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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 3 - Témoignages du 27 juin 2006


OTTAWA, le mardi 27 juin 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, se réunit ce jour à 19 h 3 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare ouverte la réunion du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Nous allons débuter notre étude du projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation. Le texte en question est mieux connu sous le nom de Loi fédérale sur l'imputabilité.

Comme le savent les membres du comité et les témoins, de même que notre auditoire, dans cette salle et à la télévision — puisque nous sommes diffusés partout au pays — ce projet de loi constitue un élément central du programme du nouveau gouvernement, outre qu'il est une des mesures législatives les plus importantes dont le Parlement ait été saisi ces dernières années. Je ne doute pas que notre comité va examiner ce projet de loi avec toute l'attention et le soin qu'il mérite.

[Français]

Pour commencer ce processus, nous accueillons ce soir l'honorable John Baird, président du Conseil du Trésor et député d'Ottawa-Ouest—Nepean. Il est accompagné par des représentants du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

Depuis son entrée en fonction en février 2006, à titre de président du Conseil du Trésor, M. Baird assume la responsabilité de cet important projet de loi.

[Traduction]

Avant d'être élu à la Chambre des communes en 2006, dans la circonscription d'Ottawa Ouest—Nepean, M. Baird a été député à l'Assemblée législative de l'Ontario de 1995 à 2005. Il a été ministre des Services sociaux et communautaires et leader parlementaire du gouvernement. En outre, il a été adjoint parlementaire des ministres du Travail, du Conseil de gestion et des Finances. Dans l'opposition, il a été porte-parole pour les finances, la culture et la santé et il a exercé les fonctions de leader parlementaire adjoint.

[Français]

Monsieur le ministre, le comité tient à vous remercier de votre présence. Je vous cède maintenant la parole et ensuite nous passerons à une période de questions et de discussion qui sera fort utile.

[Traduction]

Le sénateur Joyal : Monsieur le président, je voudrais traiter d'une question d'ordre pratique. Nous devons remplacer le vice-président du comité et je me demandais si nous ne devrions pas faire cela tout de suite.

Le président : Oui.

Le sénateur Joyal : Chers collègues, je propose que l'honorable sénateur Joseph Day remplace l'honorable sénateur Sharon Carstairs dans les fonctions de vice-président du comité et qu'il soit habilité à agir en tant que tel en l'absence de l'honorable sénateur Lorna Milne.

Le président : La motion est appuyée par le sénateur Stratton.

Ai-je l'accord des sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le président : C'est adopté.

Vous avez le micro, monsieur Baird.

[Français]

L'honorable John Baird, C.P., député, président du Conseil du Trésor : Je vous remercie, monsieur le président. Bien sûr, c'est un grand plaisir pour moi d'être parmi vous ce soir.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je suis heureux de vous présenter le projet de loi fédéral sur l'imputabilité et d'en profiter pour vous donner un aperçu des mesures qu'il contient. Ce matin, à Toronto, j'ai prononcé un discours devant l'Association des affaires publiques du Canada qui m'avait demandé de faire le point sur la progression du projet de loi. Je me suis déclaré très heureux que celui-ci se trouve déjà devant le Comité sénatorial qui entend progresser très vite, puisqu'il devait en débuter l'étude le soir même. Je tiens d'ailleurs à vous remercier d'entamer votre étude du projet de loi et de siéger en soirée. Nous l'apprécions beaucoup et nous en prenons acte.

Quand le premier ministre m'a demandé de piloter l'élaboration de la Loi fédérale sur l'imputabilité au nom du nouveau gouvernement du Canada, je savais qu'il s'agirait d'une entreprise stimulante, mais exigeante. Beaucoup ont travaillé d'arrache-pied à toutes les étapes de l'élaboration et de l'examen de ce projet de loi, de la formulation des politiques à l'étape du rapport et de la troisième lecture, en passant par la rédaction juridique, la présentation du projet de loi à la Chambre des communes et son examen en comité. Énormément d'efforts ont été investis pour que cet important texte législatif soit soumis à l'examen des sénateurs.

[Français]

Au cours des mois qui se sont écoulés, la Loi fédérale sur la responsabilité a été passée au crible par mes collègues à la Chambre, par une équipe d'avocats du gouvernement, notamment des spécialistes juridiques et constitutionnels, par des experts en pratique de la matière, par des agents du Parlement et des intervenants de l'extérieur. Les Canadiens et les Canadiennes ont également suivi l'évolution de nos travaux avec beaucoup d'intérêt.

[Traduction]

Nous avons énormément travaillé par-delà les divisions partisanes pour faire en sorte que la Loi fédérale sur l'imputabilité soit l'une des mesures législatives les plus importantes que le Parlement ait présentée aux Canadiennes et aux Canadiens. Nous sommes intimement convaincus que ce projet de loi répond à leurs attentes. Il s'appuie sur les principes de transparence, d'ouverture et de responsabilisation; il vise à renforcer la confiance dans le gouvernement et à lui permettre d'être plus efficace, plus efficient et — j'en suis intimement convaincu — d'être plus en prise avec les réalités de l'heure. Enfin, je crois qu'il aidera le gouvernement à mieux servir la population canadienne.

[Français]

Le 20 juin, les parlementaires ont renvoyé la Loi fédérale sur la responsabilité au Sénat pour une étude plus poussée. Les travaux que votre comité est sur le point d'amorcer sont un aspect très important de notre processus démocratique. Je suis sûr qu'ils donneront encore plus de force aux textes de loi. Je peux vous assurer que mes collègues, les représentants du gouvernement et moi-même resterons à votre disposition pour vous fournir l'information et répondre aux questions que vous pourriez avoir pendant toute la durée de vos délibérations.

[Traduction]

Je tiens à signaler le travail effectué jusqu'ici par les parlementaires, surtout par mes collègues de la Chambre des communes qui ont siégé au Comité législatif chargé d'étudier le projet de loi C-2. Les députés de tous les partis ont travaillé extrêmement fort pour que ce projet de loi soit adopté rapidement, surtout le président du comité qui est mon secrétaire parlementaire, de même que les quatre autres députés du côté gouvernemental.

Le député libéral de Vancouver Quadra s'est montré très coopératif et a fait profiter le comité de sa vaste expérience. Je connaissais déjà son parcours, mais je dois dire que toute l'expérience que M. Owen a apportée à la table m'a beaucoup impressionné et qu'il a énormément contribué aux délibérations du comité.

Les députés du Bloc québécois ont apporté des points de vue valables et ceux du NPD se sont attachés à renforcer la responsabilisation du gouvernement et à produire un texte valable à soumettre au Sénat durant le congé d'été de la Chambre.

Je remercie les députés de tous les partis pour leur travail appliqué sur ce projet de loi.

Votre comité sénatorial ayant reçu pour mandat d'examiner la loi ainsi que ses aspects légaux et constitutionnels, j'ai donc le plaisir de vous présenter la Loi fédérale sur l'imputabilité.

Celle-ci comporte cinq parties. La première traite des conflits d'intérêt, du financement des élections, des activités de lobbying et des activités du personnel des cabinets de ministre. La partie II, intitulée « Mesures d'observation » vise à conférer un meilleur appui au Parlement et à ses travaux. La partie III, qui porte sur l'après-mandat, présente les nouvelles règles qui régiront tous les ex-titulaires de charge publique. La partie IV traite des réformes internes à la fonction publique et vise à renforcer la surveillance et la reddition de comptes. Enfin, la partie V présente la façon dont cette loi va réformer les approvisionnements et les marchés publics. Permettez-moi de vous donner quelques exemples de la façon dont elle va nous amener à rendre davantage de compte aux Canadiens et aux Canadiennes.

[Français]

La partie I traite d'importantes réformes politiques pour faire en sorte que les représentants élus et les titulaires de charges politiques prennent des décisions dans l'intérêt de la population canadienne.

Cette partie édicte la Loi sur les conflits d'intérêts et établit un cadre pour les règles concernant l'après mandat pour les représentants élus et leur personnel. Elle établit aussi un mécanisme de traitement des plaintes et un régime d'enquête et de sanctions en cas de non-respect des règles. On modifiera la Loi sur le Parlement du Canada pour prévoir la mise en place d'un bureau de commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique ainsi que la nomination de ce dernier.

[Traduction]

Elle modifiera la Loi sur la gestion des finances publiques pour faire en sorte que les employés des cabinets de ministre soient traités de la même façon que les fonctionnaires en interdisant le passage direct du statut de personnel politique à celui de fonctionnaire.

En outre, elle modifiera la Loi électorale du Canada de façon à sauvegarder la responsabilisation du processus parlementaire, à accroître la transparence et, plus important encore, à favoriser la confiance des Canadiennes et des Canadiens dans le Parlement.

La Loi fédérale sur l'imputabilité réduira notamment à 1 000 $ par an les contributions politiques individuelles, aux échelons local et national, elle interdira le versement de contributions par des sociétés, des syndicats et des associations et elle limitera le versement des contributions en espèces à 20 $.

La partie I de la loi édicte aussi la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes en interdisant à certains ex-titulaires de charge publique d'exercer des activités de lobbying dans les cinq ans suivant la cessation de leurs fonctions, en élargissant la portée des enquêtes pouvant être effectuées par le commissaire et en portant à 10 ans la période durant laquelle des infractions peuvent faire l'objet d'enquêtes.

Le projet de loi interdit également toute contribution secrète aux candidats à des fonctions publiques et il réforme le financement des partis politiques parce que nous estimons que cet argent ne doit pas être un moyen d'avoir l'oreille du gouvernement, seule la population canadienne devant être entendue. Je résumerai en disant que la partie I de la loi va considérablement réduire l'influence de l'argent dans la vie politique.

[Français]

Les mesures prévues dans la Partie II du projet de loi sont axées sur l'appui du Parlement dans l'exercice de son rôle qui est de tenir le gouvernement responsable en harmonisant les dispositions en matière de nomination et de renvoi, dans le cas de certains fonctionnaires. Par exemple, en modifiant la Loi sur le Parlement du Canada pour mettre en place un directeur parlementaire du budget, la loi fera en sorte que les parlementaires et les comités parlementaires aient accès à des analyses de sources indépendantes et objectives sur les questions économiques et financières.

[Traduction]

Le directeur parlementaire du budget permettra au Sénat et à la Chambre des communes d'avoir une idée claire des prévisions budgétaires du gouvernement, du contexte financier dans lequel notre pays évolue et du coût financier des mesures associées à des projets de loi d'initiative parlementaire, notamment de ceux qui seront présentés à cette Chambre en vue d'obtenir la sanction royale. C'est là une partie très importante de la loi parce qu'elle va permettre aux parlementaires de disposer d'importantes informations dont ils ont besoin pour déterminer les répercussions des projets de loi.

La partie III du projet de loi vise à favoriser l'ouverture et la transparence du gouvernement en assurant l'indépendance du directeur des poursuites pénales et en protégeant les fonctionnaires qui dénoncent les écarts de conduite. En fait, le projet de loi instaure la fonction de directeur des poursuites pénales en créant un bureau des poursuites publiques. La loi garantit à ce bureau l'indépendance qui lui permettra d'entreprendre des poursuites en vertu de lois fédérales.

De plus, le projet de loi propose d'étendre la portée de la Loi sur l'accès à l'information à 17 autres organisations dont sept hauts fonctionnaires du Parlement ainsi que cinq fondations, de même qu'à toutes les sociétés d'État mères et leurs filiales. Grâce à l'élargissement de la portée de la Loi sur l'accès à l'information, le fonctionnement du gouvernement sera davantage transparent et ouvert.

La partie III de la Loi fédérale sur l'imputabilité modifie la Loi sur le Parlement du Canada en vue d'accroître la transparence en exigeant des députés qu'ils déclarent toutes les fiducies au commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. Les députés n'auront pas le droit d'utiliser ces fiducies à des fins politiques et ils devront y mettre fin ou les faire administrer de la manière stipulée par le commissaire.

[Français]

Elle modifiera la Loi sur la Bibliothèque et les archives du Canada pour interdire les rapports uniquement verbaux concernant des contrats de recherche sur l'opinion publique et elle obligera les ministères à émettre des rapports faisant état des résultats des recherches à la disposition du public dans les six mois suivant la collecte des données.

Enfin, la partie III apportera un certain nombre de changements à la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles, notamment en établissant le Tribunal de la protection des dénonciateurs d'actes répréhensibles afin de protéger les divulgateurs, les Canadiens et les fonctionnaires.

[Traduction]

Une fois que cette loi aura été adoptée, les Canadiens disposeront du meilleur régime connu dans le monde pour protéger ceux et celles qui dénoncent les écarts de conduite, puisqu'il prévoit notamment un cadre législatif très solide visant à protéger les divulgateurs sous la forme d'un tribunal indépendant vers lequel il leur sera possible de se tourner pour obtenir réparation en cas de rétorsion.

La partie IV de la loi concerne plus particulièrement la réforme de la fonction publique, puisqu'elle vise à accroître la surveillance et la responsabilisation administratives. Elle modifie la Loi sur la gestion des finances publiques afin de préciser les pouvoirs dont est investi le Conseil du Trésor dans les questions de vérification interne. De plus, elle impose l'examen quinquennal de tous les programmes de subvention et de contribution pour s'assurer qu'ils demeurent pertinents et efficaces, et qu'ils correspondent aux attentes des Canadiennes et des Canadiens.

[Français]

Comme les fonctions de vérifications internes vont favoriser des responsabilités plus claires, le projet de loi exige que les sous-ministres assurent une capacité de vérification interne appropriée et mettent sur pied des comités de vérifications ministérielles. Elle exige aussi que les sociétés d'État créent des comités de vérifications se composant de membres qui ne participent pas à leurs opérations internes.

[Traduction]

Enfin, la partie V du projet de loi concerne la réforme des approvisionnements et de l'octroi des marchés. La modification de la Loi sur le vérificateur général permettra d'élargir la catégorie des personnes morales et physiques pouvant faire l'objet d'une enquête par le Vérificateur général relativement à l'utilisation des fonds qu'elles ont reçus de l'État fédéral. De plus, le projet de loi consacre, dans la Loi sur la gestion des finances publiques, les principes d'équité, d'ouverture et de transparence appliqués aux processus d'appel d'offres et elle établit le poste de vérificateur de l'approvisionnement qui sera chargé d'examiner les pratiques d'approvisionnement en vigueur au gouvernement et d'offrir un mécanisme de règlement des différends extrajudiciaire aux entrepreneurs.

[Français]

Le gouvernement du Canada est un des plus importants acheteurs de biens et de services au pays. Ses pratiques d'approvisionnement doivent être à l'abri d'ingérences politiques et doivent être appliquées de façon juste. Toutes les entreprises, quelles que soit leur taille ou leur emplacement, devraient avoir la possibilité d'exercer leur influence pour obtenir des marchés de l'État.

Monsieur le président, cette présentation vise à vous donner un aperçu des principes composants la Loi fédérale sur la responsabilité et des mesures qu'elle propose pour accroître la transparence et la responsabilisation au sein du gouvernement.

[Traduction]

Nous estimons que ces mesures contribueront beaucoup à restaurer le niveau de confiance que les Canadiens peuvent avoir dans leur gouvernement. Cette loi consiste à rétablir les principes de reddition de comptes et de comportement éthique à tous les échelons et à faire en sorte que, dans l'avenir, les Canadiens seront être mieux renseignés sur le fonctionnement de leur gouvernement. Elle vise aussi à mieux renseigner le Parlement, c'est-à-dire la Chambre des communes et le Sénat, au sujet du fonctionnement du gouvernement et du contexte dans lequel se situent les deux Chambres. Ce faisant, les parlementaires — et en fin de compte, tous les Canadiens — pourront disposer des outils nécessaires pour mieux examiner et évaluer la façon dont l'argent des contribuables est utilisé.

La Loi fédérale sur l'imputabilité dont vous êtes saisis aujourd'hui est plus solide que celle que j'avais déposée à la Chambre des communes le 11 avril dernier grâce au travail acharné du Comité législatif du projet de loi C-2 de l'autre Chambre. Je suis intimement convaincu que les Canadiens s'attendent à ce que tous les parlementaires collaborent pour s'assurer que cet important texte reçoive la sanction royale et devienne loi.

Je ne doute pas que votre comité va déployer la même énergie et les mêmes efforts pour que tous les parlementaires soient fiers de présenter ce projet de loi à l'ensemble des Canadiens. Pour terminer, je tiens à remercier les sénateurs qui siègent à ce comité pour le travail qu'ils entreprennent sur la Loi fédérale sur l'imputabilité. Une tâche grave et importante vous attend. Mes collègues ministres et moi-même apprécions le travail que vous allez faire au nom de la population du Canada.

Monsieur le président, honorables sénateurs, je serai heureux de répondre à vos questions et préoccupations, et de réagir éventuellement à vos remarques.

Le sénateur Day : Merci de vous être rendu à notre invitation, monsieur le ministre. Je dois préciser, pour commencer, qu'il arrive souvent que le Sénat siège en soirée. Plusieurs de nos comités siègent régulièrement les soirs. Je sais que vous avez voulu nous complimenter dans vos propos à cet égard, mais la précision s'imposait. Vous pourrez donc retourner voir vos collègues et leur dire que nous siégeons régulièrement en soirée.

M. Baird : J'ai comparu à deux reprises devant des comités sénatoriaux dont une fois en soirée et je signalerai ce fait à tous les Canadiens.

Le sénateur Day : Nous appliquons une autre règle particulière dans cette Chambre, celle voulant que nos comités ne siègent normalement pas pendant que la Sénat délibère, mais comme nous estimons que ce de loi est très important, nous avons obtenu une dispense spéciale du Sénat pour siéger en même temps que lui. Voilà une autre preuve de la très grande importance que nous accordons à ce projet de loi.

M. Baird : Merci à tous les sénateurs.

Le sénateur Day : Je voudrais que nous nous arrêtions un instant sur les différents postes de mandataire créés dans ce projet de loi, et la liste est plutôt longue. Faites-vous bien la distinction entre un haut fonctionnaire du Parlement et un mandataire du Parlement?

M. Baird : Comme la distinction est légale, je préfère céder la parole à l'avocat-conseil.

Joe Wild, avocat-conseil, Services juridiques du portefeuille du Conseil du Trésor, ministère de la Justice Canada : En règle générale, le mandataire du Parlement est nommé par le Gouverneur en conseil sur recommandation de la Chambre et du Sénat dont il relève directement, puisqu'il dépose ses rapports auprès des présidents des deux Chambres plutôt que par l'intermédiaire d'un ministre. On trouve normalement sur la liste des mandataires du Parlement : le vérificateur général, le commissaire à l'information, le commissaire aux langues officielles et le commissaire à la protection de la vie privée. L'autre mandataire qui s'ajouterait à cette liste à la faveur du projet de loi C-2 est le commissaire au lobbying. Un autre a été créé par le projet de loi C-11, il s'agit du commissaire à l'intégrité du secteur public qui est responsable de tout ce qui touche à la divulgation des actes répréhensibles.

Dans notre jargon, un haut fonctionnaire du Parlement, c'est autre chose, parce qu'il fait partie de cette institution qu'est le Parlement. Il s'agit du bibliothécaire de la Bibliothèque du Parlement, du directeur parlementaire du budget — proposé dans le projet de loi C-2 — et du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. Ces personnes sont des hauts fonctionnaires du Parlement. Leur méthode de nomination est différente. La hiérarchie dont ils relèvent et les ressources dont ils disposent sont différentes de celles d'un mandataire du Parlement, leurs ressources étant en grande partie déterminées de la même façon que pour un ministère. Pour cet aspect de leurs fonctions, ils font partie de l'exécutif.

Le sénateur Day : Normalement, la rémunération d'un mandataire du Parlement est-elle déterminée différemment de celle des hauts fonctionnaires du Parlement?

Me Wild : Dans le cas des hauts fonctionnaires du Parlement, tout dépend de la Chambre dont ils relèvent. Le Bureau de régie interne, par exemple, détermine le budget ainsi que le montant à verser à la Bibliothèque du Parlement pour le directeur parlementaire du budget. S'agissant des mandataires du Parlement, nous sommes en plein projet pilote qui consiste à faire davantage intervenir les comités parlementaires dans le processus budgétaire. En général, l'exercice budgétaire pour ces postes suit le même modèle que celui appliqué à n'importe quels ministères qui obtiennent leurs fonds par voie de crédit après le dépôt du budget des dépenses, si ce n'est que cela se fait au niveau de l'exécutif plutôt qu'à celui du Bureau de régie interne.

Le sénateur Day : Le financement a un lien direct avec le principe d'indépendance de ces mandataires et avec la nécessité de leur permettre d'effectuer le travail qu'on attend d'eux, soit d'aider les parlementaires à superviser l'exécutif. Maître Wild, un peu plus tôt, vous avez eu l'occasion de nous donner un exposé qui a porté sur les nominations à la plupart de ces postes. Dans le projet de loi, on apprend que la majorité des nouveaux postes de mandataire ne relèveraient pas du Parlement, mais plutôt d'un ministre, lequel demeure évidemment redevable au Parlement.

Me Wild : Tous les mandataires du Parlement sont directement redevables envers cette institution. C'est, par exemple, le cas du commissaire au lobbying qui est un mandataire du Parlement créé par le projet de loi C-2. Le directeur des poursuites pénales est un exemple de poste également créé par le projet de loi C-2, mais il ne s'agit pas d'un mandataire du Parlement, puisqu'il relève du Procureur général. Le processus de sélection du directeur des poursuites est différent de celui des mandataires du Parlement, à la suite des modifications apportées par le comité ayant étudié le projet de loi C-2, puisque c'est désormais le comité de la Chambre des communes qui doit approuver la sélection du directeur des poursuites. Il demeure que ce poste relève du Procureur général.

L'autre exemple est celui du vérificateur de l'approvisionnement à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Hiérarchiquement, celui-ci du ministre des Travaux publics parce que le vérificateur de l'approvisionnement n'est pas un mandataire du Parlement. Le titulaire est indépendant en ce sens qu'il dépose ses rapports auprès du ministre plutôt que du sous-ministre. Tout ce qui survient une fois ces rapports déposés auprès du ministre est strictement codifié.

Pour les hauts fonctionnaires, c'est différent. Dans le cas du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, qui est un haut fonctionnaire du Parlement, il n'existe pas de lien hiérarchique avec un ministre. S'agissant du code de conduite qui s'applique aux députés, le titulaire du poste rend directement compte au comité concerné de la Chambre des communes. Pour ce qui est du code de conduite des sénateurs et du Sénat, il rend directement compte au comité du Sénat qui est concerné. Enfin, pour ce qui est des titulaires d'une charge publique et de la Loi sur les conflits d'intérêt, il fait rapport au premier ministre.

Je le répète, dans notre jargon, nous considérons que le projet de loi C-2 ne crée qu'un seul poste de mandataire du Parlement : celui de commissaire au lobbying qui est en fait la transformation du directeur des lobbyistes. On pourrait dire que deux autres fonctionnaires du Parlement viennent de s'ajouter à celui-ci : le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique et le directeur parlementaire du budget. Enfin, le projet de loi C-2 crée d'autres postes, comme celui de vérificateur de l'approvisionnement, qui, eux, relèvent de l'exécutif.

M. Baird : J'avais été impressionné par le projet pilote que l'ancien gouvernement avait déposé au sujet pour que les dépenses des mandataires et des hauts fonctionnaires du Parlement soient revues par un comité sélect multipartite.

Le président : Effectivement, le comité auquel le sénateur Day et moi-même siégions l'année dernière, le Comité national des finances, avait été saisi de cette question.

M. Baird : J'ai donc été impressionné par cette idée, mais je ne sais pas de qui elle est. Dans notre Plan d'action sur l'imputabilité fédérale, le nouveau gouvernement s'engage à collaborer avec les autres partis pour maintenir ce processus qu'il juge valable. On pourrait toujours soutenir, et en grande partie à juste titre, qu'il est bizarre que le vérificateur général doive tendre la main à un comité du Cabinet ou au Conseil du Trésor pour obtenir des fonds. On pourrait toujours dire que cela donne lieu à un conflit flagrant. Beaucoup m'en ont parlé et j'ai été heureux de mentionner cet aspect dans notre plan d'action afin que le Parlement ait l'occasion de réexaminer cette question après deux ans.

Le sénateur Cools : Je pourrais exprimer mon désaccord avec les définitions de Me Wild, mais je laisserai cela pour un autre jour. Je vais vous poser une question au sujet de la différence que vous faites entre mandataires et hauts fonctionnaires dans ce que vous avez défini comme étant « notre jargon ». Qu'entendez-vous par « notre jargon », parce que je ne suis pas certaine que dans le jargon du Parlement, nous serions d'accord avec vous sur certains de ces points-là. J'éprouve toujours une réaction quand j'entends les fonctionnaires parler du Parlement et de questions qui préoccupent le Parlement. On se donne du « nous » et du « ils ». Tout cela me gêne un peu.

Comment un haut fonctionnaire ou un mandataire du Parlement peut-il ne pas répondre à l'institution? J'ai fait pas mal de recherches sur l'origine de l'expression « haut fonctionnaire du Parlement » qui est très étroite et discutable. Au fil des ans, nous avons beaucoup débattu la question à ce comité. Pourriez-vous, encore une fois, m'expliquer ce qu'est un fonctionnaire du Parlement? Je sais ce qu'est un haut fonctionnaire de la Chambre. Vous employez le qualificatif « parlementaire », mais le Parlement est constitué de trois parties indépendantes les unes des autres, même si elles agissent de concert en certaines occasions, puisque dans tous les cas leur consentement indépendant s'impose. Chaque fois qu'il a été question des hauts fonctionnaires du Parlement, j'ai eu l'impression qu'on faisait allusion au Parlement considéré en tant qu'institution unique, mais par le truchement de sa Majesté la Reine. Autrement dit, un ordre peut venir de la Chambre des communes ou du Sénat, mais pas du Parlement. Dans les ministères, les gens font toujours l'erreur quand ils disent « ceci ou cela a été déposé au Parlement aujourd'hui » ou encore « le Parlement est ajourné pour l'été » quand, en fait, ils veulent désigner la Chambre des communes.

Encore une fois, le Parlement est une institution composée de trois entités indépendantes : le Sénat, la Chambre et sa Majesté. Je ne comprends pas encore comment on peut dire que tel ou tel nouveau poste est le mandataire du Parlement ou le haut fonctionnaire du Parlement, parce que ce serait la première fois où, dans une relation maître- serviteur, le serviteur aurait presque plus de pouvoirs que le maître. Comme vous le savez sans doute, maître Wild, il y a tout un raisonnement qui circule au sein de ce comité depuis les années 80. J'essaie de me rappeler qui était le vérificateur général à l'époque, je pense que c'était Kenneth Dye. L'histoire de tous les postes dont nous parlons a fait l'objet de nombreuses études. Quitte à m'appuyer un peu sur ce qu'a indiqué le sénateur Day, je vous dirais que le sens de ces termes a créé une grande confusion et je ne suis pas certaine que vous nous aidez à y voir plus clair.

Le président : Pourriez-vous expliquer la différence au comité — d'après votre lecture du projet de loi C-2 — entre un haut fonctionnaire du Parlement et un mandataire du Parlement?

Le sénateur Cools : Selon vous, où se trouve cette définition?

Me Wild : Il s'agit d'étiquettes que le gouvernement emploie pour faire la différence entre deux types d'entités. D'un côté, il y a celles qui font partie de la branche exécutive du gouvernement, mais qui sont indépendantes en ce sens qu'elles surveillent la façon dont les pouvoirs exécutifs sont exercés et qu'elles font directement rapport à la Chambre des communes ou au Sénat à ce sujet; il s'agit du vérificateur général, du commissaire aux langues officielles et d'autres.

D'un autre côté, il y a les hauts fonctionnaires qui, eux, font partie intégrante des institutions qu'ils servent, soit la Chambre des communes et le Sénat, comme le bibliothécaire du Parlement, le directeur parlementaire du budget et le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique qui n'ont pas pour mission de superviser l'exercice du pouvoir par l'exécutif. Les hauts fonctionnaires sont en fait des ressources destinées à répondre directement aux besoins des parlementaires, qu'il s'agisse des députés ou des sénateurs.

Il s'agit donc d'étiquettes qui nous permettent fondamentalement de faire la différence entre deux camps, ce qui est important dans notre cas afin de comprendre où ces gens-là se situent au sein de l'appareil administratif en fonction de leur rôle par rapport à l'exécutif.

Le sénateur Cools : Je comprends. Le problème, c'est que de plus en plus de gens au gouvernement considèrent que le Sénat est un ministère. Il y a une semaine à peine, quelqu'un m'a dit que notre leader, le sénateur LeBreton, est la ministre du Sénat, ce qui n'a obligée à préciser qu'elle est en fait le leader du gouvernement au Sénat. Le Sénat n'est pas un ministère chapeauté par un ministre comme M. Baird qui est président du Conseil du Trésor... son ministère.

M. Baird : C'est un secrétariat.

Le sénateur Cools : Ce secrétariat est votre ministère qui a peut-être une structure différente. Le ministère du Premier ministre, c'est le Bureau du conseil privé.

M. Baird : Pour en revenir sur les définitions que Me Wild vous a données au sujet des mandataires du Parlement et des hauts fonctionnaires du Parlement, cela m'a rappelé le premier ouvrage qu'on m'a remis après mon inscription en sciences politiques à l'université, celui de William F. Connelly. Toute la thèse soutenue dans cet ouvrage est contestable.

Le sénateur Cools : Il s'agit de concepts très contestables et douteux.

M. Baird : Je suis d'accord.

Le sénateur Cools : Tout ce que nous faisons ici, c'est accroître la confusion.

Le sénateur Day : Le sénateur Cools vient de profiter de l'occasion pour signaler la confusion qui règne dans ce domaine. À l'examen de ce projet de loi et des nouvelles fonctions qui viennent d'être créées, nous aimerions déterminer si ces postes sont indépendants et s'ils vont offrir aux parlementaires — c'est-à-dire aux députés et aux sénateurs — le moyen de surveiller l'exécutif afin de s'assurer qu'il agit comme il faut. C'est à cet égard que nous avons échoué, selon le juge Gomery. Celui-ci a dit que les parlementaires n'avaient pas fait leur travail, mais il est possible que nous n'ayons eu ni les instruments ni les ressources pour cela.

Le Bureau du vérificateur général nous aide dans notre tâche. Nous aimons penser qu'il nous communique des renseignements qui nous facilitent la tâche. Ce nouveau poste de directeur du budget va dans le même sens, puisqu'il vise à aider les parlementaires à s'acquitter de leurs fonctions.

Quant à certains autres postes, même si le libellé semble suggérer qu'ils sont là pour assister les parlementaires, on a davantage l'impression que les titulaires ont pour seule fonction de remplir des tâches qui relèvent de l'exécutif.

M. Baird : Vous avez raison quand vous dites qu'il est question d'aider les parlementaires. Prenons l'exemple du commissaire au lobbying, dont la création est proposée dans le projet de loi. En théorie, le directeur des lobbyistes fait rapport au président du Conseil du Trésor, mais avant cela, il relevait du ministre de l'Industrie, certains ayant estimé qu'il existait un conflit entre son rôle consistant à inscrire les lobbyistes et sa présence dans l'organigramme du ministère de l'Industrie qui est l'un des ministères les plus visés par l'action des lobbyistes.

L'un de nos objectifs était de renforcer l'indépendance dans les apparences et dans les faits. J'ai décidé de ne pas rencontrer le directeur des lobbyistes après ma nomination à la tête du Conseil du Trésor, il y a cinq mois. Je suis un acteur gouvernemental, mais également un acteur politique et je ne voudrais pas donner l'impression que je m'ingère dans ce qu'il fait.

Je n'entretiens pas la même réserve à propos de la Vérificatrice générale. Elle fait rapport au Sénat et à la Chambre par le truchement de leurs présidents respectifs. On ne peut certainement pas lui reprocher d'être la mandataire du gouvernement.

On pourrait dire la même chose du commissaire à l'intégrité du secteur public dont le poste est proposé dans la loi. Nous cherchons à amener les fonctionnaires moyens à croire, à comprendre et à apprécier le fait que ce poste ne s'inscrit pas dans la hiérarchie gouvernementale. On ne peut pas se plaindre de son supérieur auprès d'une personne quand l'arbitre désigné pour trancher au final n'est nul autre que le supérieur en question. Nous espérons parvenir à ancrer, dans l'esprit des gens, la conviction que ce commissaire est véritablement indépendant. En revanche, je pense que vous avez raison en disant que cette fonction ne va pas nécessairement servir directement le Parlement.

Le sénateur Day : Voici ce que le juge Gomery a écrit dans son rapport :

Les Canadiens ne doivent pas oublier que la grande majorité de leurs fonctionnaires et de leurs élus font leur travail avec honnêteté, diligence et efficacité, et qu'ils ont été blanchis par l'enquête.

J'ai aussi une citation de vous, monsieur Baird, du 11 avril, citation où vous indiquez que la Loi sur l'imputabilité « sera la mesure la plus sévère de répression de la corruption jamais proposée dans l'histoire du Canada ». Vous n'avez pas employé les mêmes mots aujourd'hui, mais ce que vous avez dit dans le passé. Est-ce là un exemple d'hyperbole politique ou êtes-vous vraiment convaincu que cette loi vise à réprimer la corruption?

M. Baird : Je suis intimement convaincu que c'est le cas.

Le sénateur Day : Sur la foi de quoi?

M. Baird : Je ne conteste pas les conclusions du juge Gomery exprimées dans le commentaire que vous venez de lire. Je crois qu'il ne serait pas faux de dire que vous êtes d'accord avec les deux points de vue que vous venez de citer.

Les membres du Parlement — dans votre cas ceux de la Chambre haute et, dans le mien, ceux de la Chambre basse —ont l'habitude des relations avec les Canadiens et ils sont conscients de la cote d'amour très basse que beaucoup de Canadiens accordent à leur gouvernement, aux politiciens et aux hauts fonctionnaires à la suite d'une multitude d'affaires criminelles et de l'ampleur de la récente enquête criminelle.

Selon un sondage Léger Marketing publié dans le Ottawa Citizen il y a quelques mois, les politiciens se classent au dernier rang des professions, juste après les vendeurs d'automobile. Je dois dire que les fonctionnaires se retrouvent au milieu du peloton, trois fois plus de gens les estimant davantage dignes de confiance.

Le président : Tout en bas de la liste, il y a aussi les avocats.

M. Baird : Tout cela est très préoccupant. Quand les gens commencent à perdre confiance dans leur gouvernement, comme on a pu le voir dans le passé, cela peut conduire à une révolution. À bien des égards, nous sommes en train de vivre la révolution de la responsabilisation. On peut justement affirmer qu'un nombre écrasant de fonctionnaires font un travail absolument exceptionnel. Un nombre très impressionnant de sénateurs font également du très bon travail. Un nombre tout aussi écrasant de députés font la même chose. Cela dit, il y a lieu de se préoccuper de ces statistiques qui nous classent tous si bas.

Une étude a été réalisée sur la façon dont le public perçoit la fonction publique. Il ressort que nous avons du travail à faire pour promouvoir l'excellent travail réalisé par les fonctionnaires. Nous voulons, sur plusieurs plans, resserrer la notion de reddition de comptes, que ce soit grâce au directeur parlementaire du budget ou en améliorant la façon dont les lobbyistes seront perçus.

Ce matin, j'ai pris la parole devant l'Association des affaires publiques du Canada dont les membres sont des spécialistes des relations avec les gouvernements. L'un des membres de l'exécutif qui m'a présenté a expliqué qu'il avait été avocat dans une première carrière et qu'il était maintenant lobbyiste. Récemment, lors d'un mariage dans sa famille, pendant qu'il discutait avec sa mère, quelqu'un s'est approché de lui et lui a demandé ce qu'il faisait dans la vie. Il a répondu « Je suis lobbyiste ». Après cette conversation, sa mère l'a attiré sur le côté pour lui dire « Ian, pourquoi ne dis-tu pas aux gens que tu es avocat? »

Nous espérons pouvoir assainir les perceptions du public. Nous ne devons pas uniquement le faire dans le cas des fonctionnaires et des politiciens, mais de tous ceux qui travaillent au contact du gouvernement.

Le sénateur Day : Si j'interprète bien ce que vous dites, cette loi n'est pas le résultat de l'enquête menée par le juge Gomery, ni du rapport Gomery, mais elle se veut une réponse aux perceptions que l'on constate en général, et vous n'essayez pas donc de nous dire que ceux sont les causes de l'enquête du juge Gomery qui expliquent ce texte de loi?

M. Baird : Le scandale des commandites, le scandale de DHRC, le scandale du registre des armes d'épaule et toutes les préoccupations concernant la façon dont le lobbying se pratique à l'échelon fédéral, tous les problèmes qui se sont accumulés génération après génération — pas uniquement sous le dernier gouvernement — sont à l'origine de ce projet de loi. La Loi fédérale sur l'imputabilité est le produit de tout cela.

M. Harper a parlé de sa loi fédérale sur l'imputabilité le 4 novembre, deux ou trois jours après le dépôt du premier rapport du juge Gomery et longtemps avant le rapport contenant ses recommandations. On peut, sans crainte, affirmer que cette loi n'a pas été rédigée en deux ou trois jours, mais qu'elle est le résultat de l'examen du travail très poussé que le Parlement a effectué sur la réforme en matière de financement des partis politiques et sur la protection des divulgateurs. Tout cela est le résultat d'une multitude de choses.

Le sénateur Day : Il ne sert à rien de perpétrer des contrevérités. Il ne sert absolument à rien que des politiciens, quelle que soit leur couleur ou leur allégeance politique, colportent des contrevérités. C'est cela que j'essaie de dire.

On parle de scandale. Dans le cas de DRHC, il s'est finalement avéré qu'il ne s'agissait pas d'un gaspillage d'un milliard de dollars, mais d'une somme insignifiante quand on pense à ce que faisait ce ministère; malgré tout, on entretient des contrevérités en employant des mots comme « scandale ».

La même chose s'est reproduite avec les commandites. Le juge Gomery a tiré des conclusions auxquelles plus personne ne fait attention. On continue de parler de scandale. Personnellement, que quand vous décrivez la loi comme étant la « mesure la plus sévère de répression contre la corruption », vous ne faites rien de bien pour ceux et celles qui sont assis autour de cette table.

M. Baird : Si vous me le permettez, je ne suis pas d'accord. Dans son rapport, le juge Gomery blâme l'ancien Premier ministre

Le sénateur Day : Non!

Le sénateur Cools : Ce n'est pas ce qu'il a dit.

M. Baird : Et l'ancien Premier ministre est devant les tribunaux pour essayer de faire retirer tout cela.

Le sénateur Day : C'est faux.

M. Baird : Eh bien, acceptons que chacun reste sur ses positions.

Le sénateur Robichaud : Il n'est pas question d'en rester là à propos de quelque chose qui n'est pas vrai.

M. Baird : Foncièrement, le rapport Gomery dit que le système n'a pas fonctionné. De l'argent des contribuables a été volé. Un parti politique a dû rédiger un chèque de plus d'un million de dollars pour rembourser l'argent des contribuables qui avait abouti dans ses caisses. C'est abominable, sénateur.

Je ne vois personne de responsable parmi ceux et celles que je côtoie quotidiennement du côté libéral à la Chambre des communes, mais j'estime que le nouveau gouvernement du Canada, le Parlement et tous les partis sont investis de la responsabilité de régler les problèmes et les préoccupations qui sont à l'origine de tout cela.

Compte tenu de ce qui s'est produit dans le cas du programme des commandites, les Canadiens peuvent effectivement parler de scandale quand on songe qu'il a fallu dépenser 30 millions de dollars dans une enquête publique, et je ne suis pas en train de désigner quelqu'un du doigt. Et puis, il y a ceux qui ont été condamnés à des peines d'emprisonnement jusqu'ici, après avoir plaidé coupable. L'ancien gouvernement a entrepris un nombre incroyable de poursuites pour essayer de récupérer les fonds publics disparus. Moi, j'appelle cela de la corruption. Je ne dis pas qu'il y a culpabilité criminelle, mais qu'il y a faute au chapitre de la responsabilisation; en ma qualité de ministre, j'estime assumer la responsabilité de toutes les décisions que je prends. Si mon sous-ministre vient me voir en me disant « monsieur le ministre, il n'est pas convenable que vous vous mêliez de ceci ou de cela », et que je passe outre son avis, que je continue de me mêler des mêmes dossiers et qu'il y ait des problèmes ensuite, je devrai en assumer l'entière responsabilité.

Le président : Merci pour votre réponse, monsieur le ministre.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le ministre, vous venez juste de dire, et je sous cite : « J'assume la responsabilité de toutes les mesures que je prends ».

M. Baird : Non, des décisions.

Le sénateur Ringuette : Je sais que c'est le Conseil du Trésor qui approuve les marchés publics, n'est-ce pas?

M. Baird : Non, le Conseil du Trésor se charge de la politique sur les approvisionnements.

Le sénateur Ringuette : Ce matin, lors d'un exposé, on nous a dit que c'est vous qui avez le pouvoir d'approbation.

M. Baird : Nous approuvons un petit nombre de présentations. Exprimé en pourcentage, le nombre de présentations que nous approuvons est limité.

Le sénateur Ringuette : Est-ce que vous approuvez les projets les plus coûteux?

M. Baird : Oui.

Le sénateur Ringuette : Est-ce que cela concerne, par exemple, les quatre C-17 que vous allez acheter sans appel d'offres?

M. Baird : Nous ne lançons jamais de marché public de grande envergure pour les Forces armées hors d'un cadre ouvert permettant à tous ceux qui le désirent de faire une soumission.

Le sénateur Ringuette : Confirmez-vous donc, ce soir, que vous n'allez pas acheter ces C-17 sans lancer d'appel d'offres? Cela fait partie de la responsabilisation.

M. Baird : Je confirme que, quand nous achèterons du matériel militaire, tous les fournisseurs potentiels auront la possibilité de nous faire des offres avant que nous ne prenions les décisions et que nous ne désignions les produits susceptibles de répondre aux mandats établis. Nous allons respecter la même démarche que celle qui était en vigueur sous le régime libéral.

Le sénateur Ringuette : Tout ce que je veux savoir, c'est si vous avez approuvé un marché public de 3 milliards de dollars sans appel d'offres.

M. Baird : Non!

Le sénateur Ringuette : Est-ce que votre ministère détient un pouvoir d'approbation en la matière?

M. Baird : Pour des projets d'une telle envergure, oui.

Le sénateur Ringuette : Donc, il y aura appel d'offres pour cet achat.

M. Baird : J'ai dit que le processus d'acquisition de tout matériel militaire important est ouvert. Si des fournisseurs ont d'autres solutions à proposer, ils auront publiquement la possibilité de le faire.

Le sénateur Ringuette : Je crois qu'ils l'ont fait.

M. Baird : De quelles autres solutions parlez-vous?

Le sénateur Ringuette : Eh bien, je pourrais vous remettre mes coupures de presse sur le sujet indiquant toutes les autres possibilités que l'on n'a pas sérieusement envisagées.

M. Baird : Je serai très heureux d'en prendre connaissance, si vous voulez bien le déposer auprès du comité.

Le sénateur Ringuette : Tout à fait. C'est cela être responsable. Personnellement, j'estime que 3 milliards de dollars, c'est beaucoup d'argent de nos impôts. En ma qualité de sénateur, je suis convaincue du principe voulant qu'on insiste davantage sur la responsabilisation. D'un autre côté, vous ne pouvez pas venir nous dire une chose un jour et son contraire le lendemain. Cela, ce n'est pas responsable.

M. Baird : Sénateur, je vous confirme que ce n'est pas ce que nous allons faire.

Je tiens, d'ailleurs, à réponde à ce que vous venez de dire. Si mes fonctionnaires, au Secrétariat du Conseil du Trésor, me disaient qu'il s'agit d'un dossier dont je ne dois pas me mêler — parce que je suis un acteur politique et le chef du ministère, et que je risquerais alors d'enfreindre la procédure établie — mais que j'agisse de toute façon sans tenir compte de leur avis, je serais alors responsable.

Si un fonctionnaire lambda traite directement avec le Cabinet du premier ministre et que le greffier du Conseil privé adresse une note au premier ministre pour lui dire que cette situation le préoccupe et qu'il est gêné par ce qui se passe, le premier ministre a le droit de passer outre cet avis sans commettre pour autant un crime, mais j'estime qu'il manque alors à sa responsabilité politique.

Le président : Le sénateur Ringuette a dit qu'elle détenait un dossier contenant des renseignements contraires à ce sujet et vous avez demandé qu'il soit déposé. Eh bien, je l'invite à le faire.

Une fois que vous aurez pris connaissance de ces renseignements, pourriez-vous envoyer une lettre au greffier afin que nous puissions relayer cette information à tous les membres du comité et qu'ils prennent connaissance de votre réponse?

M. Baird : Oui, j'en serai heureux.

Le sénateur Ringuette : Puisque nous parlons de déposer des documents, j'aimerais que le ministre responsable de l'appel d'offres dépose auprès du comité les analyses techniques et financières concernant l'achat des quatre C-17.

Le président : Quel lien cela a-t-il avec le projet de loi C-2?

Le sénateur Ringuette : Nous parlons de responsabilisation.

Le président : Nous étudions le projet de loi C-2 et c'est pour cela que le ministre est ici.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le président, nous parlons de responsabilisation. Cela fait partie du processus. On ne peut pas se pencher sur la question de la responsabilisation uniquement de façon superficielle.

M. Baird : J'ai hâte de recevoir la description des concurrents potentiels dont vous parliez.

Le sénateur Ringuette : Sans doute tout autant que moi en ce qui concerne votre étude de cas censée justifier l'achat sans appel d'offres de quatre avions C-17.

L'autre question que je veux vous poser concerne les contributions politiques. La semaine dernière, nous avons entendu deux déclarations contradictoires venant de coins différents du pays. On dirait que les gens ne s'entendent pas sur ce que vous proposez.

Il y a d'abord eu le premier ministre du Nouveau-Brunswick, M. Lord, qui a déclaré qu'en ce qui concerne sa province, les contributions politiques devaient être de 3 000 $.

L'autre déclaration nous vient du Québec, plus précisément du juge de la Cour supérieure, Jean Moisan, qui a dit que les dons personnels au Québec devraient passer de 3 000 à 5 000 $ et que les dons des entreprises devraient passer de 10 000 à 15 000 $.

Quand vous avez proposé ce plafond de 1 000 $, vous êtes-vous appuyé sur une analyse de ce qui se fait actuellement dans les différentes provinces? Comment les choses se comparent-elles? Moi, je me suis présentée à des élections à l'échelon provincial et à l'échelon fédéral. C'est une chose que d'obtenir des contributions politiques pour s'occuper d'une petite circonscription provinciale, mais c'est une toute autre affaire quand on passe à de plus grosses circonscriptions fédérales. Je vous parle d'expérience. Vous êtes-vous livré à des études comparatives pour vous assurer que nous visons des montants réels et acceptables, d'autant que votre projet de loi n'est pas compensé par l'injection de fonds publics contrairement à ce que prévoyait le projet de loi précédent, il y a trois ans?

M. Baird : Non, nous n'avons pas fait de comparaisons à l'échelle provinciale.

Moi aussi, j'ai une expérience de la politique provinciale. En Ontario, les circonscriptions fédérales et provinciales sont aussi grandes les unes que les autres. Je me suis présenté à trois élections générales en ayant à composer avec des souscriptions plafonnées à 1 000 $ pour les particuliers. Les gens semblent s'en sortir avec de tels montants.

De plus, en Ontario, le crédit d'impôt pour contributions politiques n'est désormais plus que de 20 p. 100, tandis qu'il est de 50 p. 100 au fédéral, ce qui est beaucoup plus avantageux.

Le sénateur Ringuette : Avez-vous fait des études comparatives?

M. Baird : Comme je l'ai indiqué dans ma réponse, non.

Dans le New York Times de ce matin, j'ai lu que la Cour suprême des États-Unis a cassé une loi du Vermont fixant le plafond à 1 000 $. Je sais qu'aux États-Unis, la limite est de 1 000 $ pour les campagnes présidentielles, dans le cas de ceux et de celles qui optent pour un financement public. J'estime que 1 000 $ est un montant raisonnable.

Nous voulons nous assurer que ce sont les Canadiens et non le milieu des finances qui ont l'oreille du gouvernement. C'est important pour regagner la confiance des Canadiens et des Canadiennes. Des scandales récents ont ébranlé l'actualité politique. Le niveau de préoccupation à cet égard n'a cessé d'augmenter au cours des 20 à 30 dernières années, sur les scènes provinciales et fédérale, quel que soit le parti au pouvoir. Nous voulons adopter une mesure très importante pour que les Canadiens regagnent la confiance dans leur gouvernement. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des Canadiennes et des Canadiens versent moins de 1 000 $ en contributions politiques.

Je n'ai que 37 ans, mais quand je me suis lancé en politique, il n'y avait pas de plafond. On pouvait donner ce qu'on voulait, même 25 000 $, pour un candidat à une élection. Le montant que l'on pouvait verser en Ontario n'était pas plafonné. Lors des élections provinciales de 1985, un candidat a dépensé un quart de million de dollars, mais je ne pense pas que cela soit une très bonne idée.

Le sénateur Campbell : Monsieur le ministre, je vous souhaite la bienvenue au comité, au nom de la Colombie- Britannique.

Je déteste la façon dont les choses ont démarré ici, ce matin. On en revient à cet incroyable mensonge voulant que des politiciens soient emprisonnés ou condamnés d'une façon ou d'une autre. Nous sommes desservis par ce mélange où l'on mélange mythes et réalités. C'est un peu comme affirmer que la criminalité est en progression au Canada, quand ce n'est de toute évidence pas le cas.

J'ai deux questions à vous poser. D'abord, à l'étape de la rédaction de ce projet de loi, avez-vous songé à traiter de la publicité indirecte, celle faite par des tiers? Avez-vous pensé que cette forme de publicité peut constituer une contribution à un parti politique, compte tenu des points de vue exprimés ou du programme du parti?

M. Baird : Nous avons abaissé le plafond à 1 000 $, ce qui réduit considérablement la capacité d'intervention de groupes organisés.

Avec un plafond de 5 400 $, comme c'est actuellement le cas aujourd'hui, il est évident qu'il y a un effet multiplicateur au niveau du candidat, quand des groupes d'intérêt semblables contribuent à sa campagne, comme on a pu le voir lors de la récente campagne à la chefferie des Libéraux.

Le sénateur Campbell : Eh bien voilà un autre coup bas répugnant typique de la droite. Soit vous êtes ici pour collaborer avec nous, soit vous voulez faire autre chose et à ce moment-là, je n'ai plus envie de vous parler. Je ne veux rien avoir à faire avec cela.

M. Baird : Madame Jennings...

Le sénateur Campbell : Vous ne semblez pas éprouver de problème à être assis à côté d'anciens politiciens que vous avez mis dans un même sac, mais cela ne vous empêche pas de débiter des sornettes. Eh bien, si c'est ce que vous voulez faire, nous n'allons pas nous gêner nous non plus.

Quand je parle de publicité par des tiers, de publicité indirecte, je désigne ceux qui ont un intérêt particulier, comme les pro-vie, les anti-avortement, les pro-avortement, etc. Ces gens-là sont en mesure de recueillir des centaines de milliers de dollars lors d'une élection et de les investir dans votre campagne.

Je ne parle pas ici de Larry Campbell qui achèterait un panneau d'affichage à 4 400 $ sur lequel il ferait inscrire « John Baird ne sait pas ce qu'il fait ». Je parle des centaines de milliers de dollars qu'il est possible de regrouper afin de cibler une action sur votre campagne. Avez-vous envisagé cet aspect-là?

M. Baird : Je crois que des lois existent déjà pour couvrir cet aspect. Ces lois ont été adoptées par le gouvernement précédent.

Le sénateur Campbell : Je vais vous donner un autre exemple, celui de la National Rifle Association. Est-ce quelque chose existe dans son cas? Ce que vous dites, c'est qu'il n'est pas possible de regrouper un grand nombre de gens et d'investir de l'argent à l'appui d'une cause. Pourtant, toute organisation qui appuie une cause au départ peut dépenser tout ce qu'elle veut.

Je ne parle pas uniquement des organisations qui appuient les Conservateurs, mais aussi des autres qui appuient les autres partis politiques. Je ne veux pas faire de politique partisane à cet égard.

M. Baird : Il existe déjà une loi à ce propos.

Le sénateur Campbell : Comment cela? Comment les choses fonctionnent-elles dans ce cas? Il s'agit d'une contribution.

M. Baird : Cela n'est pas couvert ici. Le gouvernement de M. Chrétien a beaucoup réformé la limitation des dépenses par des groupes d'intérêt après le déclenchement des élections. Cela, nous n'en traitons pas dans le projet de loi. La participation de la National Rifle Organization ou d'un groupe pro-vie à l'action des partis politiques est déjà encadrée dans les lois existantes.

Le sénateur Campbell : Si j'appartiens à une organisation qui s'oppose au registre des armes à feu, par exemple, je peux très bien dépenser des millions de dollars, non?

M. Baird : Non, vous ne le pouvez pas.

Le sénateur Campbell : Comment allez-vous m'en empêcher? Si cela ne s'inscrit pas dans le cadre de votre campagne politique, comment allez-vous m'en empêcher? Si j'achète une page de publicité dans le quotidien de demain pour dire que la National Rifle Association s'oppose au registre des armes à feu, comment et pourquoi l'arrêteriez-vous?

M. Baird : Je vous invite à vérifier les lois. Vous y verrez, je pense, que M. Chrétien a considérablement...

Le sénateur Campbell : Je ne veux pas savoir ce que vous pensez, dites-moi justement ce que précisent ces lois? Dites- moi pourquoi ce genre de contribution serait interdit.

M. Baird : M. Chrétien a strictement interdit à des groupes d'intérêt de participer à des campagnes politiques et il a strictement limité leur participation.

Le sénateur Campbell : Maître Wild, êtes-vous au courant de cela?

M. Baird : Vous pouvez toujours demander à Me Wild, mais si vous vérifiez ce que disent les lois...

Le sénateur Campbell : La loi s'applique après le déclenchement d'une élection.

M. Baird : Ce genre d'activité est actuellement limité.

Le sénateur Campbell : Et pour l'instant aucune élection n'a été déclenchée, n'est-ce-pas?

M. Baird : Personne n'a suggéré que nous fassions cela. Si vous désirez en faire un amendement, je serais heureux de l'examiner, mais jamais personne n'a suggéré, à ma connaissance, de limiter la liberté d'expression —

Le sénateur Campbell : Je vais vous envoyer quelques articles à ce sujet.

Ma question suivante...

M. Baird : Aucune limite n'est imposée aux partis politiques durant cette période, sénateur.

Le sénateur Campbell : Voici ma prochaine question...

M. Baird : J'aimerais répondre à ce que vous avez dit au début.

Le sénateur Campbell : Voici mon autre question...

M. Baird : J'aimerais répondre à la remarque que vous avez faite — à l'attaque à laquelle vous vous êtes livré contre moi, sénateur. Vous avez dit que des groupes organisés prennent part à des campagnes politiques. Dans ma réponse, je vous ai parlé de l'effet cumulatif des contributions dans ce contexte, et je crois que la question des motifs...

Le sénateur Campbell : Non, vous étiez encore en train de nous ressasser votre vieux mensonge. Et une fois de plus, vous avez dévié sur autre chose.

M. Baird : Sénateur, il est malheureux que vous ayez décidé de douter de mes motifs. Moi, je ne questionne pas les vôtres.

Le sénateur Campbell : Je ne suis pas du tout en train de questionner vos motifs.

M. Baird : La façon dont vous vous exprimez est indigne de ce lieu.

Le sénateur Campbell : Je ne questionne absolument pas vos motifs, parce que vous êtes tout à fait comme je m'y attendais.

J'ai une seconde question à vous poser. J'aimerais savoir pourquoi vous avez décidé, dans votre grande sagesse, de confier tout ce qui touche à l'éthique à la Chambre et au Sénat à un seul commissaire quand, comme vous l'a expliqué le sénateur Cools, nous constituons en fait deux groupes distincts. Nous nous sommes déjà livré à cet exercice à deux reprises au Sénat, et voilà que nous remettons cela. Je ne comprends pas. Il en a déjà été question, il existe déjà quelque chose et tout cela n'est qu'une perte de temps. Pourquoi revenons-nous là-dessus?

M. Baird : La population du Canada, par la voix de ses représentants élus et de la Chambre des communes a accepté la recommandation du gouvernement de combiner les deux postes. J'estime qu'une seule personne ayant reçu une formation judiciaire ou possédant une expérience ou encore un bagage judiciaire ou quasi-judiciaire sera en mesure de veiller à la conduite éthique des parlementaires dans les deux Chambres. Vous pouvez ne pas être d'accord, mais j'estime que cette proposition présente un énorme avantage, comme l'a estimé la Chambre des communes. Pas un seul membre de la Chambre des communes n'a voulu se lever pour faire consigner son opposition à ce projet de loi. J'estime que, s'ils avaient eu des réserves, ils se seraient levés pour voter contre. Or, pas un seul député n'a voulu officiellement voter contre ce projet de loi.

Le sénateur Campbell : Vous n'aurez pas ce problème au Sénat. Je vous remercie de vous être déplacé et j'espère qu'à un moment donné votre gouvernement se mettra à proposer des lois qui s'appuient sur la réalité plutôt que sur des sondages.

Le sénateur Cools : J'ai trouvé très embarrassantes les dernières minutes. J'espère que cela ne nous arrivera pas trop souvent, parce que je n'aime pas ce genre de chose.

J'ai deux questions à vous poser. Monsieur le ministre, vous devez comprendre qu'il y a, autour de cette table, d'excellents sénateurs, très intelligents et ayant une grande expérience de la chose publique. Quant à moi, personne ici n'essaie de vous porter tort, même si les échanges de tout à l'heure ont pu paraître acerbes. Je vais essayer de calmer un peu le jeu.

Monsieur le ministre, je veux que vous compreniez que des gens comme moi ont beaucoup d'expérience. J'ai personnellement beaucoup étudié ces questions-là et il serait heureux que le gouvernement en tienne compte.

La responsabilisation est une question très intéressante. Vous avez dit que ce projet de loi a pour objet d'assainir les perceptions du public. Vous n'avez pas dit qu'il a pour objet d'assainir les ministères. Ce que vous avez dit, c'est qu'il est là pour « assainir les perceptions du public ». Pour parvenir à cette fin, vous ne mobilisez pas l'appareil gouvernemental ni l'appareil parlementaire. Vous pourrez toujours assainir les lois et l'appareil gouvernemental, mais vous ne parviendrez pas à assainir la perception du public.

Jusqu'ici, vous n'avez pas prouvé que seules des propositions contenues dans cet énorme projet de loi — et je suis plutôt d'accord avec les conditions que fixe ce texte — vont vous permettre de parvenir aux fins que vous avez énoncées. Vous n'avancez pas beaucoup de preuves. D'un autre côté, vous insistez beaucoup sur la perception et les sondages d'opinion publique. Les sondages devraient également vous montrer que les gens sont conscients qu'on les trompe la plupart du temps. La politique, ne se ramène pas à une campagne publicitaire, parce que nous ne vendons pas de déodorant ou de parfum.

Le président : Veuillez poser votre question au ministre afin qu'il puisse vous répondre.

Le sénateur Cools : Je parle au ministre et je m'efforce de faire œuvre utile. Vous n'avez pas à me demander de poser une question. Je peux débattre avec le ministre sans lui poser de question du style « allez-vous ou n'allez-vous pas? ». Cette formule, c'est pour les enfants. Tout le système devient de plus en plus infantilisant. Mange ton Pablum et va te coucher! Ne pose pas de question, ne pense pas — vote, mais surtout, ne pense pas!

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, vous ne nous avez pas encore prouvé que ce projet de loi va faire ce que vous avez dit qu'il ferait. Je ne m'attends pas à ce que vous jouiez les prophètes capables d'annoncer l'avenir, mais j'aimerais obtenir quelque chose de plus concret de vous.

Je vais passer au volet plus substantiel de ma question en citant un professeur qui a témoigné devant ce comité il y a quelques mois et dont le sénateur Oliver pense le plus grand bien. Il s'agit de Peter Aucoin. J'aimerais que vous réagissiez à une de ses déclarations publiée dans un récent ouvrage intitulé Nommer, blâmer et couvrir de honte : Améliorer la responsabilité du gouvernement après Gomery. Voici ce qu'il dit au sujet du Parti conservateur :

Ce qu'il convient de souligner ici, c'est que la capacité du gouvernement de tenir les ministères et les hauts fonctionnaires responsables est considérée comme exclusivement en fonction des agents parlementaires et non des députés proprement dit.

Et il ajoute :

On serait presque porté à dire que les députés ont « donné en sous-traitance » le devoir du Parlement de tenir les ministres et hauts fonctionnaires responsables auprès de leurs agents parlementaires.

Il y va fort. Il ne dit pas que nous déléguons les devoirs du Parlement, mais que nous les donnons en sous-traitance. Personnellement, j'ai l'impression que c'est ça l'essentiel et c'est pour cela que je ne comprends pas. Je siège dans cette Chambre depuis quelque temps déjà et j'ai vu passer quelques gouvernements qui n'ont pas autorisé les Chambres du Parlement à fonctionner comme un Parlement, à permettre aux parlementaires de faire ce qu'ils sont censés faire. On est menacé d'être exclu des caucus et, comme vous le disiez il y a un instant, personne à la Chambre des communes n'aurait osé se lever pour s'opposer à certaines choses.

Vous savez, monsieur le ministre, j'ai moi-même siégé à des caucus et j'ai entendu des premiers ministres dire aux députés qu'ils ne signeraient pas leurs documents de mise en nomination s'ils ne se pliaient pas aux ordres donnés. Cela étant, je ne suis pas étonnée que personne ne s'est levé. En réalité, pour que nous parvenions a vraiment imposer la responsabilisation, il faudrait permettre à ces systèmes de fonctionner pour qu'il puisse remplir sa mission constitutionnelle et assumer son rôle constitutionnel. Or, le principal rôle constitutionnel veut que les deux Chambres et ceux qui y siègent fonctionnent de façon très indépendante.

Or, pas plus ce gouvernement que les précédents ne le permettent. Je vous dis tout cela en toute sincérité, monsieur le ministre, parce que j'ai vécu une grande rupture avec l'autre qui ne permettait pas aux Chambres, aux députés et aux sénateurs de fonctionner. Ce problème fait partie de ce qui me préoccupe. Je vais vous en donner un exemple, monsieur le ministre.

Ce projet de loi est votre projet de loi, il est important, mais sur le parquet du Sénat, il y a quelques jours de cela, personne n'a répondu à nos questions. C'est cela la responsabilisation? Nous sommes, à ce que vous dites, en train d'adopter un projet de loi visant à améliorer la perception du public. Et pourtant, sur le parquet du Sénat, personne ne répond aux questions. Je n'appartiens pas au groupe où l'on peut faire partie des comités. Seule une demi-douzaine de sénateurs siègent à chaque comité.

La perspective que vous nous présentez, monsieur le ministre, est un peu rigide et elle paraît même parfois sans appel. Je ne veux pas vous blesser, parce que vous êtes jeune et enthousiaste, et vous représentez d'ailleurs ce dont nous avons besoin. Nous avons besoin de beaucoup d'énergie ici.

M. Baird : Il est indéniable que l'amélioration de la perception du public est un objectif visé dans la Loi fédérale sur l'imputabilité. Ce n'est pas le seul objectif, mais c'en est un. Je n'estime pas que c'est le seul objectif de la loi. Si l'on devait résumer toutes les mesures en un seul et même objectif, on parlerait alors de changement de culture.

Je vais vous donner l'exemple de l'accès à l'information. La Loi sur l'accès à l'information, qui avait été adoptée par M. Trudeau, puis mise en œuvre sous le régime de M. Mulroney, ne convient pas pour le genre de renseignements que les gens veulent obtenir. En revanche, elle donne de bons résultats parce qu'elle provoque un changement de comportement étant donné que les gens savent qu'ils pourraient être publiquement tenus responsables à la faveur de la diffusion de l'information, qu'il s'agisse de dépenses engagées, du coût d'un projet ou d'une décision stratégique. Tous les acteurs au gouvernement en sont maintenant davantage conscients.

Je sais que mes dépenses de ministre sont publiquement accessibles. Je me suis rendu à Québec en voiture, parce que c'est moins cher. J'ai pris le train pour venir de Toronto où j'ai donné un discours en début de journée — je ne pourrai pas toujours faire cela, mais je sais qu'il faudra que je rende des comptes et cette situation provoque des changements de comportement.

Nous essayons très fort de changer la culture. Nous voulons le faire de sorte qu'un fonctionnaire qui a un grief puisse le formuler et provoquer ainsi un changement de culture parmi les cadres supérieurs, parce qu'il leur indiquera ainsi qu'il faut mieux le traiter. Quand on sait que quelqu'un peut dénoncer un acte répréhensible — qu'il s'agisse de corruption, de gaspillage de fonds publics ou d'un comportement contraire à l'éthique — et que le gouvernement favorise ce genre de dénonciation parce que c'est la chose à faire, on finit par provoquer un changement de comportement. Les mauvais acteurs n'agissent plus de travers ou réfléchissent deux fois avant d'agir.

Vous avez parlé du fait que le rôle des députés est confié en sous-traitance.

Le sénateur Cools : Ce sont les mots de Peter Aucoin, pas les miens. Je n'ai fait que le citer.

M. Baird : Le système parlementaire évolue. Lorsque les premières législatures ont siégé en 1867 et 1868, le gouvernement remplissait un rôle nettement restreint. De nos jours, nous administrons un budget de quelque 200 milliards de dollars. Contrairement à ce qu'a déclaré cet universitaire, le directeur parlementaire du budget n'est pas un sous-traitant du Parlement. Au contraire, comme l'a dit le sénateur Day, le commissaire est le mieux placé pour aider les députés à tenir le gouvernement responsable que ce soit par une action directe, au Parlement, en public ou auprès des médias. Cette forme de responsabilisation est une bonne chose.

Nous voulons injecter plus de rigueur. Je ne suis pas en train de dire que ce projet de loi est une panacée et que, grâce à lui, plus rien de mauvais n'arrivera. D'après le point de vue exprimé par le premier ministre que partage sans doute la majorité des députés — je ne peux pas parler pour eux, mais je devine leur position — je dirais qu'il ne suffit pas simplement de changer les équipes dirigeantes.

Les Canadiens s'attendent à ce que le gouvernement change et que la façon dont nous gouvernons change également. Il ne s'agit pas simplement de remplacer les acteurs politiques, les acteurs de la fonction publique, les acteurs du monde du lobbying, ni d'entreprendre des poursuites au pénal ou au civil en vertu de la loi fédérale. Tous ceux et toutes celles qui travaillent pour ou avec le gouvernement seront appelés à changer, et c'est cela qui nous pousse le plus à agir.

Le sénateur Cools : Pouvez-vous me parler un peu du fondement constitutionnel du paragraphe 81(2) du projet de loi. Il y est question de la nomination du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. On y énonce les qualités que doit présenter le titulaire, pourtant il ne s'agit pas à proprement parler de qualités dans le sens de « qualifications », mais plutôt de « conditions préalables fixées par le gouvernement ».

Je comprends vos motifs et les bonnes intentions qui vous animent. En fait, la disposition qui me préoccupe est l'alinéa 81(2)a).

(2) Pour être nommée en vertu du paragraphe (1), une personne doit :

a) soit être un ancien juge d'une Cour supérieure du Canada ou d'une cour dont les juges sont nommés en application d'une loi provinciale;

Monsieur le ministre, cette disposition est incroyablement régressive. Tous les parlements et toutes les assemblées législatives, surtout au Canada, s'efforcent de tenir les juges à distance de la politique. Ce n'est que depuis peu — peut- être en 1935 ou dans ces années-là — qu'un député nommé ministre n'a plus à démissionner de son siège et à se représenter lors d'une élection subséquente. Avant cela, il lui fallait obtenir l'aval de ses électeurs pour devenir ministres.

On doit ce changement au fait que les deux Chambres du Parlement ont décidé d'écarter les serviteurs de la Couronne. J'ai l'impression que vous remontez 130 ans en arrière en rappelant les juges parmi nous. Vous pourriez nommer qui vous voulez. Vous n'avez pas besoin d'être aussi précis dans la loi.

Cela me préoccupe. Je n'ai rien contre le fait que vous mettiez la main sur un ancien juge exceptionnel, même si je suis certaine que certains juges auraient énormément de difficultés à fonctionner dans ce milieu. Toutefois, je ne comprends pas qu'on en fasse une exigence de la loi.

J'ai formulé la même objection il y a quelques années au sujet de la question des salaires des députés et des sénateurs. Si vous vous souvenez, le salaire du premier ministre était aligné sur celui des juges en chef. J'ai alors soulevé la même objection, estimant que ce genre de proposition est une insulte envers le Parlement compte tenu de la position historique des institutions concernées et du type de relation qui est censé unir les gens.

C'est une question de fond concernant le Parlement. Vous n'avez pas besoin de nous répondre aujourd'hui et vous pouvez prendre cette question en délibéré. Je serai d'ailleurs très heureuse de vous communiquer davantage de renseignements. Je sais quelle est votre position à cet égard, monsieur Baird, et je sais que vous voulez bien faire. Il est donc d'autant plus important que vous rédigiez correctement cette loi.

Vous devriez peut-être y réfléchir un peu parce que cette loi n'est pas très bonne.

M. Baird : Je trouve intéressant que vous ayez parlé de cette disposition, parce qu'il se trouve que je l'ai personnellement défendue.

Le sénateur Cools : Elle se trouve en bas de la page 44.

Le sénateur Day : Il s'agit de l'article 28 du projet de loi.

M. Baird : Je l'ai sous les yeux.

Le sénateur Cools : C'est l'article 28 du projet de loi qui deviendra l'article 81 de la Loi sur le Parlement du Canada.

M. Baird : Je vais vous expliquer pourquoi j'ai insisté pour que nous retenions cette disposition. En Ontario, le gouvernement néo-démocrate a proposé un régime d'éthique en 1993-1994, qui n'a d'ailleurs été proclamé qu'en 1995. Il a fait l'objet d'un véritable appui de la part de tous les partis. Après sa réélection en 1990, M. Rae avait voulu hausser les normes de conduite éthique. C'est alors qu'il a proposé un code visant à régir les conflits d'intérêt; il l'avait rédigé lui-même et il voulait que son propre gouvernement rende des comptes en conséquence. Eh bien, il s'est retrouvé dans la panade parce qu'il a eu problème sur problème. Il n'y a jamais eu autant de démissions de ministres en Ontario que dans les années Bob Rae, mais ce n'était pas à cause de problèmes de jugement. Le code comportait des dispositions particulièrement ésotériques. D'ailleurs, les ministres qui ont démissionné l'ont fait pour des raisons fort obscures. C'est pour cela que tous les partis ont été favorables à la loi d'encadrement d'un code sur les conflits d'intérêt.

Il est difficile de légiférer en matière d'éthique, mais on peut le faire en matière de conflits d'intérêt, ce que permet ce projet de loi. C'est une responsabilité écrasante que de désavouer le premier ministre, le Cabinet et le reste de la députation de son groupe. Les députés, au fédéral comme au provincial, peuvent demander une opinion. Ils peuvent dire « voilà quelle est la situation, devrais-je agir? Est-ce approprié que je le fasse? Est-ce juste? Voici comment j'aimerais m'y prendre. » Pour cela, il faut que votre interlocuteur ait une formation, un bagage, une expérience, une connaissance et une compétence dans ce domaine, ce qui permettrait, selon moi, de renforcer le système.

Le sénateur Cools : Vous avez parlé de quelqu'un ayant une « formation judiciaire » au besoin, ce qui est très précis. Vous êtes très précis ici.

M. Baird : C'est effectivement précis, mais pas autant que nous l'aurions souhaité.

Le sénateur Cools : Pourquoi voulez-vous placé les sénateurs et les députés sous la responsabilité d'un juge?

M. Baird : Ce ne serait pas un juge, mais un ex-juge. Dans l'auditoire devant lequel j'ai prononcé mon discours ce matin, il y avait le juge Coulter Osborne qui est commissaire à l'éthique en Ontario et qui jouit d'énormément de respect.

Il m'est personnellement arrivé de déposer une plainte en matière d'éthique contre un ministre quand j'étais député de l'opposition, et celle-ci a été écartée. Le ministre a démissionné six mois plus tard pour la même raison que celle énoncée dans ma plainte qui avait été rejetée. Quand on m'a demandé comment je réagissais à cela, j'ai répondu que je n'étais évidemment pas d'accord. En fin de compte, le gouvernement de l'Ontario a demandé un avis au commissaire à l'éthique. Je n'ai pas été d'accord avec la décision rendue, mais je l'ai acceptée respectueusement. Cette question a fini par ne plus faire l'actualité et nous sommes passés à autre chose.

J'espère que nous saurons trouver quelqu'un ayant une expérience typique de l'appareil judiciaire canadien. Notre magistrature canadienne est très respectée à l'étranger et elle est généralement très respectée au pays également.

Je trouve intéressante la déclaration que vous avez faite. Vous avez dit que le Parlement s'était efforcé d'écarter les juges de la politique.

Le sénateur Cools : Et du travail des Chambres également.

M. Baird : Eh bien, loin de moi l'idée de vous contredire, mais depuis que je suis en politique, j'ai l'impression que c'est le contraire qui s'est fait.

Le sénateur Cools : Ce sont les gouvernements qui ont agi ainsi. Les gouvernements ont ramené les juges, pas le Parlement. Ce sont les gouvernements qui l'ont fait.

M. Baird : Avec la Charte, nous avons invité les tribunaux à se pencher sur des questions de nature politique et je ne crois pas que ce soit forcément quelque chose de mal.

Le sénateur Cools : Tous les gouvernements agissent à l'initiative du Procureur général. Ce sont les gouvernements, pas les parlements.

M. Baird : Ici, les deux Chambres du Parlement y ont adhéré et en Ontario, c'est l'assemblée législative qui l'a fait. Je suis un enfant de la Charte.

Le sénateur Cools : Nous comptons de nombreux tribunaux administratifs, comme la Commission nationale des libérations conditionnelles dont les membres assument des tâches judiciaires sans devoir forcément posséder les mêmes qualités que d'anciens juges. Cela fonctionnerait aussi.

M. Baird : Je ne veux pas mettre sur un même pied les criminels qu'on évalue pour déterminer s'ils peuvent être remis en liberté et les fonctionnaires ou les parlementaires.

Le sénateur Cools : La libération conditionnelle est synonyme de réduction de peine et de clémence. C'est différent.

Le sénateur Stratton : Puis-je faire un rappel au Règlement? Si nous continuons ainsi, nous serons encore là dans quatre heures. J'estime que si vous continuez ainsi, nous allons transformer les périodes de question de 20 à 25 minutes en périodes de quatre heures. Voilà ce que j'avais à dire.

Le président : Je donne la parole au sénateur Joyal.

[Français]

Le sénateur Joyal : Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur la question de la fusion du conseiller sénatorial en éthique et du commissaire à l'éthique de la Chambre des communes.

Comme vous le savez, les deux Chambres ont eu l'occasion, depuis un an, d'expérimenter un nouveau système, et notre Chambre a, bien sûr, été informée des problèmes que l'autre Chambre a connus avec son commissaire à l'éthique. Mais en ce qui concernait le Sénat, le système a fonctionné de façon relativement acceptable.

Comme réponse à la question d'un de mes collègues, pour expliquer la fusion dans le projet de loi des deux positions, vous avez expliqué que les Canadiens le voulaient, qu'ils avaient voté, qu'ils le voulaient. J'ai lu le programme du Parti conservateur, il y avait effectivement des propositions pour raffermir le statut du commissaire à l'éthique à la Chambre des communes mais nulle part, dans le programme du Parti conservateur, ne faisait-on la suggestion de fusionner les deux positions.

Qu'est-ce qui a fait que, entre la fin de la campagne électorale et les six semaines qui ont présidé à la rédaction de ce projet de loi, le gouvernement a changé d'idée et a décidé de passer outre aux principes d'indépendance des deux Chambre du Parlement lorsqu'il s'agit d'appliquer la discipline ou d'appliquer l'éthique à l'intérieur de chacune des deux Chambres?

M. Baird : Si je vous ai donné cette impression, ce n'était pas mon intention. Vous avez raison bien sûr, quant au fait que tout n'est pas contenu concernant notre plan d'action ou notre projet de loi, mais notre programme électoral en ce domaine fait seulement quatre pages. On a pris beaucoup de décision avant d'introduire le projet de loi à la Chambre des communes et au Sénat.

[Traduction]

J'ai constaté qu'il a été très difficile de trouver quelqu'un pour assumer ce rôle en Ontario. Nous cherchions une personne qui possédait une certaine compétence et il n'a pas été facile de la trouver. Les choses importantes sont souvent difficiles à réaliser. Si nous pouvions trouver quelqu'un qui possède les compétences recherchées, les connaissances voulues, et qui ait la confiance des deux Chambres — du Sénat et de la Chambre des communes — nous pourrions placer cette personne au centre d'un dispositif spécialisé dans l'analyse de ces questions.

Par exemple, il y a actuellement deux ministres qui siègent au Sénat, qui font donc partie de l'exécutif. Il peut paraître étrange que deux commissaires à l'éthique aient à s'occuper des parlementaires qui portent deux chapeaux, car on risque de se retrouver avec un régime d'éthique pour les membres de l'exécutif et un autre pour les parlementaires. J'estime, par ailleurs, qu'il est tout à fait logique que le commissaire unique qui va devoir s'occuper non seulement de la branche législative, mais également de la branche exécutive — c'est-à-dire des ministres et des secrétaires parlementaires — soit davantage qualifié. Il est sage de tout centraliser pour assurer une certaine cohérence d'action à condition de trouver la personne compétente ayant la confiance des deux Chambres.

Le sénateur Joyal : Qu'advient-il du principe des privilèges parlementaires sur lequel les tribunaux canadiens sont revenus à maintes et maintes reprises, rappelant que chaque Chambre doit avoir la responsabilité de discipliner ses membres et qu'un commissaire à l'éthique, nommé par l'exécutif, ne doit pas se poser en prolongement du gouvernement et s'ingérer dans le principe d'indépendance du Sénat?

M. Baird : Nous ne voulons surtout pas que le commissaire à l'éthique soit perçu comme le prolongement du gouvernement. Le commissariat perdrait de son utilité ainsi que la confiance non seulement des sénateurs et des députés, mais également de la population. Nous voulons que le commissaire fasse rapport au Parlement et non à l'exécutif. Ce détail est particulièrement important.

En Ontario, nous avons nommé le juge Coulter Osborne. Il a été difficile de trouver quelqu'un qui soit en mesure de faire ce travail. Comme je le disais, ce sont souvent les tâches les plus importantes qui sont les plus difficiles à réaliser. En Ontario, nous n'étions pas parvenus à obtenir l'assentiment des trois partis. Dans ce cas, le gouvernement et l'opposition officielle, c'est-à-dire 91 p. 100 des députés, se sont entendus, ce qui se produit parfois.

Il demeure qu'il existe une procédure cohérente pour nommer ces hauts fonctionnaires. Les nominations doivent être approuvées par la Chambre des communes et par le Sénat, tout comme dans le cas du Vérificateur général qui est au service des deux Chambres ainsi que du commissaire à l'information, du commissaire à la vie privée et du commissaire aux langues officielles qui peuvent apporter leur appui aux travaux des comités et aux membres des deux Chambres. Selon moi, ce ne sera pas différent. En revanche, je comprends que l'on puisse ne pas être d'accord.

Le sénateur Joyal : Vous devez comprendre qu'il y a quelque chose de fondamentalement différent entre les hauts fonctionnaires que vous avez mentionnés, c'est-à-dire la vérificateur général, le commissaire aux langues officielles, le directeur général des élections, le commissaire à la vie privée, le commissaire à l'information et les autres, et les quatre hauts fonctionnaires dont les postes sont créés par ce projet de loi. Le conseiller sénatorial en éthique et le commissaire à l'éthique de la Chambre des communes respectent les privilèges des deux Chambres. Ils sont investis de la responsabilité de maintenir les privilèges de chaque sénateur et député, de sorte qu'ils sont investis d'un rôle particulier au sein de l'appareil parlementaire.

Dans la mesure où vous inscrivez cela dans votre loi, vous invitez les tribunaux à intervenir dans les activités parlementaires et c'est cela qui fait le plus problème à propos de la fusion des deux commissaires et de la consignation dans la loi du code sur les conflits d'intérêt, comme vous l'avez proposé pour certains titulaires de charge publique. Il s'agit-là d'un important élément du fonctionnement du Parlement.

M. Baird : L'intervention du judiciaire et la surveillance n'ont rien de nouveau. J'ai lu un article dans le journal de ce matin où l'on disait qu'un député n'avait plus été considéré comme membre de la Chambre basse pendant quelques heures et qu'il avait dû demander que l'on reporte de 15 minutes le délai imposé au dépôt des candidatures à l'élection.

Je me souviens qu'un député ayant été élu et ayant même voté en Chambre a été évincé par un juge et remplacé par quelqu'un d'autre. Cela n'a rien de nouveau.

Le sénateur Joyal : On ne peut pas, d'un côté, se plaindre du fait que les juges et les tribunaux interviennent trop dans les affaires gouvernementales et parlementaires et, d'un autre, adopter une loi ouvrant davantage la porte aux interventions des juges dans le fonctionnement du Parlement. C'est là une question constitutionnelle fondamentale, outre ce que vous nous avez dit à propos de la difficulté de recruter un candidat compétent pour ce poste.

Les principes parlementaires sont compromis par cette proposition, principes qui sont tout aussi importants pour la Chambre des communes que pour le Sénat. J'ai du mal à suivre le raisonnement du gouvernement en ce qui concerne ces articles du projet de loi. Comme je le disais, nous avons mis un système en place l'année dernière et, d'après ce que je constate, personne n'est parvenu à prouver que ce système ne donne pas satisfaction au Sénat.

Nous savons ce qui est arrivé à la Chambre des communes : une politisation excessive du système. D'ailleurs, vous connaissez mieux ce problème que n'importe qui d'autre ici.

Il est normal que nous ayons des réserves face à cette proposition qui consiste à appliquer au Sénat le même régime que celui qui est en vigueur à la Chambre des communes, étant donné ce qui s'est produit au cours de la dernière année avec le commissaire à l'éthique de l'autre Chambre. Personne ne nous a prouvé qu'il y aurait plus d'avantages à fusionner les deux postes et à les traiter dans une seule et même loi qui favoriserait en outre l'intervention des juges dans les affaires du Parlement.

Je vous vois opiner, monsieur le ministre, mais les retranscriptions du comité ne permettent pas de consigner les mouvements de tête.

M. Baird : Je ne suis tout de même pas le premier ministre, membre de l'exécutif ou parlementaire à avancer l'idée d'un commissariat commun aux deux Chambres. Des membres d'autres partis politiques ont parlé de cette proposition ces dernières années.

Je dois cependant dire — et la distinction est importante — que dans le projet de loi sur les conflits d'intérêt, il est proposé de renvoyer au code plutôt que d'en imposer un nouveau qui serait rédigé par le chef du gouvernement. La Loi sur les conflits d'intérêts ne vise que les membres de l'exécutif, c'est-à-dire les ministres et les secrétaires parlementaires et elle ne concerne donc pas les deux sénateurs qui siègent à l'exécutif. Nous ne touchons pas au code du Sénat ni au code régissant les membres du Parlement. Cette distinction est importante. Je suis sûr que vous n'y êtes pas passé à côté, mais je tenais à la souligner à l'intention des membres du comité et d'autres qui nous regardent peut-être ou qui liront les retranscriptions plus tard, parce que je voulais rappeler que nous ne touchons à rien de ce qui n'est pas en rapport avec l'exécutif.

Le sénateur Joyal : Je dois souligner que, dans le document d'accompagnement de la première version du projet de loi, il est dit que le gouvernement envisage, à un moment donné, de consigner dans une loi le code sur les conflits d'intérêt. C'est ce que j'ai lu dans ce texte.

M. Baird : Je vous confirme que nous n'avons jamais envisagé cela. Je crois que le premier ministre a peut-être invité les deux Chambres à réexaminer leur code respectif, mais nous ne faisons rien d'autre que de suggérer aux deux Chambres d'envisager de modifier ces codes, comme cela se fait de temps en temps à la faveur de questions importantes. Elles ont la liberté de le faire. Nous n'envisageons pas de faire quoi que ce soit sur ce plan.

Le sénateur Joyal : Passons à autre chose. Dans peu de temps qu'a duré son mandat, votre prédécesseur à la présidence du Conseil du Trésor avait annoncé la mise en œuvre d'un grand nombre de contrôles, de règlements et de mesures de surveillance financière. Je me demandais si ces annonces ont été suivies d'effets. J'en doute, parce qu'elles représentaient une tâche énorme. Il faut toujours un temps raisonnable à toute administration pour digérer les changements qu'on veut lui imposer.

Voilà que vous vous présentez avec une nouvelle pile de changements importants et fondamentaux. Quelle garantie peut-on avoir que le système ne sera pas submergé par ces contrôles, ces règles, ces méthodes de surveillance, ces nouveaux tribunaux, ces commissaires à l'intégrité publique et autres, au point que le changement ne sera peut-être pas aussi efficace ou créatif qu'on pourrait le souhaiter. Je me demande si nous n'avons pas envisagé d'adopter trop de règles visant à contrôler tout et tout le monde. Vous n'êtes pas sans ignorer que la Commission de la fonction publique du Canada va être confrontée à de graves difficultés de recrutement des fonctionnaires dans les années à venir. Si les gens ont l'impression qu'intégrer la fonction publique revient à pénétrer dans l'antre de Big Brother, je me demande dans quelle mesure vous parviendrez à administrer la fonction publique de la façon dont vous l'envisagez.

Le gouvernement doit s'attaquer à ce grave problème et nous devons le régler, surtout quand on envisage de légiférer le système avec un tel degré de détails, comme c'est ici le cas. Quand on soulève la question, on se fait accuser d'irresponsabilité ou de manque de transparence. En réalité, on ne peut négliger le système que jusqu'à un certain point avant qu'il ne soit endommagé et que les recrues potentielles ne décident de courir leur chance dans le secteur privé.

Le gouvernement a-t-il songé à cela dans son évaluation de la situation, malgré sa précipitation à rédiger un projet de loi destiné à rassurer tout le monde sur le fait qu'on dégraisse la fonction publique du Canada, que celle-ci est sans tâche, qu'elle est digne de confiance et qu'elle entre dans une nouvelle ère? On aime toujours apposer ces qualificatifs aux initiatives du gouvernement.

M. Baird : Voilà de sages paroles. Je suis entièrement d'accord avec tout ce que vous venez de dire.

S'agissant de mon prédécesseur, je pense que, malgré toutes ses bonnes intentions, il s'est heurté à un grand nombre de problèmes occasionnés par le détournement ou la mauvaise utilisation de l'argent des contribuables. Si j'avais été dans ses chaussures, j'aurais sans doute fait la même chose que lui.

J'aurais proposé un grand nombre de règles et de règlements en me disant que, si 20 ne faisaient pas l'affaire, peut- être que 50 y parviendraient. Je crois que le gouvernement précédent était animé des meilleures intentions du monde et je n'en ai jamais douté.

Malheureusement, son prédécesseur avait fait la même chose après différents rapports du Bureau du vérificateur général, et les règles ont commencé à s'accumuler. Vous avez mieux résumé le problème que j'aurais pu le faire moi- même.

Nous devons veiller à ne pas étouffer l'innovation au gouvernement et à la fonction publique. Nous ne voulons pas créer une culture de la peur du risque au gouvernement en général. Tant qu'il y aura des Hommes, il y aura des erreurs humaines. J'estime qu'on est jugé sur la façon dont on s'attaque aux erreurs commises peut-être tout autant que sur les causes des erreurs.

J'hésitais à mener cela de front avec la Loi fédérale sur l'imputabilité et le Plan d'action, parce que je ne voulais pas donner l'impression d'accélérer avec le pied droit tout en freinant du gauche. Je craignais que nous ne soyons pas perçus comme les champions de la responsabilisation.

La vérificatrice générale m'a raconté le cas du bénéficiaire d'une subvention de 5 000 $. Il s'agissait d'un groupe sans but lucratif. Pour cela, il avait fallu concocter une entente de contribution de 75 pages. Imaginez-vous une seule œuvre de bienfaisance ou un groupe sans but lucratif, au Canada, disposant des compétences ou des connaissances nécessaires pour cela? Je ne sais pas. Par ailleurs, je ne pense pas qu'un seul fonctionnaire puisse correctement surveiller l'exécution d'un document de 75 pages énonçant des règles et des règlements.

Le juge Gomery m'a également déclaré que, selon lui, toutes ces règles et tous ces règlements sont excessifs. Il en a parlé dans son second rapport et il me l'a d'ailleurs dit lors d'une rencontre que j'ai eue avec lui. Tous les règlements avaient été proposés juste avant la publication de son rapport. Si j'avais été président du Conseil du Trésor à l'époque, sachant que ce rapport allait sortir, j'aurais voulu prendre les devants. Politiquement, c'est ce qu'il fallait faire.

Nous avons accompli un certain nombre de choses. Tout d'abord, il y a deux ou trois semaines environ, j'ai nommé un comité d'experts composé de Frances Lankin, président de la Campagne Centraide pour le grand Toronto, de l'ancien président du Conseil de gestion de l'Ontario et ancien ministre néo-démocrate, d'une fonctionnaire qui a été négociatrice dans un syndicat de la fonction publique, de Ian Clark, ancien secrétaire du Conseil du Trésor et fonctionnaire très respecté, et de Marc Tellier, du secteur privé. Ce groupe collaborera avec les fonctionnaires pour proposer un ensemble de politiques et de processus destinés à réduire tout cet écheveau de règles et de règlements.

De plus, nous sommes en train de réaliser trois revues de programmes dans le but de parvenir à un équilibre entre surveillance et efficacité. L'examen de l'ensemble des politiques du Conseil du Trésor a pour objet de réduire de moitié le nombre de règles et de préciser très clairement ce que l'on attend des gens.

Nous n'avons pas voulu, à la faveur du projet de loi C-2, imposer un grand nombre de nouvelles règles. Nous avons essayé de préciser que les sous-ministres doivent rendre des comptes aux comités parlementaires pour les pouvoirs dont ils sont investis. Nous avons confirmé la politique de vérification interne. Je crois que nous sommes tous conscients de cela.

Nous avons créé un certain nombre de nouvelles fonctions. Le directeur des lobbyistes s'est transformé en commissaire des lobbyistes. Comme nous lui donnons plus d'indépendance, nous n'avons pas eu besoin de créer un nouveau commissariat. Nous en sommes conscients.

Je n'ai jamais envisagé de recruter de nouvelles personnes, puisque nous voulons garder celles qui sont en place. Il est ridicule que des fonctionnaires dépensent un millier de dollars pour s'assurer que nous ne perdons pas un simple sou.

La loi doit être équitable pour les ministres, pour le Parlement, pour la population et pour les médias; tout le monde devant être conscient qu'il y aura des erreurs. Vous et moi allons en faire, comme les fonctionnaires.

Le sénateur Joyal : Avez-vous chiffré la mise en œuvre du projet de loi C-2 en l'état?

M. Baird : Le coût a été annoncé dans le budget : 57 millions de dollars. J'espère que ce projet de loi nous permettra d'économiser ailleurs.

Le sénateur Hays : J'ai trouvé vos échanges avec le sénateur Joyal absolument fascinants.

Sachant ce que je sais de ce projet de loi, j'ai tendance à penser qu'un poids énorme de règles et de nouvelles exigences pèsera sur les fonctionnaires et sur les autres. Quoi qu'il en soit, vous n'en êtes qu'au début du processus. Les choses vont se redresser au fur et à mesure et je verrai si cela se confirme ou pas.

Toutefois, ce n'est pas ce dont je voulais vous parler, mais vous voudrez peut-être y réagir tout à l'heure. Je juge positive la réponse que vous avez donnée au sénateur Joyal, parce que vous avez laissé entendre que tel pourrait être le cas. Vous êtes en train d'effectuer un examen pour voir si telle n'est pas la situation, mais nous aurons à y revenir en comité.

La question que je vais vous poser, je me la suis posé avant même que ce projet de loi ne soit déposé à la Chambre. Elle concerne la partie IV du projet de loi qui traite du mandat, des pouvoirs du commissaire et du rôle du Premier ministre vis-à-vis du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique.

En vertu de l'article 44, le commissaire peut étudier toute question dont il est saisit par un parlementaire et, à l'article 45, il est dit qu'il peut étudier une question de son propre chef. De plus, il est indiqué à l'article 43 que le premier ministre peut renvoyer une question au commissaire. Les résultats sont différents selon la façon dont le commissaire est saisi du dossier.

En particulier, si une question est portée à son attention par un parlementaire ou qu'il décide d'agir de son propre chef, l'article 47 du projet de loi stipule que les résultats de son enquête doivent être rendus publics. Voici comment se lit cet article :

Est inattaquable la conclusion tirée par le commissaire, dans le rapport prévu aux articles 44 ou 45, sur la question de savoir si le titulaire ou l'ex-titulaire de charge publique a contrevenu ou non à la présente loi. Elle n'est toutefois pas décisive lorsqu'il s'agit de déterminer les mesures à prendre pour donner suite au rapport.

Je suis en train de lire le mauvais article. J'aurais dû vous lire des paragraphes des articles 44 et 45. J'y reviendrai dans un instant.

De toute façon, il suffit de dire qu'en vertu des paragraphes 44(8) et 45(4), les résultats doivent être rendu publics. Cependant, d'après l'article 43 — soit quand l'enquête est déclenchée par le premier ministre — les résultats n'ont pas à être rendus publics.

Pouvez-vous nous expliquer comment vont fonctionner ces articles et pourquoi nous nous trouvons dans ce cas de figure?

M. Baird : En vertu du code sur les conflits d'intérêts que l'Ontario a inscrit dans la loi, les députés peuvent demander un avis ou formuer des plaintes officielles contre une personne. Le code est une invitation faite à chacun d'examiner son propre comportement. Ce code est un bon précurseur.

Me Wild : Les articles 44 et 45 correspondent à cela, puisqu'il s'agit de mécanismes de plainte. L'article 43 prévoit que le commissaire communique des avis mais pas uniquement au Premier ministre, puisque, selon le paragraphe b), il peut aussi en donner aux titulaires d'une charge publique. Les personnes visées par la Loi sur les conflits d'intérêts peuvent demander des avis confidentiels au commissaire sur la façon d'organiser leurs affaires en cas de conflit potentiel, avant qu'elles ne se retrouvent en véritable situation de conflit. À l'article 43, il est question de fournir des avis confidentiels aux titulaires d'une charge publique et à celui qui les nomme, soit le premier ministre.

Cet article est foncièrement différent de ce dont il est question aux articles 44 et 45, parce qu'il s'agit d'avis donnés à titre confidentiel, que le commissaire soit saisi d'une demande ou qu'il agisse de son propre chef quand il estime qu'il y a contravention à la loi.

Le sénateur Hays : L'article 43 ne prévoit pas que le commissaire soit saisi d'un dossier par le biais d'une plainte, mais plutôt que l'affaire soit portée à son attention afin de lui demander un avis quant aux répercussions possibles de la situation en vertu du code.

Me Wild : Selon le paragraphe 43a), le premier ministre peut demander un avis confidentiel au commissaire relativement à l'application de la loi. Il pourrait dire « monsieur le commissaire, je crois qu'un de mes ministres est en contravention et j'aimerais obtenir votre avis sur cette question ». Après avoir reçu l'avis demandé, le premier ministre peut suggérer au ministre de démissionner ou de s'abstenir de participer à certaines conversations au Cabinet.

L'avis demandé par le premier ministre pourrait concerner une situation réelle, c'est-à-dire un cas d'infraction établi, mais le mécanisme en question est différent de celui qui intervient en cas de plainte, advenant que quelqu'un, par exemple, dise « j'ai de bonnes raisons de croire qu'un tel ou une telle est en contravention de la loi », plainte sur laquelle le commissaire s'appuie pour entamer une enquête. Cet article-ci concerne vraiment le premier ministre, soit le patron qui demande un avis sur la façon dont il doit organiser son cabinet ainsi que les affaires concernant le ministère en question.

Le sénateur Hays : Selon l'article 47, les résultats des enquêtes du commissaire et ses rapports ne sont pas rendus publics. Je comprends cela pour les situations potentielles, quand le premier ministre dit à ses ministres « vous devriez demander l'avis du commissaire sur la façon d'organiser vos affaires afin de ne pas enfreindre le code ». Toutefois, je retiens de votre réponse que cet article pourrait également s'appliquer dans les situations où le premier ministre a été informé ou a lieu de croire qu'un titulaire de charge publique a agit en contravention du code. Je ne comprends donc pas pourquoi les résultats de l'enquête ne devraient pas être rendus publics. Il n'y a pas de différence entre le cas où le premier ministre réclame une enquête à propos d'un parlementaire et celui où le commissaire déclenche une telle enquête de son propre chef.

Me Wild : Dans le scénario que vous avez décrit, ce serait au commissaire de décider. Dans la mesure où il a des motifs raisonnables de croire qu'il y a infraction au code, il peut déclencher une enquête de son propre chef.

Le sénateur Hays : Dans ce cas, est-ce que les résultats seraient publiés?

Me Wild : Oui, parce que vous citez ici l'article 47 qui précise que toute conclusion tirée par le commissaire dans le rapport prévu à l'article 44 ou 45 est inattaquable. Il n'est pas ici question de rendre le rapport public.

M. Baird : En Ontario, le commissaire à l'éthique n'a pas la capacité d'entreprendre une enquête de son propre chef, contrairement au commissaire fédéral qui peut le faire dès qu'il juge qu'une affaire doit être rendue publique.

Un jour, j'ai gagné une montre de 1 800 $ qui avait été annoncée dans un magazine. Avant même que je ne sois mis au courant que j'avais remporté ce prix, le bureau du commissaire m'a appelé en me disant « vous n'allez pas l'accepter, n'est-ce pas? ». Cela prouve que, du point de vue administratif du moins, la capacité que l'on donne au commissaire d'entreprendre une enquête de son propre chef comporte des avantages palpables. Je n'avais pas demandé d'avis confidentiel à ce sujet, pour savoir si je pouvais accepter la montre et la donner ensuite à une œuvre de bienfaisance, ce que j'ai fait finalement.

Le sénateur Hays : C'est très bien de votre part, monsieur le ministre. Nous ne vous demanderons pas de quelle œuvre de bienfaisance il s'agit.

M. Baird : Il s'agit de l'Hôpital Queensway-Carleton.

Le sénateur Hays : Ai-je raison de croire que, s'agissant de la publication du rapport d'enquête, le traitement est différent selon que le commissaire constate un problème à l'invitation du premier ministre en vertu du paragraphe 43a), que l'enquête est réclamée par un parlementaire ou qu'elle est déclenchée à l'initiative du commissaire.

Me Wild : Encore une fois, le traitement dépend de la nature de l'intervention au départ. Si le commissaire est strictement appelé à transmettre un avis confidentiel et qu'il n'y a pas d'enquête, il n'est pas nécessaire que l'avis soit rendu public. Il est destiné à être confidentiel.

Si, après cette conversation confidentielle, le commissaire a des raisons de croire — parce qu'il n'y a pas de restriction quant à ce qu'il peut estimer — qu'un titulaire de charge publique est en infraction et qu'il veut entreprendre une enquête à ce sujet, il peut le faire en vertu de l'article 45 et les résultats de son enquête sont alors rendus publics.

M. Baird : Je demande régulièrement conseil et avis au Bureau du commissaire à l'éthique. Je juge que c'est important et cela prouve que l'on prend le code au sérieux.

Le sénateur Hays : Je comprends bien. La question que je pose concerne la situation où le premier ministre juge nécessaire de rappeler à un ministre ou à un titulaire de charge publique qu'il peut y avoir un problème et de lui indiquer comment il doit agir.

L'article 47 stipule que le rapport du commissaire est inattaquable. Si je comprends bien, ce rapport ne peut être modifié par personne, mais l'article en question ne renvoie qu'aux articles 44 et 45 pas à l'article 43. Je comprends tout cela dans le cas des avis donnés par le commissaire. Toutefois, dans la situation où c'est le premier ministre qui réclame un avis confidentiel au commissaire en vertu de l'article 43, parce qu'il a des raisons de croire qu'un titulaire de charge publique a contrevenu au code, je ne vois pas exactement pourquoi ce cas de figure ne serait pas protégé de la même façon qu'aux articles 44 et 45.

Me Wild : Dans le cas de l'article 43, il est encore question d'un avis. Peu importe les circonstances dans lesquelles le premier ministre le demande, c'est bien ce dont il s'agit, soit d'une simple consultation sur la façon de régler l'affaire. Si, en fin de compte, le premier ministre décide de faire fi de l'avis qui lui est donné et que le titulaire de la charge publique se trouve en contravention de la loi, le commissaire peut alors décider d'entreprendre une enquête de son propre chef, même si personne ne lui adresse de plainte après avoir pris connaissance de la faute.

Dans ces deux situations, il est question de faire enquête aux termes de l'article 47, parce que la loi fait la différence entre un avis confidentiel demandé au commissaire aux conflits d'intérêts et le rôle d'enquête qui est confié au commissariat.

Le sénateur Hays : Toutefois, un problème pourrait survenir et être traité en vertu de l'article 43, et le commissaire pourrait conclure à un méfait plutôt que de dire « je vous avise de ceci ou de cela en vertu de l'article 43, mais je vais maintenant prendre la chose en délibéré aux termes de l'article 45 ». Comprenez-vous ma question?

M. Baird : Si le commissaire conclut au méfait, il a la possibilité d'entreprendre une enquête de son propre chef. Une plainte pourrait également déclencher une enquête sur-le-champ. Revenons sur l'exemple de la montre, même si le commissaire n'est pas saisi d'une demande, il peut rapidement se rendre compte qu'une intervention est justifiée.

Le sénateur Andreychuk : Je pensais que nous aurions tous la possibilité de poser des questions. Il est difficile d'intervenir à la fin de la liste. Pour mémoire, et histoire de me rassurer, avez-vous déposé un certificat attestant que cette loi est conforme à la Charte des droits et libertés? C'est une question traditionnelle que nous posons à ce comité.

M. Baird : Le procureur général l'a fait, mais c'est subjectif.

Le sénateur Andreychuk : Votre nouveau gouvernement a-t-il modifié la procédure ou est-elle toujours la même?

M. Baird : À ma connaissance, c'est la même.

Le sénateur Andreychuk : J'ai l'impression que l'impression de justice est tout aussi importante pour les Canadiens que la justice elle-même; c'est que j'ai appris à mes dépens devant les tribunaux. Je crois que les gens s'attendent à ce que les parlementaires respectent certaines normes et ils veulent s'assurer que ces normes s'appliquent également à tous les parlementaires.

Je comprends les codes provinciaux et les citoyens ordinaires ont également de la facilité à les comprendre. Ils sont légiférés et dûment administrés. Dans le cas qui nous intéresse, nous avons des codes sur les conflits d'intérêts qui sont auto-administrés en ce sens que c'est la Chambre et le Sénat qui en déterminent le contenu, mais voilà qu'à présent vous avez regroupé deux postes en un seul, et vous avez bien insisté à cet égard. Pourquoi donc n'avez-vous pas franchi une étape de plus pour codifier les conflits d'intérêts comme l'ont fait beaucoup de provinces?

M. Baird : Codifier en quel sens?

Le sénateur Andreychuk : Je veux parler d'imposer le code sur les conflits d'intérêts par voie législative plutôt que de permettre aux sénateurs et aux députés de modifier occasionnellement leurs codes.

M. Baird : Nous avons pris une décision délibérée uniquement en fonction des engagements de celui qui était alors le leader de l'opposition. Avant le déclenchement de l'élection, l'actuel Premier ministre s'était engagé à faire adopter des codes sur les conflits d'intérêts pour la branche exécutive, soit pour les ministres et les secrétaires parlementaires. Nous n'avons jamais eu l'intention de revenir sur les codes du Sénat et de la Chambre.

Comme je le disais en réponse aux remarques du sénateur Joyal, il est possible que dans un des documents d'accompagnement, nous ayons invité les Chambres à envisager d'examiner ou de modifier leurs codes, qu'elles en avaient l'entière liberté et qu'il leur appartenait donc de le faire ou pas. Ce sont les codes des ministres et des secrétaires parlementaires que nous avons inscrits dans la loi. Nous n'avons pas touché aux autres.

Le sénateur Andreychuk : S'agissant de confiance, cela m'amène à penser que ce ne sont pas les codes du Sénat et de la Chambre qui vous ont dérangé, vous-même et les Canadiens, mais plutôt ce qui concerne les ministres et le gouvernement. Je me trompe?

M. Baird : Non.

Le sénateur Andreychuk : Pourquoi faire ne sorte que les ministres relèvent d'un seul commissaire? Vous avez utilisé l'exemple des deux ministres du Sénat en disant qu'il était plus facile et plus efficace qu'un seul commissaire administre les deux codes. Cependant, les autres sénateurs ne sont pas des ministres et nous nous sommes demandé pourquoi l'ancien gouvernement a essayé à quelques reprises de fusionner les deux commissariats. Pourquoi essayez-vous de refaire la même chose?

M. Baird : Nous l'avons fait pour conférer d'avantage de cohérence à l'interprétation des codes et des avis donnés. Comme je le disais, ce n'est pas la première fois que quelqu'un essaie de regrouper les deux commissariats. Il y avait peut-être quelque chose de valable dans la tentative précédente.

Le sénateur Andreychuk : Vous avez vécu cette expérience, mais il demeure que vous êtes tout de même convaincu qu'il est valable de regrouper les deux commissariats.

M. Baird : Nous avons effectivement pris acte de la nécessité d'être cohérents dans les avis donnés et dans l'interprétation des codes, du fait qu'il y a des membres de l'exécutif qui siègent dans les deux Chambres et qu'il fallait donc disposer d'un centre d'expertise. Il ne s'agit pas uniquement du commissaire, mais de toute son équipe.

Le sénateur Andreychuk : Quant à moi, la transparence est aussi importante que les règles. Les citoyens savent ce que fait le gouvernement, ils savent ce que fait le Parlement et ils peuvent juger d'eux-mêmes. Pouvez-vous me dire en quoi cette loi renforce l'accès à l'information et permet aux citoyens de mieux savoir ce que fait le gouvernement, de pouvoir évaluer la situation et de prendre part au dialogue? Parlez-nous davantage de l'accès à l'information.

M. Baird : Nous reprenons dans le projet de loi un certain nombre des fondations mentionnées dans la Loi sur l'accès à l'information. Le gouvernement précédent avait pris des décisions d'ordre financier, comme les gouvernements le font souvent quand ils déclarent des excédents budgétaires en fin d'année qu'ils utilisent pour créer des fondations afin d'assurer le bien public. Compte tenu des contraintes comptables qui sont imposées au gouvernement... par exemple, on investit 1 milliard de dollars dans une fondation qui poursuit des objectifs auxquels personne ne s'objecte. Toutefois, dès l'instant où l'on parle de fondation, les règles comptables exigent non seulement que l'organisme ne soit pas simplement indépendant, mais qu'il échappe à tout contrôle gouvernemental.

Nous espérons contribuer à la transparence en désignant les fondations, les mandataires et les hauts fonctionnaires du Parlement, de même que certaines grandes sociétés d'État. Dans le passé, c'est un ministère qui s'occupait du courrier, tandis qu'aujourd'hui, c'est une société d'État. VIA Rail est un autre exemple.

En comité, nous avons eu une discussion intéressante sur l'accès à l'information. Les membres du comité représentant le gouvernement ont donné leur accord aux amendements proposés par l'opposition qui voulait améliorer l'accès à l'information. Par ailleurs, nous avons déposé auprès d'un autre comité — dont nous attendons l'avis — un avant-projet de loi rédigé par le commissaire à l'information de même qu'un document de discussion.

Le sénateur Andreychuk : Ce projet de loi annonce-t-il d'autres initiatives que le gouvernement compte adopter afin que la population en vienne à avoir pleinement confiance dans un système de responsabilisation moderne?

M. Baird : La pleine confiance est un objectif, c'est la destination que nous voulons atteindre. Ce projet de loi va plus loin que ne l'a jamais envisagé n'importe quel gouvernement ou n'importe quelle Chambre pour renforcer les dispositions existantes. C'est une bonne chose. Nous espérons que le comité proposera d'autres mesures. Le Parlement a rejeté d'autres mesures qui lui avaient été proposées. Nous avons déjà eu l'occasion d'aller plus loin et il faut reconnaître que les députés de l'opposition et ceux du gouvernement ont voté parfois pour, parfois contre. Le texte dont vous êtes saisi aujourd'hui va certainement plus loin que n'importe quelle autre mesure législative proposée par un gouvernement, du moins à ce stade. Et c'est une bonne chose. En cherchant à « retracer les fonds », on travaille aussi dans le sens de la transparence parce qu'il se trouve que, de plus en plus, les gouvernements de toutes les sensibilités politiques ont recours à des organismes extérieurs pour travailler dans le sens du bien public et que la capacité de retracer les flux monétaires favorise la transparence puisque les conclusions du vérificateur général sont publiques.

Le sénateur Zimmer : Comme vous le disiez, il s'agit-là d'une loi très importante et je sais que mes collègues aussi prennent la chose très au sérieux. Pour rejoindre la question que vous a posée le sénateur Ringuette au sujet des contributions politiques que je connais bien, sachez que j'éprouve certaines réserves face à l'abaissement du plafond de 5 000 à 1 000 $. D'après ce qui est dit dans ce texte, le plafond serait réduit de 5 000 à 1 000 $, mais comme il y a deux possibilités, il passe en fait de 5 000 à 2 000 $.

Que vous ont dit les témoins à propos de ce changement et se sont-ils déclarés tout à fait d'accord avec ce genre de réduction du plafond? Comme je le disais, il s'agit d'une baisse importante.

Avant que vous ne répondiez, permettez-moi une remarque ou une mise en garde. J'ai beaucoup fait de campagnes de financement dans ma vie, pas seulement politiques mais aussi à des fins sociales, et je peux vous dire que de nombreuses décisions sont prises en fonction de faits et non de perceptions. Je sais bien que les mots « ouvert, responsable et transparent » sont nobles et qu'ils raisonnent bien. Nous devons tous respecter le code de conduite et je sais que c'est ce que font les membres des deux Chambres, sur la Colline et à l'extérieur.

Cela fait 35 ans que je siège ici, et je demeure étonné par le travail acharné, le dévouement et le professionnalisme de tous mes collègues. Chacun se conforme aux règles de l'ouverture, de la responsabilisation et de la transparence. Attention toutefois, ce sont là des mots que l'on risque de trop et de mal employer pour justifier certaines mesures.

Foncièrement, l'ouverture, la transparence et la responsabilisation sont sans rapport avec la justification des plafonds sur lesquels nous pouvons nous entendre. Comme vous le disiez tout à l'heure, la perception est réalité. Vous pourriez poser la question à chacun de nous dans cette pièce et vous obtiendriez des chiffres différents. Ma question est donc la suivante : les témoins qui ont comparu devant le comité vous ont-ils donné une idée de ce que devraient être ces plafonds? On a, certes, parlé de ce qui se fait dans les provinces, mais le sénateur Campbell a également mentionné que, dans l'esprit des Canadiennes et des Canadiens, la gabegie des ressources humaines s'était chiffrée à 1 milliard de dollars. En réalité, on s'est rendu compte que le retard de sept mois était attribuable au fait que les dossiers n'étaient pas informatisés. Il a donc fallu sept mois pour se rendre compte qu'il manquait en fait 25 000 à 50 000 $ — ce qui est bien sûr inacceptable — tandis que le grand public, lui, croyait qu'il manquait 1 milliard de dollars.

Encore une fois, je vous invite à la prudence quand vous employez des termes comme « ouvert, responsable et transparent », parce que si cela peut nous amener à prendre des mesures souhaitables, j'estime qu'il faut veiller à ce que les chiffres que les plafonds que nous fixerons s'appuient sur des données indiscutables. Je vous répète donc ma question : les témoins se sont-ils résolument prononcés en faveur de ces chiffres?

M. Baird : Je n'ai pas siégé au comité législatif qui a étudié le projet de loi C-2. Il convient de reconnaître que les membres du comité n'ont pas été convaincus par les arguments que nous leur avons présentés pour abaisser le plafond des contributions à 1 000 $. Si je me souviens bien, il avait été proposé d'augmenter le plafond à 3 000 $, mais le comité a rejeté la proposition. Par définition, l'établissement d'un plafond chiffré est arbitraire. On établit bien un âge pour le permis de conduire. Certains pourront estimer que 14 ans, c'est assez vieux et que des jeunes de cet âge peuvent conduire une automobile, tandis que bien des personnes de 37 ans ne sont pas suffisamment mûres pour prendre le volant. Par définition, c'est donc arbitraire.

De nos jours, les Canadiens peuvent ne plus accepter ce qu'ils auraient accepté dans le passé. Le Premier ministre Chrétien avait 30 ans d'expérience, il a occupé presque tous les portefeuilles, il a été élu quand Diefenbaker était Premier ministre et que Kennedy était encore à la Maison Blanche. L'une des dernières décisions de M. Chrétien au sujet de la réforme du financement des partis est le fruit de longues années en politique. En tant qu'observateur, je me suis demandé s'il n'est pas allé trop loin. Cette réforme a suscité beaucoup d'inquiétude. Comme je me présentais pour me faire élire, elle m'a inquiété. Je me suis demandé si j'aillais pouvoir recueillir suffisamment d'argent? Eh bien, au bout du compte, j'en ai obtenu un peu moins mais de beaucoup de partisans, plutôt que beaucoup d'un petit nombre. J'ai fini par adhérer à l'orientation du gouvernement précédent. Je ne l'ai pas fait tout de suite, mais à l'expérience je me suis rendu compte que le principe est bon.

C'était donc un bon début, mais il fallait que nous franchissions le reste de la distance afin de restaurer la confiance du public, surtout celle des syndicats et du milieu des affaires. C'est ce qui a été fait au Manitoba il y a quelques années, et au Québec il y a une génération. Le comité a été saisi d'une modification visant à abaisser le plafond à 2 000 $, mais compte tenu de tout ce qui leur a été dit, les membres du comité ont rejeté l'amendement. En réalité, je crois savoir que près de 99 p. 100 des gens contribuent pour moins de 1 000 $ aux campagnes politiques.

L'autre jour, j'ai répondu à la question qu'un député avait posée à l'un de nos ministres en disant : « Selon vous, comment l'entreprise qui vous a versé une contribution de 25 000 $ lors de votre dernière campagne électorale est-elle perçue? » laissant entendre que l'impression est particulièrement négative. C'est pour cela que nous essayons de faire du nettoyage. La perception est importante, parce que les gens pensent que ce genre de contribution a pour objet de négocier l'oreille des décideurs. Elle entame la confiance du public dans le gouvernement. Constatant que les mesures adoptées par la 37e législature avaient été bonnes, nous nous sommes proposé d'aller plus loin.

Le sénateur Zimmer : Je tiens à indiquer officiellement que je suis d'accord avec le fait qu'on favorise une pluralité de donateurs faisant de plus petites contributions parce que c'est ainsi, selon moi, que l'on bâtit la base d'un parti politique. Je suis certainement d'accord avec la modification proposée. Allez-vous soumettre d'autres amendements dont nous n'aurions pas encore parlé?

M. Baird : Aucun qui me vienne à l'esprit. Le projet de loi a fait l'objet de quelque 200 amendements. Nous avons gagné pour certains et perdu pour d'autres.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Monsieur le ministre, vous avez dit quelque chose qui m'a porté à réfléchir. Vous avez dit : « aucun député à la Chambre des communes n'a osé voter contre ce projet de loi ». Lorsqu'on emploie le terme « oser», cela veut dire qu'on s'aventure sur un terrain glissant et qu'il pourrait y avoir des conséquences.

J'espère que vous n'êtes pas en train de nous dire que si, au Sénat, nous osons apporter des amendements et vous renvoyer le projet de loi, il pourrait y avoir des conséquences. Car j'entrevois clairement qu'il est bien possible que cela se fasse et je serais même prêt, pour ma part, à faire des recommandations. Je voudrais seulement que vous clarifiiez la teneur de votre discours.

M. Baird : Je voudrais dire deux choses. Premièrement, pendant le débat en deuxième lecture du projet de loi, nous avons eu, bien sûr, un fort appui du Parti conservateur, un appui verbal du NPD; nous avons eu des bons commentaires de la part du Bloc québécois. J'étais en Chambre lorsque M. Hawn a fait un discours où il a dit que l'opposition officielle appuyait le projet de loi. Et je sais bien que M. Arthur a appuyé le projet de loi aussi. Je vais continuer en anglais car je veux être très clair.

[Traduction]

Je crois qu'il serait présomptueux de la part d'un député récemment élu au fédéral, qui n'est ministre que depuis cinq mois, de dire à ce comité et aux sénateurs comment ils doivent faire leur travail. Ce n'est pas ce que je fais. Je vous demande d'accélérer l'étude de ce projet de loi et je crois que le Sénat a réagi à cette demande en constituant très vite un comité pour débattre le projet de loi en question, comme je l'ai d'ailleurs reconnu dans mes remarques liminaires. J'ai également constaté, d'après leurs interventions, commentaires et questions, que les membres du comité maîtrisent parfaitement les dossiers. Je sais que les membres de ce comité sénatorial s'acquitteront de leurs responsabilités et feront tout aussi bien leur travail que ceux du comité législatif de l'autre Chambre.

Le sénateur Robichaud : Vous seriez donc prêt à ce que le Sénat vous soumette des amendements.

M. Baird : Un projet de loi qui a recueilli la quasi unanimité de la Chambre a un certain poids dans la balance, mais je ne vous dirai pas comment faire votre travail, sénateurs. Vous êtes ici depuis plus longtemps que moi et je respecte cela. Si vous avez des idées et des suggestions à formuler à propos de ce projet de loi pour l'améliorer, je serai heureux d'en tenir compte.

Le sénateur Robichaud : Nous aurons beaucoup de recommandations à formuler pour améliorer ce projet de loi.

M. Baird : J'espère que vous n'oublierez pas qu'il est l'un des éléments essentiels du programme électoral du gouvernement et que les quatre partis politiques l'ont appuyé à la Chambre des communes à la faveur d'une étude très rapide. Je me permettrai de vous suggérer, bien humblement, qu'il serait sage de tenir compte de ce fait également.

Le sénateur Robichaud : Voilà que vous remettez ça, monsieur le ministre.

Le sénateur Stratton : Mme Cartwright et Me Wild nous ont donné un exposé ce matin. Nous leur avons demandé comment ils en étaient arrivés au chiffre de 1 000 $ pour plafonner les cotisations aux partis politiques. Me Wild a dit que 99 p. 100 des contributions sont inférieures à 1 000 $. Afin de vraiment préciser les montants des contributions faites aux partis politiques, je lui ai reposé la question dans une note. Eh bien, je raccroche à ce sujet compte tenu de la puissance de l'argument voulant que les cotisations soient en moyenne inférieures à 1 000 $ par donateur, et cela pour tous les partis politiques. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas vraiment cela ma question.

Ma question concerne la protection des divulgateurs d'actes répréhensibles. À cet égard, je rejoins la position de l'État du Missouri, parce que je ne pense pas qu'on puisse protéger à la fois les fonctionnaires et les citoyens grâce à des dispositions sur la protection des dénonciateurs; il est possible qu'on y parvienne dans le cas des simples citoyens, mais j'ai des doutes quant aux fonctionnaires.

L'autre Chambre a adopté le projet de loi C-11 avant les dernières élections et voici que le projet de loi C-2 renferme de nouvelles mesures visant à protéger les fonctionnaires. Pensez-vous que ces deux projets de loi permettront effectivement de protéger à la fois les fonctionnaires et les simples citoyens?

M. Baird : Mon secrétaire parlementaire a siégé au Comité permanent des opérations gouvernementales qui a étudié et adopté le projet de loi C-11. Celui-ci a fait l'objet d'importantes modifications à l'étape de l'étude en comité de la Chambre basse. Beaucoup de fonctionnaires ont alors estimé, tout comme moi et d'autres au sein de mon parti, que les mesures résultantes — même si elles étaient bien intentionnées et allaient dans le bon sens — n'étaient pas suffisantes. Tous les changements qui ont été apportés en comité allaient dans le bon sens, mais ils n'étaient pas suffisants non plus. Nous voulons imprimer un changement de culture à l'échelon des cadres et des fonctionnaires des échelons inférieurs afin que ces gens-là ne craignent pas de dénoncer les actes répréhensibles ou de corruption, de même que les actes contraires à l'éthique ou les cas de gaspillage des fonds de l'État, sachant qu'ils seront protégés.

J'ai un parti pris; je représente une circonscription qui compte un grand nombre de fonctionnaires. Les députés représentent différentes parties du pays, et la plupart de mes prédécesseurs qui venaient traditionnellement d'Ottawa ou de Gatineau, ont pris grand soin à protéger cette institution qu'est la fonction publique et nous espérons donc que ces mesures seront synonymes d'un changement de culture. Comme je le disais à propos de l'accès à l'information, ce projet de loi aboutira s'il permet d'empêcher l'apparition de comportements contraires à l'éthique. Si les gens sont conscients qu'il est contraire à la culture de ne pas agir dans le respect de l'éthique, ils y réfléchiront à deux fois avant de commettre un acte illicite.

Le sénateur Stratton : Ma crainte, c'est que la plainte d'un divulgateur soit futile. Comment se protéger contre cela?

M. Baird : C'est effectivement important et nous en sommes conscients. Dans son tout dernier rapport, le commissaire à l'intégrité du secteur public a indiqué qu'il n'y avait eu que trois ou quatre cas d'actes répréhensibles. Cela nous ramène à ce que disait le sénateur Day au début, à savoir que, dans la grande majorité des cas, les gens ne font que de bonnes choses.

Nous avons adopté des mesures pour protéger les réputations. Rien ne sera rendu public si la plainte de « x » contre « y » s'avère frivole ou vexatoire. Nous voulons protéger la réputation de ceux et de celles qui seraient accusés d'actes répréhensibles, advenant que les accusations ne soient pas fondées. Nous sommes conscients de cela. J'ai pris fermement position à ce sujet parce que j'ai estimé, en tant que fervent avocat d'une protection accrue pour les divulgateurs, que j'étais également investi de la responsabilité de protéger ceux et celles qui risquent d'être accusés à tort. La réputation de toute personne est importante, mais c'est encore plus le cas dans la vie publique.

Le sénateur Stratton : Celui qui tire la sonnette d'alarme se fait étiqueter de délateur, même si sa plainte est fondée. C'est à cause de cela que les gens ne veulent pas tirer la sonnette d'alarme et je ne sais pas comment cette loi va permettre de contrer cette perception. Voudriez-vous répondre à cela?

M. Baird : Je ne suis pas en désaccord avec vous. Nous essayons d'imprimer un changement de culture. Le commissaire a le loisir de déterminer s'il entend ou non donner suite à la plainte. La fusillade qui a eu lieu à Toronto en plein jour, devant une centaine de témoins qui n'ont rien vu, montre bien que les gens hésitent à témoigner. Il faut dire qu'après le retour au calme, les gens doivent continuer de vivre dans le même quartier, ce qui n'est pas facile.

Le sénateur Moore : Je vais enchaîner sur la question du sénateur Zimmer au sujet des contributions politiques, surtout dans le cas des sociétés. Le projet de loi stipule que les sociétés ne peuvent contribuer à une campagne politique. Pourquoi devrait-on les empêcher de participer à la vie politique canadienne, au processus démocratique? Beaucoup me l'ont demandé, des administrateurs de société et d'autres; ils voulaient savoir pourquoi vous excluez les compagnies de ce pan de la vie politique?

M. Baird : Les sociétés ne votent pas. Fort de l'expérience qu'il avait acquise à la tête de différents ministères, au sein du gouvernement et dans l'opposition sous quatre premiers ministres, l'ancien Premier ministre Chrétien avait décidé de retirer aux sociétés et aux syndicats la possibilité de contribuer aux partis politiques, ne leur permettant de verser qu'à la caisse des candidats locaux. Là également, M. Chrétien est allé dans le bon sens, mais nous estimons qu'il n'est pas allé assez loin. Voilà pourquoi le projet de loi contient cette disposition. Les sociétés ne votent pas, mais les particuliers oui.

Le sénateur Moore : Qu'en est-il alors des particuliers qui ne votent pas, comme ceux qui ont moins de 18 ans? Devraient-ils être autorisés à contribuer à une campagne politique?

M. Baird : Le projet de loi dont vous êtes saisi n'envisage pas la chose.

Le sénateur Moore : Je sais, mais la situation vient juste de se produire et votre comité n'en a pas traité.

M. Baird : Mais si, le comité en a traité. Un membre du comité, Mme Jennings, députée de Notre-Dame-de- Grâce—Lachine, a proposé un amendement pour fixer l'âge minimum à 14 ans. Pour différentes raisons, le comité a rejeté cette proposition. Il y a eu également des amendements en réaction au récent scandale provoqué par le fait que des jeunes de 11 ans avaient versé des contributions de 5 400 $ à des partis politiques.

Le sénateur Moore : Vous employez un peu à la légère le mot « scandale ». Les règles en vigueur n'empêchent pas ce genre de contribution.

M. Baird : C'est vrai, les règles ne l'empêchent pas.

Le sénateur Moore : Dès lors, ce n'est pas un scandale. C'est peut-être déplacé ou indésirable; je ne le ferais pas cela et sans doute vous non plus.

M. Baird : Il n'est pas nécessaire que quelque chose soit illégal pour que ce soit un scandale.

Le sénateur Moore : Seriez-vous prêt à descendre dans la rue et à accuser quelqu'un de faire quelque chose de déplacé ou d'illégal?

M. Baird : Loin de moi l'idée de laisser entendre qu'il est illégal qu'un jeune de 11 ans verse 5 400 $ à un parti politique. Beaucoup de députés libéraux se sont élevés contre cette pratique et c'est pour cela Mme Jennings a proposé son amendement.

Le sénateur Moore : Moi aussi, je suis scandalisé.

M. Baird : Honnêtement, je ne crois pas que cet incident soit indicatif des valeurs du parti Libéral.

Le sénateur Moore : Je ne le pense pas non plus.

À quel âge pensez-vous qu'on puisse commencer à faire des contributions politiques?

M. Baird : Certains pensent que ce devrait être à l'âge de voter. J'ai été délégué à un congrès à la chefferie quand j'avais 15 ans et j'ai alors voté pour celui qui allait devenir le premier ministre de l'Ontario. Jusqu'ici, j'ai participé à quatre campagnes électorales et je n'ai jamais vraiment entendu parler de ce problème de contribution par des enfants.

Des amendements contradictoires ont été proposés au comité législatif de la Chambre. Je ne m'en suis pas offusqué. Vous devez vous demander combien de jeunes de 11 ans sont en mesure de décider d'eux-mêmes de faire une contribution à un parti politique?

Le sénateur Moore : Je pense que nous sommes tous d'accord avec cela.

M. Baird : C'est là, le fond du problème. Est-ce qu'un jeune de 11 ans est en mesure de décider, de lui-même, de verser 5 400 $ à un parti politique? Je ne connais personne au Canada qui puisse le croire. Je me trompe peut-être, mais je ne connais personne qui accepterait l'idée qu'un jeune de 11 ans est en mesure de prendre ce genre de décision de façon indépendante.

Le sénateur Moore : Je vous demande de me dire à quel âge vous pensez qu'il serait approprié de contribuer à des partis politiques. Vous avez dit que ce serait peut-être à 18 ans. À 18 ans, on est assez vieux pour s'engager dans l'armée et pour voter.

M. Baird : Je n'ai pas à répondre à ce genre de question difficile. Il y a eu des amendements contradictoires. On s'est demandé si les contributions des enfants devaient être déduites du plafond fixé pour les parents et s'il fallait exclure les droits d'adhésion aux partis politiques. Certains partis estiment que les droits d'adhésion des délégués à un congrès sont une contribution. Lors de son dernier congrès, ce n'est pas ce que mon parti a fait. Je ne pense pas qu'on veuille faire quoi que ce soit qui risquerait d'empêcher les gens de participer au processus politique. Beaucoup de jeunes de moins de 18 ans participent effectivement aux activités des partis politiques. Mon parti politique fédéral ne remet pas de reçu aux fins d'impôt et l'argent versé par les membres n'est pas considéré comme une contribution. Toutefois, c'est l'inverse dans mon parti provincial. Cela dépend de la façon dont les partis fonctionnent. Je ne veux certainement pas priver qui que ce soit de ses droits de représentation.

J'ai eu des échanges avec un certain nombre de députés libéraux à cet égard. Devrait-on considérer que les droits de 10 ou de 20 $ versés par des adolescents de 15 ou 16 ans sont des contributions, ou plutôt qu'il s'agit droits d'inscription à une conférence, à un congrès politique ou autre?

Le sénateur Moore : Je trouve que ce projet de loi est déposé à un drôle de moment, à l'approche du prochain congrès à la chefferie du parti Libéral qui a été annoncé avant le dépôt de ce projet de loi. Ne craignez-vous pas que la population ait l'impression que vous modifiez les règles en cours de route, que vous déplacez la cage du gardien après la mise au jeu? Trouvez-vous cela juste?

M. Baird : Les candidats à la nomination ont subi le même sort avant les élections de 2004, puisque de nouvelles règles leur ont été imposées en pleine campagne. Dans ma circonscription, un candidat à l'investiture avait dû appliquer un nouvel ensemble de règles financières en pleine course. Ce n'est donc pas nouveau.

Le sénateur Moore : Dans ce cas toutefois, je ne pense pas que c'était après l'annonce des élections.

M. Baird : L'assemblée de mise en candidature avait été annoncée et la candidature a été contestée. Une partie de la période d'investiture était tombée sous le coup l'ancien régime et une autre partie sous celui du nouveau régime.

Un membre du comité appartenant à l'opposition officielle a proposé un amendement au sujet des contributions par les enfants parce qu'elle estimait qu'il fallait tirer les choses au clair. Je crois qu'elle était animée de bonnes intentions que je ne remets pas en question.

Je tiens à rappeler que le projet de loi est destiné à s'appliquer rétroactivement. En revanche, il ne sera pas nécessaire de retourner l'argent aux personnes ayant versé plus de 1 000 $. Le Parti conservateur ou le candidat à la direction d'un parti n'aura pas à rembourser les contributions de 5 000 $. Je sais, par exemple, que le parti Vert est en pleine course à la direction.

Le sénateur Moore : Que se passe-t-il pour les contributions de 5 400 $, par exemple, versées à des candidats provinciaux dans le cadre d'une campagne provinciale?

M. Baird : Le plafond en question ne s'applique pas dans ce cas. Les contributions provinciales ne sont pas visées par ces dispositions.

Le sénateur Moore : Fort bien, mais les sommes exigées pour la participation à un congrès — dans notre cas, le congrès à la chefferie du Parti libéral du Canada — provoqueront automatiquement un dépassement du plafond.

M. Baird : Je dois vous dire, sénateur, que j'ai déjà entendu cet argument. Jusqu'à la semaine dernière, je ne savais pas combien les délégués doivent payer pour participer à un congrès. Quand j'ai rempli ma déclaration d'impôt, ces derniers temps, je n'ai pas joint de reçu pour participation à un congrès parce qu'on ne m'en a pas donné — en fait, ce n'était pas un congrès à la direction du parti, mais notre assemblée annuelle qui s'est déroulée à Montréal. Absolument personne, à l'étape de la rédaction du projet de loi, n'a parlé de la question des droits versés par les délégués.

Le sénateur Moore : Pour un politicien, c'est naïf et ça m'étonne.

M. Baird : Je n'ai jamais entendu parler d'un droit d'inscription de 995 $ et ce n'est que la semaine dernière que j'en ai eu vent. La question n'a jamais été envisagée sous l'angle des droits versés par les délégués.

Le sénateur Moore : Pour en revenir aux propositions concernant les divulgateurs et aux questions du sénateur Stratton, vous avez dit tout à l'heure que vous aviez l'intention d'imprimer un changement de culture; pourtant, il n'est déjà pas dans la culture de faire des choses illicites. Êtes-vous en train de dire qu'il existe actuellement une culture de l'illicite?M. Baird : Comme le sénateur Day l'indiquait au début, dans toute société il y a des gens — qu'il s'agisse de politiciens, de médecins, de gens d'affaires, de plombiers ou de qui sais-je encore — qui agissent de façon illicite. Même si 99,9 p. 100 des gens ne commettent pas d'infraction criminelle, nous avons un code criminel strict et efficace. On aurait tort de supposer que les comportements illicites ont cours au sein du gouvernement fédéral.

Le sénateur Moore : Donc, vous n'êtes pas en train de dire que la culture actuelle est contraire à l'éthique.

M. Baird : Comme le sénateur Stratton l'a dit, dans le contexte de la culture actuelle, il est difficile, moralement et socialement, de dénoncer les actes répréhensibles.

Le sénateur Moore : Dans ce cas, il ne s'agit alors pas de corriger un comportement, mais de réagir à une situation.

M. Baird : Celui ou celle qui a peur de perdre son emploi change complètement de niveau de raisonnement. Celui qui serait prêt à dénoncer un acte répréhensible, à tirer la sonnette d'alarme et à en assumer les conséquences, y réfléchirait à deux fois en songeant à ses paiements hypothécaires et au coût de l'éducation de ses deux enfants.

Le sénateur Moore : Ce que vous nous dites, c'est qu'il n'existe pas de culture entérinant un comportement qui serait contraire à l'éthique. À moins que vous ne disiez le contraire? Je suis confus.

M. Baird : Le gouvernement aimerait instaurer une culture où toute personne constatant un acte répréhensible n'hésiterait pas à le dénoncer sachant qu'elle ne risquerait pas...

Le sénateur Moore : Vous ne répondez pas à la question.

M. Baird : C'est ma réponse.

Le sénateur Moore : Vous ne répondez pas à ma question, mais c'est la réponse que vous donnez.

M. Baird : Je ne suis pas d'accord avec vous à ce sujet.

Le sénateur Moore : Laissez-moi vous dire une chose. Vous avez dit que cet article du projet de loi est destiné à préciser qu'il est contraire à la culture d'agir de façon illicite. Je vous repose la question : Estimez-vous que la culture actuelle entérine ce qui est illicite? Oui ou non?

M. Baird : J'ai cogné à bien des portes lors de la récente campagne électorale. J'ai rencontré bien des fonctionnaires qui m'ont dit qu'ils auraient peur de dénoncer des actes répréhensibles à cause des conséquences éventuelles qu'ils auraient à subir.

Le sénateur Moore : Vous rendez compte de ce que vous avez entendu, ce n'est pas la même chose que de nous dire si vous pensez, vous-même, que des gens estiment pouvoir profiter du système. Personnellement, je n'ai pas entendu parler de cela. Je ne pense pas que notre fonction publique soit arrivée aussi bas que cela. J'estime qu'elle est beaucoup plus professionnelle que cela et il est insultant de laisser entendre le contraire.

M. Baird : Selon un rapport commandé par le gouvernement précédent, il y a eu bien de bonnes choses de faites, mais il y en a eu aussi des mauvaises. Ce rapport est accessible sur notre site Web. Le rapport de Statistique Canada indique que le moral est bas, et l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada de même que l'Alliance de la fonction publique du Canada sont également d'avis que le moral à la fonction publique est bas. Les fonctionnaires ont souvent l'impression de ne pas représenter grand-chose et je me suis fixé comme grande priorité de rehausser leur moral.

Le sénateur Moore : Nous sommes tous en faveur de cela. C'est votre parti qui est à l'origine de cette expression au goût du jour qu'est « corruption endémique ». Il n'est pas étonnant que les fonctionnaires se sentent opprimés.

Si vous avez le droit de faire de telles déclarations, vous avez aussi la responsabilité d'être précis dans vos propos. Je ne crois pas qu'il règne à la fonction publique une culture de la corruption ou de tout ce qui est contraire à l'éthique. Je suis désolé, mais je ne suis pas d'accord avec vous.

M. Baird : Je n'ai jamais dit que la fonction publique est en proie à la corruption.

Le sénateur Moore : Vous avez dit que c'est à cause de cela que les fonctionnaires se sentent si souvent maltraités. Or, qui ne cesse de le leur rappeler? Moi, je n'ai jamais dit cela.

M. Baird : Si vous vous y arrêtez un instant, vous constaterez que le moral au sein de la fonction publique a été la principale cause des revirements politiques survenus sur la scène locale. Il y a trois ans, un certain parti avait tous les sièges de la région, mais aujourd'hui, il n'en a plus que deux.

Le sénateur Moore : J'ai une autre question à poser, monsieur le président, au sujet de la réputation des personnes accusées, parce que cela me préoccupe beaucoup. Qu'advient-il de la réputation d'un accusé s'il est établi qu'il n'est pas coupable? Il n'y a aucun moyen de faire en sorte que tout cela soit tenu secret, monsieur le ministre.

Si quelqu'un dénonce une personne qui s'avère innocente comment celle-ci pourra-t-elle ensuite blanchir sa réputation au sein de la fonction publique et de la société? Ici, il est simplement dit qu'aucune mesure ne doit être prise contre le divulgateur ou la divulgatrice, mais que dit-on de l'accusé qui s'avère innocent? Que va-t-on faire pour protéger cette personne? Celui ou celle qui sera victime d'une accusation non fondée verra sa réputation ternie pour rien.

M. Baird : Le projet de loi contient toutes les dispositions possibles à cet égard. Nous élargissons l'accès à l'information et nous avons adopté des mesures prévoyant une exemption générale. Je suis d'accord avec vous, sénateur, au sujet des mesures particulières prévoyant une exemption générale relativement à la divulgation d'informations au sujet des personnes ayant été faussement mises en cause. C'est là une responsabilité importante à mes yeux. Quant à la formulation de plaintes non fondées ou mal intentionnées, il sera toujours possible d'en faire, même si le projet de loi C-2 n'est pas adopté et on pourra donc toujours de porter atteinte à des réputations.

Le sénateur Moore : Je ne vois pas de sanction qui viserait à dissuader les gens de porter des accusations non fondées et je ne vois pas non plus qu'il soit question de réintégrer la personne dans le poste qu'elle occupait avant d'être mise en cause.

M. Baird : Vous avez raison d'être préoccupé par cela. Toutefois, selon moi, il n'y a rien dans le projet de loi qui pourrait aggraver la situation par rapport à ce qu'elle est actuellement.

Le sénateur Banks : Ma question est banale par rapport à d'autres, mais elle concerne les approvisionnements. Ce matin, dans l'exposé qu'ils nous ont donné au sujet de ce projet de loi, vos fonctionnaires nous ont indiqué que l'administration des approvisionnements serait désormais fondée sur un ensemble de principes plutôt que sur des règles. Nous leur avons posé la question suivante : n'avons-nous pas affaire à quelque chose d'un peu évasif, en ce sens que quelqu'un pourrait s'être théoriquement conformé à l'ensemble des règles, mais que l'on constate ensuite, à cause de l'application des principes énoncés, que la personne a mal agi? Vos fonctionnaires nous ont répondu que c'était théoriquement possible. Avez-vous envisagé cette possibilité?

Me Wild : Nous en avons effectivement parlé lors de l'exposé et je disais qu'une partie de l'examen de la gestion des marchés et une partie de l'examen de toute la politique visent précisément à déterminer ce qu'il va falloir préciser dans les règles et ce qui pourra simplement faire l'objet de principes. Tout sera une question d'équilibre. En procédant ainsi, nous favoriserons la créativité et l'innovation fondée sur un ensemble de principes sans qu'il soit nécessaire de rédiger une politique de 100 pages précisant dans le menu détail toutes les possibilités envisageables, étant donné les limites que présuppose un système entièrement fondé sur des règles où l'on essaie de prévoir tous les cas de figure.

Ce que je voulais dire, ce matin, c'est que tout est une question d'équilibre, de trouver le bon nombre de règles à adopter et d'instaurer la bonne culture fondée sur des principes, culture qui devra guider les gens dans leurs prises de décisions. En l'espèce, ils seraient en mesure de comprendre les valeurs du gouvernement, ce que représente le fait d'être fonctionnaire et ils sauraient comment prendre une décision en fonction de ces valeurs, mais dans le respect des règles établies. Si les fonctionnaires comprennent, appréhendent et appliquent les valeurs en question, nous parviendrons à réduire le nombre de règles strictes qui s'imposent parce que nous saurons qu'ils sont en mesure de prendre les bonnes décisions.

Le sénateur Banks : Je comprends cela. C'est ce que vous nous avez dit ce matin. Il demeure que le fournisseur et l'acheteur de biens et de services pourraient très bien suivre toute la procédure établie, signer une entente et, à la façon dont je comprends le régime, croire tous deux qu'ils ont agi en conformité avec les règles, lesquelles, on peut le supposer, découlent des principes. Après coup, on pourrait constater qu'ils n'ont pas respecté les principes, même s'ils se sont pliés aux règles établies.

Me Wild : Il y a certainement une nuance que je ne parviens pas à faire passer. En vertu des règlements régissant les ententes commerciales et les marchés publics, il faut appliquer un processus d'appel d'offres ouvert et transparent notamment assorti de critères et de paramètres très clairs devant être précisés d'entrée de jeu quant à la façon dont l'évaluation sera effectuée. Je ne dis pas que cet aspect devra nécessairement changer. En revanche, je parle de ce qui est un peu plus vague, de la façon dont on formule les critères et dont on élabore les moyens d'évaluation. Pour l'instant, la plupart de ces choses sont prescrites sous la forme de règles strictes. Il est possible que, dès le début, au stade de l'élaboration des mécanismes d'administration des approvisionnements — si l'on applique une approche fondée sur des principes et que les gens comprennent le fait qu'ils devront suivre des valeurs plutôt qu'une procédure préétablie, étape par étape, qui est toujours la même sans égard à la valeur du marché — on décide de lancer un appel d'offres ouvert et transparent sans nécessairement suivre les mêmes étapes selon qu'il s'agit d'un contrat d'un million de dollars ou de 100 000 $. Tout cela sera revu à la faveur de l'examen de la politique d'approvisionnement et du travail effectué par le groupe d'analyse qui se penche sur les règles actuelles régissant les marchés publics afin de déterminer comment le gouvernement peut parvenir à obtenir des biens et des services de la meilleure valeur possible auprès du secteur privé sans pour autant faire ployer ce dernier sous une masse de règles contraignantes.

Le sénateur Banks : Eh bien, après tout cela, j'espère ne pas voir surgir le Bonhomme sept heures au pied de mon lit.

Le président : Au nom du comité, je remercie le ministre Baird, Mme Cartwright et Me Wild d'être restés aussi longtemps pour notre première séance sur le projet de loi C-2.

La séance est levée.


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