Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 5 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 5 septembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été déféré le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, se réunit aujourd'hui à 18 heures pour examiner ce projet de loi.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Nous allons maintenant poursuivre notre examen du projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation.
Ce projet de loi est plus connu sous le nom de loi fédérale sur la responsabilité. Je n'apprendrai rien aux sénateurs, aux témoins et aux membres du public, dans cette enceinte et d'un bout à l'autre du Canada, en disant que ce projet de loi représente un élément essentiel du programme du nouveau gouvernement et qu'il compte parmi les plus importantes mesure législatives dont le Parlement ait été saisi au cours des dernières années. Le comité soumettra donc, de toute évidence, ce projet de loi à l'étude poussée, soignée et détaillée qu'il mérite.
Les audiences ont commencé en juin. Cette semaine, le comité se penche sur des aspects plus précis du projet de loi. La responsabilité dans son ensemble, l'éthique et les conflits d'intérêt, de même que le financement politique, comptent parmi les sujets qui seront étudiés cette semaine. Au cours des audiences des prochaines semaines, nous nous saisirons des autres aspects importants du projet de loi.
Ce soir, nous examinerons la question de l'éthique et des conflits d'intérêt. M. Bernard J. Shapiro qui, en mai 2004, est devenu le premier commissaire à l'éthique du Canada, se joindra à nous. La carrière de M. Shapiro, qui comprend notamment de nombreuses années de service au sein de la fonction publique de l'Ontario, en qualité de sous-ministre, est exceptionnelle. En septembre 1999, M. Shapiro a été nommé Officier de l'Ordre du Canada. En 2004, il est devenu Grand Officier de l'Ordre national du Québec.
M. Howard Wilson, ancien conseiller en éthique, une fonction qui a précédé le poste actuel de commissaire à l'éthique, va se joindre à lui. Le bureau du conseiller en éthique, qui relevait directement du premier ministre, était responsable de la gestion du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêt et l'après-mandat. Avant sa nomination au poste de conseiller en éthique, M. Wilson a passé la majeure partie de sa carrière dans le Service extérieur canadien, au pays et à l'étranger, surtout dans le domaine des politiques commerciales.
[Français]
Le comité tient à vous remercier de votre présence. Je vais maintenant vous céder la parole afin de passer ensuite à une période de questions et de discussion qui sera, je sais, très utile pour les membres du comité.
[Traduction]
M. Bernard Shapiro, commissaire à l'éthique, Bureau du commissaire à l'éthique : Honorables sénateurs, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à participer à vos délibérations. Je suis enchanté d'être ici ce soir et je souhaite au comité la meilleure des chances dans ses délibérations sur ce projet de loi. J'ajourerai également que, pour l'examen de la partie consacrée aux conflits d'intérêts de la loi fédérale sur la responsabilité, il est intéressant et peut-être même opportun que le comité soit justement présidé par le sénateur Oliver. En effet, il a été coprésident, de pair avec le Président actuel de la Chambre des communes, du Comité mixte spécial sur un code d'éthique pour le Sénat et la Chambre des communes. Leur rapport, en date de mars 1997, reste à ce jour le paradigme le plus important du régime actuel qui s'applique aux parlementaires en matière d'éthique.
[Français]
Avant de continuer, j'aimerais présenter les fonctionnaires qui m'accompagnent aujourd'hui : M. Stephen Tsang, directeur, Stratégie et politiques; M. André LeVasseur, directeur, Affaires exécutives et Mme Micheline Rondeau-Parent, directrice, Relations parlementaires et communications.
Mes commentaires sur le projet de loi C-2 porteront entièrement sur la partie 1 du projet de loi, la Loi sur les conflits d'intérêt, qui traite du nouveau poste de commissaire aux conflits d'intérêt et de l'éthique.
[Traduction]
Sous sa forme actuelle, de bien des façons, le projet de loi renforce le rôle et élargit le mandat du futur commissaire, notamment en intégrant le code du Sénat à l'ensemble de ses mandats, en élargissant la clientèle des titulaires de charge publique en incluant 2 400 titulaires de charge à temps partiel nommés par le gouverneur en conseil aux pouvoirs d'enquête du nouveau commissaire, en élargissant les pouvoirs d'enquête du commissaire pour qu'ils englobent les titulaires actuels et les anciens titulaires d'une charge publique et en donnant au commissaire le pouvoir d'émettre des avis d'infraction et d'imposer des sanctions.
Je suis également heureux de constater que certaines des propositions du projet de loi tiennent compte de préoccupations que j'avais exprimées et de recommandations que j'avais formulées à la Chambre des communes antérieurement, notamment en ce qui concerne la disposition prévoyant un examen aux cinq ans. À mon avis, cette disposition est devenue encore plus importante, simplement en raison du grand nombre d'éventualités imprévues, de variables, que nous ne pouvons connaître avant l'entrée en vigueur de la loi. J'avais par exemple recommandé que tous les cas de récusation ministérielle à l'égard des séances du Cabinet soient consignés dans un registre public en temps opportun et qu'on adopte un mécanisme grâce auquel les parlementaires pourraient renvoyer au commissaire des demandes d'enquête venant du public.
[Français]
Toutefois, j'éprouve certaines inquiétudes quant à la démarche globale du projet de loi. J'en ai déjà parlé au comité de la Chambre des communes qui examine le projet de loi, mais je vais les répéter aujourd'hui parce que je les juge importantes.
[Traduction]
Ce qui est le plus important, c'est que le projet de loi proposé représente un virage fondamental pour le régime fédéral de gestion des conflits d'intérêts pour les titulaires de charge publique, comme je l'ai moi-même mentionné. En effet, il ne serait plus axé sur des valeurs fondées sur des principes, mais il serait plutôt axé sur des règles inscrites en droit. D'une certaine façon, le Régime serait renforcé par la création d'un cadre plus étroit peut-être, mais en même temps plus solide. Il entraînerait toutefois un certain nombre d'incidences potentiellement problématiques. J'en mentionnerai deux en particulier.
Premièrement, la mesure législative proposée ne contient aucun préambule ni aucun principe qui permettraient d'évaluer le comportement éthique, comme c'est le cas dans les trois codes actuels. Le projet de loi ne prévoit par exemple aucune exigence concernant le maintien et la promotion de l'objectivité et de l'impartialité du gouvernement au moment de prendre des décisions dans l'intérêt public, ainsi que la nécessité d'éviter d'accorder un traitement préférentiel à une personne en particulier.
Si je pouvais, je recommanderais un préambule définissant les principes en matière d'éthique — pas nécessairement ceux qui sont appliqués actuellement, car ceux-ci pourraient être modifiés et réorganisés de différentes façons — auxquels pourrait se fier le commissaire. Il n'existe aucun ensemble de règles, aussi complet puisse-t-il être, qui puisse prévoir toutes les éventualités. En dernière analyse, l'éthique est davantage une question de jugement que de règles.
À défaut, le Sénat pourrait donc envisager de remplacer le titre de commissaire par celui de commissaire aux conflits d'intérêts. Ainsi, tous les Canadiens pourraient comprendre le rôle prépondérant bien que limité du bureau. L'éthique est une notion beaucoup plus large que celle des conflits d'intérêts. Lorsqu'on veut s'occuper exclusivement des conflits d'intérêts, il faut le dire explicitement. Autrement, je crois que cela porte simplement à confusion.
Deuxièmement, bien que le projet de loi énonce pour la première fois une définition des conflits d'intérêts, il ne contient aucune mention explicite des conflits d'intérêts apparents ou potentiels. Si la mesure législative proposée n'a d'autre but que de faire en sorte que le commissaire ne s'occupe que des situations de conflits d'intérêts réels, le libellé actuel du projet de loi est probablement approprié. Autrement, il pourrait être source d'ambigüité quant au rôle exact du commissaire.
J'ajouterai que certaines améliorations de détail pourraient encore être apportées au projet de loi. Il y a encore plus de questions secondaires, mais je n'en soulèverai que quelques-unes. Il serait par exemple possible d'envisager l'ajout de certaines précisions à l'intention des parlementaires qui sont également titulaires de charge publique au sujet de leurs interventions en tant que députés représentant leurs électeurs, d'une définition plus précise de la notion d'amitié, d'un resserrement de l'admissibilité des activités politiques par les titulaires de charge publique et de la nécessité de déclarer les voyages effectués à bord d'aéronefs non-commerciaux, nolisés ou privés par les conseillers et les fonctionnaires ministériels, des mesures d'autodiscipline — y compris des déclarations publiques, notamment en ce qui concerne la récusation dans les débats et la déclaration publique de conformité, ainsi que des sanctions pour toute violation des règles relatives à l'après-mandat. Ces questions ne sont pas aussi importantes que celles, d'ordre plus général, que j'ai soulevées dès le début, mais elles méritent d'être prises en considération.
Pour un aperçu plus détaillé de ces questions, je suggère aux honorables sénateurs de se reporter à mon témoignage du 16 mai 2006, numéro 008. De plus, j'ai déjà présenté au comité de la Chambre des communes des propositions et des observations complémentaires au sujet du projet de loi C-2, relativement aux conflits d'intérêts et au code d'après-mandat pour les titulaires de charge publique. À titre d'information, j'ai déposé des exemplaires de ce document auprès du greffier du comité.
Je parlerai maintenant de la question de la gestion des codes distincts régissant les conflits d'intérêts des sénateurs et ceux des députés dans le cadre de la structure unifiée qui est proposée dans le projet de loi pour le nouveau bureau du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. Nous sommes tous très conscients des préoccupations et des débats du passé relativement à cette question et à la question connexe de l'indépendance du Sénat, telles présentées pendant l'examen parlementaire du projet de loi actuel. Les intervenants sont encore, dans bien des cas, les mêmes qu'à l'époque. Je ne crois pas qu'il y ait eu un énorme changement d'opinion sur cette question depuis et je ne ferai aucune remarque sur sa constitutionalité, bien qu'il soit important d'en tenir compte. Je ne veux pas dire qu'il faut mettre cet aspect de côté, mais je ne suis pas un constitutionnaliste et je ne voudrais rien dire que je ne sois pas en mesure d'étayer. Je ne pourrais donc pas expliquer avec certitude pourquoi ce serait le cas.
Je ferai cependant remarquer qu'en vertu du projet de loi proposé, les deux Chambres du Parlement conserveraient et contrôleraient intégralement leurs propres codes et aucun de ces deux codes ne pourrait être modifié ou consacré par une mesure législative. En ce qui concerne la pertinence du modèle administratif proposé dans le projet de loi, soit une administration unifiée pour tous les parlementaires et titulaires de charge publique, on peut facilement imaginer la valeur de cette approche. Après tout, ces trois codes ont beaucoup en commun. De plus, un bureau unique pourrait beaucoup mieux capitaliser non seulement sur des gains potentiels d'efficience administrative, mais également sur les synergies politiques et procédurales qui résulteraient des contacts permanents entre les personnes qui travailleraient pour le bureau dans ces domaines différents.
D'autre part, les gains d'efficience administrative et les synergies politiques ne sont pas les seuls mérites qui doivent être considérés. Il n'est pas seulement question d'arguments constitutionnels. On pourrait avancer toutes sortes d'arguments en faveur non seulement du statu quo — une administration pour tous —, mais aussi de l'existence de trois administrations plutôt que d'une ou deux, soit une pour chaque Chambre du Parlement et une autre pour les titulaires de charge publique. Les gains d'efficacité et les synergies que j'ai mentionnées seraient ainsi réduits, mais la confiance de chaque groupe pourrait augmenter du fait qu'il posséderait son arrangement spécial. Par exemple, le sentiment d'identité pourrait être accru par le sentiment qu'un code nous appartient et qu'il ne nous est pas imposé.
C'est bien entendu à vous de décider et le choix que vous ferez dépendra en fin de compte des valeurs que vous souhaitez promouvoir. C'est une chose de parler de synergies et de gains d'efficacité. Si d'autre part vous discutez de questions constitutionnelles ou d'autres types de questions d'identité, c'est une tout autre question et vous arriverez à des conclusions très différentes.
De mon point de vue, pour ce qui est de la gestion pragmatique d'un tel bureau ou de la gestion des arrangements actuels ou de ceux qui seraient susceptibles d'être proposés, il est très difficile de s'embarrasser de scrupules d'ordre administratif. Avec la volonté nécessaire, tout peut fonctionner. Sinon, rien ne fonctionne. Vous devez discuter de cette question entre vous et la régler au mieux de votre compétence.
[Français]
En terminant, je tiens à rappeler aux membres du comité que la mise en application du projet de loi entraînera des conséquences importantes sur les ressources. En effet, les mesures législatives prévoient une clientèle élargie en général en plus de présentations de rapports et de surveillance pendant et après le mandat; un registre public élargi et la gestion des pénalités; davantage de personnel, particulièrement dans les domaines comme les services juridiques; la conduite d'enquêtes; la technologie de l'information, et cetera.
[Traduction]
Certaines de ces choses sont très faciles à gérer et on peut imaginer les mettre en œuvre sans trop d'histoires une fois que la loi, sous une forme ou une autre, a été adoptée. D'autres, selon moi, prendraient davantage de temps. Pas nécessairement beaucoup plus de ressources, mais simplement davantage de temps. Par exemple, je suis heureux de noter que, dans les arrangements budgétaires actuels, le gouvernement a prévu la nécessité d'allouer des ressources supplémentaires pour le bureau proposé. Ces ressources sont déjà disponibles et c'est déjà un pas en avant.
D'autre part, il ne s'agit pas simplement d'une question d'argent. C'est aussi une question de préparation adéquate. La difficulté que nous avons éprouvée la dernière fois — et je dois dire que j'ai une grande expérience à ce chapitre — c'est qu'il fallait appliquer la loi la journée de son adoption et que rien n'avait été fait au préalable, non pas parce que les intéressés ignoraient qu'il fallait une préparation, mais simplement parce que personne ne s'attendait à ce que la loi soit adoptée à ce moment précis ou au cours de cette session, sans autre forme de préparation. En examinant la loi, il est important de prévoir le temps qui sera nécessaire pour la planification et la préparation, de façon à ce qu'elle puisse entrer en vigueur comme il convient, et de s'assurer, dans la mesure du possible, que sa mise en œuvre sera couronnée de succès.
Encore une fois, tout dépend des parties de la loi dont il est question. Par exemple, la loi ne contient aucune disposition relative aux sanctions. Cela prend du temps. Pour finalement y arriver, il faut passer par des règlements et des procédures. Il faut davantage de temps que pour certains autres types de procédures. En nous préparant pour l'avenir, il vaut la peine d'y réfléchir.
Je cède la parole à mon collègue, Howard Wilson. Lorsqu'il aura terminé son exposé, mon personnel et moi-même nous ferons un plaisir de répondre aux questions.
Le président : Je vous remercie de ce résumé approfondi des dispositions du projet de loi C-2 relatives aux conflits d'intérêts.
Monsieur Wilson, je vous prie maintenant de faire votre exposé. Une fois que vous aurez terminé, les honorables sénateurs vous poseront des questions à tous les deux.
Howard R. Wilson, ancien conseiller à l'éthique, témoignage à titre personnel : Je vous remercie beaucoup. Je suis ravi d'être ici. Ce fut pour moi un plaisir de recevoir votre invitation, qui m'a donné l'occasion de refaire le bilan de certaines questions dont je me suis occupé pendant la majeure partie des années 1990 et au début de l'an 2000.
Je vais parler des grandes lignes de la question des conflits d'intérêts et du lobbying. En outre, compte tenu de ce que ce que nous venons d'entendre sur l'officier comptable, je ferai un bref commentaire sur la question, ce qui pourra être utile aux honorables sénateurs.
Au sujet des conflits d'intérêts, M. Shapiro a justement démontré que le régime proposé fera essentiellement changer les choses. Il a été présumé que ce régime resserrerait les mécanismes existants et que nous disposerions ainsi d'un régime amélioré en matière de conflits d'intérêts, un régime plus précis, plus décisif, que celui qui existe essentiellement depuis le milieu des années 1980. À mon avis, même si cela peut sembler contraire à la logique, je maintiens que, dans ce domaine, un code est beaucoup plus efficace qu'une loi. Bien entendu, il y a toujours une place pour les mesures législatives, mais ce code va beaucoup plus loin que les simples obligations légales qui sont actuellement imposées aux titulaires de charge publique.
M. Shapiro a démontré qu'il s'agit d'une méthode d'approche basée sur les principes et que c'étaient les principes mêmes qui, à mon époque, ont donné forme au code original, car ils représentaient une occasion de déterminer avec clarté les obligations auxquelles devaient se conformer les titulaires de charge publique pour continuer d'exercer leurs fonctions. Trois principes en particulier permettent de démontrer ce point. Le premier, c'est que les titulaires de charge publique doivent agir avec honnêteté et se conformer aux normes éthiques les plus exigeantes, de façon à conserver la confiance que place le public dans l'objectivité et l'impartialité du gouvernement. Le code exprime très clairement ce que le gouvernement attend des titulaires de charge publique.
Deuxièmement, les titulaires de charge publique ont l'obligation de s'acquitter de leurs tâches officielles et d'organiser leurs affaires privées de façon à être en mesure de subir avec succès l'examen public le plus strict, une obligation dont on ne s'acquitte pas simplement en réglant ses actes selon la lettre de la loi. Autrement dit, il a été reconnu que les Canadiens s'attendent au respect de normes plus élevées par ceux qui les gouvernent.
Enfin, dès leur nomination, les titulaires de charge publique doivent organiser leurs affaires personnelles de manière à éviter les conflits d'intérêts réels, potentiels ou apparents. Il s'agit essentiellement des apparences de conflit d'intérêts, ce qui est la réalité. Je ne pense pas que le libellé de la mesure législative proposée, selon la lecture que j'en fais, tienne compte de cet aspect. Le projet de loi ne tient pas compte de la réalité politique selon laquelle l'apparence de conflit d'intérêts, qu'elle soit fondée ou non, est une question dont tous les politiciens doivent se préoccuper. C'est la reconnaissance de cet aspect qui fait la grande force du code régissant la conduite des titulaires de charge publique.
Nous disposions d'un ensemble de principes que nous sommes en train de délaisser, dont ont été dérivées des règles limitées dont le but était de dissuader les conflits d'intérêts et de déterminer ce qui est acceptable ou non, notamment les cadeaux. D'un point de vue plus large découlant de mon expérience, un code a beaucoup plus de force et d'impact qu'une législation qui, par définition, finit par être limitée.
La Cour suprême du Canada a rendu une décision intéressante à la mi-juillet. En plein été, cette affaire a été très peu médiatisée.
Je veux parler de l'affaire R. c. Boulanger, relative à un cas d'abus de confiance. La Cour suprême du Canada a donc rendu un jugement unanime rédigé par le juge en chef. L'affaire en question n'était pas importante en soi. Elle impliquait un chef de police de la banlieue de Québec. La cour voulait établir des règles très précises sur l'application de l'article 122 du Code criminel, relatif aux abus de confiance. Elle a resserré ces règles considérablement. Par voie de conséquence, il est devenu beaucoup plus difficile pour les procureurs d'obtenir une condamnation. La cour a noté que presque tous les titulaires de charge publique sont également soumis aux codes d'éthique et aux codes régissant les conflits d'intérêts, dont les dispositions stipulent de sévères sanctions disciplinaires. Autrement dit, en resserrant l'application du code, elle a reconnu implicitement, sinon explicitement, que les codes de d'éthique ne sont pas des instruments inférieurs lorsqu'il s'agit d'atteindre des objectifs publics.
Enfin, en exprimant des réserves quant à la transformation du code relatif aux conflits d'intérêts en loi, je ne voudrais surtout pas donner l'impression que je parle des pouvoirs du commissaire. Les dispositions prévues dans la législation devraient être préservées. Je veux parler des dispositions du code. Si celles-ci restent dans le code, plutôt que d'être intégrées à la législation, elles continueront de jouer un rôle que la plupart des premiers ministre, à mon avis, ont trouvé très utile. Plus précisément, après une élection, le premier ministre a l'occasion de promulguer une nouvelle version du code qui doit s'appliquer aux titulaires de charge publique, notamment aux membres de l'exécutif dont, finalement, il est lui-même responsable. C'est un rappel utile du fait que ce code est le sien et qu'il l'avalise.
Il y a trois petites dispositions sur lesquelles je me permettrai de revenir. En lisant les articles relatifs aux conflits d'intérêts — par inadvertance peut-être — les dispositions concernant les cadeaux sont assouplies par l'exemption relative aux cadeaux provenant d'amis. Selon le code actuel, il doit s'agir d'amis intimes. Le code original de 1985 parlait d'amis personnels, mais cela n'était pas suffisant. Comme je fréquente les politiciens depuis longtemps, sauf tout le respect que je leur dois, je suis bien placé pour savoir qu'ils ont un grand nombre d'amis personnels. Il était intéressant de lire le texte proposé. Je ne sais pas pourquoi les auteurs du projet de loi n'ont pas utilisé le libellé existant, bien qu'ils aient en général repris systématiquement le libellé du code existant. C'était là mon premier point.
En ce qui concerne le désaisissement, il est proposé d'interdire l'accord de gestion sans droit de regard. Je suis un peu préoccupé, car cela pourrait simplement être un malentendu sur le problème que nous voulions régler avec un accord de gestion sans droit de regard. Auparavant, il s'agissait toujours d'une fiducie sans droit de regard, mais une fiducie sans droit de regard n'est pas pertinente dans le cas d'intérêts personnels. Lorsqu'il s'agit d'une entreprise privée et que les intérêts ne sont pas échangeables, le recours à une fiducie sans droit de regard équivaut à une pure fiction, une situation où l'on ne sait pas vraiment où se situent ses propres intérêts. Nous avons donc inventé l'idée d'un accord de fiducie sans droit de regard pour reconnaître qu'il puisse s'agir d'intérêts personnels qu'il est impossible de gérer soi-même, mais pour lesquels une récusation est nécessaire. Je ne sais pas trop pour quelle raison les auteurs n'en auraient pas tenu compte, mais je peux deviner. On a sérieusement tenté, pendant les années 1990, de prendre les mesures nécessaires pour gérer concrètement les différents types d'accord commerciaux.
Mon dernier point, en ce qui concerne les conflits d'intérêts concerne la proposition selon laquelle le commissaire doit être un ancien juge ou un membre d'un tribunal quasi judiciaire. Je n'ai aucun intérêt personnel à ce chapitre, mais j'aurais personnellement été exclu du fait que je venais du domaine de l'économie et des politiques commerciales. Je ne sais crois pas, compte tenu des subtilités de la question, qu'il y ait un avantage quelconque à vouloir imposer des limites dans ce domaine. Je pense que M. Shapiro a démontré toute l'étendue des questions éthiques. S'efforcer de régler une question qui n'est pas définie clairement par la législation et tenter de l'analyser en vue de parvenir à une conclusion, ce n'est pas appliquer la loi. C'est plutôt tenter d'arriver à une conclusion qui a du sens aux yeux du public et qui protège l'intérêt public. Je ne suis loin d'être persuadé que cela soit nécessaire. Mes collègues provinciaux venaient de divers milieux. Certains étaient des avocats, d'autres étaient d'anciens juges et d'autres encore, comme moi et certains autres, venaient de milieux complètement différents. À mon avis, compte tenu des questions à examiner, il est essentiel de posséder une bonne connaissance des rouages du gouvernement.
Brièvement, j'ajouterai qu'en ce qui concerne le lobbying, la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes n'a pas été une législation négligée. Elle a d'abord été déposée en 1988. Ensuite, juste avant les élections de 1993, tous les partis se sont entendus à l'unanimité pour l'amender en profondeur. C'est arrivé en 1995 et cela a eu pour effet d'accroître substantiellement la quantité d'information disponible et diffusée sous forme électronique. La loi a de nouveau été modifiée en 2003. Dans les deux cas, la mesure législative a été renvoyée à un comité de la Chambre des communes avant la deuxième lecture, ce qui donnait aux membres du comité une chance unique de modifier le projet de loi. Ils en ont profité.
L'année 2003 a été une réussite. En effet nous avons eu l'occasion d'appliquer effectivement la loi. La façon dont le texte était libellé à l'origine a amené les procureurs à penser qu'ils ne pourraient jamais obtenir une condamnation à moins que la personne concernée ne se soit donné la peine de s'enregistrer comme lobbyiste. On entendait par activité de lobbying toute communication faite dans le but d'exercer une influence. Dans le premier cas, les procureurs du Québec ont conclu qu'il était trop difficile d'en faire la preuve et ont choisi de ne pas intenter de poursuites. Nous avons alors emprunté à la pratique américaine, selon laquelle le lobbying est simplement une communication avec un responsable public au sujet des divers objectifs visés. C'est donc un texte substantiellement renforcé.
Ils a été proposé d'interdire les paiements conditionnels. Ce débat a eu lieu en 1995. Le juge a déclaré que cela ne relevait pas de l'autorité constitutionnelle du gouvernement fédéral, que les contrats étaient essentiellement de compétence provinciale, que nous pourrions en fait contrôler les conditions des contrats octroyés par le gouvernement fédéral, ou les subventions qui pouvaient être accordées, mais dans ce champ restreint seulement. Je dois donc comprendre que la position du juge a changé.
Les cinq années d'exclusion des titulaires de charge publique importante représentent une mesure plutôt sévère qui ne correspond pas aux objectifs présumés de la législation.
Enfin, la question de la mention des titulaires de charge publique importante qui ont été contactés, ainsi que des détails connexes, ont été débattus en profondeur auparavant, en 1995 et en 2002-2003. Dans les deux cas, il a été conclu que cette information n'était pas nécessaire. J'ai rédigé une communication pour l'OCDE en 2005, puis une autre au début de 2006. J'ai démontré notamment, en me basant sur la pratique qui a cours dans les pays de l'OCDE en matière de lobbisme, qu'il est utile de disposer d'un peu d'information, mais que c'est encore mieux d'en avoir beaucoup. C'est presque une pulsion. Chaque fois que nous revenons sur cette mesure législative, nous insistons pour y ajouter de nouveaux détails qui doivent être divulgués. J'ai toujours trouvé un argument très convaincant le fait de dire qu'il n'était pas nécessaire de divulguer des informations autres que de quel ministère, de quelles questions et de quel client il s'agissait. Ainsi, la population pourrait parler de transparence.
Enfin, en ce qui concerne l'officier comptable, j'ai suivi la discussion. Au milieu des années 1990, alors que j'étais à Londres, j'ai rencontré le secrétaire du Cabinet de l'époque, sir Robin Butler, qui est maintenant devenu lord Butler. Il voulait discuter des mesures que nous avions prises au sujet des ministres. Ils avaient eux-mêmes certains problèmes. Je lui ai posé une question au sujet des officiers comptables. Je lui ai demandé de me faire part de leur expérience, compte tenu du fait que leurs administrateurs généraux, l'équivalent des sous-ministres, étaient présentés comme des officiers comptables.
Il m'a répondu très positivement, car cette mesure est appliquée depuis longtemps au Royaume-Uni. Il a précisé qu'elle permet d'éclaircir la relation entre les responsabilités politiques du ministre et les responsabilités administratives du sous-ministre. Il a mentionné que, lorsque le ministre insiste, on peut écrire une lettre au sous-ministre. Les médias ont laissé entendre que cela représentait une possibilité de un conflit entre le ministre et le sous-ministre. Lord Butler a dit que cela s'était effectivement produit, mais très rarement, et sans entraîner de conséquences fâcheuses.
De temps en temps, j'ai pu observer la distinction plutôt floue entre les responsabilités du sous-ministre et celles du ministre, avec un peu trop d'empiètement sur une ligne de démarcation qui aurait pu être mieux définie. Je suis très favorable à cette idée. Je ne peux rien trouver dans l'expérience britannique, sur plusieurs années, qui m'amènerait à penser que cette procédure serait la source de tous les risques que certains d'entre vous ont évoqués.
Le président : J'ai moi-même eu l'occasion de rencontrer M. Butler à Londres il y a un an et nous avons eu une discussion semblable. Il s'est montré très ouvert au sujet de son expérience personnelle. Je comptais laisser le porte-parole de l'opposition, le sénateur Day, poser les premières questions, mais il a demandé à ce que ce soit le sénateur Joyal, un expert dans le domaine, qui s'en charge.
Le sénateur Joyal : Je dois avouer d'emblée que je suis moi-même en situation de conflit d'intérêts aujourd'hui, car j'assume la présidence du Comité sénatorial permanent sur les conflits d'intérêts des sénateurs.
Cela étant dit, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à nos deux témoins. Monsieur Wilson, nous avons eu l'occasion de vous entendre parler des précurseurs du projet de loi C-2, notamment les projets de loi C-34 et C-4. Je suis persuadé que M. Shapiro a profité des discussions et du débat qui ont eu lieu au Sénat au moment de la proposition initiale de fusionner les deux responsabilités.
L'argument avancé au Sénat et accepté à l'unanimité était basé sur la façon dont l'indépendance et l'autonomie des deux Chambres était nécessaire pour préserver les contrepouvoirs exercés par une Chambre sur l'autre et sur le fait que l'exercice de la fonction disciplinaire, qui est intrinsèque aux privilèges de chaque Chambre, doive être préservé.
Nous pouvons étudier les systèmes parlementaires à l'étranger pour apprendre le fonctionnement de leurs systèmes bicaméraux. Nous pouvons ainsi constater qu'ils ont appliqué les mêmes principes que ceux du système de Westminster. Que ce soit en Australie, à Westminster ou aux États-Unis, chaque Chambre conserve son autonomie. Cela ne signifie pas qu'il ne doive pas y avoir de règles, de principes ou même un mécanisme d'application. Ce principe signifie que chaque Chambre doit s'acquitter de son devoir constitutionnel et faire en sorte que la fonction disciplinaire reste sous le contrôle de son mandat.
Malgré la façon dont vous avez été traité à l'autre endroit et comment vous êtes devenu un ballon politique — un partisan — ne porte pas le comité à conclure à ce stade que nous devrions consentir à une fusion sous la même rubrique. Nous avons constaté que l'éthique est devenue un outil politique qui va maintenant bien au-delà de ce que l'intention originale de ce projet devait inclure et mettre en œuvre.
À moins que vous n'apportiez d'autres arguments que la synergie et les économies d'échelle au comité, celui-ci ne trouverait aucun avantage concret à une fusion des deux positions sous la même rubrique pour la raison qu'une Chambre serait à la merci de l'autre du point de vue du statut du commissaire.
Qu'arriverait-il si une motion était adoptée dans l'autre endroit qui demanderait votre démission ou votre remplacement? Cela voudrait dire que la confiance investie en vous par l'autre Chambre pourrait faire l'objet d'une motion alors qu'en fait cette Chambre pourrait être totalement satisfaite du professionnalisme, de l'objectivité et de la neutralité avec lesquels le mandat serait exécuté.
À la lumière des observations que nous avons formulées ces deux dernières années au sujet d'un haut fonctionnaire mandataire qui est censé être au-dessus de tout soupçon, la fusion des deux postes aurait de nombreuses incidences. La vérificatrice générale est traitée avec le plus grand des respects, au-dessus de toute mêlée politique, et elle porte la confiance des Canadiens. Pourtant, vous, un haut fonctionnaire du Parlement, vous n'avez pas été traité de la même façon. Il s'agit d'un poste unique en son genre, car je ne connais pas d'exemple d'un haut fonctionnaire du Parlement qui fasse l'objet de telles allégations partisanes.
Nous ne sommes donc pas tentés, au vu de l'expérience, d'arriver à la conclusion que le projet de loi est bien libellé et de revenir à la situation que nous avons analysée en premier lieu. Accepteriez-vous de commenter cet état de fait?
M. Shapiro : Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, je n'ai pas de nouveaux éléments de sagesse à avancer à propos de cette question. Je comprends bien ce que vous avez dit et ce que vous avez à l'esprit — j'ai pris connaissance de tout cela dans les débats précédents — et je ne m'y oppose pas dut tout. Si telle est la volonté du Sénat, il doit agir en ce sens et proposer un projet de loi qui, à son avis, sera approprié dans le contexte.
À n'en pas douter, je ne vais pas aborder ce soir le point de savoir quoi a fait à qui et pourquoi, parce que cela n'est pas approprié et je ne voudrais pas que cette question dégénère en querelle de personnes. Le danger qui se présente dans tous ces domaines liés à l'éthique tient au fait que contrairement à la plupart des autres hauts fonctionnaires du Parlement auxquels vous faites allusion, comme la vérificatrice générale, il s'agit de carrières de politiciens pris un par un. Il ne s'agit pas seulement de déterminer où des erreurs ont été commises dans la fonction publique, ce qui ne présente jamais de dangers, pour ainsi dire. Si cela est efficace, cela va nécessairement susciter beaucoup de controverse, qui en deviendra de ce fait nuisible. Il est facile de personnaliser cette fonction, si son titulaire le souhaite. Cela pourrait se produire, qu'il existe, un, deux, trois ou quatre régimes. J'ai longuement réfléchi à l'idée voulant, que peut-être, les gens se sentiraient plus à l'aise s'il existait trois de ces hauts fonctionnaires, un pour chacune des chambres du Parlement et un pour les titulaires d'une charge publique, ce à quoi je n'ai aucune objection. Les arrangements se définissent en fonction de ce qui convient aux gens qui créent ces postes. Ces arrangements servent-ils l'intérêt public à longue échéance? On ne peut le savoir à l'avance.
Je ne peux me laisser aller à un débordement d'enthousiasme pour le choix qui sera fait. Certes, je reconnais la force de votre argument, sénateur, mais je n'ai pas d'idées nouvelles à cet égard.
Le sénateur Joyal : Monsieur Wilson, à la lumière de votre expérience, pouvez-vous nous donner vos observations?
M. Wilson : Le point de savoir combien nous devrions avoir de commissaires a fait l'objet d'un énorme débat interne au sein du gouvernement, deux fortes argumentations étant avancées pour deux — un pour le Parlement, un pour les titulaires de charges publiques. Puis, on a parlé de trois. Il est maintenant question d'un régime en vertu duquel le Sénat a son propre haut fonctionnaire et il y en aurait un autre qui aurait compétence à la fois pour la Chambre des communes et des titulaires de charges publiques.
Je connais les opérations au Sénat parce que, de temps en temps, Jean Fournier a fait appel à moi pour que je donne mon avis sur des questions à propos desquelles je puis avoir de l'expérience. J'ai l'impression que le régime donne d'assez bons résultats en ce qui concerne les sénateurs.
La troisième solution pour laquelle j'exprimerais une préférence personnelle à la lumière de l'expérience, c'est probablement trois — un pour la Chambre des communes, pour des raisons qui ressemblent assez à l'idée d'un poste pour le Sénat, et un pour les titulaires de charges publiques.
Le motif pour lequel je formule cette position, c'est que la tâche à accomplir est énorme et qu'elle va devenir encore plus lourde, avec de vastes pouvoirs d'enquête et l'attente qu'ils seront utilisés. Le régime s'appliquera principalement aux titulaires de charges publiques, mais ils sont au nombre de 1 500, en plus de 2 000 à temps partiel, et ce sont les décideurs. La question du conflit d'intérêts va attirer davantage l'attention dans ce contexte. C'est une fonction importante que je connais bien, tout comme M. Shapiro.
La question que j'ai toujours eue présente à l'esprit en ce qui concerne le Parlement et les députés, d'une part, et les sénateurs, de l'autre, concernait le degré de services personnels qu'ils attendaient. En ma qualité de titulaire de charge publique, je n'avais pas à rappeler toutes les personnes qui m'avaient laissé un message. De toute évidence, si un ministre m'appelait, je m'entretenais avec lui ou elle peu de temps après. Mon bureau était en mesure de fonctionner et on s'entendait sur le fait que nous avions le contrôle là-dessus et, au bout du compte, c'est moi qui prenais les décisions.
J'avais toujours estimé qu'il y avait une attente qui pouvait se faire plus pressante. Cela m'est venu de mes collègues des provinces, à savoir qu'ils s'attendent à ce que le grand manitou réponde aux messages. Je crois que vous allez rencontrer M. Osborne; il a un effectif de plus de 100 personnes, le même que celui du Sénat, et il reçoit beaucoup d'appels. Ce nombre s'accroît au fil du temps. Au fur et à mesure qu'ils connaissent mieux leur rôle et le service qu'on peut dispenser, le nombre des appels tend à augmenter.
Ses parlementaires se sentent plus à l'aise, mais, d'après ce que j'en comprends, ils s'attendent à traiter avec lui. Je m'attends à ce que cette évolution soit assez naturelle dans le cas de la Chambre des communes. Je suppose que c'est couru d'avance dans le cas du Sénat.
Si vous rencontrez tout le monde une fois par année, environ 300 personnes à la Chambre des communes et 100 sénateurs, il ne reste pas beaucoup de temps pour accomplir les autres tâches que le poste peut nécessiter.
Pour ce qui est de l'évolution attendue, de la façon dont les choses vont changer, je crois que la meilleure réponse est trois. Je ne crois pas que ce soit particulièrement important pour ce qui est de l'intégrité des objectifs du gouvernement. Je ne crois pas que ce soit le critère au regard duquel on percevra l'échec de l'ensemble du projet de loi sur la responsabilité. Il s'agit d'une question importante pour les particuliers en cause, mais il ne s'agit pas de la question fondamentale à laquelle le projet de loi sur la responsabilité tente de s'attaquer.
Le sénateur Joyal : Je souhaite donner suite aux éléments soulevés par chacun de vous relativement aux éclaircissements visant les parlementaires ou les titulaires de charges publiques dans le cadre du Code criminel. Vous avez, à juste titre, renvoyé à la décision de la Cour suprême l'été dernier, R. c. Boulanger, où la Cour suprême a eu une occasion de nommer qui a déjà été décidée par la Cour dans des décisions antérieures, en vertu de laquelle chaque fois que nous devons nous attaquer à la responsabilité des parlementaires, nous devons prendre en considération les incidences des articles 119 à 121 du Code criminel.
Sur cette base, exprimeriez-vous devant nous l'idée qu'afin de faire en sorte que les règles soient claires pour tous, des amendements soient apportés au Code criminel pour mieux définir le statut des titulaires de charges publiques en qualité de parlementaires dans le champ d'application du Code criminel?
M. Shapiro : Je crois que c'est une bonne idée, sans que je tente d'affirmer que je comprends la nature de la construction juridique en cause. Je ne connais pas cette problématique et je ne veux pas dire quelque chose qui aille au-delà de ma capacité d'analyse.
Lorsque vous utilisez le terme « mieux définir », c'est toujours une bonne idée. Les gens concernés peuvent avoir une meilleure idée de leurs responsabilités et des limites qui existent. Pour ce qui est de savoir s'il s'agit d'une bonne idée dans la philosophie beaucoup plus large du Code criminel, je ne peux pas répondre, car je ne sais pas.
M. Wilson : Je ne suis pas sûr. Je crois que les éclaircissements que la Cour suprême a donnés ces dernières années à ces dispositions ont bien défini la ligne de partage de ces arguments. Les sénateurs, sont, des titulaires de charges publiques.
Le fait que vous ayez un code en vigueur s'attaque au problème que vous pourriez bien avoir connu. Je ne suis pas un expert en mesure de dire s'il devrait y avoir ou non des changements à ces dispositions du Code criminel. Ce que je peux dire, toutefois, c'est que le code que vous avez maintenant semble être un instrument particulièrement efficace pour ce qui est de traiter les questions de conflit potentiel. À mon avis, il établit un assez bon équilibre.
Le sénateur Joyal : Ma dernière question a trait aux observations faites par M. Wilson à propos de ce qui devrait faire l'objet de la loi par opposition à ce que chacune des chambres devrait définir dans son code, en se fondant sur le fait qu'une fois que les principes sont clairement énoncés, il vaut beaucoup mieux s'en remettre à l'appréciation de l'organe qui devra vivre avec cette situation au vu de l'expérience quotidienne, particulièrement avec le mécanisme d'examen enchâssé dans chacun des codes, en vertu duquel le code est plus souple et pourrait être adapté plus clairement et plus rapidement que si tout est défini par la loi.
D'un autre côté, plus vous soumettez ces questions en vertu de la loi, plus vous ouvrez la porte à l'intervention des tribunaux. Parce qu'il s'agit de questions devant faire l'objet d'un arbitrage, où devrait s'arrêter l'intervention des tribunaux à l'égard des activités parlementaires? Vous vous souviendrez que nous avons eu à nous colleter avec cette question en qualité de principes qui revêtent une importance tout à fait stratégique pour la définition des privilèges du Parlement par opposition à l'indépendance du système judiciaire. Ces principes sont au cœur de notre système d'indépendance des trois composantes du gouvernement.
Je me demande si, en élargissant la portée de la loi — nous aimerions avoir la conviction que nous atteignons un meilleur résultat — nous créerons, en fait, un autre type de dynamique dans le système, en vertu de quoi le système ne reflétera pas autant son besoin de s'adapter, mais nous ouvrirons plutôt le système au tribunal, avec toutes les incidences que cela aura sur son mode de fonctionnement.
M. Wilson : Je suis d'accord. Mon argument fondamental, c'est qu'en intégrant dans la loi ce qui est actuellement le code pour les titulaires de charges publiques, on l'affaiblit. Il devient aussi beaucoup plus rigide. De toute évidence, c'est le cas.
Un des grands avantages du code au fil des ans, c'est que nous ne pouvions pas tenter de prévoir tous les problèmes pouvant se poser et nous n'avons pas non plus essayé de le faire. Il y avait un nombre limité de règles; mais si une question surgissait, nous avions une base, grâce aux principes qui nous permettaient à la fois d'analyser et de prendre une décision. C'était alors une question relativement directe, puisque c'était un instrument au service du premier ministre, pour demander son approbation d'un changement qu'on pouvait ensuite mettre en œuvre. Je crois que cela est très avantageux. Cela présente de grands avantages politiques, mais du point de vue de la stricte efficacité, cela a de grands avantages. Cela laisse les tribunaux s'occuper de questions qui sont plus de caractère criminel que ce qui relève de la perception.
M. Shapiro : Je suis du même avis. J'ai parlé longuement de cette question lorsque j'ai comparu devant la Chambre des communes. Nous parlons d'enchâsser un code pour les titulaires de charges publiques, et non des deux autres. Cela donne un volume énorme de rigidité dans le système et cela fait qu'il est difficile de l'exploiter. Si vous ajoutez à cela le fait qu'il n'y a pas de principes au départ en regard desquels vous pouvez essayer de juger les comportements au fur et à mesure, la combinaison n'est pas bonne. Toutefois, j'ai témoigné en ce sens. De toute évidence, cela n'a pas été très convaincant. La Chambre voit les choses différemment.
Le sénateur Baker : J'aimerais revenir à ce que deux des témoins ont qualifié de dispositions comportant une pénalité. Bien évidemment, il faudra du temps avant que celles-ci soient cernées.
Les dispositions comportant une pénalité de ce projet de loi, à l'article 62 qui est proposé, parlent de la pénalité imposée au titulaire de charge publique en cas de violation. Il dispose que le commissaire rendra publics la nature de la violation, le nom du titulaire de charge publique qui l'a commise et la teneur de la pénalité imposée. On peut imaginer, dans le cas d'un politicien ou d'un membre du Cabinet, qu'il s'agirait d'une pénalité où le public saurait ce que ce membre du Cabinet a fait. C'est ce que prévoit l'article 62. Si nous allons plus loin en ce qui concerne le commissaire, le texte dispose, à l'article 65, que les délibérations relevant du projet de loi peuvent être engagées à tout moment, mais pas plus tard que cinq ans après le jour après que le commissaire a pris connaissance de la question faisant l'objet des délibérations et, en tout état de cause, pas plus tard que dix ans après que la question faisant l'objet des délibérations s'est posée.
Le commissaire est en poste pour combien, sept ans?
M. Shapiro : Peut-être.
Le sénateur Baker : Peut-être. Le membre moyen du Cabinet est en poste pendant combine d'années? Est-ce que l'un de vous pourrait commenter le fait qu'un article de ce type figure dans ce projet de loi, prévoyant que le commissaire soit au courant de la question depuis cinq ans? Il n'a pas à agir à ce sujet pendant cinq ans. Les délibérations peuvent commencer à n'importe quel moment dans cette période de 10 ans. Quelqu'un du grand public peut se pencher là-dessus et dire : « Mon Dieu. C'est une façon extraordinaire d'éviter à un titulaire de charge publique de rendre compte de son mandat. » Est-ce que l'un de vous souhaiterait commenter cette situation?
M. Shapiro : Je ne veux pas être mis dans une position de défense du projet de loi dans son libellé actuel. Ce n'est pas mon projet de loi, on ne m'a pas consulté à ce sujet, donc je ne me sens pas en mesure de répondre à des questions sur le point de savoir pourquoi cette disposition au lieu de deux et trois et cinq et dix. Je comprends votre observation, mais je n'ai rien d'utile à ajouter.
M. Wilson : Moi non plus.
Le sénateur Baker : Il y a une autre façon d'aborder cette question et c'est la suivante : Cela est intégré dans le projet de loi pour protéger tous les membres du Cabinet qui seront identifiés publiquement 10 ans après le fait. L'autre façon d'aborder cette situation, c'est qu'il est extrêmement inéquitable de pénaliser quelqu'un 10 ans après qu'un événement s'est produit qui était de nature relativement mineure, mais qui serait considéré comme étant quelque chose devant faire l'objet d'une procédure sommaire d'un tribunal. La pénalité relève du jugement final du commissaire. L'autre façon d'aborder cette question serait de dire à quel point il est inéquitable, dix ans après que quelque chose s'est produit, qu'un commissaire frappe à la porte de quelqu'un et dise : « Nous voulons vous interviewer à ce sujet. Si vous ne donnez pas cette interview, d'après la prépondérance des probabilités, vous êtes coupable. » Voilà ce que dit ce projet de loi. Vous devez faire une déclaration, selon le projet de loi.
Souhaiteriez-vous faire des observations sur laquelle de ces deux possibilités est plus réaliste?
M. Shapiro : Je n'ai absolument aucune idée quant au point de savoir laquelle est plus réaliste. On doit parler d'une autre question liée à ce que vous avez dit, mais ce sur quoi vous avez mis l'accent en particulier. Ce qu'on suppose, dans tout cela, c'est que le commissaire, qui qu'il ou elle soit, n'agira pas en qualité d'agent du gouvernement du jour. Le commissaire indépendant est assez limité pour ce qui est de ce qui se produit près de lui.
Il doit y avoir confiance que la personne choisie ne sera pas tentée de faire ce genre de choix. Je n'essaie pas de défendre la question des cinq ou des dix, mais c'est ce que suppose le projet de loi. Si ce n'est pas cela, alors tout s'effondre.
Le sénateur Baker : En ce moment, par exemple, vous avez un délai. Quel est-il?
M. Shapiro : Pour l'instant, c'est en 2009.
Le sénateur Baker : Je parle du moment où il faudrait entamer les délibérations. Tout d'un coup, nous nous trouvons en présence de cinq ans et de dix ans dans l'ensemble de ce projet de loi.
M. Shapiro : Je comprends l'argument.
Le sénateur Baker : Il n'y a là rien d'étrange. Nous avons vu un projet de loi récemment présenté à la Chambre qui contient la même disposition, à savoir cinq ans après que le ministre a pris connaissance des délibérations et dans un délai de dix ans après l'intervention des délibérations.
Permettez-moi de vous poser une autre question et de revenir à cette question des pénalités. En vertu du projet de loi, lorsque le commissaire interviewe un titulaire de charge publique, il ou elle a le pouvoir de la Loi sur les enquêtes publiques, je présume — cela n'est pas libellé en ces termes, mais cela y ressemble — et tout ce qui est découvert n'est pas admissible à l'encontre tu titulaire de charge publique dans toute délibération future. C'est ce que dispose le projet de loi à l'article 48.
Lorsque vous vous reportez à l'article 49, toutefois, vous découvrez que le commissaire doit notifier les autorités pertinentes, à savoir, aux termes du présent projet de loi, sont le poste dont la création est proposée, le nouveau DPP, le directeur des poursuites pénales. On dit ici que le commissaire renverrait la question au directeur des poursuites pénales. Si on renvoie la question aux autorités pertinentes, à savoir le directeur des poursuites publiques, ne viole-t-on pas l'article 48 du projet de loi, qui dispose que rien de ce que vous dites au commissaire ne peut être utilisé dans des délibérations contre vous? Manifestement, cela signifie des informations obtenues par déduction, selon vous.
M. Shapiro : Je suppose, que si on s'efforce d'établir un lien entre ces deux choses, le renvoi au DPP, dans ce cas, ou l'autorité appropriée, devrait reposer sur des informations générales. Je ne veux pas inventer les mots en ce moment, mais il faudrait que quelqu'un dise que cela avait retenu l'attention s'il tentait de faire en sorte que ces éléments agissent de concert.
Le sénateur Baker : Il est dit ici, toutefois, que le commissaire croit en vertu de motifs raisonnables; on ne dit pas penser ou soupçonner. Il est dit croit en vertu de motifs raisonnables.
Vos raisons sont assez bonnes. Voulez-vous dire que le commissaire ne dirait pas à la police à ce moment-là ce qu'étaient ces convictions? La police dirait : « Pourquoi me soumettez-vous cette question? »
M. Shapiro : Je ne veux pas me retrouver dans la position de celui qui défend la façon dont ce projet de loi a été rédigé ou qui y est opposé. Ce n'est pas mon travail. Pour faire en sorte que ces éléments œuvrent de concert, il faut avoir des motifs raisonnables, mais ne pas les partager de manière détaillée.
Le sénateur Baker : Dans votre poste actuel, serait-il approprié que vous disposiez d'un délai de dix ans après qu'un événement s'est produit pour ouvrir une enquête? Ramenons cela à cinq, car, en ce moment, le commissaire a 18 mois pour amorcer une enquête après avoir pris connaissance de l'événement.
Pouvez-vous donner une raison pour laquelle un commissaire aurait besoin de cinq ans après qu'une information lui est soumise pour agir à ce sujet?
M. Shapiro : La seule raison qui me vient à l'esprit, c'est une surcharge de travail de dossier et nous verrons si elle est exacte.
Le sénateur Baker : C'est une très bonne réponse.
Le sénateur Stratton : Il y a quelque chose à propos des cinq et des dix qui pique ma curiosité. Dans le secteur de la construction, la situation est un peu différente. Je connais le cas particulier d'un immeuble dont le revêtement en pierre a subitement commencé à tomber après 20 ans. Vingt ans plus tard, les architectes et les ingénieurs feront face à des responsabilités, s'ils sont trouvés coupables, et les propriétaires ont un délai se sept ans après la date de la découverte pour prendre des mesures.
Ce type de durée de vie n'est pas inhabituel. Si vous décédez, par exemple, vous devenez maintenir une assurance responsabilité civile parce que votre succession est responsable, si ce revêtement en pierre décide de tomber après votre mort.
Le sénateur Baker : Je dois convenir qu'en ce qui a trait aux questions civiles, le sénateur Stratton a absolument raison, mais, comme M. Shapiro le ferait remarquer, concernant les questions faisant l'objet d'une déclaration sommaire de culpabilité aux termes du Code criminel, le délai se termine six mois après l'événement. Il s'agit ici d'infractions mineures.
Le sénateur Day : J'ai une autre observation supplémentaire, si vous me permettez. Je crois qu'elle contribuera à notre processus. Monsieur Shapiro, vous avez déclaré que vous ne voulez pas vous retrouver en situation de défense du projet de loi, et nous le comprenons, et vous ne voulez pas non plus vous retrouver en situation d'opposition au projet de loi. Vous avez indiqué que vous avez tenté de faire certaines observations au sujet du projet de loi au comité de la Chambre des communes, et ces observations n'ont pas été acceptées. Toutefois, ce n'est pas terminé. Vous avez ici votre deuxième chance. Nous vous saurions gré de toutes observations que vous pouvez faire, dans un sens ou dans l'autre. Si vous aimez le projet de loi, dites-le, et si vous ne l'aimez pas, dites-le, même si vous n'avez pas du tout été consulté.
M. Shapiro : C'est là une observation équitable et c'est ce que j'ai tenté de faire dans ma déclaration liminaire.
Le sénateur Fraser : J'ai une observation à formuler relativement à vos opinions ou propos sur la possibilité de trois commissaires. Il serait équitable de dire que lorsque le présent régime était en cours de mise en place, la plupart des gens en cet endroit estimaient que trois commissaires, ce serait l'idéal. Toutefois, étant donné que la Chambre des communes, dans sa sagesse, avait choisi de relever du même commissaire à l'éthique que les titulaires de charges publiques, il nous a semblé approprié de ne pas contester sa vision de la façon dont ils devraient être régis. Néanmoins, je suis toujours d'avis qu'ils se sont trompés.
J'essaie de comprendre le présent projet de loi et je crois que, s'agissant de ces questions, vous en particulier, monsieur Shapiro, vous les aurez examinées.
Comme chacun sait, le projet de loi dont nous sommes saisis abolirait les postes de conseiller sénatorial à l'éthique et du présent commissaire à l'éthique. L'article 3, à la page 33, expose les dispositions de transition prévoyant que les employés de votre bureau et du bureau de M. Fournier seraient immédiatement transférés au bureau du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique, comme les budgets et tout le reste.
Puis, à la page 102 de ce projet de loi, nous trouvons d'autres dispositions de transition. Renvoyant à divers hauts fonctionnaires du Parlement, l'article 120 dispose qu'une personne qui occupe une fonction juste avant que cet article entre en vigueur continuera d'occuper son poste jusqu'à la fin du mandat pour lequel lui ou elle a été nommé. Deux des personnes qui ont l'assurance qu'ils occuperont leur poste jusqu'à la fin de leur mandat sont le conseiller sénatorial en éthique et l'actuel commissaire à l'éthique.
Une voix : Félicitations.
Le sénateur : Pouvez-vous nous dire ce que cela signifie, d'après vous? Allez-vous continuer d'occuper un poste et d'être rémunéré, mais sans avoir de personnel ni de budget?
M. Shapiro : Je ne sais pas. Bien sûr, j'ai remarqué la question que vous avez soulevée, mais je ne peux pas l'expliquer. J'en ai parlé à d'autres personnes et elles ne semblent pas pouvoir l'expliquer non plus.
Le sénateur Fraser : Au fur et à mesure que nous avancerons dans nos travaux, nous tenterons de faire la lumière sur cette question. Si nous revenons un peu à l'arrière, à la page 96, les articles 112 et 113 soulèvent une question similaire. Ces articles ne sont pas identifiés comme étant des dispositions de transition; ils constitueraient plutôt de nouveaux éléments de la Loi sur le Parlement du Canada. Ils disposent qu'en cas d'absence ou d'empêchement soit du conseiller sénatorial en éthique, soit du commissaire à l'éthique, le gouverneur en conseil peut confier l'intérim à toute personne compétente pour un mandat maximal de six mois et que cette personne sera rémunérée.
Encore une fois, quelle conclusion devons-nous tirer? Cette disposition vise la possibilité permanente de remplacer le conseiller sénatorial en éthique et le commissaire à l'éthique.
M. Shapiro : Je crois, bien que je ne puisse en être sûr, qu'ils avaient à l'esprit quelque chose pouvant convenir non seulement à des arrangements de transition, mais qui pourrait aussi être utilisé à l'avenir — que ce soit dans une semaine ou dans 20 ans — à titre de procédure permettant de pourvoir le poste de façon intérimaire, lorsqu'il devient vacant. Sinon, je ne peux en trouver le sens.
Le sénateur Fraser : Je ne comprends toujours pourquoi ils mettent en place des arrangements de ce type pour les postes des deux commissaires alors que le projet de loi vise justement à abolir ces deux postes.
Encore une fois, je suppose que vous avez eu une occasion d'examiner le présent projet de loi, probablement de manière beaucoup plus détaillée que quiconque parmi nous.
Je passe maintenant à la page 25 du projet de loi, paragraphe 44(5). La deuxième phrase de la version anglaise indique que si un parlementaire communique des renseignements au commissaire, le parlementaire ne peut divulguer ces renseignements sur une sorte ou une autre d'acte répréhensible à quiconque avant que le commissaire n'ait remis le rapport prévu au présent article.
Je vous demande maintenant d'examiner la deuxième phrase de la version française.
[Français]
Je cite cette phrase :
Si le parlementaire communique les renseignements au commissaire, il — le parlementaire — ne peut les communiquer à quiconque avant d'avoir remis le rapport prévu au présent article.
[Traduction]
Je ne crois pas que ce soit une erreur dans le texte original. C'est très étrange. Avez-vous une idée, monsieur Shapiro, quant à celle de ces deux versions que le législateur voudrait rendre opérante?
M. Shapiro : Non.
Le sénateur Fraser : Convenez-vous avec quoi qu'il semble bien y avoir une contradiction ici?
M. Shapiro : Oui.
Le sénateur Fraser : Monsieur Wilson, j'ai harcelé M. Shapiro. Souhaitez-vous ajouter quelque chose à tout cela?
M. Wilson : Non.
Le sénateur Fraser : Je remercie la présidence.
[Français]
Le sénateur Fox : Ma question s'adresse au Dr Shapiro. À la page 3 de votre document introductif, vous dites :
Dans sa forme actuelle, le projet de loi renforce le rôle et élargit le mandat du futur commissaire de bien des façons, notamment — et je vais au point 2 :
en accroissant la clientèle de titulaires de charge publique, par l'ajout de 2400 travailleurs à temps partiel nommés par le gouverneur en conseil;
Je présume que cela veut dire 2 400 personnes nommées par le gouverneur en conseil à des positions au sein de conseils d'administration, de sociétés de la Couronne, et cetera.
À la page 6, vous suggérez certains changements qui pourraient améliorer le projet de loi. Vous dites :
On pourrait envisager de limiter les activités acceptables pour les titulaires de charge publique.
Donc, dans un certain cas, vous avez des titulaires de charge publique qui sont des parlementaires; il ne s'agit pas de limiter leurs activités politiques, je présume. Est-ce que votre suggestion réfère spécifiquement aux 2 400 nominations à temps partiel aux sociétés d'État et autres?
M. Shapiro : Oui, exactement.
Le sénateur Fox : Est-ce que le commissaire à l'éthique envoie une lettre chaque fois que quelqu'un est nommé par arrêté en conseil?
[Traduction]
M. Shapiro : Oui, nous le faisons. Il arrive parfois que l'avis de nomination paraisse assez tard, mais lorsque nous le recevons, nous envoyons une lettre, ainsi qu'un code, à chacune de ces personnes.
[Français]
Le sénateur Fox : Est-ce que cette lettre indique au titulaire nommé par arrêté en conseil qu'il ne devrait plus faire de contributions à un parti politique?
[Traduction]
M. Shapiro : Non. Les membres à temps partiel du groupe des titulaires de charges publiques ne sont pas tenus aux mêmes exigences que les membres à plein temps. Les membres à temps partiel doivent prêter attention aux principes du code, mais nous ne traitons pas ces membres à temps partiel en vertu des règles précises figurant dans le code. En réalité, nous n'avons pas d'autres contacts avec eux.
[Français]
Le sénateur Fox : Si je comprends bien, il n'y a absolument rien qui empêche un titulaire de charge publique — j'entends nomination à temps partiel par arrêté en conseil — de poursuivre des activités politiques.
M. Shapiro : Correct.
Le sénateur Fox : L'article 16 de la loi, page 9, dit tout simplement :
Il est interdit à tout titulaire de charge publique de solliciter...
Évidemment, c'est bien différent « solliciter » et « contribuer ». Vous ne l'avez pas explicité, mais qu'aviez-vous en tête lorsque vous dites, à la page 6, que vous auriez souhaité des resserrements aux activités politiques permises?
[Traduction]
M. Shapiro : Je m'inquiète beaucoup de ce que seraient les activités politiques légitimes d'un titulaire de charge publique que la population doit considérer comme étant impartial et équitable dans son traitement des diverses questions qui sont portées à son attention. Nous avons tenté à plusieurs reprises, sans succès jusqu'à maintenant, de parvenir à un accord sur ce que seraient ces activités politiques, sur ce qui est autorisé et sur ce qui ne l'est pas. Nous ne sommes pas arrivés à exposer clairement dans l'intérêt des titulaires de charges publiques ce qui se fait et ce qui ne se fait pas. Cette tâche n'a pas encore été menée à bien.
[Français]
Le sénateur Fox : De quelle façon est-ce que ce serait fait? Par un code proposé par le Bureau du commissaire à l'éthique? Ce n'est pas fait dans la législation; de quelle façon proposez-vous que ce soit fait?
[Traduction]
M. Shapiro : Étant donné qu'il s'agit du code du premier ministre et non de celui du commissaire à l'éthique, notre méthode, jusqu'à maintenant, a consisté à interagir avec les personnes responsables au cabinet du premier ministre dans le but de faire apporter des modifications au code et d'ajouter des détails, etc.; dans ce domaine bien précis, cette démarche n'a pas été couronnée de succès à ce jour. Si le code prend force de loi, bien évidemment, il faudra adopter une méthode tout à fait différente.
[Français]
Le sénateur Fox : Avez-vous développé un plan d'action à propos des limites que vous aimeriez voir imposées à des titulaires de charge?
[Traduction]
M. Shapiro : Nous l'avons fait et je me ferai un plaisir de vous communiquer une copie du dernier libellé.
Le sénateur Milne : Monsieur Shapiro, juste pour poursuivre dans la lignée de la déclaration du sénateur Fraser au sujet de proposition de trois hauts fonctionnaires du Parlement, lorsque je présidais le Comité du Règlement et que nous examinions cette question, certains d'entre nous, du Comité du Règlement, sont allés au comité de la Chambre des communes et nous avons plaidé très vigoureusement, de manière très serrée en faveur de l'existence de trois commissaires. Comme vous dites, dans leur sagesse, ils n'ont pas tenu compte de nous. Toutefois, je persiste à penser qu'il devrait y avoir trois commissaires.
Au-delà d'incidences considérables sur le plan des ressources, lesquelles, en fait, n'ont rien à voir avec la dimension éthique de la situation, un des problèmes que je vois s'il n'existe qu'un poste de haut fonctionnaire tient à la difficulté qu'éprouvera cette personne, qui fera rapport à un comité, peut-être à la Chambre des communes, peut-être au Sénat, pour maintenir la barrière constitutionnelle, l'indépendance des deux Chambres du Parlement.
M. Shapiro : Selon votre façon de voir cette question, vous pourriez dire qu'il s'agit d'une contradiction dans les termes, auquel cas la discussion est maintenant terminée et vous passez à un autre arrangement. Toutefois, je crois que si, au bout du compte, nous aboutissons à un commissaire, cela ne pourra fonctionner qu'avec beaucoup de difficultés et beaucoup d'attention. Il serait possible de gérer la situation, car les codes sont similaires à de nombreux égards, bien que différents à d'autres. D'un autre côté, si la séparation constitue une première exigence, alors, bien sûr, il ne sert à rien de discuter de n'importe quelle question.
Le sénateur Milne : Il me semble qu'en brisant la séparation entre la Chambre des communes et le Sénat, nous minons la tradition du privilège parlementaire et, ce faisant, l'indépendance dont les sénateurs et les députés jouissent lorsqu'ils siègent à des comités comme celui-ci pour faire valoir leur point de vue, librement et complètement, sans crainte d'ingérence.
M. Shapiro : Je comprends.
Le sénateur Milne : Monsieur Wilson, je vous pose la même question.
M. Wilson : Je pense que cette suggestion a cristallisé le problème, sans doute de manière très utile. Vous en êtes venus à un arrangement que vous jugiez imparfait, mais comme il influe sur la Chambre des communes et non sur le Sénat, la première peut bien vivre avec les conséquences. Toutefois, selon moi, il ne fait aucun doute qu'il est difficile, pour une seule personne, de gérer toutes ces pressions divergentes. Les provinces ont une expérience beaucoup plus importante que le gouvernement fédéral pour ce qui est de traiter avec les parlementaires et, dans leur cas, les tâches ont augmenté. Les codes ne sont pas identiques. Les questions dont est saisie chaque Chambre sont différentes. La durée du mandat des sénateurs, beaucoup plus longue que celle du mandat des députés, crée un contexte politique qu'il faut prendre en considération.
La difficulté insurmontable réside dans le fait qu'on peut avoir un titulaire de charge publique qui ne s'occupe pas du code des titulaires de charge publique et qui n'a pas la confiance de tous. On le sait, cette personne est responsable des gens nommés par le premier ministre; la situation a un aspect différent. Au Sénat et à la Chambre des communes — je l'ai dit lorsque j'ai comparu devant votre comité — si les titulaires de charge publique ne bénéficient pas dès le départ de la pleine confiance de l'assemblée, leur tâche devient probablement impossible. Cependant, s'ils doivent faire face à des exigences concurrentes, la situation peut être difficile. Compte tenu des tâches actuelles et de la nature de la proposition, je crois qu'il serait très souhaitable d'avoir trois commissaires.
Le sénateur Milne : Voilà qui nous amène à nous demander de nouveau ce qu'il arriverait si le titulaire de charge publique perdait la confiance d'une Chambre, mais pas de l'autre. Cette personne se retrouverait dans une position impossible, à l'instar des deux Chambres.
Cette proposition cadre-t-elle de quelque façon que ce soit avec les constatations du rapport Milliken-Oliver? En quoi est-ce cela concorde?
M. Wilson : Le rapport Milliken-Oliver préconisait un commissaire au départ. Ne s'agissait-il pas d'un commissaire parlementaire? L'institution qui s'occupait des titulaires de charge publique demeurait inchangée. Une personne devait être nommée par le premier ministre et relever ultimement de celui-ci, lequel, en retour, devait rendre des comptes au Parlement.
Le débat a changé, mais j'ai remarqué que le rapport Milliken-Oliver parlait de l'importance des codes. Ces codes seraient distincts du code des titulaires de charge publique.
Le sénateur Milne : Les codes ne seraient pas inscrits dans la loi.
M. Wilson : Non, absolument pas.
Le sénateur Campbell : Premièrement, les gens qui travaillent sans filet m'impressionnent. Quand vous êtes le premier à occuper une fonction, chaque décision est nouvelle et sans précédent. Ma question est la même que celle de madame le sénateur Milne. La Chambre des communes dit non, le Sénat dit oui. Que prévoit le projet de loi C-2 dans ce cas?
M. Shapiro : Je ne suis pas certain de comprendre la question. Que prévoit le projet de loi à propos de quoi?
Le sénateur Campbell : Je vais vous donner un exemple. Admettons que les députés disent: « Nous ne vous aimons pas » et que les sénateurs disent: « Nous pensons que vous êtes une personne remarquable ». Qui prend la décision vous concernant? Arrivons-nous à une impasse?
M. Shapiro : Je crois que vous arrivez à une impasse.
Le sénateur Campbell : Le deuxième élément que je désire aborder ici, bien que je ne trouve rien à cet égard dans le projet de loi, c'est la politisation d'un mandataire du Parlement. Je trouve intéressant que ces nominations reçoivent le plein soutien de la Chambre et que, soudain, la Chambre puisse décider que vous n'avez plus la cote. Je n'ai jamais rien vu de tel. Même en Colombie-Britannique, reconnue pour ses politiques divertissantes, je n'ai jamais vu quelque chose comme un premier ministre qui publie un communiqué pour indiquer qu'il répugne à collaborer à l'enquête de Bernard Shapiro parce que le commissaire à l'éthique a été nommé par les libéraux. À la Chambre des communes, le premier ministre a voté en faveur de la nomination de M. Shapiro. Comment le projet de loi vous protège-t-il, vous ou M. Wilson, le cas échéant?
M. Shapiro : Il n'offre pas de protection, d'après ce que j'en sais. Contre certains éléments dans la vie, il n'existe aucune protection. Je n'insinue pas que c'est bien. Au contraire.
Le sénateur Campbell : M. Wilson vient de dire que vous bénéficiez au départ du plein soutien de la Chambre, n'est-ce pas? Puis, cette confiance se détériore, résultat de machinations politiques. Que prévoit le projet de loi à cet égard? Le projet de loi stipule que vous êtes en poste sept ans.
M. Shapiro : Oui.
Le sénateur Campbell : J'ai terriblement de mal à comprendre comment une personne peut servir deux maîtres. C'est insensé dans cette situation. Je crains vraiment une politisation des mandataires.
M. Shapiro : Je comprends votre inquiétude. Évidemment, je crains la même chose; c'est pourquoi j'accepte le commentaire. Toutefois, même si le fait d'avoir trois commissaires comporterait de multiples avantages, cela ne protègerait pas contre ce genre de situations, pas plus que le fait d'avoir un seul commissaire.
Le sénateur Campbell : Je suis d'accord. Le Sénat pourrait vous réserver le même sort.
M. Shapiro : N'importe quel groupe peut réserver ce sort à quiconque. C'est la vie. Certes, le fait d'avoir un seul commissaire complique les choses. C'est indéniable.
M. Wilson : Je veux revenir sur les observations du sénateur Campbell. La controverse ne vient pas du Sénat et de ses membres, ni de la Chambre des communes et de ses députés. L'expérience montre que, lorsque des allégations sont soulevées à l'égard d'un titulaire de charge publique et qu'il y a une enquête ou un rapport, souvent, certains insinuent que le rapport est une disculpation, une exonération. S'il y a une difficulté politique, elle sera l'affaire de la personne responsable des titulaires de charge publique, car c'est à ce niveau que surgissent les arguments politiques.
Le sénateur Day : J'ai quelques points courts à faire valoir. Tout d'abord, monsieur Shapiro, vous avez fait référence à la partie 1 du projet de loi. Il faut préciser que la partie 1 du projet de loi C-2 a trait à la Loi sur les conflits d'intérêts. Cette dernière comporte cinq parties. Quiconque lit la transcription pourrait se demander de quelle partie vous parlez. Nous savons que ce genre de confusion survient lorsqu'on rédige un projet de loi en six semaines et qu'on n'a pas l'occasion de régler certains points. Par conséquent, vous pourriez peut-être préciser votre commentaire. Faisiez-vous référence à la partie 1 du projet de loi C-2 ou à la partie 1 de la loi en question, la Loi sur les conflits d'intérêts?
M. Shapiro : Je faisais référence à toute la partie du projet de loi qui a trait aux conflits d'intérêts.
Le sénateur Day : C'est-à-dire la partie 1 du projet de loi C-2, et les cinq parties dont elle parle.
M. Shapiro : Exactement.
Le sénateur Day : Dans vos observations, monsieur Shapiro, vous avez mentionné que le gouvernement avait prévu, dans le budget, des sommes d'argent pour les diverses mises en œuvre du projet de loi. Pouvez-vous nous indiquer à combien se monte l'enveloppe budgétaire de fonctionnement de votre groupe?
M. Shapiro : Elle se situe entre 4 et 5 millions de dollars.
Le sénateur Day : Savez-vous combien est prévu dans le budget pour la mise en œuvre de cette initiative par le gouvernement?
M. Shapiro : Un montant très important est prévu. Il n'a pas été divisé selon les différents objectifs prévus, mais je crois comprendre qu'on a alloué environ 3 millions de dollars à ce bureau en particulier.
Le sénateur Day : Bien sûr, on a tenu compte des économies découlant de l'annulation du poste de mandataire pour le Sénat, je suppose.
M. Shapiro : On n'a pas pris de décision définitive, mais d'après les conversations générales, je ne pense pas qu'on tiendra compte de cet aspect. On a regroupé les deux budgets et ajouté 3 millions de dollars.
Le sénateur Day : J'ai écouté votre réponse à la question du sénateur Joyal au sujet du conseiller sénatorial en éthique. Vous ne vouliez pas prendre part au débat, mais vous comprenez le point de vue du Sénat et l'importance de l'indépendance. Vous avez indiqué que vous compreniez l'argument, mais vous ne vous y êtes pas opposé?
M. Shapiro : Pas du tout.
Le sénateur Day : Lorsque le Parlement était saisi du projet de loi C-34, étiez-vous conscient de l'importance de cette question pour les sénateurs?
M. Shapiro : Oui.
Le sénateur Day : D'autres en étaient probablement conscients aussi.
M. Shapiro : Je le pense.
Le sénateur Day : Je le pense aussi. Le projet de loi a suscité beaucoup d'attention dans les médias et le grand public. En tant que commissaire à l'éthique, qu'entendiez-vous par rapport à l'importance de réunir de nouveau ces deux bureaux?
M. Shapiro : Rien du tout.
Le sénateur Day : Vous n'entendiez rien?
M. Shapiro : Rien.
Le sénateur Day : Pouvez-vous émettre une hypothèse quant à la raison d'être de cette initiative, compte tenu que l'importance de la question pour le Sénat n'était un secret pour presque personne?
M. Shapiro : Non.
Le sénateur Day : Merci. Nous ne le pouvons pas non plus.
J'ai une autre question à propos des amendements évidents qui s'imposeront relativement aux points soulevés par le sénateur Fraser. Je sais que trois collègues vous accompagnent ici et que vous examinerez ces points lorsque vous aurez l'occasion de parler à vos collègues. Si vous avez des réponses à nous fournir qui pourraient nous aider avec ces éléments et ces apparentes contradictions, nous serons heureux de les entendre, même après votre départ ce soir. Vous pouvez communiquer avec le greffier.
M. Shapiro : Je le ferai, si j'ai des réponses.
Le sénateur Cools : Je vous remercie, monsieur le président. J'aimerais remercier les deux témoins.
J'ai une question à vous poser et je cherche une façon de l'exprimer. Il y a un mot que je n'ai pas entendu depuis longtemps. C'est « malversation ». Je suis certaine que vous le connaissez.
M. Shapiro : Je ne le connais pas.
Le sénateur Cools : Ce mot se rapporte à la mauvaise conduite de titulaires de hautes fonctions, comme les juges, et il implique de l'argent. Il existe un autre mot qui a disparu. C'est le mot « apostasier », qui signifie renoncer à une opinion, une cause et devenir un renégat.
Le présent projet de loi exige des sénateurs qu'ils deviennent des renégats. En clair, il exerce des pressions sur les sénateurs pour qu'ils abandonnent la position qu'ils ont adoptée il y a tout juste deux ans. J'ai toujours cru qu'il était très grave de demander à une Chambre du Parlement de changer d'idée, de renverser une décision.
Je présume que vous avez tous les deux suivi la situation au Sénat. Le Sénat s'est prononcé vigoureusement deux fois à ce sujet, une fois sous le gouvernement de M. Chrétien et l'autre sous celui de M. Martin. On demande maintenant au Sénat de changer son fusil d'épaule. On exerce de fortes pressions sur le Sénat pour qu'il modifie son point de vue, sans explication et sans raison.
L'un d'entre vous a-t-il une opinion à ce sujet? S'agit-il d'un problème d'ordre éthique, politique ou parlementaire?
Demander à des gens de changer d'avis et de voter différemment est un acte grave. Certains peuvent changer d'idée facilement, mais je ne suis pas si versatile.
M. Shapiro : Bien sûr que c'est grave.
Le sénateur Cools : Est-une question d'éthique?
M. Shapiro : Je ne considérerais pas qu'il s'agit d'une question d'éthique, car personne n'est tenu de changer d'idée. On vous a demandé de le faire, mais vous n'êtes pas obligés. Définir la situation comme une question d'éthique revient à parler d'une moralisation de la politique; ainsi, les décisions politiques, qui relèvent des sénateurs, des députés et des autres personnes élues, seraient soudainement mises entre les mains de quelqu'un comme moi, non élu et inadéquat pour gérer ces questions. Comme commissaire à l'éthique, je m'inquiète de ce danger de temps en temps.
Je dirais qu'il s'agit plutôt d'une question d'ordre politique que vous devez examiner attentivement. Vous porterez le jugement que vous voulez après cet examen.
Le sénateur Cools : Monsieur Wilson, avez-vous quelque chose à dire?
M. Wilson : Je ne sais pas pourquoi les rédacteurs sont revenus à un modèle reposant sur un commissaire. Il n'y a pas eu de grand débat public à ce sujet. Je suis au courant des déclarations faites au comité de la Chambre des communes ainsi que lors des audiences que vous avez tenues avant la pause estivale.
Honnêtement, il s'agit d'un aspect particulièrement important des objectifs du gouvernement relativement à cette mesure en matière de responsabilité, que j'appuie totalement. Le projet de loi contient beaucoup de bons éléments et il a une certaine force politique. Il complique le travail législatif.
Devrait-il y avoir un commissaire ou trois? Comment cet élément influera-t-il sur les objectifs du gouvernement? Je pense qu'il n'y aura aucun effet, sauf que, en compliquant les responsabilités d'une personne, le gouvernement rend plus difficile l'atteinte des objectifs qu'il souhaite manifestement réaliser en ce qui a trait aux titulaires de charge publique.
Le sénateur Cools : Je comprends dans quelle position vous vous trouvez, messieurs. Toutefois, on m'a inculqué que, une fois qu'un Parlement se prononce, il ne change pas d'idée. Déraisonnable est celui qui veut le faire changer d'avis trop vite. Voilà comment j'ai été élevée, mais nous sommes des dinosaures maintenant.
Vous avez dit que le projet de loi C-2 toucherait 300 députés, environ 105 sénateurs et 1 500 titulaires de charge publique. D'après mes calculs, cela fait environ 1 900 personnes.
M. Shapiro : Il faut aussi compter les personnes travaillant à temps partiel.
Le sénateur Cools : Le nombre augmente. Nous approchons les 4 000 personnes. Suivant votre expérience, combien de temps dans une année le commissaire pourra-t-il accorder à ces personnes?
M. Shapiro : Selon le modèle proposé, qui suppose qu'un seul commissaire s'occupe de tout le monde, le temps que le commissaire pourra consacrer à une personne sera extrêmement limité.
Le sénateur Cools : Donnez-moi un chiffre. Serait-ce une heure? Deux heures par année?
M. Shapiro : Je pense que cela dépendra de la personne en question. Je ne veux pas dire le commissaire en question. Les travailleurs à temps plein recevront peut-être plus d'attention que ceux qui sont à temps partiel. On se concentrerait probablement plus sur les ministres. Il y a beaucoup d'enjeux.
Le sénateur Cools : Nous parlons d'environ 1 900 personnes à temps plein.
M. Shapiro : Je sais. À l'exception des ministres, je doute qu'une seule de ces personnes réussisse à voir le commissaire annuellement ou une fois durant une année donnée.
Le sénateur Cools : Devrais-je m'inquiéter de la bureaucratisation du poste de commissaire en raison du nombre de personnes dont il s'occupera? C'est le personnel du commissaire qui finira par traiter avec les gens. Ce serait abominable.
M. Shapiro : Vous avez raison, mais c'est déjà le cas à mon bureau. Je ne suis pas en mesure de voir tout le monde tous les ans. C'est impossible. Je sais que ce serait important; on n'a pas besoin de m'en convaincre. Toutefois, c'est impossible.
Le sénateur Cools : Vous avez de la difficulté, à l'heure actuelle, à voir 300 personnes.
M. Shapiro : Je n'essaie même pas. Il faut habituellement de six à sept mois pour avoir un rendez-vous avec chaque ministre.
Le sénateur Cools : Si vous avez du mal à voir 300 députés seulement, le nouveau commissaire se retrouvera dans une position terrible avec 1 900 personnes.
M. Shapiro : Ce sera le cas si la norme est de voir chaque personne chaque année pour un long moment. À l'heure actuelle, j'ai des employés qui traitent avec ces gens et leurs bureaux. Je ne suis pas le seul point de contact; il n'est tout simplement pas faisable de s'occuper d'autant de gens.
Le sénateur Cools : Vous vous penchez sur des sujets extrêmement personnels pour les députés; il y a donc une notion de confidentialité.
Je voudrais vous poser une question. Avez-vous fait part à quelqu'un de vos difficultés à gérer 300 députés? Est-ce bien connu?
M. Shapiro : J'en ai parlé aux comités de la Chambre qui œuvrent avec moi dans ce domaine. Comme je sais déjà qu'il est impossible de voir tout le monde individuellement, je n'en ai pas fait une priorité. Nous avons plutôt dû adopter une méthode différente.
À la décharge de mon personnel, je dois préciser qu'il n'y a eu aucune fuite de renseignements personnels, pas une seule.
Le sénateur Cools : C'est une chose très louable à dire.
Monsieur Wilson, avez-vous des observations à formuler au sujet du ratio député-titulaire de charge publique?
M. Wilson : Je pense que la tâche du commissaire en ce qui concerne les sénateurs et les députés consiste à fournir des conseils. Les gens qui le consultent veulent obtenir des conseils à propos de questions d'intérêt personnel. J'imagine que la plupart des sénateurs s'attendraient à parler directement au commissaire.
Cette semaine, le comité rencontrera M. Osborne, le commissaire à l'intégrité de l'Ontario, et M. Oliver, qui s'occupe de conflits d'intérêts en Colombie-Britannique. Il sera intéressant de savoir ce qu'ils pensent de l'importance du contact personnel avec les députés de leur assemblée législative respective et comment ils perçoivent leurs responsabilités.
Le sénateur Cools : Certainement. Je vous remercie beaucoup, messieurs.
M. Shapiro : J'aimerais ajouter quelque chose. L'assemblé législative de l'Ontario et celle de la Colombie-Britannique comptent beaucoup moins de membres que le Sénat ou la Chambre des communes. La Colombie-Britannique compte environ 70 députés et l'Ontario, environ 100. Ces nombres se gèrent bien, mais lorsque le nombre augmente, qu'il y ait un commissaire ou trois ou sept autres, le contact avec les gens n'est pas aussi personnel qu'on le voudrait, surtout compte tenu des autres responsabilités.
Le sénateur Cools : Vu le nombre de personnes dont s'occupera le commissaire à l'éthique proposé, combien d'employés seront nécessaires au début, à votre avis?
M. Shapiro : Je ne sais trop. Actuellement, mon bureau emploie 35 personnes.
Le sénateur Cools : Vous avez 35 employés?
M. Shapiro : C'est exact. Le Sénat dispose de quatre ou cinq agents d'éthique. Je ne suis pas certain.
Le sénateur Cools : Nous aimons les petits nombres.
M. Shapiro : Vous êtes choyés à cet égard.
Le sénateur Cools : Nous aimons parler directement à notre conseiller en éthique.
M. Shapiro : Il existe plusieurs éléments importants. Il y a les exigences accrues en matière de reddition de comptes. Les exigences liées à la reddition de comptes et aux données se sont intensifiées sensiblement, et le registre public a beaucoup grossi. En application du projet de loi, on mènera beaucoup plus d'enquêtes, simplement parce qu'il sera plus facile d'en amorcer de diverses façons. Dans cinq ans, il y aura probablement 50 ou 60 agents d'éthique.
Le sénateur Cools : Vous dîtes que vous disposez actuellement de 35 employés pour 300 députés.
M. Shapiro : Pour 300 députés ainsi que les titulaires de charge publique.
Le sénateur Cools : D'accord. Il s'agit d'un poste et d'un nombre d'employés qui s'intensifient de manière exponentielle. Dans cinq ans, le bureau du commissaire à l'éthique entretiendra une lourde bureaucratie.
M. Shapiro : Je ne la qualifierais pas de lourde. Ce n'est qu'une goutte dans l'océan.
Le sénateur Cools : D'ordinaire, les bureaucraties grossissent tellement qu'on en perd le contrôle.
Le sénateur Hays : Je voudrais poser une question au sujet de la perception du commissaire par le public, dont vous avez parlé tout à l'heure. Je suis particulièrement curieux de savoir comment les politiciens perçoivent le commissaire, étant donné qu'ils ont tendance à politiser les choses.
La culture de l'organe exécutif du gouvernement et celle des personnes nommées diffèrent énormément, et il faut tenir compte des chiffres mêmes, les 1 500 titulaires de charge publique, les 2 000 personnes à temps partiel ainsi que les secrétaires parlementaires et les ministres.
S'il y avait un commissaire distinct qui s'occupait spécialement des parlementaires et de leur code de conduite, qu'il soit législatif ou non — je comprends votre préférence envers un code non législatif — est-ce que le fait d'avoir trois commissaires serait mieux qu'un seul, compte tenu des différentes cultures et de la tendance à la politisation? Est-ce que ce serait mieux pour compartimenter les problèmes découlant de violations du code — législatif ou non — dans chacun de ces trois éléments? Y a-t-il lieu de penser qu'avoir trois commissaires réduirait la probabilité de politiser la décision de mener une enquête ou de rédiger un rapport? Nous avons entendu parler de la capacité de comprendre les gens des trois cultures et de répondre à leurs besoins. Toutefois, les cultures sont différentes et exigent des approches différentes. Nous avons fait l'expérience de certaines choses durant le court laps de temps où nous avons eu un commissaire au niveau parlementaire. Nous connaissons la tendance voulant qu'on considère un rapport comme une prise de position politique. Ce genre de choses se produiraient-elles moins si nous avions trois commissaires au lieu d'un?
M. Shapiro : Je pense que la controverse politique dépend de la victime. Sans utiliser le Sénat comme exemple, on pourrait imaginer que, s'il y avait un arrangement distinct pour les députés, ces derniers auraient un plus grand sentiment d'appartenance et se sentiraient donc obligés de respecter l'indépendance présumée du commissaire ou des commissaires à l'éthique. C'est un résultat possible.
Toutefois, l'avantage d'avoir trois commissaires ne résiderait pas là. L'avantage consisterait en une simplification appréciable de la gestion des différentes cultures et des impasses entre les divers groupes.
M. Wilson : Je suis d'accord. En bout de ligne, c'est la question fondamentale. Il y a trois cultures différentes. Le rôle des titulaires de charge publique est de loin le plus complexe, car ce sont des décideurs. Le risque de conflit avec des intérêts privés est très grand. C'est moins le cas pour le Sénat et la Chambre des communes. Une seule personne aurait de la difficulté à s'y retrouver avec les trois situations. Avoir trois commissaires simplifierait les choses.
À l'étranger, la Chambre des lords n'a pas de commissaire, mais bien un comité. La Chambre des communes a un conseiller et un comité. Je ne pense pas qu'il ait jamais été question que les deux Chambres mêlent leurs expériences et se partagent un seul commissaire. Une telle suggestion aurait été rejetée du revers de la main.
Enfin, le premier ministre a publié ses propres directives à l'intention des ministres. Il a maintenant une personne qui est chargée d'enquêter sur les allégations visant des ministres. Encore une fois, il y a trois institutions distinctes. La personne choisie est l'équivalent d'un vérificateur général, mais ses fonctions ne sont pas les mêmes. Le premier ministre fait appel à cette personne lorsque des allégations veulent que son code n'ait pas été respecté.
Les trois institutions — l'organe exécutif et les deux organes législatifs — sont leurs propres maîtres.
Le sénateur Austin : Je vous suis très reconnaissant à tous les deux de nous avoir fourni des renseignements sur le code régissant les conflits d'intérêts et ses divers éléments. Pour quelqu'un qui préconise un régime fondé sur les valeurs, c'est une mesure législative difficile. J'ai grandement contribué au régime de M. Martin axé sur les valeurs, bien que je ne croie pas que ce régime était parfait. Les comités arrivent parfois à des conclusions différentes de ce que je souhaiterais.
J'ai une question précise à poser. L'article 43, à la page 24 du projet de loi C-2, m'a fasciné :
[...] le commissaire donne, à titre confidentiel :
a) des avis au premier ministre, notamment à sa demande, sur l'application de la présente loi à un titulaire de charge publique [...]
Quelle politique publique exige que ces renseignements, confidentiels par ailleurs, soient transmis au premier ministre, étant donné qu'il s'agit de la personne politique ultime de notre système parlementaire et qu'il peut apprendre des choses sur une enquête — pas nécessairement la conclusion ou les résultats d'un processus, mais simplement le signalement d'une accusation? Vous avez fait référence au paragraphe 44(5) et à la restriction visant un député qui divulgue des renseignements. Le libellé est clair : « ne peut les communiquer à quiconque ». On le répète deux fois. Toutefois, je ne trouve aucune contrainte légale concernant l'utilisation des renseignements par le premier ministre. Vous a-t-on fait remarquer ce point?
M. Shapiro : Non. J'essaie d'imaginer ce que le premier ministre demanderait. Jusqu'à présent, selon mon expérience, les interactions avec le cabinet du premier ministre ont toujours été liées à des questions générales, jamais à des questions personnelles. Elles n'ont jamais eu trait à un titulaire de charge publique en particulier ou quoi que ce soit du genre. Je saisis ce que vous voulez dire, mais rien de tel ne m'est arrivé jusqu'à maintenant. Je vais étudier la question.
Le sénateur Austin : Je vous remercie.
J'aimerais revenir sur un point qu'a énoncé clairement le sénateur Joyal, un point qui inquiète peut-être ceux d'entre nous qui ont de l'expérience dans les domaines juridique et constitutionnel. Il s'agit du droit des tribunaux d'intervenir dans les processus et les procédures du Parlement. À mon avis, l'expression « motifs raisonnables » établit le droit du tribunal d'examiner, à la demande de quiconque, si, de fait, les motifs étaient raisonnables. Par conséquent, votre bureau devient passible de poursuites, mais vous ne pouvez être contraint à témoigner. Comment expliquez-vous ce paradoxe?
M. Shapiro : On a porté ce problème à mon attention.
Le sénateur Austin : Je fais référence à l'article 50.
M. Shapiro : Je ne peux pas l'expliquer. C'est l'une des grandes difficultés associées aux efforts pour se préparer à mettre en œuvre le projet de loi du gouvernement fédéral en matière de responsabilité. Nous nous trouvons dans une position délicate : nous essayons de nous préparer à appliquer un projet de loi qui peut être adopté ou rejeté sous une forme ou une autre. Espérons que, si le projet de loi est adopté, peu importe la forme, on prendra soin de le mettre en œuvre par étapes, afin que ce soit faisable. Je comprends votre argument.
Le sénateur Austin : Il y a ces imperfections et bien d'autres dans le projet de loi. Je suis étonné que la Chambre des communes n'ait pas réglé certaines de ces questions. Notre rôle classique est d'améliorer les lois.
M. Wilson : Je pensais que l'article 43, qui se rapporte aux avis confidentiels fournis au premier ministre, ne reflétait rien de plus que la situation en cours depuis des années — c'est-à-dire que c'est au code du premier ministre que les titulaires de charge publique doivent obéir. D'après mon expérience, il y avait deux genres de questions : celles qui avaient trait à des allégations que le premier ministre voulait voir examinées et celles déterminant si un titulaire de charge publique en particulier se comportait conformément aux obligations du code. Dans le dernier cas, ce n'était pas aux détails qu'on s'intéressait, mais plutôt au simple fait que la personne respectait ou non le code. Le premier ministre a toujours été informé de cela.
M. Shapiro : J'ai essayé d'imaginer d'autres possibilités. Par exemple, lorsque le cabinet du premier ministre ou le premier ministre lui-même envisage une nomination et a en tête un candidat pouvant être approprié, ce dernier peut vouloir savoir ce qu'il devra faire pour être conforme au code. Ce sont des renseignements utiles à avoir. Le candidat décide après avoir eu l'information s'il souhaite être nommé. Cette situation se produit de temps à autre.
Le sénateur Austin : La formulation est très générale, mais nous avons aussi le paragraphe (7), qui n'est pas hypothétique.
Nous étudions souvent la pratique aux États-Unis. Là-bas, on considère la divulgation de renseignements par les membres de l'administration comme contraire à un code visant à protéger les agents de la CIA. La loi énonce clairement les sanctions et le président peut invoquer des raisons de sécurité nationale. Il y a une lacune sur laquelle il faut se pencher.
Le sénateur Hays : La question du sénateur Austin se rapporte aussi à la divulgation des résultats d'une enquête. Lorsque c'est à la demande du premier ministre, exceptionnellement, si les renseignements sont assujettis à l'article 43, ils ne sont pas visés par les exigences de l'article 48 en matière de divulgation, en vertu du paragraphe (5). Votre commentaire en donnait la raison : il se pourrait que le premier ministre ait demandé une enquête pour un possible titulaire de charge publique, mais il se pourrait que non. À votre avis, ne faudrait-il pas apporter des précisions pour avoir la certitude que l'on couvre le point que l'on voulait couvrir au lieu d'une situation éventuellement plus vaste?
M. Shapiro : Je ne veux pas prêter d'intention à quiconque. Je ne sais pas ce que l'on veut couvrir, mais ce serait une bonne idée de clarifier le projet de loi pour s'assurer qu'il reflète ce qu'on veut proposer.
Le sénateur Austin : Pourrais-je ajouter quelque chose? Le libellé de l'article 43 est si général qu'il s'applique aux députés et aux sénateurs. Il n'inclut pas seulement les titulaires de charge publique. Nous sommes en train de nous demander si nous devons nommer des mandataires, mais l'article s'applique aux parlementaires et cela me préoccupe énormément.
Le sénateur Stratton : Je voudrais apporter une précision. L'article 43 se lit comme suit :
En plus d'appliquer la présente loi relativement à ses fonctions, le commissaire donne, à titre confidentiel :
a) des avis au premier ministre, notamment, à sa demande, sur l'application de la présente loi à un titulaire de charge publique;
b) des avis au titulaire de charge publique sur les obligations de la présente loi qui lui incombent.
Cela correspond en partie aux alinéas 72.07b) et 72.07c) de la Loi sur le Parlement du Canada. L'article 27 du projet de loi abroge ces alinéas. L'article 72.07 de la Loi sur le Parlement du Canada indique ceci :
Le commissaire a pour mission, en ce qui touche les titulaires de charge publique :
a) d'appliquer les principes, règles et obligations en matière d'éthique que le premier ministre établit pour ceux-ci;
b) de donner, à titre confidentiel, des avis au premier ministre sur toute question d'éthique et notamment sur ces principes, règles et obligations;
c) de donner, à titre confidentiel, des avis au titulaire de charge publique sur ceux de ces principes, règles et obligations qui lui sont applicables.
Messieurs, est-ce vrai? Je pense que si.
M. Shapiro : Oui, c'est vrai.
Le sénateur Stratton : Si tel est le cas, en quoi le projet de loi diffère-t-il vraiment du contenu de la Loi sur le Parlement du Canada?
M. Shapiro : Comme je l'ai dit au sénateur Austin, cette question n'avait pas été portée à mon attention. Je ne veux pas continuer à parler d'éléments auxquels je n'ai pas réfléchi. Généralement, ce n'est pas une bonne idée de faire cela. À première vue, la différence semble résider dans le fait que la Loi sur le Parlement du Canada parle d'avis confidentiels que je pourrais donner à n'importe quel titulaire de charge publique qui en fait la demande ou d'avis généraux fournis au premier ministre à propos de divers sujets. C'est arrivé souvent et ce fut très utile.
De prime abord, le libellé laisse entendre que l'on met l'accent sur une personne en particulier qui pourrait intéresser le premier ministre. L'exemple que j'ai donné concernait de possibles titulaires de charge publique, mais, évidemment, il y a bien d'autres genres de personnes. Je vais devoir y réfléchir attentivement. Je ne veux pas m'engager davantage.
M. Wilson : J'abonderais dans le même sens.
Le sénateur Milne : Je voudrais poser une question supplémentaire à ce sujet. L'article 44 stipule ceci :
(6) Dans les cas où le commissaire est d'avis que le parlementaire n'a pas respecté l'obligation de confidentialité prévue au paragraphe (5), il peut soumettre le cas, en toute confidentialité, au président du Sénat ou de la Chambre des communes.
(7) Le commissaire remet au premier ministre un rapport énonçant les faits, son analyse de la question et ses conclusions, même s'il juge la demande futile, vexatoire [...]
Ainsi, le commissaire rend des comptes au premier ministre au sujet du Sénat. Qu'en est-il de la séparation constitutionnelle entre les deux Chambres?
M. Shapiro : En effet.
Le président : Sur cette question théorique, je remercie MM. Wilson et Shapiro d'avoir répondu à l'invitation du comité ce soir.
Le comité s'ajourne.