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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 2 - Témoignages du 8 juin 2006


OTTAWA, le jeudi 8 juin 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S- 202, Loi prévoyant l'abrogation des lois non mises en vigueur dans les 10 ans suivant leur sanction, se réunit aujourd'hui, à 10 h 45, pour en étudier la teneur.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, notre comité se réunit pour examiner en détail le projet de loi S-202, Loi prévoyant l'abrogation des lois non mises en vigueur dans les 10 ans suivant leur sanction.

Hier, nous avons entendu le témoignage de l'auteur et du promoteur du projet de loi en question, le sénateur Banks, qui est ici avec nous. Nous avons l'honneur aujourd'hui de recevoir des hauts fonctionnaires du ministère de la Justice qui ont examiné la mesure législative et qui nous donneront un aperçu de la position du gouvernement et du ministère à son égard. Nous accueillons John Mark Keyes, premier conseiller législatif par intérim, et Christine Landry, avocate- conseil, Section du perfectionnement et des projets spéciaux du ministère de la Justice.

Avant de commencer, je vous ai demandé si vous aviez lu la transcription des délibérations d'hier au cours desquelles on a posé quelques questions à propos de l'article 5, entre autres. Vous avez indiqué que vous aviez eu l'occasion d'y jeter un coup d'œil. Pendant votre exposé, je vous serais reconnaissant de bien vouloir répondre aux deux questions précises soulevées hier. Bienvenue et à vous la parole.

[Français]

John Mark Keyes, premier conseiller législatif par intérim, ministère de la Justice Canada : Monsieur le président, c'est un plaisir de comparaître encore une fois devant ce comité pour discuter du projet de loi S-202, présenté par le sénateur Banks. Nous avons suivi de très près vos délibérations sur les versions antérieures du projet de loi — S-12, S- 11 et S-5 — et nous sommes heureux d'avoir l'occasion de participer de nouveau à vos travaux.

Nous avons remarqué l'appui important en faveur du projet de loi exprimé dans les débats, notamment ceux qui ont eu lieu le 31 mai. Cet appui reconnaît la valeur de ce projet de loi pour créer un mécanisme qui, d'un part, inciterait le gouvernement à revoir régulièrement l'occasion de mettre en vigueur les lois ou certaines de leurs dispositions et, d'autre part, effectuerait une révision des lois en éliminant les dispositions qui ne sont plus utiles.

En plus de comparaître devant ce comité, nous avons rencontré le sénateur Banks à plusieurs reprises pour discuter de son projet de loi et des amendements qui pourraient l'améliorer. Le sénateur a répondu aux préoccupations que nous avons antérieurement soulevées, apportant un bon nombre de changements à son projet de loi.

L'article 3 comporte maintenant un mécanisme pour reporter l'abrogation d'une loi ou d'une disposition par voie de résolution de l'une ou l'autre des Chambres du Parlement.

L'article 4 prévoit la publication dans la Gazette du Canada de la liste des lois et les dispositions abrogées.

L'article 5 traite des dispositions modifiées dans les derniers neuf ans pour établir l'année de leur abrogation en fonction de celle de la sanction de leur modification.

[Traduction]

Nous apprécions grandement l'ouverture d'esprit et la compréhension du sénateur Banks face aux préoccupations que nous avons soulevées précédemment. Quand nous avons comparu devant ce comité, lors de l'examen de versions précédentes du projet de loi, nous vous avions remis un tableau des lois ou des dispositions qui seraient touchées par cette mesure législative si celle-ci était adoptée. Nous avons mis ce tableau à jour afin de couvrir les dispositions qui seraient visées si l'adoption se faisait cette année et l'entrée en vigueur en 2008. Nous en avons remis des copies au sénateur Banks, qui vous les a distribuées hier. Pour ceux qui n'en ont pas, vous pouvez toujours en demander une au greffier du comité.

Je serais ravi de répondre à vos questions concernant les aspects techniques du projet de loi et l'application concrète de ses dispositions, particulièrement celles qui reflètent nos suggestions quant aux versions antérieures. Je ne peux toutefois pas faire de commentaires sur la position du gouvernement. Ce dossier se trouve entre les mains de notre ministre et de ses collègues du Cabinet.

Je crois que vous voulez que j'aborde l'article 5, entre autres.

Le président : L'application de l'article 5.

M. Keyes : Je vais parler de cette disposition et ensuite traiter des questions soulevées.

Il s'agit d'un article transitoire. Il traite des dispositions qui ont été modifiées avant l'adoption de ce projet de loi. Il ne tient pas compte des dispositions qui pourraient être changées dans le futur, mais uniquement des dispositions modifiées dans les neuf années précédant l'entrée en vigueur de la mesure législative, si celle-ci est adoptée. L'article vise à régler la question transitoire de l'application de la loi, compte tenu de ces dispositions.

Nous sommes d'avis qu'à l'avenir, nous rédigerons des amendements avec cette loi à l'esprit, de manière à éviter les problèmes qui pourraient survenir. Cela ne s'est pas fait et ne peut se faire pour ce qui est des amendements formulés dans le passé étant donné que ce projet de loi n'a pas encore été adopté.

En bref, cela devient un problème lorsqu'une disposition a été édictée, par exemple, il y a dix ans, mais modifiée il y a cinq ans. La question qu'on se pose est : qu'arriverait-il si l'on abrogeait la disposition originale et que l'on conservait l'amendement?

Cette disposition transitoire sert à éviter toute confusion. Elle permet également de remettre en vigueur la disposition originale, comme l'a mentionné le sénateur Banks hier en parlant de recommencer à zéro.

La disposition serait remise en vigueur pour une période de 10 ans après l'amendement. Si on l'avait amendée il y a cinq ans, on aurait commencé à compter à partir de ce moment-là et, dans quatre ans, la disposition figurerait sur la liste d'abrogation. La date d'effet est la date à laquelle la disposition a été modifiée et non à laquelle elle a été adoptée au départ.

Le président : Si un projet de loi en est à sa huitième année et n'a pas encore été promulgué disons qu'il s'agit d'un projet de loi de 500 articles dont un a été modifié cela veut-il dire que tout le projet de loi échappe à l'abrogation?

M. Keyes : Pas pour tout le projet de loi, mais pour la disposition en question et toutes les autres visées par son application.

J'ai ici quelques exemples de cas semblables pour vous donner une meilleure idée du problème qui se pose.

Le sénateur Banks : Mais avant, je dois obtenir une confirmation. Vous avez dit que nous regardons vers l'avenir et non vers le passé. Si je comprends bien, la dernière année où s'applique l'exemption prévue à l'article 5 serait l'année de l'entrée en vigueur de la loi.

M. Keyes : C'est exact.

L'article 5 se lit comme suit :

Sont soustraites à l'application de l'article 2 les dispositions faisant l'objet d'une modification apportée par une loi sanctionnée au cours des neuf années civiles précédant celle de l'entrée en vigueur de la présente loi [...]

Si un amendement a été sanctionné après l'entrée en vigueur de la présente loi, l'article 5 ne s'applique pas.

Le président : C'est transitoire.

M. Keyes : Exactement.

Mon premier exemple est celui de la Loi sur les contraventions. En passant, ces exemples figurent dans le tableau qui vous a été remis. À la fin de ce tableau, aux deux dernières pages, vous trouverez une liste des dispositions qui seraient touchées par l'article 5. J'ai tiré mes exemples de cette liste.

Le président : Pour que ce soit bien clair, vous parlez de la Loi sur les contraventions et vous nous avez remis deux pages de cette loi. La première est le chapitre 47, page 30, qui traite des articles 61, 62, 63 et 64. De plus, vous avez joint l'article 170 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, en français et en anglais.

M. Keyes : Tout à fait. La disposition dont je parle est l'article 62 de la Loi sur les contraventions dont l'adoption remonte à 1992; il y a donc plus de neuf ans. Normalement, cet article devrait figurer sur la liste d'abrogation. Il n'est toujours pas en vigueur, même s'il a été adopté en 1992.

L'article 62 traite des pouvoirs du tribunal relativement aux jeunes contrevenants, de leur incarcération et des décisions pouvant être prises à leur égard.

En 2002, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents a été adoptée, et l'article 170 de cette loi renfermait une modification corrélative à la Loi sur les contraventions. Vous pouvez le voir à la troisième page du document.

On a remplacé l'alinéa 62(2)a). En fait, la modification visait à remplacer la mention « Loi sur les jeunes contrevenants » par « Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ». Par conséquent, la modification découle de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui a été substituée à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Nous nous retrouvons donc avec l'article 62 qui a été adopté en 1992, et l'alinéa a), plus récemment. L'article 5 du projet de loi permettra donc de repartir à zéro pour l'article 62 au complet, parce qu'on doit le lire intégralement. L'alinéa a) est dénué de sens s'il n'est pas lu avec le reste du paragraphe (2) et c'est la même chose pour ce dernier. L'article 5 permettrait de reporter l'abrogation de tout l'article 62 puisqu'en raison de son amendement en 2002, il faudrait recommencer à compter depuis cette date et non remonter jusqu'à 1992.

Le sénateur Joyal : Ce n'est pas pour un an.

M. Keyes : C'est exact.

Le sénateur Joyal : Nous avons eu cette discussion hier. On pensait qu'il était possible de l'interpréter différemment, c'est-à-dire qu'on pouvait fixer un délai d'un an, tout comme le prévoit l'article 3 lorsque l'une ou l'autre des Chambres adopte une résolution.

Dans ce cas, c'est différent. On repart à zéro à partir de l'année de l'adoption.

M. Keyes : Absolument.

Le sénateur Joyal : Nous l'avons longuement analysé hier pour essayer de comprendre. Le sénateur Banks a fait remarquer que l'article 5, à la sixième ligne, stipulait « ainsi que les dispositions nécessaires à leur prise d'effet » et a proposé que l'on précise que « leur » faisait référence aux dispositions faisant l'objet d'une modification. Ce serait plus clair.

M. Keyes : Je crois que le pronom « leur » rend bien le sens, mais je suis d'accord pour dire que cette précision améliorerait la clarté de cette disposition.

Le sénateur Joyal : Autrement dit, cet article est transitoire seulement dans le cas d'un amendement à une loi en vigueur qui n'a pas été promulgué.

M. Keyes : Exactement. Ni la disposition modifiée ni l'originale ne sont en vigueur.

Le sénateur Joyal : En apportant des changements à une loi, le Parlement fera revivre l'ancienne loi pour une période de 10 ans.

M. Keyes : Pas toute la loi, seulement la disposition modifiée.

Le sénateur Joyal : Cette disposition modifiée.

Le président : En l'occurrence, l'article 62.

Le sénateur Joyal : Vous avez dit que vous aviez un autre exemple.

M. Keyes : Le deuxième exemple concerne la Loi de mise en œuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires. Le recto du document est en anglais, et le verso, en français.

Il est question de l'article 13 de la loi dont l'adoption remonte à 1998. Là aussi, cela fera dix ans en 2008, et l'article 13 n'est toujours pas en vigueur dans la loi. Il devrait normalement figurer sur la liste d'abrogation de 2008 car son adoption date de plus de 10 ans.

Toutefois, à la page suivante, vous trouverez l'article 183 de la Loi sur le Service administratif des tribunaux judiciaires dont l'adoption remonte à 2002. Cet article fait état d'une série de changements, dont un à l'alinéa h) qui entraîne une modification au paragraphe 13(2) de la Loi de mise en œuvre du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires.

Ce changement vise à mettre à jour la terminologie. On a substitué l'expression « Cour fédérale » à « Section de première instance de la Cour fédérale ». Vous trouverez cette expression au paragraphe 13(2), à la troisième ligne, avec une flèche en évidence.

La modification a permis de préciser le nom du tribunal. Mais si l'article 13 est abrogé, on se posera des questions sur l'importance de la disposition modificative. On change un nom à quelque chose qui a été abrogé.

Dans ce cas, nous proposons que la logique soit la même. Si le Parlement a cru bon de modifier une disposition particulière, c'est parce qu'elle était encore d'actualité et que cela valait la peine de la rétablir. On doit donc repartir à zéro à compter de la date de modification.

Le président : Votre ministère est-il satisfait du délai de deux ans prévu à l'article 6. Disposez-vous de suffisamment de temps?

M. Keyes : La résolution serait valable seulement pendant un an.

Le président : La loi entre en vigueur deux ans après. Est-ce assez deux ans? Cela convient-il à votre ministère?

M. Keyes : Oui, je crois que nous pourrions être prêts dans deux ans.

Le sénateur Joyal : Pourriez-vous le faire en un an? Cette mesure législative est en préparation depuis déjà de nombreuses années. Elle a été présentée trois fois au Sénat.

Le sénateur Banks : Je crois que c'était en 2002.

Le sénateur Joyal : Je me reporte à la page 4 des notes d'information rédigées par notre attachée de recherche, Mme Young : « Si ce projet de loi devait être adopté par les deux Chambres et recevoir la sanction royale, mettons en octobre prochain, il n'entrerait pas en vigueur avant octobre 2008. Le premier rapport indiquant des lois ou des dispositions de loi serait déposé devant chacune des Chambres au début de 2009 et les premières lois ou dispositions seraient abrogées le 31 décembre 2009. Le projet de loi S-202 reporte au 31 décembre 2009 l'abrogation de la première loi ou disposition législative. »

Ne croyez-vous pas qu'une année serait suffisante afin qu'il puisse entrer en vigueur au plus tard le 31 décembre 2008, plutôt qu'en 2009?

M. Keyes : Je conviens de la force de l'argument selon lequel ce projet de loi a été présenté sous diverses formes pendant plusieurs années. Nous en avons d'ailleurs discuté avec le gouvernement au cours de ces années. Tous les ministères sont au courant qu'on propose ce projet de loi. Nous leur avons demandé leur avis sur ses implications.

Pour ce qui est du délai, à savoir une année plutôt que deux, je ne peux dire ce que serait l'opinion du gouvernement là-dessus. Mais je comprends le bien-fondé de votre argument.

Le sénateur Joyal : Le projet de loi comporte deux dispositions d'exception — l'article 5, qui est une disposition transitoire, et l'article 3, qui prévoit que l'une ou l'autre des Chambres peut adopter une résolution pour permettre l'abrogation d'une loi ou d'une disposition. Grâce aux articles 5 et 3, nous disposons de mécanismes d'exception qui offrent une protection en cas de résolution. S'il s'avère qu'on a oublié un élément, le Parlement pourrait agir en conséquence. L'ensemble du projet de loi entrerait en vigueur plus tôt que tard.

M. Keyes : Je suis d'accord avec vous. Cela renforce votre argument.

Le sénateur Joyal : À l'origine, si je me rappelle bien ce qu'a dit le sénateur Banks, l'article 5 ne figurait pas dans le projet de loi. Il a été ajouté plus tard, dans la troisième version; et la dernière partie de l'article 3 — la résolution de sauvegarde du Parlement — n'était pas dans la version originale du projet de loi.

Le sénateur Banks : Pas sous sa forme actuelle. On a fait la première lecture de ce projet de loi le 11 décembre 2002. Vous avez raison, sénateur Joyal. La disposition d'exception n'y figurait pas. L'article 3 stipulait simplement que toute loi ou disposition figurant dans le rapport annuel comme n'étant pas encore en vigueur au 31 décembre suivant l'année du dépôt du rapport devait être abrogée. Aucune exception n'était prévue.

Le sénateur Joyal : C'est ce dont je me souviens concernant la première version du projet de loi.

Évidemment, je ne m'oppose pas au principe de reporter de deux ans sa mise en application. Je comprends que vous souhaitez vous assurer que tout l'appareil gouvernemental sache que ce projet de loi n'est pas nouveau et qu'il en est à sa troisième version. Vous avez comparu ici à chaque dépôt du projet de loi, et partout au gouvernement on en connaît les répercussions. Vous nous avez remis une liste de toutes les lois qui pourraient être visées.

Si vous me disiez que le projet de loi sera adopté par le gouvernement, je vous répondrais de vous assurer que nous en tirerons avantage. En revanche, si le gouvernement le rejetait, je préférerais le rendre plus efficace.

Le président : M. Keyes peut seulement parler au nom du ministère et non du gouvernement tout entier; je comprends donc qu'il soit réticent à s'exprimer là-dessus.

M. Keyes : C'est vrai, je ne peux parler au nom du ministre ou du gouvernement pour ce qui est de leur disposition à accepter l'amendement. Je peux seulement donner mon avis sur la valeur et la force de l'argument à l'appui de ce dernier.

Le sénateur Joyal : Merci.

Le président : Y a-t-il d'autres questions?

Le sénateur Andreychuk : Ce n'est pas le délai de deux ans qui me pose problème, mais le fait que nous fixions une date butoir et travaillions en ce sens. Si nous nous étions attelés à la tâche dès le départ, le travail serait déjà en cours. Ce qui m'importe, c'est qu'on s'y mette.

La première fois, vous et d'autres fonctionnaires du ministère avez fait valoir de façon convaincante qu'il faudrait un certain temps pour passer au crible l'ensemble des lois afin de s'assurer que tout est en ordre. Ce serait moins un problème pour Justice Canada que pour d'autres ministères. Êtes-vous certain que ce travail pourrait être fait en deux ans? Pouvez-vous faire face à la gestion, aux coûts, et cetera que cela présuppose?

M. Keyes : Je crois que nous avons fait du bon travail pour ce qui est de consulter les autres ministères. Nous l'avons fait en grande partie par l'entremise des services juridiques de chacun d'entre eux. Nous avons dressé une liste des dispositions qui nous semblaient couvertes et avons effectué des consultations à partir de cette liste. Nous avons déjà accompli une part importante du travail qui sera nécessaire pour mettre le processus en marche.

Oui, je dirais que deux ans, cela me paraît tout à fait raisonnable.

Le sénateur Andreychuk : Les raisons qui étaient impérieuses ne le sont plus tellement aujourd'hui, étant donné qu'une partie du travail a été fait.

Mon autre question est d'ordre pratique. Bien des éléments se perdent lorsqu'on apporte un sous-amendement à une loi, et cela donne lieu à de nombreux tiraillements. Si nous adoptons cette loi, je crains que certains amendements n'auront pas été mis en œuvre pour certaines raisons dont nous avons tous convenu, même si des motifs solides justifiaient leur application. On ne serait pas plus avancés. Je pense à la législation sur les prestations aux conjoints de même sexe, pour laquelle nous avons mis de côté l'entrée en vigueur de l'article se rapportant à la Loi sur les Indiens. À cette époque, si je me souviens bien, des fonctionnaires ou des ministres avaient dit avoir besoin de temps pour consulter les communautés autochtones et négocier avec elles, comme c'est leur droit.

Pour ce que j'en sais, l'article en question n'a jamais été appliqué. J'essaie de me rappeler à quel moment; c'était certainement au cours des années 90. Je m'inquiète du fait que d'autres dispositions relatives aux droits humains et à la justice sociale n'ont pas été mises en application, et pas nécessairement à cause de la bureaucratie. Si nous les éliminions, nous créerions véritablement une injustice. Y avez-vous pensé?

M. Keyes : Oui. Le mécanisme de résolution vise à régler ce problème, en tenant compte du fait que dans certains cas, 10 ans d'attente seraient insuffisants.

Le mécanisme de résolution oblige le gouvernement à fournir des explications, quitte à le faire chaque année. Si ces explications sont pertinentes et continuent de l'être, nous tiendrons pour acquis que l'une ou l'autre des Chambres les acceptera et adoptera la résolution. Ce mécanisme de résolution devrait être le moyen de composer avec le problème que vous avez soulevé. Nous avons présenté ce mécanisme en partant du principe que, dans certains cas comme ceux que vous avez mentionnés, la mise en œuvre peut — et c'est compréhensible — prendre plus de temps. L'entrée en vigueur de dispositions dépend des négociations avec les autres gouvernements, pays et groupes particuliers qui pourraient être visés par la loi.

Le sénateur Andreychuk : Vous parlez des autres pays alors qu'il était question des implications des traités. Mais je me disais qu'il ne s'agissait pas de traités internationaux. Serons-nous aussi vigilants face aux questions de justice sociale qu'aux obligations internationales? C'est là où je veux en venir. La résolution prévoira-t-elle un énoncé de politique concernant ces aspects?

M. Keyes : Lorsque la liste initiale est préparée et déposée au début de l'année, on attend de chaque ministère qu'il l'examine, se demande pourquoi les dispositions ne sont toujours pas en vigueur, juge s'il est encore justifié de les garder et, finalement, continue d'essayer de les faire entrer en vigueur à un moment donné.

Le sénateur Baker : Que penseriez-vous de modifier le mécanisme de résolution de l'article 3 en remplaçant les mots « faisant opposition à son abrogation » par « la promulguant »?

M. Keyes : Cela voudrait dire que le mécanisme aurait pour effet de faire entrer en vigueur ces lois ou dispositions, au lieu de mettre fin à leur existence sur papier. Cela changerait considérablement l'objet du projet de loi. Cela donnerait force de loi à des dispositions qui auront des effets juridiques et des implications pour le pays, pour la communauté.

Cela diffère considérablement de l'abrogation d'une loi qui n'a jamais été en vigueur; auquel cas, sur le plan pratique, l'abrogation n'a aucune répercussion sur les droits et obligations du public.

Ce que vous proposez, c'est l'application immédiate de ces dispositions.

Le sénateur Baker : Non, une résolution d'une Chambre stipulant qu'une disposition doit être promulguée n'entraîne pas sa mise en application. Elle a pour effet de signaler au gouvernement qu'il doit agir.

M. Keyes : Là encore, vous laisseriez au Parlement le soin de faire la promulgation ou le décret.

Le sénateur Baker : Vous pouvez l'interpréter ainsi. Que pensez-vous de changer le libellé pour « la promulguant »? Avez-vous une opinion là-dessus?

M. Keyes : Dans un sens, ces mots sont sous-entendus dans toutes ces dispositions. Lorsqu'une loi est adoptée et que le gouvernement se voit conférer le pouvoir de l'appliquer, on suppose qu'il l'exercera un jour.

Une résolution affirmant cela ne va aucunement au-delà l'intention initiale derrière la disposition. Elle peut nous amener à nous demander s'il faut maintenant imposer un échéancier. Si la résolution n'indique rien à ce sujet, ajoute-t- elle quoi que ce soit à l'objectif initial qui existait lors de l'adoption de la loi?

Le président : De plus, elle ne précise aucun délai pour la promulgation. Le libellé du sénateur Baker non plus.

Le sénateur Baker : La raison pour laquelle je propose cet amendement est contenue dans les derniers mots que vous avez employés tout à l'heure — l'intention derrière la loi. Certaines de ces mesures législatives — six ou sept — ont été adoptées ici, et des sénateurs ici présents ont voté en faveur des dispositions de ces projets de loi.

Prenez la première, par exemple, concernant l'adoption de l'article 254 du Code criminel. Cet article permettait de créer un équilibre, étant donné qu'il était question là-dedans de présomptions. Si l'on prend un échantillon d'haleine sur quelqu'un, on présume que le taux d'alcoolémie de la personne sera le même qu'au cours des deux heures précédentes, pendant lesquelles celle-ci a pu conduire. Cela permet de surmonter les obstacles en matière de fardeau de la preuve et d'engager des poursuites. C'est une présomption portant sur la personne. Puis il y a la présomption portant sur la preuve en ce qui concerne le certificat et les deux dispositions que vous avez relevées : le sous-alinéa 258(1)c)i) et la division 258(1)g)iii)(A).

Lorsque le sénateur Joyal a adopté cette mesure, je suis certain qu'il a considéré...

Le sénateur Joyal : Je croyais que vous alliez dire que j'avais fourni un échantillon.

Le sénateur Baker : C'est de mémoire institutionnelle dont je parle. Vous, vous parlez de consacrer le principe de la présomption, de pouvoir surmonter le problème du fardeau de la preuve afin d'engager des poursuites. Vous devez avoir un élément pour y faire contrepoids. Le facteur d'équilibre consistait, à mon avis, à consulter la jurisprudence sur le sujet en étant ensuite tenu de fournir cette preuve à l'accusé.

Je crois que j'ai raison d'en arriver à cette conclusion car dans toute une série de causes, on peut voir des contestations fondées sur la Charte parce que cette disposition n'est pas promulguée.

C'est la même chose pour d'autres articles. Le fait de ne pas promulguer des dispositions ne constituait pas une violation des droits des accusés en vertu de la Charte. Mais la Cour d'appel de l'Île du Prince-Édouard en a tranché autrement, en 1997. L'accusé a été acquitté au motif que l'omission de proclamer 258(1)c)i) et la division 258(1)g)iii)(A) en vigueur portait atteinte à ses droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.

De plus, cette décision correspondait à celle de la Cour d'appel de Nouvelle-Écosse, qui a rendu le même jugement. Cette année, en 2006, la Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a été saisie d'une affaire semblable. Les droits de l'accusé prévus dans les alinéas 11c) et 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés n'étaient pas violés par la non- promulgation du sous-alinéa 258(1)c)(i) du Code Criminel — qui prévoit que l'accusé doit recevoir un échantillon de son haleine dans un contenant approuvé pour son usage personnel en même temps qu'il fournit le même échantillon à la Couronne — et par la division 258(1)g)iii)(A), qui stipule, en des termes similaires, une condition relative à l'admissibilité du certificat d'un technicien qualifié.

Si je comprends bien, il s'agit probablement de la partie du Code criminel la plus litigieuse. Je peux toutefois vous citer d'autres exemples de contestation en vertu de la Charte du fait que cet article n'a pas été promulgué; c'était un équilibre difficile à établir au moment de l'adoption. Les législateurs ne l'auraient probablement pas adopté au début si cela n'avait pas été prévu, et il s'agit en fait de présomptions.

La non-promulgation d'articles du Code comme celui-ci pose un énorme problème. Ce projet de loi est positif. Je peux voir que quelque chose doit arriver, d'une façon ou d'une autre. Lorsqu'on adopte des lois ici, on les examine et on pense : « Nous pouvons les adopter, car c'est prévu. » Tout d'un coup cependant, on les examine 10 années plus tard et une chose est prévue, mais pas une autre. Le problème est énorme. Le projet de loi est nécessaire, mais il faudrait le rédiger pour que l'article en question revienne simplement sur la liste non active si nous adoptons une résolution indiquant qu'il devrait être retiré de la liste, sans toutefois être supprimé. J'ai de meilleurs exemples dont nous avons discutés hier.

Lorsque le ministère de la Justice voit tous ces jugements devant les tribunaux — c'est-à-dire les tribunaux provinciaux, les appels interjetés auprès de la Cour suprême et de la Cour d'appel et les arguments fondés sur la Charte au sujet de quelque chose qui n'est pas promulgué — n'y a-t-il pas une sonnerie d'alarme qui vous fait dire : « Nous devons décider de promulguer ou non, car nous semons la confusion dans les tribunaux. » Un mécanisme est-il prévu à la justice? Je ne sais pas si vous voulez intervenir à ce sujet.

Le président : J'aimerais entendre les témoins à cet égard.

M. Keyes : Notre groupe de politique de droit pénal est chargé d'examiner exactement ce genre d'évolution en matière de jurisprudence. Vous avez tout à fait raison de dire que ces dispositions font l'objet de causes importantes qui sont les seules qui, à ma connaissance, portent sur la non-promulgation. Comme vous l'avez indiqué, il s'agit de la partie du Code criminel la plus litigieuse — je veux parler des dispositions relatives à l'alcootest et à la conduite en état d'ébriété. Uniformément dans tout le pays, dans le règlement de ces affaires, chaque tribunal en est arrivé à la décision que la non-promulgation ne correspond pas à une violation des droits prévue en vertu de l'article 7 ou d'autres droits prévus par la Charte.

C'est un bon exemple pratique à retenir lorsqu'on envisage les répercussions de votre proposition, monsieur le sénateur, c'est-à-dire mettre le mécanisme en marche pour que, au lieu qu'il ne soit utilisé pour l'abrogation, il se mette en position de marche. La disposition de base exige que les responsables de l'application de la loi prélèvent un échantillon d'haleine. Des collègues au ministère sont mieux placés pour en parler, mais je vais vous donner mon interprétation. Cette disposition n'a jamais été promulguée, car nous n'avons pas la technologie nécessaire. Nous n'avons pas de dispositif ou de récipient qui puisse recevoir un échantillon d'haleine, qu'on puisse transporter, à des fins d'analyse. Ce n'est pas comme un échantillon sanguin que l'on peut mettre dans un contenant et amener à un laboratoire. La technologie n'existe pas.

Lorsque la promulgation s'est faite en 1968, on s'attendait à ce que cette technologie soit inventée.

Le sénateur Baker : Et aussi en 1984 et 1985.

M. Keyes : Oui, lorsque la révision a été de nouveau faite. Toutefois, la technologie n'a jamais suivi. Je ne sais pas si l'on s'attend à ce que ce soit inventé, mais ce n'est pas le cas pour l'instant. Si le gouvernement exigeait que cette disposition soit mise en vigueur aujourd'hui, un problème pratique se poserait, puisque c'est relié à une série de présomptions qui font partie intégrante de la mise en application des dispositions de l'alcootest du Code criminel. Si c'était mis en vigueur, elles ne s'appliqueraient plus parce que les responsables de l'application de la loi ne pourraient pas respecter l'exigence relative à la fourniture d'un contenant. Les présomptions tomberaient alors. Ironiquement, ce serait mis en vigueur mais, pratiquement, les présomptions tomberaient et il serait plus difficile d'appliquer les dispositions relatives à la conduite en état d'ébriété si c'était mis en vigueur sans rien de plus.

Le président : Vous expliquez de façon pratique pourquoi le mot « promulguée » ne devrait pas remplacer le mot « abrogée ». C'est probablement au sénateur Banks, auteur de ce projet de loi, qu'il faudrait poser la question. Je suis sûr qu'il a bien réfléchi avant de dire pourquoi il voudrait que la motion soit abrogée et non promulguée. Sénateur Banks, pouvez-vous nous dire si vous avez envisagé qu'elle soit promulguée plutôt qu'abrogée?

Le sénateur Banks : La première partie de l'article 3 stipule que le gouvernement a l'option de le faire « à moins qu'elle ne soit en vigueur ». La présentation de la liste au Parlement par le ministère attire l'attention du Parlement et du gouvernement sur le fait que ce projet de loi va être touché d'une façon ou d'une autre. Soit la disposition ou la loi ne sera pas abrogée par suite d'une résolution, soit elle le sera. Trois choses peuvent arriver dans le cas d'une loi ou d'un article d'une loi du Parlement après son dépôt devant le Parlement. Le gouvernement et le Parlement ont une année pour décider de ces options.

Trois options valent mieux que deux dans le cas des lois qui vont être visées, parce que, dans l'exemple donné par le sénateur Baker, nous avons appris quelles répercussions pourraient se produire. Je pense que dans une grande proportion — et je demanderais à nos témoins de dire si tel est le cas — on retrouve certains articles, et sûrement des lois au complet, qui sont toujours en vigueur alors que de toute évidence, nous ne voulons plus que ce soit le cas. Nous n'allons pas les mettre en vigueur; tout cela vise à faciliter la révision des lois la prochaine fois que nous nous attelons à ce travail et à faire un peu le vide. En bref, trois options valent mieux que deux.

Le sénateur Joyal : Pour en revenir à l'exemple présenté par le sénateur Baker, puisque la technologie n'existe pas pour mettre en vigueur cette disposition, cela veut dire que la première option indiquée par le sénateur Banks ne s'appliquerait pas. La décision serait la suivante : devons-nous l'abroger — c'est-à-dire, la laisser disparaître au bout d'un an — ou faudrait-il convoquer le Parlement pour qu'il adopte une résolution? Que feriez-vous en pareil cas?

M. Keyes : Je ne suis pas véritablement en mesure de répondre et il vaudrait mieux poser cette question à mes collègues du secteur de la politique du droit pénal, qui connaissent mieux la situation et les répercussions. L'une des trois options sera retenue; je ne peux pas en dire beaucoup plus au sujet de l'option que choisirait le gouvernement ou le Parlement.

Le sénateur Joyal : Pour comprendre le processus déclenché par ce projet de loi, comme l'a dit le sénateur Banks il y a quelques instants, l'administration devra cocher l'une des trois cases pour chaque article des projets de loi qui n'ont pas été promulgués. Vous promulguez, vous supprimez ou vous maintenez le projet de loi pendant une année. C'est l'exercice que vous entreprendrez chaque année pour toutes les dispositions qui arriveront à échéance mais qui n'auront pas été promulguées en l'espace de la période de neuf ans. C'est l'exercice que l'administration devra faire régulièrement chaque année.

Le sénateur Andreychuk : C'est plus que l'administration, car chaque fois qu'il y a un problème, les gouvernements trouvent des solutions qui paraissent bien. Nous manquons autant de rigueur que les autres lorsque nous disons : « C'est une bonne idée. » Toutefois, nous ne cherchons pas à savoir si c'est pratique et faisable.

Au moment de l'abrogation de ces dispositions, certains d'entre nous présents lors de leur adoption risquent de ressentir une certaine gêne. Nous ferons maintenant plus attention dès le début. Ce n'est pas toujours la bureaucratie qui est en cause.

Le sénateur Joyal : Le sénateur Andreychuk fait une bonne remarque, car en plus de l'impact sur l'administration, il peut y en avoir un sur les législateurs aussi. Lorsque nous examinons le Code criminel, nous pourrions vouloir examiner les articles du Code criminel qui n'ont pas été promulgués avant d'en ajouter d'autres. Ainsi, un article qui n'a pas été promulgué pourrait être remis en vigueur neuf années de plus. Je pense au Code criminel, car pour notre comité, c'est l'une des mesures législatives les plus fondamentales que nous devons examiner plus régulièrement que toute autre loi.

M. Keyes : Toutefois, la disposition transitoire ne serait pas applicable dans le cas d'amendements futurs, si bien qu'il s'agirait uniquement des amendements apportés dans l'année, avant que la loi n'entre en vigueur.

Le président : Mme Young, notre attachée de recherche, me rappelle qu'en vertu du règlement actuel, tout sénateur peut, à n'importe quel moment, déposer une motion au moment voulu du déroulement quotidien de nos travaux pour un article qui n'est pas en vigueur, pour qu'il le devienne. Les sénateurs peuvent se lever dans la salle et demander au gouvernement d'agir suite à notre motion. Ce droit existe bel et bien.

M. Keyes : Oui, vous avez parfaitement raison, ce n'est pas uniquement le gouvernement qui a un rôle à jouer. La liste est déposée dans les deux Chambres et elle est publiée à l'intention des membres des deux Chambres; la procédure de résolution peut être invoquée par n'importe quel membre de ces Chambres.

Le sénateur Baker : J'aimerais poser une question au sujet d'une loi différente, mais avant de le faire, j'aimerais souligner que les contenants approuvés d'échantillons sanguins, etc., sont publiés dans la Gazette du Canada sous le Code criminel. J'ai remarqué un changement du contenant approuvé dans la Gazette du Canada l'année dernière. Il s'agit d'une responsabilité constante du ministère de la Justice qui est chargé d'apporter des changements et pour les responsables de l'application de la loi qui doivent trouver des contenants qui sont fiables et qui peuvent être envoyés dans les laboratoires par courrier.

Comme tout le monde le sait bien, les échantillons d'haleine qui aujourd'hui se trouvent dans une bouteille commercialisée sur le marché ou qui sont prélevés au bord de la route, ce qui est différent de l'alcootest, auquel ont régulièrement recours les forces de l'ordre, sont en vase clos. La mesure législative exige que le gouvernement produise un contenant qui serait approuvé et qui renfermerait une solution permettant de préserver l'échantillon pour une durée raisonnable de temps afin que l'accusé puisse partir et faire faire une analyse. C'était ainsi qu'on le comprenait et c'est ainsi que s'interprète la mesure législative, ce qui n'a rien à voir avec les mesures que peut prendre la police.

Je comprends que d'après vous, la réponse habituelle serait — même si je ne l'ai jamais entendue — qu'aucun instrument de la sorte n'a été inventé. Cet argument n'a pas encore été avancé, mais j'imagine qu'on le verra bientôt dans certaines affaires, car ne serait-ce pas un excellent argument fondé sur la Charte, à savoir que la mesure législative n'aurait probablement pas dû être adoptée pour commencer.

Permettez-moi de vous donner l'exemple de la Loi sur les contraventions. Les infractions mixtes sont considérées punissables par voie de mise en accusation, même si la Couronne décide de poursuivre par voie de déclaration sommaire de culpabilité au procès. Pour une infraction relativement mineure, si on peut la qualifier ainsi, un accusé peut devoir se faire prendre les empreintes digitales et être photographié, ce qui est le cas pour tout le monde, s'il s'agit d'une infraction mixte. S'il s'agit d'une infraction en vertu de la Loi sur les contraventions, la norme est encore plus basse. C'est une infraction moins grave qu'une infraction poursuivie par voie de déclaration sommaire de culpabilité.

En vertu de la Loi sur l'identification des criminels, nous avons récemment adopté une modification portant que toute infraction en vertu de la Loi sur les contraventions signifierait automatiquement que personne ne serait désigné comme criminel en vertu de la loi. Aucune photo et aucune empreinte digitale ne serait prise. L'article 50 n'ayant pas été promulgué, tout est débalancé. Par conséquent, si l'article 50 de la Loi sur les contraventions paraissait comme l'un des articles figurant sur cette liste et qu'il était abrogé — la loi a été modifiée en 1996, mais cet article n'a jamais été promulgué et nous sommes maintenant en 2006, si bien que le délai est écoulé — comment envisageriez-vous de régler cette question dans le contexte de ce projet de loi?

En d'autres termes, nous avons toutes ces mesures législatives qui ont été adoptées en fonction d'un article d'un projet de loi qui n'a pas été promulgué. Comment cela fonctionnerait-il?

M. Keyes : J'imagine que cela pourrait faire l'objet d'une résolution visant à reporter toute abrogation. Si le Parlement a récemment promulgué une mesure législative en vertu de la Loi sur l'identification des criminels, cela dépend de l'existence de cet ancien article, et c'est alors une bonne raison pour que l'une des deux Chambres adopte une résolution afin que l'article 50 reste en vigueur pour en assurer la mise en application au moment voulu.

Le sénateur Baker : Le problème qui se pose actuellement, c'est qu'il y a de nombreux cas où les empreintes digitales et les photographies sont utilisées pour une infraction qui de toute évidence n'est pas punissable par mise en accusation et où les accusations sont retirées. La personne présente une défense en se fondant sur la Loi sur les contraventions et déclare : « Eh bien, ce serait considéré comme une contravention si bien que mes empreintes digitales et ma photographie n'auraient pas dû être utilisées pour m'accuser dans le cas d'une infraction ultérieure, plus grave. » Vous voyez cela se produire dans beaucoup d'affaires de voies de fait. Comme cela n'a pas été promulgué, les tribunaux disent toujours : « Désolé, mais ces empreintes digitales et ces photographies sont légitimes. Elles n'ont pas à être détruites. » Toutefois, les empreintes digitales et les photographies n'existeraient pas si cet article de la loi était promulgué et si on pouvait l'invoquer comme moyen de défense. Si l'article 50 devait être annulé, le ministère de la Justice pourrait alors dire, j'imagine : « Un instant, cela touche toute une série de mesures législatives. Nous ne pouvons pas vous dire pourquoi nous ne l'avons pas promulgué, mais nous aimerions qu'il ne soit pas annulé. »

M. Keyes : Oui, je crois que c'est ainsi que ça se passerait. Si vous ou un autre membre du Sénat ou de la Chambre décidait de présenter cette mesure législative, vous pourriez également, non seulement obtenir la résolution voulue pour qu'elle reste en vigueur une autre année, mais aussi déclencher un débat sur la raison pour laquelle elle n'est pas mise en vigueur.

Cela devient non seulement un mécanisme permettant de maintenir cette loi, mais un mécanisme qui renforce la responsabilisation, l'examen minutieux du gouvernement auquel on demanderait pourquoi l'article 50 n'est toujours pas en vigueur.

Le sénateur Baker : Les empreintes digitales et les photographies prises aujourd'hui pour une infraction qui est jugée être une contravention sont conservées pour un usage futur qu'en ferait la police, tout simplement parce que nous n'avons pas promulgué un article qui indirectement en assure la protection. Par conséquent, ne vaudrait-il pas mieux préciser...?

Le président : « faisant opposition à sa promulgation ».

M. Keyes : Cela pourrait résoudre ce problème particulier, mais qu'arriverait-il dans d'autres circonstances?

Le président : Le sénateur Banks nous en a donné la raison.

J'aimerais demander si les honorables sénateurs ont des questions et des observations.

Le sénateur Zimmer : J'avais une question, mais le sénateur Joyal l'a abordée au début et le sénateur Baker a clairement posé les deux autres auxquelles je pensais. Je n'ai pas de question.

Le sénateur Ringuette : Comme je l'ai dit hier, il s'agit d'un bon mécanisme qui permet de suivre ce que nous faisons en ce qui concerne les mesures législatives. Par ailleurs, l'exécutif est forcé d'être responsable et d'expliquer, si un article n'est pas ratifié, que les législateurs ont peut-être commis une erreur. Il se peut que l'exécutif ne souhaite pas que le législatif aille de l'avant.

Cette mesure permettra d'instituer beaucoup de responsabilité dans le système. Je suis d'accord.

Le président : Sénateur Banks, avez-vous d'autres précisions?

Le sénateur Banks : Non. Je suis heureux d'avoir entendu les propos du ministère et des témoins.

J'aimerais rappeler aux sénateurs un point que j'ai dit hier et que M. Keyes vient juste de renforcer. Aucun des effets de ce projet de loi, dans son application pratique s'il devenait loi, ne l'emporte sur l'autre. Tout aussi important que l'abrogation ou toute autre question, ou une motion présentée par un membre d'une des deux Chambres du Parlement pour mettre en vigueur une disposition, c'est que tout simplement, l'attention du Parlement a été sollicitée. C'est tout aussi important que toutes les autres dispositions.

C'est ce qui a été souligné lorsque les lords juristes ont examiné les affaires que j'ai citées. L'un d'entre eux a dit qu'aucune attention soutenue démontrable n'est portée à la question de savoir quand cet article de loi serait mis en vigueur. Il semble que le gouvernement a décidé de ne pas le mettre en vigueur. Le fait d'attirer l'attention sur ces dispositions qui restent en suspens, dont certaines doivent être mises en vigueur contrairement à d'autres, etc., est tout aussi important que n'importe quel autre aspect du projet de loi.

Le sénateur Joyal : Je lis les articles 2 et 3 du projet de loi. Ils traitent du délai d'une année qui est envisagé pour l'application de la loi.

L'article 2 stipule :

Le ministre de la Justice fait déposer devant chaque Chambre du Parlement, dans les cinq premiers jours de séance de celle-ci au cours de chaque année civile, un rapport énumérant les lois fédérales — ou les dispositions de ces lois [...]

Par conséquent, il s'agit de la Chambre des communes et non du Sénat.

Le sénateur Banks : Non, cet article stipule : « fait déposer devant chaque Chambre du Parlement [...] »

Le sénateur Joyal : Désolé, je me concentre sur le délai.

Le projet de loi stipule « cinq jours ». Prenons un exemple. Disons que la Chambre siège le 21 janvier. Le ministre de la Justice disposera de cinq jours de séance à partir de cette date, d'après la Loi d'interprétation, n'est-ce pas?

M. Keyes : C'est exact.

Le sénateur Joyal : La Chambre des communes siège du lundi au vendredi. Par conséquent, elle dispose d'une semaine au bout de laquelle elle doit déposer la liste. Comme le prévoit l'article 3 du projet de loi, l'une ou l'autre Chambre du Parlement doit alors adopter une résolution. Cela veut dire qu'un vote doit être tenu; ce n'est pas juste au Feuilleton.

La raison pour laquelle je pose cette question, c'est parce que j'ai déjà vu des motions rester au Feuilleton pendant des mois, voire des années. Supposons qu'il y ait une motion au Feuilleton, mais qu'elle ne soit pas adoptée ni votée au cours de l'année. Cette année est comptée après les cinq premiers jours après lesquels la liste a été déposée. Disons que la liste a été déposée le 26 janvier. Cela veut-il dire que chacune des Chambres a jusqu'au 26 janvier de l'année suivante pour l'adopter?

Le sénateur Banks : Non, c'est alors l'article 3 qui l'emporte.

Le sénateur Joyal : L'article 3 du projet de loi stipule :

Toute loi ou disposition figurant dans le rapport est abrogée le 31 décembre de l'année du dépôt de celui-ci, à moins qu'elle ne soit en vigueur à cette date ou que l'une ou l'autre des Chambres n'adopte, durant cette même année, une résolution [...]

Nous avons seulement...

Le sénateur Banks : L'année civile.

Le sénateur Joyal : En d'autres termes, le dernier jour de séance du mois de décembre de cette année.

Le sénateur Banks : Pour répondre rapidement, je renvoie familièrement à l'année au cours de laquelle le gouvernement a une possibilité d'agir. Il ne s'agit pas vraiment d'une année. C'est à partir du moment où le Parlement siège pour la première fois au cours de l'année civile jusqu'au 31 décembre de cette année civile.

Le sénateur Joyal : Nous parlons de l'année et nous pensons que le décompte commence à partir de la date à laquelle le rapport est déposé. Ce n'est pas le cas. C'est au cours de la même année civile que la résolution doit être adoptée, c'est-à-dire votée. En fait, c'est moins qu'une année.

Le sénateur Banks : Ce sera toujours moins qu'une année.

Le sénateur Joyal : Nous ne cessons de parler d'une année, mais ce n'est pas exactement ce que représentent les délais prévus.

Le sénateur Banks : C'est exact; ce n'est pas tout à fait une année, ce sera toujours un peu moins qu'une année.

Le sénateur Joyal : Ce ne peut être plus d'une année; c'est toujours moins qu'une année. En fait, ce sera toujours dix mois et demi ou 11 mois.

Je veux être sûr de ce que nous faisons ici, car cela veut dire que le dernier jour de séance, il faudra regarder le Feuilleton pour vérifier quelles motions n'ont pas été adoptées. Nous savons que si ces motions n'ont pas été adoptées ce jour-là, elles ne tiennent plus.

Quelles sortes de directives allez-vous mettre au point pour avertir les divers ministères que c'est le processus prévu et qu'ils doivent vous faire rapport? Quels genres de mécanismes devrez-vous mettre en place pour que l'administration puisse mettre en œuvre le projet de loi?

M. Keyes : Nous allons procéder essentiellement de la façon dont nous l'avons toujours fait. Dans notre secteur, nous préparerons la liste des dispositions qui apparaîtraient au cours de l'année civile. Tout en passant par les unités ministérielles des services juridiques, nous ferons en sorte que chaque ministère touché par les dispositions figurant sur cette liste soit informé du fait qu'ils ont des dispositions sur la liste et que s'ils veulent les conserver, ils doivent prendre des mesures pour que leur ministre propose une résolution.

Il peut également être possible, en travaillant avec le Bureau du conseil privé, de fusionner ces résolutions en une seule. Plutôt que d'en avoir toute une série, le gouvernement décidera quelles dispositions il souhaite conserver, puis les groupera en une seule résolution. Ce sont des mécanismes qui ne semblent pas poser de problème, je pense que c'est faisable.

Le sénateur Joyal : Lorsque vous avez contacté les divers ministères pour établir la liste que vous nous avez remise, avez-vous entendu quelque ministère que ce soit dire que le système serait trop lourd? Le ministère des Transports, par exemple, doit contrôler bien des mesures législatives. Avez-vous fait face à des objections systémiques à cette mise en œuvre?

M. Keyes : « Objections » est peut-être un terme trop fort, des ministères se sont inquiété des répercussions et des efforts supplémentaires nécessaires pour justifier une résolution et informer le ministre. Toutefois, au bout du compte, d'après le ministère de la Justice, c'est gérable.

Le président : Monsieur Keyes et madame Landry, j'aimerais vous remercier au nom du comité d'être venus aujourd'hui. Vos explications nous ont beaucoup aidés. Comme vous le savez à la lecture des débats d'hier, plusieurs questions ont été posées au sujet de l'interprétation de l'article 5. Vous avez commencé aujourd'hui par nous donner deux phrases qui m'ont aidé à comprendre. Vous avez dit que l'article 5 est une disposition transitoire, et tant que nous gardons cela à l'esprit, c'est clair. Deuxièmement, vous avez dit qu'il n'y a pas anticipation. Cela nous aide à agir avant que ne commence le décompte. Cela nous a permis de comprendre, notamment ce que le sénateur Banks recherchait par ce projet de loi; nous vous remercions donc beaucoup.

Sénateurs, c'est ainsi que se termine aujourd'hui notre travail sur le projet de loi S-202. Toutefois, avant de partir, nous avons quelques questions internes à régler. Vous avez devant vous copie du budget du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour l'exercice se terminant le 31 mars 2007. Vous remarquerez que la partie la plus importante de ce budget porte sur les 50 repas de travail à 500 $ chacun pour un total de 25 000 $ et sur les autres services professionnels, 42 000 $. Si vous examinez les budgets des années précédentes, vous verrez que ce n'est certainement pas déplacé, surtout par rapport à 2003-2004.

Le sénateur Andreychuk : Je siège au sein de ce comité depuis 10 ans. Il a toujours été entendu que le comité se réunirait à Ottawa. Comme nous traitons de la législation pénale, nous devons rencontrer les représentants du ministère.

Je suis étonnée de voir que nous avons ajouté des frais de déplacement à hauteur de 27 000 $. Je vois 42 500 $ et 27 610 $. C'est la première fois que je le vois. Nous avons ajouté les honoraires d'un conseiller juridique, ce qui était valable dans le passé, mais je me demande pourquoi nous avons ajouté les frais de déplacement.

Le président : Comme vous le savez, je suis tout nouveau à ce comité. Je n'y ai jamais siégé au cours de mes 16 ans au Sénat, par conséquent votre mémoire institutionnelle est bien meilleure que la mienne.

Toutefois, je comprends que plusieurs conférences sont tout indiquées pour les travaux de ce comité de temps à autre, et cet article budgétaire correspond au transport de six sénateurs au maximum qui peuvent ainsi se rendre aux conférences. Je crois que ce serait riche d'enseignements. Même si c'est dans le budget, il n'est pas absolument nécessaire de le dépenser. Il n'est nullement prévu que notre comité voyage pour tenir des séances publiques de Terre- Neuve à Victoria.

Le sénateur Joyal : J'aimerais corroborer ce que le sénateur Andreychuk vient de dire. Je suis également membre de longue date de ce comité, puisque j'y siège depuis mon entrée au Sénat, soit 1997; je n'ai jamais effectué de déplacement avec ce comité.

Je ne m'oppose pas à des frais de déplacement dans le budget. Peut-être y aura-t-il un projet de loi que nous voudrons présenter aux Canadiens.

Le sénateur Andreychuk : Cet article budgétaire est prévu pour les conférences et les séminaires.

Le président : Si nous avions une étude spéciale ou une loi particulière à examiner, nous ferions une demande de financement auprès de la régie interne. Ces genres de demandes spéciales se font de temps à autre, mais rien n'est prévu à ce sujet dans ce budget.

Le sénateur Zimmer : Même si nous adoption ce budget, cela ne veut pas dire que nous allons nécessairement dépenser les fonds prévus. Cela dépend des circonstances et ferait toujours l'objet d'une discussion.

Le président : Effectivement.

Le sénateur Joyal : Compte tenu de la quantité de mesures législatives que nous examinons et des heures de travail innombrables que nous faisons, notre comité est l'un des moins coûteux.

Le sénateur Baker : Je propose l'adoption du budget.

Le président : Est-il convenu d'approuver le budget de l'exercice se terminant le 31 mars 2007?

Des voix : D'accord

Le président : Merci.

La séance est levée.


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