Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 5 - Témoignages - Séance du matin
OTTAWA, le mercredi 6 septembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, se réunit aujourd'hui à 10 h 5 pour en étudier la teneur.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, j'ai le plaisir d'ouvrir cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation. Ce projet de loi est mieux connu sous le titre de Loi fédérale sur la responsabilité.
Comme le savent déjà les sénateurs, les témoins ainsi que les citoyens qui suivent nos travaux ici dans cette salle ou à la télévision, ce projet de loi est un des grands axes du programme du nouveau gouvernement, mais également l'un des textes de loi les plus importants dont le Parlement ait été saisi ces dernières années.
Les audiences consacrées au projet de loi C-2 ont commencé en juin et le comité examine maintenant certains éléments plus détaillés du projet de loi. Les sujets que nous allons aborder ou que nous avons déjà abordés cette semaine sont la responsabilisation dans son ensemble, l'éthique et les conflits d'intérêts, de même que le financement des partis politiques. Nos audiences se poursuivront dans les semaines à venir et porteront sur d'autres éléments importants du projet de loi.
Ce matin, nous allons poursuivre nos discussions sur l'éthique et les conflits d'intérêts qui ont été lancées hier soir en compagnie de M. Bernard J. Shapiro, l'actuel commissaire fédéral à l'éthique, et de M. Howard Wilson, son prédécesseur.
[Français]
Nous accueillons ce matin René Villemure, président fondateur de l'Institut québécois d'éthique appliquée. Il est détenteur d'une maîtrise en philosophie éthique de l'Université de Sherbrooke et complète actuellement sa thèse de doctorat en philosophie. Il agit à titre de conseiller en éthique auprès des dirigeants de grandes sociétés et d'organismes gouvernementaux.
Au nom du comité je tiens à vous remercier de votre présence. Je vous cède la parole dès maintenant. Nous passerons ensuite à une période de questions et de discussions qui nous sera très utile.
René Villemure, président, Institut québécois d'éthique appliquée : Monsieur le président, je vous remercie de l'invitation à venir témoigner devant vous aujourd'hui. Pour bien penser, il faut du temps et, même avec le temps, il n'est pas assuré qu'on va bien penser. L'éthique est une partie de la philosophie qui se préoccupe du juste en soi. À l'Institut québécois d'éthique appliquée, nous réfléchissons depuis dix ans sur les questions fondamentales afin de les ramener à un niveau terre-à-terre et faciliter la compréhension de tout le monde, ce qui n'est pas le propre de tous en philosophie.
Depuis dix ans, j'étudie les questions de gestion d'État, les préoccupations sociales et autres questions telles que « comment vivre ensemble ». L'éthicien se demande ce qu'il convient de faire pour bien faire, objet même de la réflexion éthique. L'arrivée de ce projet de loi constitue un moment éthique. Les énonciations d'intentions étant très grandes au départ, la livraison du produit devra être à la hauteur. C'est bien d'énoncer une bonne intention, mais cela ne garantit en rien la qualité morale du résultat. Si on veut éviter que nos bonnes intentions se transforment en mauvaises intentions cachées, il faudra être très vigilant sur certains points.
Le projet de loi C-2 est ambitieux et vaste. Il traite de plusieurs sujets. Dans l'ensemble, plusieurs sujets sont concomitants, mais plusieurs autres sont plus difficiles à intégrer bien qu'ils soient tous liés éthiquement. J'aimerais parler ce matin de ce qui n'est pas dit ou tenu sous silence dans le projet de loi. Certains de ces silences sont inquiétants. Je vais m'attarder plus particulièrement sur deux points. Premièrement, je commenterai le sens des termes utilisés et leur fréquente incohérence. Le type d'analyse que j'ai utilisée s'appelle « philologie » ou histoire de la science des mots. N'ayons pas peur des termes, ce sera très compréhensible.
Deuxièmement, je commenterai le rôle des commissaires à l'éthique à l'intégrité. Albert Camus disait :
Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde.
C'est fort approprié ce matin. Le projet de loi est animé par le désir de bien faire. L'éthique est une réflexion en vue d'une prise de décision juste et cohérente avec les valeurs et la finalité de l'État.
Quand on parle d'éthique, on parle de raison d'être plutôt que de « comment faire ». Le chemin est facile à baliser lorsqu'on connaît la destination. Les valeurs de l'État ont un lien direct avec le concept de bien commun, c'est-à-dire ce que l'État doit faire pour gérer les relations avec les citoyens. Dans une décision éthique qualifiée de responsable, le décideur aura le choix des moyens employés pour atteindre le but. Il faut s'assurer que ce choix — et ce point est très important — les moyens employés pour atteindre le but se fasse avant de prendre une décision et non pas après. Je ferai référence dans le projet de loi à ce qui est énoncé comme étant avant et comme étant après et indiquerai quelques endroits où dans la même phrase, on passe de l'un à l'autre. Une réflexion éthique doit avoir lieu avant qu'une décision ne soit prise, avant qu'on puisse la qualifier d'éthique ou de non éthique, tandis que des concepts d'imputabilité, de reddition de comptes ou d' « accountability » sont des concepts qui font référence à un moment suite à une décision. L'éthique, la responsabilité viennent avant, l' « accountability », la reddition de comptes et l'imputabilité après. Il faut distinguer ces termes.
Lorsque l'on parle de la responsabilité au sens étymologique, avec l'aide du latin dans ce cas, on se rend compte que le mot re dans responsabilité signifie « la chose » et « sponsabilité », « spondere » qui veut dire promettre. La personne responsable est celle qui peut promettre. On promet avant une action, tout simplement. La personne responsable sera jugée, dans un second temps, sur les actes qui ont été commis, elle sera imputable de l'éloge ou du blâme. La distinction est importante parce que dans l'intitulé du projet de loi on utilise à la fois « accountability » dans sa version anglaise et « responsabilisation » dans sa version française. Ils sont utilisés comme synonymes. Ce sont des termes cousins, mais j'ai un peu de difficulté avec la chose. Les mots changent parfois de sens. Parfois, « accountability » est traduit par « imputabilité » et parfois « accountability » est traduit par « reddition de comptes » et parfois « accountability » n'est pas traduit dans le projet de loi. On utilise un autre terme. C'est ici que j'ai fait ma recherche philologique de sens.
J'apporterai d'importantes différences dans la traduction des deux versions du projet de loi. Il y a eu une amélioration du projet sur lequel j'ai témoigné à la Chambre des communes et celui-ci. À mon avis, il a été resserré. Je vais vous donner les deux types d'occurrences. Dans le premier projet de loi qui m'avait été présenté à la Chambre des communes, le mot « éthique » en français revenait 45 fois et le mot anglais « ethics » 291 fois : on ne parlait pas de la même chose. Dans le nouveau projet de loi, « éthique » revient huit fois et « ethics » 105 fois. Le rapport est inquiétant; souvent les gens on tendance à traduire « éthique » par « ethics »; ici ce n'est pas le cas, mais on ne précise pas ce dont on parle. On fait référence au mot « éthique » des centaines de fois et on ne dit jamais ce que c'est. Pour moi, cela relève de la raison d'être qui est manquante, l'inspiration de départ. Au delà d'évoquer le mot « éthique » encore faut-il savoir ce que c'est. Ce n'est pas dans le projet de loi. Le mot « responsabilisation » était évoqué six fois, le mot « accountability » 141 fois; dans la nouvelle version, le mot « responsabilisation » est toujours évoqué six fois, mais le mot « accountability » est maintenant évoqué 121 fois. Pour moi, c'est un changement non significatif. Le mot « responsabilité » a été évoqué zéro fois dans le premier projet de loi et 119 fois dans le deuxième. Les chiffres du premier projet de loi ne sont pas dans votre document, je les ai ajoutés par la suite pour fins de clarification. Je vais vous remettre les nouveaux chiffres.
Le sénateur Fox : Quel est ce dernier chiffre?
M. Villemure : Le mot « responsabilité » apparaît 119 fois dans la deuxième version qui vous est présentée, et zéro fois dans la première; alors qu'on avait le mot « responsabilisation » six fois dans les deux. Bref, on a ajouté de la responsabilité, en tous cas dans les mots du projet de loi, mais je n'en ai pas vu ajoutés dans le sens du projet de loi. C'est très important. Le terme « reddition de comptes » n'a jamais été employé. C'est une traduction intéressante du terme « accountability ». Le mot « imputabilité » n'a jamais été employé dans aucun des deux documents; c'est également une traduction intéressante du mot « accountability ». Les linguistes ont travaillé sur le projet de loi, j'en suis persuadé.
Mais ce dont je vous parle ce matin — c'est le sens à la fois étymologique, donc que les linguistes ont regardé — c'est le sens philologique et le sens philosophique. La philosophie s'occupe du pourquoi; la loi, les règles, les normes. On énonce du « comment » ici. Mais si le pourquoi n'est pas davantage clarifié, je crois que vous êtes à créer les trous qui seront utilisés dans le futur et certains d'entre eux sont actuellement béants.
En gros, on a ajouté le mot « responsabilité » en le faisant équivaloir à celui de « accountability », ce qui est inexact au sens philologique et philosophique. C'est plus qu'une marotte de philosophe. Ce n'est pas vraiment du pelletage de nuages. Dans un projet de loi du gouvernement canadien, là où à mon avis on devrait être le plus exact et leader au sens de la clarté du concept, on ne l'est pas. Ce qu'il faut remarquer dans l'ensemble de ces chiffres que je vous cite et qui sont nombreux, c'est que lorsqu'on parle en français, au sens éthique, on fait référence à des termes qui se préoccupent du moment avant la décision et quand on parle avec les mots anglophones, ils font tous référence au moment après la décision. J'ai lu parfaitement dans les deux langues les deux projets de loi et j'ai compris deux choses. C'est ce que je vous amène ce matin.
La question que je lance à votre réflexion ce matin est la suivante : que veut-on faire au juste? Veut-on que les gens s'inspirent avant pour prendre une bonne décision ou veut-on être capable de la prendre après pour dire qu'ils ont bien ou mal fait? C'est la question centrale de l'analyse. Pour résumer ce premier point, on a changé le nom du projet de loi, en français du moins sans le changer en anglais. Dans les faits, pour moi rien n'a changé. Ce sont les mots pour le dire qui l'ont fait, en gros.
Si on veut résumer ce premier point, il appert que la responsabilisation souhaitée dans le projet de loi — si on arrête d'étudier les deux colonnes et que l'on tente de ramener ensemble les deux choses — il appert que la responsabilisation est de type déontologique, c'est-à-dire reliée aux règles et aux permissions de faire, plutôt qu'éthique, donc reliée à la réflexion sur le bien faire. Le projet de loi pour moi manque d'assises.
Par contre, dans la deuxième mouture, en réduisant l'usage du terme « éthique », on réduit également la confusion qui était plus grande à l'autre étape. Deuxièmement, j'aimerais faire quelques commentaires sur le rôle des commissaires à l'éthique et à l'intégrité. La nomination pour une longue période est salutaire, en partant.
Mais par contre, une chose qui est intéressante, on mentionne un peu les caractéristiques que pourraient posséder le commissaire à l'éthique, à l'intégrité, selon sa dénomination, mais nulle part on ne mentionne que celui-ci devrait être un éthicien en soi. Cette chose existe. Un commissaire à l'éthique devrait être un éthicien. On fait référence au juriste qui fait référence au déontologique dans la version anglophone du projet qui est très lié aux règles, donc à l'imputabilité, mais en 2006, je crois que le gouvernement du Canada pourrait trouver un éthicien en quelque part parmi la population.
La tâche que l'on désire confier à ce commissaire déborde d'ailleurs largement le cadre strictement procédural; du moins elle devrait déborder. Ce devrait être la voie vers le juste, en dépit ou par devers la procédure. Selon moi, un éthicien digne de ce nom doit être capable de réaliser si une action est légale mais tout de même injuste, ou illégale et juste. Préférablement, elle serait légale et juste. Donc c'est possible. En éthique, on considère que le légal n'est pas nécessairement juste en soi. C'est pourquoi ce sont les valeurs fondamentales dont je vous ai parlé au début qui devraient être l'assise du projet de loi; elles ne sont pas là, c'est plus difficile de faire le lien. Bien que la référence soit encore faite près de 500 fois aux termes « commissaire », « éthique », « intégrité », « conflits d'intérêt », « lobbying », je crois que la définition première qui le décrirait, est également manquante. On se dote d'un commissaire, mais on ne dit pas ce qu'il va faire. Il sera là, du moins.
Mais qu'est-ce qu'un commissaire à l'éthique ou à l'intégrité? On a retrouvé cette fonction dans le monde anglo-saxon, dans certains pays du Royaume-Uni. On retrouve très peu ce genre de tâches dans des pays plus continentaux à culture latine. Je pose la question : le commissaire sera-t-il un conseiller ou un enquêteur? C'est une question valable. Si le commissaire est enquêteur, on n'ira pas le voir pour se faire conseiller. C'est le cas actuel. Alors on n'ira pas demander conseil à quelqu'un qui peut nous poursuivre, en soi. On a à éclaircir ce côté, à savoir si le commissaire est un enquêteur ou un conseiller.
Dans les notes 72.01 à 72.061, de nombreuses références sont faites aux principes, règles et obligations des commissaires sans jamais nommer les principes. On nomme les règles et les obligations. Je fais encore le lien avec l'assise, le fondement dont je disais tantôt qu'ils sont manquants. Vous savez les principes comme les valeurs, on entendait dans les discours les grandes valeurs canadiennes, on les a entendus souvent. Ce n'est pas erroné. Mais quelle est la définition d'une valeur?
Une valeur, au sens philosophique, est un éclairage destiné à orienter un comportement; j'aimerais savoir si la lumière est jaune, rouge ou bleue. C'est ce que je demande ce matin : Quelle est l'assise? Quel est l'éclairage? Quelles sont les valeurs en question? Une valeur, c'est quelque chose qui devrait être moralement positif et qui contient sa propre raison d'être; si on est généreux, on est généreux parce qu'on est généreux et non pas pour une autre raison. La valeur, elle fonctionne comme cela. C'est la même chose pour les principes.
J'aimerais également vous rappeler que le projet de loi est riche en interdictions, mais il me semble un peu court au niveau de l'éthique — l'éthique : le quoi faire pour bien faire — parce que les règles et les principes sont manquants; c'est supposé (sans le dire). Il faut aussi rappeler que l'éthique ne peut pas se résumer à une multitude d'interdictions. L'éthique c'est plus que cela. L'éthique, c'est plus que de ne strictement pas faire ce qui est interdit. Un projet de loi, c'est un peu comme une œuvre d'art, dès qu'il est sanctionné dans sa version finale, il est inscrit dans le temps pour un peuple en particulier. Cependant, la société continue à évoluer et on aura à statuer sur des points inexistants dans la loi. C'est dans ces situations qu'on s'inspire de règles des valeurs et qu'on retourne aux raisons d'être. Si elles sont manquantes, le projet sera figé et devra être revu dans un avenir prévisible.
Donc, l'éthique n'est pas une multitude d'interdictions, c'est beaucoup plus vaste qu'un simple calcul d'imputabilité. L'absence de principes, de valeurs dans le projet de loi risque de réduire le rôle du commissaire à celui d'un technicien du « comment » plutôt qu'un ingénieur du « pourquoi ». La distinction est grande. Le projet de loi C-2 devrait être le lieu d'énonciations des grands principes et des grandes valeurs, desquels seront déduits l'ensemble des « comment », dans tout ce qui va amener à la jurisprudence qui sera élaborée avec le temps.
En éthique et en philosophie, il n'y a aucun « comment » qui ne vaut sans un « pourquoi » et les « pourquoi » sont plutôt inexistants dans le projet en question.
Sur ce, je vous remercie beaucoup. Ceci complète l'ensemble de mes commentaires. Je suis ouvert à vos questions.
[Traduction]
Le président : Voilà une optique fort intéressante et très différente du projet de loi. Vos propos ont été pour nous un souffle d'air frais.
Vous dites qu'à votre avis le commissaire à l'intégrité devrait être éthicien. J'aimerais savoir les noms de ces éthiciens qui, au Canada, correspondraient selon vous à ce que vise ce projet de loi.
M. Villemure : Pour parler de la profession — si à tout le moins nous voulons utiliser ce terme parce qu'il ne s'agit pas d'un ordre professionnel ou d'autre chose de ce genre — elle n'existe pas depuis très longtemps. Mais depuis une dizaine d'années, il y a eu quelques éminents éthiciens dont le nom vient immédiatement à l'esprit.
J'essaierais probablement de sortir du monde universitaire étant donné qu'on y trouve relativement peu de praticiens. M. Shapiro est assurément quelqu'un d'intéressant. Son nom est de ceux qui viennent à l'esprit. Il n'en existe pas beaucoup, mais il y en a néanmoins quelques-uns et je pourrais probablement trouver dix personnes qui correspondraient à ce profil.
Le président : Pourriez-vous en nommer tout de suite quelques-uns?
M. Villemure : Ce serait difficile. Il faudrait que je me renseigne un peu plus pour pouvoir proposer de grands noms. Par contre, je pourrais vous parler des qualités que je rechercherais. Je rechercherais quelqu'un qui aurait une formation en éthique, par exemple une maîtrise ou un doctorat, mais qui a également travaillé pendant longtemps dans les milieux gouvernementaux et qui connaîtrait ainsi bien les rouages de l'État. On ne voudrait pas d'un professeur d'université, peu importe son palmarès, pour occuper ce genre de charge, car cela ne marcherait pas.
L'éthique, c'est un regard que l'on porte sur une situation. La personne en question doit donc a priori connaître l'objet même de ce regard, et sa compétence dans le domaine de l'éthique devrait être sans reproche.
Si vous le voulez, je pourrais me renseigner davantage et donner des noms au greffier du comité.
Mais encore une fois, ce n'est pas le genre de charge qui se prêterait à la publication d'une annonce d'emploi dans les journaux. À l'heure actuelle, il n'existe pas à proprement parler d'éthicien. Il y a des professeurs, il y a également quelques juristes, ce sont des gens comme moi qui font beaucoup de conférences, il y a également énormément de gens qui ne savent pas de quoi ils parlent — et ceux-là sont beaucoup plus nombreux. Ce sont ces derniers que nous trouvons le plus souvent.
Le président : Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Joyal : Bienvenu, M. Villemure. Je propose de revenir sur les principes philosophiques que vous évoquiez dans votre présentation d'ouverture.
Ne devrait-on pas d'abord faire une distinction très nette entre l'éthique et la morale? À mon avis, la morale n'a pas de place dans la définition de la responsabilité d'un commissaire à l'éthique. De plus, je crois qu'on a tendance à avoir une perception extrêmement nébuleuse de la frontière de là où se termine la morale et là où commence l'éthique. Selon moi, lorsqu'on légifère dans le contexte où ce projet de loi est amené, en réaction à des situations qu'on veut corriger, on a plutôt tendance à vouloir réprimer qu'à vouloir donner des balises de référence pour le comportement futur. Alors, puisque vous êtes philosophe, ma première question serait : où se termine la morale et où commence l'éthique lorsqu'on a à mettre en place un système comme celui proposé dans le projet de loi? À mon avis, sous certains angles, ce projet de loi réagit à l'excès pour corriger une situation; on passe presque d'un extrême à un autre.
M. Villemure : À ce sujet, je suis tout à fait d'accord avec vous.
La distinction entre l'éthique et la morale vaut la peine qu'on s'y attarde. En France, l'éthique et la morale sont des synonymes. Ici, cela ne l'est pas. C'est très culturel. Je vais vous donner des définitions qui sont des définitions d'une école philosophique. Une autre école pourrait être valable, mais je vais vous donner ce que j'utilise. L'éthique est une réflexion à faire sur le juste dans un contexte particulier; on cherche à atteindre le meilleur possible selon les circonstances. L'éthique, c'est le bien selon les circonstances. La morale est un concept souvent personnel qu'on va associer avec mœurs, en français. La morale, c'est la ligne personnelle qu'une personne va faire entre le bien et le mal; les mœurs, c'est la ligne que la société fait entre le bien et le mal. En résumé. En France, la réponse est différente, mais on doit avoir une prémisse. Je comprends bien votre utilisation du mot moral et où vous voulez aller avec cela, mais il faut distinguer ces deux concepts. Pour moi, l'éthique va s'inspirer de valeurs sociales, alors que la morale peut être affaire de vérité révélée, d'héritage, de choix et de valeurs personnelles. L'éthique doit découler de valeurs qui doivent être claires, praticables et partagées.
Je vous donne un exemple : le mot « respect ». Le mot « respect » est intéressant parce qu'il est utilisé tous les jours par des millions de canadiens. En général, le mot « respect » est utilisé au sens anglo-saxon du terme « To respect the law », être conforme à la loi. Également, on entend « respect » comme « manquer de respect », ce qui n'est pas du tout manquer de conformité à la loi. Étymologiquement, le mot « respect » signifie : Second regard afin de ne pas heurter inutilement. C'est la définition qu'on porte, en éthique, au mot « respect ». Quand je parle de valeurs claires, c'est ce que je veux dire. Quand on parle de valeurs claires, le deuxième terme est praticable : Un second regard est plus long qu'un premier regard, et ainsi de suite.
Ces valeurs doivent être énoncées dans le projet de loi, ces valeurs qui sont sociales, canadiennes, et ainsi, on va déduire un ensemble de « comment ». Je vous assure qu'une fois que ces valeurs sont consensuelles et identifiables, qu'en dépit des différentes politiques qui peuvent vous animer, vous serez tous d'accord sur le « comment » car l'énonciation de base va vous ramener vers un point commun. Dans sa forme actuelle, le projet de loi laisse une certaine impression de réaction excessive, en effet, et que c'est une vision des choses parce qu'elle n'est pas expliquée.
À mon avis, le fondement manque beaucoup : donc, « moral », la ligne personnelle; « éthique », le bien selon les circonstances, et « les mœurs », la ligne sociale.
La loi est généralement à la remorque des mœurs. Dans le cas des commandites, les gens dans leurs mœurs sociales ont constaté l'inacceptable des actions qui avaient été commises. Une loi a été préparée à la remorque des mœurs afin d'empêcher que cela se reproduise et d'orienter les décisions vers un meilleur et ainsi de suite. Je crois que l'on a retenu que l'élément très punitif à l'intérieur du projet.
Le sénateur Joyal : Donc, selon votre évaluation du projet de loi, le projet de loi est orienté vers la mise en place d'interventions qui viennent après le comportement. Et le projet de loi n'est pas suffisamment explicite sur les principes et les normes qui devraient normalement guider le comportement?
M. Villemure : Voilà, exactement.
Le sénateur Joyal : Hier, le commissaire à l'éthique de la Chambre des communes, M. Shapiro, a mentionné qu'il avait suggéré, à l'étape de l'étude en Chambre, que les principes du code que le projet de loi contient pour, en particulier, les détenteurs de fonctions publiques que les principes soient clairement établis de sorte que les obligations qui découlent du code, énumérées dans le projet de loi, puissent avoir une pertinence avec les objectifs que l'on veut satisfaire. Il nous mentionnait que ces suggestions n'avaient pas été retenues par la Chambre.
M. Villemure : J'avais fait la même suggestion qui n'avait pas été retenue.
Le sénateur Joyal : Puisque vous corroborez cette approche, quels sont, d'après vous, les principes qui devraient normalement être expliqués ou auxquels on devrait faire référence en termes de préambule au code ou en guise d'introduction au code pour que le projet de loi, qui nous est soumis, puisse refléter les préoccupations que vous identifiez ce matin et qui vous apparaissent légitimes.
M. Villemure : Que nous les appelions principes ou valeurs, il y a un certain « poule et œuf ». Du moins, le souci est le même. Les principes d'équité, de respect et de justesse seraient des éléments très intéressants. L'équité, qui peut être interprétée comme étant la juste appréciation de ce qui est dû à chacun, appelle le jugement devant un fait inconfortable. Le respect, qui est un second regard afin de ne pas heurter inutilement, suggère que certaines actions valent mieux que d'autres. Et on définit la justesse comme étant l'art de prendre une décision qui est ni téméraire ni peureuse, mais bien courageuse. La décision courageuse c'est souvent celle où devant une incertitude — et un cas d'éthique c'est un cas d'incertitude généralement — je n'aurais peut être pas tout ce qu'il faut pour prendre une décision, mais considérant la réglementation, les principes et les valeurs, je vais bouger quand même.
Donc, équité, respect et justesse sont des éléments intéressants. Je n'ai pas poussé beaucoup plus loin. Par contre, il y a un point qui mérite d'être éclaircit dans le projet de loi et c'est celui de tout le concept autour de la responsabilité. La responsabilité se compose encore de nos deux mots latins le res qui est la chose et spondere qui est promettre. La personne responsable est celle qui peut promettre la chose, donc avant une action, et pour promettre la chose cela prend quatre caractéristiques : la première, c'est la volonté de promettre et on espère que les titulaires de charge publique auraient cette volonté et on veut la leur instiguer par différentes dispositions; deuxièmement, c'est le pouvoir de promettre, donc la possibilité. Je crois que dans tous les cas, les titulaires de charge publique ont le pouvoir, mais j'ai vu beaucoup de titulaires qui ont abdiqué ce pouvoir. Ils avaient le pouvoir mais ils disaient ne pas l'avoir. Bref, c'est également à poursuivre. Troisièmement, — les troisièmes et quatrième caractéristiques sont très importantes — la personne responsable a le choix des moyens de l'action. Donc, elle n'a pas les mains liées. La personne imputable a les mains liées, la personne responsable a les mains libres. Et, quatrièmement, cela est toujours plus difficile à prendre dès le départ, mais la personne responsable devrait être traitée avec bienveillance en cas d'une erreur fertile commise de bonne foi.
Ce n'est pas un droit à l'erreur. L'erreur n'est pas couverte par la Convention de Genève, c'est un traitement bienveillant. Si l'on veut que quelqu'un choisisse des moyens dans une visée du bien, qui est orienté par des principes tels que ceux que l'on veut proposer, il y aura des cas où cela ne fonctionnera pas. Et actuellement dans le projet de loi on ne fait pas de place du tout à ces cas de bonne foi qui pourraient ne pas avoir fonctionné. Pour reprendre dans un langage un peu plus technique, les règles, lois et normes s'occupent de cas qu'on qualifie de réguliers. Ils sont répétitifs, déjà vus, balisés. L'éthique se préoccupe de cas irréguliers pour lesquels il n'y a pas de règle : la règle est inadéquate dans les circonstances où l'esprit et la lettre diffèrent.
Dans ces cas, la personne devra faire une réflexion éthique. Certains diront faire de leur mieux, mais ils devront s'orienter sur des balises, des valeurs et des principes. Dans tous les cas il demeurera une incertitude et il se peut que la personne se trompe. Le projet de loi ne fait pas de distinction entre les cas réguliers et les cas irréguliers. Pour le projet de loi, ils sont tous réguliers. Si on n'a pas suivi la règle parce qu'ils sont tous réguliers, il y a une sanction. Il manque un pan dans le projet de loi. C'est plus difficile à rédiger dans le cas d'un projet de loi, je l'avoue. C'est quelque chose qui est assez nouveau parce qu'un projet de loi par essence balise le régulier. Mais dans un cas où l'on parle d'un projet de loi sur l'éthique, la responsabilité et les conflits d'intérêts, on doit être un peu plus étoffé, je crois. Ce qui est curieux à dire parce que c'est un projet de 234 pages, mais je pense qu'on a à faire un peu plus d'efforts de clarification.
Le sénateur Joyal : Hier, M. Shapiro, a mentionné que le commissaire nommé au projet de loi est plutôt un commissaire aux conflits d'intérêts qu'un commissaire à l'éthique, compte tenu de l'approche que le projet de loi a prise. Vous l'avez identifiée vous-même, c'est plutôt une approche punitive, c'est-à-dire qu'on intervient après coup pour sanctionner un comportement que l'on estime inacceptable. Si l'on veut conserver ce terme « éthique » c'est-à-dire que le projet de loi atteigne ce qu'il annone à savoir l'éthique, il manquerait, selon vous, au projet de loi la dimension de la substance éthique.
M. Villemure : Oui, elle manque. Dans le rôle du commissaire, on ne deux choix. On lui ajoute cette dimension, mais je doute du succès d'un tel ajout parce que, encore là, je ne consulterais pas quelqu'un pour m'orienter sur une décision si la personne est susceptible de me punir. L'autre solution, c'est deux rôles : c'est possible d'envisager un commissaire à l'éthique et un commissaire aux conflits d'intérêts.
Dans l'époque où l'on vit actuellement il serait plus sage et plus facile de le faire comme cela. Dans tous les organismes gouvernementaux où je suis intervenu, et ils sont par centaines, le rôle du commissaire enquêteur n'a jamais rempli ses promesses : s'il était transparent, les gens n'était pas heureux parce que c'était trop « out in the open », s'il ne l'était pas, on l'accusait de favoritisme, vu qu'il pouvait punir, on ne le consultait pas, ainsi de suite. Les précédents sont nombreux. Il faut bien voir, par contre, qu'au Royaume-Uni ce rôle existe et il fonctionne assez bien, mais l'appréciation de la différence culturelle canadienne doit entrer en ligne de compte, on ne peut pas faire du copier coller sur cette fonction britannique et australienne. On doit marquer la différence canadienne.
Le sénateur Joyal : Donc dans votre appréciation du projet de loi, l'élément de déontologie professionnelle n'est pas suffisamment explicite pour pouvoir garantir le résultat que l'on vise à atteindre par le projet de loi.
M. Villemure : Laissez-moi corriger : la déontologie est explicite mais elle est seule. La déontologie et l'éthique ne sont pas incompatibles. L'éthique vise à pallier l'insuffisance de la déontologie. La déontologie ici est insuffisante eu égard à l'objectif. C'est comme si on avait une moitié d'assiette qu'on prétendait qu'elle était complète. C'est une vue de l'esprit.
Le sénateur Joyal : Hier, M. Shapiro nous a mentionné que la charge des personnes dont il est responsable — 1 500 nominations pour des postes permanents octroyés par le gouverneur en conseil, plus 2 400 pour des postes à temps partiel, plus 308 députés de la Chambre des communes, plus, si le projet de loi est adopté, 105 sénateurs — est telle que la fonction de conseiller est presque impossible en pratique à réaliser puisqu'il n'a physiquement pas le temps de rencontrer toutes les personnes. Par définition, la fonction de conseil que l'on veut chercher pour prévenir le comportement qui pourrait par la suite s'avérer inacceptable ne peut pas en pratique être assumée par le commissaire tel que défini dans le projet de loi. Par conséquent, on restera en deçà des attentes que le projet de loi crée. Mettons en place un système répondant aux besoins et objectifs que l'on veut réaliser par le projet de loi. Quelle est votre appréciation de cette constatation qu'a faite M. Shapiro?
M. Villemure : Elle est fort juste. C'est comme si on n'avait qu'un douanier au poste-frontière de Lacolle et que c'était le seul poste frontalier. C'est à peu près l'équivalent du trafic qu'on peut supposer. Si un groupe de pression faisait une plainte pour conflit d'intérêts — un groupe de pression peut envoyer 1 000 courriels quotidiennement —, le bureau du commissaire, dès cette journée, prendrait quatre mois de retard et cela sans tenir compte des nominations ministérielles ou autres. Le projet de loi est salutaire et énonce de bonnes intentions, mais le problème, c'est le choix des moyens à prendre pour que cette intention se cristallise en bonne action. Actuellement, les moyens proposés, quoique nobles, seront insuffisants. Je suis quand même plus inquiet des possible plaintes de la part des ONG ou des groupes de pression, parce qu'on ne peut pas anticiper leur volume. C'est immense. Democracy Watch a souvent bloqué le processus au Royaume-Uni. L'équipe telle qu'elle est projetée actuellement est insuffisante. Si une personne doit enquêter sur certaines allégations, le temps imparti au conseil sera secondaire. C'est pour cela que deux fonctions, conseiller et enquêteur, seraient essentielles. Maintenant, quelle que soit la formule retenue, il y aura blocage quelque part. C'est facilement envisageable. On devrait faire en sorte de réduire ce blocage autant que possible en ayant la fonction de commissaire-enquêteur qui serait elle-même séparée en deux; c'est-à-dire d'un côté les nominations politiques, d'un autre côté les enquêtes soumises par des tierces parties telles les ONG et les groupes de pressions. Il faut être habilité à reconnaître ces différences de sorte que s'il y a engorgement de la part des groupes de pression, cela n'empêcherait pas le conseil de fonctionner parce que le volume serait toujours plus bas. Un conseil mal donné amènera un tas de plaintes pour enquête. On parle généralement d'un rapport de six facilement dans de tels cas. Donc un conseil évite six enquêtes. C'est beaucoup. Faites le total, 1 500 nominations. L'éthique a une fonction préventive et on devrait la distinguer de la fonction prescriptive ou curative que représentent la déontologie et l'enquête.
[Traduction]
Le sénateur Oliver : Sénateur Joyal, pourrais-je vous demander d'attendre un peu pour poser cette question? Il y a en effet plusieurs autres sénateurs qui ont eux aussi des questions à poser. Je suis prêt à vous inscrire pour le second tour. Vous avez déjà posé cinq questions.
Le sénateur Segal : Le sénateur Joyal a déjà posé quelques-unes des questions que je voulais poser moi, et je suis donc fort heureux d'avoir ainsi profité de son tutorat.
[Français]
Monsieur Villemure, ma question concerne l'équilibre entre les propos proactifs et les propos rétroactifs dans le projet de loi. Vous avez souligné dans votre témoignage le problème de « responsabilité » comme étant rétroactif dans ses fonctions, dans ses racines. Un académicien bien connu au Québec, Denis St-Jacques, a parlé d'un problème d'éthique qu'il a qualifié de « parliamentary posse », c'est-à-dire que des officiers sont nommés par le Parlement canadien pour enquêter sur des personnes qui ont commis des fautes, qu'elles soient ministres ou autres. Cette loi-ci veut créer d'autres officiers du Parlement qui faciliteront l'existence d'une « posse » parlementaire plus sérieuse.
[Traduction]
Souvenez-vous, dans tous les vieux films de cow-boys, le shérif et sa bande d'auxiliaires se mettaient en route pour pourchasser les mauvais et, à leur retour, on les retrouvait au bar du coin, avec son pianiste et ses danseuses, où ils se faisaient offrir la tournée de whisky parce qu'ils avaient ramené sur leurs chevaux les corps des bandits, peu importe que ceux-ci aient ou non mérité leur sort. C'est un peu aussi le genre de mission qu'on confie à une bande de parlementaires.
Songez un peu au problème d'éthique que pose l'existence d'une série de fonctionnaires qui sont des créatures du Parlement mais qui échappent, je pense que l'expérience nous permet de le dire, complètement au contrôle du Parlement — ils rendent des comptes au Parlement mais ne sont pas sous le contrôle de celui-ci — et leur mission consiste si nécessaire, comme le définit le projet de loi, à découvrir des actes répréhensibles et à les mettre au jour dans l'intérêt public, et qu'est-ce que cela donne pour l'équilibre entre les propos proactifs et les propos rétroactifs dans le projet de loi, qui semble selon moi vous poser problème du point de vue de la structure éthique du projet de loi.
[Français]
M. Villemure : Votre question est très intéressante. Sur le plan de l'application, des gens non élus interprètent la Charte des droits et libertés au nom des élus : les juges. On appelle d'ailleurs cette instance « le gouvernement des juges ». On a une relation similaire avec des gens qui feraient partie d'un groupe quelconque d'officiers chargés d'aller à la chasse aux primes. Certaines mises en garde doivent être faites. Je n'ai pas analysé cela en particulier, m'étant arrêté au projet de loi.
[Traduction]
À brûle-pourpoint, la prudence est un élément.
[Français]
On élit des gens pour qu'ils puissent nous représenter puis on les fait surveiller par des gens non élus. Je n'ai pas de solution à proposer n'y ayant pas réfléchi du tout, mais je suis d'accord avec vos préoccupations à ce sujet. Ce qui m'inquiète, c'est la multiplication des agents à l'information, et cetera. Je confonds peut-être les paliers provincial et fédéral, mais il existe des tas de commissaires, du Commissaire à la protection de la vie privée du citoyen au Commissaire aux malades, et cetera. Il faut être prudent, car cela fait beaucoup d'organismes qui ne sont pas imputables aux électeurs.
Le sénateur Segal : Ma question concerne la différence entre l'imputabilité et la responsabilité. Nos collègues vont se souvenir du fameux comité du Parlement concernant Al-Mashat. Il y a eu divergence d'opinions entre certains ministres du gouvernement conservateur de l'époque, à savoir qui était responsable du fait que ce diplomate irakien ait été invité au Canada de façon très gracieuse et très rapide. Des ministres ont dit que ce n'était pas de leur faute parce qu'ils venaient d'être élus, mais le sous-ministre de l'époque, M. Kruger, est venu témoigner au comité. Il disait sans hésitation qu'en tant que sous-ministre il était responsable d'un département, que durant la période où il avait été sous-ministre il était responsable, qu'il devait fournir toutes les informations essentielles pour le comité. Dans le rapport final de ce comité multi-partisans, il a été décidé que la seule personne qui avait pris ses responsabilités au sérieux n'a pas été tenue imputable pour les fautes commises, si fautes il y avait eu, était M. Kruger. Cette différence entre responsabilité et imputabilité est très sérieuse. Vous avez soulevé des points importants dans votre présentation. Existe-t-il un équilibre dans ce projet de loi ou faut-il changer cet équilibre pour améliorer l'effet du projet de loi une fois adopté?
M. Villemure : Je vais compléter l'explication que j'avais commencé à donner au sénateur Joyal sur ce qu'est la responsabilité. Il s'agissait de la personne qui pouvait promettre. Dans une organisation, les titulaires de charge publique sont tous imputables quoi qu'ils fassent et qui qu'ils soient. Ils ne sont pas tous responsables parce qu'ils n'avaient pas tous à décider, mais sont tous imputables en bout de ligne. Votre sous-ministre avait raison, il était responsable et imputable. Ces deux concepts sont cousins mais ils peuvent se cumuler. La personne est toujours imputable tandis que la personne imputable n'est pas toujours responsable. Ainsi, la personne qui prend la décision aura à répondre de son action. L'imputabilité, c'est être digne d'éloges ou de blâmes. La personne qui avait les mains liées qui n'avait pas le choix du moyen ou de la décision n'était qu'imputable. On ne pouvait pas lui demander, par exemple, de courir le marathon avec les jambes liées. Elle a fait ce qu'elle a pu, mais la personne qui avait les jambes déliées a pu gagner peut-être, mais elle était imputable de son résultat qui était un éloge dans ce cas-là. La responsabilité est au-dessus de l'imputabilité, et tous sont imputables. Tous ont à répondre de leurs actions, à rendre des comptes. Le jour où on accepte d'occuper un poste de très haute gestion, qu'on arrive au milieu d'un débat qui a cours, on est imputable de la décision par solidarité ministérielle et d'organisation.
Le sénateur Fox : Votre présentation est fort intéressante et correspond au projet de loi devant nous. Dans les limites des délibérations, des recommandations et des amendements que peut faire un comité du Sénat, il y a des limites réalistes, en ce sens que le gouvernement est intéressé à ce que ce projet de loi revienne le plus rapidement possible avec le moins d'amendements possible. Il y a un aspect proactif et un aspect responsabilisation dans votre présentation. C'est proactif en ce sens qu'au stade où on en est, vos remarques sur les carences majeures ou l'absence d'une charte de principes qui pourrait être incluse dans un préambule me semblent peu réalistes en ce moment, cependant, cela sert très bien la discussion publique en ce sens que c'est dans cette direction qu'on devrait aller.
Par ailleurs, vous soulevez une série de problèmes dans le projet de loi auxquelles on pourrait remédier immédiatement. Sur la question de la proactivité, même si je pense que le gouvernement était prêt à regarder la chose de façon plus objective et moins rapide, on pourrait songer à faire ce genre d'amendement.
Existe-t-il un institut au Canada, autre que le vôtre, qui se penche sur ces questions et qui serait en mesure de produire un projet de loi modèle qui reprendrait certaines des considérations que vous avez mises sur la table ce matin?
M. Villemure : Je n'en connais pas beaucoup. Les projets de loi sont souvent l'œuvre de juristes et limités aux facultés de droit. Dans cet amendement requis, on aurait besoin d'une vision un peu plus large que la vision strictement juridique, mais les gens ont tendance à fonctionner en silo. L'autre point négatif est qu'en allant chercher des gens en philosophie, vous retrouverez un degré d'abstraction un peu trop grand. Quelques autres groupes de réflexion peuvent s'y intéresser. C'est ce que nous faisons. Il y en a sûrement d'autres qui ont ce genre d'expertise. Je ne connais pas suffisamment le détail des qualifications de chacun pour en parler, étant trop préoccupé à réaliser nos propres objectifs. Ce que j'entends dans votre commentaire, c'est qu'il est un peu trop tard pour le présent projet de loi, mais que cela nous servira de pièce de réflexion pour le futur. J'accueille très bien la remarque, par contre, ce projet de loi se penchant sur l'éthique et la responsabilité, c'est le temps de le faire en dépit des délais impartis. On m'a répondu en juin qu'on n'avait pas le temps, quand j'ai comparu au comité de la Chambre des communes. Je conçois que le temps soit une limite, mais comme je l'ai dit en début de ma présentation : mal nommer les choses ajoute aux malheurs du monde et penser prend du temps. Si nous voulons l'effet escompté, et le gouvernement compte beaucoup sur ce projet de loi à titre d'exemple, ce projet devrait être un peu remanié. Je ne crois pas qu'on parle de mois. Ces questions peuvent être débattues en chambre et je les crois essentielles. Si on ne prend pas le temps nécessaire pour réaliser cela, nous devrons vivre des années avec la faute initiale qui nous sera toujours remise sous le nez comme étant un vice de forme, vice identifié par quelques personnes. Alors je suis sceptique.
Le sénateur Fox : Le Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal, qui a l'habitude des groupes interdisciplinaires, se penche sur ces questions. Je déplore un peu que dans le milieu universitaire on ne se soit pas penché sur cette question plus rapidement.
M. Villemure : C'est un commentaire qui se veut un peu général. Le centre en question fait un bon travail et, en effet, il ne s'est pas penché sur la question. La plupart des personnes qui ont songé à étudier ce projet de loi parce qu'il parle d'éthique ont eu peur. Ce n'est pas une expertise qu'ils maîtrisent. Les gens du domaine juridique et éthique ne se fréquentent pas au naturel. Il y a quelques juristes-éthiciens, mais les gens ont été un peu surpris par cela. Il y a eu une certaine gêne à commenter. Tous les gens que je connais qui ont voulu le faire et qui ne l'ont pas fait auraient dû le faire. La réflexion aurait été plus encourageante. N'importe qui dans la salle peut se lever et me dire que je suis dans l'erreur. Prouvez-le-moi, je n'ai aucun problème. Je préfère faire une suggestion qui sera évaluée, et peut-être pas retenue, que de tenter de dépeindre un monde idéal qui n'a aucune chance d'exister. Pour les philosophes en général, un projet de loi est trop appliqué pour qu'ils l'étudient. Les gens de loi trouvent qu'au plan éthique c'est au delà du procédural auquel ils sont habitués. Il y aurait peut-être des affinités à aller chercher.
Le sénateur Fox : Je pense que la tentation de retenir ce que vous avez dit est très grande, et l'approche que vous avez prise a été corroborée par M. Shapiro précédemment. C'est un grand commissaire à l'éthique. Nous sommes très chanceux d'avoir pu le convaincre de servir l'intérêt public pour une période de temps. Cela démontre qu'il y a une carence dans ce projet de loi.
Vous avez touché un peu à la question internationale. Je ne suis pas un expert en la matière, mais vous m'avez surpris en disant qu'il n'y avait pas de projets de loi, pas de pratiques dans ce genre dans les pays européens.
M. Villemure : Curieusement, très peu. J'étais en France, l'année dernière, avec la haute administration française. Leur premier projet de loi fut de créer un commissaire à la déontologie. L'intérêt envers l'éthique est très important pour les Français aux fins de discussions, mais le principal souci de l'administration française était à l'effet que les compagnies, si elles étaient principalement publiques, deviendront principalement privées parce qu'elles seront cédées. On se soucie des conflits d'intérêts qu'on désire baliser par des règles déontologiques et juridiques. Étant avec les fonctionnaires du cabinet de M. De Villepin à l'époque, je suis resté stupéfait de ce que j'ai vu voir. Je m'attendais à autre chose. J'ai vu de petits efforts timides en Belgique et au Luxembourg — dans les plus petits pays —, mais rien en Italie ou en France. C'était très impressionnant. On a beaucoup de documentation sur les pays anglo-saxons à travers l'OCDE, laquelle fait principalement ses enquêtes auprès de ces pays.
J'ai beaucoup d'estime pour M. Shapiro. Il est pareil à un aigle dans une petite cage. La fonction actuelle limite grandement ses capacités à quelques petits actes qui ne correspondent pas à ses compétences. Je l'avais déploré dans un article de journal à l'époque. Il pourrait faire plus de bien que d'autres personnes. Il est un de ceux que je retiendrais.
Le sénateur Fox : Dans le texte anglais, il est dit : « occurence of certain terms. » Est-ce une constatation du fait que le mot « éthique » revient tant de fois par rapport au mot « ethic », « responsabilisation » par rapport à « accountability »? Avez-vous comparé les textes pour voir si les mots avaient été utilisés de la même façon dans les versions françaises et anglaises?
M. Villemure : Sur les deux niveaux. Le premier est une récurrence du terme et le deuxième détermine les différents niveaux de sens. Le mot « éthique » a trois sens et «accountability » deux. Entre les deux moutures, on a amélioré la récurrence des termes, mais on n'a pas amélioré le sens, qui est toujours au même nombre de sens. On n'a pas clarifié le sens, mais la vitrine. Ce n'est pas péjoratif, c'est ce qu'on voit, ce que l'on compte avec un logiciel compteur de mots. Le doute est au même endroit.
Le sénateur Fox : Quant au rôle et aux caractéristiques des commissaires, j'ai bien noté que dans le projet de loi à la l'article 81, à la page 44 on est très limitatif en décrivant les personnes qui peuvent être nommées. Si je comprends bien votre position, vous aimeriez que ces limites éclatent tout simplement et qu'on puisse choisir la meilleure personne, qu'elle soit du monde universitaire ou éthique ou est-ce simplement un ajout d'éthicien?
M. Villemure : Non, ce n'est pas simplement un ajout d'éthicien. Je faisais la boutade. Dans le cadre de mes fonctions, partout où on parle d'éthique, je ne parle jamais d'un éthicien. Je trouve cela un peu hilarant. C'est plus les limites qui devraient éclater. La personne pourrait être un juriste, un éthicien ou bien des choses. En étudiant l'histoire de la philosophie, on se rend compte de plusieurs choses. Plusieurs des problèmes aujourd'hui sont des vieux problèmes avec des nouveaux mots. On a tendance à oublier les vieilles sagesses. Le concept de mandarin d'État existe aussi. Ce concept pour un commissaire est intéressant. Mais je crois que la personne devrait impérativement avoir un minimum de formation en éthique et les juristes en ont, mais je crois qu'ils n'ont ont pas assez pour remplir cette fonction. Tristement je dirais, quand je rencontre les plus jeunes juristes, ils sont plus techniciens du droit. Nous rencontrons encore ce côté cours classique qui est très noble. Si la personne n'est pas éthicienne, elle devrait être formée à la chose, minimalement. Les diplômés sortent par dizaines dans les deuxièmes cycles en éthique. Ce ne sont pas tous des gens habilités à le faire mais certains le sont.
Le sénateur Fox : Vous avez fait la distinction entre le commissaire conseiller et le commissaire enquêteur.
M. Villemure : Oui.
Le sénateur Fox : Un commissaire enquêteur pourrait-il être dans un bureau du commissaire à l'éthique. Cela pourrait être envoyé à un autre organisme?
M. Villemure : Ça dépend de la supervision. Il ne peut pas être supervisé par le conseiller. Ils peuvent être en ligne, à travers un fonctionnaire supérieur. Dans les organisations publiques et privées, généralement, ce genre de fonction s'assimile à celle d'un secrétaire général. Il y a un lien direct avec le patron. Mais un ne peut pas superviser l'autre, quel qu'il soit.
[Traduction]
Le sénateur Milne : Je sais que le temps nous est compté, et je serai donc très brève. J'ai été impressionnée par votre définition — « une réflexion éthique a lieu avant une décision, tandis que les concepts d'imputabilité, de reddition de comptes... font référence au moment après une décision ». Cette explication a été la plus claire que nous ayons entendue jusqu'à présent.
Vous dites que le projet de loi doit préciser des valeurs, ce qu'il ne fait pas. Ce commissaire à l'éthique, ce tsar ou peu importe le nom qu'on veut lui donner, sur quoi fonderait-il un jugement si le projet de loi ne prescrit aucune valeur?
M. Villemure : Dans l'état actuel des choses, il devra le faire en se fondant rigoureusement sur des règles, ce qui veut dire qu'il va pouvoir faire enquête et juger de causes ordinaires et que, dans le cas de causes extraordinaires, il sera dans le noir. Avec le projet de loi sous sa forme actuelle, il pourra faire une partie seulement de son travail.
Le sénateur Milne : On pourrait donc dire que ce projet de loi n'est donc que partiellement opérant, n'est-ce pas?
M. Villemure : C'est exact.
Le sénateur Milne : Vous avez mentionné plusieurs éléments qui devraient être ajoutés à ce texte. Il s'agit pour être plus précise des concepts d'équité, de respect et de précision. Nous recommanderiez-vous d'apporter un amendement en conséquence pour élargir ainsi le rôle du commissaire?
M. Villemure : Je pense effectivement qu'il faudrait un amendement dans ce sens. Pour revenir à ces trois concepts, je n'ai rien préparé à votre intention pour aujourd'hui. Cela nécessiterait peut-être une réflexion ultérieure, mais nous ne sommes pas loin de ces trois concepts. Je serais ravi de le mettre de façon plus claire par écrit si c'est ce que vous voulez. C'est toutefois quelque chose qu'il faudrait ajouter et développer dans ce projet de loi.
Le sénateur Milne : Je vous remercie. Le témoin pourrait peut-être nous mettre quelque chose par écrit et nous le faire parvenir.
Le président : Je vous en prie.
M. Villemure : D'accord.
Le sénateur Baker : Vous venez de mener une analyse tout à fait fascinante du projet de loi et peut-être tous les projets de loi mériteraient-ils une analyse de ce genre.
En vous écoutant, je compatissais avec le sénateur Stratton. Comprenons-nous bien : êtes-vous oui ou non favorable à ce projet de loi? Vous nous avez dit qu'il s'agissait d'un tournant éthique dans l'histoire du Canada.
M. Villemure : Oui.
Le sénateur Baker : Ainsi, vous appuyez ce projet de loi.
Le sénateur Stratton : Merci d'avoir posé ma question, monsieur le sénateur.
Le sénateur Milne : Je pense que nous appuyons tous le projet de loi. Nous souhaitons simplement l'améliorer.
Le sénateur Baker : J'aimerais poser deux questions. Dans le cas qui nous intéresse, quelle serait la traduction exacte du mot « accountability »?
M. Villemure : « Imputabilité ».
Le sénateur Baker : Voici ma deuxième question. D'après votre analyse du projet de loi, il y est beaucoup question de « ethics » mais pas d'« éthique ». Croyez-vous qu'une langue a plus de poids que l'autre pour l'interprétation des lois? Quel est votre avis pour les lois en général?
M. Villemure : Encore une fois, sans adopter le point de vue d'un avocat, je pense que le projet de loi doit être clair et applicable dans les deux langues et il y a des moyens de s'en assurer. Toutefois, les deux versions du projet de loi ont été rédigées en parallèle en utilisant la terminologie propre à chaque langue mais les termes n'ont pas été affranchis de leur héritage de sorte qu'ils finissent par dire des choses différentes. C'est le principal problème.
Votre première question sur « imputabilité » ou « accountability » est intéressante.
[Français]
Le projet de loi en français sur la responsabilité est très intéressant mais le texte ne va pas avec. J'aimerais que ce soit un projet sur la responsabilité, qu'il s'intitule ainsi, c'est très bien, mais pour qu'il le soit...
[Traduction]
Il y a plusieurs améliorations à apporter.
Le sénateur Baker : Au sujet de ma seconde et dernière question, normalement pour les deux langues — l'anglais et le français — on analyse le mot suivant les règles d'un texte intitulé Interprétation des lois dans le contexte de l'article du projet de loi où il est utilisé puis en tenant compte de l'intention du législateur. Je suppose que vous nous dites qu'en l'absence d'un énoncé de mission ou d'une explication des principes qui font l'objet de la loi, c'est une tâche très difficile à accomplir et qu'il serait peut-être impossible pour un juge d'analyser le texte. Est-ce bien ce que vous nous dites?
[Français]
M. Villemure : Oui, c'est mon point. Je ne veux pas présumer comment on écrit ce genre de choses mais on peut constater que la discipline de la philologie ici n'a pas été utilisée à son plein pouvoir. On a utilisé la linguistique, une partie de l'étymologie mais on n'a pas touché à la philologie. Pourquoi y toucher? Quand on écrit une loi, généralement on va décrire des choses généralement restrictives. Ce projet de loi concerne le pourquoi et là, le pourquoi est un niveau d'abstraction supplémentaire. Les juristes ayant travaillé sur ce sujet sont peut-être un peu moins familiers avec cette abstraction supplémentaire. C'est pourquoi on aurait besoin d'un éclairage qui serait celui de la discipline que je viens de mentionner. Cela ne reflète en rien la compétence des gens en question. C'est un niveau d'abstraction supplémentaire tout simplement.
Historiquement, la profession d'avocat et de philosophe était la même. On les a distinguées au cours des 2 000 dernières années. Pour arriver à la question du pourquoi, la loi traite beaucoup du comment, il faut ajouter un petit bout de contribution de ces sciences.
[Traduction]
Le sénateur Stratton : J'ai du mal à m'y retrouver dans cette question d'éthique, de principes et de valeurs. Vous avez dit dans votre exposé préliminaire que l'éthique ne peut être réduite à un ensemble de principes et de valeurs. J'en conviens. C'est une question que nous nous posons tous. Toutefois, hier soir, M. Shapiro nous a dit qu'il voulait inscrire dans ce projet de loi un ensemble de principe et de valeurs. Êtes-vous d'accord avec M. Shapiro? Comment pouvons-nous régler cette question sans nous encombrer de quelque chose de trop lourd à appliquer?
M. Villemure : Si je me souviens bien, je vous ai dit dans mon exposé que le projet de loi mentionnait à maintes reprises des règles, des principes et quelques directives. J'ai fait allusion aux mots, mais jamais de manière explicite aux principes en question. Nous en avons parlé; nous n'avons pas dit ce qu'ils sont.
[Français]
On mentionne souvent le mot mais pas son sens. Dans cette réponse, je serais d'accord avec M. Shapiro pour pouvoir ajouter ces éléments manquants. D'ailleurs le thème de la présentation était sur les silences, ce que le projet de loi ne disait pas. Je vous disais que le projet de loi était riche, dans 72 à 72.01, on parlait de règles, de principes et d'obligations mais on ne nommait jamais les principes. C'est ce qui manque et c'est ce que M. Shapiro propose, je n'ai pas entendu son témoignage mais c'est ce que j'en comprends.
[Traduction]
Dans mon exposé, je demandais s'il y a trop de valeurs et de principes; il n'y en a aucun. Il y a des règles. Nous parlons de principes et de valeurs mais en fait, il n'y en a aucun.
Le président : Monsieur le sénateur, dans son exposé, il a dit que : « Le manque de principes, de valeurs dans le projet de loi risque de réduire le rôle du commissaire à celui d'un technicien du « comment » au détriment du conseiller sur le « pourquoi » ». Il dit bien : « le manque de principes, de valeurs dans le projet de loi ».
Le sénateur Stratton : Oui. Quelques-uns d'entre nous ont fait partie du groupe qui s'est torturé les méninges pendant un bon bout de temps au sujet des règles du Sénat, si je me souviens bien.
Chaque chambre établit ses règles en se fondant sur un certain nombre de principes qui lui semblent importants. De notre côté, le commissaire interprète ces principes. Chaque Chambre a également un comité de vigilance. Le comité sénatorial, présidé par Serge Joyal, compte cinq membres. Ce comité veille à ce que les choses se fassent de manière conforme à l'éthique, de manière appropriée, dans la plupart des cas. C'est ainsi, à mon sens, que nous nous gouvernons. Ces mécanismes existent déjà.
Je crois qu'il est inacceptable, pour différentes raisons, de menotter les deux chambres, qui peuvent avoir différentes valeurs et différents principes, avec la même interprétation. Les principes et les valeurs devraient être énoncés dans le règlement de chacune des deux chambres, être établis par les membres de chaque chambre, puis interprétés par le commissaire à l'éthique dans le cas de la Chambre des communes ou par l'agent d'éthique dans notre cas. J'en suis vraiment fermement convaincu. Je ne crois pas que ça devrait faire partie du projet de loi. Et c'est pour cette raison que ça ne devrait pas faire partie du projet de loi.
J'aimerais connaître votre avis là-dessus, parce qu'il s'agit, selon moi, d'une question importante.
[Français]
M. Villemure : Je suis principalement en désaccord. Je vais peut-être tenter de simplifier la compréhension de ces points. Les règles, les valeurs, je ne crois pas qu'elles devraient reposer au sein des instances. Il y aura certainement des façons différentes de revoir ces règles et ces valeurs au sein des instances mais quand on parle de gouverner les titulaires de charges publiques canadiennes, il y a certains concepts fédérateurs qui doivent être mis en place.
Je prendrai l'exemple du respect. Ce concept s'appliquera de façon différente selon que l'on est un député, un sous-ministre ou quelqu'un d'autre. Mais L'essence du respect demeure ce second regard afin de ne pas heurter inutilement. Bien que le dérivé de l'application soit différent, le sens demeure le même. Si on commence à avoir des variations de valeurs et de principes entre chacune, ce sera le fouillis. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, c'est la question que je pourrais vous poser. La place est bien là pour ce genre de principes et de valeurs et ils devraient se retrouver dans les deux chambres et dans tout ce qui gouverne la chose publique.
Quand on a à décider quoi faire pour bien faire, on ne peut pas tout faire. On ne peut pas dire ce sera bien pour l'un et mal pour l'autre. Quand on définit un principe, du latin princep premier, le principe devrait être avant tout. S'il est avant tout, il gouverne les autres instances. Je ne crois pas que les principes devraient être nombreux, il n'y a pas de chiffres ou de standards mais ils doivent présider parce qu'en leur sens, ils sont premiers. Je ne sais pas si je réponds bien à la question du sénateur Stratton.
[Traduction]
Le sénateur Stratton : Si vous examinez le règlement établi par la Chambre des communes et le règlement établi par le Sénat, je crois que vous comprendrez ce que je veux dire. Je crois que, pour comprendre, il est important que vous y jetiez un coup d'œil, à tout le moins.
M. Villemure : Je comprends votre point de vue.
Le sénateur Stratton : Je vous en remercie.
Avec nos comités séparés, nous agissons essentiellement à titre de comités de vigilance, afin d'assurer un équilibre entre le droit des gens de déposer des plaintes et les plaintes frivoles qui nous préoccupent vraiment. C'est pourquoi ce concept est enchâssé dans ce projet de loi; chaque Chambre a son propre comité de vigilance pour prévenir ces situations. Ainsi, la surcharge de travail pour l'agent ou le commissaire à l'éthique, peu importe le nom qu'on leur donne, est considérablement réduite. Le contrôle sera donc assuré dans le cadre du processus de vigilance.
M. Villemure : En procédant de cette façon, vous contribuez à la tâche de la personne qui agit après la décision; vous ne contribuez pas à la tâche de la personne qui agit avant la décision.
Le sénateur Stratton : Oh oui, nous y contribuons.
M. Villemure : Vous croyez vraiment?
Le sénateur Stratton : Oui parce que l'agent d'éthique ne peut pas aller de l'avant sans la permission du comité de vigilance.
[Français]
M. Villemure : Ici j'aurais peut-être un désaccord. Admettons pour fins de comparaison que le conseiller à l'éthique suggère quelque chose qui aille contre les dispositions de l'enquêteur à l'éthique mais que dans ce cas, pour des raisons documentées et argumentées, on rejoint l'esprit de la loi mais on en trahit la lettre. C'est le genre de cas que vous allez voir. Que faire si bien faire signifie transgresser la lettre de la loi? Dans ce cas-là, vous vous retrouvez dans une impasse.
[Traduction]
Le sénateur Stratton : Je ne pense pas. Je ne peux pas imaginer notre comité aller à l'encontre de la lettre de la loi. Nous sommes passés par là récemment, très récemment, et nous avons sans réserve respecté les principes établis.
Nous avons subi des pressions en faveur d'une autre décision, et je crois que nous avons pris la bonne décision, une très bonne décision dans ce cas. Je ne suis donc pas d'accord avec vous; je ne peux pas être d'accord avec vous sur cette question, donc sommes-nous d'accord pour être en désaccord?
M. Villemure : D'accord. C'est tout.
Le sénateur Day : J'ai bien peur de devoir être d'accord pour être en désaccord avec le sénateur Stratton moi aussi.
J'invite M. Villemure, s'il en a l'occasion, à examiner l'article 45 proposé, qui permet au commissaire d'examiner les questions de sa propre initiative. Aucun comité de vigilance n'intervient donc en ce qui a trait aux titulaires de charge publique.
Nous semblons avoir de la difficulté à faire la distinction entre trois concepts différents ici. Il y a les sénateurs, il y a la Chambre des communes, puis il y a les titulaires de charge publique, qui sont encore une fois divisés en deux catégories dans la nouvelle loi proposée. Le commissaire a beaucoup plus de pouvoir relativement aux enquêtes, et comme nous l'avons découvert hier il peut informer le premier ministre des mesures qu'il entend prendre concernant ces diverses enquêtes.
J'ai donné cette explication à titre d'information pour le sénateur Stratton, parce que je crois qu'il a peut-être embrouillé les choses pour vous avec certaines de ses questions.
Laissez-moi revenir aux principes et aux valeurs dont vous parliez plus tôt. Je crois que les rédacteurs du projet de loi C-2 ont décidé qu'ils ne pouvaient pas faire ce qui avait été fait auparavant parce que nous passions d'un système fondé sur des valeurs à un système fondé sur des règles.
Auparavant, il existait des codes. Il existe un code régissant les conflits d'intérêts et un code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne l'après-mandat. Il s'agissait de l'initiative du premier ministre Martin. Au tout début de ce code, on y énonce les objets et les principes. Ils servent d'indication générale. Je vous laisserai examiner ces questions en temps voulu, mais ce sont les aspects que je tenais à vous signaler.
Ensuite est arrivé M. Harper qui a créé son propre code. Il s'agit toujours de règles régissant les conflits d'intérêts, fondées sur des valeurs. Comme vous pourrez le constater, ces règles énoncent dès le départ quels en sont les « objets et principes ». C'est ce dont nous avons parlé ici, à savoir les objets et principes qui existent.
Le président : Sont-ils les mêmes dans les deux documents?
Le sénateur Day : Non, ils ne sont pas exactement les mêmes.
Le président : Mais de façon générale, ils sont semblables?
Le sénateur Day : Oui; ils fournissent un cadre selon lequel des règles particulières peuvent être interprétées par le commissaire ou l'agent.
L'autre document que j'ai est le Code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs. Nous avons procédé de la même façon — on y énonce au tout début les « objets et principes » qui servent d'indication générale à l'intention des responsables de l'interprétation ou de l'application du code, lorsqu'il s'agit d'interpréter des règles particulières. Il s'agit d'un système fondé sur des valeurs. Arrive alors le projet de loi C-2 et on décide, pour une raison quelconque, de ne pas y inscrire ces principes généraux.
La question que j'aimerais vous poser est la suivante : peut-on, en toute logique, passer d'un système de valeurs à un système de règles comme celui-ci? Est-il illogique par conséquent qu'un système de règles renferme des principes et des valeurs?
[Français]
M. Villemure : C'est une question très intéressante car si les règles et les valeurs étaient à l'intérieur de la loi, elles ne changeraient pas comme elles le font. Peut-être sont-elles similaires, je ne les ai pas vues, mais du moins, on parle d'une assise plus solide. Je crois que quand on part d'un système de codes, qui n'a pas force de loi mais qui a une force déontologique, quand on part d'un système déontologique, avec certaines règles et valeurs, et qu'on tombe dans un système où il n'y a pas de valeurs et de principes, je crois qu'on perd des plumes en chemin. Dans tous les codes que j'ai examinés au fil du temps, souvent, la première page contenait les principes et les valeurs; nombreux furent les codes où on aurait pu enlever la première page et lire le code quand même. Ce que je trouve malheureux. C'est une page qu'on appelle d'« éthique affichée ». Dans d'autres codes, c'était vraiment très consistant avec le reste du document. Tant que c'est consistant, je n'ai pas de problème. Le problème qu'il y a dans le projet de loi C-2, c'est qu'on ne retrouve pas cela; par conséquent, nous ne serons jamais capables de faire la gestion des cas irréguliers parce que, n'ayant pas de valeurs, au regard de la règle, on suppose qu'ils sont tous réguliers. Comme je disais tantôt, il y a un pan du raisonnement qui va manquer lors de la gestion des cas irréguliers. Dans les cas réguliers, on ne rencontrera aucun problème; cela sera peut-être un peu sévère, mais cela ira. À mes yeux, cela ne cause aucun problème. Le problème, c'est qu'il manquera des outils pour analyser les cas les plus embêtants. Certains de ces outils se trouvaient peut-être déjà dans ces codes, je ne le sais pas, mais passer d'un système de valeurs à un système de règles, c'est un pas en arrière.
[Traduction]
Le sénateur Day : Je me ferai un plaisir de vous les communiquer. Si vous avez d'autres commentaires que vous aimeriez nous faire parvenir, cela nous serait utile. Cela s'applique également aux comparaisons ou aux mises à jour quant à la fréquence avec laquelle divers termes sont utilisés.
Je trouve très inquiétant votre commentaire selon lequel vous avez constaté que le sens diffère d'une langue à l'autre. Il nous devient alors extrêmement difficile de nous contenter simplement d'adopter ce projet de loi et de laisser quelqu'un d'autre régler le problème. C'est notre travail.
Nous appuyons la notion de comportement éthique et de l'obligation, pour le gouvernement et les parlementaires, de rendre des comptes. Ce sont des principes que nous appuyons fermement, mais nous avons une responsabilité constitutionnelle pour ce qui est de nous assurer que les projets de loi adoptés ont du sens — et ils devraient avoir le même sens, et je suis tout à fait d'accord avec vous à ce sujet, dans les deux langues officielles. Si vous pouviez nous aider à proposer des amendements qui pourraient être apportés pour atteindre cet objectif, nous en serions très heureux. Au bout du compte, nous adopterons un projet de loi et nous tenons à adopter le meilleur projet de loi possible.
[Français]
M. Villemure : Vous me rassurez. Avant de débuter la séance, le sénateur Joyal me disait que les gens ont souvent tendance à penser que très peu de choses se font ici. Je suis heureux d'y venir parce que, justement, c'est l'endroit pour s'exprimer. Je sais que vous avez une rigueur absolue, c'est pour cette raison que j'essaie d'exprimer des idées très pointues. L'humain ne peut tout retenir, mais je suis convaincu que vous travaillez très rigoureusement. J'admire beaucoup le fait qu'on puisse évoquer chaque point, étape par étape. C'est essentiel, à mon avis, parce que cela évite maintenant des problèmes qui sans aucun doute se présenteront dans le futur.
[Traduction]
Le sénateur Campbell : Je ne comprends pas encore très bien le français. Est-il possible de faire en sorte que le sens soit le même dans les deux langues? Est-il possible de faire en sorte qu'un mot en français ait le même sens que le mot en anglais? Il me semble que c'est la difficulté avec laquelle nous sommes aux prises.
M. Villemure : Oui, c'est possible, et nous devrons essayer d'être moins paresseux. À titre d'exemple, le mot français qui traduit le mieux le terme anglais « ethics » est le mot « déontologie », mais comme nous sommes paresseux nous traduisons « ethics » par « éthique ». Si nous procédions de cette façon, la solution serait simple — « ethics » deviendrait « déontologie ».
La philosophie a le don...
[Français]
...imputabilité, reddition de comptes sont des termes qui peuvent être bien traduits au sens. C'est juste que, parfois...
[Traduction]
... j'ai remarqué que les gens aiment utiliser le terme « éthique » — et qu'ils l'utilisent abondamment simplement pour faire bonne impression. Ce mot perd alors tout son sens parce qu'il est privé de substance. Je dirais que si le mot est nécessaire, utilisez-le; autrement, utilisez un autre mot. C'est la raison pour laquelle j'ai cité cette parole de Camus :
[Français]
Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde.
[Traduction]
C'est à cela que ça se résume.
[Français]
Le sénateur Joyal : Monsieur Villemure, dans votre étude des différents systèmes canadiens déjà en place depuis un certain nombre d'années dans certaines provinces, les normes, les codes et les commissaires ont eu l'occasion d'opérer depuis quand même quelques années. D'après vous, quelle est l'approche la plus près de celle que vous décrivez ce matin?
M. Villemure : Je dois vous avouer avoir plus d'intérêt aux pratiques européennes qu'aux pratiques canadiennes. Je ne pourrais pas me prononcer sur les pratiques provinciales, ne les connaissant pas suffisamment. Au niveau de réflexion de l'Institut, on est en train de tenter de mettre sur pied un genre de modèle qui ferait le pont entre les deux. La situation canadienne est intéressante à l'égard qu'on est vraiment héritier de deux cultures et on fait avec les deux cultures. C'est merveilleux. Sauf que dans un cas, on tombe dans une abstraction difficile. Alors la solution française ne serait pas donne, celle de la communauté européenne non plus et la solution anglo-saxonne non plus. Ce qui est fait rapidement ressemble à la solution britannique, avec ses forces et faiblesses. Je dirais que la solution britannique fonctionne très bien au Royaume-Uni et dans toutes ses composantes mais culturellement, elle ne pourrait pas être importée ici.
La portion que je n'ai pas traitée du tout ce matin porte sur la dénonciation. Il s'agit d'un exemple frappant. Au Royaume-Uni, le taux de dénonciation est très bas mais le pourcentage de dénonciations fondées est très haut. Au Québec, on a un taux de dénonciation très bas et un taux de non fondé très haut. C'est un petit détail. Cette situation ne pourrait pas s'importer comme cela. C'est la même chose pour l'ensemble de la loi.
Je veux porter un regard sur le côté provincial. Je travaille plus en Europe. J'ai été appelé à comparer les composantes de la Communauté européenne.
[Traduction]
Le sénateur Zimmer : Nous vous remercions de votre comparution aujourd'hui, en particulier en raison de votre précision pour ce qui est des définitions, des définitions de sens ainsi que de la traduction exacte des mots; tout cela peut faire une énorme différence. Je voudrais reprendre la question du sénateur Campbell, et aller un peu plus loin.
Nous entendons souvent les mots « ouvert », « transparent » et « responsabilité ». J'en ai presque assez d'entendre ces mots parce que si quelque chose arrive au cours de l'avant-midi et ne fonctionne pas selon le plan, alors nous parlons d'un manque d'ouverture, de transparence et de responsabilité. Nous devenons paresseux avec l'utilisation de ces mots, et nous les utilisons trop facilement. Ils deviennent presque des paroles de contraintes ou d'intimidation.
J'irai encore plus loin. Croyez-vous que de tels mots, utilisés dans certains projets de loi, deviennent des motivations politiques lorsqu'on les utilise pour qu'une décision soit rendue en notre faveur plutôt que de vraiment étudier le projet de loi, de la façon dont il devrait être utilisé?
[Français]
M. Villemure : Ces mots sont un prétexte dans beaucoup de cas. Je prendrai l'exemple du gouvernement québécois où le fétiche de la transparence relève de l'obsession. La transparence est le fait de voir ce qu'il y a derrière. Une valeur est nécessairement moralement positive. La transparence n'a pas de contenu moral en soi. Cela dépend ce qu'il y a derrière. Si vous êtes transparent et ce qu'il y a derrière n'est pas bon, cela ne donne pas grand chose. La transparence n'est utile que pour pallier à une insuffisance de la confiance. On l'utilise à tort et à travers. C'est un mot fétiche, ce n'est que de la poudre destinée à être jetée aux yeux. Dans beaucoup de cas, les gens se servent de l'éthique pour jeter de la poudre aux yeux, ce qui est une mauvaise utilisation de la chose et je le vois régulièrement; les mots comme «transparency, accuracy, accountability» n'ont pas de sens réel dans les cas où ils sont employés. Le gouvernement du Québec ne parle que de transparence. Elle est nécessaire dans le cas du gouvernement en question parce que, au fil des années, des décisions n'ont pas été motivées ou, du moins, le citoyen ne les a pas suffisamment comprises. De sorte qu'on est rendu à lui dire : étant donné que tu ne me fais pas confiance, je vais te montrer ce que je fais. C'est un palliatif. Rien n'est transparent, cela n'est pas une fin en soi. L'idée est de l'utiliser comme un moyen pour atteindre la confiance et le but est la confiance. Dans le cas que vous me citez, il n'y a même pas de buts. C'est pour avoir l'air bon et pour que les gens ne disent un mot. C'est l'analyse politique que je fais de l'usage de ces mots. Ce sont des idées reçues, sans fondement. C'est totalement sorti d'un sac, cela n'a rien à voir.
[Traduction]
Le sénateur Oliver : Sur ce, honorables sénateurs, nous allons mettre fin à cette audience.
La séance est levée.