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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 15 - Témoignages du 29 janvier 2007


TORONTO, le lundi 29 janvier 2007

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 13 h 4, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs les invités, je suis très heureuse que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit réuni ici, à Toronto, pour conclure ses audiences. Après celles-ci, nous allons rédiger notre rapport et le déposer devant le Sénat.

On nous a demandé de faire rapport des obligations internationales du Canada relativement aux droits et libertés des enfants. Nous avons étudié les mécanismes internationaux de promotion des droits de la personne dans le monde et au Canada.

Lorsque nous nous sommes penchés sur les mécanismes généraux du système international des droits de la personne, nous en sommes venus à la conclusion que celui-ci comportait certaines lacunes à combler. Avec l'accord du Sénat, nous avons entrepris l'étude de la Convention relative aux droits de l'enfant et de l'application de cette convention au Canada. De plus, nous avons examiné d'autres aspects des droits de l'enfant.

Je suis heureuse de voir que le sénateur Pearson est ici aujourd'hui. Elle a quitté notre comité en raison de la discrimination liée à l'âge de la retraite. Le sénateur Pearson a été vice-présidente du comité, et elle continue de suivre nos audiences. Nous vous souhaitons la bienvenue, sénateur Pearson.

Je suis heureuse de constater que le sénateur Munson, le sénateur Nancy Ruth et le sénateur Poy sont ici, et qu'ils attendent le sénateur Dallaire, qui a indiqué qu'il viendrait, mais, visiblement, a été retardé.

Faye Mishna, professeure agrégée, Université de Toronto : Bonjour madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs.

L'un des aspects fondamentaux de la société canadienne tient à son engagement à promouvoir et à protéger les droits de la personne. La victimisation courante chez les enfants et les jeunes du Canada compromet leur développement et menace cette valeur essentielle. L'intimidation est une des formes d'agression les plus répandues au sein du système d'éducation. Il s'agit d'une forme de violence qui menace les droits des enfants, compromettant leur sécurité et leur bien-être. C'est un problème important auquel fait face le Canada. Les chiffres varient, mais les travaux de recherche indiquent qu'entre 10 et 30 p. 100 des enfants canadiens sont victimes d'intimidation à l'école au moins de temps à autre. Plus de 50 p. 100 des enfants canadiens disent se sentir rejetés à l'école au moins de temps à autre.

Une récente étude de l'Organisation mondiale de la santé a révélé la situation peu enviable du Canada : le pays s'est classé aux 26 et 27e rang, sur 35 pays, quant à ses taux d'intimidation et de victimisation, respectivement. Dans l'ensemble des catégories, les taux d'intimidation et de victimisation du Canada l'ont classé systématiquement à la médiane du groupe international, ou en dessous. Nos jeunes connaissent un taux d'intimidation plus élevé que la moyenne internationale dans presque tous les classements, et le taux d'intimidation dont les garçons canadiens sont à l'origine est plus élevé qu'ailleurs.

Sur la scène internationale, nous occupons un rang moins élevé par rapport aux autres pays, depuis la dernière étude; cependant, notre taux de victimisation demeure le même. D'autres pays préviennent et règlent mieux le problème de l'intimidation que nous. Fait intéressant, bon nombre de pays organisent des campagnes nationales de prévention de l'intimidation.

On doit reconnaître l'existence de plusieurs facteurs aggravant l'intimidation. Il existe une forme répandue et grave d'intimidation motivée par l'intolérance envers les autres fondée sur une appartenance réelle ou perçue comme telle à un groupe particulier, qu'on appelle « intimidation fondée sur des préjugés ». Cette forme d'intimidation découle de la discrimination et de la marginalisation fondées sur des caractéristiques comme l'orientation sexuelle, le statut socioéconomique, la race ou un handicap, et a elle a pour effet de les accentuer. Cette forme d'intimidation menace l'appréciation de la diversité que les Canadiens valorisent, et il est clair qu'elle menace les droits des jeunes. Les attitudes homophobes, les perceptions et les stéréotypes présents dans la société renforcent les comportements d'intimidation des enfants lorsqu'ils sont courants ou acceptés. Ils ont pour effet de marginaliser l'étudiant encore davantage. Les lesbiennes, les gais, les bisexuels et les transgenres et transsexuels sont beaucoup plus susceptibles d'être victimes de préjugés et de discrimination, à l'école, dans leur famille et dans la collectivité en général. Les différences de statut ethnoculturel et socioéconomique peuvent aussi être à l'origine d'intimidation. Les jeunes Canadiens des minorités visibles sont trois fois plus susceptibles d'être victimes de discrimination que les autres. Les jeunes Canadiens issus de familles à faible revenu sont plus susceptibles de connaître des expériences négatives et l'intimidation à l'école. Les jeunes Canadiens qui ont un trouble d'apprentissage ou d'autres besoins spéciaux au sein du système d'éducation sont davantage susceptibles de connaître des expériences négatives, notamment l'intimidation, à l'école.

Un autre problème concernant l'intimidation, c'est qu'elle est souvent tue. Même si nous disons aux enfants d'en parler aux adultes, bon nombre d'enfants ne le font pas, et, s'ils le font, le traumatisme peut être encore plus grand si les adultes ne manifestent pas d'empathie et n'offrent pas de protection réelle. Les études ont montré que le fait que l'enfant en parle à l'adulte n'est pas toujours bénéfique, et que cela peut même aggraver la situation. La victimisation est ainsi tue et banalisée, et, par conséquent, les enfants qui sont victimes d'intimidation ne le reconnaissent pas, et les adultes ne reconnaissent pas qu'il s'agit d'intimidation ou d'un problème grave qu'il faut régler.

Internet et les autres outils technologiques sont devenus les nouveaux instruments d'intimidation. Au fur et à mesure que le nombre d'enfants qui utilisent Internet, les téléphones cellulaires, le courriel, MSN, les groupes de discussion et les sites de réseautage augmente, les mauvaises utilisations de ces outils font de même. La cyberviolence augmente de façon spectaculaire, sous forme d'intimidation, de harcèlement, notamment sexuel, et de pornographie. En fait, il s'agit de l'endroit où au lieu de la cour d'école, les enfants sont victimes d'intimidation et de violence.

Des études récentes nous apprennent que bon nombre d'enfants canadiens ont fait l'expérience d'avances sexuelles non sollicitées et de discussions à caractère sexuel inappropriées dans les groupes de discussion, et ce, dès l'âge de 9 ans. Des étrangers qui veulent rencontrer des enfants en personne utilisent Internet pour les approcher. La cyberintimidation est répandue chez les enfants et les jeunes Canadiens, et elle favorise souvent le sexisme, l'homophobie et le racisme.

La plupart des enfants et des jeunes victimes de cyberintimidation n'en parlent pas, pour deux ou trois raisons précises. Ils ont peur qu'on leur retire leurs privilèges d'utilisation des ordinateurs. Le caractère anonyme d'Internet leur fait croire qu'il est impossible d'identifier l'intimidateur. En outre, comme l'intimidation a souvent lieu à l'extérieur de l'école, ils ne savent pas bien à qui s'adresser et qui est responsable. Il est clair que le fait que l'intimidation traditionnelle continue d'être courante et l'augmentation de la cyberintimidation devraient nous pousser à agir. Nous devons protéger les enfants et les jeunes du Canada.

Je ne vais pas décrire en détail tous les effets dévastateurs que toute forme d'intimidation peut avoir sur les enfants et les jeunes. Je veux cependant souligner que toute forme d'intimidation est dangereuse, des gestes apparemment bénins comme l'exclusion et le commérage aux agressions physiques spectaculaires; toutes ces formes ont des effets dévastateurs.

Les enfants qui intimident les autres et ceux qui sont les victimes font face à des répercussions négatives profondes au chapitre de leur cheminement scolaire, social, psychologique et affectif, ainsi que de leur santé physique. La plupart des enfants qui intimident les autres et la plupart des victimes ont souvent des démêlés multisystémiques avec les établissements de santé mentale, d'enseignement spécialisé et de services sociaux, ainsi qu'avec le système judiciaire pour les jeunes. L'intimidation affecte l'ensemble de la collectivité.

Un autre point important est que l'affirmation du pouvoir et l'agressivité qui font partie intégrante de l'intimidation sont aussi au cœur d'autres formes d'agression au travail et dans les relations intimes, ainsi que de la violence envers les enfants, du harcèlement sexuel et de la violence envers les aînés. Il s'agit d'un problème de développement qu'il faut régler. Ce problème ne se limite pas à l'intimidation qui a lieu au cours de l'enfance.

Comme l'intimidation a lieu dans un contexte social, seule une démarche globale et holistique peut permettre de répondre aux besoins des enfants et des jeunes en croissance et à leurs besoins systémiques-écologiques.

Les enseignants, les parents et tous les autres adultes qui participent à des activités avec les enfants et les jeunes ont besoin de soutien et de formation. Une commission fédérale à l'enfance pourrait jouer un rôle important dans la coordination et la mise en œuvre de politiques, de lignes directrices et de formation. Cette commission à l'enfance serait à mon avis une ressource précieuse pour la prévention et l'intervention à l'échelle nationale. Je crois qu'il est impératif que le gouvernement du Canada joue le rôle de chef de file dans la prévention de la victimisation.

Corinne Robertshaw, fondatrice/coordonnatrice, Repeal 43 Committee, Toronto : Bonjour mesdames et messieurs les sénateurs; merci de m'avoir invitée à témoigner.

J'ai présenté un mémoire daté du 22 janvier 2007, accompagné d'un mémoire présenté au ministre de la Justice en 1994. Celui-ci comporte quelques appendices qui pourront vous intéresser. Le mémoire du 22 janvier porte essentiellement sur l'article 43 du Code criminel et sur l'article 19 de la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU. Vous savez que l'article 43 du Code criminel autorise tout instituteur, père ou mère, ou toute personne qui remplace le père ou la mère à employer la force dans une mesure raisonnable pour corriger un enfant. Il y a beaucoup de choses à dire au sujet de l'article 43, non pas qu'il soit très compliqué, mais plutôt parce que tant de gens l'interprètent mal.

En termes simples, notre position est que l'article 43 est mauvais en principe et préjudiciable en pratique. Nous ne critiquons pas ni ne jugeons les parents qui frappent ou donnent la fessée à leurs enfants. Nous critiquons une loi qui justifie ces gestes, une loi qui envoie aux parents, aux enfants et à la population en général le message selon lequel ces gestes sont légitimes et constituent une méthode approuvée de discipline.

Si nous voulons un monde dans lequel règne le respect des droits de la personne, nous devons commencer par respecter les droits fondamentaux des enfants; leur droit à l'intégrité physique, leur droit de ne pas être frappés. Le droit à l'intégrité physique est défini dans la Charte des droits et libertés. La Cour suprême du Canada décrit ce droit comme un droit profond, ce qu'il est bel et bien. L'article 19 de la Convention relative aux droits de l'enfant exige de toutes les parties à la Convention qu'elle protège les enfants « ... de toute forme de violence physique ou mentale... ». J'insiste sur le fait que la Convention parle de toutes les formes de violence, notamment la violence physique et la violence mentale, et qu'il s'agit de violence, d'atteinte ou de brutalité. J'insiste là-dessus, parce que nous avons affaire non pas seulement à ce que nous appelons la violence envers les enfants, mais aussi à tous les degrés de violence. Nous devons envisager la violence du point de vue de l'enfant, et non de celui de l'adulte.

La remise en question de la constitutionnalité de l'article 43 a donné lieu à une décision partagée de la Cour suprême du Canada. Le jugement majoritaire, comme la Convention, a trait aux droits fondamentaux de l'enfant, et je pense qu'il est important que le comité comprenne certaines des raisons principales pour lesquelles nous croyons que ce jugement est mauvais.

C'est ici que la question devient compliquée. Je ne peux pas en faire le tour, mais, dans mon mémoire, je présente certains des points principaux. Permettez-moi de souligner le fait étonnant que le jugement majoritaire de la Cour suprême du Canada ne parle aucunement du comité de l'ONU qui supervise ou met en œuvre la Convention relative aux droits de l'enfant. Ce comité, comme vous le savez, a formulé deux recommandations à l'endroit du Canada, l'une en 1995, l'autre en 2003, en suggérant fortement au Canada d'abroger l'article 43 du Code criminel. Lorsque le comité de l'ONU en a parlé en 2003, il s'est déclaré fort déçu que le Canada n'ait pris aucune mesure en vue de l'abrogation de l'article 43 du Code.

Je suis surprise du fait que le jugement majoritaire de la Cour suprême ne parle absolument pas du comité de l'ONU ni de ses deux recommandations. Au lieu de cela, il parle d'un comité qui supervise l'application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En ce qui concerne ce pacte, la Cour suprême a formulé une recommandation en défaveur des châtiments corporels infligés aux enfants dans les écoles. Le jugement de la Cour suprême a rendu illégaux ou banni les châtiments corporels infligés aux enfants par les enseignants. Le jugement ne parle pas du comité concerné, qui est le comité de la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU.

Le jugement majoritaire comporte un certain nombre de problèmes, et il parle d'une norme intelligible au sujet de l'article 43; il ne s'agit pas d'une norme intelligible. Les nouveaux critères de la Cour suprême, exception faite des critères concernant l'interdiction de frapper avec des objets ou à la tête, sont très confus et très subjectifs. Tout ce qui est permis, ce sont des corrections légères et symboliques. Il ne s'agit pas de punitions réalistes. Les gens qui croient qu'il faut punir les enfants et leur donner la fessée ne considèrent pas qu'une tape symbolique est une punition. En pratique, ce genre de correction légère ne fait pas l'objet de poursuites. S'il s'agit d'une punition légère et symbolique, elle est de minimis par définition.

Les limites d'âge sont arbitraires, et elles permettent de corriger légèrement les enfants âgés de deux à 12 ans. On ne peut frapper un enfant de 23 mois, mais, une fois que l'enfant a deux ans, on peut le faire. Les distinctions arbitraires quant à l'âge sont inévitables dans certains cas. L'âge obligatoire pour obtenir un permis de conduire, pour acheter de l'alcool ou avoir des relations sexuelles ne font pas partie de la même catégorie que l'intégrité physique, qui, comme la Cour suprême elle-même l'a affirmé, est un droit profond.

Le tribunal ne reconnaît pas qu'il existe un lien entre châtiments corporels et violence envers les enfants, quoique de nombreuses études montrent que ce lien existe. En ce qui concerne la dignité des enfants, la Cour suprême admet que la dignité est un élément fondamental des droits fondamentaux de la personne, mais en ce qui concerne les enfants, elle juge la dignité du point de vue de l'adulte, et non du point de vue de l'enfant.

De plus, la Cour suprême n'a pas compris que, lorsqu'on ouvre la porte à des corrections légères ou symboliques, ces corrections peuvent aisément devenir plus importantes. Dans un sens, cela tend un piège aux parents, et le tribunal s'inquiète de voir les parents poursuivis.

La loi précise qu'il est légitime de donner une petite tape à un enfant, mais cette tape, dans de très nombreux cas, devient une grosse tape. C'est à ce moment-là que la justice intervient et qu'on intente des poursuites, d'après la Cour suprême. En justifiant les châtiments corporels dans le cadre de l'article 43, le tribunal encourage les parents à y avoir recours, et, lorsque le châtiment dépasse la petite tape symbolique, il y a un danger réel pour les parents d'être poursuivis.

La Cour suprême ne s'est pas occupée de la signification de l'expression « fondé ». L'article 43 précise qu'on est fondé à employer la force dans une mesure raisonnable, et, dans l'affaire Ogg-Moss, la Cour suprême a clairement dit que le terme « fondé » s'applique à une conduite louable. La décision majoritaire de la Cour suprême n'en tient pas compte et déclare que « fondé » n'a pas vraiment cette signification.

Dans le jugement majoritaire, le tribunal mentionne plus de quatre fois que le Parlement a choisi de maintenir l'article 43. Je dirais, madame la présidente, que le Parlement n'a jamais pris de décision au sujet de l'article 43; celui-ci n'a jamais fait l'objet de débat. Nous espérons que les audiences du comité et ses recommandations vont faire en sorte que la question va être présentée au Parlement, qui devrait la trancher.

La décision majoritaire ne parle pratiquement pas du préjudice psychologique causé par les châtiments corporels. Ce dont il est question, c'est surtout de préjudices physiques.

Un autre point que soulève la décision majoritaire a trait aux arguments à l'appui de l'utilisation de la force dans une mesure raisonnable pour immobiliser un enfant. Dans la décision, les juges citent l'exemple qui consiste à forcer un enfant à s'asseoir sur une chaise pour qu'il se calme. De plus, ils laissent entendre que l'abrogation de l'article 43, qui concerne le recours à la force dans une mesure raisonnable — il faut toujours que ce soit dans une mesure raisonnable pour faire asseoir un enfant — va mener à des poursuites judiciaires pour agression, sans moyen de défense pour l'accusé. En vertu de la common law, il est clair qu'il y a deux moyens de défense dans cette situation. L'un concerne la correction, qui suppose qu'on frappe l'enfant, et l'autre, séparé et distinct, concerne le recours à la force dans une mesure raisonnable pour immobiliser ou maîtriser l'enfant. Si le tribunal dit qu'il ne souhaite pas abroger l'article 43 parce que, s'il le fait, une personne accusée n'aura plus de moyen de défense pour justifier le recours à la force dans une mesure raisonnable pour immobiliser et maîtriser un enfant, alors nous disons qu'il faut dans ce cas abroger l'article 43 et prévoir, dans le Code criminel, un moyen de défense précis, selon lequel le recours à la force dans une mesure raisonnable est permis pour immobiliser ou maîtriser un enfant. Ce n'est pas ce que je recommande, puisque c'est évident, comme tout parent le sait, qu'on passe beaucoup de temps à immobiliser ou à maîtriser son enfant. Il n'existe aucune affaire dans laquelle une personne accusée ait utilisé l'article 43 comme moyen de défense contre des accusations liées à l'immobilisation ou à la maîtrise d'un enfant. On utilise cet article comme défense contre des accusations ayant pour objet des coups de poing, des gifles ou des coups de pieds, et, dans une affaire — une vieille affaire, qui, néanmoins, est pertinente — comme défense contre des accusations de coups portés avec un marteau.

Bref, ces points soulevés dans le cadre du jugement majoritaire ne sont pas bien fondés, et je dois dire que, de mon avis et de celui de nombreuses autres personnes, ainsi que de celui des trois autres juges de la Cour suprême du Canada, la majorité a eu tort.

Stuart Shanker, professeur, Université York : Je joue deux rôles, ce qui veut dire que je dois parler de chacun de ces rôles pendant trois minutes.

Mon premier rôle consiste à diriger un institut de recherche sur le développement à l'Université York. Fraser Mustard, qui a pris sa retraite en septembre, m'a demandé de jouer l'autre rôle, c'est-à-dire qu'il m'a demandé de reprendre la direction du conseil qu'il a créé, le Founders' Network. Ce conseil tente de traduire ce que nous avons appris à l'institut de recherche en programmes axés sur la population.

Qu'avons-nous appris? Nous avons commencé à nous spécialiser dans le domaine de l'autisme chez les enfants, et nous avons appris qu'on ne diagnostique pas la maladie chez environ 50 p. 100 des enfants ontariens qui en sont atteints avant l'âge de cinq ans. Lorsque l'enfant a cinq ans, nous pouvons faire certaines choses pour l'aider dans le cadre d'un traitement intensif. Il s'agit d'une démarche très coûteuse et qui n'est pas très efficace. Ce qui se passe, c'est que les parties du cerveau de l'enfant qui ne sont pas touchées effectuent les tâches que d'autres parties du cerveau effectueraient chez un enfant normal. C'est comme une démarche prosthétique.

Nous avons découvert que, si nous commençons à traiter l'enfant plus jeune, nous pouvons faire en sorte que les parties du cerveau touchées recommencent à fonctionner normalement. C'est l'objectif de nos travaux de recherche, et c'est l'état actuel de la science. Si nous pouvons commencer à traiter l'enfant avant qu'il ait trois ans, et, idéalement, avant qu'il ait deux ans, nous arrivons à replacer l'enfant dans une voie de développement cérébral saine dans 84 p. 100 des cas.

Je ne sais pas si les sénateurs le savent, mais le Canada est maintenant le chef de file mondial de la détection précoce de l'autisme. Un chercheur de la Nouvelle-Écosse et un chercheur de l'Alberta ont établi un protocole qui fonctionne chez les enfants de 12 mois, et ils travaillent à repousser cette limite, en espérant pouvoir utiliser ce protocole pour des enfants de six mois. À cet âge, nous pouvons faire des choses extraordinaires pour aider l'enfant autiste.

Autrefois, l'autisme était un trouble très rare. Il touche maintenant environ un pour cent de la population en général. Cela est très alarmant, et parce que ça l'est tant, on m'a demandé de siéger à un groupe de travail des Centers for Disease Control and Prevention et d'obtenir davantage de renseignements sur ce trouble grave.

Nos résultats indiquent qu'environ 17 p. 100 des enfants des centres urbains des États-Unis ont un trouble de développement pouvant faire l'objet d'un diagnostic clinique. Par ailleurs, 20 p. 100 de ces enfants sont atteints de ce que nous appelons des troubles fonctionnels. Cela signifie qu'on peut diagnostiquer ce qu'on appelle un trouble envahissant du développement chez ces enfants en Ontario. Trouble envahissant du développement signifie que quelque chose ne va pas bien; nous ne savons pas vraiment ce que c'est; ce n'est pas suffisamment grave pour obtenir une classification du DSM.

En outre, une autre tranche de 25 p. 100 des enfants a des handicaps biologiques, qui, si on les traite lorsqu'ils sont jeunes, peuvent donner lieu à une amélioration, sinon à la prévention. Si on ne les traite pas, au moment où les enfants commencent l'école, ces handicaps nuisent grandement à leur capacité d'apprendre, d'être attentifs et de comprendre ce que les autres pensent, disent et font.

Aux États-Unis — et je soupçonne que la situation n'est pas très différente au Canada —, environ 62 p. 100 des enfants ont des problèmes d'ordre biologique lorsqu'ils entrent dans le système scolaire, et dans au moins 75 p. 100 des cas, il aurait été possible d'atténuer ces problèmes de façon importante.

Notre problème est très simple, en réalité. Pouvons-nous transposer les techniques que nous avons élaborées dans des milieux cliniques de traitement très intensifs en des programmes généraux axés sur la population? Nous avons commencé des expériences là-dessus, et, en fait, la réponse, c'est oui, c'est possible. On peut le faire par l'intermédiaire des parents.

Essentiellement, il s'agit de former les parents pour leur permettre de relever les indices précoces de problèmes d'attention, de langage, de coordination motrice ou de cognition. Ces problèmes peuvent survenir chez un enfant dès l'âge de deux mois. Nous devons informer les parents, et, lorsque ceux-ci reconnaissent l'existence d'un problème, ils doivent prendre les mesures appropriées. Il est possible d'encadrer tout cela de façon efficace par l'intermédiaire des centres parentaux, où les parents rencontrent des éducateurs des jeunes enfants ou EJE très spécialisés. Dans d'autres pays, les EJE sont des spécialistes de l'enfance.

Cela m'amène à parler de mon autre rôle, celui que je joue auprès du conseil. Le mandat du conseil est de traduire les travaux de recherche en mesures. Que savons-nous vraiment? Que nous apprennent les neurosciences? Comment pouvons-nous traduire ces renseignements en mesures efficaces de façon que tous les enfants aient accès aux mêmes possibilités d'apprentissage? Comment pouvons-nous nous assurer que les enfants qui entrent dans le système scolaire sont biologiquement préparés à être attentifs, ainsi qu'à comprendre le comportement qu'on attend d'eux?

L'autre chose que nous faisons, c'est que nous étudions la situation des autres pays du monde pour déterminer lesquels font du bon travail, ce que nous pouvons apprendre de ces pays et ce que nous pouvons reproduire dans le cadre du système canadien. Il s'agit d'un processus dynamique.

Le résultat de ces deux activités, c'est que la recherche sur le développement de l'enfant sera très différente au cours du XXIe siècle de ce qu'elle a été au cours du XXe siècle. Au XXe siècle, les gens croyaient encore que ce qu'un enfant devient est fonction des gènes dont il a hérité à la naissance, ce qui est tout simplement faux. Nous savons que c'est faux. Les gènes agissent non pas de cette façon, mais bien en fonction de l'environnement dans lequel l'enfant est élevé. Ce que les scientifiques commencent à comprendre, c'est la manière d'optimiser le milieu dans lequel l'enfant grandit. Ce milieu consiste notamment en la famille, le milieu scolaire et les pairs de l'enfant. Dans tout cela, ce que nous pouvons faire, même pour les enfants qui sont nés avec des déficiences importantes sur le plan génétique, c'est que nous pouvons corriger ces déficiences si nous commençons à traiter les enfants suffisamment tôt.

Où le Canada se situe-il dans tout cela? Je crois que nous avons un rôle unique à jouer, et je pense que nous devons cela à Fraser Mustard, qui est un être humain extraordinaire.

Nous avons accès aux meilleurs programmes du monde. Nous nous renseignons au sujet de ce que les responsables de ces programmes font, et nous leur montrons quoi faire pour améliorer leurs programmes. Si nous voulons offrir à nos enfants la capacité de relever les défis extraordinaires du XXIe siècle, il faudra que leur taux d'alphabétisation soit plus élevé qu'à l'heure actuelle, et plus élevé qu'aux États-Unis, où il est encore plus faible. Dans ce pays, environ 50 p. 100 de la population n'arrive pas à comprendre l'instruction suivante : « Ne pas prendre le médicament sans manger. » Au Canada, le chiffre correspondant est 42 p. 100. Nous pouvons faire en sorte que ce chiffre alarmant change, et le comité peut jouer un rôle important en ce sens.

Si nous songeons à la complexité des questions qui nous occupent, nous devons faire tout ce que nous pouvons pour offrir à nos enfants les capacités fondamentales dont ils auront besoin au moment de commencer l'école : la capacité d'être attentifs, d'absorber de l'information, de dégager les formes et de comprendre le langage. Nous devons essayer d'offrir ces capacités à tous les enfants.

Il y a des pays qui ont réussi à le faire à l'échelle de la population, et le Canada n'en fait pas partie. Dans une étude publiée il y a deux ou trois mois, le Canada s'est classé au dernier rang. Nous dépensons le moins d'argent en proportion de notre PIB dans le domaine du développement des jeunes enfants que tous les autres pays industrialisés.

Il y a place à amélioration, mais nous avons cependant des chercheurs incroyables, et nous avons besoin de gens pour nous inspirer, ce qui est le rôle du comité.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur Shanker, de votre confiance et de vos observations. Nous allons passer à la période de questions, mais je voulais dire — je voulais vous demander une précision, monsieur Shander; vous avez dit que nous sommes bon dernier. Qui est premier?

M. Shanker : La Suède, qui dépense environ 2 p. 100 — un peu plus de 2 p. 100 de son PIB, suivie de la Finlande. Le Canada dépense 0,025 p. 100.

La présidente : Est-ce que les études en question tiennent compte des différences de population? Nous avons appris, lorsque nous étions en Suède, que les enfants des nouveaux immigrants n'ont pas accès aux ressources dont ils ont besoin. Il y a un écart entre les services traditionnels et ceux qui sont hors de portée des immigrants.

M. Shanker : Sénateur, le secret du succès de la Suède est que ce pays a été une société homogène qui a investi depuis longtemps dans la promotion des droits de l'enfant. Ce à quoi le pays n'était pas préparé, c'est à la vague d'immigration qu'il a connue. Ce que nous constatons, ensuite, c'est que la situation de cette portion de la population se détériore rapidement.

Fait intéressant, le pays qui a fini par nous intéresser le plus, Fraser et moi, c'est Cuba, et je pourrai vous raconter ce qui s'est passé une autre fois. Ce que Cuba a fait de ses trois principales cultures est extraordinaire. Le gouvernement a déclaré que tous les enfants, sans exception, devaient avoir le même accès aux services. Ce qui est incroyable, c'est que la participation est volontaire; on ne force personne. Le taux d'admission est de 99 p. 100. Nous commençons à délaisser un peu les pays scandinaves et à examiner le cas de Cuba, qui est un exemple de réussite à cet égard.

La présidente : C'est ce que j'allais dire. Cuba se démarque peut-être, mais il s'agit d'une société totalement différente. Ce que je veux dire, c'est que le commandement et le contrôle y sont encore exercés, de sorte que la réaction doit être différente.

M. Shanker : C'est ce que prétend Fraser. Il pense que ce genre de programme fonctionne mieux en dictature.

La présidente : Je crois qu'il s'agit d'un point important quant à la façon dont une société réagit et dont un pays intervient.

M. Shanker : Je suis d'accord.

La présidente : Compte tenu de la diversité de la population canadienne, de la diversité géographique, du régime fédéral-provincial, des Autochtones et de certains des problèmes auxquels nous faisons face à ce chapitre, comment allons-nous régler la question?

M. Shanker : Une des choses que nous faisons, au sein du conseil, c'est de parcourir le Canada et d'élaborer des programmes pour les différentes régions.

La première chose à laquelle il faut porter attention, c'est l'identité culturelle des collectivités dont vous venez tout juste de parler. Ensuite, les troubles que nous constatons dans ces collectivités sont très particuliers. En Ontario, par exemple, nous constatons des taux extrêmement élevés de THADA. Dans les collectivités autochtones, nous constatons évidemment des taux élevés de TCAF. Nous relevons des cas de dépression chronique chez des enfants très jeunes, et nous sommes maintenant en mesure de diagnostiquer rapidement ce trouble.

Il faut définir les programmes sur le terrain; ils doivent être adaptés aux besoins des collectivités. Je vois davantage les gouvernements fédéral et provinciaux comme des médiateurs que comme les instigateurs d'un programme universel. Si nous empruntons cette dernière voie, cela ne fonctionnera pas.

Certains principes scientifiques de base ne changent pas. Comment élaborer un programme adapté à la culture à partir de principes scientifiques, mais exécuté par une collectivité et adapté à celle-ci

Le sénateur Nancy Ruth : Je vais continuer sur l'idée d'un programme universel. Madame Mishna, j'ai lu votre article avec intérêt, et le fait qu'il parle très peu d'analyse comparative entre les sexes ou les races m'a intéressé.

Je me demande si je suis censée conclure qu'il n'y a pas de différence importante entre les garçons et les filles, les lesbiennes et les gais, ainsi que les Blancs et les personnes de couleur.

Mme Mishna : C'est une excellente question. En réalité, les études qui portent sur ce sujet sont limitées. En ce qui concerne le sexe, des études indiquent que les garçons et les filles ne sont pas victimes du même type d'intimidation, et que leurs comportements d'intimidation sont différents. En fait, jusqu'à tout récemment, les études montraient que les garçons se livraient beaucoup plus que les filles à l'intimidation, et cela est attribuable au fait qu'on ne considérait pas l'intimidation indirecte comme de l'intimidation.

Lorsqu'on tient compte des genres de comportement d'intimidation que les filles tendent à avoir, les chiffres sont beaucoup plus comparables. Les garçons sont victimes d'intimidation et ont des comportements d'intimidation un peu plus souvent que les filles, et ils sont plus agressifs physiquement; ils se battent, entre autres. Chez les filles, l'intimidation prend plus souvent la forme d'une exclusion ou de commérages; toutes ces choses qu'on caractérisait auparavant non pas comme de l'intimidation, mais plutôt comme un trait de personnalité d'une fille méchante, ce qui, à mon avis, posait problème, parce qu'on personnifie ainsi le comportement.

Aujourd'hui encore, dans le cadre de nos recherches, nous avons constaté que des adultes très sensibles disent encore de certaines filles qu'elles sont « méchantes ».

Le sénateur Nancy Ruth : Ils disent des filles qu'elles sont « chiennes ».

Mme Mishna : Oui, dans le cadre de l'une des études que j'ai réalisées, les adultes ont parlé des filles de quatrième année comme étant « vraiment chiennes ». Elles n'ont pas compris qu'il s'agissait d'une forme d'agression. En ce qui concerne la différence entre les sexes, on la reconnaît davantage qu'auparavant, et on prend conscience, dans une certaine mesure, du fait qu'il faut en tenir compte. Le problème, c'est que nous formulons des vœux pieux au sujet de ce genre d'intimidation, mais que nous ne le prenons pas vraiment au sérieux. Les écoles n'ont pas de politiques visant à régler le problème. Les enseignants disent qu'ils ne savent pas comment agir face à ce genre d'intimidation. Il est plus difficile à détecter, et plus subjectif. Je pense que ce que Mme Robertshaw a dit est très important. Nous avons tendance à envisager la chose de façon objective. Lorsqu'une personne se fait battre, nous disons qu'elle est victime d'intimidation. Si une personne ressent une blessure psychologique ou est exclue, nous disons qu'il ne s'agit pas d'intimidation; cependant, si cette personne ressent subjectivement cette intimidation, c'est une chose très importante.

En ce qui concerne l'intimidation fondée sur le racisme ou l'homophobie, ou qui vise les lesbiennes, les gais ou les transgenres, il n'y a pas suffisamment de recherches à ce sujet. Lorsque nous parlons d'intimidation, l'un des problèmes que nous avons, c'est que nous envisageons une intimidation toujours pareille, et ce que nous ne voyons pas, c'est que, même si les comportements sont les mêmes, la motivation est très différente; c'est important. Nous devons vraiment prendre plus au sérieux l'exclusion et l'intimidation.

Le sénateur Nancy Ruth : Je pense que c'est peut-être ce que je vous demande de faire. Je trouve très irritant de lire des documents comme celui que vous avez présenté. Je n'y trouve aucune recommandation concernant le sexe ou la race, mis à part la mention des gens qui sont marginalisés. Je me demandais si vous aviez formulé quelque recommandation que ce soit qui tienne compte des différences entre les sexes et les races, et, si ce n'est pas le cas, pourquoi pas?

Mme Mishna : J'imagine que je n'ai pas mis ces recommandations précises dans le document, mais je les ai incluses dans les groupes marginalisés.

Le sénateur Nancy Ruth : Ce sont donc des recommandations pour tout le monde. C'est la recette universelle qui ressort.

Mme Mishna : Eh bien, je ne crois pas qu'on ait effectué suffisamment de recherches jusqu'à maintenant. Je pense que ce que nous devons faire, c'est de prendre ces choses au sérieux.

Le sénateur Nancy Ruth : J'espère que les McCain vous donnent beaucoup d'argent pour le faire.

La présidente : Je suppose que ce n'est pas une question.

Le sénateur Nancy Ruth : Non, mais c'est un courriel.

Le sénateur Poy : Monsieur Shanker, vous avez indiqué que 62 p. 100 des nouveaux-nés ont des problèmes d'ordre biologique.

M. Shanker : Oui, 62 p. 100 des nouveaux-nés ont des problèmes biologiques plus ou moins importants.

Le sénateur Poy : Vous avez aussi dit que les gènes ne déterminent pas ce que nous devenons.

Le sénateur Nancy Ruth : C'est exact.

Le sénateur Poy : C'est le milieu.

M. Shanker : C'est exact.

Le sénateur Poy : Les problèmes biologiques sont-ils génétiques?

M. Shanker : Oui, les problèmes peuvent être génétiques, mais pas nécessairement tout le temps. Nous savons qu'il y a aussi des causes liées au milieu : les poisons, les drogues; mais une fort proportion de ces problèmes est génétique. En réalité, on peut prévenir bon nombre de ces problèmes génétiques en modifiant les conditions de la grossesse.

Le sénateur Poy : Ce que vous dites, c'est donc que la période de grossesse est très importante.

M. Shanker : Oui.

Le sénateur Poy : Et au tout début de la vie de l'enfant.

M. Shanker : Oui.

Le sénateur Poy : Les conditions dans lesquelles un enfant grandit sont aussi importantes, ou même davantage, que ces gènes.

M. Shanker : Oui, la manière dont les gènes vont fonctionner est en grande partie déterminée par les premières expériences que l'enfant vit dans le ventre de sa mère.

Le sénateur Poy : Au moment de la naissance, sommes-nous en mesure de déterminer si l'enfant a des problèmes?

M. Shanker : Oui, dans certains cas.

Le sénateur Poy : Je vois.

M. Shanker : Oui, nous pouvons effectuer une évaluation à la naissance ou au tout début de la vie de l'enfant.

Le sénateur Poy : Comment le gouvernement s'occupe-t-il de ces problèmes?

M. Shanker : Le gouvernement s'est retrouvé dans une situation impossible. Le gouvernement ontarien a courageusement souhaité soutenir beaucoup des familles touchées. Nous n'avons pas les moyens de faire ce que nous faisons à l'heure actuelle, encore moins de prendre davantage de mesures comme le gouvernement vient de le promettre, encore moins d'aider tous les autres groupes d'intérêt. Le problème auquel notre société fait face, c'est que le modèle de soins médicaux est axé sur le traitement, plutôt que sur la prévention. Nous comptons beaucoup sur les données recueillies par des gens comme James Heckman, données qui indiquent que les programmes de prévention intensifs sont rentables.

Le gouvernement a dit avec raison que nous avons besoin d'études fondées sur des éléments probants avant de réaliser des investissements importants de ce genre. Il faut encourager les chercheurs canadiens à poursuivre dans cette voie. Certains l'ont fait, mais ils ne sont pas très nombreux.

Le sénateur Poy : Est-ce qu'ils effectuent les évaluations en question au moment de la naissance? J'essaie de me rappeler le moment, il y a quelque 30 ans, où j'ai eu mes enfants. Le pédiatre a dit que tout allait bien, et c'est tout.

Quelle est la précision de l'évaluation pédiatrique?

M. Shanker : Sénateur Poy, il s'agit de questions très difficiles, pour être honnête.

Un chercheur américain propose de diagnostiquer certains de ces troubles dans l'utérus à l'aide de l'échographie pour détecter des irrégularités rythmiques.

Il y a tellement de différences entre les nouveaux-nés, que ce n'est que vers deux à quatre mois que nous commençons à constater une certaine stabilité, qui nous permet de déterminer que telle ou telle chose va disparaître chez l'enfant, ou encore qu'il faut faire quelque chose, même si nous pouvons avoir tort.

Il y a un problème dans le système pédiatrique de nos jours. Les pédiatres sont surchargés et sous-payés. En outre, ils ne sont pas suffisamment bien formés. À l'heure actuelle, au Canada, et non seulement en Ontario, il y a des compartiments qui font qu'un pédiatre peut examiner un enfant, par exemple, au moment des vaccins, puis un éducateur des jeunes enfants s'occupe ensuite de l'enfant, et le pédiatre et l'éducateur ne se parlent pas. Les pédiatres ne peuvent formuler un diagnostic juste après un examen de 15 minutes.

Au fur et à mesure que nous allons évoluer vers un modèle de prévention, nous devons réfléchir à des manières de faire en sorte que les pédiatres apprennent à connaître les enfants, et que les éducateurs des jeunes enfants en apprennent un peu sur la pédiatrie. Il faut que nous tissions ces liens.

Le sénateur Poy : Il est très à la mode d'avoir recours à une sage-femme pour l'accouchement. Pensez-vous qu'il y a un problème, en ce sens que les enfants échappent à l'évaluation?

M. Shanker : C'est une bonne question.

Le sénateur Poy : Vous n'avez pas à y répondre si vous n'êtes pas sûr de la réponse.

M. Shanker : Puis-je répondre d'une autre façon?

Le sénateur Poy : Je vous en prie, monsieur Shanker.

M. Shanker : Ce que nous avons appris, c'est que pour relever des indices subtils, nous devons avoir le temps de le faire. Par exemple, si un enfant réagit lorsqu'une personne fait des grimaces, mais qu'il ne prend jamais l'initiative, n'essaie jamais d'entrer en interaction, c'est un indice très important. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut relever dans notre consultation de 15 minutes. C'est une chose dont on ne s'aperçoit qu'après quelques mois.

Nous devons nous doter d'un système au sein duquel les personnes qui travaillent avec l'enfant le connaissent et connaissent les indices subtils qui peuvent indiquer un problème, qu'il faut intervenir et essayer de construire ce qui manque et ce qui cause cette diminution de la spontanéité. Est-ce que ma réponse est assez bonne?

Le sénateur Poy : Oui, merci.

Le sénateur Munson : La Cour suprême a rendu sa décision, et le mot « suprême » est l'arbitre ultime de ce qui se passe dans notre société. Croyez-vous que les gens pensent que le débat est clos parce que la Cour suprême a rendu cette décision? Je n'ai pas fait de sondage ni entendu de gens dire qu'ils n'acceptaient pas la décision. Je crois qu'il s'agit d'une décision horrible rendue à la majorité.

Où cela va-t-il nous mener? Je veux dire... Le gouvernement précédent n'y a pas porté attention. Le gouvernement actuel ne semble pas le faire non plus. Nous y portons attention parce que vous nous y avez incités et que vous avez témoigné au cours de nos audiences à Winnipeg sur cette question.

Vous avez parlé du nouveau lieu d'intimidation, le cyberespace et du fait qu'il y a des problèmes dans cette nouvelle cour d'école. J'aimerais que vous nous donniez des exemples de ce que les jeunes se disent, qui fait que certains d'entre eux ont peur ou sont victimes d'intimidation, ainsi que des précisions sur la manière dont les parents devraient s'occuper de ce problème.

L'un des comités du Sénat s'occupe de la question de l'autisme. On pense en général qu'il faudrait mettre en place une stratégie globale, à l'échelle nationale, en ce qui concerne l'autisme. Comment le gouvernement fédéral devrait-il contribuer à rassembler toutes les parties concernées? Comme vous le savez, les capacités ne sont pas les mêmes partout au pays.

Le sénateur Nancy Ruth : Je veux juste vous dire à tous les deux qu'il y a un projet de loi devant le Sénat qui vise à abroger l'article 43.

Mme Robertshaw : Sénateur Munson, vous posez une bonne question, parce qu'on peut dire que la Cour suprême a rendu une décision sur un fondement constitutionnel. Le tribunal peut dire que l'article du Code criminel en question est constitutionnel, cela ne suppose pas que cet article soit bon sur le plan des politiques publiques. Ce jugement ne nous empêche pas de discuter du bien-fondé de l'abrogation de l'article 43.

En outre, il y a eu dans cette affaire un important jugement dissident, formulé par trois juges, qui ont tous conclu que l'article 43 viole l'article 7 ou l'article 15 de la Charte. Le juge Binnie a reconnu que l'article 43 du Code viole l'article 15 de la Charte, mais il s'est ensuite reporté à l'article premier de la Charte qui prévoit, comme vous le savez, qu'on peut violer l'article 7 ou l'article 15 puis justifier que cela était nécessaire. Cependant, le fait demeure que trois juges ont conclu que l'article 43 viole ces articles de la Charte.

La population en sait très peu au sujet de cette décision de la Cour suprême du Canada, mis à part ce qui concerne les grands titres de la presse en janvier 2004, qui ont fait état du maintien de la loi sanctionnant la fessée.

En outre, si vous lisez certains comptes rendus qu'on trouve à l'occasion dans les journaux au sujet de poursuites pour agression en cas de châtiments corporels, vous constaterez que ces articles indiquent qu'une personne est accusée d'agression, mais que, en vertu de la loi, cette personne peut avoir recours à la force dans une mesure raisonnable.

La population ignore passablement de choses au sujet de cette loi. Il y a une décision de la Cour suprême, qui n'est pas contraignante. C'est au Parlement de décider. La décision de la Cour suprême renvoie à l'idée que le Parlement a choisi, qu'il a décidé, ce qui n'est pas le cas. Comme le sénateur Nancy Ruth l'a mentionné, le projet de loi S-207 présenté par le sénateur Hervieux-Payette est devant le Sénat à l'heure actuelle. On a renvoyé ce projet de loi au comité, qui va s'en occuper, j'imagine, quelque temps au printemps. Je vais peut-être discuter de nouveau avec vous.

Le sénateur Nancy Ruth : Je ne pense pas qu'on a renvoyé le projet de loi.

La présidente : Oui, on l'a fait.

Le sénateur Munson : Poursuivons; je suis très impatient au sujet de ces choses.

Mme Mishna : En ce qui concerne la cyberintimidation, il arrive souvent que de bons amis s'échangent leurs mots de passe pour que l'un des deux puisse se faire passer pour l'autre et puisse intimider d'autres personnes, qui croiront que l'intimidateur est celui à qui appartient le mot de passe. La cyberintimidation prend aussi la forme de courriels haineux, de sites web qu'on organise pour que les gens les visitent et disent des choses négatives au sujet de telle ou telle personne, et il arrive aussi qu'une personne prenne une photo d'une autre dans un vestiaire et la diffuse sur le Web.

Les jeunes n'en parlent pas, et nous devons trouver une manière de les aider à en parler. Il faut informer les parents à ce sujet, et il faut leur faire comprendre qu'ils ne doivent pas retirer les privilèges d'utilisation de l'ordinateur à leurs enfants; c'est de cette façon que les enfants interagissent. Nous disons que ce n'est pas réel, que c'est virtuel, mais c'est leur façon de communiquer. Les parents doivent savoir qu'ils peuvent communiquer avec leur fournisseur de service Internet, lequel peut souvent identifier la personne qui se livre à la cyberintimidation. Nous devons travailler avec les parents. Il existe par ailleurs des logiciels de filtrage, qui sont utiles dans une certaine mesure, mais beaucoup de jeunes arrivent à les contourner, et ces logiciels peuvent filtrer les bonnes choses en même temps que les mauvaises. Il est aussi important de communiquer avec les responsables des écoles, puisqu'il arrive souvent que des gens pensent que le problème ne relève pas de l'école, puisqu'il ne se produit pas à l'école. Je pense que les personnes responsables des écoles savent que le problème survient à l'école, mais aussi à la maison. Nous devons travailler auprès des enfants victimes d'intimidation, et nous ne devons pas les punir pour les gestes que d'autres enfants ont posés.

M. Shanker : Il se passe quelque chose au sujet de l'autisme. L'autisme nous fait peur; nous devons le comprendre. Nous avons des chercheurs extraordinaires. Le Canada pourrait être un chef de file mondial en ce qui concerne la compréhension de l'accroissement du nombre de cas.

Je m'inquiète du fait que l'autisme attire l'attention de façon disproportionnée. Nous savons qu'entre 5 et 7 p. 100 de nos enfants ont un handicap linguistique. Nous pouvons vous raconter des choses très révoltantes qui arrivent aux enfants qui commencent l'école et qui ont un problème de langage.

Ce que nous devons comprendre, c'est que le plan national concernant l'autisme ne s'écarte pas des problèmes très généraux auxquels nos enfants font face. Nous pouvons en faire bien davantage pour régler ces problèmes.

Le sénateur Nancy Ruth : Est-il vrai que l'autisme touche surtout les garçons? J'ai entendu dire qu'il y avait quatre garçons autistes pour une fille; est-ce exact?

M. Shanker : Oui, sénateur, ce que vous dites est exact.

Le sénateur Munson : Le comité a reçu 15 chercheurs quelques semaines avant Noël. C'était extraordinaire, parce que nous parlions, et les chercheurs apprenaient des choses les uns des autres.

Le gouvernement actuel a adopté une démarche modeste, et il espère établir un forum national de chercheurs et d'autres spécialistes pour régler ce problème.

M. Shanker : Monsieur le sénateur, je serais reconnaissant si le comité pouvait contribuer à l'établissement d'un système d'échange d'information. Je sais qu'il y a des gens dans un coin du pays qui ne savent pas ce que les autres chercheurs et les autres spécialistes du domaine font ailleurs.

L'autre chose qui nous préoccupe, c'est l'absence d'échange d'information entre la communauté scientifique et nos organismes communautaires. Il s'agit d'un échange bilatéral. En vérité, les chercheurs peuvent apprendre autant, sinon plus, des intervenants communautaires que ceux-ci peuvent en apprendre des chercheurs. Nous devons faire en sorte de permettre cet échange.

Le sénateur Munson : Nous avons appris beaucoup de choses des jeunes hommes et des jeunes filles autistes qui nous ont parlé; ils ont une histoire à raconter.

L'honorable Landon Pearson, ancien sénateur : C'est ce qui fait le lien entre tous vos exposés. Le travail de l'Organisation mondiale de la santé au sujet des déterminants sociaux de la santé m'a frappée, comme ce à quoi participe Clyde Hertzman, que vous connaissez certainement : le réseau de connaissances sur le développement du jeune enfant.

Dans son ébauche, M. Hertzman définit ce que vous venez de dire. Nous parlons non pas d'un modèle maturationnel du développement de l'enfant, mais bien d'un modèle transactionnel. C'est la première fois que j'entendais ce terme, mais l'idée à laquelle elle renvoie cadre bien avec PREVNET, auquel je suis associée. Cela a trait aux relations; c'est ce que les enfants trouvent en eux-mêmes qui fait la différence.

Il faut prévenir les châtiments corporels en comprenant le rôle formateur de la famille et des autres intervenants dans la prévention de la violence. Nous essayons de prévenir la violence, et nous devons donc nous concentrer sur ces relations familiales importantes. Ce sont des relations qui ont un rôle significatif à jouer dans la prévention de la violence.

M. Shanker : Madame le sénateur, aimeriez-vous vous joindre à notre conseil? Ce que vous venez de dire a été très utile.

La présidente : Sur ce discours de candidature, je souhaiterais remercier nos témoins de leurs exposés, ainsi que des documents qu'ils nous ont fait parvenir au préalable.

Je pense que certaines des choses qui ont été dites sont venues renforcer ce que nous avons entendu ailleurs au Canada, mais vous avez exprimé votre point de vue de façon concise, et il ne fait aucun doute que vos paroles vont se retrouver par-ci par-là dans notre rapport, alors nous vous remercions d'être venus témoigner aujourd'hui. S'il y a quoi que ce soit d'autre que vous aimeriez nous communiquer, vous pouvez le transmettre à la greffière, pendant que nous rédigerons notre rapport. Cela pourrait être utile. Merci de votre exposé et de votre présence ici aujourd'hui.

Parmi notre prochain groupe de témoins, il y a M. Chris Derksen-Hiebert, qui est directeur intérimaire, Plaidoyer et éducation, à Vision Mondiale Canada. Je sais qu'on l'a appelé à la dernière minute du fait que l'un des autres membres de son organisation était malade. Nous vous remercions d'être venu au pied levé. Nous allons assurément en tenir compte et peser nos questions.

Nous recevons aussi Mme Lisa Wolff, qui est directrice, Promotion des droits de l'enfant et éducation à UNICEF Canada. Je sais que vous avez participé à la rédaction du rapport spécial des rapporteurs, alors nous sommes heureux que vous soyez ici pour nous faire part de votre point de vue, celui de l'UNICEF. Nous recevons aussi Mme Laura Rothman, de la Family Service Association of Toronto.

Laura Rothman, Family Service Association of Toronto : Sénateurs, une bonne partie de mon travail à la Family Service Association of Toronto consiste à coordonner Campagne 2000, qui est une coalition pancanadienne ayant surveillé les progrès ou l'absence de progrès quant à la résolution prise à l'unanimité par la Chambre des communes en 1989 d'éliminer la pauvreté des enfants au Canada avant l'an 2000. Comme vous le savez, nous n'avons pas réalisé beaucoup de progrès dans l'ensemble. En réalité, malgré sa croissance économique soutenue, le Canada obtient une note légèrement inférieure, à l'heure actuelle, à celle de 1989 quant à la pauvreté des enfants.

Pendant mon exposé, je vais faire référence au rapport que nous publions chaque année depuis 1992. Je devrais dire que nous rassemblons plus de 110 organisations. Nous répétons souvent que nous sommes une coalition virtuelle inhabituelle, qui rassemble toutes sortes de gens, des psychiatres aux travailleurs du secteur de l'automobile, en passant par les personnes à faible revenu, les communautés religieuses et de nombreuses autres personnes et organisations.

Il y a eu des variations cycliques au gré des périodes de récession et de reprise économique, mais près de 1,2 million d'enfants canadiens demeurent pauvres. Le taux ne bouge pas : un enfant sur six est pauvre au Canada. Ce chiffre ne tient pas compte de la situation humiliante des collectivités des Premières nations, où un enfant sur quatre grandit dans la pauvreté.

Le Parlement du Canada et toutes les assemblées législatives provinciales ont ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU. Tous les gouvernements du pays reconnaissent l'importance d'offrir aux enfants un niveau de vie adéquat, et ils définissent un cadre très important.

J'ai pris le temps d'examiner le rapport provisoire du comité, et je sais que le comité, comme la coalition sur les droits de l'enfant, appuie fortement la recommandation, tout comme nous. Nous sommes d'accord pour dire que la convention doit être intégrée à la loi canadienne. Il faut en tenir compte lorsque nous formulons des propositions, adoptons des lois et concluons des ententes. Ces documents ont un poids équivalent à celui des lois, mais ils sont, d'une certaine manière, extrajudiciaires. Ce n'est peut-être pas le bon mot, mais disons qu'ils ne font pas partie du processus législatif en soi. Nous devons donner de la force à la convention.

La pauvreté infantile varie beaucoup en fonction des provinces et des groupes au Canada. Comme vous le savez probablement, un enfant immigré récemment sur deux vit dans une famille à faible revenu. Un enfant appartenant à une minorité visible sur trois et environ 40 p. 100 des enfants autochtones vivent dans la pauvreté.

La pauvreté évolue. Nous savons que la pauvreté survient, puis que les gens s'en sortent, et que seule une petite proportion des gens demeurent pauvres pendant plus de quatre ans. Nous ne sommes pas dans la même situation que les États-Unis dans les années 1960, 1970 et 1980. L'ampleur de la pauvreté est très importante à l'heure actuelle.

Nous avons beau avoir une prestation pour enfants, l'aide sociale a diminué dans la plupart des régions du pays. Le revenu moyen des familles biparentales à faible revenu est de 10 400 $, ce qui est inférieur au seuil de la pauvreté. Il est difficile de sortir de la pauvreté.

L'autre fait qui va à l'encontre de l'intuition et dont les gens n'ont pas conscience, c'est qu'environ le tiers des enfants pauvres vivent dans des familles dont au moins un des deux parents travaille à temps plein.

Nous devons nous engager dans de nombreuses voies dans le cadre d'une stratégie de réduction de la pauvreté au Canada. L'UNICEF a posé un défi très important dans le cadre de son dernier bulletin de la pauvreté infantile. L'organisation a mis les pays industrialisés où les taux de pauvreté sont supérieurs à 10 p. 100 au défi de se fixer une échéance pour faire passer ces taux sous la barre des 10 p. 100, puis sous la barre de 5 p. 100. Quatre ou cinq pays européens ont relevé le défi posé par l'UNICEF, et il y a quelques bons exemples au Canada. Québec et Terre-Neuve ont adopté des stratégies de réduction de la pauvreté. Nous demandons au gouvernement du Canada, aux provinces, aux territoires et aux Premières nations de relever ce défi, de définir des objectifs et des échéances, et de réaliser ce que nous savons possible. Le Royaume-Uni est parvenu à atteindre son premier objectif de réduction de la pauvreté infantile d'environ 25 p. 100 avant la première échéance que le pays s'était fixée.

Nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires d'Abolissons la pauvreté, que je suis sûre que bon nombre d'entre vous connaissez, et dont Chris Derksen-Hiebert et d'autres peuvent peut-être parler. Abolissons la pauvreté a adopté non seulement trois exigences internationales, mais aussi la quatrième, qui consiste à éliminer la pauvreté au Canada.

Lisa Wolff, directrice, Plaidoyer et éducation, UNICEF — Canada : Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui, mesdames et messieurs les sénateurs et anciens sénateurs, et de vous faire part de l'enthousiasme d'UNICEF Canada quant aux recommandations inspirées que vous avez formulées dans votre rapport provisoire.

Nous sommes ici pour affirmer que les recommandations sont profondes et peuvent être appliquées avec succès. Nous croyons qu'elles peuvent avoir une incidence sur le respect des droits des enfants au Canada. Nous allons partager des renseignements et des réflexions nuancés avec vous au sujet des recommandations. Nous pensons que, si elles sont appliquées, nous allons véritablement profiter d'un élan qui nous permettra de faire en sorte, progressivement, que les droits des enfants deviennent réalité au Canada. Nous sommes convaincus que, à moins que le Canada ne franchisse certaines étapes précises en vue de l'élaboration de mesures et de mécanismes juridiques et administratifs plus efficaces pour l'application des droits des enfants, ceux-ci vont demeurer figées dans le contexte de modifications législatives ponctuelles dépendant de la bonne volonté imprévisible des parlementaires, dans les espaces vides entre les sphères de compétence et dans un processus de responsabilisation incertain.

On a autorisé le comité à examiner les obligations du Canada dans le contexte de la Convention relative aux droits de l'enfant de l'ONU, ainsi qu'à déterminer si la législation canadienne, telle qu'elle s'applique aux enfants, nous permet de nous acquitter de nos obligations découlant de la convention. Nous croyons que les ententes juridiques et institutionnelles qu'a conclues le Canada, et qui forment un cadre de protection habilitant pour les droits des enfants, comportent des lacunes que seule une série fondamentale de mécanismes de mise en œuvre peut permettre de régler avec une quelconque cohérence et de quelconques effets.

La ratification de la convention n'était que la première étape du processus de conformité avec celle-ci, et il faut la renforcer par un éventail de mesures qui vont remédier à toutes les conséquences perçues d'une ratification hâtive et permettre d'aborder des enjeux changeants.

Grâce à plusieurs mécanismes de mise en œuvre importants, notamment une législation habilitante, une solide organisation nationale pour les enfants et une capacité politique et bureaucratique suffisante, le Canada peut faire en sorte de s'acquitter de ses obligations avec davantage de vigueur, avec transparence et avec dynamisme.

Le Comité des droits de l'enfant de l'ONU reconnaît la nécessité de se concentrer sur les mécanismes de mise en œuvre non seulement par les observations finales qu'il a formulées au fil du temps, mais aussi par ses efforts actuels de mobilisation des États membres par l'intermédiaire de l'examen des rapports des pays qui vont bientôt être publiés et du dialogue constant au sujet des mécanismes de mise en œuvre.

L'Étude des Nations Unies sur la violence à l'égard des enfants du secrétaire général de l'ONU recommande entre autres l'établissement d'une organisation indépendante consacrée aux enfants. Le Canada a adopté cette recommandation en novembre 2006. Le plan d'action adopté à l'occasion de la session extraordinaire de l'Assemblée générale il y a cinq ans exige l'application effective de la convention. Nous nous trouvons dans la cinquième année, au moment de revoir nos ententes, et celles-ci exigent la mise en œuvre concrète de la convention.

La nécessité de se concentrer sur les mécanismes de mise en œuvre ressort de ces engagements, ainsi que d'études récemment effectuées par l'UNICEF et ses différents partenaires.

À titre d'organisation mondiale guidée par la convention, nous sommes heureux d'être ici aujourd'hui pour vous faire part de certaines des idées qui ressortent de ces études émergentes. Nous n'avons pas toutes les réponses, mais nous avons appris certaines choses.

Si vous me le permettez, je vais vous faire part de certaines des réflexions finales qui sont le résultat de ce processus, qui n'est que la première étape d'un projet de promotion des droits des enfants. J'espère que, par ces commentaires, nous allons aussi affirmer le fait que nous croyons que ces recommandations peuvent bel et bien être appliquées.

Dans notre étude, nous mettons en lumière un certain nombre de bonnes pratiques des États fédéraux et régis par la common law, et je peux aussi en faire part au comité. Notre première recommandation concerne le respect des obligations internationales du Canada relativement aux droits de la personne. Notre deuxième recommandation concerne notre respect de la Convention relative aux droits de l'enfant. Notre étude indique que, en règle générale, seule une disposition constitutionnelle, un code relatif aux enfants ou une loi complète peuvent permettre de garantir l'application universelle de principes généraux comme la participation et l'intérêt supérieur de l'enfant, et que l'ensemble des droits prévus par la convention soit reconnu en bonne et due forme dans le cadre d'une loi nationale. Lorsque le cadre juridique est souple ou même simplement neutre par rapport aux droits des enfants, les répercussions de la convention sont grandement limitées. L'intégration de la convention aux lois nationales des pays régis par la common law demeurera, mais les parlements de ces pays peuvent adopter des lois — je sais que c'est l'une des conclusions de votre étude — et intégrer des traités concernant les droits de la personne à leur loi nationale. Le Royaume-Uni fournit un exemple de cela, puisque le Human Rights Act de 1998 a pour effet de faire en sorte que la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a maintenant force de loi, et est maintenant justiciable au Royaume-Uni, parce que le pays a adopté cette loi.

Ce genre de loi habilitante est important dans des pays comme le Canada, qui a une constitution de l'« enfant invisible », puisque notre Constitution ne parle pas vraiment des droits des enfants.

Dans environ 30 p. 100 des pays qui ont ratifié la convention, les textes législatifs parlent de celle-ci, et, même si la mention n'est pas toujours très exhaustive, on juge qu'il s'agit d'un geste fort en vue de s'assurer que la législation respecte à tout le moins les principes de la convention.

Nous croyons qu'une réforme législative contribuerait à garantir que nos lois respectent les droits des enfants et les concepts flous et appliqués de façon sporadique que sont la capacité changeante, l'intérêt supérieur de l'enfant et la participation, et que les nouvelles lois ou les lois modifiant des lois existantes renverraient systématiquement à la convention ou à d'autres traités subséquents.

L'expérience des États membres de toutes les régions du monde met en lumière le fait que la réforme législative doit être liée à une réforme institutionnelle. La réforme législative n'a jamais, en soi, des répercussions très importantes, et elle exige la coordination et les efforts des gouvernements et des autres intervenants.

Cela nous amène à notre troisième recommandation : le commissaire à l'enfance comme autre mécanisme de mise en œuvre. Au cours des 17 dernières années, nous avons assisté à la croissance et à l'épanouissement d'environ 60 organisations indépendantes consacrées aux enfants, dont la plupart sont visibles et appréciées. Je crois que seulement deux d'entre elles ont fait l'objet d'une évaluation officielle jusqu'à maintenant. Comme vous le savez, chacune d'entre elles fonctionne un peu différemment des autres, mais, assurément, celles qui essaient d'intégrer bon nombre des caractéristiques citées dans le commentaire général sur les organisations indépendantes tendent à très bien s'acquitter de leurs tâches.

L'Autriche offre un exemple d'organisation pour les enfants ou de commissariat à l'enfance qui a très bien fonctionné, tant à l'échelle fédérale qu'à l'échelle infranationale, comme ce serait le cas ici au Canada. Je sais que vous avez examiné le cas de la Nouvelle-Zélande et d'autres pays aussi.

L'une des nombreuses tâches du commissariat à l'enfance autrichien est de faire la promotion publique d'une société accueillante pour les enfants, qui reflète le projet permanent de création d'une culture des droits des enfants. Le commissariat collabore avec le système d'ombudsmans de leurs Länder, l'équivalent de nos provinces, ainsi qu'avec les organisations publiques et privées consacrées au bien-être des jeunes.

Le commissariat est aussi un point de contact; non pas nécessairement pour le traitement des plaintes individuelles, mais un point de contact ou un lieu d'aiguillage. Dans ce système, il n'est pas toujours nécessaire d'établir très clairement qu'un organisme indépendant doit ou non s'occuper des plaintes individuelles ou des plaintes systémiques. L'organisation peut jouer un rôle double à cet égard.

UNICEF Canada croit qu'un commissariat à l'enfance indépendant est essentiel à la responsabilisation nationale quant à la mise en œuvre de la Convention dans le cadre de notre système fédéral, pour offrir une certaine cohérence à la législation et aux politiques nationales. Comme vous l'avez reconnu, cela est nécessaire pour mobiliser la société civile, et surtout les enfants, pour mettre leurs droits à l'abri des priorités politiques changeantes, qui semblent changer de plus en plus rapidement au Canada.

Nous espérons voir dans le rapport final du comité une insistance accrue sur la capacité d'organisations indépendantes d'entreprendre la collecte de données, la surveillance et la formation.

Enfin, nous voulons insister sur le fait que les fonctions d'une organisation nationale ne sont pas conçues pour assumer les responsabilités à la place de l'État, ni pour jouer les rôles de l'État et le remplacer, mais, dans certains cas, elles sont conçues pour permettre la collaboration; dans certains cas, elles sont conçues, encore une fois, pour permettre une certaine indépendance de vue. C'est peut-être sur ce point que nous aimerions insister.

La quatrième recommandation concerne un groupe de travail fédéral interministériel chargé de la mise en œuvre. Nous pensons qu'il s'agit d'un autre mécanisme de mise en œuvre important. La recherche émergente indique assez clairement que les mécanismes de coordination sont essentiels pour que le gouvernement fonctionne pour les enfants. Le comité onusien a pressé à plusieurs reprises les États membres de mieux coordonner leurs efforts. La plupart des mécanismes nationaux de coordination de la mise en œuvre ont tendance à être des commissions ou des comités interministériels, mais, en Europe, il y a beaucoup d'autres modèles dominants.

Je ne veux en présenter que deux, et, bien entendu, nous pouvons compléter l'exposé d'aujourd'hui avec des descriptions plus détaillées des études. En Allemagne, à l'échelle fédérale, la principale responsabilité à l'égard des droits des enfants appartient au ministre fédéral des Affaires familiales, des Citoyens âgés, des Femmes et de la Jeunesse. À l'échelle de l'État ou du pays, l'échelle provinciale, la principale responsabilité en ce qui concerne les politiques relatives aux enfants appartient aux autorités des pays. Ces autorités font partie d'une association d'autorités des pays, et elles se réunissent deux fois par année aux fins de consultation. Le congrès des ministres de la Jeunesse des pays a souligné qu'il devait assumer la responsabilité conjointe de la mise en œuvre de la convention et d'une résolution.

En République tchèque, il existe un modèle différent, modèle que vous n'avez probablement pas privilégié, que vous avez peut-être examiné, mais la responsabilité de la coordination des activités gouvernementales concernant les droits de la personne appartient au conseil, le Conseil pour les droits de la personne, établi en 1998. Il est composé à parts égales de représentants gouvernementaux des différents ministères, mais aussi de représentants de la société civile. Des experts des ONG et des spécialistes des droits des enfants en font partie.

Le mandat du conseil est défini en ce qui concerne les normes nationales et internationales; il consiste en la rédaction de rapports de suivi et en la prestation de conseils au sujet de la réforme législative, et le conseil comporte aussi un comité qui s'occupe des droits des enfants. La République tchèque semble trouver l'équilibre entre la généralisation et la spécialisation.

Quel que soit le modèle de coordination fédérale, nous cherchons à relever le niveau des tâches de la machine politique et bureaucratique de façon à garantir un engagement plus profond envers l'évaluation, le suivi, la reddition de comptes, et, au bout du compte, la coopération en ce qui concerne les droits des enfants.

Différents modèles offrent différents exemples de la manière dont les obstacles liés aux sphères de compétence peuvent être surmontés. Des mécanismes de coordination efficaces peuvent rendre les enfants visibles dans toutes les mesures gouvernementales. Le comité onusien a fait remarquer l'importance de mettre en lien les stratégies ou les plans d'action nationaux et le travail des comités de coordination, de leur offrir les ressources adéquates et de s'assurer qu'il y a un point de mire pour la responsabilisation, surtout s'il s'agit d'un comité interministériel.

La plupart des pays avancés sur le plan économique ont été en mesure d'adopter un certain nombre de mécanismes de mise en œuvre; pas seulement un, mais plusieurs. Ces mécanismes s'appuient mutuellement et sont concomitants. La protection des droits est évidemment un processus progressif et cumulatif. Nous aimerions insister sur notre responsabilisation envers nos enfants à titre de citoyens, plutôt qu'à titre de communauté internationale, lorsque nous parlons des fondements de la responsabilisation politique. Je pense qu'il arrive quelques fois, dans le cadre de nos efforts de reddition de comptes, que nous ayons tendance à nous sentir plus redevables à la communauté internationale qu'aux Canadiens, et que c'est parfois le cas en pratique. L'UNICEF en saura ainsi davantage sur ce que le Canada a dit au sujet des droits des enfants au Canada que notre peuple lui-même.

J'aimerais vous faire part d'une observation tirée d'un rapport de l'UNICEF à paraître dans environ deux semaines au sujet du bien-être des enfants dans les pays membres de l'OCDE. Je sais que vous avez entendu parler aujourd'hui du rang qu'occupe le Canada dans diverses catégories par rapport aux autres pays membres de l'ONU, ainsi que de différentes mesures des droits et du bien-être des enfants, mais ce dont je vais parler constitue la première comparaison entre six dimensions différentes des droits des enfants.

Globalement, le Canada se classe dans la moyenne, et ce n'est probablement pas une coïncidence que les pays qui obtiennent les rangs les plus élevés sont généralement ceux qui ont plusieurs mécanismes de mise en œuvre des droits des enfants.

La convention a 18 ans cette année, et, avec elle, les enfants de la première génération dotés des droits que prévoit la Convention. Peut-on imaginer meilleure occasion pour notre organe législatif, pour nos tribunaux et pour notre exécutif de s'engager envers cette cohorte, et envers celle qui suit, et de promettre à ces enfants que leurs droits seront mieux protégés et que les droits des enfants seront manifestes au sein de notre société.

Chris Derksen-Hiebert, directeur intérimaire, Plaidoyer et éducation, Vision Mondiale — Canada : Merci beaucoup de l'occasion qui m'est offerte de parler avec vous aujourd'hui. Vision Mondiale apprécie cette occasion de réagir à votre rapport provisoire, Qui dirige, ici? et de commenter vos recommandations en ce qui concerne les mesures que le gouvernement fédéral peut prendre pour s'assurer de mieux respecter la convention.

Je veux prendre le temps de mentionner l'excellente contribution du groupe de travail sur les droits des enfants, initiative des étudiants du programme des droits internationaux de la personne de la faculté de droit de l'Université de Toronto. Plusieurs représentants de ce groupe de travail sont ici aujourd'hui. Leurs travaux de recherche ont donné de la valeur à cette initiative, comme vous pouvez le voir dans les documents que nous vous avons présentés. Je veux aussi mentionner le travail extraordinaire qu'a effectué ma collègue, Sarah Austin, qui a malheureusement dû prendre un congé de maladie il y a quelques jours. Elle devrait être ici pour présenter nos idées avec toute la profondeur dont elle est capable. À ce sujet, si l'occasion se présente, qu'il y a des questions auxquelles je ne peux répondre et que vous le souhaitez, certains de mes collègues peuvent répondre à des questions. Je veux remercier Victoria Lam, qui a épaulé Sarah dans son travail à Vision Mondiale.

Le rapport du comité révèle clairement que, si le Canada a pris des mesures importantes en vue de faire des droits des enfants une réalité, le gouvernement doit encore prendre plusieurs mesures précises pour s'acquitter de ses obligations dans le cadre de la convention.

À titre d'organisation humanitaire chrétienne consacrée aux enfants, Vision Mondiale s'est engagée à promouvoir l'application et le respect de la convention. Ici, au Canada, nous nous engageons à tenir notre gouvernement responsable des engagements qu'il a pris envers les enfants d'ici et d'ailleurs. Dans le cadre de notre travail dans quelque 100 pays, nous avons pu constater les changements énormes qui peuvent se produire dans la vie des enfants lorsque les gouvernements, les ONG, le secteur privé et d'autres intervenants cherchent sincèrement à respecter et à protéger les droits des enfants.

À partir de ce que le comité a appris dans le cadre de ses consultations initiales et des recommandations de son rapport provisoire, Vision Mondiale s'est associée au groupe de travail sur les droits des enfants pour tenter de déterminer ce qu'il est encore possible de faire pour renforcer la responsabilité du Canada face à la convention. Dans le cadre de nos recherches, nous avons tenté d'évaluer les mesures prises par d'autres États parties au chapitre de l'intégration de la convention à la législation nationale. Nous avons aussi examiné les efforts déployés par un certain nombre d'autres États, ainsi que par les gouvernements provinciaux du Canada en vue de créer des commissaires à l'enfance ou des ombudsmans par voie législative.

Notre deuxième mémoire et le document d'accompagnement que vous avez tous et toutes reçus résument les conclusions de nos recherches. Nous avons aussi préparé un tableau, que l'un de mes collègues va tenir pour que nous puissions bien le voir. Il y a un exemplaire de ce tableau dans la trousse que vous avez reçue aujourd'hui. Notre mémoire dresse la liste des exemples de législation provinciale et nationale qui créent des postes de commissaires à l'enfance. Il est utile de dégager les points communs et les différences entre les démarches. Je vous encourage à y jeter un coup d'œil quand vous aurez une minute, et à poser des questions dans le cadre de nos discussions d'aujourd'hui.

Compte tenu du fait que le Canada est organisé en régime fédéral, de la façon dont le pays applique les traités internationaux et des expériences de l'Afrique du Sud, de la Suède, de la Norvège, de l'Argentine, de la Nouvelle- Zélande, de l'Angleterre, de l'Écosse et de l'Autriche, Vision Mondiale a cinq brèves recommandations que nous souhaitons porter à votre attention aujourd'hui. La première recommandation est la suivante : le Canada devrait adopter une loi habilitante qui contraindrait le gouvernement fédéral à respecter la Convention relative aux droits de l'enfant. Vision Mondiale a étudié les démarches d'autres États, comme l'Argentine, l'Afrique du Sud et la Norvège, étude qui montre clairement qu'il est possible de surmonter les obstacles que pose pour l'intégration de la convention à la législation nationale l'existence de différentes sphères de compétence.

Nous recommandons aussi au Canada d'établir un organisme permanent qui effectuerait régulièrement un examen complet de la législation et des lignes directrices et politiques administratives connexes pour s'assurer que ces éléments sont conformes à la convention. Le Canada a effectué un examen de la législation avant de ratifier la convention, mais il n'a pas mis en place de processus d'examen constant.

Les témoignages de nombreux intervenants qu'a reçus le comité établissent clairement qu'il y a plusieurs lois fédérales qui ne respectent pas les normes de la convention. L'examen qu'a effectué Vision Mondiale des efforts déployés par des États comme l'Afrique du Sud et la Suède indique clairement qu'il est souhaitable de confier à un organisme permanent la responsabilité de s'assurer que la législation nationale se conforme aux dispositions de la convention ou qu'elle les dépasse en portée, par l'intermédiaire d'une comparaison article par article et de l'ensemble.

Notre troisième recommandation est la suivante : le Canada devrait demander au Parlement de jouer un rôle plus important en vue de renforcer la responsabilité du gouvernement fédéral face à la convention. Nous pensons que la transparence et la responsabilisation sont des facteurs essentiels à la mise en place d'un contexte de réforme législative et à l'application des droits des enfants. À cette fin, il peut être utile de donner de l'ampleur au rôle du Parlement et d'entamer des discussions avec les provinces et les territoires. Le Parlement est capable d'influencer les décisions et les mesures prises par le gouvernement, mais il entretient aussi des liens avec les collectivités qui lui permettent de modeler les opinions et les mesures, ainsi que de faire un travail de sensibilisation plus que nécessaire au chapitre des droits des enfants.

Nous recommandons aussi au Canada d'établir par voie législative un commissariat à l'enfance indépendant. Vision Mondiale appuie fortement la recommandation du comité sénatorial à cet égard et adhère aux différents principes énoncés dans le rapport du comité, notamment la nécessité d'établir un commissariat par voie législative, de préserver une certaine indépendance par rapport au gouvernement et de garantir la participation des enfants. Cependant, à la lumière de notre examen des commissariats nationaux de l'Autriche, de la Norvège, de la Suède, de la Nouvelle- Zélande, de l'Angleterre, de l'Écosse et de l'Argentine, ainsi que des neuf commissariats provinciaux du Canada, nous recommandons fortement l'intégration des éléments suivants au mandat du commissariat fédéral à l'enfance.

Nous recommandons au gouvernement du Canada d'assurer une représentation pluraliste au commissariat grâce à une équipe multidisciplinaire. Cette équipe pourrait être composée de gens qui s'occupent des droits des enfants autochtones, des droits des réfugiés et des immigrants, ainsi que de travailleurs sociaux et de gens possédant de l'expérience dans les domaines juridique et de la santé. Nous recommandons au gouvernement de veiller à l'accessibilité et à la confidentialité, en s'assurant que les membres de l'équipe sont accessibles géographiquement et en personne, et qu'ils respectent la vie privée des enfants et la confidentialité des renseignements qui les concernent. Le troisième élément tient à un processus de règlement des plaintes, selon lequel le commissaire recevrait et examinerait les plaintes à l'échelle fédérale. Nous recommandons au gouvernement de prévoir un droit de refus et un mécanisme d'aiguillage de façon à s'assurer que le système de traitement des plaintes ne soit pas indûment surchargé de plaintes ne relevant pas de lui ou pour lesquelles les motifs sont insuffisants. Nous suggérons au gouvernement de faire en sorte que le commissariat doive rendre des comptes devant le Parlement et devant le Comité des droits de l'enfant de l'ONU, afin qu'il soit plus responsable envers les enfants et tous les autres citoyens. Nous recommandons au gouvernement d'intégrer la convention dans le cadre des politiques étrangères et des systèmes internationaux du Canada. Vision Mondiale appuie une recommandation formulée par le Comité des droits de l'enfant qui demande de faire de la convention le cadre de toute aide au développement officielle, notre vision axée sur les droits de l'APD et de déterminer annuellement le montant et la proportion de l'APD affectés à la mise en œuvre de la convention.

Vision Mondiale recommande aussi au Canada d'affirmer son engagement envers les droits des enfants par l'intermédiaire du rôle qu'il joue auprès du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, et qu'il soutienne la mise en place d'une procédure internationale de plaintes pour violation de la convention.

Pour conclure, Vision Mondiale souhaite réitérer que l'organisation appuie fortement le rapport provisoire et les recommandations du comité. De plus, nous espérons que nos recherches contribueront à renforcer les recommandations concernant l'adoption d'une loi habilitante relativement à la convention et la création d'un commissariat national à l'enfance et à donner de l'ampleur. Nos recherches ont démontré que le défi que pose le régime fédéral ne constitue pas une excuse valable permettant au Canada de continuer de se soustraire à ses obligations en vertu des lois internationales.

Le gouvernement du Canada doit prendre des mesures réelles et effectives pour s'acquitter de ses obligations envers les enfants. Le pays ne sera peut-être pas en mesure d'adopter toutes les mesures législatives qui s'offrent à lui, mais il peut faire d'importants pas en avant qui auront des répercussions positives et durables sur la vie des enfants.

Les expériences des États et des parties qui ont fait l'objet de notre examen, ainsi que les défis auxquels ils ont dû faire face, devraient inspirer le changement en question. Nous félicitons le comité du travail important qu'il a accompli jusqu'à maintenant, et nous attendons avec impatience la publication de votre rapport final. Surtout, nous avons hâte de soutenir le gouvernement dans la prise de mesures réfléchies en vue de faire des droits des enfants une réalité, tant au pays qu'à l'étranger.

Le sénateur Munson : Merci des trois rapports. Le rapport de Campagne 2000 est formulé de façon simple et efficace, et j'ai appris beaucoup de nouvelles choses au sujet des droits des enfants.

Je suis réticent à entrer dans le débat politique, parce que les enfants sont à l'extérieur des limites de la politique. Il devrait y avoir un programme pour tous les enfants. J'ai écouté très attentivement les témoins qui sont venus ici aujourd'hui. J'ai lu le rapport de Campagne 2000, et j'ai écouté les témoignages concernant les ententes relatives à l'enfance qu'ont conclues le gouvernement actuel du Canada et le gouvernement libéral qui l'a précédé. Je vous ai écouté parler de l'accord historique de Kelowna. Comme Mme Wolff l'a fait remarquer, nous comptons sur la « bonne volonté imprévisible des parlementaires ». Un changement de gouvernement peut entraîner une modification de la façon dont nous traitons nos enfants. Je ne suis pas ici pour critiquer les gouvernements, parce que j'ai déjà été consultant auprès du gouvernement libéral. J'ai travaillé pendant environ quatre mois avec M. Nault sur les questions relatives aux Premières nations. C'était censé être l'événement le plus important à s'être jamais produit, mais ça a changé, puis M. Barton est venu et maintenant, c'est Kelowna.

Comment les organisations s'adaptent-elles aux changements politiques? Devez-vous tout reprendre depuis le début chaque fois que tout le gouvernement change? Si le gouvernement du Canada écoute ce que vous dites aujourd'hui et qui figure sur la première page de votre document, comment pouvez-vous traiter avec le gouvernement actuel?

Je pose cette question dans le contexte de la dernière page de votre rapport, où vous parlez du Royaume-Uni et des objectifs que ce pays a définis pour lui-même en 1999. Le gouvernement de Tony Blair ne sera plus bientôt; que se passera-t-il alors? Vous devez trouver cela très frustrant.

Mme Rothman : C'est frustrant, en effet, et offrir des services indirects n'est pas l'activité préférée de tous les bailleurs de fonds, et cela fait qu'il est difficile de survivre. En plus de notre rapport annuel, la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario, Terre-Neuve-et-Labrador, le Nouveau-Brunswick, et, à partir de l'an prochain, l'Alberta, publient des bulletins provinciaux. Les provinces jouent un rôle assez important au chapitre des politiques et des programmes.

En 2000, nous espérions que le gouvernement allait s'engager de nouveau, mais ça n'a pas été le cas. Le problème qui découle des changements de gouvernements est un problème très important, et c'est peut-être le meilleur argument à l'appui de la création d'un poste de commissaire indépendant des gouvernements avec un petit g et des Gouvernements avec un grand G.

J'ai constaté des changements énormes à Toronto au cours des 30 dernières années. Toronto est à la fois un moteur économique et une source de disparités croissantes. Je crois que nous saisissons les occasions qui se présentent à nous, que nous essayons d'apprendre et que nous essayons de soutenir l'opinion publique lorsqu'il s'agit d'expliquer pourquoi il est important de faire les choses du point de vue des droits, du point de vue économique et du point de vue de l'égalité.

Le sénateur Munson : Sur une note plus gaie, vous dites que le gouvernement du Royaume-Uni est en voie d'atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté qu'il s'était fixés en 1999. Pouvez-vous nous donner des exemples précis à ce sujet? Le gouvernement du Canada peut peut-être en tirer des leçons.

Mme Rothman : Il y a assurément des leçons à tirer, à mon avis, et pour être juste, m'a dit l'un des dirigeants des ONG britanniques, pour être vraiment juste, il faut rappeler aux gens que lorsque nous avons commencé en 1999, la situation était probablement pire qu'au Canada.

Je veux mentionner que nous avons fait quelques pas importants, quoique petits, en ce qui concerne la prestation nationale pour enfants et certaines initiatives importantes visant les collectivités autochtones des réserves et à l'extérieur de celles-ci. Tout se passe comme si les résultats qu'on obtient sont fonction des intrants de toutes sortes, que ce soit les ressources humaines, les ressources financières, et, pour ainsi dire, les ressources en leadership.

Tony Blair a dit : mettons fin à la pauvreté infantile d'ici 2020, réduisons-la de 50 p. 100 d'ici 2010 et de 25 p. 100 d'ici 2004. Je ne veux pas entrer dans les détails. Les Britanniques ont trois mesures. Ils examinent une mesure de la pauvreté que l'Union européenne a adoptée, qui correspond à 60 p. 100 du revenu médian. Ils étudient aussi l'ampleur de la pauvreté. Ils effectuent un suivi sur une mesure.

Qu'ont-ils fait? Ils ont haussé le salaire minimum. Ils ont investi de façon plus généralisée dans le logement, et, si nous y regardons de près, je pense que le Royaume-Uni investissait déjà dans le logement, mais qu'il a diversifié les manières dont il utilisait les deniers publics. Les Britanniques ont multiplié les occasions d'apprentissage et de garde des jeunes enfants, et les ont majorées, ce qui équivaut chez eux à la prestation pour enfants, le transfert de revenus pour enfants. Il y a d'autres éléments, mais je pense que ceux que j'ai cités sont les principaux.

Le sénateur Poy : Nous ne faisons pas les choses aussi bien que le gouvernement britannique, n'est-ce pas?

Mme Rothman : Ça semble être le cas. Je dis cela parce que je n'ai pas eu l'occasion de lire tout ce qui concerne ce qui se passe là-bas, mais les chiffres changent dans ce pays, tandis que les chiffres qui concernent le Canada ne bougent pas.

Le sénateur Poy : Si vous étiez première ministre du Canada, dites-moi ce que vous feriez pour améliorer la situation.

Mme Rothman : Tout d'abord, je commencerais par en parler. Nous n'avons pas de leader. Le mot « pauvreté » a à peine traversé l'écran radar au cours de la dernière élection fédérale, et aucun des partis n'en a beaucoup parlé depuis.

Il s'agit d'un enjeu économique qui va avoir des répercussions sur la main-d'œuvre de l'avenir. Je suis sûre que vous avez entendu cela à de nombreuses reprises déjà. Que ferions-nous? Je dirais : pourquoi ne pas créer un commissariat multipartite. Je ne veux pas parler d'une commission royale, parce que je ne pense pas que nous ayons besoin de cela, mais nous avons bel et bien besoin de quelques meneuses de claque, ainsi que de gens pour dire que oui, le Canada peut, devrait et va adopter une stratégie de réduction de la pauvreté. Je fixerais des objectifs et des échéances. Les gouvernements précédents l'ont fait en ce qui concerne le déficit et la réduction de la dette, et ils ont réalisé des progrès importants. Je pense qu'on pourrait adopter la même démarche. Nous avons mentionné un certain nombre de choses à envisager.

Je dirais qu'il faut fixer des objectifs et des échéances, les respecter et établir le poste de commissaire à l'enfance indépendant, qui permettrait d'effectuer une surveillance importante des différents gouvernements.

Dans le prochain budget, j'aimerais voir quelque chose qui donnerait un peu de vigueur à tout cela. Il faut aussi que nos dirigeants parlent de la question.

M. Derksen-Hiebert : Je crois que le rôle du Parlement est très important, parce que celui-ci se trouve, dans un sens, entre la mobilisation populaire et les ententes conclues par l'exécutif.

Comme vous le savez tous, les décisions concernant la ratification de traités sont prises par l'exécutif, et le Parlement n'intervient pas à ce chapitre. C'est l'une des tares du système. Le Parlement n'intervient pas autant qu'il le devrait, et il n'applique pas la convention dans le contexte canadien. Nous devrions peut-être envisager des manières de faire évoluer le rôle du Parlement, par exemple, en prévoyant des débats annuels portant sur les problèmes liés à la pauvreté infantile. Nous devrions peut-être envisager la mise en œuvre de la convention au Canada par l'intermédiaire du Parlement. En ce sens, nous croyons que la création d'un commissariat est essentielle, ainsi qu'un leadership fort du premier ministre.

Je pense que le Royaume-Uni a connu du succès en raison de l'engagement du premier ministre; Tony Blair a fait de cette question l'une de ses priorités personnelles.

Mme Wolff : Par définition, les droits ne dépendent pas des accès de charité, des ressources disponibles ou de politiques changeantes. Plus nous avons de structures de mise en œuvre à même de survivre aux changements de gouvernement et plus nous permettons aux parlements de réfléchir à des questions précises relatives aux programmes, mieux les droits de la personne vont se porter. Bien entendu, il y aura toujours une certaine évolution, et nous aurons toujours à répondre à des besoins différents du Parlement, mais l'établissement d'une espèce de structure supraparlementaire nous aidera à maintenir la stabilité nécessaire dans le domaine des droits de la personne. Cette structure nous permettrait de sortir de la ronde des changements de partis politiques. Nous avions un plan d'action gouvernemental visant les enfants; ce n'était pas un plan partisan. Ne pouvons-nous pas accepter cela et poursuivre dans cette voie?

Nous pourrions peut-être examiner ce que les autres pays font bien et la manière dont nous pouvons peut-être aspirer à réaliser ces choses. L'étude à paraître dont j'ai parlé, qui sera publiée dans deux semaines, et qui examine les indicateurs des droits des enfants dans l'ensemble des pays membres de l'OCDE montre qu'aucun pays ne réussit tout parfaitement.

Le Canada réussit bien au chapitre de la scolarisation ainsi qu'à certains égards de la privation matérielle. Ce que l'étude montre, c'est que les enfants ne font pas vraiment partie du paysage. Ce que nous constatons, au chapitre de la privation matérielle, c'est que davantage de Canadiens que d'habitants d'autres pays possèdent une voiture et que leurs enfants peuvent dormir dans leur propre chambre. Cependant, il y a beaucoup moins de livres pour enfants dans nos maisons qu'ailleurs. Il y a aussi chez nous beaucoup moins de calculatrices, de règles et d'autres instruments servant au travail scolaire.

Nous obtenons de meilleurs résultats au chapitre de la scolarisation qu'en ce qui concerne les comportements à risque des enfants. En ce qui concerne le temps que les parents passent à parler avec leurs enfants, le Canada se trouve au bas du tableau.

Nous constatons que la réussite scolaire, les voitures et les grosses maisons sont des choses importantes pour les adultes, mais quels sont les enjeux qui touchent les enfants? Je crois que cela résulte du fait de ne pas avoir les mécanismes de mise en œuvre qui donneraient une visibilité dans notre société au fait que les enfants ont des droits, indépendamment des besoins et des désirs des adultes, que ce soit au Parlement ou dans les familles.

Le sénateur Nancy Ruth : Madame Rothman, en partie parce que le gouvernement semble avoir un plan pour les personnes âgées avec le nouveau ministre et ainsi de suite, et à cause du succès de Stephen Lewis et de ses grands-mères, est-il possible pour vous de lier cela à la question qui vous occupe? Il ne s'agit pas vraiment d'une question; c'est juste une idée qui m'est passée par la tête.

Mme Rothman : Bonne idée. Nous avons des personnes âgées au sein de notre coalition.

Le sénateur Nancy Ruth : Je suis heureuse d'appuyer la recommandation concernant un commissaire à l'enfance, mais cela me préoccupe aussi beaucoup, parce que je regarde ce qui se passe du côté du commissaire à la protection de la vie privée, du commissaire à l'éthique et de Condition féminine Canada, et, essentiellement, je constate que cela n'intéresse personne et qu'il ne se passe pas grand-chose.

Comment pourrait-on faire en sorte que ce nouveau commissaire soit plus fort, meilleur, plus éclairé et qu'il dispose davantage de ressources que tous les autres commissaires?

Mme Rothman : Je ne suis pas spécialiste de la question des commissaires ou de la structure, mais je sais que le Bureau du vérificateur général a, lui, bel et bien des répercussions. Je ne connais pas bien le côté technique des rôles et des responsabilités.

Je pense qu'il y a des choses à apprendre des bureaux provinciaux des protecteurs de l'enfance. Est-ce que cela a trait à la structure, ou est-ce que tout réside dans le contenu et dans la façon dont on envoie le message? Je ne suis pas sûre de connaître la réponse.

Le sénateur Nancy Ruth : C'est une bonne question. Le logement et le revenu sont des questions dont Condition féminine Canada s'occupe depuis 1975, comme la commission royale; les femmes font toujours face aux mêmes problèmes.

Mme Rothman : Nous n'avons plus de commissaire.

Le sénateur Nancy Ruth : Il ne s'agit pas non plus d'une vérification spécialisée du vérificateur général, ce que ce pourrait être. Dans le domaine de l'environnement, il y a un vérificateur spécialisé.

Mme Rothman : Oui, nous pourrions peut-être envisager ce modèle.

M. Derksen-Hiebert : Nous avons parlé d'une loi habilitante qui contraindrait le Canada à respecter la convention. C'est un peu comme un remue-méninges, j'imagine, mais est-ce que cela aurait davantage d'effet que certaines des autres choses que vous avez évoquées?

Il y a une convention d'une certaine précision que le gouvernement pourrait être contraint de respecter s'il y avait une loi habilitante. Cette loi, combinée à un nouveau commissariat, ainsi qu'à un organisme relevant du Parlement, pourrait donner davantage de poids à cet engagement que certaines des autres choses que vous avez évoquées.

Le sénateur Nancy Ruth : Sans contestation judiciaire, vos étudiants en droit attaqueraient-ils cette législation devant la Cour suprême? C'est à ce tribunal qu'ils s'adresseraient, n'est-ce pas? On continuerait de pousser le gouvernement en passant par les tribunaux. Est-ce cela qui arriverait? Est-ce à cela que vous songiez? Pour ma part, c'est ce qui m'est venu à l'esprit.

M. Derksen-Hiebert : Nous allons parler de trois éléments différents. Il y a la législation elle-même, qui contraindrait le pays à respecter la convention. Il y a aussi le besoin d'une espèce d'organisme permanent chargé de vérifier la conformité de la loi avec la convention. Enfin, il y a le commissariat qui aurait ses propres responsabilités.

Mme Pearson : Je crois que le thème est bien choisi, la situation des enfants dans le monde, parce qu'on dit qu'il s'agit d'un double dividende; il s'agit des femmes et des enfants. On appelle cela le double dividende; il y a de très bonnes analyses là-dedans.

Nous parlons de la voix des enfants, et la voix des enfants m'intéresse toujours. Qu'ajouteriez-vous aux recommandations que vous avez déjà formulées pour garantir que les enfants eux-mêmes participent activement à vos entreprises?

Mme Wolff : Je ne suis pas sûre qu'on ait besoin davantage de détails. Je sais pour avoir étudié votre recommandation concernant un organisme indépendant que vous avez clairement exprimé la nécessité pour les enfants de participer au processus.

Dans bon nombre de pays, il y a des organismes indépendants qui sont des conseils sur l'enfance, des consultations par l'intermédiaire de sites web, et ainsi de suite. Je crois qu'une participation très visible des enfants est la marque des organismes indépendants à l'heure actuelle.

Le sénateur Pearson : Le modèle que vous décrivez n'intègre pas réellement les enfants, et je veux qu'on mette l'accent là-dessus en ce qui concerne le témoignage.

Aucun mécanisme ne va bien fonctionner sans la capacité de faire participer les enfants.

Mme Wolff : Un bon exemple de cela, ce sont les consultations dans le cadre de l'Étude des Nations Unies sur la violence à l'égard des enfants, au cours desquelles le spécialiste indépendant qui dirigeait l'ensemble de l'étude a fait un effort pour défendre le mécanisme de consultation régionale. Le gouvernement du Canada, les personnes chargées d'effectuer les consultations régionales et nous avons consulté environ 300 enfants, qui nous ont fait part de leurs points de vue sur la violence. C'était la première étude onusienne mondiale dans le cadre de laquelle on a autant consulté les enfants.

Les commentaires des enfants étaient différents de ceux des prétendus spécialistes, des adultes spécialistes de la documentation générale. Au Canada, nous avons l'habitude de parler surtout de la violence par les pairs et de la violence des gangs. Les enfants ont clairement dit que la violence à la maison et l'intimidation constituaient leurs principales préoccupations, et non la violence qui a lieu dans les rues. Ces deux formes de violence les touchent au jour le jour, et elles affectent leur bien-être physique et mental. En ce qui concerne l'intimidation, il s'agit non pas d'intimidation physique, mais d'intimidation affective et qui prend la forme d'exclusion, ainsi que de d'intimidation relationnelle dont les adultes et les pairs sont à l'origine. En réalité, ce qui les inquiétait le plus au sujet de l'intimidation, ce n'est pas qu'ils en voulaient à l'intimidateur, au pair qui commet cet acte de violence; leur ressentiment vient davantage de la réaction des adultes face à l'intimidation. Les enfants consultés en voulaient à leurs parents et à leurs enseignants de ne pas intervenir; ceux-ci écartent la question et laissent les enfants composer avec, comme s'il s'agissait d'un passage obligé de la croissance des enfants. Lorsque nous écoutons les enfants, nous apprenons des choses différentes, et nos politiques sont différentes grâce à leurs commentaires.

Le sénateur Munson : Je suis convaincu qu'il y a des enfants ontariens qui vont se coucher ce soir avec le ventre creux. Comparativement à 1989, combien y a-t-il d'enfants dans cette province qui vivent dans la pauvreté?

Mme Rothman : Je ne sais pas si j'ai les chiffres concernant l'Ontario devant moi, mais je peux les obtenir pour vous.

Le sénateur Munson : J'aimerais tout simplement que cela figure au compte rendu. Nous entendons toujours dire qu'un enfant sur six vit dans la pauvreté. Pour ce qui est de la sensibilisation, les gens sont en mesure de comprendre que des enfants se lèvent le matin sans avoir accès à un programme de petit déjeuner, et ils vont se coucher le ventre creux le soir. Il y a des mères monoparentales qui travaillent au salaire minimum. Cependant, il est difficile de sensibiliser la population à ces questions mêmes.

Mme Rothman : J'ai les chiffres pour le Canada.

Le sénateur Nancy Ruth : La pauvreté est-elle l'apanage des villes ou des milieux ruraux?

Mme Rothman : C'est une question difficile. Le rapport du Sénat sur la pauvreté en milieu rural est très bien fait. Nous savons que 80 p. 100 de la population du Canada est urbaine. À Toronto, un enfant de moins de 14 ans sur trois vit dans la pauvreté.

Le sénateur Nancy Ruth : Un sur trois à Toronto?

Mme Rothman : Oui, un enfant sur trois vit dans la pauvreté dans la nouvelle ville de Toronto, non pas dans le Grand Toronto. La proportion est un peu moindre dans le Grand Toronto, et je peux obtenir les chiffres concernant l'Ontario pour vous, si cela peut vous être utile.

Le sénateur Munson : Ces chiffres m'intéressent. J'ai regardé avec intérêt le rapport d'ABC sur Camden, au New Jersey. C'est difficile de croire que ce genre de pauvreté existe dans notre cour. Je suis convaincu que la pauvreté atteint la même ampleur dans différents secteurs des plus grandes villes du Canada.

Mme Rothman : Vous connaissez peut-être les rapports de Centraide et de la Toronto City Summit Alliance qui examinent les quartiers où les taux de pauvreté et d'absence de services sont particulièrement élevés.

Madame Pearson, je suis assurément pour qu'on offre un rôle aux jeunes dans l'ensemble de la démarche. Au cours des deux dernières années, de nombreux jeunes sont venus nous voir et nous ont demandé de travailler avec nous. Nous avons un comité d'action jeunesse. Nous avons besoin de ressources affectées à ce comité pour le conserver et pour être équitable et inclusif.

La présidente : Y a-t-il autre chose que vous souhaitiez ajouter?

M. Derksen-Hiebert : Nous pouvons vous confirmer cette déclaration. Nous avons intégré la participation des enfants à nos recommandations. Il faudrait faire en sorte que cela fasse partie du mandat conféré par la loi au commissariat du Canada. Comme vous l'avez fait remarquer, c'est une autre sorte de discipline. C'est difficile de faire en sorte que la participation des enfants soit significative. C'est une chose que nous essayons de faire dans le cadre de notre travail à l'échelle internationale : faire participer les enfants, surtout en ce qui concerne les questions liées à la violence.

Nous pouvons nous tourner vers les autres pays pour obtenir des exemples de bonnes pratiques à cet égard. D'autres lieux d'échange permettent de prendre connaissance des points de vue des enfants, ce qui est tellement important si l'on veut protéger leurs droits.

La présidente : Je pense que c'est tout le temps que nous avions. Je veux remercier Mme Rothman, Mme Wolff et M. Derksen-Hiebert d'être venus.

J'ai présidé une association de service à la famille, et je connais très bien l'ampleur de l'engagement du personnel et des bénévoles de toutes vos organisations. Lorsque nous avons parlé de continuité et de cohérence, je pense que vous avez porté la question des enfants à l'attention des parlementaires de façon non partisane. Nous devrions parler dans notre rapport de la question de la continuité de vos organisations. Ainsi, nous pourrons fournir des suggestions au gouvernement quant à la manière de formuler des idées là-dessus.

Je vous remercie tous d'être venus.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons maintenant recevoir Mme Sudabeh Mashkuri, vice-présidente du conseil d'administration de METRAC, Mme Corrine Rusch-Drutz, directrice, Plaidoyer et communication du YWCA Metro Toronto, et Mme Martha Friendly, Childcare Resource and Research Unit, Université de Toronto.

Corinne Rusch-Drutz, directrice, Plaidoyer et communication, YWCA Metro Toronto : Mesdames et messieurs les sénateurs, je veux d'abord vous remercier chaudement de l'occasion que vous m'offrez de vous faire part du point de vue du YWCA de Toronto. Nous sommes, comme beaucoup d'entre vous le savent probablement, la plus grande organisation multiservices composée de femmes et de filles, et qui s'adresse à des femmes et des filles de la région du Grand Toronto.

Nous tenons à remercier le comité du travail qu'il effectue pour faire reconnaître une approche des droits fondamentaux des enfants qui est centrée sur les droits de la personne, et particulièrement une approche qui définit les enfants comme étant des agents actifs au sein de la société, agents ayant leurs propres ensembles de besoins personnalisés.

Comme nous fournissons directement des services aux enfants — dont bon nombre sont victimes de mauvais traitement et de violence à la maison et, par ailleurs, témoins de mauvais traitement envers les femmes —, nous avons relevé des lacunes quant à la connaissance au gouvernement fédéral de la théorie selon laquelle les enfants sont non seulement l'avenir de l'humanité, mais également des citoyens aujourd'hui même. Or, la compréhension des choses au gouvernement a une incidence sur la façon dont les autorités appuient et protègent les enfants du Canada.

Nous insistons sur le fait que, à notre avis, le gouvernement fédéral devrait faire le lien entre, d'une part, les droits des enfants, et d'autre part, les droits des personnes qui s'en occupent, dont la plupart sont des femmes.

Si nous sommes là aujourd'hui, c'est entre autres pour aborder dans une perspective globale les questions intéressant les enfants et les responsables des enfants, et pour faire ressortir les liens qui existent entre les droits des femmes et les droits des enfants, pour montrer qu'ils sont imbriqués. De notre point de vue, il est presque impossible de diviser les deux questions : nous y voyons un lien direct avec la prestation de nos services sur le terrain.

Nous venons au premier rang des refuges pour femmes, et au deuxième, pour la prise en charge des enfants. Si nous invoquons ce lien absolu qui existe entre les deux questions, c'est qu'il est au coeur même des services que nous fournissons. Nous nous assurons que les femmes ont le droit et la capacité de fuir la violence, mais, une fois qu'elles l'ont fait, il est tout aussi important de savoir qu'elles puissent se redonner un mode de vie sain et disposer des moyens voulus à cet égard. Nous offrons des services de logement, d'emploi et de formation, ainsi que des services sociaux élargis aux femmes et aux enfants du Grand Toronto.

Dans notre étude nationale intitulée Pratiques efficaces pour protéger les femmes fuyant la violence dans leurs relations intimes, nous signalons que le gouvernement fédéral doit accélérer les efforts qu'il déploie pour financer adéquatement les refuges, particulièrement les refuges de femmes et d'enfants, dont bon nombre, nous tenons à le souligner, fuient une violence immédiate et mortelle. C'est dire que s'ils ne fuient pas, ils sont morts.

Nous recommandons que les autorités fédérales, provinciales et territoriales règlent les préoccupations soulevées dans la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes en finançant correctement les services de suivi au séjour en refuge des femmes et de leurs enfants, de manière à assurer leur sécurité une fois qu'ils réintègrent la collectivité. Ce service s'adresse aux femmes et aux enfants une fois qu'ils ont quitté le refuge; il nous faut des programmes qui leur permettent de réintégrer la collectivité. Les services en question pourraient inclure, sans s'y limiter, les services de suivi, des programmes de réintégration et des services d'extension.

Pour aider les femmes et leurs enfants à fuir une relation où ils subissent de mauvais traitements, avant même de se trouver dans un refuge, il est essentiel de prévoir un meilleur accès à des logements permanents qui soient sécuritaires et abordables. Il faut que les femmes puissent quitter les refuges en étant sûres de bien réussir la transition à une vie sans violence, pour leurs enfants. Il faut que les femmes aient un domicile protégé et sécuritaire.

Le Canada est l'un des rares pays n'ayant pas de stratégie d'accès aux logements abordables, et un enfant sur six y vivent dans la pauvreté. Dans le cas des communautés des Premières nations, le taux de pauvreté chez les enfants est encore plus élevé : c'est un enfant sur quatre qui vit dans la pauvreté.

À nos yeux, le manque d'accès à un logement permanent et abordable représente un facteur qui, souvent, aboutit au placement des enfants auprès de la Société d'aide à l'enfance ou qui retarde leur retour à la maison. Leurs propres statistiques le font voir : cela coûte environ 18 millions de dollars par année à l'organisme.

Dans notre étude, intitulée Building Community Architecture for Early Childhood, nous faisons le lien entre les mauvais traitements et les facteurs qui empêchent les femmes de fuir un conjoint violent. Dans cette étude, nous faisons valoir que l'accès à des services de garde de première qualité qui soient abordables donnera aux femmes qui envisagent de quitter un conjoint violent un plus grand nombre d'options. Cela leur permet d'accroître leur capacité de s'établir et de devenir autonomes, en dehors d'un ménage violent, par la possibilité de gagner un revenu conséquent.

Le Canada se situe dans les derniers rangs des pays membres de l'OCDE pour les dépenses consacrées à la garde des enfants en tant que pourcentage du PIB. En ce moment, le nombre de places dans les garderies réglementées répond aux besoins de moins de 16 p. 100 des enfants canadiens, et, avec l'annulation de l'entente fédérale sur la garde des enfants, nous constatons que les perspectives d'amélioration demeurent minces.

L'introduction en 2006 d'une prestation fédérale universelle pour la garde des enfants, visant à remettre à toutes les familles 100 $ par mois par enfant de moins de six ans, a nui à l'offre des services de garde au pays. S'il est louable d'essayer de donner aux parents des choix qui, en la matière, répondent à leurs besoins particuliers, dans les faits, cela s'est traduit par une pénurie nationale de services de garde homologués, abordables et de bonne qualité — avec l'effondrement quasi total des places subventionnées dans les localités rurales et éloignées. En annulant l'entente conclue à cet égard avec les provinces, le gouvernement fédéral a pris 3,6 milliards de dollars aux collectivités canadiennes. Or, les fonds en question étaient clairement destinés à élargir les options de plus de 100 000 familles pour ce qui touche l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. Ils étaient destinés à des familles à faible revenu, des familles en milieu rural et des familles avec enfants ayant des besoins spéciaux. Ils devaient servir à améliorer les services d'intervention auprès des enfants à risque. Du point de vue de l'Ontario, et particulièrement du Grand Toronto, bon nombre de ces enfants relèvent des 13 grands secteurs où il faut agir selon la ville et Centraide. Les enfants autochtones ont été le plus durement touchés.

Nous sommes d'avis que chaque enfant a droit à des services de garde universelle qui sont abordables et de bonne qualité dans un contexte réglementé et sans but lucratif. L'inscription de ce droit dans une loi donnera à chaque enfant, indépendamment des moyens de ses parents, du lieu qu'il habite et de ses origines, l'accès aux éléments constitutifs fondamentaux du système d'apprentissage des jeunes enfants. Nous reconnaissons qu'un programme universel de prestations pour la garde des enfants constitué à même les deniers publics représente un droit pour tous les enfants du Canada. Nous ne saurions trop insister sur l'importance que prennent les liens entre, d'une part, les lois du Canada, et d'autre part, les droits des enfants et les droits des femmes.

Nous incitons vivement le gouvernement à adopter un point de vue holistique face aux aspects complexes des enjeux et à voir le lien existant entre la violence faite aux femmes et aux enfants, la pauvreté, l'accès aux logements abordables et l'universalité de la garde des enfants. Cette corrélation étant admise, nous recommandons aux autorités fédérales, provinciales et territoriales d'agir immédiatement pour accroître les services et les mesures de protection à l'intention des femmes et des enfants qui fuient la violence, dont des programmes de réintégration s'appliquant à la suite d'un séjour en refuge. Nous recommandons l'établissement d'une stratégie d'accès aux logements permanents et abordables pour les femmes et les enfants, et la création d'un système universel et durable de prestations pour la garde des enfants à même le Trésor.

Dans ses propositions de réforme, le comité recommande au gouvernement fédéral de se donner des moyens plus efficaces d'intégrer et de mettre en œuvre les services et le financement des programmes ayant eu une incidence sur les enfants et les droits des enfants. Il recommande également au gouvernement fédéral de collaborer avec des organisations non gouvernementales à la mise au point des mécanismes à cet égard, sans compter le financement nécessaire pour favoriser l'éclosion d'un secteur bénévole qui soit efficace, fonctionnel et cohérent pour la protection des droits des enfants. Nous aimerions faire partie de ce mouvement.

Le YWCA est le plus important fournisseur de soins de santé aux femmes et aux filles, et il vient au deuxième rang pour la garde des enfants. Cela veut dire que nous offrons des services réglementés à plus de 10 000 enfants tous les ans, ce qui représente 4 550 places de garde officielles et se traduit par quelque 1,5 million d'heures de garde tous les ans.

S'ajoutent à cela les camps pour les enfants et les programmes parascolaires que nous organisons, ce qui fait que nous accueillons plus de 20 000 enfants par année. Nous offrons notre appui aux familles par des programmes d'acquisition de compétences parentales, de l'éducation et des services de soutien sur le terrain. Nous serions heureux de collaborer avec le gouvernement fédéral à la mise au point des politiques, des procédures et des pratiques exemplaires nécessaires pour mettre en œuvre cette vision. Merci.

Martha Friendly, Childcare Resource and Research Unit, Université de Toronto : Mesdames et messieurs les sénateurs, merci beaucoup de m'avoir invitée aujourd'hui. Étant donné l'exposé qui vient d'être présenté, je réfléchis aux choses que je n'aurai pas à dire.

Je suis chercheure en politiques gouvernementales et, depuis 30 ans, je travaille à la question de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants à l'Université de Toronto. Mon exposé repose sur deux travaux. Vous avez devant les yeux un chapitre qui s'insère dans un livre à paraître et un résumé de certains des travaux de l'OCDE.

J'ai commencé à rédiger ce document en 1990, avant que le sénateur Pearson n'accède au Sénat, à l'époque où elle était présidente du Conseil canadien de l'enfance et de la jeunesse. Il s'agit de la dernière consultation présidentielle qui ait été tenue, tout juste au moment de la mise en œuvre de la convention.

Si j'ai commencé par cela, c'est que j'ai présenté ma communication sur la garde des enfants à cette réunion-là. Dans la communication en question, ma conclusion est la suivante : depuis 1990, nous n'avons pas pris au sérieux la question des droits des enfants en ce qui concerne l'apprentissage et la garde.

Par rapport à 1990, époque où la convention a été signée, il y a aujourd'hui à peu près le même degré de participation, le même degré d'accessibilité aux places réglementées et autres programmes d'éducation de la jeune enfance. Du point de vue de l'accessibilité financière, c'est à peu près la même chose. Cela demeure un problème énorme pour les mères seules à faible revenu, les familles à revenu modeste et les familles à revenu moyen. À mon avis, ce qui a vraiment évolué depuis, c'est que nous avons commencé à réfléchir à l'apprentissage et à la garde des jeunes enfants comme on le fait dans d'autres pays, là où il y a un programme consolidé, là où l'apprentissage et la garde des jeunes enfants sont pris au sérieux. Il s'agit donc d'un programme destiné aux enfants.

L'idée en question est bien exprimée dans la Convention relative aux droits de l'enfant. Je vais aborder certains des articles qui se rapportent à l'apprentissage et à la garde des jeunes enfants.

Je ne vais pas vous ennuyer à nouveau en vous montrant le tableau de l'OCDE où on voit le Canada au dernier rang du groupe pour les dépenses. Pour donner un peu le contexte, je veux signaler que le Canada figure de fait parmi les pays membres de l'OCDE qui consacrent le moins d'argent aux prestations et services à l'intention des familles et des jeunes enfants. Il y a un autre tableau qui fait voir que les seuls pays qui dépensent moins que le Canada sont le Mexique, les États-Unis et la Corée. Ce n'est pas que nous consacrons des fonds à des domaines autres que celui de la garde des enfants. C'est plutôt que nous ne dépensons pas beaucoup, globalement, au profit des familles et des enfants. Je crois qu'il importe de le noter.

Si vous regardez le document, ici, vous verrez le rang du Canada pour les congés de maternité et les congés parentaux. Vous verrez aussi que notre PIB par habitant est parmi les plus élevés dans les pays membres de l'OCDE; ce ne sont donc pas les fonds qui manquent. C'est un véritable contraste : les dépenses des pays et la richesse qu'ils possèdent.

Comme je le fais dans le document, vous allez peut-être vouloir réfléchir à l'histoire du dossier, à la progression des services de garde d'enfants depuis 1990. Vous le savez sans doute, la question a maintes fois été inscrite à la liste des priorités nationales et retirée. Il y a eu une situation semblable dans les provinces, et cela pose un problème. À l'exemple du gouvernement fédéral, les provinces modifient leurs orientations avec l'arrivée d'un nouveau gouvernement. Un nouveau chef peut donner de l'expansion au dossier, puis arrive un autre gouvernement, comme cela s'est fait en Ontario, qui élimine le financement, et tous les services de garde ferment leurs portes. C'est une situation semblable qui se produit depuis quelques années en Colombie-Britannique. Nous avons vécu la même situation au Québec.

Je crois que vous pourriez voir l'effet de yo-yo qui fait qu'il est devenu impossible de bien prendre en charge la question. C'est la raison pour laquelle bon nombre des personnes qui travaillent dans le domaine insistent pour qu'il y ait une politique nationale en la matière.

Il importe d'examiner attentivement la convention pour voir si nous nous y conformons bien. Trois articles se rapportent étroitement à la question de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants. Le premier article important à cet égard est l'article 18, qui traite particulièrement de la garde des enfants. L'article précise la notion et attribue la responsabilité d'accorder une aide appropriée aux parents et de s'assurer que les enfants de parents qui travaillent ont le droit aux prestations.

Il importe de remarquer que ce sont les « États parties » qui sont responsables et non pas les parents, les provinces, les municipalités; pas les organismes bénévoles. Le Canada est l'État partie.

L'article 4 est l'un des plus importants de la convention non seulement du point de vue de la garde des enfants, mais globalement. Il précise en quoi le gouvernement national, l'État partie, doit s'acquitter de sa responsabilité, qui consiste à s'engager à respecter les droits de l'enfant. Cela s'applique à l'ensemble de la convention, c'est la notion prédominante, c'est le concept de priorité des enfants. En ratifiant la convention, le Canada s'est engagé à harmoniser ses lois nationales avec les principes de la convention. Par notre signature, nous disons que nous assumons la responsabilité de mettre en place officiellement les mécanismes législatifs et administratifs voulus pour assurer la conformité avec la convention.

C'est un engagement relativement sérieux. Pour rappeler à votre attention l'annulation du programme de garde des enfants, je dirai que cela n'a pas été pris en considération au moment où la décision d'annuler a été prise. Nous ne nous conformons pas à l'article 18.

L'article 4 de la Convention relative aux droits de l'enfant porte sur les mesures touchant les enfants. Je tiens à soulever la question de l'égalité en matière de garde d'enfants au Canada. Le dossier est sous-financé, et les gens qui y travaillent, ce sont toutes des femmes, sont extrêmement mal payés. Je crois que l'article 3 traite de la question. Les établissements conçus pour les enfants ne sont pas adéquats; ils ne correspondent pas à l'intérêt supérieur de l'enfant.

Je dirais qu'il y a environ cinq autres articles de la convention qui se rapportent particulièrement à l'apprentissage et à la garde des jeunes enfants. Il y a un article qui parle des droits des enfants mentalement ou physiquement handicapés, où il est question de l'apprentissage des jeunes enfants. L'article 24 traite du droit d'accès aux soins de santé et aux services de prévention, et comporte la notion d'apprentissage et de garde des jeunes enfants ainsi que des déterminants sociaux de la santé. L'article 27 affirme le droit à un niveau de vie suffisant. Bien entendu, il est question du cas des mères qui travaillent et de la capacité des familles de gagner leur vie. L'article 28 parle du droit à l'éducation. À ce sujet, je tiens à faire remarquer que les Nations Unies préconisent l'instruction pour tous, ce qui se situe dans le prolongement de la convention. L'accord des Nations Unies établit que l'instruction des jeunes enfants constitue le premier stade de l'éducation. Le plus récent rapport mondial de suivi, publié à l'automne, montre que le Canada n'est même pas près de s'acquitter de ses obligations du point de vue de l'éducation.

Pour conclure, nous n'avons jamais situé les orientations gouvernementales dans une approche durable et cohérente pour établir un système d'apprentissage et de garde des jeunes enfants qui permettrait même de respecter la convention.

Ni les provinces ni les territoires, ni encore le gouvernement fédéral, l'État partie, n'a véritablement respecté l'engagement du Canada. Au moment de rédiger le chapitre du livre dont j'ai parlé, j'ai été appelé à faire le point sur la question de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants depuis la ratification de la convention : que dit l'évolution des choses au Canada à propos du degré d'engagement des autorités en ce qui concerne les droits de l'enfant?

Les directeurs de la publication, Brian Howe et Katherine Covell, spécialistes des droits de l'enfant, appliquent une formule extraordinaire pour jauger la conformité avec la convention, suivant quatre degrés d'engagement. En appliquant cette formule, j'en suis venu à la conclusion que, du point de vue de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants, notre résultat se situe quelque part entre le niveau 1, qui est purement symbolique, et le niveau 2, qui évoque des mesures sporadiques. Si les progrès réalisés sont motivés de quelque façon par la convention, cela n'a rien d'évident. La question ne se présente pas. Nous n'en entendons jamais parler.

Je conclus que la question de l'apprentissage et de la garde des enfants en tant que droit de l'enfant n'a jamais été prise au sérieux et que la convention occupe une place peu importante, si tant est qu'elle en occupe une, dans le plan d'action du gouvernement à cet égard.

Sudabeh Mashkuri, vice-présidente du conseil d'administration, METRAC, (Metropolitan Action Committee on Violence Against Women and Children) : Pour ceux parmi vous qui ne connaissez pas le METRAC, le Metropolitan Action Committee on Violence Against Women and Children est un organisme communautaire sans but lucratif qui se consacre aux droits, pour toutes les femmes et tous les enfants, de vivre sans violence et sans la menace de la violence.

Les programmes du METRAC visent à empêcher toute violence faite aux femmes. Ils sont au nombre de trois : éducation et extension communautaires, sécurité communautaire et justice communautaire. Nous vous avons remis un mémoire qui traite plus à fond de certains des travaux importants du METRAC.

J'ai écouté les autres auteurs d'exposés; je ne vais pas répéter ce qu'ils ont dit. Je vais insister sur quatre points où le Canada n'a pas réussi à mettre en œuvre la Convention relative aux droits de l'enfant.

Nous exposons quatre points dans notre mémoire. Premièrement, nous traitons de la violence et des conséquences pour les enfants de la violence dans les relations intimes et de la violence faite aux enfants qui en résulte. Nous traitons de la pauvreté chez les enfants, ce dont les derniers témoins ont parlé avec éloquence. Nous abordons la question du traitement des enfants et de leur protection dans le contexte du droit de l'immigration et des réfugiés, et de la nature violente des hommes et de son impact sur la vie des filles.

Lorsqu'il est question de la violence faite aux enfants, les analyses faites d'après le sexe sont rares. Les enfants sont tous mis dans le même sac. Nous croyons que la violence a un effet différent sur les garçons et sur les filles.

Dans la première partie de notre mémoire, nous traitons de la violence et des conséquences pour les enfants de la violence au sein de la famille et de la violence envers les enfants qui en résulte. Nous avons établi des statistiques concernant la violence faite aux enfants. Celles-ci font voir que, de manière générale, la violence au sein de la famille touche les filles davantage que les garçons : les probabilités sont quatre fois plus grandes qu'elles fassent l'objet de mauvais traitements sexuels. De plus, dans huit cas sur dix, ce sont des enfants et des adolescents qui sont les victimes d'agressions sexuelles au sein de la famille.

Par ailleurs, nous traitons de certaines des lois que l'Ontario vient d'adopter pour tenir compte de la violence faite aux enfants dans le contexte du droit de la famille. En Ontario, conformément à une modification apportée à la Loi portant réforme du droit de l'enfance, les tribunaux de la famille doivent prendre en considération les cas de violence au sein de la famille qui peuvent s'être produits à tout moment durant une relation intime et dont la cible peut être le conjoint ou tout autre membre du ménage. Cela a des conséquences du point de vue de l'aptitude parentale, pour la personne qui demande la garde d'un enfant ou un droit de visite. Les groupes de femmes font valoir la nécessité d'une telle modification depuis de nombreuses années.

En outre, en septembre 2006, le projet de loi 89 — la « loi de Kevin et de Jared » — a été adoptée à l'assemblée législative de l'Ontario. Cette loi n'a pas reçu la sanction royale. Il s'agit d'une modification de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille de l'Ontario qui impose le droit de visite avec surveillance aux parents ayant été condamnés pour un acte de violence envers son conjoint ou son enfant. C'était en réaction à une affaire où deux enfants sont morts aux mains de leur père, chacun des deux parents en question ayant été auparavant condamné pour violence envers son conjoint.

Il faut mettre en œuvre ces nouvelles lois et les prendre en considération, pour que le Canada respecte la Convention relative aux droits de l'enfant. Nos provinces doivent aussi se conformer à la convention.

Je ne vais pas passer en revue la partie de notre mémoire qui porte sur la pauvreté chez les enfants, mais je vais insister sur le bulletin de Campagne 2000 dont il a été question ici aujourd'hui. Près de 1,2 million d'enfants du Canada, soit un enfant sur six, vivent dans la pauvreté. Je souligne en passant que les enfants des Premières nations sont davantage touchés par l'extrême pauvreté.

Notre mémoire comporte des statistiques sur l'aide sociale en Ontario. Vous y trouverez notamment des données établies pour la période allant jusqu'à novembre 2006, selon lesquelles un parent seul ayant un enfant reçoit 470 $ par mois pour ses besoins fondamentaux et une allocation maximale de 538 $ pour l'hébergement. Mille dollars par mois : c'est nettement en deçà du seuil de la pauvreté, surtout ici à Toronto. Nous n'avons pas de stratégie ou de plan national cohérent pour lutter contre la pauvreté chez les enfants.

Le METRAC déplore le fait que les principes de la non-discrimination, de l'intérêt supérieur de l'enfant et du respect du point de vue de l'enfant n'ont pas toujours suffisamment compté au sein des organismes administratifs qui ont affaire aux enfants de réfugiés ou d'immigrants.

Je suis avocate. J'ai parfois affaire à des femmes et à des enfants immigrants ou réfugiés. J'ai souvent constaté que la réunion des familles prend trop de temps pour les nombreux enfants qui ont laissé leurs parents dans le pays d'origine et sont venus au Canada seuls ou pour les parents qui sont venus ici sans leurs enfants. Notre politique d'immigration ne facilite pas la réunion des familles. Autre exemple : les enfants de réfugiés au sens de la Convention n'ont pas le droit d'inclure dans leur demande de résidence permanente leurs parents qui habitent à l'étranger. Il faut avoir au moins 19 ans avant de pouvoir inclure un membre de sa famille dans une demande.

Il y a le problème de l'expulsion du pays en ce qui concerne les enfants nés au Canada, mais dont les parents n'ont pas le statut d'immigrant. La Cour suprême du Canada a déterminé que nous devons veiller à l'intérêt supérieur de l'enfant, mais les autorités de l'immigration estiment que c'est là un seul parmi les nombreux facteurs dont tient compte l'agent d'immigration.

Il y a aussi la question de la détention provisoire des enfants dans les cellules des centres de détention provisoire de l'Immigration. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés précise que la détention des enfants dans les centres en question ne peut se faire qu'en dernier recours, mais il existe des cas où des enfants ont été détenus soit seuls, soit en compagnie de leurs parents. J'ai eu de nombreux clients qui ont été détenus avec leurs enfants, parfois un enfant nouveau-né, et des enfants de moins de 16 ans.

En dernier lieu, je dirai qu'il importe, à mon avis, de parler du clivage homme-femme du point de vue de la violence et de l'effet de cette violence sur la vie des filles. Comme vous le savez, le Canada est signataire d'un document intitulé Déclaration et Programme d'action de Beijing, proposé durant les années 1990. Si vous examinez la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l'enfant au Canada, vous devriez examiner aussi le manque d'analyse selon le sexe qui faisait l'objet d'une promesse dans la déclaration de Beijing.

Dans de nombreux cas, les programmes et les politiques qui visent à régler les problèmes auxquels font face les enfants inscrivent dans les besoins généraux des enfants et des adolescents les besoins particuliers des filles. Par exemple, les programmes de prévention de la violence à l'école prennent un caractère de plus en plus générique. La reconnaissance du fait qu'une bonne part de la violence faite aux filles et aux femmes est le fait de garçons et d'hommes, et le résultat de pouvoirs patriarcaux, cède de plus en plus le pas à une conception qui mise sur les lois concernant la sécurité dans les écoles et a pour centre d'intérêt l'intimidation dans les cours d'école et tout le phénomène de la violence des gangs de filles, ce qui donne à entendre que les filles sont tout aussi violentes que les garçons. Cependant, cela semble occulter non seulement les différences entre les filles, mais aussi la réalité que les filles sont l'objet de violence sexuelle. Il faut noter que les filles qui font face à des obstacles attribuables à leur race, à l'orientation sexuelle, à leur aptitude et à leur classe sociale affronteraient plus d'obstacles qu'une fillette dont la situation est envisagée dans le cadre de politiques conçues pour les enfants dans la société dominante. Nous avons vu des exemples de filles ayant un handicap, par exemple, et de filles autochtones ainsi que de la manière dont la violence se répercute sur elles.

Le METRAC tient à dire que, à la lumière des informations qui figurent dans notre mémoire, il ne fait pas de doute que les autorités fédérales, provinciales et territoriales doivent surveiller la conformité avec la convention et travailler à faire concorder les obligations internationales du Canada et ses politiques et lois intérieures afin de protéger les droits des enfants et, en particulier, des filles.

Le sénateur Nancy Ruth : J'ai quelques questions à poser, la plupart au YWCA. Combien de milliards de dollars faudrait-il pour mettre sur pied un programme universel de garde d'enfants financé à même les deniers publics? Vous avez dit que le YWCA venait au deuxième rang parmi les services d'aide à l'enfance et que vous comptez à cet égard 10 000 places, ce qui n'est rien par rapport à la population des enfants. Qui vient au premier rang?

Mme Rusch-Drutz : L'autre organisme, celui dont le sigle s'écrit avec « M » : le YMCA.

Le sénateur Nancy Ruth : Vous avez parlé de l'effondrement des services de garde dans les localités rurales, attribuable à la réduction du financement. Je crois savoir que les réductions en question n'ont pas encore été apportées; elles sont sur le point de s'appliquer. Voulez-vous m'éclairer et me dire pourquoi vous avez fait ces remarques?

Aux gens du METRAC, je dois dire que j'ai adoré votre exposé. J'aimerais savoir quel est le rôle de la race dans la violence au sein des familles. Je ne sais pas comment poser la question... peut-on situer cette question dans une optique raciale?

Mme Mashkuri : Pour ce qui est de la violence dans les familles et de l'idée que la race puisse jouer un rôle, je dirais que, à mon avis, il y a de la violence dans toutes les familles, quelle que soit la race ou la culture ou l'origine.

Le sénateur Nancy Ruth : C'est certainement arrivé dans ma famille à moi.

Mme Mashkuri : Je crois que l'impact sur les personnes qui vivent avec cette violence au sein des familles et la question de la race se situent dans les systèmes, plus particulièrement dans le système de justice pénale ou dans le système de droit de la famille, le système d'immigration.

Je vais vous donner un exemple. Si vous habitez un quartier ethnique et que vous êtes victime de violence au sein de votre famille sans avoir de qualité juridique au Canada, vous n'avez pas les mêmes droits que d'autres personnes. Vous ne pouvez appeler la police, car celle-ci signalerait votre situation à Immigration Canada. Il y a donc cette érosion de vos droits, qui se situe dans l'optique de la race et de l'ethnie. Ce qu'il faut savoir, c'est s'il y a du racisme dans le système en ce qui concerne les questions relatives au droit de la famille.

Je sais que le YWCA et le METRAC ont travaillé ensemble à la coalition contre l'arbitrage confessionnel et ont situé la question dans l'optique de la lutte au racisme, de la lutte à l'oppression. Je crois qu'il y a bien un effet dont il faudrait tenir compte, mais cela touche la façon dont la violence est traitée dans le système de justice pénale et familiale ainsi que dans le système d'immigration.

Mme Rusch-Drutz : Nous avons certainement pu le constater en ce qui touche les femmes et les enfants qui arrivent dans notre système de refuges. Elles sont nombreuses, et particulièrement les immigrantes, à ne pas maîtriser la langue et à se faire dire par le partenaire violent que, si elles cherchent à obtenir de l'aide, à aller dans un refuge ou à recourir à un service quelconque, elles seront expulsées du pays.

Comme elles n'ont pas accès à l'information réelle, elles sont terrifiées et refusent de venir nous voir. Il y a cette lacune : elles ne connaissent pas les services qui leur sont offerts.

La présidente : C'est sur ce point que je souhaite intervenir. Quiconque se trouve en sol canadien peut appeler la police. Un crime demeure un crime.

Mme Rusch-Drutz : Oui, mais il faut connaître ses droits.

La présidente : Je crois que vous avez donné l'impression qu'elles n'ont pas le droit d'appeler. L'idée, c'est qu'elles n'appelleraient pas parce qu'elles craignent l'éventualité que le système d'immigration les renvoie dans leur pays d'origine.

Mme Mashkuri : Oui, vous avez tout à fait raison de dire qu'il n'est jamais interdit à quelqu'un d'appeler. Tout le monde a le même droit. C'est une question de savoir comment les droits en question sont mis en œuvre.

La présidente : Parfaitement.

Mme Mashkuri : J'ai eu affaire à des clientes qui ont appelé la police et qui se sont retrouvées en centre de détention parce qu'elles n'avaient pas la qualité d'immigrante. Il s'agit de savoir si leurs droits sont appliqués sur toute la ligne.

Mme Friendly : Le prix d'un système national universel d'apprentissage et de garde pour les enfants de zéro à six ans est de l'ordre de 10 ou 11 milliards de dollars par année. C'est le coût estimatif d'un système qui se veut complet, qu'il faudrait établir progressivement sur plusieurs années. Le programme en question reposerait sur des hypothèses générales, dont celle qui consiste à dire que la plupart des parents prendraient un congé de maternité ou un congé parental pendant un an. Il serait centré sur la participation de la mère comme c'est le cas à l'heure actuelle, mais on présumerait, en même temps, que tous les enfants doivent avoir accès à un programme de garde et d'éducation à la petite enfance dès l'âge de deux ans et demi ou trois ans, comme cela se fait dans la plupart des autres pays. C'est un programme qui est monnaie courante en Europe de l'Ouest, quelle que soit l'occupation de la mère. Il s'agit d'apprentissage et de garde des jeunes enfants. De même, les parents seraient appelés à verser des droits en fonction de leur revenu. Cela représenterait au total 20 p. 100 du budget. En Suède, le calcul de la part des parents avoisine les 18 p. 100 en ce moment, de sorte que ce ne serait pas la même chose... ce ne serait pas forcément un système de style québécois où tous les parents paient un prix uniforme et modique. Cela pourrait se faire de différentes façons.

Est-ce que la réponse est suffisamment complète? Le coût serait de cet ordre-là. Le réseau des services de garde à l'enfance de l'Union européenne a recommandé aux pays de consacrer au moins un pour cent de leur PIB aux enfants de ce groupe d'âge. Un certain nombre de pays en Europe y consacrent le double. On peut parler ad vitam aeternam du financement de l'apprentissage et de la garde des jeunes enfants, mais voilà la meilleure réponse que je peux vous donner, si ça peut vous être utile.

Le sénateur Poy : Je tiens à vous remercier tous de l'exposé que vous avez présenté. J'ai plusieurs questions à poser. Je vais d'abord donner suite à la question du sénateur Nancy Ruth concernant le pourcentage de fonds que le gouvernement consacre à l'apprentissage et à la garde des jeunes enfants.

Le Canada présente un des taux les moins élevés, taux qui a été chiffré plusieurs fois à 0,25 p. 100. C'est bien cela?

Mme Friendly : Oui.

Le sénateur Poy : Faites-vous allusion aux fonds fédéraux?

Mme Friendly : Non, de fait, c'est l'ensemble des fonds, tous les fonds publics. Cela englobe le financement des maternelles, qui sont entièrement de responsabilité provinciale.

Le sénateur Poy : Vous avez mentionné, durant votre exposé, que ce devrait être une responsabilité fédérale, car les choses fonctionneraient beaucoup mieux à ce moment-là. Comme les enfants sont des enfants, ils sont canadiens, et la responsabilité d'en prendre soin devrait être celle du gouvernement fédéral. Pouvez-vous penser à la façon dont le gouvernement fédéral s'y prendrait pour négocier avec les provinces en vue de leur prendre cette responsabilité?

Mme Friendly : Je viens d'écrire un chapitre de livre sur le fédéralisme et la garde des enfants. C'était indubitablement une responsabilité provinciale. Cela ne veut pas dire que le gouvernement fédéral ne devrait pas montrer la voie et établir des politiques comme il l'a fait dans le cas des soins de santé.

À comparer la santé et l'éducation, on constate qu'ils sont différents, mais, bien entendu, l'éducation publique est vraiment différente de ce qu'elle était au XIXe siècle. La seule façon d'en arriver à une entente qui serait non pas identique, mais semblable ou tout au moins comparable, c'est de regarder l'Entente-cadre sur l'union sociale de 1867. Dans cette entente, les parties s'engagent à offrir des services comparables aux Canadiens, où qu'ils se trouvent.

Si cela est vrai, le gouvernement fédéral doit décider de jouer un rôle à cet égard et le faire par l'entremise du pouvoir fédéral de dépenser. Je crois qu'il faudra encore passer par le pouvoir fédéral de dépenser. Je crois que M. Martin et M. Dryden ont essayé d'employer le pouvoir fédéral de dépenser, à l'époque moderne, pour convaincre les provinces de s'engager dans cette voie.

Voilà la meilleure réponse que je suis en mesure de donner. C'est clairement une responsabilité provinciale.

Le sénateur Poy : Dès que l'argent est remis à une province, celle-ci peut décider de la manière de s'en servir; toute la somme versée ne va pas forcément être consacrée à la garde et à l'apprentissage des jeunes enfants, c'est bien cela?

Mme Friendly : Eh bien, ce n'est pas obligatoire, mais c'est l'entente que les parties concluent. Cela repose sur une entente faite de bonne foi, mais le fédéralisme ne fonctionne que s'il y a une bonne foi réciproque entre les parties.

Le gouvernement fédéral a essayé d'exercer une surveillance. Je crois que la surveillance et les données de suivi devaient faire partie du tableau envisagé. Or, il n'y a pas de garde d'enfants et il n'y a pas de données. C'est une entente, une entente fondée sur la réciprocité. C'est le mieux qu'on puisse faire dans une fédération.

Mme Rusch-Drutz : Je crois que le gouvernement fédéral pourrait jouer un plus grand rôle. Des mesures législatives complètes comportant une politique officielle avec des normes nationales régissant la garde et l'apprentissage des jeunes enfants auraient pour effet de créer des normes du point de vue fédéral, ce qui nous amènerait à l'absence de financement adéquat et durable de la part du gouvernement.

Du point de vue provincial, si nous regardons le nombre de places officielles prévu en garderie dans l'ensemble de la province, nous pouvons prévoir la rémunération des professionnels en fonction du revenu provincial. Nous pouvons envisager une formation uniformisée des professionnels de la province ou du territoire, selon le secteur où ils se trouvent.

Je crois qu'il serait possible d'adopter une pédagogie propre à l'apprentissage et à la garde des jeunes enfants en tenant compte des besoins précis de la province dont il est question et de la diversité des éléments qui s'y trouvent. D'un point de vue provincial et territorial, l'absence de connaissances publiques au sujet des programmes d'apprentissage et de garde des jeunes enfants pourrait figurer parmi les éléments invoqués.

Quant à nous, nous constatons qu'il s'agit vraiment pour les trois ordres de gouvernement de collaborer, en sachant que c'est le gouvernement fédéral qui établirait les dispositions générales au moyen de mesures législatives et de politiques officielles.

Mme Friendly : Pour le Canada, le meilleur modèle étudié serait celui de l'Union européenne sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants.

Si j'étais responsable de la question au Canada, je regarderais d'abord l'expérience vécue au sein de l'Union européenne, surtout en France, en Espagne et en Italie, là où il y a bien des éléments en commun. Ces pays ont beaucoup travaillé ensemble pour ce qui est de l'établissement des normes, entre autres.

La situation est différente car l'Union n'a pas de rôle financier à cet égard, mais je crois qu'il existe de nombreuses façons de procéder, dans la mesure où il y a la volonté d'agir, en sachant en même temps que c'est du ressort provincial. Il faudrait de l'argent et un nombre nettement plus grand de politiques officielles.

Le sénateur Poy : Madame Mashkuri, vous avez affirmé que certaines femmes — ou certains enfants, s'ils sont assez vieux — ont peur de signaler les mauvais traitements à la police parce qu'ils n'ont pas la qualité d'immigrant et que, de ce fait, la police pourrait les détenir.

S'ils viennent au pays légalement, pourquoi n'auraient-ils pas la qualité d'immigrant?

Mme Mashkuri : On peut arriver au pays légalement, à titre de visiteur, en ne demandant pas ensuite de renouveler son permis de séjour, sinon on peut demander le statut de réfugié et se le voir refuser... chaque fois que quelqu'un demande le statut de réfugié et qu'il essuie un refus, il est visé par une mesure d'expulsion. Bien des gens n'ont pas la qualité d'immigrant, mais vivent au pays sans ce statut officiel, et ils ont peur d'aborder les autorités en cas de violence.

Le sénateur Poy : Les immigrants reçus se font-ils lire leurs droits dans leur propre langue? Sont-ils informés de leurs droits quand ils viennent au Canada? Les femmes et les enfants en question savent-ils qu'ils peuvent communiquer avec la police, en cas de besoin, s'ils sont victimes de violence au sein de la famille?

Mme Mashkuri : L'immigrant reçu se voit remettre une feuille d'information en arrivant au Canada. Or, si la personne en question — qui peut être parrainée par un membre de sa famille ou avoir la qualité d'immigrant travailleur — éprouve des problèmes liés à la loi ou à un besoin d'être protégée, la feuille d'information en question ne traitera probablement pas des points voulus. L'information ne se trouve pas forcément dans la langue de l'immigrant.

Je crois qu'il faut mieux sensibiliser chacun au fait qu'il a des droits. Par exemple, si une femme est parrainée par son conjoint, elle croit peut-être qu'elle est contrainte de vivre dans un ménage où elle fait l'objet de mauvais traitements. Elle croit peut-être qu'elle ne peut appeler la police, car cela voudrait dire qu'elle serait renvoyée dans son pays. Nous devons sensibiliser les gens.

Il existe de nombreuses formes de relations violentes. Les enfants peuvent attendre pendant 10 ans ou attendre le moment d'atteindre l'âge de 25 ans pour ce qui est du parrainage, suivant le moment qui vient en premier. Cela crée une situation de dépendance. Dans certains cas, sa seule mentalité fait qu'une personne demeurera dans une famille où il y a violence. Certaines personnes ne peuvent se résoudre à demander de l'aide à la police.

Le sénateur Munson : Le sénateur Nancy Ruth a posé des questions sur la violence qui s'exerce en fonction du sexe et l'analyse conséquente du phénomène. Vous avez parlé de surveillance et de données. J'ai devant les yeux certaines des statistiques : des filles, des victimes, huit agressions sexuelles sur dix au sein de la famille. Les statistiques sont très étonnantes, inquiétantes. Vous parlez de la fillette qui continue d'être victime de trafic d'humains et d'exploitation sexuelle.

Je me demande simplement... vous avez dit que nous ne prenons pas du tout au sérieux les droits des enfants, que nous n'avons pas pris au sérieux les droits des femmes ou encore les droits des filles. Je me demande s'il faudrait avoir un chapitre qui porte précisément sur le cas des femmes, des filles, pour que les gens le voient bien. Il est plutôt question d'enfants, globalement, et j'appuierais le sénateur Nancy Ruth sur ce point, car on en parle, puis on n'en parle plus, c'est réglé, et on ne semble pas vraiment prêter attention au cas des jeunes femmes.

Mme Rusch-Drutz : C'est un des problèmes : nous avons remarqué qu'une question en particulier peut attirer l'attention selon ce qui est privilégié à un moment donné dans le discours public; les questions entourant la violence faite aux femmes et aux jeunes filles n'ont plus la cote. Il y a toujours une pointe le 6 et le 7 décembre, chaque année, puis tout redevient tranquille. Nous voudrions que ce ne soit pas le cas.

Mme Friendly : Je crois que la plupart des gens s'entendent sur un point : pour avoir un effet sur les enfants, il faut avoir un effet sur les mères, sur les femmes. C'est le centre de recherches Innocente de l'UNICEF à Florence qui, je crois, a pris pour thème les questions homme-femme dans un de ses bulletins. Il s'agit de recherches faites sur les enfants, mais les femmes sont au cœur de la question. Je crois que vous avez raison; les deux sont fortement liées.

Mme Mashkuri : Je crois qu'il importe, au moment d'étudier les droits des enfants, d'appliquer aussi une analyse homme-femme.

Le sénateur Nancy Ruth : Laissez-vous entendre qu'il vaudrait mieux situer l'étude entière dans une optique homme- femme, une optique raciale, une optique revenus? Croyez-vous que chacune des optiques devrait avoir droit à un chapitre distinct?

Mme Friendly : Il importe de voir les enfants comme des citoyens, et non seulement comme les rejetons de telles et telles personnes. Personne ne veut faire croire qu'il ne serait pas important de voir les enfants comme étant des enfants. Du point de vue de la garde des enfants, je crois que c'est certainement une question qui intéresse les femmes, une question féministe, mais c'est aussi une question qui fait intervenir les droits des enfants. La Convention relative aux droits de l'enfant est centrée d'abord et avant tout sur les droits de l'enfant, et je crois que c'est très important.

Mme Mashkuri : Quelle que soit la politique que vous essayez d'échafauder, il faut toujours, globalement, une analyse homme-femme. Je ne crois pas qu'on puisse limiter cela à un seul chapitre. Toutes les autres formes d'oppression, qu'elles soient fondées sur la race, le revenu, la capacité ou l'orientation sexuelle, devraient être incluses.

Mme Rusch-Drutz : Je ne crois pas qu'une seule optique ou un seul filtre suffise. De fait, je crois qu'il y a divers points d'intersection où différentes optiques vont coïncider, où nous allons voir divers liens.

La présidente : Comme d'habitude, nous commençons à manquer de temps. Souvent, nous entamons le dialogue sans avoir l'occasion de le poursuivre. Si vous avez d'autres réflexions, pensées, documents dont vous souhaitez faire profiter le comité, n'hésitez pas à le faire. Nous avons entendu vos messages initiaux, et nous vous en remercions. Merci d'être là aujourd'hui.

Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons passer immédiatement à la table ronde des jeunes. Je vous encourage à demeurer parmi nous, à moins qu'il ne soit absolument nécessaire pour vous de quitter.

Nous sommes en train d'étudier la Convention relative aux droits de l'enfant et, comme vous le savez, il s'agit d'une convention qui articule les droits des jeunes. Il est question de jeunes ayant moins de 18 ans, mais je sais que, parfois, quand nous disons que les jeunes sont ceux qui ont jusqu'à 16 ans, ils peuvent s'offusquer, mais nous disons que c'est là une définition juridique et non pas une définition qui porterait sur le degré de maturité de la personne.

Nous avons essayé d'inclure des avis et des commentaires de jeunes sur la Convention relative aux droits de l'enfant; ce qu'ils en pensent, ce qu'ils pensent que nous devrions faire pour mieux la faire connaître. Nous demandons à notre groupe de témoins de nous dire comment respecter la convention et de nous révéler toute autre chose qui, à votre avis, devrait nous éclairer au moment où nous allons préparer notre rapport.

Le sénateur Nancy Ruth vient d'arriver. Elle vient de Toronto. Le sénateur Poy vient aussi de Toronto. Le sénateur Pearson, notre victime de discrimination fondée sur l'âge, vient d'Ottawa. Le sénateur Munson dit qu'il vient parfois d'Ottawa et parfois du Nouveau-Brunswick, alors c'est difficile de le savoir. Je suis moi-même le sénateur Andreychuk de Regina. Josée Thérien est notre greffière, et Laura Barnett, notre recherchiste.

Judy Finlay, modératrice, Bureau d'assistance à l'enfance et à la famille : Je vais commencer et, ensuite, les jeunes auront l'occasion de prendre la parole. Nous allons les présenter un à la fois.

Je suis intervenante en chef au Bureau d'assistance à l'enfance et à la famille. À titre de présidente, je représente aussi le Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits des enfants et des jeunes. Je sais que vous vous êtes entretenu avec mes collègues partout au pays, et nous vous avons présenté un mémoire en février 2005. Je ne voudrais pas reproduire les conversations ainsi tenues.

Je suis heureuse de dire, quand même, qu'il y a maintenant au Canada neuf provinces où il y a un bureau d'aide aux enfants et aux adolescents. Nos effectifs ont augmenté depuis la dernière fois où je me suis adressé à vous. Le projet de loi 165 a franchi le stade de la première lecture en Ontario. Il donnera au Bureau d'aide aux enfants et aux adolescents l'indépendance recherchée et nous protégera contre l'ingérence du gouvernement, ce qui est merveilleux.

Étant donné que chacun des bureaux doit veiller sur les droits et les prestations des enfants suivant la définition donnée dans les lois provinciales et la Convention de l'ONU et que la Convention en question est le fondement de tout notre travail, il n'y a pas d'équivalent fédéral de l'intervenant ou du commissaire à l'enfance au Canada. Je sais que je n'ai pas besoin de vous le rappeler à vous, mais je le fais pour le compte rendu.

En l'absence d'une loi habilitante et/ou d'un mécanisme de conformité officiel, l'engagement pris de cultiver l'intérêt supérieur de l'enfant en tant que détenteur de droits est diminué.

Aujourd'hui, je veux souligner les questions qui demeurent préoccupantes aux yeux des intervenants à l'enfance partout au pays, questions où les progrès se sont révélés limités et auxquelles il faut réfléchir, particulièrement en ce qui concerne les droits des enfants. Je vais également traiter des questions où il y a eu des progrès notables.

Pour prendre moins de temps et donner à chacun l'occasion de parler, je vais m'en tenir à deux questions. Ma première est celle des enfants des Premières nations au Canada. Depuis quatre ans, les difficultés que vivent les enfants des Premières nations représentent la première question en importance au Conseil canadien des organismes provinciaux de défense des droits des enfants et des jeunes. Nous modifions l'ordre de priorité tous les ans, mais cette question particulière figure en tête de liste chez nous depuis quatre ans.

Les enfants autochtones forment le groupe d'enfants le plus vulnérable qui soit au Canada de nos jours; à mon avis, il en ira de même à l'avenir. Les probabilités sont plus grandes qu'ils naissent dans un contexte de pauvreté, qu'ils éprouvent des problèmes de santé, qu'ils soient victimes de mauvais traitements, qu'ils soient placés loin de leur famille et de leur collectivité d'origine dans le réseau provincial et territorial de services à l'enfance et les probabilités sont plus grandes qu'ils soient détenus dans des établissements pour jeunes contrevenants. Le taux de suicide chez les jeunes en question est effrayant. Cela va directement à l'encontre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

L'attention accordée aux membres des Premières nations par les deux ordres de gouvernement est pour nous une amère déception. Les querelles intergouvernementales débouchent sur une forme d'intransigeance qui empêche de bien répondre aux besoins aigus et très graves des enfants en question.

En Ontario, quand je donne l'occasion aux politiciens ou hauts fonctionnaires ou aux membres d'ONG ou à des fournisseurs de services ou à des fondations ou même à des citoyens de venir voir eux-mêmes les conditions qui existent dans le Grand Nord, personne n'arrive à fermer les yeux sur la situation.

Nous avons en Ontario un partenariat Nord-Sud qui se compose d'ONG et de membres de la société civile, qui font cause commune avec 30 communautés accessibles uniquement par avion dans le Nord. Étonnamment, dans le Grand Nord, on ne trouve ni ONG ni Centraide, ni Armée du Salut ni Centres d'amitié indiens.

En partenariat et à la demande des communautés en question, nous aidons les gens pour qu'ils puissent subvenir à leurs besoins fondamentaux. Nous avons demandé à Save the Children U.K. et Save the Children U. S. de venir jeter un coup d'œil aux conditions de vie des Autochtones dans le Grand Nord. Nous sommes en train d'achever les évaluations en ce sens et organisons des occasions pour les jeunes de se mobiliser dans le Grand Nord.

Par le partenariat, nous souhaitons sensibiliser le public aux privations que vivent les gens des Premières nations. Nous aspirons à répondre aux besoins à court terme des gens. Nous collaborons à l'élaboration de stratégies à long terme. Notre but véritable consiste à encourager les gouvernements à agir de manière responsable.

Ma deuxième question est celle de la citoyenneté. Nous encourageons une idée établie en affirmant que l'enfant est l'avenir de l'homme, mais, parfois, c'est au détriment d'une autre idée : accepter les enfants au moment présent, en tant que citoyens, aujourd'hui. Les enfants et les adolescents nous demandent de délaisser les principes et les pratiques associés à la simple mobilisation des jeunes pour les accepter plutôt comme citoyens de plein droit.

À mon avis, il faut réunir quatre éléments à cet égard pour que les jeunes puissent être citoyens de plein droit. Ce sont les droits et les responsabilités; l'accès aux droits et aux responsabilités en question; une expression et une participation réelles aux affaires de la société; et un sentiment d'appartenance à leur collectivité ainsi que l'identité qui en découle.

Participer véritablement veut dire : « Ne discutez pas de nous si nous ne sommes pas là. » Partout au pays, les intervenants utilisent cette expression africaine depuis près d'une décennie. Maintenant, l'UNICEF et nombre de nos collègues au Canada l'adoptent. Le dire est une chose; le traduire en actes est une autre. Voilà le défi que nous devons relever.

Le changement le plus important que j'ai pu constater en Ontario en ce qui concerne la Convention, c'est que nous offrons maintenant aux jeunes l'occasion de s'exprimer au sujet des décisions qui les touchent. Les jeunes exigent que nous leur donnions l'occasion non seulement de s'exprimer, mais aussi celle de participer véritablement aux choses, et ils souhaitent voir du changement.

Il y a cinq ans, les projets de mobilisation des jeunes dignes de ce nom étaient très rares en Ontario. Maintenant, cela me stimule de pouvoir dire qu'il y a bon nombre d'organismes-cadres qui chapeautent de nombreux réseaux de jeunes. Chacun d'entre eux se voue à la tâche qui consiste à mieux faire entendre les jeunes de concert avec l'article 12 de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant. J'en ai dressé une liste que je vous ai remise, mais j'ai noté une douzaine d'organismes-cadres qui sont autant de tribunes où les jeunes peuvent se faire entendre.

Les jeunes venus représenter ces organisations aujourd'hui sont nombreux. Je vais vous donner quelques exemples de la façon dont les jeunes ont pu véritablement s'exprimer et participer aux choses en Ontario, même si je sais qu'il y en a beaucoup plus. Comme vous le savez, les jeunes ont eu leur mot à dire dans l'étude de l'ONU sur la violence faite aux enfants. Des jeunes ont participé à l'enquête et se sont adressés à d'autres jeunes à l'occasion de discussions de groupes partout au Canada. Ils ont produit leur propre rapport, dans leurs propres mots, ainsi que de l'art produit par les enfants sur le thème de la violence. Voilà une occasion que les jeunes ont eue de s'exprimer, et cela fait partie du mémoire du Canada à l'intention des Nations Unies.

De même, les jeunes étaient représentés au comité législatif chargés des réformes de la législation relative aux services à l'enfance en Ontario, et des jeunes y sont allés faire valoir leur point de vue, un peu comme aujourd'hui. De fait, la législation a fait l'objet de modifications importantes — la législation en matière de services à l'enfance en Ontario — parce que les jeunes ont pu ainsi s'exprimer. L'élaboration des politiques concernant les questions relatives aux enfants en Ontario permet maintenant que les jeunes s'expriment sur les enjeux avant que toute politique prenne officiellement forme.

Les jeunes présents aujourd'hui proviennent des projets et organismes East Metro Youth Services, Violence Intervention Project, Cedarbrae Collegiate, Respect in School Everywhere, RISE Program, Pape Adolescent Resource Centre, Network Group et Poplar Road Junior Public School. Tous les jeunes en question participent aux travaux de l'un des comités du Bureau d'assistance à l'enfance et à la famille.

Je vais maintenant céder la parole à Nana, des East Metro Youth Services, qui va présenter les jeunes de son bureau.

Nana : Certains des jeunes qui sont là proviennent des East Metro Youth Services. D'abord, nous tenons à remercier le comité de nous permettre de profiter de cette merveilleuse occasion.

En tant qu'étudiante à l'université, j'ai assisté à un cours sur les droits des enfants et j'ai appris que le Canada a été un chef de file dans l'établissement de la Convention relative aux droits de l'enfant; je suis vraiment fière de ce que notre pays a accompli, pour nous-mêmes et pour le reste du monde.

Il semblerait que le Canada continue d'innover et de montrer la voie à ce sujet, à preuve le fait que vous invitiez des jeunes à venir s'entretenir avec vous. Il est extraordinaire que les politiciens nous permettent de venir assister aux séances du comité et dire ce que nous avons sur le cœur.

Je vais vous présenter les jeunes qui prendront la parole aujourd'hui. Le premier est Devi, qui n'est pas un jeune, mais il parlera au nom des jeunes. Il y a aussi Lewesi, qui va aussi nous parler, et Cheryl, Lucilia et, ensuite, Marcus. Après eux, il y aura Danielle, Julaine, Sarah et Aisha.

Je tenais simplement vous avertir : la plupart de nos jeunes n'ont jamais pris la parole en public comme ils s'apprêtent à le faire, et certains d'entre eux sont pas mal nerveux.

La présidente : Nous le sommes aussi.

Le sénateur Nancy Ruth : Nous n'avons pas l'habitude d'accueillir des jeunes.

Nana : Vous allez devoir nous excuser d'être nerveux, mais il n'y a rien de plus puissant que le fait de se retrouver avec des jeunes quand certaines choses prennent vraiment forme, et c'est une chose que j'ai l'occasion de vivre quand je travaille auprès des jeunes.

Quand je suis assise dans mon bureau et qu'un jeune arrive pour me dire que mes jeunes sont dans la rue, c'est un message qui est très, très puissant. C'est ce que nos jeunes sont venus vous dire aujourd'hui. Ils vont venir s'asseoir avec vous pour parler avec vous. Vous pouvez vous asseoir avec eux dans leur zone, leur zone de confort, pour les entendre et les voir à l'œuvre. Je vais simplement laisser la parole à Devi maintenant.

Devi : Bonjour, je m'appelle Devi, et mon travail est de coordonner le programme RISE. Je ne vais pas prendre beaucoup de votre temps. Comme vous le voyez bien, je ne suis pas jeune.

Le sénateur Munson : Vous l'êtes de notre point de vue.

Devi : Je voulais dire que, malheureusement, le nombre de jeunes a diminué par rapport au nombre qui voulait être là pour participer à la discussion. La raison en est que nous n'arrivons pas à bien coordonner les choses, pour que les jeunes puissent venir ici défendre eux-mêmes leurs points de vue. Des jeunes de Cedarbrae, David et Mary Thompson, et les écoles de préparation de la relève, m'ont demandé de les représenter aujourd'hui, mais je trouve que ce n'est pas juste. Je suis venu vous demander de venir vous-mêmes voir les jeunes. Je leur ai dit que je viendrais ici demander au comité sénatorial s'il est prêt à aller à la rencontre de ces jeunes.

Je crois que vous seriez plus efficaces, comme Nana l'a dit, si vous les rencontriez dans leur zone de confort. Ensuite, cela tiendrait compte du fait qu'un grand nombre des étudiants qui sont là aujourd'hui sont en période d'examens. Ceux qui sont là ont donc modifié rapidement à leur horaire, pour pouvoir être là, mais plusieurs autres n'ont pu le faire.

Puis, je crois aussi que les tribunes que nous créons et la manière de les créer... il est important de les adapter aux jeunes. Si nous disons que ce sont eux les spécialistes de leur expérience, il faut les rencontrer dans un environnement qui leur permet de s'exprimer. Voilà les choses que je tenais à souligner.

Je vous invite à aller à la rencontre de ces jeunes pour qu'ils puissent vous donner l'information eux-mêmes. Merci.

Lewesi : Bonjour, mesdames et messieurs, je m'appelle Lewesi. Je profiterais de l'occasion pour dire simplement : merci de me permettre de vous faire part de mes idées sur les droits des enfants aujourd'hui.

Comme le temps prévu pour parler est court, j'aimerais aborder tout de suite certaines des questions dont j'aimerais discuter avec le groupe. À regarder de près les droits économiques, sociaux et culturels qui se trouvent dans la Convention, nous en trouvons trois que j'aimerais personnellement porter à votre attention.

Ce sont le droit à un niveau de vie suffisant; le droit à l'éducation; et le droit aux loisirs, de se livrer au jeu et de participer à des activités artistiques et culturelles.

Je profiterais du moment pour parler librement au groupe de ces trois dispositions. La première dont j'aimerais parler est celle qui prévoit le droit à un niveau de vie suffisant. J'habite une localité, un quartier que certains d'entre vous connaissent peut-être : c'est Malvern. Je vois toutes sortes de maisons à Malvern, et le niveau de vie qu'elle laisse voir est parfois très bas. Ma tante, — je l'appelle ma tante — habite une de ces maisons. Une fois, son sous-sol a été inondé, mais le propriétaire ne lui est pas venu en aide, et je crois que c'était des logements de la coopérative TCHC.

J'aimerais dire que, à cause du coût de la vie élevé, les parents passent moins de temps avec leurs enfants et font moins des choses qu'ils pourraient faire, en fait, pour aider les enfants à mieux s'instruire et ainsi de suite. Je mentionnerais aussi que bon nombre de ces maisons sont mieux connues pour toute la violence qui y est associée — les gangs et les armes à feu —, que pour un niveau de vie élevé.

Le deuxième droit dont je voudrais parler, c'est le droit à l'éducation. Je me souviens du temps où j'étais à l'école secondaire, au premier cycle, et que j'ai entendu parler des grandes coupes qui allaient être faites dans les écoles secondaires, juste avant que j'arrive au cycle supérieur. Les enseignants s'en allaient en grève parce que les activités parascolaires devaient être réduites. Il s'agit parfois d'activités essentielles pour les jeunes.

Je parle beaucoup de cette question par les temps qui courent. L'école représente un des plus importants aspects de la socialisation pour tous les jeunes : nous sommes là pendant longtemps, de la prématernelle à l'université. Les réductions nous ont touché, nous les jeunes et les enfants, dans les écoles.

J'aimerais vous parler des élèves, des cours, des psycho-éducateurs. J'aspire à devenir psycho-éducateur et à aider les autres enseignants à comprendre la raison pour laquelle ces enfants ont des troubles de comportement, à mettre en place de meilleures techniques et à améliorer la situation dans les classes qu'ils doivent fréquenter, en dehors des cours axés sur le comportement.

J'étudie au niveau collégial maintenant, et mon stage de première année était dans une classe d'enfants ayant des troubles de comportement — article 20 — où il était remarquable de voir l'interaction des enseignants et des étudiants qui avaient des troubles de comportement. Mon prof me disait souvent que les autres enseignants ne l'appuyaient pas. Ils étaient d'avis que tous les problèmes devaient être pris en charge par le psycho-éducateur. Si l'étudiant avait un problème quelconque, il s'agissait simplement de l'envoyer immédiatement chez le psycho-éducateur. Cela me brisait le cœur.

Je voulais dire : si vous regardez les quartiers d'où viennent les enfants troublés en question, vous remarquez une tendance, soit qu'ils proviennent des mêmes coopératives que celles dont j'ai parlé plus tôt. J'aimerais parler aussi du cas des jeunes qui font l'objet d'un mauvais diagnostic.

Le sénateur Nancy Ruth : Pouvez-vous me dire ce qu'est un cours pour enfants ayant des troubles de comportement? Est-ce un cours de réforme pour les « cas problèmes ».

Lewesi : Oui, sénateur, c'est ce que c'est; mais ça change de nom tout le temps.

Oui. Il y a des jeunes qui vont à l'école et qui reçoivent un mauvais diagnostic et qui reçoivent des pilules. J'ai entendu parler d'un jeune en particulier, il était à une émission à CBC l'autre soir; ce jeune a reçu un si grand nombre de mauvais diagnostics, et il a dû — il y avait toutes ces pilules dans la paume de sa main. C'était effrayant à entendre, mais, pour avoir fréquenté l'école, je vois que ces jeunes reçoivent souvent ce diagnostic simplement pour être écartés du chemin.

J'aimerais aussi parler des jeunes qui vivent dans mon quartier. Ils ne sont pas capables de s'amuser, d'être simplement des enfants. Je pourrais parler de certains enfants que je connais qui doivent être enfermés chez eux en raison de la thérapie et de situations violentes ou du fait d'être kidnappés ainsi de suite. Il y a même des jeunes qui se font enfermer chez eux parce qu'ils savent qu'il n'y a pas d'autres jeunes avec qui jouer dehors.

Je pourrais vous en parler pendant des heures. Trois minutes, ça ne suffit tout simplement pas pour moi. Je vais donc implorer le groupe de continuer à travailler pour créer un meilleur avenir pour les enfants de demain et de mobiliser ceux qui sont prêts à livrer leurs pensées. Merci beaucoup.

Cheryl : Bonjour, je m'appelle Cheryl. Je suis une Ojibwa, de l'Ontario, mais je suis née à Toronto. J'ai été élevée à Toronto aussi. Je travaille pour les East Metro Youth Services au projet d'intervention contre la violence. Je m'excuse, je suis un peu nerveuse. Si je deviens tout rouge, vous allez savoir pourquoi.

La présidente : Quand je suis assise à côté du sénateur Nancy Ruth, je suis nerveuse moi aussi.

Cheryl : Les enfants autochtones qui ne vivent pas dans les réserves ont de la difficulté à apprendre leur véritable histoire. Certains d'entre eux ne comprennent pas pourquoi leurs parents ne leur enseignent pas leur propre langue ou qu'ils ne leur enseignent pas leur propre culture. C'est parce que leurs ancêtres ont été placés dans des pensionnats partout au Canada. Cela fait que toute la génération suivante s'est effondrée et s'est tournée vers l'alcool et la drogue pour noyer sa peine et sa perte d'identité.

L'objectif de l'assimilation a dévasté tous ceux qui ont été maltraités du point de vue physique, sexuel et affectif. Cela fait aussi que des générations de pensionnats ont refilé le traumatisme à leurs enfants.

Les enfants et les adolescents autochtones doivent apprendre à connaître leur culture et leur langue pour survivre. Si le cycle continue et que la culture et la langue autochtones ne sont pas réenseignées aux enfants et aux adolescents, ce sera peut-être perdu à jamais, et les jeunes n'auront plus leur propre caractère ethnique.

Les enfants et adolescents autochtones d'aujourd'hui doivent apprendre leur véritable histoire parce que cela peut leur sauver la vie et les aider à se trouver une identité et à réussir dans le vrai monde. Leur héritage doit être réanimé pour que la prochaine génération puisse transmettre sa culture et sa langue.

Si les enfants et adolescents autochtones pouvaient apprendre leur histoire, leur culture et leur langue véritables, ils deviendront des êtres équilibrés du point de vue mental, physique, émotif et spirituel. Cela en fera des êtres entiers qui ne se tourneront pas vers l'alcool ou la drogue pour se cacher, mais qui se lanceront sur un nouveau chemin pour améliorer leur culture en vue des générations à venir.

Une solution serait peut-être de permettre aux jeunes Autochtones de s'exprimer en établissant des programmes centrés sur les jeunes Autochtones. En habilitant les jeunes et en enseignant à d'autres enfants et adolescents autochtones, cela attirera certainement leur attention. Une autre idée serait d'organiser une activité pour s'attaquer à ces questions, ou les enfants et les adolescents pourraient échanger des idées de solutions à certains des principaux problèmes qui touchent les jeunes Autochtones aujourd'hui. Ils pourraient aussi créer un groupe spécial qui avancerait des idées pour résoudre les problèmes soulevés à ces événements.

Si les jeunes pouvaient s'exprimer sur les questions qui touchent les jeunes Autochtones, ce serait un avantage pour la génération, un avantage extraordinaire, car ils apprendraient leur histoire et trouveraient peut-être des solutions à leurs problèmes. Aussi, du fait de pouvoir s'exprimer, les enfants et adolescents commenceraient à porter le flambeau ethnique en vue de le transmettre aux générations à venir.

Je tiens à vous remercier d'avoir écouté ce que j'avais à dire et je vous inviterais à voir mon programme si vous voulez savoir plus de choses sur les luttes des Autochtones. Merci beaucoup.

Lucilia : Bonjour. Je m'appelle Lucilia et je suis ici avec le BIP, le Balanced Intervention Project.

Je suis là simplement pour vous parler de mon point de vue, celui d'une mère seule. Je suis mère seule avec deux petites filles. Mes filles ont cinq ans et deux ans. Je voudrais simplement vous dire que ce n'est pas ma faute; je n'ai pas choisi d'être seule. C'est juste que toutes les responsabilités tombent sur une seule personne.

Je crois que ce seul fait cause de la violence parce qu'il y a tant de pauvreté chez les jeunes mères célibataires de nos jours. Je m'excuse, je suis vraiment nerveuse. Moi et mes autres amies, nous avons vécu beaucoup d'épreuves parce que nous vivons dans la pauvreté. Essentiellement, c'est ce que je suis en train de dire.

Le manque de logement nous a aussi touchés grandement, moi et mes enfants. Je n'arrive pas à avoir un logement satisfaisant parce que ce n'est pas une priorité. Pour moi, c'est un gros problème : à mon avis, étant donné que je suis une mère célibataire qui élève deux enfants, je devrais avoir la priorité. Je ne devrais pas avoir à attendre cinq à dix ans. En ce moment, je n'ai pas de logement. Je vis dans un refuge et je cherche un logement décent pour mes enfants. Je n'y arrive pas parce que je n'arrive pas à trouver un logement.

Ils me forcent à payer le loyer du marché, ce qui m'oblige à demander l'aide sociale. L'aide sociale ne m'aide pas vraiment à répondre à mes besoins fondamentaux. Je suis toujours dans une situation où je ne peux pas répondre à mes besoins personnels, et mes enfants en souffrent.

Je crois que le gouvernement a la responsabilité de protéger et d'aider les pauvres, et de fournir plus de logements, surtout aux mères célibataires parce que leurs enfants subissent les conséquences de la situation instable de leurs parents. Comme je ne suis pas toujours capable de donner à mes enfants ce dont ils ont besoin, je pense parfois que ces enfants ont un comportement violent simplement parce que leurs parents ne peuvent pas subvenir à leurs besoins. Selon moi, le gouvernement pense qu'il nous aide, mais, si c'est le cas, pourquoi sommes-nous toujours dans cette situation? Pourquoi sommes-nous ici à parler de ce problème?

La présidente : Êtes-vous également aux études ou vous consacrez-vous à vos enfants?

Lucilia : J'essaie seulement de prendre soin de mes enfants, mais il y a de nombreux facteurs qui m'empêchent de le faire. Je crois qu'il s'agit d'un cercle vicieux dont je ne pourrai jamais me sortir à moins que vous adoptiez une loi qui ferait baisser le loyer du marché de 50 p. 100. Il devrait y avoir plus de logements pour nous parce que nous en avons vraiment besoin.

Ce serait bien si vous veniez un jour voir comment nous vivons et ce que nous vivons. Comme il n'y a pas beaucoup de mères célibataires ici aujourd'hui, vous n'entendez pas leurs opinions. Je crois que vous devriez venir voir les lieux où nous habitons. Merci.

Marcus : Bonjour tout le monde. Je suis Marcus. Je suis ici au nom du East Metro Youth Service. Je veux parler du racisme qu'il y a contre les jeunes Noirs dans la collectivité.

J'ai écrit mon discours parce que je voulais discuter avec vous de la discrimination que le gouvernement fait subir aux jeunes Noirs et des conséquences que ça a pour nous, moi et d'autres jeunes de la RGT.

De nos jours, les jeunes Noirs sont jugés de manière négative. Pourquoi sommes-nous considérés comme différents? Est-ce que c'est seulement en raison de notre manière de nous comporter? Pourquoi les jeunes Noirs d'aujourd'hui doivent-ils se démener dans la vie, lutter et vivre une vie difficile?

Il me semble que les jeunes Noirs sont toujours ceux qui se font prendre pour certains crimes, et nous sommes alors perçus différemment par les autres membres de la société simplement en raison de la couleur de notre peau. Ils pensent que nous planifions toujours un mauvais coup envers quelqu'un ou l'environnement. Quand un jeune d'une autre race fait un mauvais coup, il se fait taper sur les doigts, et c'est tout. C'est comme si la société pense que nous sommes des délinquants ou que nous sommes responsables d'activités criminelles en raison de ce que nous portons. Parfois, nous sommes incapables de faire comprendre notre point de vue aux policiers, dont le travail est de protéger et de servir la collectivité. Selon les livres des droits, nous jouissons tous de la liberté d'expression, mais nous ne sommes presque jamais entendus. À mon avis, ils méprisent toujours les jeunes même si certains d'entre nous tentons de grandir dans ces milieux violents.

Les jeunes de la communauté noire semblent toujours se retrouver dans des situations difficiles. Quand un jeune Noir tente de trouver du travail, il ou elle est considéré comme un jeune en difficulté sans expérience et difficile à former. Nous sommes donc souvent considérés comme inexistants au sein de la population active. Je pense que le monde serait meilleur si les jeunes Noirs au Canada et partout sur la planète ne subissaient pas de discrimination.

Je ne crois pas qu'on devrait nous juger selon l'extérieur parce que le caractère est plus important que l'apparence. Comme l'a affirmé le grand Martin Luther King Junior :

Je rêve que mes quatre enfants habiteront une nation où ils seront jugés non pas par la couleur de leur peau, mais par leur caractère.

J'aimerais vous remercier de m'avoir donné l'occasion d'exprimer mon opinion sur le racisme dans la collectivité. J'espère que vous pourrez visiter East Metro, l'endroit où je travaille, et notre milieu. J'aimerais que le comité vienne à Markham et à Scarborough. Merci.

Danielle : Bonjour. Je m'appelle Danielle et je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser à votre comité. Je voudrais parler de quatre articles de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant.

En vertu de l'article 11, les enfants ont le droit de ne pas être kidnappés. Parfois, quand je vais au Wal-Mart, je regarde le mur des enfants disparus près des salles de toilette. J'estime alors qu'on n'en fait pas assez pour trouver les enfants disparus. Le gouvernement fait-il tout son possible pour trouver ces enfants?

Parfois je me fâche parce qu'il me semble qu'il ne fait pas tout son possible. Pourquoi est-ce que ce sont toujours les mêmes enfants — certains enfants ont disparu il y a si longtemps? Parfois il me semble que tout le monde, y compris le gouvernement, a jeté l'éponge et a mis leurs photos sur un mur en espérant que quelqu'un les voie.

Quelles sont les autres mesures prises par le gouvernement pour trouver les enfants disparus? Si j'avais disparu, je voudrais savoir que le gouvernement et vous ne cesseriez jamais d'essayer de me trouver même si ma disparition datait de loin.

Je crois que chaque journal devrait comprendre une section sur les enfants disparus. On ne parle pas d'un chat ou d'un chien qui s'est enfui. Tout le monde devrait répandre la nouvelle le plus possible. Vous publiez les photos de chats et de chiens disparus, mais une personne n'est-elle pas plus importante? C'est triste si votre chat ou votre chien s'enfuit, mais s'il s'agissait de votre enfant, ne seriez-vous pas fâché, en tant que parent, de seulement voir la photo de votre enfant affichée sur le mur d'un Wal-Mart?

On a Internet aussi. Pourquoi n'affichons-nous pas les photos d'enfants disparus sur des sites Web que les gens visitent quotidiennement, comme MSN ou Yahoo?

Les articles 4 et 42 portent sur la connaissance des droits. J'ai seulement entendu parler des droits des enfants quand ma mère m'a demandé si je voulais faire du bénévolat au bureau de la défense des droits. J'ai appris beaucoup de choses depuis que j'ai commencé à travailler dans ce bureau. Je suis chanceuse d'en avoir appris autant, mais un grand nombre de mes amis interprètent mal leurs droits. Selon moi, les gens ne savent pas que les enfants ont des droits particuliers. Je crois qu'on devrait en parler beaucoup plus dans les écoles. Il est également important pour les parents et les enseignants de mieux comprendre les droits des enfants.

L'article 31 porte sur les loisirs, le jeu et la vie culturelle. Certains parents sont trop occupés en raison du travail, des déplacements et de tout ce qu'ils doivent faire à la maison. Il est parfois difficile pour les enfants de trouver le temps de faire des activités à l'extérieur. Les parents n'ont pas tous l'argent ni le temps libre nécessaires aux activités. Certains enfants passent tout leur temps devant la télé, et ce n'est pas toujours juste. De plus, certains enseignants donnent beaucoup trop de devoirs, ce qui fait en sorte qu'il est difficile de trouver le temps de se reposer et de jouer.

L'article 12 porte sur le respect des opinions de l'enfant. L'une des choses qui me dérange, c'est qu'on met trop de pression sur certains enfants pour qu'ils réussissent. Certains enfants subissent beaucoup de pression même s'ils disent qu'ils sont heureux comme ça. Un enfant ne doit pas subir trop de pression. S'ils ne réussissent pas, ils ont peut-être besoin d'aide. S'ils sont intelligents et réussissent, pourquoi les pousser encore plus et les traiter comme des trophées? Si un enfant affirme être heureux et que ses notes sont bonnes, pourquoi les parents s'attendent-ils à plus? Pourquoi ne pas les laisser être des enfants?

J'aimerais également dire que je suis très heureuse de travailler au bureau de la promotion des droits et de contribuer au bulletin d'information. Je crois qu'il s'agit d'une excellente occasion pour les enfants de s'engager et de faire part de leurs opinions au gouvernement. J'espère que je pourrai continuer de travailler sur le bulletin d'information et que les enfants nous écriront.

J'aimerais encourager le comité sénatorial à écouter les opinions d'un plus grand nombre d'enfants. J'aimerais vous inviter à mon école pour que vous puissiez apprendre ce que c'est que d'être enfant au Canada. J'aimerais vous présenter à beaucoup d'autres enfants comme moi. Je sais qu'ils seraient très contents. Ça a été un plaisir de m'adresser à vous.

Julaine : Bonjour. Je m'appelle Julaine et je représente le PARC, c'est-à-dire le Pape Adolescent Resource Centre. Je vais vous parler des jeunes qui sont en foyer d'accueil. Nous faisons le plus souvent l'objet de stéréotypes. Les gens croient toujours que nous ne sommes pas de bons jeunes ou que nous ne faisons pas ce que nous sommes censés faire, mais il y a des jeunes qui sont en foyer d'accueil et qui se démènent vraiment pour tout faire comme il faut. Vous ne nous motivez pas, vous ne nous aidez pas et vous nous critiquez sans cesse.

Il y a beaucoup de choses qui se passent. Le problème, c'est que nous n'avons jamais l'occasion d'en parler. Quand on en parle, les gens disent : oui oui, on va régler le problème, on va régler le problème. Nous ne voulons pas vous entendre dire que vous allez régler le problème; nous voulons que vous fassiez quelque chose. Nous voulons que vous agissiez et que vous disiez : ok, voici la situation et voici ce que nous sommes en train de faire.

Les gens me disent toujours : « Ouais. J'en parlerai à la personne concernée; j'en parlerai à la personne concernée. Je vais m'en occuper. » Jamais rien ne se passe. Vous devez donc prendre l'initiative et dire : « Ok, puisque vous ne faites rien, je vais faire quelque chose. »

Nous essayons de vous parler, et vous nous dites : « Ouais, ouais, ouais. Je t'ai entendu la première fois. Je t'ai entendu la deuxième fois. » Mais rien ne se passe, et nous sommes souvent victimes de stéréotypes. Par exemple, si je sors avec la mère de ma famille d'accueil et je dis : « C'est la mère de ma famille d'accueil », on me répond : « Oh. Je suis désolé » ou « C'est dommage que tu sois dans cette situation » et toutes sortes de choses comme ça. « J'espère que tes parents souffrent en ce moment. » Ce n'est vraiment pas gentil. Si vous pouvez faire quelque chose pour régler ce problème, ce serait bien.

Sarah : Bonjour. Je suis Sarah.

Aisha : Je suis Aisha.

Sarah : Nous allons toutes les deux vous adresser la parole. Nous participons au Ambassador program, et le PARC et ses agents de probation orientent la plupart des élèves de notre école. Aisha et moi avons discuté d'un problème que nous avons toutes les deux. Nous sommes incapables de trouver un emploi. Je suis moi aussi sous la responsabilité de la société d'aide à l'enfance.

Aisha : Moi aussi, je suis en foyer d'accueil.

Sarah : Quand j'habitais avec ma mère, c'était dans un projet domiciliaire. J'avais beaucoup de difficulté à trouver un emploi. J'ai fait beaucoup de bénévolat. Je parle couramment le français et l'anglais. J'ai toujours essayé de trouver un emploi, et les seules personnes qui ont voulu m'embaucher étaient les responsables du PARC, et c'était pour le projet que j'ai réalisé au cours de l'été. Sinon, souvent, quand je postule un emploi, je me sens jugée à cause de mes perçages. Je comprends qu'ils ne soient pas permis dans l'industrie alimentaire, mais j'ai l'impression que les employeurs ne prennent même pas la peine de regarder mon curriculum vitae.

Un autre gros problème que j'avais quand j'habitais avec ma mère, c'était mon quartier, et Aisha avait le même problème. Selon moi, les employeurs potentiels ne pensent pas que je suis capable de faire les mêmes choses qu'un jeune de 20 ans à cause de mon âge. J'ai fait beaucoup de bénévolat et je pense qu'on me considère comme une personne irresponsable parce que j'ai 17 ans. Je ne pense pas que les employeurs tiennent compte du fait que je suis aussi compétente qu'un autre. Je veux dire, on m'a donné beaucoup de responsabilités quand j'étais encore très jeune. Je veux dire que je fais les choses sérieusement.

Aisha : Vous savez déjà que je m'appelle Aisha. Je suis moi aussi en foyer d'accueil. J'habitais avec ma mère dans un logement subventionné qui se trouvait dans un quartier médiocre où il y avait pas mal de corruption. Les jeunes du quartier ne sont pas motivés parce qu'ils sont des bénéficiaires typiques de l'aide sociale ou qu'ils habitent là parce que leurs grands-parents habitaient eux aussi dans ce quartier. Il y a de l'histoire là-bas.

Il y a un centre d'emploi dans le quartier, et j'ai beaucoup de difficulté à trouver un emploi, comme Sarah. Depuis quatre mois, j'envoie des curriculum vitae et je me présente partout. Je trouve ça difficile parce qu'il y a beaucoup d'endroits, comme les centres d'emploi et le YMCA, qui peuvent nous aider, mais leurs moyens sont limités parce qu'ils ne reçoivent pas assez de financement. Les fonds qu'ils reçoivent ne sont pas suffisants, ou ils ne sont pas bien organisés.

Nous sommes relégués aux oubliettes. Nous nous présentons à des endroits pour obtenir de l'aide, mais aucune aide n'est disponible. Ils considèrent que nous n'avons pas d'expérience. Ils nous offrent des emplois dans le télémarketing ou d'autres domaines qui ne correspondent pas aux emplois que nous cherchons. Je pense alors qu'on devrait tout de même nous donner une chance parce que nous sommes responsables. Il faut être très responsable pour être en foyer d'accueil, et on acquiert beaucoup le sens des responsabilités quand on est dans cette situation. Il y a beaucoup d'exigences liées au fait d'être en foyer d'accueil pendant une période prolongée ou de vivre seul, et il faut acquérir toutes ces compétences.

À bien des égards, nous sommes qualifiés pour occuper de bons emplois, mais les gens ne nous prennent pas en considération parce que nous sommes jeunes et victimes de stéréotypes. Je pense que l'endroit où je vis est également un facteur. J'inscris mon adresse sur mon curriculum vitae, et les gens ne me rappellent pas parce qu'ils voient dans quel quartier j'habite, et ce n'est pas juste.

Sarah : De plus, la situation est devenue tellement difficile — j'ai remis tellement de curriculum vitae que je ne les compte plus. Je ne sais même plus si je devrais garder mes perçages? Je les aime vraiment, et ils reflètent qui je suis. Je sais que je serai vraiment triste si je ne les ai plus.

J'aimerais également que les gens comprennent notre situation en tant que jeunes en foyers d'accueil — beaucoup de gens pensent que nous sommes des jeunes difficiles parce que nous sommes sous la responsabilité de la société de l'aide à l'enfance. Ils pensent que nous avons causé tous ces problèmes, mais, en réalité, c'est simplement notre situation. Je pense — c'est juste difficile comme ça.

La présidente : Y a-t-il quelqu'un d'autre qui voudrait prononcer quelques mots?

Stephanie Clark, modératrice, Commission des étudiants du Canada, Centre d'excellence pour la participation des jeunes : Je suis ici au nom de mon patron, Stoney McCart; je suis souvent appelée à le représenter dernièrement. Mon nom est Stephanie Clark, et je représente la Commission des étudiants du Canada et le Centre d'excellence pour la participation des jeunes.

Je ne suis plus une jeune même si j'en ai l'air. Je suis, en quelque sorte, presque une adulte. J'espère que j'en serai une un jour. Je suis ici aujourd'hui pour représenter les jeunes de la Commission des étudiants du Canada qui sont venus vous parler.

Vous entendrez Nadia, Simone, Jeremy et Joel, quel que soit son nom dernièrement; il change souvent de nom.

J'aimerais seulement dire une chose. Je suis toujours étonnée d'avoir le privilège de travailler dans ce domaine. Je n'avais pas vraiment l'intention de m'engager, mais j'ai en quelque sorte été attirée, et la Commission des étudiants piège souvent les gens. Je suis condamnée à travailler dans ce domaine à perpétuité, par choix, évidemment. Il y a tellement de pouvoir dans cette salle que ça me coupe le souffle.

Comme vous l'avez souligné plus tôt, il y a beaucoup de gens qui ne sont pas ici. Quelques-uns d'entre eux n'ont pas pu venir à cause d'examens, et même s'ils auraient adoré être ici, ce n'était simplement pas possible. Je sais que le comité a publié un rapport intérimaire, et nous espérons vous présenter un rapport au cours des prochaines semaines. Nous espérons obtenir les commentaires d'un plus grand nombre de personnes. Nous savons qu'un grand nombre de personnes font preuve d'une grande sagesse.

J'invite tous ceux qui sont ici à participer également. Tout le monde je pense — après la séance si vous voulez participer, vous pouvez venir me parler. C'est vraiment tout ce que je voulais dire. Simone, tu veux y aller?

Simone : Bonjour. Je m'appelle Simone. Je représente l'équipe de Project PEACE, qui travaille en association avec la Commission des étudiants et la police de Toronto en vue de réduire la violence dans notre ville. L'un des objectifs principaux de PEACE est de sensibiliser le public et d'éradiquer la criminalité. L'un des sujets dont je voudrais parler aujourd'hui est la violence envers les enfants et la pédophilie.

Il y a deux semaines, j'ai assisté à un colloque où on a abordé les diverses manières de capturer un pédophile, d'assurer la sécurité des enfants ou de déterminer si votre enfant se fait agresser.

Nous étions — il y avait des vidéos intéressantes. Je devrais plutôt dire qu'elles étaient dérangeantes. Les extraits étaient toutefois très intéressants, car on y voyait d'anciens pédophiles, qui parlaient de la façon dont ils s'y étaient pris pour attirer les enfants dans leur monde clandestin. C'était révoltant de voir que ces choses se passaient directement sous le nez des parents ou des tuteurs de l'enfant. J'ai été très touchée par cela — pas touchée, je m'excuse. J'ai été très préoccupée d'apprendre que c'est un problème aussi important.

Je ne peux insister assez sur le fait qu'il s'agit d'un des problèmes les plus troublants et qui prennent le plus d'importance dans notre collectivité, et même si je ne les ai jamais vécus, je crois qu'il est très important d'en parler. Nous devons nous unir plus que jamais, car il s'agit de nos enfants. Il existe une expression selon laquelle ça prend un village pour élever un enfant. Cette expression est très utile pour nous rappeler — pour qu'on se rappelle que les enfants sont notre avenir.

Je sais que les pédophiles qui sont arrêtés sont souvent intégrés dans un programme de réadaptation ou incarcérés, dans les cas les plus graves, mais je crois que la plupart d'entre eux, quand ils sont mis en liberté, disparaissent en vue de commencer une nouvelle vie ou de rester anonymes pendant un certain temps jusqu'à ce qu'ils puissent de nouveau agresser des enfants. La plupart d'entre eux déménagent souvent et peuvent recommencer ailleurs. Ils ciblent une autre collectivité, et les membres de cette dernière ne savent pas que l'endroit où ils habitent n'est plus sécuritaire.

Que pouvons-nous faire? Ce que je voudrais, c'est qu'il y ait un communiqué de presse à l'échelle de la province chaque fois qu'un contrevenant est mis en liberté afin d'en aviser toutes les collectivités. Je crois que les responsables de tous les foyers pour enfants, de toutes les églises, les bibliothèques, les boutiques, et cetera, devraient être informés afin qu'ils soient en mesure de protéger les enfants contre ces personnes.

En ce qui concerne les contrevenants qui sont coupables des crimes les plus graves, qui ne peuvent pas guérir ou changer, je crois qu'ils devraient être isolés des collectivités afin qu'ils n'aient pas envie de commettre un autre crime de ce genre.

Nous devons également aider les enfants qui ont été agressés et qui veulent guérir de leurs blessures. Un enfant qui doit de nouveau faire confiance aux adultes doit être appuyé. C'est à peu près tout, vous savez.

Jeremy : Bonjour, je suis Jeremy. Je travaille pour la Commission des étudiants dans le cadre d'un programme travail-études depuis septembre. J'ai également participé au projet de la police, comme Simone.

Le problème le plus important que j'ai constaté parmi les jeunes, pas seulement à Toronto, mais dans tout le Canada, concerne les préjugés découlant d'un manque de connaissances relativement à divers sujets. Le sujet principal dont j'ai décidé de parler est la discrimination à l'égard des homosexuels.

Les préjugés qui existent dans les petites collectivités sont également présents dans les grandes collectivités, comme Toronto. Les préjugés sont ressentis non seulement au sein des villes, mais également dans les diverses collectivités qui forment la ville. La Petite Italie et le quartier chinois de Toronto en sont des exemples. Dans de nombreux cas, comme je l'ai appris par l'entremise de mes amis, il y a de la discrimination envers les homosexuels.

Personne n'est né avec un sentiment de haine. Nous devenons haineux à cause des gens que nous admirons, de notre manque de connaissance et de la peur de l'inconnu. Les jeunes homosexuels et de toute orientation sexuelle qui ont des questions et des réflexions sur eux-mêmes ont peur de s'ouvrir et de poser des questions en raison des préjugés et de la négativité de leurs pairs.

Je propose de sensibiliser les jeunes par l'entremise d'organismes au sein des collectivités. Toronto a PFLAG, mais je suggère que l'on crée une organisation ouverte qui œuvre dans les écoles et à l'extérieur de celles-ci. Je crois qu'elle devrait avoir des coordonnateurs de toutes les orientations sexuelles possibles, qu'elles soient homosexuelles, hétérosexuelles, transgenres, et cetera.

On peut laisser les jeunes participer à des ateliers ou entrer dans des immeubles où la discrimination, les préjugés ou les rumeurs se multiplieront, ou on pourrait créer des activités de discussion en ligne dans le cadre desquelles les gens pourraient ouvrir une session et simplement poser leurs questions en se servant d'un nom d'utilisateur qui leur permettrait de conserver leur anonymat. On pourrait avoir des lignes d'aide comme Jeunesse J'écoute, mais elles s'appuieraient sur des renseignements dont les jeunes ont besoin pour se comprendre eux-mêmes. De six mois à un an après la mise en œuvre du programme, quand les collectivités et les adultes seront à l'aise, je pense que l'on pourrait commencer à organiser des ateliers dans les écoles. Ces ateliers pourraient également être tenus dans des centres communautaires ou d'autres endroits du genre, où tout le monde est le bienvenu. Dans ces endroits, les jeunes peuvent apprendre et participer à des activités comprenant des questions et des résultats qui montrent que ce n'est pas tout le monde qui se considère comme complètement hétéro ou complètement homo. Cela leur permettrait de voir que tout le monde a ces qualités en soi-même. Les jeunes comprendraient alors que, quand ils pratiquent la discrimination, ils s'attaquent à une partie d'eux-mêmes.

On pourrait s'appuyer sur la planification et les notes liées à ce programme pour créer un guide ou un livre qui serait disponible dans les bibliothèques, les bibliothèques scolaires, les bibliothèques publiques ou même auprès du gouvernement. Les adultes pourraient lire le guide, créer leurs propres ateliers et faire en sorte que la collectivité tire profit de leurs expériences au sein de cette dernière.

Ces ateliers pourraient détruire les préjugés et les frontières qui découlent de la peur et du manque de connaissances. Nous devrions tenir ces ateliers, non seulement à Toronto ou dans les grandes villes, mais également dans de petites villes comme Saskatoon et diverses communautés isolées, et ces idées se répandront comme une traînée de poudre. Même si on ne peut obliger tout le monde à avoir une vision holistique, si le point de vue d'une personne est changé, il s'agit d'un pas vers l'avenir.

Joel : Je m'appelle Joel. C'est vraiment comme ça qu'on le prononce. Rien n'a changé.

La présidente : C'est comme mon nom. Personne ne peut le prononcer.

Joel : Nous avons donc quelque chose en commun. Je fais également partie de la Commission des étudiants, qui est associée à Project PEACE. Je sais que vous êtes ici depuis 13 h, mais je vous demanderais de rester encore un peu.

La présidente : Quelques-uns d'entre nous peuvent rester, mais vous remarquerez que certains de mes collègues doivent partir à cause de problèmes liés à leurs billets d'avion et de train — pour payer moins cher — et aux règlements. Certains d'entre nous sommes ici, mais ces problèmes expliquent pourquoi d'autres ont dû partir. On leur a dit que la limite était 17 h. Ils ont donc pris des arrangements qu'ils ne peuvent désormais pas changer. C'est pourquoi le temps est limité.

C'est une chose qu'on apprend de la vie. On manque toujours de temps.

Joel : Aujourd'hui, j'aimerais parler de l'intimidation et du harcèlement. Ce sont deux sujets interreliés. Je vais donc faire vite.

En tant que jeune, surtout quand j'étais très jeune, de la maternelle à la cinquième année — c'est-à-dire que ma jumelle était avec moi. Je vais parler de quelque chose dont elle n'est pas vraiment au courant. J'ai été victime d'intimidation quand j'étais jeune. On me disait, par exemple : « Joel est stupide. Joel, tu n'es capable de rien faire. » Même si, de nos jours, on s'appelle « stupide » et on fait toutes sortes de commentaires de ce genre, certaines personnes prennent ces choses à cœur, et je pense qu'on oublie souvent ça.

Quand j'étais jeune et qu'on me disait ce genre de chose, j'avais très peu confiant en moi. Je venais d'une bonne famille, et c'est grâce à elle que je peux dire que j'ai survécu. J'ai acquis une attitude positive, car on me disait de ne pas lâcher et d'essayer de faire de mon mieux. Selon moi, ma famille m'a élevé dans un bon milieu. J'ai toujours été capable de garder le sourire, peu importe ce que je vivais. Je crois que c'est comme ça que j'ai survécu, mais de nombreuses personnes qui sont intimidées ont eu des expériences très différentes et viennent de divers horizons. Quand on leur dit des choses comme cela, je crois qu'elles les prennent au sérieux, et il y a beaucoup de problèmes qui sont liés à ça.

L'une des choses que j'ai même oubliées, et c'était l'un des points les plus importants de ma conversation avec quelqu'un à ce sujet, est que l'intimidation peut se poursuivre quand on commence à travailler dans une entreprise et que certains employés se moquent des autres. L'intimidation se transforme alors en harcèlement. Cela est également lié au suicide. Il y a beaucoup de suicides et même, dans certains cas, des meurtres qui sont causés par l'intimidation et le harcèlement. Il y a des gens qui se sont même pendus parce qu'ils n'en pouvaient plus. Certains autres se font battre, et ça va un peu trop loin. Ces cas-là sont tous liés à l'intimidation et au harcèlement.

Ces situations sont chose courante. Il y a beaucoup d'intimidation, et même si un grand nombre d'entre nous l'avons vécue, c'est quelque chose qui se passe beaucoup chez les jeunes, et c'est pourquoi les enfants de huit ans et plus en sont souvent la cible.

Le grand meurtrier maléfique, Adolf Hitler, a affirmé que, s'il mettait la main sur un enfant avant qu'il ait huit ans, ce dernier lui appartiendrait. Il voulait dire que pendant bon nombre de ces étapes, de la naissance jusqu'à l'âge de huit ans, les enfants sont comme des éponges qui absorbent tout. C'est pendant cette période de leur vie qu'ils apprennent. Ils vivent des expériences d'intimidation qui les traumatisent énormément. Même si l'enfant pouvait devenir l'homme ou la femme la plus riche du monde, ce traumatisme influera sur sa vie. S'il ne peut pas confronter la personne qui l'a intimidé, il s'en prendra aux membres de sa famille ou à quelqu'un qui ne se défend pas, et c'est le début d'un cercle vicieux qui doit vraiment être brisé.

Ce que je crois que vous devriez faire, et par là je veux dire le gouvernement et le comité sénatorial — il est inutile de vous dire de venir voir ce qui se passe, car c'est un problème dont tout le monde est au courant, et vous avez sûrement entendu parler de telles situations à maintes reprises. Je crois donc que vous devriez plutôt créer des programmes plus novateurs — parce que nous avons des programmes, mais, selon moi, ils ne sont pas suffisants.

Je crois qu'il devrait y avoir plus de programmes novateurs, ainsi que des programmes qui comprennent un suivi. Il pourrait y avoir une brute à mes côtés en ce moment. Par exemple, Jeremy pourrait être une brute qui m'intimide. On sortirait dehors, et il aurait oublié tout ce qu'il a entendu dire au cours des prochains jours. Il devrait donc y avoir plus de programmes novateurs, de suivi, de lignes d'aide pour sensibiliser les gens à cela.

C'est pas mal tout. Je vais donner la parole à Nadia.

Nadia : Bonjour, je suis Nadia. Je ferai de mon mieux pour être brève. Il y a environ 2 000 élèves dans mon école. Je parle seulement des élèves, et il pourrait y en avoir plus. Je ne les ai pas comptés.

Parmi tous les étudiants, 150 bénéficient de l'aide sociale. Beaucoup de jeunes qui ne bénéficient pas de l'aide sociale ont un emploi, et le programme d'études est très difficile. Les gens qui prennent des cours théoriques ont beaucoup de travaux, et les enseignants ne tiennent pas compte de leur emploi. Ces jeunes travaillent après l'école. Ce ne sont donc pas des emplois réguliers où on travaille pendant le jour. Ils travaillent très tard et n'ont pas le temps de faire leurs travaux. Certains enseignants s'attendent à ce qu'ils fassent leur dissertation pendant la nuit, mais c'est impossible. Un grand nombre d'élèves n'ont pas des bonnes notes à cause de cela. Il y a des programmes dans les écoles pour les élèves qui ne peuvent pas subvenir à leurs besoins, mais ce n'est pas tout le monde qui en profitera. Parfois, les jeunes ont honte. Certains d'entre eux refusent d'accepter leur situation. Alors, c'est ça; il y a trop de travaux.

La présidente : Et trop peu de temps. Je sais.

Nana : On m'a seulement demandé de conclure.

Il faut se considérer comme unique, mais également comme faisant partie d'un milieu. En tant que politiciens, vous devez vous rendre compte que vous pouvez modifier ce milieu. Les problèmes sont les logements inabordables, la discrimination et ce genre de choses. Vous avez le pouvoir de faire quelque chose. Selon moi, c'est ce qui est ressorti de la discussion.

L'autre chose qui m'a frappée, c'est que vous avez le droit de participer à une Convention des Nations Unies. À mon avis, les jeunes sont des spécialistes des problèmes dont ils ont parlé parce qu'ils les ont vécus. Je pense qu'on leur donne souvent l'occasion de parler de leurs émotions. Nous devons également reconnaître qu'ils ont beaucoup de pouvoir et que, s'ils peuvent expliquer comment ils se sentent, ils peuvent également proposer des solutions.

C'est pourquoi nous voulons vous remercier. Nous sommes heureux que les jeunes aient eu l'occasion de vous adresser la parole aujourd'hui et de vous dire comment il est important et merveilleux que vous passiez du temps avec eux pour leur donner la chance de vous parler de ces problèmes un peu plus en profondeur.

La présidente : Je vous remercie d'avoir résumé la discussion et de m'avoir facilité la tâche. Nous n'avons jamais assez de temps, et avons toujours trop de choses à faire. La bonne nouvelle, ou la mauvaise, selon les points de vue, est que cela ne changera guère. Vous allez toujours être stressés, il y aura toujours trop de travail et nous devons tous gérer cette situation. Le comité sénatorial doit gérer des délais et des contraintes.

Je voudrais tous vous remercier d'être venus. Comme certains d'entre vous l'ont dit, ce n'est pas facile. C'est dur. Vous ne saviez pas dans quoi vous vous embarquiez. Nous faisons la même chose. Quand on se présente devant un groupe pour parler, on ne sait pas ce que les gens nous diront. Nous nous sentons encore nerveux. Nous pouvons donc nous imaginer auparavant — je ne suis pas certaine que je serais capable d'adresser la parole à un comité sénatorial. J'apprécie votre sens de l'initiative, qui vous a poussés à venir.

La séance nous a permis d'apprendre que nous devons vous écouter davantage, parler avec vous, voir où vous vivez, comment vous vivez et ce que sont vos problèmes. Trop souvent, nous pensons que les enfants ont besoin des mêmes choses que celles dont nous avions besoin à leur âge. Nous oublions qu'il y a de cela plusieurs décennies.

Selon moi, nous apprenons également que ce qui a été dit dans la Convention est vrai; nous devons faire participer les enfants et les jeunes, et les écouter. Ils sont responsables de leur vie, et il faut les écouter. Vous nous avez donc permis de commencer à faire cela.

L'autre chose que j'ai comprise en vous entendant parler, c'est que vous êtes tous très uniques, très différents dans la manière de vous exprimer et dans vos expériences, et je crois que ce que vous voulez pour vous-mêmes varie. Nous parlons sans cesse de la Convention relative aux droits de l'enfant, mais il ne s'agit pas seulement des enfants. Cela touche tout le monde. Chacun de vous est unique, et je crois que notre rapport n'a pas suffisamment mis l'accent là- dessus. Je crois que vous nous avez rendu un service et que nous incorporerons cela dans notre rapport.

Enfin, je vais vous laisser ma carte. Si un jour vous êtes à Ottawa, venez nous voir dans ce gros immeuble qu'on appelle le Parlement. Le Parlement est à vous et il est ouvert, et vous devriez venir quand vous en aurez la chance. J'aimerais aussi venir vous voir dans votre région.

Je devrais vous parler un peu de mes antécédents. Je viens de Regina et j'ai été juge du tribunal de la famille. Je peux vous dire que 80 p. 100 de ma charge de travail concernaient des Autochtones, et 20 p. 100, le reste de la population. C'est ça le problème. Monsieur, Saskatoon n'est pas isolé. Je suis née là. Toronto est isolé. Venez dans l'Ouest, nous vous montrerons que nous ne sommes pas isolés.

Dans le cadre de mon travail, j'ai appris beaucoup de choses sur les jeunes qui sont en conflit avec la loi et la société d'aide à l'enfance. Je dois vous dire que j'ai été juge du tribunal de la famille pendant 12 ans et que je suis partie il y a sept ans. À cette époque-là, le tribunal était privé. Après sept ans, je suis retournée à Regina, et il y avait une jeune femme qui criait : « Juge Andreychuk, juge Andreychuk. » Je lui ai dit : « Je ne suis plus juge. » Elle m'a répondu : « Je ne suis plus délinquante. » Elle m'a raconté comment elle était retournée aux études, comment elle avait mis de l'ordre dans sa vie et repris ses enfants en charge. Elle a dit : « C'est grâce à ce que vous avez fait. » Je lui ai dit : « Non. C'est grâce à ce que vous avez fait. Moi, j'étais là par hasard. »

Je crois que le gouvernement réagit souvent en disant que nous avons besoin de ressources, mais c'est vous qui changerez votre vie. En venant ici et en parlant de ce qui est important pour vous, vous avez entrepris ce processus. Je vous remercie donc.

La séance est levée.


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