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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 15 - Témoignages du 12 février 2007


OTTAWA, le lundi 12 février 2007

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 17 h 6, afin de surveiller l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et d'examiner, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous sommes réunis pour la première de nos séances visant à surveiller l'évolution de diverses questions ayant trait aux droits de la personne et, entre autres choses, les mécanismes du gouvernement pour que le Canada respecte ses obligations nationales et internationales en matière de droits de la personne.

Il s'agit de l'ordre de renvoi que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a reçu au départ du Sénat pour entreprendre l'examen des mécanismes touchant les droits de la personne ainsi que de leur mise en œuvre et de leur utilisation au Canada. Nous nous intéressons aux mécanismes nationaux et internationaux et à la manière dont ils s'arriment les uns aux autres. Fonctionnent-ils sans discontinuité à l'intérieur d'un même réseau ou évoluent-ils sur des voies séparées? Nous nous penchons sur le fonctionnement global, plutôt que sur des cas particuliers liés aux droits de la personne.

Nous avons produit un rapport intitulé « Des promesses à tenir », qui expose les lacunes et quelques points forts de notre système actuel. Nous allons poursuivre sporadiquement notre examen de différentes questions touchant les mécanismes associés aux droits de la personne.

Nous avons surveillé de près la transformation de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies qui est devenue un conseil. Comme la nouvelle session débutera, je crois, en mars, nous avons pensé que le moment était bien choisi pour en apprendre davantage au sujet de quelques-uns des aspects de la transition entre l'ancienne Commission — dont nous avons contribué à la création et au travail pour faire avancer les droits de la personne — et le nouveau conseil. Nous sommes heureux que certains experts — des spécialistes de la politique étrangère, pas seulement des experts en droits de la personne — aient suivi ce dossier de près et puissent maintenant nous faire profiter de leurs points de vue.

Honorables sénateurs, on vous a remis une note d'information préparée par Laura Barnet qui retrace l'historique de cette évolution qui a mené à la création du conseil. Vous pourrez vous référer à cette documentation tant pour les audiences que nous allons tenir au Canada que pour notre visite à Genève.

Nous accueillons aujourd'hui M. Payam Akhavan, dont vous trouverez la biographie dans les notes d'information. Il est professeur à l'Université McGill où il enseigne et fait de la recherche dans les domaines du droit international, du droit public, du droit pénal international et de la justice transitionnelle, avec un intérêt tout particulier pour les droits de la personne et le multiculturalisme, la répression des crimes de guerre, la réforme des Nations Unies et la prévention des génocides.

Nous accueillons également M. Paul Heinbecker, un habitué des séances du Sénat, ancien ambassadeur du Canada et représentant permanent aux Nations Unies et ancien ambassadeur en Allemagne. Il est actuellement directeur du Centre for Global Relations, Governance and Policy de l'Université Wilfrid Laurier en plus d'être chercheur distingué en relations internationales au Centre for International Governance Innovation, un institut de recherche indépendant. Nous souhaitons la bienvenue à nos deux témoins. Je crois que c'est M. Heinbecker qui va débuter.

Bienvenue à vous. Vous pouvez nous faire part de vos points de vue en matière de droits de la personne, surtout relativement aux rouages des mécanismes internationaux au sein du système des Nations Unies — ainsi que dans le contexte de la réforme des Nations Unies.

Paul Heinbecker, membre distingué, Relations internationales, Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale : Merci. Pour éclairer au mieux votre lanterne, je vais vous entretenir quelques instants des Nations Unies et de leur réforme de manière à situer la création du Conseil des droits de l'homme dans un contexte plus global.

Il y a deux ou trois aspects très importants à prendre en compte lorsqu'on se penche sur la réforme des Nations Unies et sur la façon dont tous ces éléments s'inscrivent dans cette réforme. Premièrement, la communauté internationale n'a jamais été aussi divisée et on n'a jamais été aussi loin d'un consensus dans les différents dossiers. Au sein des Nations Unies, on ne s'entend même pas au sujet des grands enjeux, alors imaginez lorsqu'il s'agit des mesures à prendre à ce sujet.

Pour les signataires originaux de la Charte des Nations Unies, la sécurité internationale est une priorité. Pour des pays comme les États-Unis, le terrorisme est le problème qui se démarque de tous les autres, celui qui est le plus important. Pour les pays du G77, au nombre d'environ 130, ce sont les questions de développement qui passent avant celles de sécurité. Du point de vue de ces pays, il faut s'intéresser d'abord et avant tout au développement et y consacrer toutes les ressources nécessaires. La sécurité est une question qui inquiète surtout les pays plus grands et mieux nantis. Pourtant, ce seraient les citoyens des pays du G77 qui en profiteraient le plus, mais bon nombre de ces États n'acceptent toujours pas la notion de responsabilité de protéger. Ils y voient plutôt une manœuvre de diversion. Toutes les promesses d'aide au développement non remplies par les pays plus riches sont vues comme des trahisons et des preuves d'un manque d'intérêt.

Même parmi les pays les mieux nantis, ceux qui vous diraient que la sécurité internationale et le Conseil de sécurité des Nations Unies revêtent le plus d'importance, il n'y a pas de consensus. À ce titre, vous vous souviendrez sûrement des propos de M. Poutine à l'occasion de la conférence sur la sécurité tenue il y a quelques jours à Munich alors qu'il a critiqué les États-Unis pour leur unilatéralisme. Cela traduit bien l'essentiel du point de vue de la plupart des États membres, même parmi les pays occidentaux. On s'inquiète beaucoup de l'orientation que prend la politique étrangère étasunienne, surtout par rapport à l'Iran et aux Nations Unies. Si ce n'est déjà fait, il y aura bientôt au moins deux groupes d'intervention aéronavale dans le golfe Persique, et il est question qu'un troisième se joigne à eux. Selon certains observateurs, une attaque sera lancée contre l'Iran au cours de la prochaine année.

Je soulève ces points non seulement pour critiquer les États-Unis, mais aussi pour illustrer le contexte global à l'intérieur duquel tous les autres éléments doivent être pris en considération. Il est impossible de discuter des droits de la personne sans tenir compte de ces questions d'ordre plus général. Tout le combat pour la réforme des Nations-Unies — et on peut vraiment parler d'un combat — s'apparente à des tractations politiques par voies détournées. On ne s'entend ni au sujet du conflit arabo-israélien ni relativement à la question de l'Irak; on est préoccupé par ce que pourraient préparer les Iraniens et parce que les Étasuniens planifient en retour. Un lourd climat de mésentente plane sur toute la situation. On fait intervenir ces questions plus globales — que certains pourraient qualifier d'extérieures — dans le cadre des efforts de réforme. Le dossier du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies devient un prétexte pour un débat d'un autre genre, ce qui donne régulièrement lieu à des querelles semblables.

Par ailleurs, nous entendons beaucoup parler de la responsabilisation au sein des Nations Unies, de l'importance de la reddition de comptes pour le Secrétariat des Nations Unies et des manquements de l'ancien secrétaire général Kofi Annan à cet égard. On ne semble pas comprendre, même après l'enquête menée par l'ancien président de la réserve fédérale des États-Unis, Paul Volcker, sur le scandale du programme Pétrole contre nourriture, que personne ne rend de comptes à personne aux Nations Unies. C'est la façon dont cette institution a été conçue. Le secrétaire général est simplement secrétaire général; il est l'administrateur principal de l'organisation, et non son premier dirigeant. Ce n'est pas lui qui est à la tête des Nations Unies, du Conseil de sécurité, de l'Assemblée générale ou du Conseil économique et social. Il dirige le Secrétariat, un point c'est tout.

Lorsque les gens pensent aux Nations Unies, ils les associent à des instances qu'ils connaissent mieux. Le gouvernement du Canada a un premier ministre qui est responsable de toutes les questions qui touchent le gouvernement et qui doit rendre des comptes à cet égard; Nortel a un PDG qui est responsable de tout ce qui se passe à Nortel. En revanche, aux Nations Unies, personne n'assume de telles responsabilités. Le Conseil de sécurité n'est pas le Cabinet des Nations Unies; c'est une institution distincte. Le Conseil de sécurité prend ses propres décisions qui n'ont pas à être examinées et/ou ratifiées par l'Assemblée générale des Nations Unies.

Le scandale du programme Pétrole contre nourriture a pris la forme d'une campagne politique de dénigrement des Nations Unies en raison de leur refus d'appuyer la guerre en Irak. Il ne faut pas chercher plus loin. Il semble qu'il manquait 140 000 $ dans le budget du programme Pétrole contre nourriture, lequel totalisait quelque 60 milliards de dollars pour l'ensemble de sa durée. Les audiences tenues quelques jours auparavant au Congrès américain sous la présidence de Henry Waxman, membre du Congrès pour la Californie, concernant les 12 milliards de dollars manquants n'auraient pu avoir lieu si les républicains n'avaient pas perdu le contrôle de la Chambre. L'Autorité intérimaire de la coalition est incapable de dire ce qu'il est advenu de cette somme de 12 milliards de dollars, dont 9 milliards provenaient du programme Pétrole contre nourriture des Nations Unies pour des paiements devant être effectués à la fin de la guerre.

Les Nations Unies ont perdu la trace de 140 000 $, alors que pour les États-Unis ce montant atteignait 12 milliards de dollars. Dans ce dernier cas, il n'y a pas eu d'audience du Congrès pendant une période de trois ans, même si on savait que ces sommes étaient manquantes. Lorsque vous entendez tous ces commentaires négatifs au sujet de Kofi Annan et des horreurs qui se dérouleraient aux Nations Unies, rappelez-vous qu'il manquait 140 000 $ sur un budget qui atteignait à un certain moment 60 milliards de dollars. Tous les actes répréhensibles liés à la contrebande pétrolière et aux paiements illégaux sont le fait d'entreprises, dont bon nombre provenant des pays du P5, et de Saddam Hussein, qui contrevenaient à une série de résolutions des Nations Unies. On a blâmé le Secrétariat des Nations Unies à cet égard, alors qu'il s'efforçait simplement de contrôler la situation. Ce n'est pas la première fois que les pays membres laissent le Secrétariat porter l'odieux à leur place; le Rwanda en est un autre exemple.

J'en ai déjà assez dit à ce sujet. Il s'agit simplement de savoir que l'on ne peut pas demander des comptes au Secrétaire général des États-Unis pour quelque chose dont il n'est pas responsable, ce qui inclut le fonctionnement du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. Mme Louise Arbour ne peut pas non plus être tenue responsable du comportement des pays membres. Les problèmes qui affectent le Conseil des droits de l'homme, de même que toutes les autres composantes des Nations Unies, sont des problèmes internationaux d'ordre géostratégique qui demeurent irrésolus et qui suscitent d'importants désaccords à l'échelle planétaire.

Je vais en rester là pour cet exposé du contexte.

Le président : Voilà qui peut nous amener dans bien des directions. Monsieur Akhavan, nous vous écoutons.

[Français]

Payam Akhavan, professeur adjoint, Faculté de droit, Université McGill : Madame la présidente, merci de m'avoir invité. C'est un très grand privilège et il me fait grand plaisir de pouvoir partager avec vous quelques idées sur le Conseil des droits de l'homme de l'Organisation des nations unies.

[Traduction]

Je vais m'appuyer sur le contexte global que M. Heinbecker vous a adroitement présenté pour vous parler de quelques-unes des principales caractéristiques du Conseil des droits de l'homme, en établissant le parallèle avec la Commission des droits de l'homme. Je vous prie à l'avance de m'excuser si je vous fournis des informations que vous possédez déjà. Je n'en connais pas suffisamment sur la teneur de vos discussions passées. Je vais donc vous entretenir de différents aspects de la réforme institutionnelle avant de terminer par des recommandations bien précises quant aux ajustements que le Canada peut faire pour s'adapter à ce nouvel organisme.

Lorsque la résolution concernant le Conseil des droits de l'homme a finalement été déposée pour être adoptée par l'Assemblée générale en avril 2006, John Bolton, ambassadeur des États-Unis à l'ONU, a indiqué son désaccord. Vous savez déjà que les États-Unis, ainsi qu'Israël, Palau, la Micronésie et les îles Marshall, ont voté contre la création du conseil, estimant que l'on n'en faisait pas suffisamment quant aux ajustements requis pour marquer la coupure avec le passé regrettable de la commission.

L'ambassadeur Bolton a déclaré que l'on voulait un papillon, pas une chenille avec du rouge à lèvres. Voilà un autre exemple de la poésie qui caractérise les métaphores de l'ambassadeur.

Bien que la création du conseil n'ait manifestement pas entraîné des transformations aussi profondes que nous l'aurions souhaité, il existe des différences importantes — tout au moins du point de vue structurel — entre le nouveau venu et son prédécesseur, ce qui nous amène à reprendre quelque peu espoir en faisant toutefois montre de prudence. Je vais vous parler brièvement de quelques-unes de ces distinctions.

Rebâtir des structures, c'est une chose; changer la culture de la diplomatie internationale, c'est une toute autre histoire. En fin de compte, si nous ne nous débarrassons pas de nos mauvaises habitudes politiques, la réforme structurelle ne produira que des résultats limités. À mon avis, le Canada peut exercer un leadership important à ce chapitre dans le cadre de ses efforts pour se refaire une identité à l'échelle internationale à la suite des événements du 11 septembre.

Pour vous montrer à quel point les vieilles habitudes ont la vie dure, j'aimerais vous lire quelques paragraphes des résolutions adoptées par le Conseil des droits de l'homme depuis sa création. Le conseil a tenu quatre sessions extraordinaires. Il s'agit maintenant d'un organisme permanent, constitué en bonne et due forme. Ainsi, contrairement à la commission, il ne tient pas seulement des rencontres périodiques, mais est bel et bien un organe permanent ce qui, en soi, représente une grande amélioration. Le conseil est subsidiaire de l'Assemblée générale, plutôt que de relever du Conseil économique et social, ce qui signifie qu'il fait partie de la structure centrale du système des Nations Unies, une autre évolution louable.

Cependant, rien ne semble avoir changé du point de vue politique. Des quatre sessions extraordinaires tenues jusqu'à maintenant, trois portaient d'une manière ou d'une autre sur Israël et seulement une s'est intéressée, après de fortes pressions des instances internationales, au cas du Darfour. Lorsque l'on considère la situation qui prévaut en République démocratique du Congo, au Myanmar et dans de si nombreux pays du globe, on peut commencer à y voir une expression assez nette du genre de sélectivité politique dont le Conseil des droits de l'homme aurait dû s'éloigner en prenant la place de la commission.

L'un des paragraphes de la résolution établissant le Conseil des droits de l'homme indique que, dans ses activités, le conseil se référera aux principes d'universalité, d'impartialité, d'objectivité et de non-sélectivité. C'est essentiellement vers ces objectifs que devraient tendre nos efforts.

À titre d'exemple, la résolution S-3/1 prise à la session extraordinaire du 15 novembre 2006 indique, au paragraphe 1, que le Conseil des droits de l'homme, et je cite : « Exprime son horreur devant le fait qu'Israël ait tué des civils palestiniens [...]»; et, au paragraphe 4 : « Se déclare alarmé devant les violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme du peuple palestinien [...] »

Il s'agit bel et bien de situations problématiques pour les droits de la personne; là n'est pas la question. Je vous invite cependant à comparer le libellé de cette résolution avec celui des paragraphes qui suivent concernant le Darfour. Dans le paragraphe 1 de sa décision S-4/101 du 13 décembre 2006, le Conseil des droits de l'homme : « Exprime sa préoccupation devant la gravité de la situation des droits de l'homme et de la situation humanitaire au Darfour [...] » C'est le seul paragraphe où le conseil exprime ses inquiétudes et ce, de façon très détournée, sans condamner le gouvernement soudanais. Dans le paragraphe qui suit, le conseil dit accueillir avec satisfaction la coopération établie par le gouvernement du Soudan.

C'est une attitude scandaleuse lorsqu'on sait qu'au dernier recensement, on comptait 200 000 personnes décédées et deux millions d'autres déplacées au Darfour. Et bien des gens vous diraient que ces données sont désuètes et qu'il faut probablement parler de 400 000 décès et de quatre millions de personnes déplacées.

C'est une bien mauvaise façon d'entamer un processus de transformation de la culture politique. Bien évidemment, le Canada a voté comme il se doit concernant ces résolutions, mais, une fois de plus, l'infériorité numérique du groupe occidental a fait en sorte que le résultat final est demeuré inchangé.

Dans un autre ordre d'idées, je voudrais vous parler des avenues intéressantes qui s'ouvrent, selon moi, grâce à quelques-uns des changements structurels. La mesure la plus importante est la mise en place d'un mécanisme d'examen périodique universel tel que proposé dans la résolution créant le conseil. Il s'agit d'un processus très complexe. Comme je dispose de peu de temps, je vais me contenter de vous en brosser les grandes lignes.

Il est tout à fait remarquable que l'Assemblée générale propose la tenue d'examens périodiques sur le dossier de chacun des États membres des Nations Unies en matière de droits de la personne. C'est un formidable pas en avant. Nous savons, par exemple, que les États-Unis se penchent annuellement sur la situation des droits de la personne dans différents pays de la planète. La mesure proposée ici revêt une importance capitale, car elle pourrait offrir une occasion sans précédent de dépolitiser la façon dont sont évalués les agissements relatifs aux droits de la personne, ce qui est absolument nécessaire à la mise en place d'un organisme impartial et crédible.

Il faut dans un premier temps s'employer à imprimer l'orientation propice aux fins de l'élaboration des mécanismes qui serviront à cet examen. La résolution prévoit un délai d'une année pour décider des modalités de ce processus. Nous devrions donc avoir une idée de la forme qu'il prendra d'ici deux ou trois mois. Il sera primordial de voir à ce que les États membres n'exercent aucun contrôle sur ce processus d'examen, soit en confiant ce mandat au Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, soit en créant un groupe de travail constitué d'experts dont la réputation est au-dessus de tout soupçon. Il faut d'abord et avant tout éviter la politisation du processus, laquelle serait une conséquence inévitable de la participation des États membres.

L'examen périodique universel doit être considéré dans le contexte de deux autres perspectives. Il y a d'abord celle des organes politiques, ces instances qui ne sont pas de nature judiciaire ou quasi judiciaire, comme le Conseil de sécurité ou l'Assemblée générale qui peuvent soumettre des cas au Conseil. L'autre perspective est celle des mécanismes issus d'un traité, un aspect auquel votre comité s'intéresse également, je crois.

L'examen périodique universel ne peut pas se substituer à d'autres mécanismes, comme les procédures spéciales et les rapporteurs spéciaux, qui permettent d'intervenir rapidement dans les situations qui exigent une action immédiate. L'un des grands défis pour les Nations Unies consiste à pouvoir jouer un rôle préventif, plutôt que d'attendre que l'escalade de la violence atteigne des proportions génocidaires et adopter, alors même qu'il est trop tard pour vraiment améliorer les choses, des résolutions visant à condamner une situation qui échappe déjà à notre contrôle.

Il est important de pouvoir compter, en plus du processus d'examen périodique universel, sur des mécanismes permettant une mobilisation rapide dans des situations d'urgence parce qu'on ne peut tout de même pas attendre les résultats de l'examen suivant, dans trois ou cinq ans, ou selon l'échéancier qui sera établi.

Il est également essentiel de pouvoir compter sur des solutions adaptées aux différentes situations. Il faut bien comprendre que les cas de violation des droits de la personne ne peuvent pas simplement être amalgamés au sein d'un grand concept abstrait. Il existe différents types de violations et différentes formes de gouvernement, ce qui exige différentes gammes de mesures.

Ainsi, lorsqu'on est en présence d'un gouvernement qui, en principe, veut se conformer aux règles mais n'en a pas les moyens, il va de soi qu'il convient de lui apporter une aide technique ou une forme de coopération de cette nature. Cependant, si on a affaire à un gouvernement qui est déterminé à exterminer une population, il est bien évident que notre approche doit être très différente.

Il est important que le rôle du Conseil des droits de l'homme ne se limite pas à condamner les actes répréhensibles. Il est toujours tentant d'opter pour la condamnation parce que c'est la voie de la facilité; l'intervention directe est infiniment plus difficile. Il faut prendre des résolutions à la fois pour condamner les pratiques répréhensibles et pour encourager les agissements exemplaires.

Le dernier point que je veux faire valoir relativement aux organes politiques ou au processus décisionnel est la nécessité d'établir une commission d'enquête permanente. Je ne cherche pas à démontrer si cela est faisable ou non du point de vue politique, mais j'estime que c'est fortement souhaitable dans une perspective institutionnelle.

Par exemple, dans le conflit entre Israël et le Hezbollah au courant de l'été, une commission d'enquête a été mise sur pied après coup avec un mandat très déficient qui l'a amené à ne s'intéresser qu'à un seul aspect du conflit. En raison de ce mandat mal adapté à la situation, les commissaires qui ont été nommés n'étaient pas vraiment à la hauteur. Cela est directement attribuable au fait que les personnes de grandes réputation qui auraient pu être nommées commissaires ne voulaient pas être associées à une telle entreprise.

Nous avons maintenant une commission d'enquête sur le Darfour qui est présidée par Jody Williams. C'est malheureusement un peu tard. Cette commission aurait dû être mise sur pied il y a un bon moment déjà. Il nous faut donc une commission d'enquête permanente qui peut être déployée sur-le-champ dès que la situation l'exige, plutôt que d'avoir à attendre plusieurs mois pendant lesquels on communique avec des candidats, on s'enquiert de leur disponibilité et on met en place le personnel nécessaire.

Nous avons aussi besoin d'une commission permanente qui évite la politisation et la nomination de personnes dont la feuille de route est douteuse ou qui ont des objectifs politiques dans leur mire. Nous devons constituer un groupe d'experts au-dessus de tout soupçon qui s'emploieront à enquêter sur les faits, lorsque la situation l'exigera. L'objectivité du processus doit passer par une détermination objective des faits, plutôt que par des accusations de nature spéculative qui sont guidées par des intentions politiques.

Je vais maintenant vous parler de la dernière composante, les mécanismes s'appuyant sur un traité, qui constituent un pilier important, de nature davantage légale ou quasi judiciaire du régime de défense des droits de la personne des Nations Unies.

Il existe de nombreux mécanismes de ce genre qui sont généralement liés à un traité particulier, comme le Pacte International relatif aux droits civils et politiques et la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants. Dans chacun des cas, un comité a été créé. Je vous prie à nouveau de m'excuser si je vous dis des choses que vous savez déjà.

Il y a deux fonctions différentes et il est important de faire la distinction entre elles. Il y a d'abord la présentation de rapports périodiques par les États parties. Suivant l'échéancier prévu, les États parties à ces traités doivent soumettre un rapport sur leur performance globale en matière de droits de la personne.

L'autre fonction bien distincte est liée aux requêtes individuelles, lesquelles sont soumises par des citoyens des États parties qui ont épuisé tous leurs recours dans leur pays. Le cas de Sandra Lovelace Nicholas, qui est membre de votre comité, je crois, en est bien sûr un parfait exemple. Lorsqu'une personne a utilisé tous ses recours dans son pays — en l'espèce, jusqu'à la Cour suprême du Canada — elle peut s'adresser au Conseil des droits de l'homme. Dans le cas du Canada, les résultats ont été probants.

L'un des problèmes, c'est la multiplication des comités. Il y a un comité sur la discrimination contre les femmes, un sur la torture et un sur la discrimination raciale. Il y a trop de comités, au point où les États parties, et particulièrement les pays en développement, ne sont tout simplement pas en mesure de respecter leurs obligations de rapport. Il y a presque 1 500 rapports en retard en ce moment, qui n'ont pas encore été soumis. Le nombre total de rapports soumis est d'environ 1 200, donc on voit qu'il y a un problème chronique quant au dépôt de rapports. En outre, si tous ces rapports étaient déposés en même temps, l'ensemble du système s'effondrerait, parce que les comités ne sont pas en mesure d'examiner autant de rapports.

Il apparaît clairement qu'il faut simplifier le système. Il faut trouver une autre façon de faire que de déposer cinq rapports différents devant cinq organismes différents, alors que les chevauchements sont évidents. Le Pacte relatif aux droits civils et politiques est l'outil de base pour protéger les droits de la personne, ou du moins les droits civils et politiques. La plupart des protections comprises dans la Convention contre la torture se retrouvent dans le Pacte relatif aux droits civils et politiques. La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes va peut-être plus loin, mais le principe de base de la non-discrimination à l'égard des femmes se trouve lui aussi compris dans le Pacte relatif aux droits civils et politiques. Stratégiquement, il faut voir le pacte comme l'outil de base pour l'élaboration d'un système viable qui regrouperait cette multitude d'organismes.

De plus, le fait que le Pacte relatif aux droits civils et politiques soit signé par presque tous les pays facilite beaucoup de choses. Par exemple, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes n'a pas été ratifiée par beaucoup d'États parties, et je pense notamment aux États du monde musulman, qui ont certaines réserves à son égard, ou s'ils l'ont ratifiée, qui ont adopté tant de réserves profondes sur la signification du traitement égal selon la loi qu'elles annulent presque l'objet et le but de la convention. Il y a beaucoup de raisons pour lesquelles le Pacte relatif aux droits civils et politiques devrait être le fondement de notre système.

Jusqu'à maintenant, on songe surtout à regrouper les procédures de rapport. Plutôt que de demander à un État de déposer cinq rapports, regroupons-les en un seul. Cependant, ce n'est pas le véritable problème. Le Haut-Commissaire observe à juste titre que le problème d'un système aussi fragmenté, c'est qu'il n'a pas la visibilité, le pouvoir et l'accès nécessaires pour présenter des organismes de défense des droits de la personne crédibles. Nous devons regrouper non seulement nos rapports, mais aussi nos institutions.

Premièrement, nous devons réfléchir à ce que nous voulons à long terme. En toute déférence, je recommanderais que notre objectif à long terme soit la création d'un tribunal international des droits de la personne. Cette institution fondamentale de gouvernance internationale a besoin d'une cour des droits de la personne qui correspondrait à la Cour européenne des droits de l'homme, à la Cour interaméricaine des droits de l'homme ou aux autres institutions régionales comparables.

La question de la faisabilité politique se pose, mais nous ne devons pas perdre de vue l'objectif à long terme. Nous devons nous laisser guider, dans nos réflexions pragmatiques sur la faisabilité politique, par cet objectif à long terme.

Pour la création de ces mécanismes judiciaires, nous devrions essayer de séparer les fonctions du comité, soit celles liées aux rapports des États et celles liées aux requêtes individuelles. Ces requêtes ont un caractère quasi judiciaire, qui avec le temps, pourraient donner naissance à une procédure judiciaire plus officielle.

Au sujet de la réponse du Canada, autre que son engagement à cet égard, il y a deux choses que j'aimerais mentionner. La première, c'est que le Canada pourrait envisager de nommer un ambassadeur général pour les droits de la personne. Les pays nordiques et les Pays-Bas se sont dotés d'une telle institution. Les États-Unis ont un ambassadeur général pour les crimes de guerre. Ce pourrait être avantageux. Je ne veux pas dire que nous devrions créer une toute nouvelle bureaucratie au sein des Affaires étrangères, mais l'objectif serait de concentrer le travail du gouvernement canadien sur les droits de la personne pour le situer dans le vaste contexte de la politique étrangère canadienne, dont il constituerait un élément essentiel. Enfin, je dirai que le Canada, par ses actes, doit faire preuve de leadership et établir sa crédibilité.

Je vais conclure en vous parlant de ce qui s'est dégagé de la première réunion du Conseil des droits de l'homme, où la délégation iranienne comptait, parmi ses membres, Saïd Mortazavi, un ancien procureur général d'Iran impliqué dans la torture et le meurtre de Zahra Kazemi, citoyenne canadienne et photojournaliste de Montréal. Je vous parle aujourd'hui d'un point de vue similaire, puisque je suis d'origine iranienne.

Pourquoi est-ce que j'en fais mention? Parce que pour revenir à la question de la culture et de la crédibilité politique, la présence de Saïd Mortazavi a été comme une gifle à la figure pour les Nations Unies comme pour le Canada, lorsqu'ils ont vu que l'un des tortionnaires les plus notoires d'Iran, qui est accusé par une commission parlementaire iranienne du meurtre brutal d'une citoyenne canadienne, pouvait faire partie de cette commission. Devant les pressions, le premier ministre a réclamé à juste titre l'arrestation de Saïd Mortazavi, ce qui a envoyé une onde de choc parmi les réformistes d'Iran.

Il est seulement malheureux que malgré cette intervention louable, le gouvernement canadien n'ait pas poursuivi jusqu'à ouvrir officiellement une enquête contre cette personne en vue de l'accuser. Je le dis, parce que si nous acceptons que des citoyens canadiens soient assassinés impunément, quelle crédibilité aurons-nous lorsque nous voudrons exercer un leadership à l'échelle internationale sur la question des droits de la personne? Veuillez me pardonner la longueur de mon exposé.

La présidente : Je pense que vous nous avez donné un aperçu de la réforme de l'ONU en général, ainsi que du conseil qui nous préoccupe, et c'est ce que nous voulions. Monsieur Heinbecker, vous affirmez que l'ONU n'a jamais été aussi diversifiée que maintenant.

M. Heinbecker : Elle n'a jamais été si divisée ni si diversifiée.

La présidente : N'est-il pas vrai qu'elle est divisée depuis longtemps, entre l'Orient et l'Occident, et que chacun fait partie de l'un ou l'autre des deux camps? L'un, particulièrement sur le plan des droits de l'homme, a appuyé le Pacte relatif aux droits civils et politiques et l'autre, le pacte économique et social. Avant, il y avait l'Union soviétique et l'Ouest. Les pays africains et les pays d'Amérique latine s'y sont joints. Il a fallu du temps pour que s'établisse le G77.

La situation s'est-elle améliorée, et un pays comme le Canada a-t-il davantage l'occasion d'influencer les structures de l'ONU au quotidien qu'à l'époque où l'ONU était clairement divisée entre l'Est et l'Ouest? Nous étions une puissance moyenne, nous avons conçu le concept de la puissance moyenne. Devrions-nous trouver de nouveaux mécanismes pour influencer cette situation plus fragmentée et divisée?

M. Heinbecker : En rétrospective, le mot « fragmenté » convient mieux que le mot « divisé ». Elle était divisée en deux à l'époque de la guerre froide, mais maintenant, l'Ouest est fragmenté. Cette situation découle en partie de la guerre en Irak, de l'éternel conflit arabo-israélien, de l'unilatéralisme des États-Unis et de l'attitude des États-Unis envers les traités, qu'ils enfreignent de plus en plus, dont le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires.

Parmi les pays de l'ONU qui constituaient le bloc de l'Ouest, il n'y a plus autant d'harmonie qu'avant; pas plus que parmi les pays qui constituaient le bloc de l'Est, d'ailleurs. Il y a beaucoup de divergences d'opinions entre les anciens pays de l'Union soviétique.

Cependant, là où l'on constate la plus grande division si présente à l'ONU, c'est quant à la notion d'hégémonie contre le reste du monde. Nous le constatons particulièrement dans le G77. Cela explique une partie des votes récents. Les gens préserveront une certaine solidarité, même devant ce qui n'est manifestement pas dans leur intérêt ou ce qui est manifestement mal. La valeur la plus importante pour beaucoup de pays est de rester unis aux autres parce qu'ils se sentent faibles et impuissants. C'est vrai dans la plupart des cas, mais s'ils semblent croire qu'ils peuvent unir leurs forces, c'est qu'ils exercent à tout le moins une certaine influence vis-à-vis des États-Unis et des autres grandes puissances.

Dans les circonstances, que le Canada peut-il faire? D'après mon évaluation, nous avons toujours excellente réputation. Nous avons acquis cette réputation internationale avec le temps. Nous l'avons également acquise à l'échelle nationale, particulièrement sur le plan des droits de la personne et de la générosité dont nous faisons preuve à l'égard de la diversité. Quand je m'exprimais à l'ONU, on m'écoutait toujours poliment et attentivement. On ne peut pas en dire autant des représentants de tous les autres pays; beaucoup de pays ne suscitent pas la même attention. Je dirais qu'en ce moment, l'Australie aurait probablement de la difficulté à se faire entendre, mais nous y arrivons encore tout de même.

Je pense qu'il faut appeler les choses par leur nom. Nous devons défendre les droits de la personne. Lorsque nous voyons des situations que nous désapprouvons, nous devons dire non. Quand nous voyons des situations que nous approuvons, nous devons le dire aussi; nous ne devrions pas avoir peur de le faire. Nous devons nous demander si nous le faisons en ce moment. Le fait de qualifier la réaction des Israéliens à l'égard du Hezbollah libanais d'attaque l'été dernier est-il mesuré? Cela nous mérite-t-il une réputation de défenseurs des droits de la personne dans les conseils internationaux? Je ne le pense pas. Le fait de prendre une position manifestement pro-Israël, décrite comme pro-Israël, sans l'ombre d'une critique diffère-t-il beaucoup en soi de la position des groupes de défense des droits de la personne? Ce n'est pas si fameux, de toute évidence. Cependant, si nous appuyons un côté ou l'autre plutôt que de défendre le droit international sur les droits de l'homme, nous pouvons nous attendre à ne pas avoir beaucoup d'influence ensuite.

À mon avis, il y a un système de droit international, et nous ne devrions pas avoir peur de le défendre. Nous avons contribué à le créer, après tout.

Le sénateur Poy : Monsieur Heinbecker, j'ai écouté tout ce que vous avez dit et j'observe ce qui se passe dans le monde. Vous avez mentionné qu'il n'y avait personne de responsable aux Nations Unies. En outre, vous venez de dire que nous devions défendre les droits de la personne et la justice : croyez-vous vraiment que l'ONU soit toujours pertinente pour agir et non seulement pour parler au bon moment?

M. Heinbecker : Je pense qu'on a à la fois tort et raison, à la vue de ce que fait le Conseil de sécurité de l'ONU dans la situation au Darfour, de se dire : « Mon Dieu! Elle ne peut même pas régler la situation au Darfour. Cette organisation est-elle vraiment bonne? » On perd de vue le fait qu'il y a une commission de consolidation de la paix, des opérations de maintien de la paix, des opérations d'imposition de la paix, toute une série de lois sur les droits de l'homme, des mécanismes d'aide à la démocratie, un système de justice pénal, ainsi qu'une dimension environnementale et de développement durable au sein de l'ONU, et que l'on ne trouve rien de tout cela dans la Charte. Ce sont autant de nouveautés. L'existence même du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme est une nouveauté. Tous ces groupes font de l'excellent travail.

Là où l'ONU perd des plumes, curieusement, c'est là où les pays membres entrent en scène. C'est un peu comme ce que Walt Kelly disait dans les vieux dessins animés de Pogo : « Nous avons trouvé l'ennemi, et il est parmi nous. »

Les membres du secrétariat en général et des divers organismes, bien qu'ils ne soient pas parfaits, demeurent des êtres humains, après tout. Cependant, ils sont très doués et très qualifiés pour faire leur travail de leur mieux dans la plupart des cas. C'est au chapitre des pays membres que le bas blesse. Il est d'ailleurs très facile de le dire et de jeter le bébé avec l'eau du bain. En fait, on serait prêt à jeter des quintuplés avec l'eau du bain. Il y a beaucoup de réalisations de l'ONU qui sont très fructueuses. Les pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU n'arrivent pas à s'entendre sur une façon d'intervenir, donc le secrétariat et le secrétaire général ne peuvent pas faire grand-chose. Je pense, par exemple, à la situation en Irak et au Darfour.

Le sénateur Poy : Vous avez mentionné que le Canada avait toujours eu bonne réputation à l'ONU. Sommes-nous en train de la perdre à la lumière des derniers événements?

M. Heinbecker : Il faudrait faire un sondage. Instinctivement, je vous dirais que oui, nous sommes en train de la perdre. Le président de la Ligue des États arabes nous a critiqués. On peut tolérer la critique, mais l'on n'a pas à être d'accord avec elle. Cependant, le monde a tendance à nous considérer de plus en plus pro-Israël, comme le gouvernement le souhaite. En ce qui me concerne, si le gouvernement canadien voulait appeler les choses par leur nom, s'il osait s'indigner que « ceci est une violation » et que « cela est une violation », ce serait une position tout à fait tenable, mais lorsqu'il ne fait que dire « cela est une violation » et que c'est tout ce qu'il dit, il nuit à notre réputation.

Le sénateur Munson : Je n'étais pas prêt à poser cette question, mais d'un autre côté, le gouvernement actuel a défendu assez ouvertement la foi religieuse en Chine. J'ai moi-même vécu et travaillé en Chine pendant cinq ans, et j'admire ce que le gouvernement a fait à cet égard. Il a affirmé sa position, il n'a pas joué le jeu qu'on joue depuis longtemps dans nos rapports avec la Chine. À cet égard, dans cette perspective, obtenons-nous des points bonis dans le monde des droits de l'homme pour avoir défendu une personne incarcérée en Chine?

M. Heinbecker : Je pense que oui. Cela fait partie du tout dont je parle. Honnêtement, au sujet de la situation en Chine, on peut intervenir sans subir trop de dommages collatéraux, mais le gouvernement devrait gagner du crédit pour avoir osé dire : « Oui, c'est un citoyen canadien, et ces méthodes ne sont pas légitimes » ou que nous suivons la situation de près.

Le sénateur Munson : Vous avez également parlé de la situation au Soudan, de la situation en Israël et du nouveau Conseil des droits de l'homme, que je ne connais pas bien. Qui tient les rênes quand le Conseil des droits de l'homme élabore des résolutions et lorsqu'il siège, y a-t-il 10 ou 160 hommes et femmes? Comment se sont-ils entendus lorsqu'ils ont examiné les quatre résolutions qu'ils ont examinées? Peu importe qui tient les rênes, il faut être d'accord avec les mots utilisés. Selon la situation que vous avez décrite pour le Soudan, c'était scandaleux parce que le texte semblait minimiser ce qui se passait là-bas; pourtant, il était très dur à l'égard des Israéliens. Savons-nous comment ce mécanisme fonctionne?

M. Akhavan : Oui. Il y a déjà quelques années que j'ai quitté l'ONU et que je me suis réfugié dans le monde universitaire, mais je vais essayer de vous l'expliquer.

Le sénateur Munson : Je me suis réfugié au Sénat.

M. Akhavan : Sur le plan de la structure, il y a 47 membres au conseil. Ils sont sélectionnés en fonction de blocs régionaux. Le nombre de membres autorisé pour chaque bloc régional fait peut-être partie du problème. L'une des critiques à l'égard de la réforme du conseil, par exemple, c'est que les Américains voulaient qu'il n'y ait que 20 membres plutôt que 47, ce qui en aurait fait un groupe d'élite où seuls les gouvernements affichant un excellent bilan sur le plan des droits de l'homme auraient été élus.

Le fait de réduire le nombre de membres de 53 à 47 et de tenir compte du bilan des pays au chapitre des droits de l'homme a notamment eu pour effet que certains pays, comme l'Iran, n'ont pas été retenus même s'ils étaient candidats et que d'autres pays, comme le Soudan et le Zimbabwe, ne se sont même pas donné la peine d'essayer d'obtenir un siège, parce qu'ils savaient parfaitement qu'ils ne seraient pas élus, mais que d'autres pays encore, comme Cuba, l'Arabie saoudite et le Pakistan, dont le bilan au chapitre des droits de l'homme est douteux — sont membres.

Comment le vote s'effectue-t-il? Pour la question israélienne, par exemple, il y a presque toujours un membre de l'Organisation de la Conférence islamique qui parraine la résolution. Comme monsieur l'ambassadeur Heinbecker l'a souligné, même si leur objectif de condamner Israël se fonde sur des raisons politiques, lorsqu'ils procèdent de façon si manifestement unilatérale, ils nuisent à cet intérêt même. Quand une résolution prescrit que nous ne nous penchions que sur les violations des droits de la personne d'Israël à l'égard du Liban, mais non sur toutes les attaques de roquettes du Hezbollah contre des villes israéliennes, la partisannerie est tellement flagrante que la résolution perd toute crédibilité.

Les gouvernements comme celui du Canada et ceux des pays occidentaux essaient évidemment de négocier avec les pays touchés, mais comme ils sont en majorité numérique et dans le contexte de vive antipathie à l'égard des États- Unis, comme nous l'a expliqué M. Heinbecker, les gens prennent particulièrement plaisir à adopter ce type de résolution. Il y a une forme de politisation qui ne laisse pas de place pour une démarche plus équilibrée.

Comment ce système fonctionne-t-il dans la pratique? Habituellement, il y a un État ou un groupe d'États qui présente une résolution. C'est une ébauche, qui est distribuée à tous. Très souvent, les États se sont déjà entendu sur un texte et s'assurent d'obtenir le nombre requis de votes. La mesure dans laquelle il y aura véritablement un débat sur cette ébauche dépend de l'ampleur de la préparation pour établir un consensus entre une majorité substantielle de pays avant que l'ébauche ne soit distribuée.

Le cas échéant, le vote de pays comme le Canada n'a tout simplement aucun poids, et il ne peut pas faire grand- chose.

M. Heinbecker : Il est classique à l'ONU qu'un pays ou un groupe de pays prenne le leadership. Personne ne le leur concède, mais ils le prennent. Ils unissent leurs forces — il semble qu'ils s'en soucient plus que d'autres — et proposent des résolutions les premiers. Parfois, il y a des contre-résolutions et un grand exercice de rédaction, mais encore une fois, s'ils ont accordé leurs flûtes, ce n'est pas facile.

Le sénateur Munson : En gros, ils se liguent contre un autre pays. S'il n'y a personne qui ne rend de comptes, ils peuvent réussir.

La présidente : Monsieur le professeur, à l'époque de l'ancienne commission, si le Canada était très préoccupé de certaines violations des droits de la personne, pour un type de droit ou dans un pays particulier, il faisait ses devoirs, puis commençait à négocier avec les autres pays pour voir s'ils avaient les mêmes préoccupations. Si un consensus émergeait, les pays se demandaient d'où viendrait l'opposition et essayaient de négocier avec leurs opposants ou de gérer l'opposition. Est-ce la même dynamique au conseil?

M. Akhavan : C'est à peu près la même dynamique au conseil. La différence, c'est qu'il y a six États de moins, ce qui ne fait pas une très grande différence, puisque nous sommes passés de 53 à 47 pays membres, et que certains des candidats les plus douteux ne sont plus membres. Le Soudan et le Zimbabwe ne siègent pas à la même table. Cependant, la Chine et la Russie sont toujours là. On peut se demander si c'est bon ou mauvais. La même dynamique entre en jeu. La seule différence, c'est que le lien avec le bilan au chapitre des droits de la personne des pays membres est plus conscient et que selon la résolution d'établissement du conseil, les états promettent, au prix de leur siège au conseil, de faire particulièrement attention au respect des droits de l'homme chez eux.

Il reste à voir si les pays respecteront leurs promesses ou non, mais le même jeu des alliances se joue toujours.

La présidente : C'est-à-dire que pour faire diminuer l'opposition, pour la neutraliser ou pour obtenir une abstention, tous les facteurs habituels s'appliquent. Autrement dit, la politique joue.

M. Akhavan : Exactement. C'est d'ailleurs pourquoi au début, j'ai souligné que pour rendre le système efficace, il fallait créer des organes indépendants et les investir de plus grands pouvoirs à l'égard des États membres. Les États membres sont pour la plupart politiques, et même les démocraties libérales occidentales les plus déterminées à protéger les droits de la personne ne voteront pas contre l'Arabie saoudite en raison des intérêts économiques en jeu.

Bien qu'on puisse s'attendre à ce que certains pays soient plus politisés, notre partie du monde n'est pas nécessairement à l'abri de tout cela. D'une certaine façon, cette dynamique nous allège du fardeau de l'embarras de voter contre l'Arabie saoudite, avec laquelle nous avons des liens commerciaux, puisque nous pouvons affirmer que c'est une commission d'enquête indépendante et que c'est un mécanisme d'examen indépendant qui relève du Haut- Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Ce n'est pas nous qui décidons. Tout le défi consiste à trouver une façon de créer des mécanismes qui à long terme, dépolitiseront graduellement le processus.

À l'heure actuelle, nous avons une occasion en or d'essayer, même si l'ONU est profondément divisée, comme M. Heinbecker nous l'a dit. Le conseil a été établi par une majorité écrasante de l'Assemblée générale. Il y a maintenant cette période d'un an pendant laquelle il faut mettre en place le mécanisme de révision universelle. C'est maintenant le temps d'agir. C'est maintenant le temps de profiter de l'occasion pour créer des mécanismes efficaces parce qu'une fois qu'ils seront bien en place, il sera extrêmement difficile de susciter une autre réforme.

Le sénateur Munson : J'aimerais discuter un peu plus à fond de la recommandation. Nous nous demandons, entre autres, ce que peut faire le gouvernement canadien pour rendre le Conseil plus efficace. Vous avez dit que le Canada pourrait envisager de nommer un ambassadeur pour les droits de l'homme. Est-ce que l'ancien ambassadeur est du même avis? Est-ce que cette personne aurait le pouvoir de communiquer directement avec le secrétaire général ou l'actuel ambassadeur pour les droits de l'homme aux Nations Unies?

M. Heinbecker : Nous avons un ambassadeur qui s'occupe des droits de l'homme — et pas uniquement de cela —, et c'est M. Paul Meyer. Il doit rencontrer le comité la semaine prochaine. Je ne sais pas s'il va être en mesure de répondre à la question, mais il serait intéressant de connaître son point de vue là-dessus. Il agit également comme ambassadeur pour le désarmement, entre autres, à Genève. Il ne s'occupe pas uniquement de ce dossier. Avec le respect que je lui dois, j'estime qu'il serait bon d'avoir un ambassadeur à temps plein, au Canada et non à Genève, qui assisterait à ces réunions, mais qui serait secondé par une équipe d'employés et plusieurs ministères.

Cela permettrait de mieux mettre en évidence la question des droits de la personne comme volet de la politique étrangère, et aussi d'amener le Canada à prendre conscience de l'importance que revêtent les discussions sur les droits de l'homme et à balayer devant sa porte. Il y a un point dont nous avons peu parlé : il n'est pas facile de mettre en œuvre des traités au Canada, des traités qui ont été approuvés par le gouvernement fédéral, même après de longues consultations. Nous sommes à la traîne dans ce domaine.

Le sénateur Carstairs : Nous avons parlé brièvement des organes de suivi des traités. Il est vrai qu'il serait bon d'avoir un groupe plus unifié. Toutefois, j'aurais peur que certaines conventions ne tombent dans l'oubli. Je songe, notamment, à la Convention relative aux droits de l'enfant, sur laquelle nous nous penchons. Un grand nombre d'États y ont adhéré, mais même un pays comme le Canada a été cité, à maintes et maintes reprises, comme étant en violation flagrante de cette convention.

Si nous demandons que les organes de suivi des traités fassent rapport au Conseil, ne risquons-nous pas de compliquer les choses?

M. Akhavan : Vous soulevez un bon point. Ce que nous proposons, c'est non pas que les organes de suivi des traités soient subordonnés au Conseil, mais qu'ils soient tout simplement consolidés. Le problème, c'est qu'il y a une multitude de traités et aussi d'organes auxquels les États doivent faire rapport. Soumettre six rapports différents à six organismes différents qui appliquent des lignes directrices différentes peut être très fastidieux. Nous avons rationalisé le processus. Par exemple, nous avons établi des lignes directrices normalisées pour aider tous les organes à soumettre des rapports consolidés. Ainsi, au lieu d'avoir six rapports qui nécessitent six comparutions différentes, nous n'en avons qu'un seul qui aborde toutes les sujets.

Par conséquent, les traités comme la Convention relative aux droits de l'enfant pourraient faire l'objet d'un rapport consolidé.

La question est de savoir si nous devons continuer d'avoir des mécanismes différents dans tous ces domaines. À mon avis, il serait plus efficace d'avoir non pas un système fragmenté, mais un organe central qui jouit d'un certain prestige et d'un certain pouvoir. Quand les joueurs sont trop nombreux, aucun ne peut, cumulativement, avoir le poids d'une entité unifiée.

Pour ce qui est des rapports, nous pourrions facilement confier la tâche à un organe qui bénéficie d'une certaine expérience en la matière, selon le sujet étudié. Les droits de l'enfant, par exemple, pourraient être incorporés de façon plus vaste dans le bilan d'un pays en matière de droits de la personne.

Concernant les pétitions de particuliers, nous devons commencer à songer à mettre sur pied un mécanisme judiciaire adéquat. Il existe déjà une procédure quasi judiciaire. Cette démarche risque de donner lieu à une perte d'expérience, sauf que nous bénéficions déjà de mécanismes centralisés crédibles qui jouissent d'une grande visibilité.

Le sénateur Carstairs : Je ne suis pas en désaccord avec vous sur ce point, et j'appuie l'idée d'avoir un tribunal international des droits de l'homme. Toutefois, d'après ce que je sais de la Cour interaméricaine, le nombre de dossiers à traiter est énorme. Je rencontre des parlementaires de l'Amérique latine dans le cadre de mes fonctions comme vice- présidente du Comité des droits de l'homme des parlementaires, qui relève de l'Union interparlementaire. Plusieurs de ces cas sont soumis à la Cour interaméricaine, et de nombreuses années peuvent s'écouler avant qu'ils ne soient réglés.

Ce qui m'inquiète dans le cas du tribunal international des droits de l'homme, c'est que, d'abord, les Américains n'en seraient pas membres, parce qu'ils refusent de faire partie d'organismes internationaux de ce genre. Ensuite, le tribunal ne pourrait pas compter sur un mécanisme de financement adéquat qui lui permettrait de bien fonctionner. On se retrouverait avec un organisme international qui créerait chez les gens des attentes élevées qui ne seraient pas satisfaites.

M. Akhavan : Vous avez raison de dire cela. Je dirais que d'un point de vue politique, le moment n'est pas approprié pour même discuter sérieusement de l'idée de mettre sur pied un tribunal international des droits de l'homme. Ce projet doit faire partie d'une vision à long terme. Il faut du temps pour transformer un comité quasi judiciaire, qui a pour mandat de recevoir les pétitions de particuliers, en organe plus officiel.

Le problème concernant le volume de dossiers s'applique aussi bien au comité qu'au tribunal, sauf que le tribunal s'appuierait sur une procédure bien définie. Il existe divers moyens de régler les questions d'ordre pratique. Un tribunal peut être scindé en plusieurs chambres différentes. La Cour européenne des droits de l'homme est confrontée au même problème pour ce qui est de l'arriéré de dossiers.

Concernant l'adhésion des États-Unis, il y a l'exemple du Tribunal pénal international qui, malgré la non- participation des États-Unis et leur opposition active à ce dernier, accomplit des progrès. Dans le cas du Darfour, les États-Unis, et il s'agit là d'un fait intéressant, ont été obligés d'accepter que le dossier soit renvoyé au Conseil de sécurité car, lorsque Colin Powell qualifie la situation au Darfour de génocide, est-ce que les États-Unis peuvent opposer leur veto à une résolution portant sur le renvoi de ce dossier?

Je ne pense pas qu'à long terme, l'arrivée de dirigeants américains plus éclairés qui reconnaissent l'importance de telles institutions sur le plan de la gouvernance mondiale pose problème. Nous ne devons pas nous laisser influencer trop facilement par les intérêts et les circonstances politiques à court terme. Nous devons nous doter d'une vision à plus long terme et établir des plans d'action et des stratégies pratiques en vue d'atteindre nos objectifs.

Le sénateur Carstairs : Quatre sessions extraordinaires ont eu lieu, dont trois sur Israël. Ils devraient peut-être revoir le mode de procédure pour éviter qu'un pays ne fasse l'objet d'une autre session, sauf si deux tiers des membres sont d'accord. Autrement, le Conseil se pencherait sur le bilan d'un autre pays en matière des droits de l'homme.

M. Akhavan : Il faudra bien sûr examiner cette question à fond, au fur et à mesure que le tribunal prend forme.

On pourrait exiger l'accord des deux tiers des participants. On pourrait aussi, encore une fois, créer des mécanismes et un système de gradation. Par exemple, dans le cas de l'examen universel, il est clair que les pays qui en font l'objet figurent parmi ceux qui commettent systématiquement les violations les plus flagrantes des droits de la personne. Ce constat figure dans le rapport que prépare le Haut Commissariat aux droits de l'homme. Comme ce rapport relève du domaine public, il devient plus difficile de dire que trois sessions seront consacrées à Israël, mais aucune au Darfour, au Myanmar, au Congo, ainsi de suite.

Le sénateur Stratton : Je ne suis pas membre du comité, mais je l'ai accompagné dans certains de ses déplacements. Combien de pays font maintenant partie des Nations Unies?

M. Heinbecker : Il y en a 192.

Le sénateur Stratton : Cela donne un organisme énorme, complexe et très bureaucratisé. C'est ce qu'on lui reproche, son trop grand nombre de membres, mais il n'y a pas grand-chose que l'on puisse faire à ce sujet.

Les efforts déployés dans le cas du Congo, où la question des droits de la personne a été réglée, et le programme « Pétrole contre nourriture », en Irak, semblent avoir donné de bons résultats. Par conséquent, il existe, malgré tout, des exemples de réussite aux Nations Unies. Pourquoi les choses ont-elles fonctionné dans ces cas-là, et pourquoi ne pouvons-nous pas nous appuyer sur ces exemples pour intervenir dans le domaine des droits de l'homme?

S'il existe une telle multitude de pays-membres et une telle bureaucratisation, et c'est l'imagine que projettent les Nations Unies, alors la formule ne peut fonctionner. Or, j'estime qu'elle a bien fonctionné dans ces deux domaines particuliers. Pourquoi ne pouvons-nous pas utiliser la même approche dans le cas des droits de la personne?

M. Heinbecker : Lorsque nous examinons objectivement le travail des Nations Unies et la gamme complète des améliorations qu'elles tentent d'apporter, nous constatons que bon nombre de ses initiatives sont efficaces. Le programme Pétrole contre nourriture a fonctionné. Il a empêché Saddam Hussein de se doter d'armes nucléaires et d'autres armes de destruction massive, et tel était l'objectif visé. Il a fallu apporter des modifications au programme parce qu'un trop grand nombre de personnes étaient privées de nourriture ou étaient autrement touchées par le programme.

L'organisme UNICEF fonctionne. Il a inoculé 565 millions d'enfants, ou quelque chose du genre. Le Programme alimentaire mondial des Nations Unies a permis de nourrir 100 millions de personnes l'an dernier. Mes chiffres ne sont peut-être pas tout à fait exacts. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a aidé environ 20 millions de personnes, l'an dernier, à se loger. Il y a toute une gamme de programmes qui connaissent beaucoup de succès.

Il y a également beaucoup d'initiatives secondaires, comme celles qui ont trait à l'usage du spectre électromagnétique, aux brevets, ainsi de suite, que personne ne prend en considération. Le problème, comme l'affirmait le professeur Akhavan, c'est que plus l'organisation se politise, plus elle reflète les désaccords actuels, et plus il devient difficile pour elle de réaliser des progrès. L'enjeu le plus fondamental a été l'Irak — les armes de destruction massive, Saddam Hussein, la division totale de l'organisation, sa paralysie.

Kofi Annan a tenté d'expliquer, mais sans trop y parvenir, que les Nations Unies s'appuient sur trois piliers : la sécurité, le développement économique et les droits de l'homme. De nombreux États-membres ont refusé de reconnaître l'existence de ces trois piliers — il y en avait deux, et quelque chose d'autre. Pourquoi? En partie, parce que c'est ce pilier qui soulève les questions les plus controversées.

Dans une certaine mesure, la Commission des droits de l'homme a été victime de son succès. Des personnes se sont retrouvées sur la sellette. Elles se sont rendu compte que la Commission était efficace, et se sont servies de leur ingéniosité pour en faire partie et diriger l'attention sur quelqu'un d'autre. Le pays qui a accueilli l'appui le plus faible est Israël. Par conséquent, Israël est devenu la cible.

Je ne sais pas s'il existe une solution au problème, quoique je l'espère. Essayer de régler les questions de procédure est une bonne chose. Toutefois, c'est un sujet sur lesquels les membres du Conseil de sécurité n'ont jamais réussi à s'entendre, et ce, depuis 1945. Chaque fois que nous croyons comprendre quelque chose, un membre permanent du Conseil de sécurité invoque un argument quelconque et utilise la procédure parlementaire pour faire obstacle au Conseil.

Je suis certain — et c'est ce que je tentais d'expliquer, mais dans une optique plus large — que le jour où la question israélo-palestinienne sera réglée et où deux États parviendront à vivre en paix et en toute sécurité, le Conseil des droits des l'homme consacrera son attention à un autre dossier, peut-être celui des Ouïgours, en Chine. Toutefois, cette question va dominer l'ordre du jour tant et aussi longtemps qu'elle ne sera pas réglée, qu'elle suscitera beaucoup d'intérêt et qu'elle impliquera de nombreuses violations des droits de la personne. Les États-membres de l'ONU qui sont contre Israël sont très nombreux. Les Israéliens peuvent dominer la dimension militaire du dossier, et les Arabes, la dimension diplomatique de celui-ci. Voilà où en sont les choses.

Le président : Nous devons nous arrêter ici. Nous pourrions poursuivre le débat et discuter du fait que l'ordre du jour de la Commission des droits de l'homme était monopolisé, à un moment donné, par la question de l'apartheid. La situation du Moyen-Orient a été débattue quand le Parti uni de l'indépendance nationale est devenu un enjeu. Cette dimension politique existe toujours. Nous n'avons même pas abordé le sujet de la Chine et de l'influence qu'exerce ce pays, tout comme la Russie, sur le monde. C'est un dossier très complexe.

Nous vous remercions tous les deux d'être venus nous rencontrer. Monsieur Akhavan, vous vous intéressez aux structures et aux procédures. Si vous avez d'autre chose à ajouter, surtout à la suite des commentaires du sénateur Carstairs, n'hésitez pas à le faire. Les comités chargés de surveiller l'application des traités possèdent une expérience particulière. Les personnes qui en font partie sont choisies en raison des connaissances qu'elles ont acquises, par exemple, dans le domaine de la Convention relative aux droits de l'enfant. Si nous optons pour une approche coordonnée, nous allons perdre de vue la raison d'être des traités distincts et nous demander pourquoi nous ne nous sommes pas tout simplement contentés d'examiner le Pacte international relatif aux droits civils et politiques? Pourquoi avons-nous décidé d'aborder ces enjeux? Parce que nous devions nous concentrer là-dessus, comme nous le faisons avec les lois.

Si vous avez des observations à faire au sujet des inconvénients de cette approche, nous aimerions bien les entendre. Si nous commençons à coordonner, à fusionner le tout, ne perdons-nous pas de vue la raison d'être d'un traité, ce qui le distingue des autres, et l'objectif que nous essayons d'atteindre? Si vous avez d'autres commentaires à faire sur le sujet, n'hésitez pas à communiquer avec nous dans les semaines à venir.

Je tiens à remercier nos deux témoins. Vous nous avez donné les outils dont nous avons besoin pour entreprendre cette étude sur le Conseil — la question plus vaste des Nations Unies, les dimensions politiques, les activités actuelles. En ce qui concerne la Commission, je pense que c'est l'ingéniosité dont elle a fait preuve pour atteindre les objectifs visés, malgré les considérations politiques, et parfois le fait d'utiliser celle-ci à son avantage et aussi à son désavantage, qui a permis de donner lieu à certaines histoires à succès dans le domaine des droits de la personne.

Vous avez parlé du Conseil et brossé un tableau plus vaste des Nations Unies, ce qui fait que vous avez répondu à nos attentes. Nous tenons à vous remercier tous les deux de nous avoir fait part de vos vues sur la question. Si vous avez d'autre chose à ajouter, n'hésitez pas à le faire.

Nous allons maintenant poursuivre notre étude et notre réflexion. Nous espérons présenter un rapport qui sera utile au gouvernement du Canada et qui fera avancer les droits de la personne.

La séance est levée.


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