'heure.
Mme Montani : Il s'agit du salaire de formation.
Mme Thompson : Le salaire de formation est de six dollars de l'heure, mais la formation dure trois mois. Ensuite, il grimpe à huit dollars. En Colombie-Britannique, le coût moyen du loyer pour un appartement en sous-sol est de 600 $ par mois. Si vous gagnez 6 $ de l'heure, vous devez travailler 100 heures par mois pour payer le loyer, à condition que le propriétaire vous accepte avec vos dents cariées, vos vêtements en piteux état, votre mauvaise odeur et vos problèmes de toxicomanie.
Le sénateur Poy : N'ont-ils pas accès à un logement subventionné?
Mme Thompson : Encore faudrait-il qu'il y en ait de disponibles.
Mme Montani : Ici, 13 000 familles sont inscrites sur la liste d'attente pour des logements subventionnés. Il y a énormément de gens qui attendent leur tour.
Le sénateur Poy : Madame Thompson, vous avez dit que la Covenant House s'occupait de jeunes de 16 à 24 ans. Votre organisme compte-t-il des psychologues bénévoles qui leur viennent en aide?
Mme Thompson : Nous avons des bénévoles. Notre conseil d'administration en est exclusivement formé, et environ 150 personnes nous aident gracieusement à trier les vêtements, à transporter la nourriture dans la cuisine et à assurer une permanence au comptoir d'accueil. Trois psychiatres travaillent pour nous bénévolement. Ce n'est cependant pas suffisant. Nous tentons d'acheter les services de psychiatres professionnels. Quoi qu'il en soit, cette année, nous avons seulement pu nous prévaloir des services d'un ETP à mi-temps.
Le sénateur Poy : Qu'est-ce qu'un ETP?
Mme Thompson : Un équivalent temps plein. Nous avons pu embaucher un psychiatre à mi-temps. De plus, trois psychiatres viennent travailler pour l'équivalent d'environ 10 p. 100 de leur journée de travail.
Le sénateur Poy : Sont-ils bénévoles? Leur versez-vous un salaire?
Mme Thompson : Certains psychiatres nous aident bénévolement, mais nous versons également des honoraires.
Le sénateur Poy : Avez-vous des dentistes?
Mme Thompson : Quelques dentistes ont offert de nous aider gratuitement. Nous leur en sommes reconnaissants, mais cela ne suffit pas.
Le sénateur Poy : D'après ce qu'on nous a dit, pas seulement aujourd'hui, mais au cours des derniers jours, beaucoup de gens, et spécialement des ONG, offrent une solution de fortune. Nous pourrions sûrement faire plus. Madame Montani, vous avez dit qu'il faut de la volonté politique pour résoudre le problème. Mais comment maîtriser le problème de la drogue? Je l'ignore. On en parle constamment dans les médias écrits. Comment y faire face?
Mme Thompson : Les jeunes me disent avoir commencé à prendre de la méthamphétamine parce qu'ils avaient peur de s'endormir dans une ruelle. Ils sont sans domicile. Ils vivent dans la rue. Ils seront violés, battus ou tués s'ils s'endorment. Une dose de cinq dollars de méthamphétamine leur permettra de rester éveillés pendant 36 heures. C'est une question de survie.
Le sénateur Poy : Cette nouvelle drogue est bon marché et beaucoup de gens se la procurent.
Mme Thompson : Et son effet est puissant.
La présidente : Si les sénateurs n'ont pas d'autres questions, j'aimerais vous remercier toutes les deux d'être venues nous faire part de vos expériences particulières au sein de vos organismes. Nos travaux sont principalement axés sur la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU, alors si vous avez d'autres réflexions à nous soumettre ultérieurement, vous pourrez communiquer avec notre greffière. Je pense qu'en matière de volonté politique, lorsqu'il s'agit des enfants, nous devons mettre l'accent sur un changement du système en vigueur, tant du côté fédéral que provincial et communautaire. Nous devons tenter de trouver une solution qui n'est pas fondée sur les besoins, mais sur les droits, et j'ai nommé la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU. C'est à cela que devrait ressembler la solution. J'espère que vous continuerez à suivre l'évolution de nos travaux. Merci de votre présence ici ce matin.
Mme Montani : Nous vous félicitons pour votre travail et sommes de tout cœur avec vous.
La présidente : Honorables sénateurs, nous allons poursuivre la séance avec notre prochain groupe de témoins. Nous recevons Sue Rossi, du Programme d'action communautaire pour les enfants, et Jessica Chant, directrice exécutive de la Society for Children and Youth of BC. Bienvenue à vous.
Nous poursuivons notre étude de la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU. Nous nous intéressons surtout à ses conséquences et à la façon dont on la mettra en œuvre dans notre pays. Dans ce contexte, nous nous penchons sur des questions relatives aux enfants ainsi que sur tout ce qui pourrait faire avancer notre étude et nos recommandations au gouvernement fédéral, même si nous savons que nombre de ces questions sont de compétence provinciale. Nous sommes heureux de votre présence. Si vous avez une déclaration d'ouverture à faire, soyez brèves afin que nous puissions avoir un échange de questions et de réponses. Veuillez commencer, madame Rossi.
Sue Rossi, représentante, Programme d'action communautaire pour les enfants (PACE) : Merci de me recevoir aujourd'hui. J'apprécie le fait que vous soyez à l'écoute de la population canadienne en ce qui a trait à la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU. J'ai lu votre rapport provisoire, et j'ai été impressionnée par les conclusions qu'il renferme. Par ailleurs, je me réjouis du fait que, lorsque le Canada a coprésidé le sommet en 1990, on a signé un accord national et international stipulant que les enfants avaient le droit de recevoir une alimentation et des soins adéquats de leurs parents et de leurs gardiens. En même temps, le Canada a mis sur pied l'initiative Grandir ensemble. De cette initiative sont nés le Programme d'action communautaire pour les enfants, ou PACE, le Programme canadien de nutrition prénatale, ou PCNP, et le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones qui vivent tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des réserves, même si en ce moment, ces programmes sont administrés par deux ministères différents.
Le PACE offre un cadre national et permet aux communautés de mettre sur pied des programmes destinés aux enfants âgés de zéro à six ans et à leur famille. Il vise autant les régions éloignées et rurales que les centres urbains. Ce programme découle d'initiatives communautaires visant à accueillir des parents dans un milieu où ils ne se sentent pas jugés, afin qu'ils puissent se sortir de l'isolement, en apprendre davantage sur leurs propres capacités et compétences parentales, et en tirer parti.
Le PACE est ce qu'on appellerait un programme ciblé. Nous recueillons des données démographiques. Notre programme s'adresse principalement aux jeunes parents, aux familles à faible revenu, aux parents peu instruits et souffrant de problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie. Je vous ai entendu parler du caractère inclusif de tous les groupes de parents sur le plan socio-économique. Je suis d'accord avec vous. Toutefois, un contexte de mixicité sociale ne fonctionne pas toujours parce que certains parents éprouvent parfois des sentiments d'insécurité et ont une faible estime d'eux-mêmes. Nous ne voulons pas séparer les enfants de leurs parents, encore moins les éloigner de leur foyer ou les placer dans des familles d'accueil. Nous avons une philosophie et des principes directeurs au sein du PACE, et le soutien des enfants et de leur famille est notre priorité.
On a mis en place des structures provinciales par le biais de deux initiatives, soit Success by 6 et Children First, du ministère du Développement de l'enfant et de la Famille de Colombie-Britannique. Ce sont des programmes d'accès universel, et nous travaillons en partenariat avec ceux qui les gèrent. Je pense qu'il est important que le PACE soit national parce cela nous permet de transmettre des messages aux parents partout au pays. Nous collaborons avec l'Ontario et les provinces de l'Est. Cela vient compléter le travail de nos homologues provinciaux en matière de programmes de prévention destinés aux parents.
Le PACE relève maintenant de l'Agence de santé publique du Canada et non plus de Santé Canada, et sa viabilité fait actuellement l'objet d'un examen. Je viens de l'intérieur de la Colombie-Britannique. Notre coalition est composée de sept organismes membres, et nous offrons 22 programmes, principalement destinés aux régions rurales. Cela fait 10 ans que nous offrons des services aux parents. Ceux qui ont eu recours à nos programmes sont souvent des parents inquiets, qui manquent d'assurance. Ils s'investissent beaucoup dans le programme et font du bénévolat; par exemple, ils apportent des collations et participent au nettoyage. Quand les enfants sont prêts à entrer à l'école, nous avons déjà travaillé avec les parents pendant six ans. Nous avons constaté de très bons résultats.
Avant de terminer, j'aimerais revenir sur les commentaires du groupe de témoins précédent. J'ai aussi travaillé à Vernon et ouvert un refuge pour sans-abri il y a environ trois ans. Un sénateur a demandé comment faire pour améliorer les conditions de vie des gens. Je crois que nous devons commencer par aider les enfants et leurs parents. Énormément d'études révèlent que les enfants qui se développent bien de la naissance jusqu'à l'âge de six ans terminent leurs études avec succès, ne tombent pas dans la délinquance, sont équilibrés et deviennent de bons citoyens actifs. Nous devons briser ce cercle vicieux et donner aux parents le rôle qui leur revient. Le PACE donne une lueur d'espoir; en plus de modifier le système, il permettra de maintenir les droits de l'enfant et de respecter l'engagement pris par le Canada lors du Sommet mondial pour les enfants de 1990.
Jessica Chant, directrice exécutive, Society for Children and Youth of British Columbia : Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais vous dire qui nous sommes. La SCY a une riche histoire; elle existe depuis déjà 32 ans. Cet organisme contribue au renforcement et à la mise en œuvre de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant au sein du gouvernement et dans la société. C'est une tâche ambitieuse, mais c'est ce que nous tentons d'accomplir.
Nous avons deux principaux programmes : le Rights Awareness Program et le Child and Youth Friendly Communities. Le premier vise à sensibiliser davantage les gens à la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant. Dans le cadre de ce programme, nous organisons des activités de sensibilisation et d'information et nous veillons au respect de la Convention. En ce qui concerne le second programme, Child and Youth Friendly Communities, nous avons établi un ensemble d'indicateurs pour aider les municipalités et les communautés à déterminer si elles offrent un cadre adapté aux besoins des enfants et des jeunes. Le programme aide les communautés à respecter les droits de l'enfant. Ceux-ci constituent le fondement de notre travail.
Aujourd'hui, je vais me concentrer sur trois questions, et pas les moindres : sensibiliser les gens aux droits de l'enfant, les informer, et veiller au respect de ces droits. Avant de venir, alors que je réfléchissais à ce que j'allais vous dire, je me suis rendu compte à quel point il se passe beaucoup de choses ici. Je suis honorée que vous soyez venus et que vous m'ayez convoquée pour vous parler de tout ce qui est réalisé dans la province. Honnêtement, je considère que cette région fait énormément pour la protection des droits, pourtant les droits de l'enfant n'y sont pas reconnus. Voilà pourquoi la Colombie-Britannique doit agir sur ces trois fronts : la sensibilisation, l'information et le respect des droits. J'insiste là-dessus parce qu'on se mobilise et on parle beaucoup en faveur des droits de l'enfant. Dans bien des cas, l'information et l'apprentissage du respect se font en même temps.
Je vais parler brièvement de la sensibilisation. La SCY s'est associée au Child and Youth Officer de Colombie- Britannique et à un grand nombre de professionnels représentant la collectivité et le gouvernement pour mener une campagne de sensibilisation aux droits de l'enfant au cours des trois prochaines années. C'est le plan. Nous verrons ce qui se passera par la suite.
Voici les résultats d'un sondage Ipsos Reid que nous avons réalisé auprès de 800 Britanno-Colombiens. La première question était : « Connaissez-vous bien les droits des enfants et des adolescents en Colombie-Britannique? » Les réponses étaient très partagées. La moitié des répondants ont affirmé connaître ou très bien connaître ces droits, alors que 52 p. 100 ont indiqué qu'ils ne les connaissaient pas du tout ou que très peu. Ceux qui les connaissent citaient le plus souvent les droits à l'éducation et à la protection. Notre comité a établi ces catégories en fonction de la Convention. Nous aurions pu être plus précis, mais c'est ainsi. D'après le sondage, les problèmes les plus préoccupants concernaient, encore une fois, l'éducation, la protection et les soins de santé. À mon avis, la question la plus pertinente pour ce comité était : « Connaissez-vous bien la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant? » Êtes-vous bien assis? 75 p. 100 des personnes interrogées ont répondu que seul le nom leur disait quelque chose ou qu'elles ne connaissaient pas du tout la Convention, et 25 p. 100 ont indiqué qu'elles en avaient déjà entendu parler ou qu'elles la connaissaient un peu.
La présidente : J'aimerais avoir une précision : vous avez interrogé 800 personnes, n'est-ce pas?
Mme Chant : Oui, de partout en Colombie-Britannique.
La présidente : Mais pas des enfants?
Mme Chant : Non, le sondage a été réalisé auprès de personnes âgées de 18 ans et plus.
La présidente : Les enfants étaient donc exclus, selon notre définition. Avez-vous procédé à un échantillonnage aléatoire?
Mme Chant : Absolument. Nous avons demandé aux répondants à quelles parties de la Convention ils accorderaient le plus d'attention. Nous leur avons aussi demandé s'ils considéraient que les droits de l'enfant étaient entièrement respectés en Colombie-Britannique. Les avis étaient également partagés. La moitié des répondants estimaient que oui, alors que l'autre moitié pensait le contraire. Environ 86 p. 100 étaient totalement ou moyennement d'accord sur la nécessité de renseigner davantage les gens sur la Convention. Finalement, la population était divisée en deux quant à savoir s'il y avait suffisamment d'information disponible. Nous avons pu tirer des conclusions intéressantes. Nous avons aussi voulu savoir par quels moyens on devrait informer le grand public et les jeunes. Nous avons cette information pour vous.
Je voulais vous parler de cette campagne de sensibilisation et de la collaboration exceptionnelle des membres de la communauté, des représentants des différents ministères et des bailleurs de fonds. Nous voulons mener une campagne multimédia et organiser des forums régionaux qui alimenteront des tribunes provinciales, avec un peu de chance, dans trois ans, dans le cadre des activités entourant la Journée internationale de l'enfant.
Pour ce qui est d'informer les gens, la SCY a fait beaucoup de recherches. La plus récente porte sur le système de justice pénale juvénile et le respect des droits des jeunes. Comme je l'ai dit auparavant, l'information et l'apprentissage du respect des droits se font en même temps. Nous avions un volet recherche et nous avons entrepris une analyse documentaire axée sur les besoins des mineurs ayant une déficience — y compris non apparente — dans le système de justice pénale. Nous avons analysé le système de justice et vérifié si les droits des jeunes étaient respectés, de leur avis et de celui des professionnels. Nous avons également réalisé une analyse de la Convention et des politiques visant les mineurs aux prises avec une déficience en Colombie-Britannique. Nous avons rédigé un gros document sur la façon dont la Convention s'applique aux politiques britanno-colombiennes. Je serais heureuse de vous l'expédier par la poste.
Ce qui m'amène au respect des droits. La SCY a accompli un travail remarquable en analysant la conformité des lois provinciales avec la Convention. Elle a élaboré un modèle d'analyse et d'évaluation des politiques gouvernementales. Il existe deux systèmes d'évaluation; l'un permet de déterminer si les politiques sont conformes à la Convention de l'ONU, et l'autre vise davantage l'article 12 et sert à vérifier si les enfants sont pris en considération dans l'élaboration des politiques ou si celles-ci tiennent compte des intérêts des enfants et leur permettent de participer à leur analyse et à leur mise en œuvre. Selon le premier système d'évaluation, 52 p. 100 des politiques étaient très conformes à la Convention, ce qui correspondait à « bien » sur une échelle de quatre points. Si l'on a obtenu la note 3, c'est parce qu'il faut davantage prendre en compte les intérêts des enfants dans l'élaboration des politiques. On doit faire participer les enfants de façon plus efficace.
Je n'ai pas assisté à la première séance; par contre, j'ai cru entendre que vous envisagiez la possibilité d'inclure davantage la Convention dans les politiques. Je voulais vous parler du projet de la SCY. Il s'agit d'une collaboration entre des membres de la communauté, des représentants du gouvernement et des bailleurs de fonds. Ce projet est limité à la région de Vancouver. Nous avons organisé un atelier de 22 séances d'information sur la Convention de l'ONU à l'intention des mineurs, principalement, et des fournisseurs de services. Si l'on veut accroître la sensibilisation, on doit d'abord faire de la Convention un outil plus convivial et accessible aux jeunes. On doit faire comprendre aux enfants l'incidence des articles, ces principes juridiques très abstraits, sur leur vie quotidienne. C'est ce que nous avons essayé de faire dans le cadre de cet atelier. Pensez-y. Nous examinions la Convention à raison de deux heures par séance. Nous disions : « Voici le document juridique dont il est question, maintenant comment s'applique-t-il? » Ces séances se sont avérées très efficaces. Nous avons vulgarisé les articles pour en faciliter la compréhension par les enfants, que nous avons fait participer à des activités de recherche pour déterminer où il y avait violation de leurs droits, d'après le profil des collectivités. Nous avons recueilli des anecdotes et nous avons pu nous en servir dans nos recherches. Nous leur avons également demandé où leurs droits étaient reconnus. Nous sommes en train de préparer un rapport qui compile toutes ces informations. Nous espérons que cela servira ailleurs au pays pour faire comprendre aux collectivités, aux gouvernements, aux bailleurs de fond et à toute la population l'importance des droits de l'enfant.
Je sais que je m'écarte un peu du sujet, mais je veux aborder deux autres facettes de la réalité ici, en Colombie- Britannique. Tout d'abord, les structures propices à la participation des enfants et des adolescents sont insuffisantes, voire inexistantes, particulièrement à Vancouver, avec la réduction des services de défense des droits des jeunes. Je pense d'ailleurs que « défenseur » est devenu un mot à proscrire. Nous n'avons plus de défenseurs, mais des agents. C'est un terme qui me dérange. Ce qui me dérange encore plus, c'est que le budget alloué aux services sociaux se réduit comme peau de chagrin et que le gouvernement hésite à prendre part à une analyse des droits, quels qu'ils soient, par peur des critiques et des tensions.
Pour ce qui est des aspects positifs, il y a les collaborations dont je vous ai parlé et le fait que la question des droits de l'enfant réussit très bien à rapprocher des bailleurs de fonds, des représentants gouvernementaux et des partenaires communautaires. Elle sert de catalyseur. Et tous ces acteurs doivent être pris en considération et participer dans la création et la mise en œuvre de nouvelles structures systémiques. Dans le sondage sur la sensibilisation, lorsque nous avons demandé aux gens de nous dire qui, selon eux, était ultimement responsable de faire appliquer et de protéger les droits des enfants dans la société, la majorité ont cité toutes les personnes que je viens de mentionner. Voilà ce que j'avais à vous dire.
La présidente : Nous avons presque fait le tour du pays, mais votre organisme semble s'être conformé à la Convention et s'être doté de programmes. Comment cela s'est-il passé, et connaissez-vous d'autres organismes ou groupes équivalents au Canada qui en ont fait autant?
Mme Chant : Je suis en poste depuis peu, mais j'ai assisté à une conférence sur les droits de l'enfant en juillet dernier. D'autres événements semblables doivent certainement se tenir ailleurs. Il y a la Coalition canadienne pour les droits des enfants. Qu'est-ce que vous voulez savoir concrètement?
La présidente : Il y a certainement des groupes qui prônent la mise en œuvre de la Convention. D'autres organisations classiques, si je puis m'exprimer ainsi, connaissent son existence. Les organismes de soutien qui offrent depuis longtemps des services ou des programmes aux enfants comprennent la Convention et tentent de s'y conformer. Vous semblez adhérer pleinement à la Convention depuis trois ans, et vous existez depuis environ 32 ans. Vous avez mené, de manière approfondie, une campagne de sensibilisation, une analyse et même un sondage Ipsos Reid. À notre connaissance, rien de tel ne s'est produit ailleurs.
Mme Chant : En Colombie-Britannique, toutes ces initiatives sont opportunes. Ce n'est pas pour rien que ce dossier suscite un vif intérêt. Lorsque le gouvernement Campbell est arrivé au pouvoir, il a sabré dans les services sociaux. Par le fait même, les organismes communautaires, sans parler des ministères censés soutenir les collectivités, se sont retrouvés complètement démunis. En raison de la réorganisation des demandes de proposition, tous étaient en concurrence. Au bout du compte, on n'a pas respecté les droits des enfants, et ce, à cause de ce changement radical et rapide, et j'irais jusqu'à dire dévastateur, comme on l'a vu. C'est ce changement brutal qui a entraîné toute cette mobilisation.
Le sénateur Poy : Madame Rossi, j'aimerais savoir exactement comment fonctionne le PACE. Si j'ai bien compris, vous venez en aide aux femmes enceintes et aux parents. Vous avez beaucoup de groupes en Colombie-Britannique? Est-ce qu'ils vous contactent? Est-ce ainsi que cela fonctionne?
Mme Rossi : Vous me posez là plusieurs questions. En Colombie-Britannique, nous voyons 3 500 enfants par mois dans le cadre de nos programmes.
Le sénateur Poy : Dans combien de centres intervenez-vous?
Mme Rossi : Cent soixante-huit, partout dans la province. Nous formons des coalitions. Les membres de ces coalitions offrent des programmes et des services dans leur région. Le PACE porte plusieurs noms et nous n'avons pas vraiment fait de marketing social autour de ce programme. Nous commençons à faire connaître ces petits programmes communautaires au moyen des produits que j'ai apportés aujourd'hui. La plupart des services du PACE sont offerts à raison d'un ou deux jours par semaine à cause de notre financement limité. De plus, nous collaborons avec les responsables d'autres programmes et services, particulièrement dans de petites communautés, afin d'éviter tout chevauchement. Par exemple, 90 bébés viennent au monde chaque année à Revelstoke, et nous voulons nous assurer que tous les parents ont accès aux différents programmes. Le PACE est axé sur les compétences parentales et le développement de l'enfant. Ce sont habituellement les infirmiers de la santé publique ou certaines jeunes mères de la communauté qui recommandent le PACE aux nouveaux parents. Une bonne partie du PACE repose sur des partenariats. Nous comptons sur cette communication entre les professionnels et la clientèle. Nous mettons l'accent sur le dépistage et l'intervention précoces, car une fois les rencontres avec les infirmiers terminées, les parents qui participent à un programme du PACE pourront de nouveau être confiés à un professionnel de la santé en qui ils auront confiance, ce qui ne serait pas le cas s'ils avaient été catapultés dans un programme sans aucun soutien. Ce système est instauré dans chaque province. C'est important. J'ai les chiffres. Sans regarder, je pense que nous disposons de 1 700 antennes à travers le Canada. Nous avons une très bonne structure qui est en place depuis déjà plusieurs années.
Le sénateur Poy : Je me demande comment vous faites pour aider les femmes enceintes. Travaillez-vous avec des cliniques de maternité? Est-ce que ce sont les obstétriciens qui vous envoient les futures mères?
Mme Rossi : Étant donné que la santé de la femme avant et pendant la grossesse est pour beaucoup dans le développement sain de l'enfant, dans le cadre du Programme canadien de nutrition prénatale, le PCNP, on s'occupe des femmes depuis la conception jusqu'à ce que l'enfant atteigne l'âge de trois ans. C'est plus court qu'avec le PACE, qui permet de suivre les enfants de la conception à six ans. Le PCNP s'adresse davantage aux parents très vulnérables, et ce sont surtout les hôpitaux et les médecins qui dirigent leurs patients vers ce programme, contrairement à nous qui collaborons davantage avec les services de santé publique, une fois le bébé né, plutôt qu'avec d'autres spécialistes en intervention précoce. De plus, les structures provinciales sont mises en place par le biais des initiatives Success by 6 et Children First. Elles ont permis de créer des comités de développement de la petite enfance dans 110 communautés, partout dans la province. Nos intervenants siègent à ces comités et entretiennent des liens avec eux. Ces comités ont également permis de mettre en place un bon système d'aiguillage.
Le sénateur Poy : Votre travail consiste principalement à prévenir les problèmes qui pourraient se développer plutôt qu'à aider les parents à les régler, n'est-ce pas?
Mme Rossi : Nous faisons les deux, mais à bien y penser, je ne crois pas que nous réglions les problèmes pour les parents. Je pense que les parents participent d'eux-mêmes à nos initiatives. Le nombre de nos programmes a augmenté. Comme nous recueillons des données depuis plusieurs années déjà, nous avons simplifié nos méthodes, ce qui rend les données un peu plus utiles pour les gouvernements. Nous invitons les parents à venir à n'importe quel stade du développement de leurs habiletés parentales. Il n'y a pas de niveau d'études requis pour nos intervenants. Beaucoup sont des mères ayant déjà eu recours au PACE. À la base du PACE se trouve la capacité de communiquer et d'instaurer un climat de confiance afin de faciliter les échanges entre les parents, dans un milieu sûr et stimulant, sur les problèmes éprouvés à la maison dans l'éducation des enfants. Il nous arrive souvent d'orienter notre clientèle vers des ressources plus appropriées. Nous ne sommes pas des spécialistes ni des conseillers. C'est merveilleux de voir quelqu'un s'occuper de quelqu'un d'autre. C'est ainsi que l'on redonne espoir et confiance et qu'on permet aux gens de surmonter leurs difficultés à leur rythme. Voilà en quoi consistent nos programmes.
La présidente : Les parents sont au centre de vos préoccupations, mais beaucoup de ceux que j'ai rencontrés ne participaient pas à ce genre de programmes. Ils avaient leurs propres problèmes et leurs enfants étaient encore plus en danger. Que faites-vous lorsqu'un parent consomme de la drogue ou de l'alcool et n'assiste pas aux réunions, même si son enfant a besoin d'aide?
Mme Rossi : L'isolement est étroitement lié aux déterminants de la santé parce que des parents qui vivent dans l'isolement ne demandent pas d'aide. Ils gardent leurs problèmes pour eux et le système en perd la trace. Nous enseignons à notre personnel comment atteindre ces familles inaccessibles. Et nous obtenons de très bons résultats, plus que tout autre programme que j'ai vu quand je travaillais en développement de la petite enfance. Certains parents ont besoin d'un soutien individuel avant de s'intégrer à un groupe. Je pense que nous avons tous, à un certain moment de notre vie, vécu cette expérience difficile de ne pas savoir si nous allions être acceptés ou bien perçus par les autres. Étant donné que le PACE relève de l'Agence de santé publique du Canada, nous ne pouvons pas permettre à notre personnel d'offrir un soutien individuel. Lorsque nous ne sommes pas assez qualifiés pour régler un problème, nous pouvons confier la personne à un conseiller. À ce moment-là, notre rôle sera de travailler étroitement avec le conseiller qui s'occupera de la famille. Il existe un programme appelé Y'a personne de parfait, qui s'adresse à de petits groupes de parents éprouvés. Ce programme oriente également des gens vers le PACE.
J'aimerais attirer l'attention des sénateurs sur le fait que la majorité de la population britanno-colombienne vit dans des régions rurales et éloignées. Le centre urbain ne ressemble pas nécessairement aux régions des North, East et West Kootenays, ni aux secteurs dans lesquels nous vivons. Nous rencontrons des mères à l'épicerie et ailleurs en ville; il est donc facile pour nous, travailleurs du PACE, de leur proposer nos services. Nous savons bien nous y prendre pour parler aux gens dans une rangée d'épicerie ou pour encourager une mère qui participe déjà au PACE à aider une autre mère dans le besoin. Nous faisons de notre mieux.
Le sénateur Nancy Ruth : Si le comité avait recommandé un programme national d'éducation de la petite enfance dans son rapport, ce programme aurait-il contribué au respect des droits de l'enfant, et si oui, pourquoi?
Mme Chant : Oui, ce serait bien. Je pense qu'il faudrait débattre publiquement de cette recommandation. Plus tôt les enfants connaîtront leurs droits, mieux ils s'en porteront tout au long de leur vie. Il importe grandement d'aider les parents et des familles et de regarder le problème en face.
Mme Rossi : Pouvez-vous répéter la question, s'il vous plaît?
Le sénateur Nancy Ruth : Si le comité avait recommandé un programme national d'éducation de la petite enfance, disons pour les enfants âgés de trois à six ans, cette recommandation aurait-elle permis aux jeunes de mieux connaître leurs droits et de s'en prévaloir? Je ne parle pas des services de garde. Je parle de l'apprentissage dès la petite enfance.
Mme Rossi : C'est une bonne question parce que je ne sais pas si avec un programme distinct, on pourrait envisager une telle structure d'apprentissage à l'échelle nationale. Si j'étais à votre place, je pense que je recommanderais au gouvernement fédéral de conserver et d'utiliser les structures en place pour faire connaître ses priorités à l'égard des droits des enfants.
Nous avons mentionné plus tôt quelques chiffres. Dans le cadre du PACE, 394 projets permettent d'offrir 1 775 programmes dans les communautés, partout au Canada. Nous travaillons également en partenariat avec le PCNP et le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones. Ces structures existent depuis assez longtemps déjà; alors si le gouvernement fédéral veut s'attaquer aux priorités concernant les familles, je lui recommanderais plutôt de laisser la structure telle quelle et d'évaluer le matériel et les ressources nécessaires. Par contre, je crois que nous devons travailler en collaboration avec les provinces et les communautés. Il faudra compter sur la participation active des familles à l'élaboration d'un plan qui sera ensuite appliqué dans la communauté. Nous devons utiliser nos ressources et, d'une manière ou d'une autre, demander l'avis des parents pour nous assurer que tout fonctionne comme souhaité. Mais pour ce faire, il doit y avoir un mécanisme en place.
Mme Chant : Je me demande comment nous pouvons recommander un programme d'apprentissage sans même aborder la question des services de garde. À mon avis, nous avons besoin de places en garderie. Il faut mettre sur pied un programme en ce sens avant même d'envisager la possibilité de mettre en œuvre un programme d'apprentissage. De toute façon, qui va accéder à votre programme si nous ne disposons même pas d'un programme national de garderies? Je crois que nous allons trop vite en affaires. Il devrait être implicite, dans la recommandation, qu'un programme d'éducation de la petite enfance serait mis en œuvre parallèlement à un programme national de garderies. Je me demande où ce programme d'apprentissage serait offert, si ce n'est pas dans les garderies. Qui participera à ce programme, si nous n'avons même pas suffisamment de places en garderie? Je suis parfaitement en faveur de ce programme d'apprentissage, mais je crois qu'il y a beaucoup de choses à régler avant.
Le sénateur Nancy Ruth : J'ai grandi dans un environnement où l'on disait que si un enfant était pris en charge avant l'âge de sept ans, il était en quelque sorte sauvé. Il me semble entendre souvent les gens dire que si un enfant de moins de six ans vit dans un milieu d'apprentissage sain, où il est nourri, protégé et ainsi de suite, il a plus de chances d'avoir une bonne estime de lui et de surmonter les épreuves de la vie. Mais comment s'y prendre? Je n'en ai aucune idée, mais je dirais que les écoles sont un bon endroit pour cela; les enfants scolarisés pourraient ainsi avoir accès au programme d'apprentissage. Cela risque toutefois d'être plus compliqué dans les régions rurales, mais il reste toujours les garderies pour les enfants de un à deux ans, quand les deux parents travaillent.
Mme Chant : J'aimerais ajouter une chose concernant la situation en Colombie-Britannique, et je suis certaine que vous la connaissez déjà — du moins je l'espère. Notre province est celle qui connaît le plus haut taux de pauvreté infantile au Canada; celle-ci touche un enfant sur trois. Il y a donc d'importants obstacles et problèmes d'accessibilité. Il faudrait en parler dans le cadre des programmes d'apprentissage.
Le sénateur Nancy Ruth : Il ne faut pas regarder en arrière, il faut se tourner vers l'avenir; ce sera certainement plus utile.
Mme Rossi : Pourrais-je ajouter quelque chose? Je ne sais pas si vous connaissez le travail du Dr Clyde Hertzman. Cet homme travaille sur un projet d'éducation préscolaire à l'Université de la Colombie-Britannique. Son étude porte sur tous les élèves de la maternelle en Colombie-Britannique depuis trois ans. Le Dr Clyde Hertzman a établi neuf facteurs de vulnérabilité sur le plan du développement social, émotionnel, cognitif et intellectuel. Des chercheurs ont créé un document répertoriant les quartiers où les enfants sont vulnérables. Ils ont conclu qu'un enfant sur quatre n'était pas prêt pour l'école. À partir de cette étude, ils ont songé à développer ce qu'ils appellent des modèles centrifuges, qui feraient intervenir les ministères de l'Éducation, de la Santé, du Développement de l'enfant et de la Famille, afin d'établir des centres d'éducation préscolaire destinés aux enfants de zéro à six ans, même si ces centres sont satellites. Cette idée cadre bien avec celles que vous pourriez soumettre au gouvernement fédéral. En Colombie- Britannique, il y a certains mouvements qui travaillent à la création de ces modèles. Mais vous ne pouvez pas compter sur une seule source pour répondre à tous les besoins des parents; il faut tenir compte de tout. Je crois vous avoir dit que c'est grâce à la collaboration du gouvernement fédéral avec les gouvernements provinciaux et les collectivités que nous réussirons. Beaucoup de choses se font ici, en Colombie-Britannique. D'ailleurs, on a tout récemment embauché un gestionnaire de l'éducation préscolaire au sein du ministère de l'Éducation, ce qui est tout nouveau pour nous. Nous avions l'habitude de travailler avec les ministères de la Santé et du Développement de l'enfant et de la Famille pour les enfants âgés de zéro à six ans; nous avons maintenant un nouveau partenaire. Dans l'intérieur de la Colombie-Britannique, nous établissons un réseau de développement de l'enfance propre à cette région qui représente le cinquième de la province. Nous collaborons avec les trois ministères à l'élaboration de plans régionaux pour la prestation de services. C'est de cela aussi dont je m'occupe. Avec le PACE, je vois comment cela fonctionnera avec les familles qui pourraient ne pas être capables d'entrer immédiatement dans ces modèles centrifuges parce que ce sont des programmes universels. Ils ne visent pas précisément les parents aux prises avec de nombreuses difficultés.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Existe-t-il un numéro d'urgence pour les parents seuls qui vivent des moments difficiles; par exemple, un parent toxicomane ayant besoin d'aide.
Mme Rossi : Oui, nous avons une ligne d'écoute téléphonique. Les parents peuvent appeler et sont dirigés vers les personnes ressources. Par ailleurs, Centraide s'est associée à cette initiative. J'ignore qui sont ces nouveaux partenaires. Cet organisme est partout au pays. Il est en train de créer un numéro 211 pour faire suite aux numéros 911 et 411. Il s'agit d'une ligne d'écoute téléphonique pour tous les services communautaires au Canada. C'est une très grande initiative qui sera sans doute lancée d'ici un an. On travaille à la création de la base de données que les parents pourront utiliser. Vous parliez plus tôt d'une ligne d'urgence où les gens appelaient en cas de besoin, mais les parents peuvent aussi appeler à ce numéro pour obtenir des renseignements sur un programme local et destiné aux parents.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Comment faites-vous pour offrir vos services aux communautés éloignées; comment font-elles pour en bénéficier? Est-ce facile pour les gens des régions éloignées d'avoir accès à vos services?
Mme Rossi : Il existe des régions très éloignées dans le Nord. La région où je me trouve n'englobe pas le Nord. Nous avons recours à différentes stratégies. Dans le Nord, il est impossible de parcourir la distance qui sépare deux villages en l'espace d'une journée de travail. Des programmes de petite envergure sont mis sur pied dans les villages éloignés de la Colombie-Britannique. Dans ces cas-là, nous travaillons en collaboration avec le PCNP. Il nous aide financièrement à mettre les programmes en œuvre. Comme je l'ai dit, la plupart de nos services sont offerts une fois par semaine pendant deux heures, alors ils ne nécessitent pas beaucoup d'investissement. Nous collaborons avec d'autres organismes pour offrir une gamme de services aux parents.
Par exemple, dans notre région, il y a une petite ville qui s'appelle Golden et qui est située près de la frontière avec l'Alberta. C'est une très belle ville. En périphérie se trouvent les deux très petites collectivités de Blaeberry et de Parson. Ce n'est qu'au cours de la dernière année qu'elles ont mis en place des programmes d'action directe. Pour ce faire, elles ont combiné les fonds qu'elles ont reçus de notre programme et du gouvernement provincial grâce au programme Success by 6. L'important n'est pas de savoir qui est à l'origine de cette initiative. Ce qui importe, c'est que nous aidons les parents qui vivent dans de petites régions éloignées. Au sein des communautés, les organismes collaborent, et ils se font donc moins concurrence pour obtenir des contrats. Un autre avantage, c'est que cela simplifie la collecte des données. Les gouvernements provincial et fédéral, de concert avec nous et le ministère provincial de l'enfance et de la famille, sont en train de créer un modèle simplifié. Notre personnel n'aura plus à transmettre des données à diverses personnes. Les groupes se mettent sur la même longueur d'onde. Nous commençons véritablement à comprendre que les parents et les enfants sont au cœur de notre travail. Quant aux structures qui appuient notre travail, nous devons les maintenir et nous devons aussi obtenir les fonds nécessaires pour aider les familles grâce à nos programmes. Nous travaillons davantage en étroite collaboration pour offrir des services dans chaque communauté et veiller à ce qu'il y ait au moins un programme destiné aux parents.
La présidente : Personne n'a parlé des communautés autochtones. Elles sont importantes, complexes et leurs structures ne sont pas identiques. Comment les Autochtones ont-ils accès à vos programmes?
Mme Chant : Nous travaillons avec les collectivités autochtones dans le cadre de chaque projet. Les Autochtones doivent participer aux initiatives parce que leurs droits sont moins respectés que ceux des habitants non autochtones de la province. Nous travaillons avec eux lors de chaque projet.
La présidente : Pour collaborer avec eux, est-ce que vous vous adressez aux réserves ou aux organismes ou bien communiquez-vous directement avec les gens des communautés?
Mme Chant : Les deux. Nous prenons soin de travailler selon leurs méthodes et leurs traditions. Nous nous rendons là où ils sont et nous travaillons avec eux pour adapter les modèles à leur culture et à leurs pratiques. C'est pourquoi certains programmes adaptés aux Autochtones fonctionnent bien, comme le programme Child and Youth Friendly.
Mme Rossi : Nous offrons des programmes à environ 25 p. 100 des Autochtones en Colombie-Britannique. En dehors des réserves, le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones est destiné aux familles qui vivent en région urbaine. Dans les réserves, ce programme est géré par Santé Canada. J'aimerais parler des enfants dans l'ensemble parce qu'il existe un certain nombre d'initiatives destinées à favoriser l'élaboration de programmes culturels par les Autochtones eux-mêmes. Je suis heureuse que ces initiatives existent. En Colombie-Britannique, nous comptons 29 différentes nationalités, ce qui constitue le nombre le plus élevé au Canada. Il y a aussi les centres d'amitié dans les régions urbaines.
En Colombie-Britannique, une enquête a été menée en 2005 sur l'engagement des Autochtones à l'égard du développement de la petite enfance. Cette enquête a été effectuée par la B.C. Aboriginal Child Care Society, et le rapport a été transmis au programme Success by 6, qui amène les collectivités à mettre sur pied des comités composés d'Autochtones de différentes nations qui habitent dans la même région. Ce concept est nouveau pour nous. C'est la première fois qu'on tente d'amener les Autochtones vivant en milieu urbain à contribuer au développement de leurs enfants. En outre, le ministère provincial de l'Enfance et de la Famille est en train de créer des programmes destinés précisément aux familles autochtones en se fondant sur des programmes et des services existants conçus pour la population en général, comme les services de garde subventionnés, les programmes de développement des nourrissons et des programmes de développement de la petite enfance. Nous devons travailler en fonction de ces initiatives. Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones et le nôtre peuvent être les maîtres d'œuvre du changement, non seulement en soutenant les familles, mais aussi en appuyant les fonctionnaires provinciaux qui ont été choisis pour élaborer les programmes et services en question. Il sera difficile de déterminer qui aura accès aux programmes et qui recevra le financement destiné à permettre aux parents de bénéficier des programmes.
Les choses progressent. Ces trois derniers mois, des postes ont été créés pour des Autochtones afin qu'ils participent à l'élaboration d'un programme de développement de la petite enfance. Je crois qu'il faut aider le gouvernement fédéral à respecter l'engagement à long terme qu'il a pris d'assurer la viabilité des programmes même si la province est confrontée à des changements et à une réorganisation. Nous devons appuyer le changement pour qu'il se produise. Je suis ravie d'avoir pu travailler ces derniers temps avec des familles autochtones.
La présidente : Vous avez dit qu'il y a trois mois des postes pour les Autochtones ont commencé à être créés. Depuis combien de temps gérez-vous ce programme?
Mme Rossi : Le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones a été mis en œuvre en Colombie-Britannique et dans l'ensemble du Canada il y a 12 ans. Le ministère provincial de l'Enfance et de la Famille a créé des postes pour des Autochtones en vue qu'ils prennent part à la création d'un programme de développement des nourrissons.
La présidente : Il y a trois mois, n'est-ce pas?
Mme Rossi : Oui, c'est assez récent. Le ministère commence à prendre conscience du fait que les programmes visant les enfants autochtones doivent être adaptés à leur culture.
La présidente : Qu'en est-il des nouveaux immigrants?
Mme Rossi : Nous recueillons également des données au sujet des familles qui vivent au Canada depuis moins de 10 ans. Tous nos documents sont traduits en six ou sept langues, surtout ceux qui sont distribués dans le Lower Mainland, de sorte que les familles puissent prendre connaissance des conseils que nous donnons aux parents. Je ne travaille pas dans un quartier multiculturel, alors je ne pourrais pas vous donner le nombre exact de langues.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Vous avez mentionné que vous offrez vos services à 25 p. 100 des collectivités autochtones. Est-ce parce que votre financement en dépend?
Mme Rossi : Cela fait partie de l'entente de contribution. Vingt-cinq pour cent des personnes qui bénéficient de nos programmes doivent être Autochtones, c'est donc dire qu'elles doivent être métisses, inuites ou membres d'une Première nation. Cette exigence fait partie de l'entente de contribution.
Le sénateur Lovelace Nicholas : Je suis membre d'une Première nation. Je n'ai pas posé cette question parce que je suis au courant du financement qui est attribué aux Premières nations, et je sais qu'elles ne reçoivent pas suffisamment de fonds pour les services aux enfants, entre autres.
La présidente : S'il n'y a pas d'autres questions, je crois que nous allons arrêter là. Nous vous remercions de nous avoir fait part de vos points de vue.
Madame Chant, je tiens à vous dire que c'est la première fois que nous recevons autant d'information de la part d'une personne qui suit la situation des droits de la personne et l'application de la convention, ce qui est rassurant. Je ne sais pas s'il existe d'autres personnes comme vous, mais je peux vous dire que nous n'en avons pas rencontré d'autres.
Le sénateur Nancy Ruth : Pouvez-vous demander qui a pris l'initiative d'organiser cette conférence?
La présidente : Nous avons obtenu des renseignements au sujet de cette conférence de la part du sénateur Pearson. Ils se sont révélés utiles. Je vous remercie d'avoir expliqué le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones parce qu'on en a beaucoup entendu parler et nous avons tenté d'obtenir de l'information auprès du ministère de la Santé et de savoir ce que fait le ministère des Services sociaux et comment on a accès aux ressources. Madame Rossi, vous avez contribué à brosser un tableau plus complet de la situation en Colombie-Britannique parce que jusqu'à maintenant nous avions obtenu des renseignements sur la région de Vancouver. Je vous remercie d'être venue. Si vous avez d'autres documents qui pourraient nous intéresser selon vous, veuillez nous les faire parvenir. Nous avons publié notre rapport provisoire et nous avons demandé des commentaires, alors n'hésitez pas à continuer de nous en donner. Notre rapport final devrait être prêt d'ici la fin de l'année.
Je remercie aussi les membres du comité d'avoir enduré une semaine assez éreintante, et je remercie aussi le personnel du Sénat et les interprètes. Vous avez su garder votre bonne humeur et votre professionnalisme.
La séance est levée.