Aller au contenu
 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 2 - Témoignages du 7 juin 2006


OTTAWA, le mercredi 7 juin 2006.

Le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-202, Loi prévoyant l'abrogation des lois non mises en vigueur dans les 10 ans suivant leur sanction, se réunit aujourd'hui à 16 h 17 pour en étudier la teneur.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : J'aimerais accueillir chaleureusement tous les sénateurs présents à cette importante réunion. Nous allons discuter du projet de loi S-202, Loi prévoyant l'abrogation des lois non mises en vigueur dans les 10 ans suivant leur sanction. Ceux d'entre vous qui ont siégé à ce comité auparavant savent que ce n'est pas un sujet nouveau pour le présent comité et que ce n'est pas la première fois que le sénateur Banks comparaît devant le présent comité pour parler de la Loi sur l'abrogation des lois. En fait, ce projet de loi a eu trois prédécesseurs, qui ont tous été présentés par le sénateur Banks.

Sénateur Banks, nous sommes honorés que vous ayez pu être présent ici aujourd'hui et nous savons que vous avez consacré beaucoup de temps à discuter avec des hauts fonctionnaires du ministère de la Justice et d'autres fonctionnaires. Je crois également savoir que le projet de loi qui est devant nous est sensiblement différent de celui que vous avez présenté initialement au cours d'une autre législature.

J'inviterai les sénateurs à vous poser des questions après votre exposé. Encore une fois, soyez le bienvenu. Vous avez la parole.

L'hon. Tommy Banks, parrain du projet de loi : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d'avoir été invité à comparaître avec autant d'empressement devant le comité au sujet de ce projet de loi qui, comme vous l'avez dit, en est à sa quatrième version.

Dans son effet, il n'est pas substantiellement différent du projet de loi proposé initialement, mais il y a une modification touchant l'article 5 du projet de loi, article nouveau qui prend en compte une modification, ce qui rend ce projet de loi plus acceptable aux yeux du ministère et du gouvernement.

Pour ce qui est des autres parties, la version initiale de ce projet de loi n'était pas très différente de la version actuelle. Pour donner une idée aux sénateurs, son but est d'éliminer des Lois du Canada les lois fédérales ou les dispositions des lois fédérales qui ont été approuvées ou adoptées par les deux Chambres du Parlement, qui ont reçu la sanction royale il y a plus de 10 ans, mais qui ne sont pas entrées en vigueur.

Il y a de nombreuses bonnes raisons qui expliquent pourquoi le gouvernement a besoin, à l'occasion, de préciser dans un projet de loi que cette loi fédérale entrera en vigueur à une date que déterminera le gouverneur en conseil. Nous connaissons tous un certains nombres de ces bonnes raisons. Cependant, il arrive parfois que des lois tombent dans l'oubli. Malgré cela, en ce qui concerne ce projet de loi, je suis d'avis que même si ce pouvoir discrétionnaire a été accordé au gouverneur en conseil par le Parlement, le gouverneur en conseil, le gouvernement, le cabinet devraient être tenus, après une période de temps raisonnable, de revenir devant le Parlement pour expliquer une nouvelle fois pourquoi ils désirent conserver ce pouvoir que lui a conféré le Parlement, à défaut de quoi cette disposition de la loi fédérale devrait être abrogée obligatoirement.

Il y a deux endroits où l'on peut voir une différence substantielle entre la forme actuelle du projet de loi et ses versions antérieures : la dernière disposition qui, ironiquement, est la disposition d'entrée en vigueur, qui précise que la présente loi entrera en vigueur deux ans après la date de sa sanction. Il s'agit de tenir compte spécifiquement du fait que le gouvernement et les ministères — non pas seulement le ministère de la Justice, mais d'autres ministères également — auront beaucoup de travail à accomplir la première fois que le processus envisagé dans le cadre de ce projet de loi se déroulera.

Il est important de noter qu'au cours des années subséquentes, la liste des projets de loi qui seront traités dans le cadre de ce processus sera, par définition, très courte. Toutefois, la première liste sera longue. Les deux années d'intervalle entre la sanction de ce projet de loi et son entrée en vigueur ont pour but de donner aux ministères le temps de se préparer à cet exercice.

Il y a une année additionnelle pour permettre aux ministères de se préparer à faire face aux exigences de la loi. Ce qui arriverait en vertu de cette loi, si elle entrait en vigueur, c'est qu'au début de chaque année, le ministre de la Justice devra déposer devant les deux Chambres du Parlement la liste des lois qui ont été adoptées par les deux Chambres du Parlement et qui ont été sanctionnées au moins neuf ans avant le début de la session parlementaire en cours. Le projet de loi prévoit une année au cours de laquelle le gouvernement peut se présenter devant le Parlement et expliquer pourquoi il devrait continuer à jouir du pouvoir discrétionnaire que lui a conféré le Parlement. Il peut se présenter devant l'une ou l'autre des Chambres du Parlement et l'une ou l'autre des Chambres du Parlement peut retirer de la liste une loi fédérale ou une disposition d'une loi fédérale. Il s'agit également de quelque chose de nouveau. Le raisonnement appliqué dans ce cas, c'est que l'une ou l'autre des Chambres du Parlement aurait pu, lorsque le projet de loi a été présenté, le rejeter; alors, il est logique que l'une ou l'autre des Chambres du Parlement puisse être en mesure de sauver la loi.

L'autre disposition se trouve dans l'article 5 du projet de loi. Il s'agit de la réponse à une préoccupation exprimée par le ministère de la Justice, non pas par un politicien ou un ministre quelconque, mais uniquement par le ministère de la Justice. Ce ministère a besoin d'un mécanisme clair pour retirer une loi fédérale de la liste dont j'ai parlé, laquelle loi a été modifiée d'une manière quelconque dans les neuf années précédant celle de l'entrée en vigueur du présent projet de loi.

L'article 5, sur lequel j'attire votre attention, prévoit que l'article 2, qui est la disposition essentielle du projet de loi, ne s'applique pas.

Le sénateur Joyal : Pourriez-vous donner un exemple qui pourrait illustrer votre exposé? C'est très théorique et un exemple faciliterait la compréhension.

Le sénateur Banks : Est-ce que tous les sénateurs ont cette liste datée d'aujourd'hui, le 7 juin 2006? Elle porte sur la liste qui aurait existé au 5 avril 2006.

J'ignore lesquelles de ces dispositions ont pu faire l'objet d'une modification, si tel a été le cas, mais examinons le dernier point qui figure à la première page, la Loi sur les contraventions à laquelle le sénateur Baker a fait allusion dans ses propos devant la Chambre. L'astérisque indique des articles de la loi qui a été modifiés ou remplacés par les Lois du Canada en 1996.

Imaginez que la date n'est pas 1996, mais plutôt 1998 ou 2002, de sorte que cela soit compris dans les neuf dernières années. L'effet de l'article 5 est de remettre l'horloge à zéro, d'après ce que je crois comprendre, pour n'importe quelle disposition. Par « horloge », je veux dire l'horloge de neuf ans qui détermine à quel moment le ministre doit déposer devant le Parlement la liste des lois visées par ce projet de loi s'il était adopté. Si un article d'une loi fédérale a été modifié au cours des neuf années qui précèdent l'entrée en vigueur de ce projet de loi, cela ramène l'horloge à zéro et élimine cette loi fédérale de la liste.

Le sénateur Joyal : En d'autres mots, si le Parlement adopte une loi par laquelle un autre article de loi est modifié, cela remet l'horloge à zéro pour le reste de la loi, promulguée ou non?

Le sénateur Banks : Oui. En anglais, l'article 5 prévoit ce qui suit :

Section 2 does not apply to any provision amended by an Act that was assented to during the nine calendar years preceding the year this Act comes into force, or to any provision that is necessary for it ...

... et le mot « it » s'applique à une loi qui a été sanctionnée, et je pense que nous pourrions vouloir changer le mot « it » pour dire : « or to any provision that is necessary for the amended provision » ou des mots en ce sens.

Le sénateur Joyal : Oui, « the amended provision. »

Le sénateur Banks : Et l'article se termine comme suit :

... to have effect, until the calendar year following the ninth anniversary of the assent.

Si un article d'une loi a été modifié, il ne peut, de toute évidence, avoir d'effet si le reste de la loi n'est pas en vigueur. Sur cette liste, vous allez voir des articles de lois qui ne sont pas entrées en vigueur.

Je ne suis certainement pas un spécialiste de la question que vous avez posée, mais je suppose que si un article d'une loi a été modifié par une loi modificative, l'article 5 s'appliquerait. Si cette disposition se trouve là, ce n'est pas parce que je l'aime, mais parce que le ministère désirait avoir une meilleure occasion de sauver des articles des lois qui ont été modifiées durant la période de temps sur laquelle porte ce projet de loi.

Le président : Sénateur Banks, des fonctionnaires du ministère seront ici demain et il s'agit certainement d'une question que nous pourrions leur poser.

Le sénateur Banks : Je pense que tout le monde ici comprend le but de ce projet de loi. Je vais conclure en vous disant que j'ai rencontré ces hauts fonctionnaires du ministère et d'autres personnes qui m'ont laissé savoir que le ministère était heureux de ces deux dispositions. Ces gens sont heureux des changements qu'elles apportent, la plus grande souplesse qui est accordée et la moins grande rigidité que l'on retrouve maintenant dans le projet de loi par rapport à ses versions antérieures. Comme je l'ai dit, je considère ces dernières comme des concessions — bien que je déteste utiliser cette expression — parce qu'elles constituent le point intermédiaire entre certaines des propositions originales de modification, à savoir, par exemple, que le gouverneur en conseil peut prendre un décret excluant une loi ou une disposition d'une loi de l'application de la présente loi. Cela anéantirait tout cet effort. Le but de tout cet effort est d'obliger le présent gouvernement et tous les gouvernements qui lui succéderont — et j'aurais voulu obliger les gouvernements qui l'ont précédé — à se mettre au travail et à faire le ménage dans le grenier.

J'ai des raisons de croire que le gouvernement actuel, comme c'était le cas du gouvernement précédent, et le ministère ne voient pas d'un mauvais oeil la perspective que ce projet de loi soit adopté.

Le président : Vous devriez probablement ajouter le ministre, parce que l'approbation du ministre est également importante dans le ministère.

Le sénateur Banks : Absolument. J'ai posé la question à un collaborateur du ministre aujourd'hui et il m'a indiqué que le ministre et le gouvernement étaient dans de bonnes dispositions face à ce projet de loi.

Le président : Toutefois, il y a quelques autres étapes à franchir à l'interne avant que la réponse soit positive.

Le sénateur Banks : C'est également le cas pour nous.

Le président : Du point de vue de l'interprétation des lois, la Loi d'interprétation nous a beaucoup guidés sur la façon d'interpréter une loi et nous a apporté de l'aide sur l'utilisation des mots. Certains des exemples classiques, en anglais, sont les mots « shall », qui est obligatoire, et « may », qui est facultatif.

J'ai constaté que dans l'article 1 du projet de loi, en anglais, nous avons « This act may be cited... » Vous avez le « may » facultatif. Dans l'article 2, nous avons «...the Minister of Justice shall cause... », et dans l'article 4, nous avons « The Minister of Justice shall publish... » Dans la disposition essentielle, l'article 6, on ne trouve ni « may » ni « shall », mais on peut lire « This act comes into force... » Le verbe est au présent.

Pourquoi n'avez-vous pas utilisé le langage de la Loi d'interprétation pour une disposition essentielle comme celle- là?

Le sénateur Banks : Je croyais que c'était la façon normale de le dire. Si ce n'est pas le cas, je me ferai un plaisir de modifier le texte. Je veux qu'il ait la plus grande force possible. Si on doit lire, en anglais, « This act shall come into force », je serai enchanté de faire cette modification.

Le président : Je me demande pourquoi vous vous écartez de l'utilisation de termes classiques comme « shall » et « may » que prévoit la Loi d'interprétation.

Le sénateur Banks : Je ne l'ai pas regardée, sénateur, et je vous demande de m'en excuser. J'ai été négligent.

Le sénateur Zimmer : Cela rejoint ma question. Les mots « may » et « shall » n'ont pas autant de force que le mot « come ». Peut-être aviez-vous l'intention de vous assurer que cela se fasse. Je ne suis pas sûr si cela aide les choses.

Le sénateur Banks : Je comprends cela. Je crois avoir vu ce langage ailleurs, mais je ne suis pas suffisamment expert en la matière pour supposer que c'est le cas.

Le sénateur Zimmer : Comme vous l'avez dit au Sénat, vous voulez faire le ménage dans le grenier. En utilisant en anglais un mot comme « come », vous mettez plus d'accent sur la question de s'assurer que cela se fasse.

La modification remet l'horloge à zéro. À quelle nouvelle date est-ce que le gouvernement sera obligé de mettre en l'application la nouvelle loi qui a été modifiée? Y aurait-il une limite de temps là-dessus?

Le sénateur Banks : Cela retarde le processus d'un an. La loi sera détectée par cette disposition, c'est-à-dire qu'en ayant été modifiée, elle reviendra sur la liste de l'année suivante, d'après ce que je comprends et d'après ce que je lis. Elle continuerait de figurer sur la liste.

Le sénateur Joyal : Pour encore neuf ans?

Le sénateur Nolin : Non, ce n'est pas un an, mais neuf ans.

Le sénateur Banks : Non, l'article dit :

Sont soustraites à l'application de l'article 2 les dispositions faisant l'objet d'une modification apportée par une loi sanctionnée au cours des neuf années civiles précédant celle de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Le sénateur Nolin : C'est durant les neuf ans.

Le sénateur Banks : Exact. Mais cela ne veut pas dire que cette loi n'apparaîtra pas sur la liste de l'année suivante; je pense que ce sera le cas. Et alors, je pense qu'elle expirera dans neuf ans. L'article ne dit pas « neuf années civiles précédant l'effet de la présente loi », mais « neuf années civiles précédant celle de l'entrée en vigueur de la présente loi. » Si cette loi entre en vigueur, par exemple, cette année et que la Chambre des communes l'adopte cette année et qu'elle reçoit la sanction royale cette année, elle entrera alors en vigueur en 2008. Si vous soustrayez neuf ans à partir de 2008, vous arrivez à 1999. Les modifications de 1999 sont visées, les modifications de 2000, et cetera, mais les modifications de 2008 ne sont pas visées. Ce filet de sécurité disparaît neuf ans après l'entrée en vigueur de la présente loi.

Le sénateur Zimmer : Cela ne donnerait pas le coup de départ d'une autre période de neuf ans?

Le sénateur Banks : Non, ce ne serait pas le cas. Toute cette disposition, selon la façon dont je la lis, se termine neuf ans après l'entrée en vigueur de la présente loi. Elle ne parle pas de l'effet de la loi. Elle ne parle pas de la loi qui est détectée par cette loi, elle dit :

[...] ainsi que les dispositions nécessaires à leur prise d'effet, et ce jusqu'à la fin de la neuvième année civile qui suit celle de la sanction de la modification.

Le sénateur Nolin : Je fais allusion à la sanction de la modification de cette loi précise, non de celle-ci.

Le président : Sénateur Nolin, pourriez-vous répéter? Nous n'avons rien compris.

Le sénateur Banks : Veuillez m'excuser, je vais me corriger. Le sénateur Nolin a raison. Les neuf années dont je parle se trouvent dans la première phrase :

Sont soustraites à l'application de l'article 2 les dispositions faisant l'objet d'une modification apportée par une loi sanctionnée au cours des neuf années civiles précédant celle de l'entrée en vigueur de la présente loi.

Le sénateur Nolin : Il y a une autre partie dans cet article et c'est de celle-là dont je veux discuter. C'est beaucoup plus clair en français, pour être honnête. En français, l'article dit les dispositions nécessaires à leur prise d'effet et cela jusqu'à la fin de la neuvième année civile qui suit celle de la sanction. De la sanction de quoi? De la modification, et non pas de ceci.

Le sénateur Banks : Non.

Le sénateur Nolin : Cela signifie neuf ans.

Le président : C'est effectivement neuf ans.

Le sénateur Nolin : Chaque fois que nous avons une modification à une loi.

Le président : Cela ouvre une nouvelle période de neuf ans. C'était l'interprétation que j'en faisais après lecture.

Le sénateur Nolin : C'est mon interprétation.

Le sénateur Rivest : Oui, c'est bien cela.

Le sénateur Joyal : Voilà pourquoi je voulais un exemple. Je pense qu'il faudrait poser cette question aux étudiants qui passent l'examen du barreau l'an prochain.

Le sénateur Nolin : Je suis d'accord. Elle devrait faire partie de l'examen du barreau.

Le sénateur Banks : D'après le peu que je sais, je considère que c'est vraiment utile de remplacer « the amended provision » par « it ».

Le président : Demandez-vous un amendement à la version anglaise de votre projet de loi?

Le sénateur Banks : Je crois que oui, pour que cela soit aussi clair que ça l'est apparemment en français.

Sénateurs, corrigez-moi si j'ai tort, car si j'ai bien compris, d'après la première phrase de l'article 5, une exception s'appliquerait à un amendement apporté au cours des neuf années précédant l'entrée en vigueur de cette loi. C'est donc dire que les lois modifiées entre 1999 et notre année hypothétique, 2008, sont visées par cette exception, et c'est à elles que l'on fait référence dans la dernière partie du paragraphe, qui se lit comme suit :

[...] les dispositions nécessaires à la prise d'effet, et ce jusqu'à la fin de la neuvième année civile qui suit celle de la sanction de la modification.

La sanction a été édictée entre 1999 et 2007. Les lois modifiées après cette dernière date ne sont pas visées par les dispositions de l'article 5 parce qu'elles n'ont pas été mises en œuvre au cours des neuf années précédant l'entrée en vigueur de cette loi.

Le sénateur Joyal : C'est l'autre hic concernant cet article.

Le sénateur Nolin : Nous pourrions demander au ministère la raison de ce libellé.

Le président : C'est pour le moins ambigu.

Le sénateur Joyal : Le sénateur Banks a raison. Il y a là un illogisme de principe. Si une loi est modifiée au cours de la période de neuf ans ou après, cela aura pour effet de remettre les compteurs à zéro à cause d'une disposition qui n'est pas entrée en vigueur. Supposons que nous recommençons depuis le début avec un nouvel amendement à la loi mentionnée par le sénateur Baker : le même principe devrait s'appliquer. Autrement dit, un amendement qui n'est pas en vigueur peut toujours être sauvé par un nouvel amendement, et on recommence le processus tous les neuf ans. Ce n'est pas la lecture que vous faites de l'article 5.

Le sénateur Banks : C'est vrai.

Le président : Mais le gouvernement pourrait avoir besoin de cette disposition. Prenez la Loi sur les contraventions. Il y a des négociations avec les provinces, et certaines d'entre elles n'ont toujours pas accepté. Le gouvernement ne veut certainement pas que la loi entre en vigueur avant l'adhésion de ces autres provinces. La huitième année, il pourrait modifier la loi, mais il ne voudra toujours pas qu'elle entre en vigueur s'il est encore en négociations avec des provinces.

Le sénateur Banks : C'est une autre disposition à propos de laquelle nous pourrions demander au Parlement ce qu'il en est.

Laissez-moi vous expliquer pourquoi j'estime que mon interprétation de l'article 5 est juste. Faisons une lecture attentive. Cet article s'applique seulement aux modifications apportées à des lois que l'on a adoptées au cours des neuf années précédant l'entrée en vigueur de ce projet de loi. C'est une disposition que nous avons élaborée avec le gouvernement. À l'origine, l'idée était simplement de pouvoir abroger une loi, ou un article d'une loi, par un quelconque décret, ce à quoi je me suis opposé. Je veux bien que le gouvernement dispose d'un peu de temps supplémentaire pour faire le grand ménage du grenier, pour reprendre l'image que j'ai employée.

À mon humble avis, je crois que le ministère a tenu compte de mes arguments. Nous ne voulons pas dévier de l'objectif à long terme du projet de loi. Après le délai de neuf ans, la loi sera fonctionnelle et tout le monde la comprendra. La liste sera plus courte les années suivantes, et tout le monde sera conscient de ce qui se passera avec les mesures législatives. Nous n'aurons plus besoin de la possibilité de retirer quelque chose du processus prévu dans ce projet de loi.

Le sénateur Joyal : Ma question est hypothétique. Supposons que, demain, le ministère de la Justice nous apprenne que son interprétation ne correspond pas à la vôtre, mais à celle que je vous ai soumise — je suis désolé; j'espère avoir tort. Accepteriez-vous que l'article 5 soit modifié en conséquence?

Le sénateur Banks : Je serais déçu. Néanmoins, un pas dans la bonne direction est préférable au statu quo. Je m'en remettrai tout à l'heure à la sagesse de votre comité, parce qu'il en sait beaucoup plus que moi sur le processus. Il peut juger des probabilités de mise en œuvre, de sorte que nous pourrons au moins espérer mettre un terme à l'accumulation de ces nombreuses lois qui ne sont toujours pas entrées en vigueur. Enfin, il n'y en a pas tant que ça, mais elles existent et pourraient malheureusement, dans certains cas, être mises en vigueur demain.

Certaines dispositions de la Loi sur le commerce maritime, entre autres, ne devraient pas être mises en vigueur parce qu'elles sont inappropriées. De nombreuses autres dispositions sont tout à fait inoffensives. Je suis certain que pour une grande proportion des lois et dispositions figurant sur la liste, qu'elles soient ou non visées par l'article 5, le gouvernement déclarera qu'il doit continuer à disposer de ce pouvoir discrétionnaire. Je crois que le Parlement estimerait que c'est raisonnable dans les circonstances.

J'essaie d'éviter des situations comme celle qui a eu lieu relativement à la Loi sur la Commission de la fonction publique. On a adopté un amendement qui visait à enlever les P, S et C majuscules dans la version anglaise afin de rendre la définition plus claire, et cela a modifié la loi. Je ne voudrais pas que le changement d'une virgule ou d'une majuscule ait pour effet d'abroger une loi; ce n'est pas mon objectif avec ce projet de loi.

Si mon interprétation est erronée, sénateur Joyal, je n'en ferai pas une maladie. Mais j'ai lu ce passage à de nombreuses reprises et je crois que la première phrase régit la deuxième, si je puis m'exprimer ainsi. Malheureusement, je ne peux pas le lire en français.

Le président : Je crois que le sénateur Joyal a fait remarquer un point très important, monsieur Banks. Si vous et le ministère n'êtes pas sur la même longueur d'ondes pour ce qui est de la compréhension des versions anglaise et française d'un article du projet de loi, c'est ici et maintenant, c'est-à-dire en comité, que vous devez clarifier cela.

C'est là où le sénateur Joyal voulait en venir, je crois, et c'est un excellent point. Nous sommes non seulement des décideurs publics, mais également des concepteurs d'une législation claire. Toute ambiguïté devrait être levée, et c'est ici-même qu'on doit le faire.

Le sénateur Banks : Tout à fait. À cet égard, non seulement je m'en remets entièrement à l'avis du comité, mais je respecterai aussi sa décision, quelle qu'elle soit.

Le sénateur Joyal : Sur ce point, je tiens à ce qu'il ne fasse aucun doute pour notre collègue et témoin, le sénateur Banks, que le comité est assez favorable à ses objectifs. Nous avons étudié ce projet de loi à trois reprises par le passé. Chaque fois, nous avons tenté de l'améliorer et de vous aider à le faire. Je crois que les questions posées durant toutes ces séances par les sénateurs des deux côtés de la Chambre visaient à vous aider à faire en sorte d'atteindre votre objectif. Puisque cette disposition laisse place à l'interprétation et qu'elle est difficile à comprendre, nous voulons la clarifier pour quiconque aura la responsabilité de la mettre en application. Une fois que le projet de loi aura franchi toutes les étapes au Sénat et à l'autre endroit, cette responsabilité ne sera pas la nôtre, mais celle du ministère de la Justice et d'autres autorités au sein du gouvernement. Nous voulons veiller à ce que chacun ait la même conception de la portée de l'article 5.

Votre interprétation est certes défendable, mais nous voudrions connaître celle du ministère de la Justice pour nous assurer que les deux soient conciliables. Peut-être que vous pourriez vous joindre à nous demain, car nous recevrons des fonctionnaires du ministère de la Justice. Nous pourrions tirer au clair cette question.

Le sénateur Banks : À quelle heure la séance a-t-elle lieu?

Le sénateur Joyal : À 10 h 45.

Le sénateur Banks : Je vais tâcher d'être présent.

Le sénateur Joyal : Cela nous permettrait de faire coïncider le plus possible les deux interprétations. Votre objectif est de rendre le projet de loi efficace, d'une façon qui soit juste pour le gouvernement et qui respecte le processus législatif; c'est essentiellement ce que nous avons toujours fait. Nous avons toujours été favorables à votre objectif qui, je crois, bénéficie de l'appui de l'ensemble de la Chambre. Vous l'avez entendu la semaine dernière, lorsque nous en avons discuté au Sénat. C'est tout ce que je voulais ajouter.

Le sénateur Banks : Comme je l'ai dit, j'accueillerai avec plaisir l'avis du comité. Je sais que vous garderez à l'esprit l'objectif de ce projet de loi et que vous saurez mieux que moi si l'une des dispositions qui y figurent pourrait en détourner l'objet, ce que je ne souhaite pas — pas plus que les honorables sénateurs, je crois.

J'accueillerai l'opinion du comité, et je m'en remettrai avec plaisir à ses recommandations concernant le présent projet de loi, et même toute autre mesure législative.

Le sénateur Baker : Sénateur Banks, pourrions-nous revenir sur la question que le président vous a posée au début de la séance, lorsqu'il a indiqué à juste titre qu'en ce qui concerne la Loi sur les contraventions, le gouvernement attend l'aval de certains gouvernements provinciaux? Comme il l'a dit, on ne peut promulguer certains articles visés par les négociations avec les provinces. En vertu de votre projet de loi, la Loi sur les contraventions sera abolie après neuf ans si l'on n'y a apporté aucune modification.

Le sénateur Banks : À moins que le gouvernement ne convainque l'une ou l'autre des deux Chambres qu'il doit continuer à disposer d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard. Dans le projet de loi, c'est à la fois implicite et explicite. On laisse présumer qu'en ce qui concerne certaines lois fédérales, le gouvernement s'adressera à l'une ou l'autre des Chambres du Parlement pour dire que telle loi devrait être retirée de la liste pour telle raison.

Cette fonction du projet de loi est aussi essentielle que l'abrogation des lois. C'est un signal qui rappellera au gouvernement ayant ce pouvoir discrétionnaire qu'au moins 10 ans se sont écoulés et qu'il doit réexaminer la question, se présenter devant le Parlement et justifier une fois de plus ce pouvoir.

Le sénateur Baker : À quelle fréquence devront-ils fournir des justifications par la suite?

Le sénateur Banks : Tous les ans.

Le sénateur Joyal : Selon son interprétation de l'article 5.

Le sénateur Baker : C'est là où je veux en venir.

Le sénateur Banks : Même si une loi n'était pas visée par l'article 5. Même s'il s'agissait de la Loi sur l'Institut canadien des langues patrimoniales ou même, pendant qu'on y est, de la Loi sur les normes de consommation de carburant des véhicules automobiles; pourquoi ne l'a-t-on pas promulguée? — ou d'une autre loi qui n'a pas été modifiée. Les seules lois concernées par l'article 5 sont celles qui auront été modifiées au cours des neuf années précédant l'entrée en vigueur de ce projet de loi.

Le gouvernement peut se présenter devant nous ou l'autre Chambre et dire qu'il veut faire entrer en vigueur la Loi sur l'Institut canadien des langues patrimoniales, et qu'il doit continuer à bénéficier du pouvoir discrétionnaire de la mettre en vigueur. Si le gouvernement réussit à convaincre le Parlement, il en sera ainsi. L'article 5 ne concerne aucunement cela.

D'abord, le gouvernement dispose d'un an à compter du dépôt de la liste au Parlement pour décider des mesures à prendre. Soit il mettra la loi en vigueur, soit il se présentera devant le Parlement pour expliquer pourquoi il ne le fera pas.

Je rappelle aux sénateurs l'essentiel de mon argument, à savoir que le rôle du gouverneur en conseil n'est pas de déterminer si une loi doit être mise en vigueur, mais quand elle le sera. Selon moi, 10 ans suffisent pour que le gouvernement revienne et explique qu'il a encore besoin de ce pouvoir discrétionnaire, qu'une disposition est encore utile, mais que le moment n'est pas venu pour la mettre en vigueur et que, par conséquent, il a besoin de deux, trois, cinq ou dix ans de plus.

Le sénateur Baker : Par le mot « gouvernement », vous entendez le ministère de la Justice.

Le sénateur Banks : Non, je veux parler du gouverneur en conseil.

Le sénateur Baker : Le gouvernement au pouvoir.

Le sénateur Banks : Oui, c'est exact.

Le sénateur Baker : Laissez-moi vous lire une phrase tirée du jugement rendu par la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire R. c. Duale Dore, 2003. Il s'agissait d'une question de droit relative à une loi provinciale et, indirectement, à une loi fédérale.

Elle se lit comme suit :

[...] Le procureur général a décidé, aux termes de l'article 50 de cette loi, de traiter cela comme une contravention et non sur la base des renseignements fournis à l'origine. C'est le seul article de la loi qui traite de la destruction des empreintes digitales, et qui prescrit la destruction dans les circonstances limitées précisées. Cependant, l'article 50 n'a jamais été mis en vigueur.

L'article 50 de la Loi sur les contraventions n'est jamais entré en vigueur. C'est comme s'il ne faisait pas partie de la Loi sur les contraventions. Le procureur général en a fait une application différente dans ce cas particulier, où il souhaitait utiliser la Loi sur les contraventions dans le cadre d'une autre loi et dans une autre circonstance.

Le sujet est complexe parce que le gouvernement en place se présenterait devant le Parlement pour demander un prolongement du délai pour une raison précise. Vous semble-t-il probable que si leur propre législation était concernée, les procureurs généraux des provinces disposeraient eux aussi d'une telle possibilité?

Sénateur Banks, ce sera très compliqué dans les cas où une loi non mise en vigueur au cours de la période de 10 ans est utilisée dans le cadre d'une autre loi fédérale, et par le procureur général d'une province. Vous pourriez vous retrouver dans une situation où le gouvernement fédéral en place, quel qu'il soit, vous dirait que même s'il n'a pas respecté les critères, il ne veut d'aucune façon aller de l'avant avec cette loi. Le problème est qu'on se retrouve avec d'autres lois, y compris provinciales, qui en dépendent. Comprenez-vous ce que j'essaie de dire?

Le président : Je crois que c'est une question que le Barreau pose aux étudiants en droit.

Le sénateur Joyal : Si vous répondez à la première question, vous pourrez passer à la deuxième.

Le sénateur Baker : Avez-vous pensé à cet aspect, sénateur Banks?

Le sénateur Banks : Non. J'en suis incapable parce que mon esprit est encore occupé par l'article 5.

Je ne connais pas la loi, comme vous le savez bien, mais je ne peux pas imaginer qu'une telle situation se produise. L'une des dispositions de ce projet de loi prévoit que les mesures adoptées soient publiées dans la Gazette du Canada; on émet donc un avis. Je présume qu'une province appliquant une disposition d'une loi aura été avertie de l'abrogation de la loi en question.

Le sénateur Baker : Supposons qu'un agent de la paix provincial émette une contravention en vertu de la Loi sur les contraventions, par exemple, tant pour le compte du gouvernement fédéral que du gouvernement provincial, mais que cette loi n'ait pas été mise en vigueur. Cela ajouterait une complication. Il faudrait non seulement que les représentants fédéraux disent qu'ils veulent mettre en œuvre cette disposition, mais on devrait également vérifier auprès de ceux qui l'ont proposée au Parlement.

Les contraventions évoquées par le sénateur Nolin, en ce qui concerne la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, ne devaient pas être appliquées par le fédéral mais par les provinces.

Le sénateur Banks : Je ne crois pas que la Loi sur les contraventions soit l'exemple le plus pertinent, étant donné qu'elle est visée par l'article 5. Cela ne pose aucun problème avant au moins neuf ans, selon mon interprétation, à compter de l'entrée en vigueur de cette loi.

Le sénateur Baker : Sénateur, vous avez ces diverses lois adoptées entre-temps et découlant de la Loi sur les contraventions. Non seulement vous aboliriez cette dernière, mais vous invalideriez également une centaine d'autres lois qui s'appuient sur elle.

Le sénateur Ringuette : Vous ne pouvez créer une loi provinciale si une loi fédérale existe.

Le sénateur Nolin : C'est pour cette raison que le ministère est conscient du problème que crée la Loi sur les contraventions. On sait que les négociations avec les provinces se poursuivent. Certaines d'entre elles ont donné leur accord, d'autres non. Cet exemple illustre très bien pourquoi ils déposeraient une motion devant l'une ou l'autre des Chambres en donnant les raisons pour lesquelles certaines dispositions ne figurent pas dans la loi.

Le président : Je suis d'accord avec le sénateur Nolin. Peut-être qu'en plus de l'autre question, le sénateur Baker pourrait soumettre celle-ci au ministère.

Le sénateur Nolin : Nous ne pouvons demander au sénateur Banks de se pencher sur l'erreur commise par une province qui appliquerait une loi à mauvais escient. Il revient aux provinces de veiller au grain.

Le sénateur Banks : Je connais plusieurs procureurs généraux. En ce qui a trait à la Loi sur les contraventions, et même à d'autres lois, je ne peux imaginer qu'ils soient négligeants au point d'ignorer l'abrogation d'une loi qu'ils auraient incorporée par renvoi ou autre dans une loi provinciale. Le cas échéant, ces procureurs généraux tâcheraient d'éliminer ce qui s'y rapporte ou d'introduire un amendement à la loi provinciale qui contiendrait les mêmes dispositions que la Loi sur les contraventions, sur laquelle ils s'appuient.

Le sénateur Nolin : Comme vous le savez, les procureurs généraux et le ministre de la Justice se rencontrent régulièrement. Avant d'être déposée, je suis sûr que cette liste circulerait parmi les homologues des provinces. Je peux m'imaginer un tel scénario. Tout le monde sait que cette loi sera sur la liste.

Sénateur Banks : Je ne pense pas que nous ayons à nous préoccuper d'un hypothétique laxisme de la part d'un procureur général lorsque nous faisons une loi.

Le président : Sénateur Banks, ce comité et ce projet de loi sont nouveaux pour moi. J'ai une brève question. Ce à quoi j'attache toujours beaucoup d'importance concernant les mesures législatives présentées au Sénat, notamment celles venant de la Chambre des communes, c'est que l'on s'assure que le Sénat, en tant qu'entité souveraine, soit toujours protégé. Le Parlement est composé de la Chambre des communes, du Sénat et de la Couronne. Je ne voudrais pas que des projets de loi permettent qu'une loi puisse être mise en vigueur avec le seul le consentement de la Chambre des communes.

Dans cette perspective, j'ai été intrigué par les termes que vous employez dans l'article 3, à savoir : « [...] l'une ou l'autre des Chambres n'adopte [...] une résolution ». Pourquoi n'insisteriez-vous pas pour qu'un tel amendement soit toujours soumis à l'approbation du Sénat? Par exemple, aux termes de certaines dispositions, des agents du Parlement pouvaient être nommés, destitués et ainsi de suite avec le consentement unique de la Chambre des communes. Là encore, le Sénat n'avait pas voix au chapitre. Pourquoi ne diriez-vous pas « les deux Chambres du Parlement », au lieu de « [...] l'une ou l'autre des Chambres »? Pourquoi ce choix?

Le sénateur Banks : Parce que l'une ou l'autre des Chambres du Parlement aurait pu rejeter la mesure législative; par conséquent, l'une ou l'autre devrait être en mesure de l'adopter. Aucun projet de loi qui passe d'une Chambre à l'autre ne peut être adopté sans l'approbation des deux Chambres.

Le sénateur Nolin : Sénateur, ils ont donné leur approbation.

Le sénateur Banks : Cela maintient l'indépendance des deux Chambres. Si nous envoyons ce projet de loi à la Chambre des communes et qu'elle le rejette, il ne deviendra pas une loi fédérale. L'une des deux Chambres aura décidé de ne pas l'édicter. L'inverse, je pense, serait également vrai.

Le sénateur Ringuette : Je crois que c'est un excellent projet de loi parce qu'il nous oblige à rendre des comptes pour toutes les mesures législatives que nous adoptons. En tant que législateurs, nous adoptons des lois pour que le gouvernement les applique, et cela vaut pour tous les articles qu'elles contiennent. Cependant, si le gouvernement ne les met pas en vigueur, je crois qu'il est nécessaire que nous sachions pourquoi, et ce projet de loi est un moyen d'y arriver.

Si une mesure législative n'est pas mise en vigueur dans un délai de neuf ans, nous devrions pouvoir demander pourquoi. Est-ce parce qu'elle est redondante? Est-ce parce qu'elle doit être assortie d'autres lois provinciales, par exemple? À mon avis, c'est un projet de loi valable, car il assure la reddition de comptes face aux lois que nous avons adoptées.

Le sénateur Robichaud : Non, parce que si rien n'est fait, les lois sont simplement abolies sans raison. Si une motion est présentée à l'une ou l'autre des Chambres, on devra justifier pourquoi on souhaite conserver une loi, mais si rien ne se produit, personne n'est tenu de donner de justifications, et la loi disparaît.

Le sénateur Baker : Votre projet de loi d'initiative parlementaire est mort.

Sénateur Banks : Nous devons comprendre qu'il en est très souvent ainsi lorsque les deux Chambres adoptent une loi; elles sont conscientes que certaines dispositions de cette loi ne seront pas mises en vigueur immédiatement, et ce pour de très bonnes raisons.

Cependant, je conviens avec vous que si une disposition n'a pas été appliquée au bout de 10 ans, elle disparaîtra. Mais pour qu'une telle chose se produise automatiquement, il faudrait une bonne dose d'insouciance de la part de nous tous. Le projet de loi envoie suffisamment de signaux et d'avertissements pour avoir l'effet dont a parlé le sénateur Ringuette. Il précise quelles était les intentions du Parlement. Si une disposition n'est pas encore en vigueur, on demande au gouvernement d'expliquer pourquoi.

Le sénateur Ringuette : C'est exact, et pour renforcer mon argument, sénateur Baker, quand les neuf ans se sont écoulés, le Parlement a un an pour décider de ce qu'il fera.

Le sénateur Banks : La première fois, compte tenu que la liste sera plus longue, le délai sera de trois ans.

Le sénateur Robichaud : Le Parlement ne prendra aucune décision, à moins qu'une motion ne soit déposée devant l'une ou l'autre des Chambres. Les lois seront abolies, sauf si quelqu'un se charge de présenter une note ou une motion dans laquelle il demande au ministre concerné pourquoi certaines dispositions n'ont pas été mises en vigueur. Autrement, elles disparaissent.

Le sénateur Banks : C'est pour cette raison que le projet de loi prévoit que le ministre de la Justice est tenu de soumettre une liste au Parlement pour avertir tous les ministres que si rien n'est fait dans un délai de trois ans, la disposition visée n'existera plus. La première fois, le délai sera de trois ans. Mais par la suite, si rien n'est fait dans un délai d'un an concernant une disposition, soit en la faisant entrer en vigueur soit en demandant une prolongation, elle sera abrogée. Rien n'échappera jamais à notre contrôle.

Le sénateur Zimmer : Sénateur Banks, je crois que c'est un excellent projet de loi. J'ai entendu dire au Sénat que nous présumions automatiquement qu'une fois qu'un projet de loi était adopté et avait reçu la sanction royale, il entrerait en vigueur; j'en conclus que vous avez fait du très bon travail.

C'est une bonne chose que de demander des justifications pour un amendement. Mais je crains que le gouvernement ou le ministère n'utilise cela pour continuer à reporter indéfiniment le projet de loi. Il s'agit de savoir si, dès l'adoption de l'amendement, le chronomètre est remis à zéro et si on dispose encore de neuf années supplémentaires. J'espère que nous clarifierons ce point demain.

Cependant, je crains qu'on s'en serve pour le retarder et ne jamais l'adopter. Nous pourrions inclure dans le projet de loi des articles qui garantiront que cela ne se produira pas. J'éprouve quand même une certaine appréhension. La modification d'une disposition déclenche une autre période de neuf ans. Espérons que des mesures seront mises en place pour éviter que cela n'arrive et ne se reproduise. J'espère que nous en discuterons demain.

Le président : En ce qui concerne les traités internationaux, auxquels il faut souvent consacrer beaucoup de temps, d'après ce que je comprends, en vertu du projet de loi du sénateur Banks, le gouvernement devra se présenter devant les deux Chambres pour expliquer l'évolution des négociations, le délai nécessaire et la raison de ce délai.

Le sénateur Banks : Tout à fait.

Le sénateur Joyal : J'ai deux choses à dire. Si j'interprète correctement l'article 3, vous dites qu'une résolution adoptée par l'une ou l'autre des deux Chambres — pour utiliser un terme médical — peut maintenir la disposition sous assistance respiratoire pendant un an.

Le sénateur Banks : C'est exact. La loi ou l'article figurera de nouveau sur la liste l'année suivante.

Le sénateur Joyal : D'après l'interprétation que vous faites de l'article 3, vous affirmez qu'il faudrait aussi s'en tenir à un an pour l'article 5.

Le sénateur Banks : Oui, mais pas uniquement pour cette raison. Ce que je comprends en lisant l'article 5, c'est que ce sera bon pour un an et qu'il faudra recommencer après. C'est ce que je souhaite, mais il faudra demander encore.

Le sénateur Joyal : Puisque ce projet de loi peut être sauvé par l'une ou l'autre des Chambres du Parlement, cela signifie qu'il pourrait être interprété ou mis en œuvre sans la participation du Sénat.

Le gouvernement présentera sa demande à la Chambre qu'il contrôle le plus facilement, c'est-à-dire la Chambre des communes, alors que le Sénat examinerait plus attentivement une telle demande, en raison de sa nature même; et vous savez très bien de quoi je parle.

Votre projet de loi a pour but d'obliger le gouvernement à se justifier. Ne serait-il pas préférable d'inclure les deux Chambres du Parlement afin que l'on puisse porter un regard approfondi et neutre sur l'explication du ministre au lieu qu'elle soit présentée à une Chambre où la majorité l'emporte toujours avec des arguments plus ou moins partisans?

Le sénateur Banks : Si le comité considère qu'il est plus judicieux de procéder ainsi, je l'appuie entièrement.

Le sénateur Joyal : Vous comprenez mon point de vue. Le gouvernement ira où il lui est plus facile d'obtenir l'adoption, et nous savons comment; dans l'autre Chambre, c'est réputé adopté, et la plupart du temps, c'est présenté comme une question de régie interne, et cet argument l'emporte toujours un vendredi après-midi.

Le sénateur Banks : En effet, mais je dois dire aussi que jusqu'à février dernier, cela aurait été le contraire. Si le gouvernement minoritaire précédent avait voulu sauver un projet de loi, ce qui était moins probable durant la dernière législature, il aurait dû aller devant le Sénat.

Le sénateur Joyal : Même si le gouvernement avait été majoritaire au Sénat, je doute que sa demande n'aurait pas fait l'objet d'un examen approfondi. Je pense à quelques membres en particulier que je préfère ne pas nommer.

Le sénateur Banks : Je comprends parfaitement votre question, sénateur, et si ce comité propose un amendement pour que les deux Chambres interviennent, je n'y vois aucun inconvénient.

Le sénateur Joyal : En fait, il est plus difficile pour un gouvernement de remporter deux votes qu'un seul, et si nous voulons donner à votre projet de loi toute la force voulue, il serait préférable de faire participer les deux Chambres.

Le sénateur Banks : C'est l'argument contraire et corollaire à celui que j'ai donné au président en répondant à sa question, en ce sens que s'il faut les deux Chambres pour adopter un projet de loi, les deux devraient intervenir pour le sauver.

Le président : Je préfère de beaucoup la réponse que vous avez donnée à un membre libéral de ce comité que celle servie à un député conservateur relativement à la même question.

Le sénateur Zimmer : Si je puis me permettre, nous devrions peut-être invoquer votre mesure législative d'après le commentaire que vous avez fait avant le 3 février ainsi que votre nouvel amendement pour cinq ans et demi.

Le sénateur Banks : Quelqu'un a dit huit?

Le sénateur Robichaud : Qu'arrive-t-il si une motion est acceptée par une Chambre et refusée par l'autre?

Le sénateur Banks : Si le projet de loi précise « les deux », la disposition demeurera sur la liste.

Le sénateur Nolin : Ce serait sûr, et c'est là où je veux en venir. On n'a pas besoin des deux Chambres. La loi existe déjà. La décision a dûment été acceptée, amendée et sanctionnée, et on doit tout simplement la mettre en vigueur. C'est le seul élément manquant.

La motion vise à garder la loi en vie pendant un an et non à la faire mourir. C'est la prérogative du gouvernement; s'il n'agit pas, la loi mourra. Nous faisons les lois, mais c'est le gouvernement qui les applique.

Le sénateur Banks : C'est exact.

Le sénateur Nolin : À moins qu'un article bien tourné indique qu'il en sera ainsi, la version française stipule clairement « la loi entre en vigueur ». Personne ne met en doute l'intention du Parlement.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Ces lois ne font pas l'objet du projet de loi qui est devant nous.

[Traduction]

Le sénateur Nolin : Nous savons que lorsque nous adoptons des lois dont l'entrée en vigueur est conditionnelle... Nous comprenons pourquoi et, habituellement, on nous l'explique. Maintenant, c'est l'inverse. La loi existe déjà et le but de cette mesure législative est de la faire mourir ou, si le gouvernement le justifie, de la garder en vie pendant un an. On n'a pas besoin des deux Chambres pour cela une seule suffit.

Vous avez demandé ce qui arriverait s'il y avait deux votes différents sur la même motion. La loi resterait en vie. J'aimerais pouvoir vous dire que les deux Chambres sont nécessaires ici, mais ce n'est pas le cas.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je ne crois pas non plus.

[Traduction]

Le sénateur Nolin : J'aimerais énormément que le Sénat s'en charge. On a besoin d'une Chambre ou d'une motion. Nous voulons la garder en vie pendant un an. Qu'est-ce qu'on gagne à prolonger d'un an la vie d'une loi déjà existante? Je ne vois pas. Je comprendrais l'inverse. On a besoin des deux Chambres pour créer ou amender une loi, mais il s'agit ici de la maintenir en vie.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Si la motion est déposée, disons, à la Chambre des communes, que le ministre dépose une motion comme quoi il veut que cela continue et qu'il y a une autre année et que la motion est refusée.

[Traduction]

Le sénateur Nolin : Elle peut entrer en vigueur pendant le reste de l'année.

Le sénateur Robichaud : Oui, mais cette motion sera déposée durant l'année. Les choses ici se produisent souvent à la dernière minute.

Le sénateur Nolin : C'est au ministre de la déposer. Puis-je parler en votre nom?

Le sénateur Banks : Oui, ce sera mieux ainsi.

Le sénateur Nolin : Le ministre dispose de cinq jours de séance au début de l'année pour présenter une telle motion.

Le sénateur Robichaud : Pas la motion.

Le sénateur Nolin : Pardon, la liste.

Le sénateur Banks : Oui, la liste.

Le sénateur Robichaud : En effet. La liste est valide pendant un an. Et tout ministre doit présenter la motion avant la fin de l'année; il a jusqu'au dernier jour de septembre pour le faire.

Le sénateur Nolin : Oui.

Le sénateur Banks : Absolument.

Le sénateur Nolin : En passant, les ministres sont habituellement à la Chambre des communes.

Le sénateur Robichaud : Ils peuvent toujours déposer la motion.

Le sénateur Nolin : Par l'intermédiaire du ministre au Sénat.

Le sénateur Robichaud : C'est exactement la même chose pour le Sénat.

Le sénateur Nolin : Je ne crois pas que nous ayons besoin des deux Chambres pour cela.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Non, je ne crois pas. Je ne vois pas de partisanerie ce niveau.

Le sénateur Nolin : C'est le contraire, parce que loi existe déjà.

Le sénateur Robichaud : Oui, elle est là.

[Traduction]

Le sénateur Banks : Si les deux Chambres la rejettent, il reste un filet de sécurité, c'est que ce soit porté à l'attention du Parlement, à savoir de l'une ou l'autre des Chambres du Parlement. J'imagine que tous les députés et sénateurs sont des gens de bonne volonté. Par exemple, si le gouvernement demande une exemption, si je peux m'exprimer ainsi, devant la Chambre des communes année après année...

Le sénateur Nolin : La liste est déposée devant les deux Chambres.

Le sénateur Banks : Tout à fait, quelqu'un réalisera qu'il faut s'y intéresser. On la portera donc à l'attention des parlementaires, ce qui est, comme je l'ai dit plus tôt, aussi important que la fonction d'abrogation.

[Français]

Le sénateur Robichaud : En fait, si la motion est refusée dans les derniers jours et qu'ils n'ont pas le temps de la mettre en place ...

Le sénateur Nolin : Ils la voulaient vraiment cette loi, n'est-ce pas?

[Traduction]

Le sénateur Banks : Ce qui serait ironique, sénateur Robichaud, c'est que le 19 novembre, le ministre dépose une motion devant la Chambre des communes visant à retirer cette loi de la liste; ce serait la fin. Le gouvernement aura donc le choix, en dernier ressort, de la mettre en vigueur, c'est-à-dire de la sauver.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Oui. Je n'ai pas de problème avec cela à moins que le Parlement et qu'il y ait abrogation.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Je crois que votre question hypothétique est de savoir si, lorsque la Chambre des communes la rejette dans l'année, le gouvernement peut se présenter devant le Sénat.

Le sénateur Banks : Oui, si une Chambre est contre, on peut se tourner vers l'autre.

Le sénateur Joyal : Ou, comme vous l'avez dit, le gouvernement peut la promulguer, un point c'est tout. C'est donc réglé.

Le sénateur Nolin : Les deux Chambres ont adopté la loi il y a neuf ou dix ans. Est-ce possible qu'une Chambre dise quelque chose et que l'autre Chambre affirme le contraire? Qu'adviendrait-il? Cette situation pourrait très bien se produire. C'est la raison pour laquelle je pense que vous n'avez pas besoin des deux Chambres. Je crois qu'une Chambre suffit, pour éviter tout conflit, parce que vous auriez là un problème politique. La loi existe déjà. Le Parlement s'est déjà exprimé.

Le président : Sénateur Banks, avez-vous songé à établir des règles en vertu desquelles la loi s'appliquerait?

Le sénateur Banks : Non, je ne crois pas que ce soit nécessaire. D'après ce qu'on m'a dit, si le gouvernement propose une motion, ce serai couvert, que ce soit pour retirer une loi de la liste ou pour la modifier.

Le président : Honorables sénateurs, avez-vous d'autres questions à poser au témoin, sénateur Banks? Si non, cela conclut nos travaux de la journée.

Nous accueillerons demain des fonctionnaires du ministère de la Justice. Nous avons soulevé aujourd'hui deux questions qui devront être clarifiées par le ministère. Sénateur Banks, nous apprécierions que vous soyez des nôtres, si c'est possible.

Le sénateur Banks : Je ne pourrai pas. J'ai une réunion de 8 heures à 10 h 30.

Le sénateur Joyal : Je propose que le sénateur Nolin le remplace.

Le président : S'il n'y a rien d'autre, le comité suspend ses travaux. Nous reprendrons demain, à 10 h 45.

La séance est levée.


Haut de page