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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 20 - Témoignages du 11 juin 2007


OTTAWA, le lundi 11 juin 2007

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne se réunit aujourd'hui, à 16 h 4, pour l'étude du projet de loi S-207, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants).

L'honorable Joan Fraser (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : Honorables sénateurs, bienvenus à cette 30e réunion du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.

Aujourd'hui, nous continuons notre étude du projet de loi S-207, loi modifiant le Code criminel (protection des enfants).

[Traduction]

Nous accueillons cet après-midi Mme Joan Durrant, du Département des sciences sociales et de la famille à l'Université du Manitoba. Elle est accompagnée de Mme Corinne Robertshaw, fondatrice et coordonnatrice du Comité pour l'abrogation de l'article 43, et de M. Ron Ensom, coauteur de la Déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents.

Je crois savoir que Mme Robertshaw et Mme Durrant vont présenter une déclaration préliminaire. M. Ensom n'a pas de déclaration d'ouverture, mais il est prêt à répondre aux questions, comme vous tous, je l'espère.

Corinne Robertshaw, fondatrice et coordonnatrice, Comité pour l'abrogation de l'article 43, Toronto : Bonjour, madame la présidente et sénateurs. Je vous remercie de votre invitation à comparaître devant vous au sujet du projet de loi S-207. Vous avez déjà examiné l'article 43 dans la perspective de nos obligations internationales à l'égard des droits des enfants et vous en avez recommandé l'abrogation.

Le 6 juin, j'ai déposé au sujet du projet de loi S-207 un mémoire de trois à quatre pages qui récapitule les principales raisons de politiques sociales qui, selon nous, militent en faveur de l'abrogation de l'article 43. J'y aborde aussi les principales objections à l'abrogation formulées par le ministère de la Justice du Canada et par la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants. J'apporte aussi certains commentaires sur la récente réforme juridique appliquée en Nouvelle-Zélande et dans d'autres pays.

Je vais résumer brièvement mon mémoire et je répondrai ensuite volontiers aux commentaires ou aux questions que vous pourriez avoir.

Premièrement, quelles sont les principales raisons de politiques sociales à l'appui de l'abrogation de l'article 43? L'article 43 reflète une croyance du XIXe siècle selon laquelle les châtiments corporels sont une méthode appropriée et nécessaire pour discipliner un enfant. La science moderne du développement de l'enfant et notre sensibilité aux droits des enfants contredisent cette croyance. Il est temps que notre droit témoigne de ce changement en abrogeant l'article 43 et en avisant la population que nos lois désapprouvent désormais cette mesure disciplinaire.

La violence faite aux enfants représente un problème social majeur compte tenu de la souffrance humaine qu'elle engendre et de son coût financier, qui s'établit à 15 milliards de dollars par année. La plupart des cas motivés de blessures physiques, c'est-à-dire de « mauvais traitements », résultent de tentatives de discipliner un enfant au moyen de châtiments corporels.

Les effets émotifs et psychologiques négatifs qu'entraîne un châtiment corporel, même mineur, sont soulignés par la recherche. Les coups constituent une agression qui touche l'esprit et l'émotion autant que le corps.

Les parents donnent un mauvais exemple lorsqu'ils frappent leurs enfants pour les punir. Cet exemple alimente le cycle de la violence familiale et hausse le niveau général de la violence au sein de notre société. La peur ne constitue pas un fondement de l'autodiscipline. La discipline qui repose sur la punition ne représente pas une bonne façon d'apprendre aux enfants à bien se comporter.

L'article 43 justifie et, par conséquent, encourage les châtiments corporels. La majorité des parents qui emploient toujours ce type de punition suivent simplement une pratique approuvée légalement au Canada depuis 1892. L'article 43 est en contradiction avec les campagnes d'éducation contre les châtiments corporels. Votre comité a recommandé d'éduquer la population au sujet des préjudices liés aux châtiments corporels et des solutions de rechange à cet égard. Des efforts sont déployés en matière d'éducation, mais ils sont contredits et continueront d'être contredits si l'article 43 demeure inscrit au Code criminel.

La réforme du droit doit faire l'objet de campagnes de publicité pour être assimilée dans la conscience populaire. Advenant l'abrogation de l'article 43, ce changement législatif doit être communiqué aux enfants, aux parents et à l'ensemble de la population.

Deuxièmement, quelles sont les principales objections à l'abrogation formulées par le ministère de la Justice et la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants? Ceux-ci apportent quatre arguments au sujet des conséquences d'une abrogation. Premièrement, l'abrogation risque d'entraîner des poursuites pour avoir eu recours à la force raisonnable en vue de se protéger et de protéger autrui. Les articles 27 et 41 du Code criminel constituent des moyens de défense qui justifient le recours à une force raisonnable dans ces situations et dans d'autres également. L'article 43 n'est pas nécessaire comme moyen de défense en pareil cas.

L'abrogation risque d'entraîner des poursuites pour avoir eu recours à la force raisonnable en vue d'éviter qu'un enfant soit mis en danger. Le fait d'éloigner un enfant du danger en pleine rue ou dans d'autres situations ou encore le fait de forcer un enfant à prendre place dans un siège d'auto ne constitue pas une voie de fait puisque celle-ci se définit comme un emploi intentionnel de la force sans consentement. Or le consentement peut être explicite ou tacite. Un enfant est réputé aux yeux de la loi avoir consenti au recours à une telle force pour sa protection. Étant donné qu'aucune agression n'est commise, il n'est pas justifié d'invoquer l'article 43 en tant que moyen de défense.

La troisième objection est la suivante : l'abrogation risque d'entraîner des poursuites pour avoir eu recours à la force raisonnable aux fins de maîtrise et de contrôle. La common law permet aux parents et aux enseignants d'avoir recours à la force raisonnable à des fins de maîtrise et de contrôle. Le recours à la force raisonnable pour infliger une correction relève d'un pouvoir différent dans la common law. Dans la presque totalité des cas relatifs à l'article 43 résumés dans notre site Web, des coups ont été donnés et ce n'étaient pas des tentatives de maîtrise.

Toutefois, honorables sénateurs, vous avez la possibilité d'intégrer le pouvoir de maîtrise et de contrôle dans le Code criminel si vous jugez que cela est nécessaire pour rassurer les parents et les enseignants quant à ce moyen de défense prévu par la common law. Pour notre part, nous ne pensons pas que cela soit nécessaire pour les raisons précitées. Toutefois, si votre comité estime que ceux-ci ont besoin d'être rassurés, alors ce moyen de défense pourrait être ajouté au code si son absence constitue un obstacle majeur pour mettre un terme à la justification légale du châtiment corporel et si la justification de tout châtiment corporel, quel qu'il soit, n'est plus en vigueur.

Quatrièmement, l'abrogation risque d'entraîner des poursuites contre les parents pour avoir exercé une force de minimis à des fins de correction. La peur qu'une poursuite soit intentée contre les parents pour avoir donné une claque ou une fessée mineure est alarmiste. La police et les procureurs usent de la règle de minimis pour éliminer les accusations relatives à des contraventions mineures à la loi étant donné que ces poursuites ne sont pas dans l'intérêt public. Les procureurs généraux des provinces peuvent également publier des lignes directrices pour que des poursuites soient intentées uniquement lorsqu'elles sont nécessaires et appropriées.

On a mis en doute la possibilité de recourir à la règle de minimis à titre de défense contre une accusation de voies de fait. Toutefois, l'arrêt rendu au Québec dans l'affaire La Reine c. Freedman en 2006 examine cette question en profondeur et conclut qu'à titre de moyen de défense, la règle de minimis était toujours largement utilisée dans le droit pénal canadien. Cet arrêt compte 24 pages grand format et je peux vous en laisser un exemplaire et un résumé si vous le voulez.

En dernier lieu, il importe de prendre note des réformes récentes du droit en Nouvelle-Zélande et dans 18 autres pays. En avril de cette année, la Nouvelle-Zélande a abrogé la défense fondée sur la force raisonnable de l'article 59 de la Crimes Act, une défense contre les accusations de voies de fait semblable à celle de notre article 43. Des amendements au projet de loi néo-zélandais original permettent le recours à la force raisonnable à des fins de contrôle et confèrent aux autorités policières le pouvoir discrétionnaire de ne pas porter d'accusations lorsque la force exercée est sans conséquence et que la poursuite n'est pas dans l'intérêt public. Cette mesure entrera en vigueur ce mois-ci.

Comme le sait votre comité, 18 autres pays ont interdit les châtiments corporels. Dans leurs codes criminels, la Suède, la Finlande, la Norvège et l'Autriche étaient dotés de moyens de défense relatifs à une agression contre un enfant semblables à ceux prévus à notre article 43. Ils ont été supprimés entre 1957 et 1977. Des interdictions en vertu du droit civil relatives au contexte de l'éducation ont suivi l'abrogation de ces moyens de défense.

D'autres pays, qui ont interdit le châtiment corporel dans leurs lois civiles, ne semblaient pas disposer de moyens de défense semblables à ceux de l'article 43 dans leur droit pénal et n'ont donc pas été tenus d'apporter des modifications à leurs codes criminels.

Comme l'ont fait remarquer les fonctionnaires du ministère de la Justice, la loi suédoise en matière de voies de fait a une portée plus étroite que la nôtre, et une fessée légère à main ouverte qui n'inflige aucune douleur ne constitue pas une voie de fait en vertu du code pénal de la Suède et ne pourrait donc pas faire l'objet d'une poursuite. Or, un tel geste ne ferait pas non plus l'objet d'une poursuite en vertu de notre droit pénal en raison de la règle de minimis. En pratique, le résultat serait le même dans les deux pays, avec ou sans l'article 43. Je fais référence uniquement à des fessées légères.

En conclusion, madame la présidente, nous sommes reconnaissants au comité de son excellent travail dans le cadre de son étude des obligations internationales du Canada relatives aux droits des enfants. Nous vous prions d'y donner suite en recommandant l'adoption du projet de loi S-207.

La vice-présidente : Merci beaucoup. Si vous aviez l'obligeance de donner à la greffière un exemplaire de la décision de la cour du Québec, nous veillerons à ce que le texte en soit distribué aux membres du comité.

Mme Robertshaw : Volontiers.

Joan Durrant, Département des sciences sociales et de la famille, Université du Manitoba : Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je vais m'exprimer en ma qualité de pédopsychologue clinique et d'universitaire dont la recherche porte sur la prévention de la violence contre les enfants.

J'ai étudié pendant 17 ans le châtiment corporel et j'ai publié 25 documents approuvés par des collègues sur le sujet. Je suis coauteur de la Déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents, ainsi que l'auteur d'un ouvrage sur le châtiment corporel parrainé et publié par l'UNESCO. J'ai apporté des exemplaires de tous ces documents à l'intention des députés du comité.

J'ai été membre du groupe consultatif de recherche qui a contribué à l'Étude du Secrétaire général des Nations Unies sur la violence contre les enfants. J'ai aussi vécu en Suède pendant de longues périodes à maintes reprises pour étudier l'histoire, la mise en oeuvre et le résultat du premier moratoire sur le châtiment corporel dans le monde.

À la lecture de la transcription des audiences tenues jusqu'à maintenant, un commentaire du sénateur Munson m'a particulièrement touché. Il a dit, à propos du projet de loi S-207 :

Cela semble être une mesure législative fort simple, fondée sur le bon sens. Pourquoi continuons-nous à rencontrer de tels obstacles?

Ceux d'entre nous qui oeuvrent dans ce domaine nous posons cette question tous les jours. J'ai consacré la plus grande partie de ma carrière universitaire à essayer de trouver une réponse à cette question. J'aimerais partager avec le comité ce que j'ai appris et lui fournir des renseignements qui, je l'espère, l'aideront à éliminer ces obstacles.

Plusieurs arguments ont été avancés pour justifier le maintien de l'article 43. L'un d'eux est que le châtiment corporel a fait ses preuves et que par conséquent, les parents devraient être autorisés à y recourir. En fait, il n'y a pas une étude qui ait démontré les effets bénéfiques à long terme du châtiment corporel.

Une méta-analyse des travaux de recherche approfondie sur le sujet, publiée en 2002, a démontré que le châtiment corporel était constamment lié à des effets négatifs pour les enfants. Par exemple, à cette époque, il existait 27 études sur la relation entre le châtiment corporel et l'agressivité des enfants. Toutes, sans exception, ont conclu que le châtiment corporel provoquait des taux plus élevés d'agressivité chez les enfants.

On a aussi établi des liens constants entre le châtiment corporel et une santé mentale fragile, des relations parent- enfant difficiles, une faible internalisation des valeurs morales et la délinquance. Ces relations se poursuivent à l'âge adulte. Le châtiment corporel est un prédicteur fiable d'un comportement antisocial et violent ainsi que de problèmes de santé mentale à l'âge adulte. En conséquence, le châtiment corporel est intrinsèquement injustifiable et contraire aux meilleurs intérêts de l'enfant.

Qu'arriverait-il si l'on constatait que le châtiment corporel donnait des résultats positifs? À ce moment-là, l'article 43 serait-il justifié? J'invite les membres du comité à se poser la question suivante : Permettrions-nous le châtiment corporel des personnes âgées si cela les empêchait de fuguer ou si cela les incitait à finir leur assiette? Bien sûr que non. Cela violerait leurs droits fondamentaux à la dignité et à la sécurité physique. La question de savoir si le châtiment corporel « fonctionne » ne serait pas pertinente.

Un deuxième argument a été avancé pour justifier l'article 43, soit que la Cour suprême en a imposé une application plus limitée, en ce sens qu'elle justifie uniquement le châtiment corporel « non abusif ». À mon avis, c'est là un oxymoron. Non seulement laisse-t-on entendre qu'il existe une zone de violence non violente, mais cette notion est aussi contredite par 30 ans de recherches montrant que la plupart des mauvais traitements sont des châtiments corporels. Depuis le milieu des années 70, nous savons que les parents qui maltraitent leurs enfants ont rarement l'intention de leur faire du mal; la majorité veulent les corriger. Si les parents croient que le châtiment corporel est une forme de correction acceptable, ils vont vraisemblablement l'utiliser. Si l'enfant ne peut ou ne veut pas se plier à leurs exigences, la punition est plus sévère.

L'Étude canadienne sur l'incidence des signalements de cas de violence et de négligence envers les enfants est la dernière d'une longue liste d'études démontrant que la maltraitance des enfants est issue de la volonté des parents de discipliner l'enfant. En 2003, 75 p. 100 des cas rapportés au Canada étaient des cas de châtiments corporels. Cela représente plus de 18 000 cas par année. Étant donné que l'étude en question se penche uniquement sur les signalements, ce chiffre est sûrement en-dessous de la réalité.

Ces conclusions viennent corroborer maintes études antérieures. Par exemple, il ressort d'une vaste étude menée au Québec que les enfants ayant été victimes de violence mineure étaient sept fois plus susceptibles d'être victimes de violence sévère. En maintenant l'article 43, le Canada sanctionne une action qui place un grand nombre d'enfants à risque et qui garantit des préjudices à un grand nombre d'entre eux.

Un troisième argument en faveur du maintien de l'article 43 veut qu'il soit nécessaire d'avoir un moyen de défense contre des accusations de voies de fait dans une situation où un enfant a été maîtrisé ou touché d'une autre façon. Il n'y a aucune preuve que les poursuites augmentent dans les pays dépourvus d'une telle défense. En Suède, par exemple, le taux de poursuites est demeuré inchangé dans la foulée de l'interdiction du châtiment corporel en 1979. À l'heure actuelle, 19 pays dans le monde ont interdit tout châtiment corporel. En outre, le Népal a aussi abrogé cette mesure de défense au criminel. Tous ces pays ont été en mesure de surmonter cet obstacle présumé ou anticipé.

Plus d'une centaine de pays n'ont pas de défense au criminel pour les enseignants, y compris tous les pays d'Europe. Toutes ces nations font en sorte que les enseignants ne sont pas poursuivis en cas de recours nécessaire, mais non disciplinaire, à la force. Nous pouvons certainement faire la même chose au Canada.

Le représentant de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants soutient que son syndicat parle au nom de tous les enseignants sur cette question, mais il y a des preuves du contraire. La Déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents, qui recommande l'abrogation complète de l'article 43, a été appuyée par le Council of Ontario Directors of Education, l'Ontario Public Supervisory Officials' Association et le Canadian Safe School Network. En outre, le conseil scolaire de district d'Ottawa-Carleton, le conseil scolaire de district de Toronto, les écoles publiques de Saskatoon et le district scolaire de l'est de Terre-Neuve-et-Labrador ont aussi endossé la déclaration conjointe.

Un quatrième argument en faveur du maintien de l'article 43 est qu'en l'absence de cette loi, les autorités chargées du bien-être des enfants dans les provinces ou les territoires pourraient enlever des enfants à leur famille lorsqu'ils se font frapper par leurs parents. En fait, les châtiments corporels sont aujourd'hui l'une des formes les plus répandues de mauvais traitement des enfants faisant l'objet d'enquêtes par les services de bien-être de l'enfance, parce que c'est un indicateur fiable du risque. Dans la majorité de ces cas, on donne de l'aide aux familles en les aiguillant vers des services de soutien familial, des programmes d'éducation spéciale ou de counselling. En l'absence d'autres risques de mauvais traitement et de négligence, le système de protection de l'enfance réagit de manière positive en pareils cas.

Cependant, les professionnels de la protection de l'enfance ont énormément de difficulté à mettre en oeuvre des approches préventives parce qu'ils sont incapables de dire aux parents que les châtiments corporels ne sont pas permis. Cette difficulté a été encore exacerbée par la décision de la Cour suprême. Une étude faite en Ontario a permis de constater que les travailleurs des services de protection de l'enfance signalent que leur travail « est devenu plus difficile, les parents affirmant avec insistance qu'ils peuvent utiliser des châtiments corporels ». Selon eux, les parents qui sont signalés à leur attention sont souvent ceux qui ont le plus tendance à frapper leurs enfants, et la décision du tribunal est un obstacle qui empêche d'atténuer ce risque. D'autres signalent que certains parents sont convaincus qu'ils ont le droit de faire tout ce qu'ils veulent avec leurs enfants dont l'âge se situe entre 2 ans et 12 ans.

Comme 19 pays ont maintenant interdit tous les châtiments corporels aux enfants, nous avons la possibilité de voir ce qui se passe à la suite d'une telle réforme du droit. Je vais parler d'abord de la Suède, car c'est le pays que je connais le mieux.

En Suède, la défense au criminel a été abrogée en 1957, c'est-à-dire il y a un demi-siècle. Ensuite, en 1979, une interdiction explicite a été mise en vigueur afin de s'assurer que la loi ne soit pas mal interprétée. Alors que 100 p. 100 des enfants suédois élevés durant les années 1950 se faisaient frapper par leurs parents, souvent fréquemment, seulement 11 p. 100 des enfants élevés dans les années 1980 ont déjà été frappés ne serait-ce qu'une seule fois, et la plupart d'entre eux seulement une ou deux fois dans toute leur enfance. Le taux de décès d'enfants causés par des mauvais traitements est extrêmement bas en Suède. Au cours des 32 années entre 1971 et 2003, seulement neuf enfants sont morts de cette manière, jamais plus qu'un en une année donnée et le chiffre était de zéro la plupart des années. Les adolescents suédois ont un profil plus intéressant aujourd'hui qu'avant l'adoption de cette interdiction. Ils sont moins nombreux à commettre des crimes, à consommer de l'alcool et des drogues, et le nombre de suicides a diminué. Alors que, durant les années 1960, la majorité des Suédois croyaient que le châtiment corporel était nécessaire, seulement 11 p. 100 inclinaient à approuver ne serait-ce que les formes les plus légères de châtiments corporels durant les années 1990.

On a constaté un changement radical du même ordre dans d'autres pays. En Allemagne, où le châtiment corporel a été interdit en 2000, les enfants ont aujourd'hui moins de chances de se faire gifler et battre qu'en 1992. Comme on pourrait s'y attendre, les formes les plus graves de châtiments ont connu la baisse la plus forte dans ce pays. Par exemple, le pourcentage d'enfants allemands qui ont été frappés avec des objets a baissé, passant de 41 p. 100 à 5 p. 100. En outre, le pourcentage de parents qui définissent les gifles et les claques comme une forme de « violence » a augmenté. Par exemple, la proportion de parents qui définissent une gifle comme une forme de violence est passé de 24 p. 100 à 31 p. 100 entre 1994 et 2001.

Une forte baisse du taux d'approbation des châtiments corporels a également été constatée en Israël, où la défense criminelle a été abrogée en 2000.

La réforme du droit donne des résultats intéressants parce qu'elle rend les règles claires et parce qu'elle appuie les justifications invoquées pour imposer un comportement civil. À l'heure actuelle, les parents canadiens reçoivent un message ambivalent. Les parents biologiques peuvent frapper, mais les parents en foyer d'accueil ne le peuvent pas. Les enfants de deux ans peuvent être frappés, mais pas ceux qui ont 18 mois. Frapper d'une seule main est acceptable, mais frapper avec un objet ne l'est pas.

J'ai fait beaucoup d'éducation publique sur cette question et j'ai constaté que l'article 43 est le principal obstacle au changement. Le gouvernement ne peut pas transmettre un message clair parce qu'il ne peut pas contredire sa propre loi. Les professionnels doivent dire aux parents qu'ils n'ont pas le droit de frapper un enfant à moins que celui-ci n'ait atteint un certain âge, qu'ils doivent utiliser leur main, qu'ils doivent utiliser une force mineure, et cetera. L'éducation publique sera toujours profondément ambivalente tant et aussi longtemps que notre législation dira aux parents qu'il est justifié de frapper des enfants. Une fois que le Canada aura adopté une position de principe et déclaré clairement que les enfants ont droit à la même protection que les adultes, la norme va changer du tout au tout et les enfants seront de moins en moins frappés et subiront moins de préjudice.

Il y a un solide consensus national sur cette question. La Déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents a été appuyée par 261 organisations à ce jour. Parmi celles-ci, on trouve notamment la Société canadienne de pédiatrie, la Société canadienne de psychologie, l'Académie canadienne de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, l'Association canadienne des centres de santé pédiatrique, l'Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux, la Fédération canadienne des services de garde à l'enfance, le Conseil canadien des défenseurs provinciaux des enfants et des adolescents, la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités, l'Institut canadien de la santé infantile, l'Association canadienne de santé publique, l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, l'Association canadienne de physiothérapie, la Croix-Rouge canadienne, le Collège des médecins de famille du Canada et le Conseil national des femmes du Canada. Toutes ces organisations, et environ 250 autres, appuient l'abrogation de l'article 43.

C'est une affaire simple. C'est simplement une question de droits humains fondamentaux. Nous ne justifions plus une telle violation des droits dans le cas des femmes, des prisonniers, des marins ou de tout autre groupe d'adultes. Nous, à titre d'adultes, nous nous sommes protégés. C'est maintenant notre devoir d'accorder aux enfants la même protection que celle dont nous, adultes, jouissons tous les jours de notre vie.

L'histoire montrera que le Canada n'a pas été parmi les trois, 10 ni même 15 premiers pays à reconnaître les droits des enfants. Le Canada va-t-il enfin faire ce qui est juste pour nos enfants dès aujourd'hui, ou bien faudra-t-il attendre que la honte que nous ressentons devant un nombre croissant de nations du monde nous force enfin à accorder une protection suffisante à nos enfants?

La vice-présidente : Je vous demanderais également de bien vouloir nous laisser copie de votre livre et de votre déclaration. Nous vous en serions très reconnaissants.

Avant de donner la parole aux sénateurs, monsieur Ensom, voulez-vous ajouter quelque chose?

Ron Ensom, coauteur de la Déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents, à titre personnel : Pas pour le moment, sénateur, merci.

La vice-présidente : Si je comprends bien, vous appuyez l'essentiel de leurs propos. Vous êtes en faveur du projet de loi?

M. Ensom : Tout à fait.

La vice-présidente : Avant que le sénateur Poy ne pose ses questions, avez-vous quelque chose à dire, sénateur Carstairs?

Le sénateur Carstairs : Non, je n'ai rien à dire parce que je souscris entièrement à tout ce que nos témoins avaient à dire.

Le sénateur Poy : Je suis d'accord avec la position de tous. Ma question s'adresse en particulier à Mme Durrant. Pour moi, le simple bon sens me dit que la violence entraîne la violence. Quand on traite une personne avec violence, surtout des enfants, ceux-ci grandissent en agissant de la même manière et peut-être même en pire. Pourquoi, à votre avis, des pays comme la Suède sont-ils tellement en avance par rapport à certains Canadiens qui ne reconnaissent pas ce fait? Vous avez passé beaucoup de temps en Suède. Avez-vous une idée de la raison de cette différence?

Mme Durrant : C'est une question intéressante et à laquelle j'ai moi-même consacré beaucoup de temps pour essayer d'y répondre. Le principal facteur est que, depuis longtemps, ce pays est à l'avant-garde du mouvement de défense des droits des enfants. Les groupes de défense des droits des enfants y sont pris très au sérieux et traités avec beaucoup de respect. Ce pays a été l'un des premiers à avoir un ombudsman des enfants. Les Suédois ont participé très activement à la rédaction de la convention de l'ONU. Ils n'ont jamais eu peur de la notion voulant que les enfants aient des droits; c'est un aspect important.

C'est en 1977 que le ministre de la Justice a nommé une commission sur les droits des enfants. Il y a 30 ans, c'était une notion acceptable en Suède que le gouvernement cherche des manières de protéger, de promouvoir et de défendre les droits des enfants. C'est probablement le facteur clé. En Suède, on fait beaucoup de campagnes de sensibilisation sur les droits des enfants, et c'est donc bien compris; ce n'est pas interprété d'une manière alarmiste comme c'est parfois le cas au Canada. Tout le monde comprend bien de quoi il s'agit.

Le sénateur Poy : Je trouve difficile de comprendre pourquoi le gouvernement canadien n'a rien fait dans ce dossier. C'est pourtant une question de simple bon sens, comme vous l'avez dit. Nous ne traiterions pas de cette manière nos personnes âgées; pourquoi le ferions-nous aux enfants?

Mme Durrant : Exactement.

Le sénateur Munson : Madame Robertshaw, les mauvais traitements infligés aux enfants sont un problème social d'envergure en termes de souffrance humaine et de coût financier, puisque cela coûte plus de 15 milliards de dollars par année. Ce chiffre est tiré d'un rapport de la Commission du droit, mais d'où vient ce chiffre? Il me semble incroyablement élevé.

Mme Robertshaw : C'est un chiffre incroyablement élevé. Cela se trouve sur le site Web du Comité pour l'abrogation de l'article 43, à la rubrique « Recherche ». J'ai imprimé un exemplaire de ce chapitre à votre intention. L'étude à laquelle je me reporte figure sur cette page, et je peux la laisser au comité.

La vice-présidente : Si vous pouviez la lire, ce serait utile pour ceux qui suivent nos travaux à la télévision. Nous vous demanderons aussi de nous faire parvenir le document lui-même afin que nous puissions en remettre des exemplaires aux membres du comité.

Mme Robertshaw : C'est une étude intitulée « Conséquences économiques des sévices infligés aux enfants au Canada, 2003 », publiée par la Commission du droit du Canada. Cette recherche, financée par la Commission du droit, a été menée en collaboration avec le Département de l'économie et des études féminines de l'Université Western Ontario. Les chercheurs ont mesuré le coût économique de toutes les formes de mauvais traitements infligés aux enfants au Canada en 1998 et ont conclu que la violence faite aux enfants est non seulement dévastatrice pour la personne mais aussi pour la société dans son ensemble. Le coût annuel est estimé à 15 705 910 047 $ et on en donne la ventilation suivante. Justice : plus de 616 millions de dollars — on donne les chiffres précis dans le tableau. Services sociaux : 1 178 062 222 $. Éducation : 23 882 994 $. Santé : 222 570 517 $. Emploi : 11 299 601 383 $. Et les coûts personnels : 2 365 107 683 $, ce qui donne un grand total de 15 705 910 047 $. C'est une étude importante.

Le sénateur Munson : La récente réforme du droit en Nouvelle-Zélande est une bonne nouvelle. Vous dites qu'on a modifié la loi. Savons-nous quelles sont ces modifications qui permettent maintenant de nouveau de recourir à une force raisonnable — encore cette expression — pour contrôler un enfant et qui donne à la police le pouvoir discrétionnaire de ne pas porter d'accusation si la force utilisée est sans conséquence et s'il n'est pas dans l'intérêt public d'intenter des poursuites? Dites-moi encore où se trouve cette disposition?

Mme Robertshaw : Je peux vous faire parvenir copie du projet de loi qui a maintenant été adopté en Nouvelle- Zélande. C'est à l'article 4 du projet de loi; c'est assez court et je peux vous en donner lecture.

À l'article 4, on indique que l'article 59 est abrogé et remplacé par un nouvel article 59. Leur article 59 actuel ressemble beaucoup à notre article 43. L'article 59 est donc abrogé et remplacé par ce qui suit :

59 Contrôle parental

(1) Tout parent d'un enfant et toute personne agissant à la place du parent de l'enfant est fondé à utiliser la force si la force utilisée est raisonnable dans les circonstances et est utilisée pour les fins suivantes :

a) prévenir ou minimiser un préjudice pour l'enfant ou une autre personne; ou

b) empêcher l'enfant de se livrer ou de continuer à se livrer à une conduite qui constitue une infraction criminelle; ou

c) empêcher l'enfant de se livrer ou de continuer à se livrer à un comportement répréhensible ou nuisible; ou

d) accomplir les tâches habituelles et normales qui sont nécessaires pour s'occuper d'un enfant et remplir les fonctions parentales.

Le sénateur Munson : C'est également important d'avoir ce texte. Comme l'a dit Mme Durrant, la Déclaration conjointe sur les punitions corporelles données aux enfants et aux adolescents a été appuyée par 261 organisations. Nous ferons de notre mieux, comme d'habitude, pour donner à cet article du Code criminel le sort qu'il mérite, c'est-à- dire l'abrogation, à mon avis. Comment obtenir l'attention du gouvernement? Faut-il réunir 261 organisations et les faire marcher sur la Colline pour brasser un peu la cage? Des gens viennent témoigner devant notre comité et nous essayons de réaliser des changements. Je me demande simplement ce qu'il faudrait faire pour y parvenir. Je sais que, d'après vous, la première étape est de recommander l'adoption du projet de loi S-207 proposé par le chef de l'opposition au Sénat, le sénateur Hervieux-Payette. Est-ce la première étape ou la seule et unique étape? Que faites- vous, de votre côté? En avez-vous parlé au ministre?

Mme Durrant : C'est une très bonne question. Non, je ne l'ai pas fait.

Le sénateur Munson : Puis-je vous prendre un rendez-vous?

Mme Durrant : Bien sûr. Pour bien des gens, cette question n'est pas une préoccupation. C'est à nous, qui comprenons son importance à la fois symbolique et pratique, de conscientiser les gens. Le consensus dont fait état la déclaration conjointe pourrait être une manière de le faire, en démontrant que ce n'est pas un simple particulier qui a eu une idée, que c'est vraiment une position défendue par les principales organisations qui sont au service des enfants et des familles.

Dans certains cas, la peur est encore un obstacle et il est donc important de tenir des discussions et d'amener les gens à comprendre de quoi il retourne. Je soupçonne que M. Ensom pourrait avoir des suggestions.

Le sénateur Munson : Je suis curieux de savoir pourquoi ce n'est pas une préoccupation. Il me semble évident que ça devrait l'être.

Mme Durrant : C'est en partie parce que nous n'avons pas de commissaire ou d'ombudsman chargé de défendre les enfants. Auparavant, nous avions le bureau des enfants, qui n'existe plus. Il n'y a vraiment aucun organisme fédéral qui se consacre au dossier des enfants et à la mise en oeuvre de la convention de l'ONU, et c'est d'ailleurs probablement l'une des raisons pour lesquelles le comité a assumé cette tâche, car il n'y avait aucun autre organisme qui en était spécialement chargé.

Beaucoup de pays du monde, partout en Afrique et en Asie, ont des commissaires et des ombudsmen chargés de défendre les enfants, mais le Canada n'en a toujours pas, ce qui est un élément très important. Les défenseurs provinciaux des enfants déploient beaucoup d'efforts dans ce dossier, mais c'est au niveau provincial et cela n'atteint pas le gouvernement fédéral.

Mme Robertshaw : J'ai ici une liste de quelque 170 organisations qui ont toutes, individuellement, écrit au ministre de la Justice au cours des 13 dernières années. Nous avons créé ce comité en 1994. J'ai communiqué avec un certain nombre d'organisations qui, à ce qu'il me semblait, devraient se préoccuper de cette question et je leur ai demandé d'écrire au ministre de la Justice, ce qu'elles ont fait.

Beaucoup d'entre elles ont écrit quelque 110 lettres individuelles. Les autres ont signé une lettre ouverte. Nous espérons que vous avez pris connaissance, au fil des années, des lettres ouvertes envoyées aux ministres et aux députés et qui ont été publiées dans The Globe and Mail, The Hill Times et un ou deux autres journaux. Ces organisations ont toutes écrit, soit qu'elles ont envoyé des lettres individuelles, soit qu'elles ont appuyé les lettres ouvertes. Je le répète, elles ont fait cela sur une période de 13 ans.

Voilà la réponse que je peux vous donner, même si elle n'est pas très flatteuse pour les politiciens.

Le sénateur Munson : Je suis un politicien par accident. J'aimerais que vous me disiez ce qu'il en est sans détour.

Mme Robertshaw : Les enfants ne votent pas. Il y a au Canada des organisations qui, pour des raisons bibliques, ne veulent pas que l'article 43 soit abrogé. Ces organisations sont en minorité, mais elles se font entendre et elles sont très puissantes.

Quand un problème se pose et met en cause les enfants, qui ne votent pas, et quand on a dans la société des groupes très puissants qui ne veulent pas que cet article soit abrogé, il n'y a rien qui se passe.

Le sénateur Munson : Les gouvernements libéraux et conservateurs n'ont rien fait dans ce dossier?

Mme Robertshaw : Les gouvernements libéraux n'ont rien fait. Le gouvernement conservateur du premier ministre Mulroney est venu près d'abroger l'article 43 et nous avons d'ailleurs raconté cela sur notre site web, dans un chapitre intitulé « Réaction ou politique ».

Le sénateur Munson : Qu'est-ce qui l'en a empêché?

Mme Robertshaw : En 1994, quand nous avons fondé ce comité, j'ai rédigé un mémoire qui vous a probablement été remis. On y énonce toutes les raisons fondamentales qu'on entend constamment et que Joan Durrant et moi-même n'avons cessé de répéter. Personne ne fait grand-chose, mais je pense que les gens commencent maintenant à s'y mettre. Je pense que votre comité est à l'avant-garde. Nous espérons que le Sénat sera le chef de file dans ce dossier.

M. Ensom : Huit projets de loi d'initiative parlementaire, présentés à la Chambre et au Sénat, n'ont pas réussi à abroger l'article 43. C'est le neuvième effort en ce sens.

J'ai travaillé pendant près de 20 ans à l'Hôpital pour enfants de l'est de l'Ontario, au programme de protection de l'enfant. J'ai vu plus d'enfants victimes de mauvais traitements et travaillé avec plus de familles désarticulées que la plupart des Canadiens ne peuvent l'imaginer. J'ai réfléchi longuement et sérieusement aux origines de cette violence dirigée contre les enfants, contre des membres innocents et aimants de la famille.

J'ai réfléchi aux efforts couronnés de succès que nous avons déployés dans notre pays pour promouvoir la santé, la sécurité et le bien-être. Pour moi, la réponse tient en partie au fait que quand les Canadiens obtiennent des renseignements crédibles à propos d'une menace pour la santé ou d'une manière de favoriser une meilleure santé et d'accroître la sécurité, ils se laissent convaincre.

En conséquence, voyez tous les succès que nous avons obtenus en matière de santé publique pour ce qui est de ne pas conduire après avoir bu de l'alcool. Quelle est l'injonction que tous les Canadiens connaissent? « Si vous avez bu, ne conduisez pas. » Nous protégeons maintenant nos enfants contre le soleil et le rayonnement UV. Nous protégeons nos enfants contre la fumée secondaire. De plus en plus, nous protégeons tous les Canadiens adultes contre l'exposition à la fumée des autres, en nous appuyant sur de solides recherches scientifiques et sur des lois qui sont fondées sur les connaissances scientifiques.

Je pense que si l'on donne aux Canadiens des renseignements solides fondés sur la recherche et qui, au surplus, correspondent au simple bon sens, et quand nous disons clairement au moyen de lois que nous sommes sérieux quant aux dangers pour la santé — les conséquences sont sérieuses si vous n'attachez pas votre enfant dans une voiture et les municipalités vous traiteront avec rigueur si vous exposez vos clients à la fumée secondaire — les Canadiens comprennent et acceptent le message. Quand nous prenons au sérieux une question de santé publique et que la loi renforce la volonté d'agir, au lieu de réduire à néant les efforts d'éducation visant à s'attaquer au problème, les Canadiens réagissent favorablement.

À la page 12 de la déclaration conjointe, on trouve un bref résumé d'une enquête d'opinion publique effectuée par le service de santé publique de Toronto en août 2003. L'abrogation de l'article 43 prévoyant la protection des parents était appuyée par 51 p. 100 des Canadiens, mais aurait l'appui de 72 p. 100 d'entre eux si des lignes directrices étaient mises en place pour empêcher que des poursuites soient intentées à la suite de claques ou fessées mineures, 72 p. 100 l'appuieraient si la recherche montrait que la punition corporelle n'est pas efficace et peut même être nuisible, et 80 p. 100 l'appuieraient si la recherche montrait que cela réduirait la violence faite aux enfants. Le public canadien a dit : « Si vous pouvez nous convaincre de tout cela, nous sommes en faveur de l'abrogation ». Or nous possédons maintenant toute l'information voulue et celle-ci correspond au bon sens. Au moment du sondage, les Canadiens étaient en avance par rapport à beaucoup de leurs politiciens.

La déclaration conjointe était un effort pour réunir une preuve factuelle comme celle qui a dicté le changement de l'opinion publique dans d'autres dossiers : exposition à la fumée secondaire, utilisation de ceintures de sécurité dans les véhicules automobiles et protection des gens contre le rayonnement UV. La preuve en ce qui a trait au châtiment corporel aura le même effet si le gouvernement du Canada appuie le message.

Nous n'aurons aucun succès dans nos campagnes de sensibilisation si l'article 43 continue de contredire le message de santé publique consistant à dire aux parents : voyez, cette méthode, cette forme de punition ne fonctionne pas. Et non seulement cela ne donne aucun résultat, mais en plus, cela entraîne une foule de préjudices à long terme que l'on n'imagine même pas quand on pense faire simplement de son mieux pour corriger son enfant. Voici des méthodes plus efficaces pour inculquer une certaine discipline à vos enfants.

Le sénateur Munson : Qui rédige ces textes? Je sais que les parents canadiens obtiennent un message ambigu. Les parents biologiques peuvent frapper, mais les parents adoptifs ne le peuvent pas. Qui prend ces décisions? Je sais que la Cour suprême en est arrivée à cette conclusion dans une décision très serrée, mais quelle est la justification?

M. Ensom : Il n'y a pas de justification.

Mme Durrant : Il n'y a aucun fondement empirique à l'appui de cette décision ou des restrictions quant à l'âge. Il n'y a aucune logique. Ce n'est pas fondé sur des droits ou des faits. Je pense que c'était une tentative d'en arriver à une solution qui semblait raisonnable, mais qui, en pratique, a eu des effets contraires à ceux recherchés.

J'ai participé à une analyse des interventions affichées sur le babillard du site Web de Canada.com après l'annonce de cette décision. Nous avons analysé les 400 premières interventions. La majorité des gens disaient — je vais donner une citation précise — « Enfin, quelqu'un a pris la bonne décision; ces petits chenapans doivent savoir qui est le patron ». Voilà le type de croyance qui a été validé par cette décision. Il y avait des parents qui croyaient que les punitions corporelles étaient interdites avant la décision et que celle-ci avait en fait créé une nouvelle loi stipulant qu'on avait maintenant le droit de frapper son enfant. Ils étaient contents.

La décision n'a fait qu'embrouiller davantage la situation. C'est une décision totalement contre-productive, contraire aux principes, égocentrique et hypocrite.

M. Ensom : J'ai pour vous, sénateur Munson, un renseignement précis qui, je pense, répond directement et concrètement à votre question.

L'Association ontarienne des sociétés de l'aide à l'enfance, qui est le porte-parole de toutes les sociétés de l'aide à l'enfance de la province, a fait un sondage auprès des sociétés membres dans la province après que la Cour suprême du Canada ait rendu sa décision sur l'article 43. On a demandé aux porte-parole des sociétés de l'aide à l'enfance de décrire l'expérience vécue par les travailleurs sociaux chargés de la protection des enfants dans leurs interactions avec des clients qui avaient de nombreux problèmes, notamment les punitions corporelles des enfants qui, comme on sait, vont souvent au-delà des limites pour devenir des mauvais traitements.

Voici une citation d'un représentant d'une société de l'aide à l'enfance de cette province :

Nos travailleurs signalent que des parents leur disent constamment qu'ils peuvent légalement frapper leurs enfants ou leur donner la fessée. La décision de la cour contredit l'objet de la Loi sur les services à l'enfance et à la famille et elle entrave nos efforts visant à obtenir des parents qu'ils n'utilisent pas la fessée comme outil de discipline. Les parents insistent auprès de nos travailleurs pour dire qu'ils continueront d'utiliser des punitions corporelles. Certains clients et travailleurs ne savent plus où ils en sont et certains parents croient qu'ils ont le droit de faire tout ce qu'ils veulent avec leurs enfants âgés de 2 à 12 ans. Nous avons des agents de police locaux qui contredisent les travailleurs sociaux qui s'occupent des enfants et qui avisent les parents que les travailleurs de la Société d'aide à l'enfance ont tort et qu'ils peuvent frapper leurs enfants, ce qui donne lieu à des plaintes et à beaucoup de confusion parmi la communauté des travailleurs sociaux qui s'occupent des enfants et d'autres professionnels communautaires et même parmi le grand public.

Sénateur Munson, le jour même où la Cour suprême a rendu sa décision, le chauffeur de taxi de ma famille m'a déposé à la Cour suprême. Cet homme est un immigrant qui est intelligent, qui a de solides valeurs familiales et qui n'arrive pas à croire que les parents s'imaginent avoir besoin de frapper leurs enfants et qu'ils les frappent effectivement. Quand il est venu me chercher après la décision, il a dit : « Ron, je suis tellement désolé. Je viens d'entendre à la radio que les parents ont maintenant le droit de frapper leurs enfants. » Cela me rappelle ce que nous avons lu dans un journal de Nouvelle-Zélande qui annonçait l'abrogation de leur ancien article 59; l'auteur de l'article faisait simplement allusion aux minces possibilités qui subsistent encore pour les parents de Nouvelle-Zélande qui veulent frapper leurs enfants. On présentait la nouvelle sous cet angle. Voilà ce qui semble arriver quand on tente d'insérer une permission dans une loi qui, fondamentalement, dit simplement qu'aucun Canadien ne devrait jamais frapper un autre Canadien, point final. Il n'y a aucune logique ni aucun avantage à faire cela, c'est seulement nuisible.

Le sénateur Carstairs : J'aurais une observation plutôt qu'une question, bien que je vais poser une question à la fin. Je suis l'auteur de deux des neuf projets de loi. Je voudrais faire part au comité de l'expérience que j'ai vécue quand j'ai voulu parrainer ces mesures.

J'ai entendu un sénateur dire que la seule différence entre la manière dont il punit ses enfants et la manière dont ses parents à lui le faisaient, c'est que lui-même utilise l'autre extrémité de la ceinture, c'est-à-dire que son père utilisait la boucle, mais pas lui.

Un groupe de 26 enfants d'une école de Winkler, au Manitoba, m'a écrit pour me dire, manifestement à la demande de leur enseignant, pourquoi les punitions corporelles étaient bonnes pour eux.

Je pense que la raison pour laquelle nous n'avons pas abrogé cet article jusqu'à maintenant, c'est que beaucoup de législateurs dans notre pays ont reçu eux-mêmes la fessée de leurs parents. Ils croient que cela ne leur a fait aucun mal et se demandent pourquoi ce serait différent pour les enfants de l'avenir. Je crois vraiment que cela a beaucoup à voir dans cet état de fait.

Mme Durrant n'a peut-être pas rencontré tous les ministres de la Justice ces dernières années, mais moi, je l'ai fait. Les fonctionnaires du ministère de la Justice ont constamment donné aux ministres de la Justice un avis selon lequel il n'est pas nécessaire d'abroger cet article, que cela ne donnera pas les résultats escomptés par ceux d'entre nous qui avons présenté les divers projets de loi en ce sens.

Pour être juste envers la Cour suprême du Canada, je crois que les juges étaient animés de bonnes intentions quand ils ont rendu cette décision. La Cour suprême du Canada n'aime pas invalider des lois. À mon avis, les juges croyaient qu'en établissant des paramètres, ils affaiblissaient peut-être l'impact de l'article 43. Comme nous le savons, cela n'a pas marché, mais pour être juste envers les magistrats, je crois que telle était leur intention. Ils estimaient qu'ils ne pouvaient pas invalider la loi parce que l'affaire, à vrai dire, et bien des gens ne s'en rendent pas compte, ne portait pas sur l'article 43 comme tel, mais plutôt sur la question de savoir si l'article 43 était contraire à la Charte. La tragédie est que les enfants n'ont aucun droit protégé par la Charte et la Cour suprême ne pouvait donc pas décréter que cet article était inconstitutionnel à cause de la Charte. Par conséquent, les juges ont essayé de régler le problème. Cependant, en voulant le régler, nous avons entendu aujourd'hui les témoins nous dire qu'ils n'ont fait que l'empirer.

J'en arrive maintenant à ma question : allons-nous empirer la situation si nous abrogeons l'article 43 et si nous modifions ensuite le Code criminel sous prétexte que nous devons y conserver un libellé quelconque au sujet des punitions que l'on peut infliger à l'enfant? Si nous faisons ce que l'on a fait en Nouvelle-Zélande et modifions l'abrogation — car ce qu'ils ont fait là-bas, c'est qu'ils ont abrogé l'article, mais ensuite ils ont modifié l'abrogation —, ne nous retrouverions-nous pas dans la situation à laquelle M. Ensom a fait allusion, c'est-à-dire que tout ce que les parents entendent, c'est ce qu'ils ont le droit de faire et non pas ce qui leur est interdit?

Mme Durrant : Une telle approche comporte un grave risque. Ce qu'il faut faire, c'est abroger purement et simplement, de manière catégorique, sans réserve et sans condition.

Il ressort très clairement des articles de journaux publiés en Nouvelle-Zélande que la modification apportée par la suite, permettant l'usage de la force pourvu qu'elle soit sans conséquences, était mise en évidence. Dans les articles, on ne disait pas qu'on avait interdit la punition corporelle, alors que c'est pourtant ce qu'on avait fait. On disait plutôt qu'on autorisait encore la fessée sans conséquence. On avait mis cela à l'avant-plan, alors que c'était en fait simplement à l'arrière-plan et qu'on avait tenté d'inscrire en toutes lettres dans la loi ce qui existait déjà en droit. Ce n'était pas une idée neuve en droit. Cela avait toujours existé. Cependant, on a estimé, comme l'a fait la Cour suprême du Canada, que tout le monde serait plus à l'aise si c'était dit explicitement, en toutes lettres, mais malheureusement, cela a causé des difficultés. Les Néo-Zélandais ont donc clairement et explicitement interdit la punition corporelle, mais la modification qu'on a ensuite apportée à la loi a embrouillé le message, rendant d'autant plus difficiles les campagnes d'éducation visant à faire comprendre aux gens ce qui s'était vraiment passé.

Mme Robertshaw : Au sujet de la Nouvelle-Zélande, j'ai lu une dizaine d'articles. Nul doute que l'on peut interpréter à sa guise ce que l'on lit. Pour ma part, j'ai trouvé qu'il ressortait assez clairement que le Parlement avait abrogé le pouvoir d'utiliser la punition corporelle.

M. Ensom : Je suis quand même perplexe et je me demande pourquoi on aurait besoin de faire cela. On parle tellement souvent des enseignants et de leur sens du risque. Je dois vous dire que j'ai participé à la formation professionnelle de milliers d'enseignants. Le message que j'entends des enseignants est toujours différent de celui que transmettent les représentants des fédérations d'enseignants.

J'ai commencé ma carrière professionnelle à titre de travailleur des services à l'enfance. Au fil des années et pendant toutes les années où j'ai supervisé le traitement en établissement de ce que l'on appelait alors des délinquants, des enfants et des adolescents perturbés et dangereux, j'ai souvent été obligé de maîtriser des enfants, comme ont dû aussi le faire des membres du personnel à qui j'enseignais et dont j'étais responsable. J'ai dû maîtriser un plus grand nombre d'adolescents que la plupart des enseignants s'imaginent jamais devoir le faire dans leurs pires cauchemars. Pas une fois mes collègues et moi-même n'avons été inquiets à l'idée que nous pouvions être poursuivis devant la justice pour avoir fait ce qui devait être fait à un enfant qui était sur le point de se causer du tort ou de blesser quelqu'un d'autre. Jamais. Personne, parmi tous ceux que je rencontre et qui travaillent avec des enfants, dans un cadre autre que la profession d'enseignant, n'a les mêmes préoccupations que les fédérations d'enseignants prétendent avoir au nom des enseignants. J'ignore pourquoi nous aurions besoin d'ouvrir cette porte étroite de permissivité dans notre code ou, pire encore, dans un article 43 modifié, alors qu'il semble, d'après l'expérience menée à l'étranger et au Canada, que cela ne ferait qu'ajouter à la confusion.

On n'a tout simplement pas le droit de frapper des gens au Canada. Les hommes n'ont pas le droit de frapper les femmes. Les maîtres n'ont pas le droit de frapper les apprentis. Pourquoi devrions-nous inscrire dans notre code une disposition spéciale indiquant que l'on peut frapper les enfants dans certaines circonstances particulières, courant ainsi le risque de rendre le message transmis au public aussi embrouillé que peut l'être actuellement la situation, après que la Cour suprême ait fait de son mieux pour encadrer de neuf manières différentes l'interprétation de la protection assurée par l'article 43?

Le gouvernement du Canada n'a toujours pas écrit de lettre aux familles de tous les enfants qui vont bientôt avoir 2 ans. Franchement, le gouvernement du Canada devrait envoyer une lettre à tous les parents et tuteurs du pays pour leur dire : « Auriez-vous l'obligeance de lire le texte suivant à votre enfant de 2 ans? » La lettre avertirait les enfants qu'ils sont maintenant protégés par la loi canadienne, ou tout au moins par l'interprétation que la Cour suprême donne de l'article 43 jusqu'à maintenant, mais qu'ils devraient faire attention quand ils auront atteint l'âge de 2 ans. C'est comme si des données des sciences sociales démontraient que les enfants qui sont frappés physiquement et à qui on fait mal entre l'âge de 2 ans et de 12 ans n'affichent pas les mêmes résultats négatifs que ceux à qui on fait subir le même sort à moins 2 ans et à plus de 12 ans. C'est absurde, surtout quand le gouvernement ne communique pas clairement et uniformément aux Canadiens ce qu'ils doivent et ne doivent pas faire et pour quelles raisons et comment on peut imposer efficacement la discipline aux enfants sans leur causer de mal.

La vice-présidente : Il me semble, même si je ne me suis pas intéressée à ce dossier d'aussi près que d'autres au fil des années, que le problème de l'article 43 tient en partie à l'utilisation du mot « corriger », qui veut dire « punir ». La Cour suprême du Canada a fait toutes sortes de contorsions pour dire que non, ce n'est pas le cas, parce qu'essentiellement, cela ne devrait pas; mais il n'en reste pas moins que c'est là. On s'entend généralement pour dire que l'on ne devrait pas recourir à la force comme méthode pour punir les enfants. De plus, à l'article 43, on ne dit pas que l'on peut frapper les enfants; il y est fait mention de l'usage de la force, ce qui, dans certaines circonstances, peut vouloir dire immobiliser de force.

En toute justice à l'égard de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, ses représentants ont cité plusieurs cas dans lesquels l'enseignant, peut-on supposer, s'efforçait de faire ce qu'il devait, nommément d'utiliser la force pour immobiliser un enfant qui, du moins de la manière dont on racontait l'affaire, devait être immobilisé.

Si vous dites que les Canadiens ne devraient pas frapper d'autres Canadiens, il n'y aura pas grand monde pour vous contredire, mais il me semble que ce que l'on tentait de faire, dans la loi adoptée en Nouvelle-Zélande, c'était d'aborder les autres définitions du mot « force », notamment la force utilisée pour maîtriser.

J'ignore si c'est une distinction trop subtile pour l'esprit humain ou même si c'est souhaitable — nous avons entendu des arguments juridiques intéressants selon lesquels ce n'était pas souhaitable —, mais néanmoins, aux fins de la discussion, je reviens encore une fois à la charge. Si cela pouvait se faire, y aurait-il lieu, à votre avis, d'établir dans la loi une nette distinction entre le recours à la force aux fins de la punition et le recours à une force raisonnable, dans les circonstances, pour contrôler ou maîtriser un enfant, quand c'est nécessaire, ou bien croyez-vous qu'il est trop dangereux de s'aventurer sur ce terrain glissant?

Mme Robertshaw : Je peux répondre à cette question dans une certaine mesure. En common law, on fait la distinction entre recourir à la force pour corriger, ce qui veut dire essentiellement un châtiment corporel, et recourir à une force raisonnable pour contrôler et maîtriser. Je ne prétends pas que les savants juristes qui étudient la common law étendent énormément la portée de ce concept. Cependant, Blackstone, l'éminent juriste de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, établit une distinction. Il traite de la force raisonnable pour corriger et de la force raisonnable pour contrôler et maîtriser, essentiellement dans une seule ligne.

Dans un ouvrage un peu plus récent, à savoir Laws of England de Halsbury, qui date à peu près de 1850, on fait une distinction plus claire, nommément que la common law établit deux pouvoirs. L'un d'eux est de frapper, pourvu que la force utilisée soit raisonnable.

La vice-présidente : C'est pour corriger, châtier et punir.

Mme Robertshaw : Oui. C'est clair. Si l'on examine les cas qui ont fait l'objet de décisions aux termes de l'article 43, on constate que, dans l'écrasante majorité des cas, c'était des parents ou des enseignants qui avaient frappé des enfants. Dans quelques très rares cas, la force avait servi à maîtriser. Je pense que c'est parce qu'il est généralement admis, en vertu du simple bon sens, que les parents doivent de temps à autre utiliser une force raisonnable pour maîtriser leurs enfants, de sorte qu'il n'est pas vraiment nécessaire de s'attarder là-dessus dans la loi. C'est généralement admis.

Mme Durrant : Je voudrais faire deux observations : si c'était vraiment nécessaire — s'il fallait inscrire un tel énoncé dans la loi au sujet des parents et des enfants ou des enseignants et des enfants —, alors nous en aurions également besoin pour les gens qui travaillent avec des adolescents perturbés et dans les foyers de soins personnels, pour la police, pour les gardiens de prison, pour des gens qui ont besoin de maîtriser des enfants beaucoup plus souvent que les enseignants et les parents; pourtant, nous n'avons pas besoin de cela. Pourquoi? Parce que c'est ainsi que fonctionne le droit. « Corriger », cela veut dire corriger. Cela ne veut pas dire « maîtriser ».

Je voudrais aussi faire remarquer qu'en Nouvelle-Zélande, on a introduit cet amendement uniquement pour les parents. On a retiré les enseignants de l'article 59 en 1990 et l'on n'a pas alors ajouté d'amendement quelconque. À cette époque, on frappait encore les enfants à la baguette à l'école et c'est là-dessus que portait l'argumentation. Aujourd'hui, la question ne se pose plus. Personne n'envisagerait jamais d'avoir une disposition semblable à l'article 59 ou à l'article 43 relativement aux enfants pour cette raison. Le problème ne se pose tout simplement plus. C'est vraiment un faux problème. On commence effectivement à s'aventurer en terrain glissant quand on veut faire une distinction entre le contrôle, la maîtrise et la correction. Tout fonctionne bien pour ceux qui travaillent avec des patients atteints de démence et qui doivent tous les jours les mettre de force dans leur lit ou dans leur fauteuil roulant. Il faut parfois faire appel à une force assez musclée pour immobiliser les malades mentaux, et tout fonctionne bien. Personne d'autre ne prétend avoir besoin d'un article 43. Les travailleurs des services à l'enfance qui ont affaire à longueur de journée à de jeunes enfants n'ont pas besoin de l'article 43. Pourquoi les enseignants en auraient-ils tellement besoin? Je ne comprends pas du tout. C'est complètement illogique.

M. Ensom : Il n'y a pas longtemps, j'ai été impliqué dans une situation où des parents et certains enseignants s'inquiétaient d'un enseignant en particulier et de sa manière de traiter physiquement un enfant. Je n'oublierai jamais une réunion que j'ai dirigée pour les parents et les enseignants, au cours de laquelle des parents ont essentiellement dit aux enseignants : « Si mon fils ou ma fille va se faire faire mal ou s'apprête à faire mal à quelqu'un d'autre, je m'attends à ce que vous fassiez exactement ce que nous ferions à la maison : que vous lui interdisiez d'agir, que vous le reteniez de force et que vous nous en fassiez part par la suite. » Les enseignants ont été immensément rassurés mais pas étonnés parce que, franchement, la plupart des enseignants sont des parents. Quand j'en ai discuté avec des enseignants et avec des représentants des fédérations d'enseignants, j'ai été applaudi par les enseignants quand j'ai dit : « Les enseignants doivent toucher les enfants, d'une manière convenable ». Pouvez-vous imaginer la situation si nous avions toute une génération d'enfants qui n'ont jamais été touchés de façon appropriée par les enseignants? Comment réagiraient ces enfants la première fois qu'on les toucherait pour les réconforter, les rassurer ou les mettre en sûreté?

La vice-présidente : Merci beaucoup. Nous avons eu un entretien extrêmement intéressant et très instructif pour nous tous et je pense aussi pour notre auditoire télévisuel. Vous voulez transmettre votre message et vous avez eu l'occasion de le faire aujourd'hui.

Nous vous remercions tous les trois, monsieur Ensom, madame Robertshaw et madame Durrant.

La séance est levée.


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