Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 6 - Témoignages du 7 septembre 2006 - Séance de l'après-midi
OTTAWA, le jeudi 7 septembre 2006
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, se réunit aujourd'hui à 13 h 04 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Chers collègues, je déclare ouverte la séance de cet après-midi des audiences du Sénat sur le projet de loi C-2. Avant de passer à la présentation des témoins, le sénateur Stratton a un rappel au Règlement.
Le sénateur Stratton: Chers collègues, pardonnez-moi ce léger retard. J'aimerais que la totalité des témoignages de ce matin soit imprimée afin que nous puissions examiner les commentaires faits par M. MacKinnon. Au cours du témoignage de ce matin, M. MacKinnon du Parti libéral a indiqué qu'au cours des audiences du comité législatif chargé d'étudier le projet de loi C-2 au printemps dernier, le directeur général des Élections avait indiqué qu'il souhaitait que les dispositions du projet de loi C-2 portant sur le financement des élections soient reportées au 1er janvier 2007. Nous avons examiné la déclaration faite par M. Kingsley devant le comité législatif au sujet du projet de loi C-2, le mardi 16 mai 2006. Nous constatons que M. Kingsley n'a fait aucune déclaration en ce sens. La seule déclaration qu'il ait faite à cet égard est la suivante: « Les dispositions du projet de loi sur les contributions entreraient en vigueur le jour de la sanction royale, ce qui ne laisse guère de temps à Élections Canada pour renseigner le public sur ces changements. » Cet extrait provient de la transcription des délibérations du comité législatif sur les projets de loi C- 2 du mardi 16 mai 2006, au cours de la séance du matin. J'espère que cela permettra de dissiper toute fausse impression qui pourrait subsister dans l'esprit de mes collègues. J'aimerais que le témoignage soit imprimé pour que nous puissions chacun en prendre connaissance.
Le président: Vous demandez qu'on imprime le témoignage. Selon l'usage, les bleus provenant des transcriptions du comité sont disponibles dans les 24 heures.
Le sénateur Stratton: Je considère qu'il est extrêmement important que nous les ayons demain matin. Nous ne siégeons pas la semaine prochaine, d'après ce que je crois comprendre. Si nous devons attendre 24 heures avant d'avoir les bleus, cela signifie que le comité n'aura pas l'occasion d'en prendre connaissance avant demain après-midi, lorsque nous serons partis.
Le président: Le greffier m'indique que les bleus de la séance d'aujourd'hui seront disponibles d'ici demain matin.
Le sénateur Stratton: Seront-ils prêts avant que nous débutions la séance de demain?
Le président: Il ne peut pas le promettre, mais il fera de son mieux.
Le sénateur Joyal: Je me demande si nous ne devrions pas avoir en plus de cette déclaration la question aussi, de même que toute question supplémentaire.
Le sénateur Stratton: Il nous faut la totalité du témoignage de M. MacKinnon.
Le sénateur Joyal: Le sénateur Stratton peut présenter à nouveau son rappel au Règlement et nous nous assurerons que le témoignage est imprimé.
Le sénateur Stratton: Je vous remercie. Je serais en mesure de fournir le témoignage du directeur général des Élections.
Le sénateur Joyal: Si les bleus ne sont pas disponibles demain, malgré toute la diligence voulue, le sénateur Stratton pourra représenter son rappel au Règlement lorsqu'ils seront disponibles. Je n'ai aucune objection.
Le président: J'aimerais que nous passions maintenant à l'objet de notre réunion, c'est-à-dire la poursuite de notre étude du projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation. Le projet de loi est mieux connu sous le titre de loi fédérale sur la responsabilisation. Comme les sénateurs, nos témoins et les membres du public ici et ceux d'ailleurs au Canada le savent, ce projet de loi représentent l'un des principaux éléments du programme du nouveau gouvernement et il est l'un des plus importants textes de loi déposé devant le Parlement ces dernières années. Je sais que le comité accordera au projet de loi toute l'attention qu'il mérite et en fera une étude approfondie, soigneuse et détaillée. Les audiences ont débuté en juin, et cette semaine le comité met l'accent sur des aspects plus précis du projet de loi. Cette semaine, nous aborderons entre autres la question de la responsabilisation en général, de l'éthique, des conflits d'intérêts et du financement des partis politiques. Nous entendrons aujourd'hui les témoignages de divers partis politiques. Nos audiences se poursuivront ensuite au cours des prochaines semaines et porteront sur d'autres aspects importants du projet de loi.
Cet après-midi, nous accueillons des représentants d'un certain nombre de partis politiques, entre autres Jean Langlois, directeur exécutif du Parti Vert du Canada; Stephen Best, directeur exécutif du Animal Alliance Environment Voters Party of Canada; et Will Arlow, du Parti Action canadienne.
Stephen Best, directeur, Animal Alliance Environment Voters Party of Canada: Je tiens à remercier le sénateur Oliver d'avoir accédé à ma demande de comparaître devant vous aujourd'hui. J'en suis heureux. C'est la deuxième fois que je comparais devant le comité, et une fois de plus, pour parler d'argent.
Le Animal Alliance Environment Voters Party of Canada est l'un des plus petits et plus récents partis politiques enregistrés au Canada. Il a été fondé pour que ceux qui reconnaissent la nécessité de lois solides pour la protection de l'environnement et des animaux de même que le rôle primordial que jouent les représentants élus dans l'élaboration de ces lois puissent participer pleinement et efficacement aux élections fédérales.
Les limites aux dépenses faites par des tiers, prévues par la Loi électorale du Canada, signifient que désormais, les Canadiens peuvent participer véritablement à des élections fédérales uniquement par l'intermédiaire d'un parti politique enregistré ou d'un candidat. Par conséquent, la loi qui restreint encore davantage leur droit à participer doit être considérée avec méfiance et scepticisme et adoptée uniquement si le gouvernement parvient à prouver clairement que la suppression des droits démocratiques fondamentaux d'un particulier est justifiée indiscutablement et qu'aucune option de rechange viable n'existe.
L'intention du projet de loi C-2, la loi fédérale sur la responsabilisation, est de restreindre les droits démocratiques des Canadiens, particulièrement le droit d'appuyer financièrement des candidats qui briguent un siège au niveau fédéral et les partis politiques enregistrés de leur choix. Ce droit est implicite dans de nombreuses dispositions de la Charte des droits et libertés et dans les arrêts de la Cour suprême du Canada. Le gouvernement a entre autres invoqué comme raison, pour porter atteinte à ce droit en réduisant de 5 000 $ à 1 000 $ les contributions politiques annuelles que des particuliers sont autorisés à verser à diverses entités politiques, qu'il faut réduire la possibilité d'influencer les politiciens à l'aide des contributions.
À mon avis, le projet de loi C-2 n'est pas une conséquence des défaillances systémiques du gouvernement canadien ni du système de financement électoral mais plutôt de l'environnement politique et des possibilités stratégiques créées par le soi-disant scandale des commandites. L'indignation du public au sujet des actes criminels et des manquements à l'éthique d'une poignée de gens a permis d'utiliser à des fins politiques la prétendue absence d'intégrité personnelle de l'ensemble des politiciens et des fonctionnaires afin d'en faire un important enjeu électoral. Des promesses électorales ont été faites, des votes ont été récoltés et ainsi est né le projet de loi C-2.
Le fait est que la corruption n'est pas omniprésente au gouvernement canadien ni à la fonction publique, pas plus qu'il n'existe de preuve selon laquelle le régime de contributions politiques actuel influence indûment les politiciens. Après de nombreux mois d'enquête et de témoignage sous serment au cours de la commission d'enquête sur le programme des commandites et les activités de publicité, le juge John Gomery a constaté que
[...] le scandale des commandites fut une aberration. La très grande majorité des fonctionnaires sont des personnes compétentes qui agissent au service de la population avec dévouement et de manière éthique, en respectant les lois, les règlements, les politiques et les lignes directrices. Nous ne devons pas oublier que seule une poignée de représentants du gouvernement n'a pas respectée ces normes dans le cadre du programme des commandites.
Même s'il existait des problèmes répandus de corruption et d'influence indue de parlementaires par le biais de contributions politiques, comme l'affirme le gouvernement — ce qui ne correspond pas aux conclusions du juge Gomery — le problème ne réside pas dans le montant d'argent qu'un particulier est autorisé à contribuer annuellement au total. Le problème réside dans le montant que les partis et les politiciens qui contrôlent les lois, les dépenses et les nominations du gouvernement sont autorisés à recevoir de la part de donateurs individuels.
Il existe deux grandes catégories de partis politiques et de politiciens au Canada: ceux qui forment à l'heure actuelle le gouvernement ou pourraient le former, et ceux qui ne sont pas susceptibles de former un gouvernement ou qui ne formeront jamais un gouvernement ou, dans bien des cas, comme dans celui de notre parti, qui ne sont pas susceptibles de faire même élire un député. Si le gouvernement peut trouver que la restriction des contributions politiques des Canadiens est nécessaire pour éviter la corruption, les deux catégories de partis et de politiciens devraient être traitées différemment, tout comme la loi fait la distinction entre les partis admissibles à un financement public et ceux qui ne le sont pas.
Même s'il n'a pas réussi à le faire, le gouvernement pourrait prouver qu'une contribution annuelle de cinq mille dollars de la part d'un particulier peut influencer indûment le Parti conservateur du Canada, le Parti libéral du Canada ou leurs députés respectifs parce que ces partis et leurs politiciens contrôlent ou peuvent contrôler les mesures gouvernementales. Le même argument ne peut pas être invoqué à propos d'une contribution de 5 000 $, 10 000 $ ou 20 000 $ versée à l'un des petits partis.
De toute évidence, les particuliers ne versent pas de contributions aux petits partis pour influencer indûment les politiciens ou obtenir une faveur du gouvernement, pas plus que les partis ou les politiciens qui reçoivent des contributions de bonne foi peuvent être accusés de façon plausible du comportement corrompu sous-entendu dans le projet de loi C-2. Par conséquent, il n'existe aucune raison justifiable pour porter atteinte aux droits de ceux qui versent des contributions à de petits partis en abaissant de façon arbitraire les montants limites de leurs contributions politiques.
La solution législative appropriée au problème des contributions politiques qui existe, selon ce que prétend le gouvernement, ne correspond pas aux dispositions proposées à l'heure actuelle par le projet de loi C-2, à savoir établir de façon systématique et universelle que le montant, d'ailleurs arbitraire et ridiculement faible, que les individus peuvent contribuer chaque année en tout sous forme de dons politiques à diverses entités est de mille dollars.
La solution appropriée consisterait à établir une échelle graduée des montants limites que les partis et leurs candidats peuvent recevoir en tout de la part d'un particulier. L'histoire a prouvé à maintes reprises que ce sont les partis, les candidats et les députés qui forment le gouvernement qui sont les plus susceptibles de corruption. Par conséquent, si le problème existe, ces derniers devraient se voir imposer des limites strictes quant aux montants qu'ils peuvent recevoir d'un particulier. Le gouvernement recommande un montant de mille dollars. Les partis et les candidats qui ont peu, sinon aucune chance d'influencer indûment les mesures gouvernementales sont rarement, pour ne pas dire jamais, tentés par la corruption. Par conséquent, le montant limite qu'ils pourraient recevoir d'un particulier devrait être nettement plus élevé, soit peut-être 10 000 $ ou plus. Quant aux particuliers, il n'existe aucune raison de limiter le montant qu'ils peuvent donner chaque année si des partis enregistrés et leurs candidats et les candidats indépendants se voient imposer des limites quant aux montants qu'ils peuvent recevoir et qu'ils peuvent dépenser.
Pour conclure, un régime de limite de contributions graduée qu'un parti ou un politicien peut recevoir d'un particulier en fonction du contrôle que les bénéficiaires exercent sur la politique et les dépenses gouvernementales permettrait d'atteindre l'ensemble des objectifs énoncés par le gouvernement tout en empiétant le moins possible sur les droits démocratiques des particuliers inscrits dans la Charte des droits et libertés.
[Français]
Jean Langlois, directeur exécutif, Parti Vert du Canada: Honorables sénateurs, au nom du Parti Vert du Canada, je remercie les membres du comité de me donner l'occasion de comparaître aujourd'hui. Je ferai mes commentaires majoritairement en anglais.
[Traduction]
En guise d'introduction, j'aimerais signaler à ceux d'entre vous qui connaissent le programme électoral présenté par le Parti Vert lors des dernières élections que ce programme contient des notions à propos d'une loi fédérale en matière de responsabilisation. Le Parti Vert du Canada appuie fermement les mesures de la Loi fédérale sur la responsabilité qui assureront l'équité et la transparence au financement politique. Cependant, il y a quelques aspects du projet de loi C-2 que nous aimerions commenter. Notre premier commentaire concerne l'article proposé 43 de la Loi électorale du Canada, qui abroge les dispositions concernant les contributions de la part de sociétés et de syndicats. L'article proposé a pour effet de réduire la limite actuelle de mille dollars à zéro pour ce qui est de contributions provenant de sociétés et de syndicats. Le Parti Vert est d'accord en principe avec cette disposition. Il s'agissait en fait d'un volet de notre programme électoral. Cependant, nous tenons à faire une distinction en ce qui concerne particulièrement les contributions en nature à l'intention des associations électorales de circonscriptions. Nous craignons que l'article 43 tel qu'il est rédigé ait pour effet de freiner la participation au processus politique au niveau local en empêchant une boulangerie locale d'offrir le café et les beignes à l'occasion d'une réunion d'une association de circonscription. Comme nous l'avons indiqué, un tel geste serait considéré comme une contribution en nature illégale à une association de circonscription. La loi va vraiment trop loin lorsqu'elle considère un tel geste d'appui informel et apprécié comme une façon quelconque de corrompre ou d'influencer indûment le système politique canadien.
Nous proposons que l'on modifie l'article proposé de la loi fédérale sur la responsabilisation plutôt que d'éliminer l'article en question de la Loi électorale. Notre amendement permettrait des contributions en nature jusqu'à concurrence de 1 000 $ de la part des sociétés et des syndicats afin d'autoriser les contributions de services ou de produits en nature, au niveau local. L'amendement en question préciserait donc qu'il s'agit de contribution « en nature au niveau local ».
Le deuxième aspect qui nous préoccupe beaucoup et dont vous avez déjà entendu parler concerne l'article 46 proposé de la Loi électorale du Canada, et en particulier le moment de sa mise en œuvre. L'article proposé modifie le montant limite des contributions individuelles qui passe de 5 000 $ à 1 000 $ par année. Le Parti Vert du Canada appuie cette disposition en principe. Ce qui nous préoccupe, c'est le moment de sa mise en œuvre et les problèmes qu'entraînerait la mise en œuvre de cet article proposé au cours de l'année civile. Cela signifierait que certains Canadiens qui contribuent 5 000 $ à un parti politique en 2006 agiraient de la sorte en toute légalité tandis que d'autres Canadiens qui feraient une contribution équivalente à un autre moment se trouveraient par inadvertance à enfreindre la loi. Il n'existe aucune raison valable pour mettre les Canadiens dans une telle position. Nous considérons également qu'on alourdit le fardeau administratif en établissant une distinction entre ces deux cas, aux fins des crédits d'impôt. Revenu Canada serait tenu de faire la distinction entre ceux qui font des versements mensuels et ceux qui font une contribution en une seule fois et devrait déterminer si la contribution a été versée avant ou après la date à laquelle le projet de loi reçoit la sanction royale. Nous considérons que ce genre de distinctions est un gaspillage des ressources, alors que la solution simple consiste à modifier le projet de loi afin que l'article proposé entre en vigueur le ler janvier. Nous partons du principe que le ler janvier 2007 représenterait une date pratique pour l'entrée en vigueur du changement concernant la limite des contributions. Selon le libellé que nous proposons dans notre mémoire, le changement entrerait en vigueur le ler janvier, à la suite de la sanction royale, en prévoyant qu'il ne s'agirait pas forcément du ler janvier prochain.
Nous appuyons le projet de loi, en principe, en ce qui concerne les finances électorales, et nous sommes heureux de constater que certains éléments du programme électoral du Parti Vert du Canada sont en train d'être mis en œuvre par le Parlement, et nous vous en félicitons.
Will Arlow, représentant, Parti Action canadienne: Je suis ici en tant que délégué du Parti Action canadienne. J'ai travaillé d'arrache-pied au cours des derniers jours. Notre chef m'a confié ce travail parce qu'il était à un congrès à Victoria. Je tiens à remercier le comité de me donner l'occasion d'exprimer mes préoccupations.
J'ai réussi à lire le sommaire et à résumer certains des 48 points sur lesquels porte le projet de loi. J'ai pris connaissance de certains des discours prononcés par les députés qui étaient préoccupés par le projet de loi. Je n'ai pas réussi à mettre la main sur le projet de loi.
J'ai été candidat quatre fois aux élections fédérales pour le Parti Action canadienne, soit deux fois à Elgin—Middlesex—London et deux fois dans ma circonscription de Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam. Le Parti Action canadienne a suivi la réforme concernant la souveraineté du Canada, les droits civils et la réforme parlementaire depuis 1997.
En prenant connaissance de certaines des remarques faites par ceux qui ont parlé du projet de loi, et j'ai eu le temps de les étudier de façon détaillée, certaines choses m'ont frappé. Je constate qu'il porte entre autre sur la question de l'accès à l'information. J'ai le plus grand respect envers le principe d'une loi sur l'accès à l'information, mais j'ai des préoccupations à propos de la façon dont la nôtre fonctionne. Je ne suis pas sûr que le projet de loi vise à l'améliorer. J'ai suivi attentivement les audiences de la Commission d'enquête sur la Somalie et j'ai pu constater que lorsque les gens ont quelque chose à cacher, ils utilisent le système de l'accès à l'information, ce qui était profondément inquiétant.
À la lecture du projet de loi, quand je vois comment il a été conçu et tous les éléments qu'il contient, je suis frappé par ce que j'appellerais la dichotomie chez l'actuel gouvernement conservateur en matière de responsabilisation. Je suis préoccupé par les objectifs que poursuivent les conservateurs dans leur programme législatif, et ce, depuis le début. Je m'inquiète notamment de la responsabilisation et de la garde d'enfants. Nous suivons de près ce qui se passe dans les dossiers des affaires autochtones, du bois d'œuvre et, depuis peu, les exercices de tir réel qui doivent bientôt avoir lieu sur les Grands Lacs. Ces exercices débuteront bientôt, même si, depuis 200 ans, personne n'a encore trouvé que c'était une bonne idée. Nous sommes préoccupés du fait que le commandement militaire soit coordonné et intégré avec les forces militaires américaines, et également par le fait que nous ayons assumé le commandement de la mission en Afghanistan. Nous nous inquiétons de la position du gouvernement sur les changements climatiques et aussi sur les nominations politiques et les lobbyistes.
Le projet de loi me paraît très volumineux et il contient beaucoup d'éléments qui me font craindre qu'il s'agit en fait d'un cheval de Troie; on oblige les gens à être en faveur du projet de loi, car comment peut-on être contre la vertu, contre la responsabilité? Après tout, comment peut-on justifier dans un clip sonore de sept secondes qu'on soit contre la responsabilité? L'univers médiatique est ainsi fait, c'est comme cela que les gens reçoivent leur information. L'information est présentée de manière générale, sans qu'on entre dans les détails. Elle doit pouvoir s'insérer dans de petits clips sonores.
Il serait important, à mon avis, que le Sénat se penche sur ce petit jeu qui fait qu'on ne peut pas être contre la vertu, qu'il tienne bien compte de cet aspect et qu'il fasse preuve de courage dans l'analyse qu'il fera du projet de loi, le retournant sous toutes ses faces, sachant reconnaître qu'il s'agit en fait d'un cheval de Troie.
D'après moi, les dispositions concernant le financement électoral desservent mal les petits partis. Le régime mit en place par Élections Canada pour vérifier les dépenses électorales est pour nous une source d'inquiétude et un fardeau. Il ne fait rien pour améliorer les choses; il ne fait que les empirer. Les nouvelles règles semblent tout particulièrement hostiles envers les petits partis, et je m'interroge sur la confiance qu'ont nos élus dans notre régime démocratique, s'ils veulent évincer les petits partis. Je m'interroge sur ce qu'ils doivent penser de l'état de la démocratie au Canada. Pourquoi est-il si nécessaire d'exclure les petits partis?
Le Parti Action canadienne s'est réjoui en apprenant que le nouveau régime de financement électoral lui vaudrait des sommes considérables. C'était là un grand pas, mais il manque un élément important à ce nouveau régime de financement, soit l'action positive. Si la Cour suprême a raison de dire que les petits partis ont un rôle à jouer, qu'ils doivent avoir une voix dans le débat politique et qu'ils sont capables de contribuer au mieux-être du Canada, je me demande alors pourquoi les règles sur le financement électoral n'ont pas été conçues de manière à affirmer l'importance des petits partis et à leur donner un certain avantage. Je me demande pourquoi ces règles ont été conçues de manière à évincer les petits partis, à les punir pour leur participation. Elles les punissent encore plus que le régime précédent.
J'ai constaté, par ailleurs, qu'il a été question à la Chambre des communes des certificats de sécurité. Je me demande qui surveille les gardiens de notre sécurité, ceux qui au gouvernement détiennent le pouvoir et l'exercent dans le secret. Je m'inquiète de l'efficacité, de la responsabilité et de la supervision de notre dispositif de sécurité dans son ensemble. Je me demande quelles sont les leçons qu'on a tirées de l'affaire Air India, de l'affaire William Sampson, de l'affaire Maher Arar et des autres.
L'autre aspect du projet de loi qui me laisse tout à fait perplexe, c'est cette idée de payer les dénonciateurs. Je n'arrive pas à comprendre qu'on puisse trouver que ce soit là une bonne idée. J'estime cependant que cela nous en dit long sur ce qui a motivé les rédacteurs du projet de loi. Il serait intéressant de creuser cela pour voir pourquoi on a voulu insérer de telles dispositions dans le projet de loi.
De manière plus générale, comme je suis actif en politique et conscient de la chose politique, les tendances impérialistes qui sont à l'œuvre, tant celles qui s'affichent que celles qui sont plus informelles, sont pour moi une source de préoccupation. Je me suis penché sur l'impérialisme du libre-échange, et depuis l'époque Mulroney, je m'inquiète de ce que notre programme législatif au Canada semble montrer que nous gravitons de plus en plus dans l'orbite de l'empire. Trudeau avait laissé sa marque en voulant que le Canada ait une voie bien à lui dans le monde. L'héritage Mulroney allait dans le sens contraire, et cet héritage semble avoir suscité l'adhésion de l'autre parti politique, car il se reflète maintenant dans le programme législatif des libéraux, si bien que le Canada gravite de plus en plus dans l'orbite de l'empire, notamment de l'empire américain qui, dans la meilleure des hypothèses, est un empire qui refuse de se reconnaître comme tel ou qui vit dans un état de psychose, puisqu'il semble nier ses propres ambitions impérialistes.
Le président: Êtes-vous maintenant prêt à répondre aux questions?
M. Arlow: Oui, je le suis.
Le président: Je tiens à vous remercier tous les trois pour vos exposés forts intéressants. Je retiens notamment l'idée du Parti Vert au sujet des contributions en nature. C'est une proposition qui me paraît bien réfléchie et intéressante, et je vous remercie de l'avoir portée à notre attention.
Le sénateur Zimmer: Messieurs, je tiens tout d'abord à vous remercier de votre présence ici aujourd'hui et de vos propositions qui me semblent intéressantes à plusieurs égards.
Monsieur Best, vous avez parlé de deux catégories de parti. Messieurs Langlois et Arlow, que pensez-vous de sa recommandation? Dans une catégorie, on aurait les partis qui pourraient un jour accéder au pouvoir, tandis que dans l'autre, on aurait ceux qui n'auraient aucun espoir ou presque de former le gouvernement.
M. Langlois: Je trouve l'idée intéressante, mais je ne vais pas m'aventurer dans cette voie et me mettre à improviser sur les orientations de notre parti. Mon collègue a sûrement beaucoup réfléchi à la chose, et je ne voudrais pas réagir de façon désinvolte à ce qu'il recommande.
M. Arlow: L'idée est bonne, mais sur le plan pratique, je m'inquiète de savoir qui déciderait que tel parti appartiendrait à telle catégorie. Autrement dit, qui déciderait que tel parti a moins de chance qu'un autre de faire élire des députés? Cette décision aurait des répercussions sur le financement du parti en question et sur sa capacité à jouer un rôle sur la scène politique canadienne. L'idée n'est pas sans mérite sur le plan théorique, mais il me semble qu'il serait difficile de l'appliquer concrètement.
Le sénateur Zimmer: Si un jour — et jamais, c'est très long — un de ces petits partis avait la possibilité d'atteindre le niveau voulu pour former le gouvernement, pensez-vous que les plafonds devraient être rajustés? Quels plafonds établiriez-vous pour les dons?
M. Best: Ramener le plafond de 5 000 $ à 1 000 $ laisse entendre qu'avec 5 000 $, on peut corrompre un député, mais pas avec 1 000 $. Les libéraux ont fixé le plafond à 5 000 $ il y a de cela quelques années. Le plafond a déjà été réduit. Nous avons donc vécu avec ce plafond de 5 000 $ pendant trois ou quatre ans. Je n'ai pas constaté que la corruption se pratiquait à grande échelle lorsque le plafond était à 5 000 $. Le ramener à 1 000 $, c'est plus une façon de se positionner sur le plan politique que de s'attaquer au véritable problème.
Dans le cas des petits partis, qui ont peu de chance de faire élire de leurs membres, et encore moins de former le gouvernement, il ne serait pas difficile de se fonder sur le nombre de voix exprimées par le passé, tout comme nous le faisons pour ce qui est du découpage électoral et des commissions indépendants, pour dire: « Il y a peu de chance que tel parti forme le gouvernement. » Au fur et à mesure que le parti obtiendrait plus de sièges ou ferait élire des députés à la Chambre et qu'il serait en mesure d'exercer son influence, on pourrait alors le soumettre à un autre régime pour les contributions.
Je pense que ce serait facile à faire. Nous avons déjà en place des règles qui prévoient de remettre de l'argent aux partis en fonction du nombre de voix qu'ils ont recueillies. Nous avons des règles pour ce qui est du pourcentage des dépenses électorales qui doivent être remboursées en fonction de ce que reçoivent les partis. Ce sont là des décisions arbitraires et qui, je le répète, sont hostiles aux petits partis, lesquels sont là pour soulever des questions plutôt que pour accéder au pouvoir et contrôler l'action gouvernementale.
Le sénateur Zimmer: Monsieur Arlow, le 10 juillet, votre présidente, Connie Fogal, a déclaré que le nouveau maximum de 1 000 $ pour les contributions individuelles priverait le Parti Action Canadienne des contributions de cette poignée de généreux Canadiens qui lui faisaient des dons de 5 000 $. Elle a dit que ces contributions sont importantes pour votre parti et que le nouveau plafond de 1 000 $ vous porterait un coût fatal. Êtes-vous toujours de cet avis?
M. Arlow: Notre parti va-t-il continuer d'exister? Sera-t-il plus difficile pour nous d'être efficaces? C'est certain.
Le président: Monsieur Best, pourriez-vous nous indiquer quel est le montant moyen des contributions à votre parti et nous dire aussi quel a été le montant moyen au fil des ans?
M. Best: Le montant moyen des contributions se situe entre 150 $ et 200 $. Comme la plupart des partis, nous constatons que, le plus souvent, les gens donnent de petits montants. Depuis que nous avons accédé au statut de parti, nous sommes en mesure d'encourager les gens à porter leurs contributions à 400 $ pour qu'ils puissent profiter de la déduction fiscale de 75 p. 100. Ils peuvent maintenant donner plus. Nous constatons que nous avons plus d'argent pour les campagnes électorales depuis que nous sommes devenus un parti.
Il y a toutefois un petit nombre de personnes qui sont prêtes à donner beaucoup plus que cela, et c'est un problème. Je ne peux pas vous donner de chiffres absolus, mais je dirais que nous avons peut-être cinq cents personnes qui donnent 100 $ par mois. Cela représente 1 200 $ par an, si bien que la nouvelle loi nous ferait perdre 200 $. Comme tous les autres partis, nous avons un nombre encore plus petit de personnes qui donnent des montants encore plus importants. Par exemple, une dame extraordinaire nous a donné un chèque de 20 000 $. Nous avons dû lui dire que nous ne pouvions accepter que 500 $. Cette dame ne cherche pas à corrompre qui que ce soit; elle ne cherche pas à obtenir de faveurs. Elle croit simplement en ce que nous faisons.
Nous parlons ici des partis politiques, mais ces partis n'ont aucun droit, nous ne figurons même pas dans la Constitution. Nous parlons ici de particuliers qui exercent leurs droits démocratiques en disant: « J'appuie ce que vous faites. » Il s'agit de petits partis, qui veulent simplement se faire entendre. Bien souvent, ceux qui nous appuient sont des amis qui ne vont pas aller frapper aux portes et qui ne se mettront pas non plus à faire des appels. Cela les horripile rien que d'y penser. Leur façon à eux de nous aider, c'est de nous donner une contribution. Ils veulent ainsi participer à la vie politique du pays. Or, quel message terrible que de leur donner à croire que tous les députés sont corrompus, alors que ce n'est pas le cas.
Le sénateur Campbell: Je vous félicite pour l'élection du nouveau chef de votre parti.
M. Langlois: Nous en sommes très dynamisés.
Le sénateur Campbell: Je le sais. Je l'entends tous les jours.
Monsieur Best, votre mémoire m'a bien impressionné, sauf en ce qui concerne vos propos sur les partis qui ont la faveur et ceux qui ne l'ont pas. Je ne veux aucunement que les conservateurs ici présents ne s'en offusquent, mais vous vous souviendrez qu'à un moment donné, le Parti progressiste conservateur n'avait plus que deux membres.
Le sénateur Stratton: J'étais membre moi aussi.
Le sénateur Campbell: Je veux parler de représentants élus. Il faudrait reculer jusqu'en 1860 pour vous empêcher de dire cela. Le parti n'avait que deux représentants élus. Je suis sûr que certains s'imaginaient que le parti ne survivrait pas. Je me demande quel est le seuil à partir duquel on décide que tel parti a des chances de faire élire quelqu'un ou qu'il n'en a pas.
M. Best: Ces deux sièges étaient dus à une anomalie de notre régime électoral, et non pas au nombre de voix exprimées.
Le sénateur Campbell: Nous n'allons pas nous mettre à discuter de la façon dont nous votons. C'est là un tout autre sujet.
M. Best: Sénateur, pour avoir droit, par exemple, au financement fédéral, ce n'est pas le nombre de sièges qui compte, mais bien le nombre de voix recueillies. En se fondant sur le nombre de voix plutôt que le nombre de sièges, on peut se faire une meilleure idée des partis qui seraient en mesure de former le gouvernement ou d'accéder au pouvoir.
Le sénateur Campbell: Il y a un minimum. Il faut obtenir tel pourcentage des voix, n'est-ce pas?
M. Best: Tout à fait. C'est une décision parfaitement arbitraire.
Le sénateur Campbell: Il ne devrait pas en être ainsi à mon avis. Quel que soit le pourcentage de voix que vous obteniez, cela devrait aider votre parti, et j'estime que cette idée que nous puissions décider que votre parti ne réussira jamais à faire élire quelqu'un est inacceptable. Je ne vois pas comment nous pouvons décider que tel parti a des chances de faire élire quelqu'un et que tel autre n'en a pas. Je préfèrerais que nous supprimions le seuil minimal et que, si un parti enregistré obtient 10 voix, il a droit à 4 $. Si le parti obtient 10 p. 100 des voix et qu'il ne réussit toujours pas à faire élire quelqu'un, il reçoit quand même l'argent.
M. Best: Je comprends qu'il soit difficile de prendre des décisions en fonction des résultats des élections, en raison justement de l'argument que vous soulevez, mais nous le faisons pour bien d'autres choses. Nous décidons des limites des circonscriptions électorales en passant par la voie de la négociation. Nous décidons à partir de quel seuil les partis auront droit chaque année à 1,75 $ pour chaque voix qu'ils auront recueillie. C'est arbitraire. Ceux qui font des dons au Parti Vert, au Parti conservateur ou au Parti libéral ont une voix qui compte plus que ceux qui contribuent au Parti Action canadienne.
Le sénateur Campbell: Je n'ai pas dit que j'étais d'accord avec cette façon de faire.
M. Best: En tant que stratège politique, je n'ai qu'à examiner le nombre de voix obtenues par le passé pour vous dire, sans trop risquer de me tromper, qui va gagner et qui ne gagnera pas. Si vous le voulez, je peux le faire pour vous. Il est possible d'émettre des hypothèses raisonnables en se fondant sur le nombre de voix exprimées par le passé, sur les tendances, et cetera Le fait est que, malgré tout le respect que je dois à M. Langlois, il est très peu probable que son parti soit en mesure d'influencer l'action gouvernementale à la Chambre des communes, à un comité ou au niveau de l'appareil gouvernemental après les prochaines élections.
Le sénateur Campbell: N'en soyez pas trop sûr. Il leur suffirait d'avoir un seul représentant élu pour être en assez bonne posture.
M. Best: Oui, je sais, mais même s'ils avaient un représentant élu, ils ne seraient pas dans la même catégorie que le Parti libéral ou le Parti conservateur après les prochaines élections.
Le sénateur Campbell: N'en soyez pas trop sûr. À l'heure actuelle, il suffirait d'une voix pour que la Chambre tombe. C'est la même chose qui s'est produite aux dernières élections. Je ne sais pas comment on pourrait décider quels sont les partis qui ont une chance et quels sont ceux qui n'en ont pas.
M. Best: Il ne s'agit pas de savoir qui a une chance ou qui n'en a pas, mais bien de savoir qui pourrait être corrompu. Il ne s'agit pas ici des efforts légitimes pour influencer le processus législatif, mais bien de savoir qui pourrait être indûment influencé par une certaine contribution, ce qui serait de corruption. Voilà ce qui est ressorti du scandale des commandites. Il ne s'agit pas ici des efforts pour exercer le pouvoir de façon légitime ou pour exercer son influence, mais bien d'avoir une influence indue. Voilà ce dont il est question dans le projet de loi. Si le Parti Vert obtenait six sièges, le fait est qu'on ne risquerait pas de lui offrir des milliers de dollars en échange de contrats, et cetera
Le sénateur Campbell: Je ne pense pas que cela se produise à l'heure actuelle.
M. Best: Moi non plus. Je suis d'accord avec vous. Le montant de 5 000 $ est absurde. Je ne crois pas que le Parti libéral ou le Parti conservateur puisse être corrompu pour 5 000 $, 10 000 $ ou 20 000 $.
Le sénateur Stratton: Je pense que tout le monde connaît le Parti Vert, mais pourriez-vous nous parler brièvement du Parti Action canadienne?
M. Best: Il y a plusieurs années de cela, un certain nombre de groupes, y compris l'Alliance animale du Canada, sont devenus très conscients du fait que les hommes et les femmes politiques jouent un rôle très important pour ce qui est de faire avancer les choses en matière d'environnement, de protection des animaux ou de protection de la faune. La seule façon de négocier pour influencer l'action gouvernementale est de se trouver dans une situation où l'on a un certain pouvoir. Les élus ont la possibilité de rencontrer les ministres ou de prendre la parole à un comité pour dire: « Écoutez, si vous appuyez cette mesure, nous pourrons vous appuyer sur le plan politique et vous aidez à vous faire élire, car vous allez perdre des voix ici, ou si vous ne faites pas telle chose, si vous êtes trop proche du secteur pétrolier en Alberta, nous allons tenter de vous faire perdre des sièges ici. » Voilà ce que c'est que de négocier pour influencer l'action gouvernementale. C'est ce que nous avons commencé à faire en tant qu'électeurs soucieux de l'environnement. Nous avons d'ailleurs fait cause commune avec Stephen Harper dans l'affaire Harper c. Canada (procureur général). Nous avons eu le statut d'intervenant dans cette affaire sur le financement par les tiers. Le gouvernement a alors battu en brèche le financement par les tiers et abaissé le plafond. Il l'a ramené à un montant infime, soit 3 000 $ ou 3 500 $ par circonscription électorale, ce qui ne suffirait pas tout compte fait à offrir le café aux bénévoles.
La Cour suprême nous a enlevé quelque chose d'une main, mais nous a donné quelque chose de l'autre, et nous avons pu former un parti politique. Maintenant, grâce au Parti communiste, il ne faut qu'un seul candidat, et non pas 150, pour être reconnu comme parti politique. Nous nous sommes rendu compte que nous pouvions former un parti politique et que nous pouvions mener une campagne efficace là où nous le souhaitions, que nous pouvions présenter des candidats et nous faire ainsi entendre. Au lieu d'être limité à 3 000 $ de dépenses, nous pouvions dorénavant dépenser 80 000 $ par circonscription, voire plus, à condition de pouvoir recueillir les fonds nécessaires et en tenant compte des dépenses faites à l'échelle nationale, le cas échéant. Nous pouvions accorder des allégements fiscaux et donner des reçus à ceux qui nous donnaient des contributions. Nous avons été contraints de devenir un parti politique par la loi qui a eu pour effet de bâillonner les tiers pendant les campagnes électorales.
M. Arlow: Paul Hellier, que certains d'entre vous connaissent peut-être, a créé le Parti Action Canadienne en 1997. Il a été longtemps membre du Parti libéral. Il s'était retiré de la vie politique et il se tirait assez bien d'affaire en tant que simple citoyen, mais il était devenu très découragé par la perspective du gouvernement sur l'emploi et l'infrastructure. C'est ainsi que M. Hellier a fondé le Parti Action Canadienne. Nous avons lancé une campagne populaire pour aider les gens à comprendre le système monétaire et à prendre conscience du rôle que pouvait jouer la Banque du Canada pour améliorer la situation. Nous avons expliqué aux gens ce que la Banque du Canada faisait et ce qu'elle ne faisait pas. Nous nous sommes engagés dans la lutte contre l'accord multilatéral sur les investissements et contre l'ALE et l'ALENA. Nous étions conscients des répercussions de ces accords sur les investissements canadiens. Ces accords ne favorisaient pas du tout les échanges commerciaux, et le taux de propriété étrangère au Canada grimpait en flèche, les intérêts canadiens étant évincés au profit d'intérêts surtout américains; et les accords n'étaient ni plus ni moins qu'une licence accordée aux transnationales qui leur permet de se servir allégrement à même les ressources du Canada, grâce au dollar à 60 cents. Nous avons commencé à conscientiser les gens sur cet état de chose. Dernièrement, nous sommes devenus très préoccupés par la dévolution de pouvoirs à l'exécutif, dans la foulée du 11 septembre. C'est ce qui s'est produit aux États-Unis. L'histoire nous montre que dès qu'il y a un bouleversement comme celui-là, le pouvoir a tendance à être dévolu à l'exécutif. Les gens renoncent à leurs privilèges et à leur liberté au nom d'une soi-disant sécurité et, inévitablement, c'est quelque chose qu'ils en viennent à regretter, tout comme leur gouvernement, pour le moins qu'il soit de bonne foi. C'est toujours quelque chose qu'on finit par regretter. Le recours aux certificats de sécurité constitue à notre avis un pas de géant dans la mauvaise voie. Ces certificats compromettent notre système judiciaire et notre constitution. C'est un pas de géant dans la mauvaise voie.
Le Parti Action Canadienne est un parti qui s'est mobilisé autour des droits civils, des accords commerciaux et des accords sur les investissements. Nous cherchons à réformer le système monétaire, et nous cherchons aussi à réformer le régime parlementaire. Nous voulons un régime plus représentatif pour que les députés de la Chambre des communes soient élus à la représentation proportionnelle au moyen d'un autre type de scrutin qui serait plus efficace.
Nous sommes très consternés par ce qu'on a fait dans le cas de l'ALE au Sénat: le Parti conservateur qui était alors au pouvoir avait modifié la composition du Sénat en sa faveur de manière à pervertir son rôle, afin qu'il ne puisse plus faire échec à de mauvais projets de loi.
Le sénateur Stratton: Ce que nous voulons entendre, ce sont des arguments, pas des attaques.
Je ne vous ai pas donné votre chance, monsieur Langlois, parce que le Parti Vert est connu dans le monde entier, ou du moins au Canada. Pardonnez-moi. Voulez-vous vos deux minutes?
M. Langlois: Ce qu'il faut souligner, dans le cadre de notre discussion, c'est que le Parti Vert du Canada, il y a trois ans, était le plus important des petits partis et qu'il est manifestement maintenant le plus petit des grands partis. Voilà qui colore les propos que nous tenons devant vous aujourd'hui; vous êtes prévenu.
Le sénateur Stratton: Monsieur Arlow, quand vous avez parlé des dénonciateurs, saviez-vous que l'article du projet de loi C-2 qui prévoyait le versement de 1 000 $ aux dénonciateurs avait été retranché du projet de loi par décision unanime à la suite d'un amendement présenté à la Chambre des communes par le NPD?
M. Arlow: C'est la moindre des choses. Ce qui m'inquiète, c'est qu'un article comme celui-là ait pu être inclus dans le projet de loi initial.
Le sénateur Stratton: Je vous demande simplement si vous saviez que la Chambre avait adopté à l'unanimité un amendement du NPD qui visait à supprimer cet article. Le saviez-vous?
M. Arlow: Je ne le savais pas...
Le sénateur Joyal: Monsieur Best, je tiens à vous dire, après avoir lu le mémoire que vous nous avez présenté, que j'appuie le principe voulant que tous les partis aient droit à un traitement égal en droit. Il ne devrait pas y avoir de distinction qui soit faite en fonction du nombre de voix, du nombre de candidats ou de tout autre facteur concernant l'admissibilité des partis.
Avant l'arrêt rendu dans l'affaire que vous avez évoquée, j'étais d'avis que l'article 3 de la Charte des droits et libertés était un des articles primordiaux de la Charte puisqu'il fait état d'un droit dont l'exercice ne peut pas être suspendu par l'invocation de la clause de dérogation pour une période de cinq ans. Quand nous avons rédigé la Charte des droits et libertés et que nous l'avons adoptée, il y avait, à notre avis, un ensemble de droits qui devait s'appliquer de façon permanente au Canada. L'article 3 de la Charte, dans la section Droits démocratiques, prévoit que:
Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales.
La Cour suprême du Canada, comme vous l'avez fait remarquer, a interprété ce droit de manière à favoriser l'élargissement de la participation au processus politique et, partant, la reconnaissance du statut des « petits partis ».
Quand nous avons débattu des amendements qui étaient proposés à la Loi électorale du Canada, nous avions le souci de nous assurer de bien tenir compte des besoins et des droits des petits partis. Lorsqu'il avait été proposé d'amender la Loi électorale pour limiter les contributions à 5 000 $, j'avais soulevé des objections en me fondant sur l'arrêt antérieur dans l'affaire Figueroa. Je lui avais écrit une lettre qui avait été publiée à l'époque. Je m'oppose également à l'actuel projet de loi en me fondant sur l'argument que vous invoquez dans la conclusion de votre mémoire, selon lequel le plafonnement des contributions qui est prévu dans le projet de loi C-2 empiètera de façon minimale sur les droits démocratiques des citoyens qui sont consacrés par la Charte des droits et libertés.
Vous n'êtes peut-être pas avocat de métier — je ne sais pas si vous en êtes l'auteur, mais le libellé de cet argument renvoie à ce que la Cour suprême du Canada appelle le critère Oakes.
M. Best: C'est exact.
Le sénateur Joyal: Quand une loi limite les droits des citoyens, une des trois questions que se pose la Cour suprême du Canada est la suivante: La loi empiète-t-elle de façon minimale sur les droits des citoyens?
Je suis entièrement d'accord avec mon collègue, le sénateur Campbell. On ne peut pas dire que 500 000 voix valent plus aux yeux de la Loi électorale que 50 000 voix. Une voix exprimée, c'est une voix. En me fondant sur le principe arrêté par la Cour suprême dans l'affaire Figueroa, j'ai appuyé la campagne menée par les petits partis pour contester les articles de la loi précédente qui limitent le remboursement selon un calcul fondé sur le pourcentage de voix obtenues, pourcentage fixé arbitrairement. On peut le fixer à 2 p. 100, mais pourquoi ne serait-ce pas 3 p. 100, ou 1,5 p. 100, ou encore 4 p. 100? Dès qu'on se met à faire des distinctions entre les voix exprimées, on applique des critères discrétionnaires, et il faut alors se poser la question suivante: Comment peut-on faire pour empiéter de façon minimale sur les droits des citoyens?
Monsieur Langlois, avant d'avoir le succès que vous connaissez maintenant auprès des électeurs, vous avez appuyé les contestations à l'endroit du projet de loi. Maintenant que vous approchez des 5 p. 100, je crois que vous êtes en train de changer de direction. Vous vous approchez de la taille des grands partis. Il me semble que, sur des questions de principe, nous ne pouvons pas nous mettre à mesurer et à compter. Il faut s'en tenir aux principes. C'est pourquoi j'appuie la conclusion à laquelle vous arrivez dans votre mémoire, mais pas la partie de votre mémoire où vous laissez entendre que les grands partis sont plus susceptibles d'être corrompus que les petits partis, qui n'exerceront jamais le pouvoir ou ne s'en approcheront jamais. Quand on établit des critères, il faut être objectif.
Après vous, nous entendrons cet après-midi des représentants du Parti marxiste-léniniste du Canada. Le Parti communiste du Canada ne comparaîtra pas, mais il est possible que nous entendrons de la part des autres petits partis les principaux points que je soulève et que vous avez présentés très bien dans votre mémoire au début et à la fin. Cependant, votre raisonnement quant à la catégorisation des partis contredit le principe même que vous voulez proposer dans votre projet de loi.
M. Best: Je crois que la solution consiste à ne pas abaisser les taux du tout.
Il me semble que l'on assiste à l'heure actuelle à un certain affrontement entre le gouvernement et le Sénat et l'autre endroit qui veut faire adopter cette mesure sans l'examiner soigneusement.
Je considère moi aussi que le montant de 5 000 $ est trop petit, mais si on envisage des montants plus élevés, comme 5 000 $ et plus, cela devient pratiquement sans importance parce que ce genre de contributions est très rare. Il y a d'énormes conséquences à faire passer la de 5 000 $ à 1 000 $. Plus tôt, j'ai répondu à la question du sénateur Oliver, qui voulait savoir combien de donateurs nous avons. Les donateurs qui versent des contributions plus importantes sont rares mais ils contribuent des sommes importantes. Je soupçonne que si la limite passe de 5 000 $ à 1 000 $, cela coûtera à notre parti environ 150 000 à 200 000 $, ce qui représente une somme assez importante. Ce montant de 200 000 $ représente les électeurs dont nous parlons, qui ne peuvent pas envisager un autre 200 000 $ de plus en annonces ou matériel imprimé.
Ma solution permet d'accomplir deux choses. Je n'en mettrais pas ma main à couper, mais elle signale dans certains cas l'absurdité de ce projet de loi. Des partis et des gens sont pénalisés même s'ils n'accèderont jamais au pouvoir. Je suis reconnaissant au sénateur Campbell de croire que nous formerons le gouvernement un jour.
Le sénateur Joyal: Ou que vous détiendrez la balance du pouvoir.
M. Best: Ou que nous détiendrons la balance du pouvoir.
Le sénateur Campbell: Vous avez un électeur ici même.
M. Best: Si seulement je pouvais me trouver dans une situation où je pouvais être corrompu, ce serait merveilleux.
Proposer des limites progressives signifie un certain nombre de choses. Bien des gens qui font partie du système sont très peu susceptibles de se trouver dans une situation où ils pourraient être corrompus; il est inutile de les protéger. Ce n'est pas vraiment mon droit. Ce sont les personnes irréprochables voulant appuyer les petits partis qui se trouvent alors pénalisées.
J'ai présenté plus tôt un mémoire plus important où j'aborde en profondeur les critères Oakes. Je ne suis pas avocat, mais j'ai préparé six contestations en vertu de la Charte. J'ai lu énormément sur le sujet, donc mon mémoire pourrait probablement soutenir un examen détaillé.
Je considère que ce projet de loi n'est absolument pas conforme aux critères Oakes parce qu'il est impossible de prouver que la réduction des contributions de 5 000 $ à 1 000 $ entraînera un changement de politique publique d'une grande importance; et il est impossible de prouver qu'une limite à 5 000 $ causera un tort quelconque, aussi minime soit-il, parce que nous avons mis à l'épreuve cette limite et cela n'a posé aucun problème. Il est impossible de prouver que cela risque de causer du tort. Je crois que le projet de loi ne répond absolument pas aux critères Oakes.
Si le projet de loi est contesté devant la Cour suprême, je pense que la Cour rendra exactement la même décision, compte tenu particulièrement de l'arrêt Figueroa. Il en a été de même dans l'affaire Harper c. Canada, lorsque les juges ont déclaré que l'argent parle. Cependant, en ce qui concerne la question des tiers, ils ont maintenu la position du gouvernement et imposé des restrictions parce qu'il n'existait aucun contrôle exercé par des tiers. On peut donc le faire en tant que parti politique, et on exerce alors le contrôle des dépenses. Je ne crois pas que ce soit constitutionnel.
Le sénateur Joyal: C'est ce que je pense, moi aussi.
M. Best: Oui, je pense que cela ne marcherait pas parce que nous avons mis à l'épreuve la limite de 5 000 $ et cela n'a posé aucun problème.
Le sénateur Joyal: J'ai posé une question à M. Langlois et j'aimerais entendre sa réponse.
M. Langlois: Je tiens simplement à vous informer que le Parti Vert du Canada est en train d'appuyer une contestation en vertu de la Charte au seuil de 2 p. 100, non pas parce que cela est dans notre propre intérêt, parce que nous n'arriverons jamais à ce niveau à nouveau, mais par solidarité avec les autres partis. Contrairement à mon collègue, je suis disposé à faire des déclarations audacieuses à l'avenir.
Le sénateur Joyal: Je tiens à vous féliciter. Je ferai peut-être une contribution pour comparaître devant les tribunaux, parce que le principe est important. Je m'excuse si j'ai laissé entendre que vous aviez modifié votre position quant au principe, car je considère qu'il s'agit d'une position fondamentale. Vous n'avez pas participé aux autres contestations. Êtes-vous intervenu devant la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Figueroa?
M. Langlois: C'est là où votre don pourrait s'avérer utile. L'avocat dont nous avons retenu les services pour la contestation du 2 p. 100 est le même avocat qui a obtenu gain de cause dans l'arrêt Figueroa. Nous sommes assez sûrs d'obtenir gain de cause. Je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas exclusivement d'une initiative de la part du Parti Vert du Canada. Un certain nombre d'autres petits partis y participent.
Le sénateur Zimmer: Monsieur Best, en ce qui concerne votre commentaire à propos de la réduction des contributions de 5 000 $ à 1 000 $, c'est très subjectif. Croyez-vous que nous serions plus comptables, ouverts et transparents si la limite tombait à 500 $?
M. Best: Non. Il y a le dicton qui indique que la justice doit être faite et doit donner l'impression d'être faite. Aujourd'hui, nous sommes en train de dire que la justice doit donner l'impression d'être faite mais ne doit pas nécessairement être faite. C'est une chose de dire que nous voulons être transparents et que nous voulons savoir ce que font les gens, et je n'y ai aucune objection. J'ai maintenant les noms et adresses de tous ceux qui contribuent des montants de plus de 200 $ afin que nous connaissions tous ceux qui versent une contribution. Il y aura peut-être quelqu'un qui pourrait être corrompu pour un montant de 5 000 $ parce qu'il a une facture Amex à payer le mois prochain, mais cela ne gênera pas le gouvernement. L'adoption d'une limite de 1 000 $ n'améliorera pas particulièrement la situation, pas plus que l'adoption d'une limite de 500 $. Si nous suivons ce raisonnement, il faudrait interdire à qui que ce soit de faire des contributions à un parti politique. Ce serait une façon d'aborder les électeurs qui s'intéressent de façon légitime à la politique publique du pays, en leur interdisant d'y participer.
Certaines dispositions du projet de loi C-2 de même que sa raison d'être énoncée dans le site Web du nouveau gouvernement visent à promouvoir la participation des Canadiens au système. Je suis ambivalent à propos de la transparence parce que c'est un prix que l'on doit payer, mais par contre, cela revient à dire qu'on interdit les scrutins secrets. La Cour suprême a déclaré que si l'on devient plus actif sur le plan politique, on sera exposé. On a décidé que c'est un aspect de sa vie privée auquel on renoncera si on participe à la politique, ce qui est le cas. Je ne crois pas que la réduction des limites des contributions changera quoi que ce soit, surtout maintenant que le financement public est si important.
Le sénateur Zimmer: C'est là où je voulais en venir. Qu'il s'agisse d'un montant de 500 $, de 1 000 $ ou de 1 500 $, c'est très subjectif.
Le sénateur Joyal: Je crois que le droit des citoyens de contribuer à un parti politique fait partie du droit de participer au processus démocratique. Si nous voulons limiter ce droit pour l'ensemble des citoyens, cela signifie que nos objectifs en matière de politique publique l'emportent sur les droits des citoyens au point où leurs droits sont pratiquement supprimés. C'est pratiquement le cas dans ce projet de loi, parce qu'il ne prévoit même pas une clause d'indexation pour ajuster la limite de 1 000 $ afin que dans cinq ou dix ans d'ici, elle soit fixée à, par exemple, 10 000 $ si nous connaissons une période d'inflation. Vous savez de quoi je parle.
Je ne connais aucun pays occidental dont les partis politiques légalement enregistrés n'aient pas à divulguer publiquement la façon dont ils obtiennent et dépensent des fonds. Il y a des avantages fiscaux. Je ne connais aucun pays au monde, hormis l'ancienne Union soviétique. Il y a là quelque chose qui bat en brèche le sentiment fondamental qu'on éprouve en vivant dans une démocratie. Je suis totalement en faveur de toute réglementation exigeant la divulgation des livres de comptes et des noms, de la divulgation publique sur Internet, ce qui permet à n'importe qui, depuis son propre ordinateur, de connaître le nom de tous ceux qui donnent de l'argent aux partis. Je suis en faveur de cela. Cela dit, là où je ne vais pas plus loin, c'est lorsque je dis: « Très bien, vous appréciez ce parti, mais vous ne pouvez pas lui donner plus de 100 $ ou, comme dans le cas présent, 1 000 $, parce que nous avons jugé que vous pourriez ainsi faire de la corruption ». Lorsqu'on dit que plus on est proche du pouvoir, plus on est corrompu, on sous-tend que le pouvoir corrompt. Je ne pense pas que la Cour suprême en conviendra jamais parce que ce n'est pas ainsi que fonctionne le système. Notre système repose sur l'ouverture et c'est cette transparence qui est l'élément-clé qui empêche la corruption. C'est la raison pour laquelle plus j'essaye de comprendre votre raisonnement, plus j'ai du mal à accepter votre solution partielle. Je préfèrerais de loin conserver les 5 000 $. Pour moi, cela est clair. Si l'on commence à dire que les partis acceptés seront les partis plus importants, alors cela revient à remettre en cause le statut spécial d'un parti national. Comprenez-vous bien la contradiction inhérente à votre position?
M. Best: Entièrement. Vous avez parfaitement raison, sénateur Joyal. Je préfèrerais sans conteste votre solution. Le projet de loi C-2 et tous les documents explicatifs qui l'entourent sous-tendent une corruption implicite. C'est à cela que je réponds. Je suis d'accord avec vous. La corruption est un argument que je ne puis accepter. Je traite avec la classe politique depuis bien avant mon mariage et la naissance de mes petits-enfants. Je ne vois qu'un seul homme politique dont je pourrais dire qu'il n'était pas honorable, et cela même si j'ai eu plus que ma part de controverses avec des politiciens. Ma conclusion est qu'en général, les fonctionnaires dans leur ensemble font preuve d'éthique. Tant qu'il y a cette ouverture, cette transparence et cet accès à l'information, le problème n'existe pas. Mais ce projet de loi-ci sous- tend qu'il y a corruption. Comment répondre à un projet de loi qui sous-entend qu'il y a corruption et qu'avec les mesures proposées, nous serons moins susceptibles d'utiliser l'argent qu'on nous donne pour exercer une influence indue sur des politiciens? Les seules personnes sur lesquelles on puisse vraiment exercer une influence indue sont celles qui sont véritablement à même de vous accorder des faveurs, en l'occurrence celles qui sont au pouvoir, celles qui contrôlent l'appareil de l'état. Actuellement, ce serait les conservateurs. Je ne veux pas laisser entendre que les conservateurs sont corrompus, mais ce sont les seuls qui sont en mesure d'offrir les bénéfices d'une corruption.
Pour être parfaitement franc avec vous, je vous dirais que ma proposition n'a aucun sens, mais qu'elle est une réponse à cette notion de corruption. Je suis entièrement d'accord avec vous. Je pense qu'une limite de 5 000 $ est trop basse. Tant et aussi longtemps qu'il y a ouverture et transparence, qu'on sait d'où vient l'argent et que tout le monde peut le savoir, il faudrait un chiffre raisonnable. Ces restrictions ont quelque chose de pervers en ce sens que plus l'État donne d'argent aux partis politiques, moins les partis en question ont à rendre des comptes aux gens-mêmes qui les appuient.
Le sénateur Joyal: Et plus ils doivent rendre compte à l'État.
M. Best: Il y a cette idée grandiose qui s'appelle le droit de vote, mais parmi toutes les activités politiques, c'est le vote qui coûte le moins cher. La seule chose qui soit encore moins cher, c'est l'abstention. Le moindre des gestes politiques qu'on puisse poser est d'aller voter. Un cran plus haut, il y a les gens qui vont faire du porte-à-porte et ceux qui donnent de l'argent aux partis. Ce sont ceux-là qui s'intéressent le plus à la collectivité. Et lorsque l'on soustrait leur droit, à ces gens qui se soucient le plus de la politique, à ceux qui la comprennent le mieux, et qu'on leur dit: « Non, vous ne pouvez plus faire cela », je pense que nous leur disons quelque chose d'abominable. À mon avis, c'est ce que les libéraux sont en train de constater. C'est un défaut du système de financement, ce n'est pas un défaut des libéraux. Au Parti libéral, les responsables des levées de fonds dépendaient beaucoup trop des gros dons par opposition aux contributions de monsieur tout le monde. Comme les conservateurs ne pouvaient rien donner à ceux qui contribuaient à leur parti et que les gens veulent toujours leurs entrées au gouvernement, ils ont commencé à travailler auprès de leurs propres militants. Ils deviennent en quelque sorte beaucoup plus responsables auprès des gens qui constituent le parti. Ce sont ces gens qui font du porte-à-porte. Plus les partis dépendent des fonds publics, plus ils perdent ce soutien populaire.
Le sénateur Stratton: Nous faisons une fleur au Parti libéral.
Le sénateur Campbell: Je n'avais jamais vu les choses sous cet angle.
Le sénateur Joyal: Monsieur Arlow, vous voulez peut-être vous joindre à la conversation, mais je voudrais avant cela ajouter un mot à ce que vient de dire M. Best.
Il y avait un citoyen qui croyait intimement à une cause, qu'il avait très à cœur, un peu comme certains qui militent pour les droits des animaux; croyez-moi, nous connaissons bien cela au comité. Ici encore, je songe à ma collègue, le sénateur Milne, qui occupait alors la présidence du comité. Nous comprenons parfaitement l'intime conviction de quelqu'un qui veut défendre une cause. Je ne veux pas nécessairement parler de la cause que vous défendez; prenons une cause en général. Si vous empêchez une personne de défendre sa cause par le biais d'un parti politique, savez-vous ce qu'elle va faire?
M. Best: Tout à fait.
Le sénateur Joyal: Elle va voir ailleurs et trouver un moyen quelconque pour exprimer sa conviction, étant donné que nous vivons dans une société démocratique libre et ouverte, et que l'objectif que cette personne veut atteindre est légitime. Elle n'essaie pas de sortir du cadre de la loi. Elle restera toujours dans le cadre de notre société libre et ouverte. Mais ce qu'on fera en réalité, c'est qu'on encouragera les gens à quitter le giron d'un parti politique et à aller faire valoir leurs convictions ailleurs. Voilà l'effet imprévu d'une loi porteuse d'un objectif que nous serions prêts à accepter, donner la garantie que tout personnage politique demeure au dessus de n'importe quelle corruption. Or, en essayant de nous approcher de cet objectif, nous créons une diversion, parce que les gens n'auront plus le sentiment qu'ils peuvent s'adresser à un parti, lui donner de l'argent, faire du porte à porte et recueillir des fonds, organiser des activités de levée de fonds, et cetera
L'autre effet secondaire de cela est la bureaucratisation des partis. À un moment donné, c'est celui qui paie qui a son mot à dire. Nous avons tous vu les chiffres il y a deux semaines. Si la majorité de l'argent qui va dans les caisses des partis politiques finit par provenir de l'État, c'est-à-dire du contribuable, les partis deviendront de simples prolongement de l'État et celui-ci aura donc le droit de les réglementer. En essayant de défendre une bonne cause, nous aurons ainsi fait disparaître la libre association. Nous aurons bureaucratisé les partis à un point tel qu'il faudra peut- être un jour modifier la Loi électorale afin de pouvoir tout contrôler, parce que nous nous serons rendus compte que nous n'aurons pas obtenu tous les documents que nous voulons et ainsi de suite. Nous serons mêmes alors en conflit d'intérêt avec ceux là même qui dirigent les partis. Nous en arriverons là un beau jour.
Pour moi, il y a dans ce processus quelque chose qui bat en brèche la notion de liberté et la notion de dessein politique. Je suis tout à fait d'accord avec l'idée d'avoir un objectif parfaitement légitime et de bonnes et saines politiques qui nous donnent l'assurance que le processus politique demeure incorruptible. Toutefois, une fois qu'on franchi une certaine limite, on finit par déformer le système à tel point qu'à un moment donné, cinq ans plus tard, on en vient à dire, non, ce n'est pas cela que nous voulions à l'origine, il y a un problème auquel nous devons apporter une solution.
Il faut absolument réfléchir à cela; et il y a danger dès lors qu'une société toute entière se tourne vers une direction donnée, que tout le monde emboîte le pas, à un moment donné on marque une pause et on se demande où nous en sommes. Dans quel monde vivons-nous? Nous allons créer au Canada quelque chose d'unique qui n'existe dans aucune autre société libre au monde. Quel est donc le problème pour lequel nous voulons une solution? Était-ce un gros problème? Je pourrais vous livrer un argument si vous voulez contester la loi devant la Cour suprême.
En ramenant la limite de 5 000 $ à 1 000 $ avant même qu'une seule année se soit écoulée depuis le dernier changement, comment arriver à prouver que cette limite initiale de 5 000 $ était trop élevée? Elle était en vigueur pendant moins d'un an. Comment prouver devant un tribunal qu'il faut maintenant la ramener à 1 000 $? Voilà à mon avis où le bât blesse. Moi qui suis un citoyen libre, voire peut-être même un libertarien, je n'en sais rien, car nous entendrons les libertariens un peu plus tard. Mais il y a là quelque chose qui, à mon avis de citoyen libre, me blesse.
M. Best: Laissez-moi ajouter un mot à cela. Cela prendra un moment, mais c'est quelque chose qui, à mon avis, est au cœur même de la question. L'un des objectifs du projet de loi est théoriquement d'encourager les gens à participer à la vie politique. À mon sens, après l'air et l'eau, c'est la politique qui est la chose la plus importante dans toute société humaine. Je ne dis pas cela à la blague. C'est vrai. Nous sommes des animaux sociaux. La façon dont nous prenons toutes les décisions, en famille, à la ferme, peu importe, est toujours un processus politique de donnant-donnant, de négociation et de compromis.
Ce qui existe actuellement au gouvernement, c'est une sorte de prolongement de ce genre de relations normales qu'entretiennent les animaux sociaux. Dwight Eisenhower avait dit que la politique devrait être une vocation à temps partiel pour tous les citoyens. Je suis entièrement d'accord, mais on n'encourage guère les gens à participer à la vie politique en adoptant une loi qui laisse sous-entendre que la politique est quelque chose de corrompu. Ce n'est pas quelque chose de corrompu, c'est une entreprise noble. C'est cela qui devrait être le message. Lorsque vous commencez à dire que la limite passe de 5 000 $ à 1 000 $, cela équivaut à dire: « Ces gens-là ne sont pas nobles et la cause ne l'est pas non plus. »
Faire financer à hauteur raisonnable le processus politique et les campagnes électorales par l'État n'est pas une mauvaise idée. Cependant, plus l'État finance ce genre de choses, plus le citoyen se trouve dissocié du processus. Le citoyen dira: « Pourquoi devrais-je faire quelque chose dans un parti politique si les partis sont déjà entièrement financés par le contribuable? »
Le président: C'est précisément ce que faisait valoir le sénateur Joyal.
Le sénateur Stratton aurait une question complémentaire dans la même veine, après quoi j'aimerais beaucoup entendre ce que messieurs Arlow et Langlois pensent de la question de principe évoquée par le sénateur Joyal au sujet de l'article 3, des droits démocratiques et du projet de loi C-2.
Le sénateur Stratton: Je ne peux pas m'empêcher de répondre parce que le projet de loi a vu le jour justement parce que la population à l'impression que la politique est corrompue. Comme vous le savez, il y a toutes sortes d'antécédents récents à cela. Je ne tiens pas à entrer dans le détail de la chose, car je ne pense pas que cela ait une importance ou une utilité quelconque pour notre débat.
Si la population exige des changements, et c'était le cas, le projet de loi reflète la position du nouveau gouvernement quant à la façon dont ces changements doivent survenir. Vous n'êtes peut-être pas d'accord avec cela, mais il n'empêche que la population canadienne a exigé que les choses changent. C'est donc ainsi que le nouveau gouvernement voit la façon de concrétiser ce changement.
M. Best: Je conteste la prémisse voulant que le gouvernement exige un changement.
Le sénateur Stratton: C'est la population qui a exigé un changement, pas le gouvernement.
M. Best: La population a été révoltée par les actes d'un petit nombre de gens, comme l'a signalé monsieur le juge Gomery. La réponse du gouvernement a été d'exploiter ce sentiment. C'est ce qui s'est produit.
Le sénateur Stratton: C'est courant en politique.
M. Best: Peut-être, mais lorsque nous parlons de droits fondamentaux, je pense que le gouvernement a l'obligation de défendre ces droits, mais non de les supprimer. Je vais vous donner une analogie outrancière à l'appui de mon argument. Il y a dans la population un sentiment que les musulmans sont des extrémistes prêts à se livrer à des actes de terrorisme et à détruire notre pays. Si le gouvernement venait à décider de jeter en prison tous les musulmans, de leur imposer un couvre-feu ou de leur interdire tout rassemblement de deux personnes ou plus, ce serait répugnant. Mais c'est précisément ce qui se passe ici. Le gouvernement passe aux actes sur la base d'une idée fausse que se fait la population. Cela se manifeste pendant des émissions-débats, par des actes de rage, et tout cela produit de superbes publicités électorales. Pour répondre à cette colère, le gouvernement adopte une position extrême et, à mon avis, c'est une attitude irresponsable. Nous ne parlons pas ici du choix d'un site pour une chaîne de montage automobile ou du tracé d'une route. Nous parlons ici de droits démocratiques fondamentaux précisés à l'article 3 de la Charte, ainsi que d'autres éléments aussi qui, à mon avis, sont foulés au pied.
Je pense que le gouvernement aurait dû faire ce qu'il fait à ce sujet et déclarer tout bonnement: « Nous n'allons pas bafouer le droit des gens ». Je pense aux mesures que prend le gouvernement pour exiger des lobbyistes qu'ils rendent davantage compte de leurs actes. Je pense qu'on aurait atteint davantage cet objectif en recourant aux dispositions de la Loi sur l'accès à l'information.
Par exemple, si vous suivez la ligne de conduite proposée par le juge Gomery, vous donnerez plus de pouvoirs aux comités et au Parlement pour assurer un meilleur contrôle; les gens devront rendre des comptes non pas au premier ministre mais au Parlement. Le juge Gomery a proposé certaines mesures fort judicieuses qui, à mon avis, auraient été efficaces. Je crois que beaucoup de dispositions du projet de loi C-2 visent à apaiser la colère de la population alors qu'il fallait défendre la classe politique. Je ne vous apprends rien, du reste. Ce n'est pas banal de se porter candidat à des élections. Il faut faire preuve de prudence à mon avis.
Le sénateur Stratton: Vous savez ce que la population pense des politiciens.
M. Best: Cela me désole au plus haut point.
Le sénateur Stratton: C'est un problème fondamental sur lequel nous pourrions philosopher pendant des siècles.
M. Best: Je pense que nous devrions agir en fonction de la réalité et non des perceptions.
Le sénateur Stratton: En politique, les perceptions sont la réalité.
M. Best: Je sais bien, mais il s'agit maintenant d'un problème de communication et non d'un problème de droits.
Le président: J'aimerais savoir ce que pensent M. Arlow et M. Langlois de la question de principe soulevée par le sénateur Joyal au sujet de l'article 3 de la Charte et des droits fondamentaux, en ce qui concerne les petits partis.
M. Arlow: Le sénateur Joyal a parfaitement raison. Il réagit viscéralement aux limites de 2 p. 100 et de 5 p. 100. C'est une mesure hostile à l'endroit des petits partis. Ce rajustement des limites est un nouvel acte hostile. Ces questions n'ont pas échappé à quiconque connaît les rouages gouvernementaux et les principes de la démocratie. Elles n'ont pas échappé non plus à ceux qui ont compris la valeur arbitraire que ces limites accordent à certaines catégories de lecteurs. Ces mesures témoignent très clairement d'une façon de penser. Le gouvernement vient de décider d'écarter les petits partis. Il a trouvé le moyen de le faire et il le fera. C'est une mesure nettement hostile aux petits partis. Et je ne pense pas que c'est parce qu'on ne comprend pas les principes en jeux. Ce n'est rien d'autre qu'un coup de force.
Pour ce qui est du financement des campagnes électorales, j'ai fait du porte à porte. J'ai travaillé à quatre campagnes. D'après mon expérience, le grand public ignore tout du financement des campagnes électorales. Je parie que même pas une personne sur 100 parmi celles que j'ai rencontrées ne savait qu'on avait apporté des changements profonds aux règles lors de la dernière campagne électorale. Les gens ne connaissent pas les règles. Ils ne sont pas au courant des changements ni des répercussions de ces changements, et tout cela leur est indifférent. Ce n'est pas du tout une question de corruption et je partage l'avis de M. Best à ce sujet. Ce n'est pas parce que certaines personnes bien au fait du fonctionnement d'une démocratie ne comprennent pas les principes décrits pas le sénateur Joyal. C'est un acte d'hostilité non déguisé contre les petits partis.
Le président: Monsieur Langlois, souhaitez-vous commenter les questions soulevées par le sénateur Joyal au sujet de la Charte et des droits démocratiques?
M. Langlois: Quand on parle des droits démocratiques, il faut songer aux droits des Canadiens à la fois comme électeurs et comme participants au financement de partis politiques. Il y aurait entre 10 et 100 électeurs pour chaque personne qui contribue au financement d'un parti politique. Il y a les gens qui votent et ceux qui donnent un chèque à un parti politique.
Si nous voulons discuter des droits démocratiques dans le système politique canadien, cessons de parler d'argent et parlons de la représentation proportionnelle dans notre système électoral. À mon humble avis, songer à une limite de 1 000 $ plutôt que de 5 000 $, c'est s'arrêter à des questions tout à fait secondaires. Nous sommes une démocratie qui a décidé de jouer avec le montant des dons permis. Nous sommes une des dernières démocraties archaïques et moribondes à maintenir un système assurément non proportionnel pour l'élection des députés de la Chambre des communes. Si c'est à cela que nous devrions nous intéresser, arrêtons-nous plutôt à cette question.
Le sénateur Joyal: À ce sujet, je crois qu'il y a une poursuite devant les tribunaux fondée sur l'article 3 concernant le système électoral du Canada. Le sénateur Milne se souviendra que nous n'avons pas discuté expressément de cette affaire mais que nous l'avons mentionnée dans nos délibérations sur d'autres modifications de la Loi électorale. Nous savons que les auteurs de cette poursuite contestent le système électoral canadien relativement à la répartition des votes.
Le sénateur Milne: Mon collègue a décrit avec beaucoup d'éloquence les fondements théoriques de certaines de nos réserves face à ce projet de loi, mais j'aimerais aborder quelques questions qui se posent dans la pratique. Monsieur Best, je partage tout à fait votre avis que la politique est une vocation noble. J'ai grandi dans une famille de politiciens. J'ai vécu avec des politiciens et fait de la politique toute ma vie. Et, pendant toute ma vie, je n'ai rencontré qu'un individu qui était à la limite d'être malhonnête, ou peut-être carrément malhonnête.
Je me demande si vous seriez tous les trois d'accord sur certaines questions que vous avez soulevées. Monsieur Best, vous avez dit que les petits partis étaient particulièrement pénalisés par cette limite de 1 000 $, que vous estimez arbitraire et beaucoup trop basse. Monsieur Arlow, j'imagine que vous êtes d'accord avec cela?
M. Arlow: Oui.
Le sénateur Milne: Et M. Langlois?
M. Langlois: Le Parti Vert du Canada préconisait dans son programme de limiter à 1 000 $ les contributions de particuliers.
M. Arlow: J'appuierais une déclaration concernant les dons importants venant d'un donateur unique. Dans le cas du Parti Action Canadienne, du moins à ses débuts, M. Hellier a pratiquement été l'unique bailleur de fonds. Depuis des années, il fournit l'argent nécessaire pour assurer la solvabilité du parti à tout le moins. Je ne vois rien de répréhensible à ce qu'un bienfaiteur de ce calibre déclare qu'il donne l'argent pour appuyer le parti et qu'il le fait sans condition, dans l'intérêt des Canadiens et des adeptes de ce parti. Nous n'avons rien contre ce genre de déclarations ni contre le fait d'en faire un serment qui lierait légalement son auteur.
Cependant, si on retire aux petits partis cette possibilité d'avoir un bienfaiteur important, ça nous ramène à la question déjà soulevée du don moyen. Pour le Parti Action Canadienne, le don moyen est d'environ 5 000 $, à cause de la contribution importante, mais le don médian est de 200 $.
M. Langlois: J'aimerais signaler que notre position au sujet du montant des contributions se résume à une note dans la section de notre programme qui porte sur la réforme démocratique. C'est important en tant que mesure positive puisque nous discutons de réforme démocratique. Il ne serait pas dans l'intérêt du parti de retirer cette déclaration de son contexte. Il s'agit à notre avis d'une étape, d'une mesure parmi d'autres visant à corriger des choses comme le système de contrôle, qui est un problème beaucoup plus important.
Le sénateur Milne: Vous considérez votre limite de 1 000 $ comme un élément de votre programme de réforme électorale globale?
M. Langlois: Exactement.
Le sénateur Milne: En ce qui concerne le projet de loi qui est devant nous, vous n'avez pas objection à ce que le montant demeure 5 000 $ ou à ce qu'il soit ramené à 1 000 $. Nous avons deux témoins qui préfèrent une limite de 5 000 $. C'est ce qui figure dans le projet de loi à l'étude. C'est ce que nous pouvons faire.
Le sénateur Day: Ils préfèrent qu'on ne ramène pas la limite à 1 000 $.
M. Arlow: À mon avis, 1 000 $, c'est trop peu.
M. Best: Je partage l'avis de M. John Crosby, qui aimait bien le chiffre de 20 000 $.
Le sénateur Milne: Je renonce à revenir là-dessus.
Le sénateur Stratton: Voici où je voulais en venir. Votre programme, qui propose de ramener à 1 000 $ la limite des contributions, prône également la représentation proportionnelle. C'est vraiment-là un élément fondamental de votre réforme électorale, n'est-ce pas?
M. Langlois: Tout à fait.
Le sénateur Stratton: Pour ma part, je suis tout à fait de cet avis.
Le sénateur Day: Votre plate-forme propose également des dons en nature de 1 000 $ de la part de sociétés et de syndicats au niveau de la circonscription.
M. Langlois: Ça ne figurait pas dans la plate-forme. Il s'agit de propositions plus détaillées qu'auparavant et qui ont été conçues dans le sillage du projet de loi C-2, car nous nous sommes rendus compte des répercussions de l'article tel qu'il est libellé.
Le président: Sénateur Day, avant votre arrivée, il a dit qu'ils aimeraient bien que l'on amende, entre autres, la disposition portant sur les contributions en nature.
Le sénateur Day: Oui, j'avais saisi cela. Je tenais toutefois à ce que cela soit lié aux autres aspects. C'était après mon arrivée.
Le sénateur Milne: Monsieur Langlois, vous avez dit de ce projet de loi qu'il s'agit d'un « exercice minime ». Je crois que c'était M. Langlois, ou était-ce plutôt M. Best?
M. Campbell: Non, c'était M. Arlow.
Le sénateur Milne: Étant donné que ce régime de financement est tellement préjudiciable aux petits partis, je me demande où vous situez la frontière entre un petit parti et un grand. De toute façon, devrait-il y avoir une telle frontière? La même chose devrait-elle s'appliquer à tous? M. Langlois nous dit maintenant qu'il fait lui-même partie du plus petit des grands partis.
M. Langlois: Ainsi que je le disais, nous consacrons des ressources à la préparation d'une cause que nous voulons présenter devant la Cour suprême du Canada afin de faire éliminer ce seuil de 2 p. 100. Un vote est un vote.
Le sénateur Milne: Monsieur Langlois, en principe, vous êtes d'accord pour qu'on impose une limite aux dons des sociétés, mais vous êtes très préoccupé par rapport aux dons en nature de la part des petits commerces, par exemple pour ce qui est de fournir du café lors d'une réunion ou quelque chose de ce genre. Je crois aussi savoir que vous avez de grandes réserves au sujet de l'article 43, que l'on propose inscrire dans la Loi électorale du Canada.
M. Langlois: Oui, c'est bien cela.
Le sénateur Milne: Vous êtes aussi préoccupé par l'entrée en vigueur de ce projet de loi. Vous estimez que cela devrait se faire le 1er janvier, ou au début de l'année suivant la sanction royale. Qu'en pensent MM. Best et Arlow?
M. Arlow: Il ne fait aucun doute que c'est dans la mesure où l'on aura plus ou moins remanié les règles que la mise en vigueur aura des répercussions. Les électeurs n'ont pas eu suffisamment de temps pour absorber les modifications profondes. Au mieux, on met la charrette avant les bœufs. Quant à savoir si une adoption aussi précoce exercera une influence sur le public, c'est tout à fait théorique, car une telle influence n'existe pas. Le public ne sera nullement influencé par cette initiative puisqu'il ne l'est pas encore par les derniers changements. Par conséquent, où est l'urgence?
M. Best: Il me paraît certain que le projet de loi va être adopté et, partant, que la limite va être abaissée à 1 000 $. Nous sommes en septembre. D'ici à ce que tout cela soit fait, il se peut que nous ayons seulement quelques semaines à notre disposition pour communiquer avec tous nos partisans et pour modifier toutes les formalités comptables d'ici le 1er janvier. Si j'étais roi et si je pouvais commander au monde entier, la date retenue serait le 1er janvier 2008. En règle générale, nous communiquons avec nos membres cinq ou six fois par année. Et lorsque vous affirmez qu'il nous faut retourner auprès de tous les donateurs et assumer les frais supplémentaires que cela occasionnera, cela ne fait qu'alourdir notre fardeau. Il me semble que le maintien de la limite à 5 000 $ une année de plus ne causerait pas de problème. Cela nous donnerait la possibilité de revoir nos gens, le temps de communiquer à l'aise et tout le reste.
Si tout est adopté dans des délais aussi brefs que ce qui est souhaité par certains, à la mi-décembre, on recueillera encore des dons de 5 000 $ et il faudra que nous retournions voir les gens. Vous n'ignorez pas qu'ils remplissent des formulaires de cartes de crédit, où il est dit qu'on peut faire un don jusqu'à concurrence d'un tel montant. Il y a aussi les relevés bancaires et tout le reste. Je préfèrerais donc qu'on attende une autre année, non parce que cela fait 365 jours, mais parce que c'est l'année fiscale que nous prenons en compte. Cela, tant à cause de la situation fiscale que du logiciel d'Élections Canada, et de tous les autres rouages essentiels. Si le projet de loi est adopté, je préférerais qu'on retarde sa mise en vigueur d'un an afin de permettre à tous les partis de communiquer avec leurs sympathisants dans des délais normaux, de les mettre au courant des changements qui s'en viennent. Cela nous permettrait de faire les choses dans des délais appropriés. Je conviens avec M. Arlow que la plupart des gens ignorent à peu près tout de ces changements. Ils ne sont pas au courant des limites et ne savent pas non plus tout ce que cela signifie, alors il faut les renseigner là-dessus.
Le sénateur Day: Il est certainement tout à fait louable, monsieur, de porter en cour certaines de ces questions. Vous avez dit que vous y consacriez une partie de vos contributions politiques et il me semble qu'en recourant à ce processus, sachant surtout que nombre de ces questions vont jusqu'à la Cour suprême du Canada, ce qui coûte très cher, vous risquez que toutes ces contributions soient considérées comme des contributions politiques et que s'y applique ainsi le plafond de 1 000 $. Cela réduirait sensiblement ce que peut faire votre parti pour le Canada.
M. Langlois: C'est bien vrai.
Le sénateur Day: Notamment le fait que cela vous préoccupe.
M. Langlois: Certes. Je suis toutefois dans l'administration du parti et ce n'est donc pas moi qui décide de sa politique. J'administre les finances et le reste. Évidemment, en utilisant ainsi une partie de nos recettes, il faudra personnellement que je trouve d'autres solutions et c'est une réalité que va imposer ce changement. C'est exact.
M. Arlow: Comme le disait M. Best, non seulement ce genre de changements rapides représentent un fardeau supplémentaire pour les petits partis, mais ils coûtent également très cher. Pour un petit parti, un envoi postal national, c'est une grosse affaire; l'achat de timbres est une grosse affaire. Nous n'avons pas de permanents qui peuvent s'occuper de cela. Nous n'avons que des bénévoles et nous devons faire attention à ne pas les épuiser si nous ne voulons pas les perdre. Les auteurs d'une telle loi devraient en tenir compte. J'estime que c'est une loi carrément hostile. On essaie simplement de nous éliminer.
Le sénateur Zimmer: Monsieur Best, ne convenez-vous pas — et je l'ai déjà dit à d'autres occasions — que la transparence et la reddition de comptes n'ont rien à voir avec les plafonds; que c'est totalement différent. La transparence et la reddition de comptes s'appliquent à un dollar comme à un million de dollars. Cela n'a rien à voir. Tout dépend de vos pratiques et de ce que vous faites. N'êtes-vous pas d'accord?
M. Best: Je suis tout à fait d'accord et la preuve en a été donnée dans Gomery. Le problème, ce n'était pas la transparence. C'était au contraire ce qui n'était pas transparent. Bien sûr. La solution, c'est la transparence. C'est tout à fait vrai. Je suis entièrement d'accord.
Le président: Merci, messieurs. Vous vous êtes montrés très directs et ouverts avec nous et vous avez très bien répondu à nos questions. Nous avons noté ce que vous disiez à propos des droits démocratiques et de la Charte. Cela nous sera utile. Merci d'être venus participer à cet échange avec nous.
Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre les prochains témoins.
Ron Gray, chef, Parti de l'héritage chrétien du Canada: Honorables sénateurs, vous avez mon texte sous les yeux mais j'aimerais faire quelques observations liminaires. Comme certains de mes collègues ici, je siège depuis des années au comité consultatif des partis politiques du directeur général des élections. À l'occasion de ces réunions, j'ai fait remarquer que l'objet des textes législatifs concernant le financement électoral a toujours été mal défini. On ne se préoccupe de ce financement qu'en fonction des partis politiques. J'estime que l'on devrait au contraire se préoccuper de la nécessité et d'ailleurs du droit, pour l'électorat, d'avoir accès aux informations nécessaires sur toutes les options qui leur sont offertes afin de pouvoir prendre une décision éclairée.
Il n'en est absolument pas question dans les dispositions actuelles. En fait, ces dispositions, à commencer par le projet de loi C-24, sont rétrogrades et visent à perpétuer le statu quo. Ceux qui auront obtenu le plus de voix auront le plus d'argent pour faire campagne la prochaine fois.
J'aimerais citer Thomas Jefferson que j'ai déjà cité devant un comité du Sénat. Il écrivait: « Il est tyrannique d'obliger quelqu'un à payer pour la promulgation d'idées qu'il ne partage pas ». Cette forme de tyrannie est implicite dans notre structure de financement électoral.
Les contribuables sont obligés de payer leurs impôts et obligés de voir leur argent utilisé pour financer des partis dont les politiques sont totalement contraires à leurs idées. J'ai proposé une autre forme de financement public qui permet aux contribuables de décider où va l'argent. C'est ce que l'on appelle la formule Rand dans les relations syndicales-patronales qui veut que tout le monde paie la même chose. Cela pour tenir compte de ceux qui pour des raisons morales sont dans l'impossibilité d'adhérer à un syndicat mais qui profitent de ce que fait ce syndicat.
En vertu de cette formule, tout le monde paie la même chose mais personne n'est obligé d'envoyer son argent au syndicat ou à un parti politique particulier. Je suggérerais qu'il y ait au bas du formulaire d'impôt une case indiquant que deux dollars, ou quel que soit le chiffre retenu, de vos impôts serviront à développer le processus politique démocratique au Canada. Le contribuable pourra ainsi indiquer à quel parti verser ces deux dollars. S'il n'indique aucun parti, les deux dollars iraient à un fonds d'éducation non partisan qui permettrait d'informer les étudiants et les nouveaux immigrants à propos de notre système politique. Tout le monde supporte également le fardeau, mais pas un sou de l'argent du contribuable n'irait à un parti dont les politiques lui répugnent. C'est la suggestion que j'ai essayé de faire. Je voudrais que l'on considère en priorité l'intérêt des électeurs.
Dans mon texte, je signale certains des autres fardeaux que la Loi électorale du Canada fait supporter aux partis, en particulier aux petits partis. Prenez certains des règlements touchant les vérifications et la comptabilité. Je suis bien d'accord pour que les partis fassent vérifier leurs livres et leurs comptes. Toutefois, ces vérifications et contrôles coûtent cher et il arrive souvent que des candidats dépensent moins pour leur campagne que pour la vérification. Dans un cas, cinq de nos candidats avaient recours au même vérificateur, vérificateur qui travaillait pour notre parti depuis les élections de 1988. Après les dernières élections, pour une raison ou une autre, ses qualifications ont été mises en doute et nous avons perdu ces cinq candidats parce que leurs vérifications ont été refusées.
Nous suggérons ainsi que dans les dispositions touchant la vérification prévue dans la Loi électorale on prévoie un seuil minimum en deçà duquel les partis ne seraient pas tenus de faire vérifier leurs livres. On pourrait leur demander d'envoyer leurs comptes qui seraient alors vérifiés par Élections Canada mais il est très coûteux et injuste, me semble-t- il, de demander aux partis de payer davantage pour une vérification que pour une campagne.
Le président: Monsieur Gray, ce sont là des points extrêmement intéressants à propos de la Loi électorale du Canada. La mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui est toutefois le projet de loi C-2 qui traite de certains aspects seulement de cette loi. Les partis examinent les nouvelles dispositions concernant les contributions électorales, les plafonds, les dates de rapport, et cetera Avez-vous des observations précises sur le projet de loi C-2 que vous aimeriez porter à notre attention?
M. Gray: J'ai soulevé la question de la Loi électorale en général parce que je pensais qu'étant donné que le projet de loi C-2 rouvre cette loi ainsi que celle qui porte sur le Parlement du Canada, le comité pourrait se pencher sur tout ce que contiennent ces lois. Si ce n'est pas le cas, je vous prie de m'excuser. Je puis vous parler de ce qui à notre avis permettrait d'améliorer les dispositions du projet de loi concernant le financement électoral.
Le président: Si vous permettez, le projet de loi C-2 stipule que la contribution autorisée sera réduite de cinq à 1 000 $. Est-ce que votre parti et vous-même avez examiné cela?
M. Gray: Depuis sa création il y a 19 ans, notre parti a toujours imposé un plafond de 5 000 $ pour les contributions. Toutefois, réduire ce plafond tout en permettant aux partis représentés à la Chambre de s'accorder chaque année 30 millions de dollars de fonds publics me semble tout à fait injuste. Là encore, je reviens à ce que je disais à propos de l'intérêt des électeurs et de leur droit d'avoir accès aux informations voulues pour prendre une décision. Ni la loi actuelle ni le projet de loi ne le permettent parce que ces dispositions sont rétrospectives et visent à perpétuer le statu quo.
Jean-Serge Brisson, chef, Parti libertarien du Canada: Monsieur le président, j'ai été surpris d'entendre le sénateur se qualifier de libertarien. On peut toujours nous atteindre par notre site Internet.
Le sénateur Joyal: Je suis extrêmement tenté.
M. Brisson: Je serai franc. De la façon dont le projet de loi est libellé, peu importe que le plafond soit de 1 000 ou de 5 000 $. Il y a évidemment une différence entre d'un côté les partis politiques qui ont des députés à la Chambre des communes et ceux qui atteignent le chiffre magique de 2 p. 100 pour recevoir ce financement automatique de l'État et d'un autre côté les partis politiques qui démarrent à peine ou qui ne peuvent atteindre ce chiffre magique pour avoir droit au 1,75 $.
Si ce projet de loi a la prétention d'être juste pour tous, tous les partis politiques devraient être traités de la même façon. Si un parti n'obtient que 10 000 voix dans tout le pays, pourquoi ne pas lui donner tout de même 1,75 $? Sinon, il y a des partis qui sont plus égaux que d'autres. Les partis qui n'ont pas accès à ce 1,75 $ ne sont pas traités comme les autres.
Nous ne voyons pas d'inconvénient à ce que les contribuables soient obligés de financer les partis politiques de cette façon. Toutefois, si une telle disposition existe, elle devrait s'appliquer de la même façon à tout le monde. Si elle n'existe pas, pas de problème, non plus. Au moins, traitez-nous comme les autres. C'est la seule chose que nous demandons réellement.
À l'heure actuelle, les candidats doivent payer 1 000 $ pour se présenter. C'était 200 $ avant. Nous avions des gens qui faisaient toute une campagne pour moins de 1 000 $. Maintenant ça leur coûte cela simplement pour se présenter. Quand certains partis politiques ont accès au financement public alors que d'autres n'y ont pas accès, les partis qui doivent récolter de l'argent pour présenter des candidats sont immédiatement défavorisés.
Que le plafond soit 1 000 ou 5 000 $, il devrait être le même pour tous. Nous préférerions qu'il n'y ait pas de restrictions parce qu'il y a le problème de la corruption. D'ailleurs, cela peut arriver à tout le monde.
Je suis réparateur de voitures et beaucoup de clients m'ont dit: « Si tu ne me fais pas de facture, tu n'as pas besoin de me faire payer de taxes ». On peut dire que quelqu'un qui ne veut pas payer de taxes est corrompu. C'est une question de point de vue; on peut être corrompu pour un dollar ou un million de dollars. Peu importe. Ce n'est pas en plafonnant les contributions qu'on réglera ce problème. C'est une question de responsabilité. Pour ce qui est du montant des contributions, cela nous est égal, à condition que ce soit juste et équitable pour tous.
Anna Dicarlo, secrétaire du renouveau démocratique, Parti marxiste-léniniste du Canada: Merci de votre invitation. Nous estimons que vos délibérations portent sur un des problèmes les plus sérieux que connaît notre pays actuellement, à savoir le manque de confiance qu'ont manifesté les Canadiens à nombre d'occasions et la méfiance en général à propos de la classe politique, des partis politiques et du Parlement. Lors de la Commission Spicer, quand les Canadiens ont eu l'occasion d'exprimer leurs sentiments et leurs désirs, ils l'ont fait de façon très claire et éloquente. Depuis lors, nous avons vu différents projets de loi, différentes initiatives gouvernementales qui toutes étaient censées remédier à ce problème. Nous voici des années après et le problème n'a pas été réglé. Nous dirions même qu'il n'a pas été convenablement posé.
Le projet de loi C-2 a été présenté comme quelque chose qui devait aider à regagner la confiance des Canadiens et à renforcer la reddition de comptes. Je ne relirai pas tout ce que l'on a dit à ce sujet.
Nous estimons qu'il n'en est rien. Considérez les dispositions touchant le financement. Penser qu'une différence de 4 000 $ dans le plafond des contributions va régler ce grave problème est ridicule. Pendant le scandale des commandites, les Canadiens ont été choqués d'entendre parler de sacs d'argent passés de mains en mains dans des restaurants, et cetera Aller dire maintenant qu'interdire les contributions de 20 $ en espèces va régler le problème, c'est ne pas comprendre ce que signifie « réforme ».
Un article du projet de loi stipule que l'on interdira les dons secrets. Par définition, s'ils sont secrets, c'est que personne n'est au courant. Il est donc absurde de parler de légiférer en la matière. C'est se moquer de nous.
Nous avons indiqué dans notre mémoire ce que nous pensions des différentes dispositions du projet de loi. Nous sommes contre tout plafonnement des contributions. C'est aller contre la liberté d'association. Nous l'avons dit à propos du projet de loi C-24 et nous le répétons. Il nous semble que l'on a oblitéré la distinction entre réglementation des élections et réglementation des partis politiques et que c'est notre liberté politique qui en souffre.
Par exemple, notre parti aimerait beaucoup construire des établissements partout au pays. Nous aimerions construire des établissements d'enseignement pour apprendre à la population comment participer au processus politique. Nous aimerions construire des établissements pour apprendre aux travailleurs comment participer. Avec ce projet de loi, nous ne pourrions pas lancer un appel auprès des travailleurs de tout le Canada afin de récolter des sommes importantes pour nous aider à construire ces établissements; ce serait enfreindre à la loi.
De même, lorsque nous faisons du porte-à-porte, ce que nous faisons régulièrement, si quelqu'un nous dit: « Voici 30 $ », je devrais dire: « Non, je suis désolée. C'est contre la loi. »
C'est ce qu'on appelle encourager les Canadiens à participer au processus politique? Cela revient en fait au contraire à marginaliser de plus en plus les Canadiens. Nous estimons que certains aspects de la réglementation concentreront encore davantage le pouvoir aux échelons supérieurs des partis politiques aux dépens des associations de circonscription et nous nous y opposons. Ce n'est pas que nous sommes contre 1 000 $ plutôt que 5 000 $; nous sommes également contre les 5 000 $.
Nous aimerions beaucoup vous expliquer pourquoi. Nous estimons que c'est le processus électoral qui devrait être réglementé et financé et, comme M. Gray, c'est l'intérêt des électeurs qu'il faut d'abord servir.
Les partis politiques sont des entités privées. Ils sont reconnus dans la Loi électorale du Canada. On a dit que ce sont les principales organisations grâce auxquelles les Canadiens peuvent participer aux affaires politiques.
Nous connaissons les faits, à savoir que moins de 2 p. 100 de la population militent dans un parti politique; toutefois, on continue de nous dire qu'il faut financer au maximum les partis politiques parce qu'ils jouent un rôle tellement important. Comment peut-on dire cela quand on considère à quel point les partis politiques sont discrédités? Si l'on finançait le processus électoral plutôt que les partis politiques, nous pourrions commencer à nous demander pourquoi les Canadiens sont si méfiants, pourquoi ils pensent que les milieux politiques ne s'inquiètent que de leurs propres intérêts et pourquoi ils constatent que lorsque l'on parle de réforme électorale, rien ne semble changer.
J'aimerais revenir à un point qui me semble extrêmement important, celui des délibérations. Je suis fermement convaincue que les Canadiens n'ont aucun espoir que quoi que ce soit change. La simple lecture du projet de loi sur la responsabilité exige un acharnement et des recherches énormes si l'on veut essayer de comprendre ce qui est proposé. Les médias n'ont pas expliqué convenablement le projet de loi, probablement parce que les débats se sont limités à des affrontements entre politiciens ou parce que chaque fois qu'on a l'impression qu'on va pouvoir faire la lumière sur le problème, on met fin à la discussion.
J'ai lu les procès-verbaux du Sénat. On y a soulevé des questions très importantes, comme les questions constitutionnelles entourant la séparation de la Couronne et des autorités policières, ainsi que les questions concernant le directeur des poursuites publiques. Qu'est-ce que ce poste aurait pu changer au scandale des commandites? Est-ce qu'on aurait vu pour autant la classe politique tenue de rendre des comptes? Cette question a été posée, mais d'après ce que nous avons pu voir, elle n'a pas été mise en délibération. Aucune réponse n'y a été apportée.
Nous avons également remarqué que certaines ententes prévoient que malgré vos 70 témoins, le projet de loi devra être adopté avant le 29 septembre. Ces ententes impliquent-elles que les questions soulevées par les témoins vont être abordées? Nous ne voyons pas comment il pourrait en être ainsi. Qui aura la responsabilité de faire en sorte que la Loi sur la responsabilité soit véritablement efficace? Est-ce que c'est le Sénat? Est-ce qu'il va pouvoir dire: « Oui, nous avons délibéré sérieusement de toutes ces questions et nous sommes convaincus que grâce à la loi, les choses vont changer au Canada », ou ne va-t-il s'agir que d'un exercice de propagande?
Nous serions très heureux de répondre aux questions concernant tout ce qui peut, à notre avis, améliorer la situation au Canada. Il n'est plus temps de faire de beaux discours ni de déclarer que le projet de loi va manifestement faire évoluer les choses ou que ceux qui le contestent sont contre la reddition de comptes. C'est pourtant ce que nous constatons.
Enfin, nous aimerions parler de la pénalisation de la vie politique au Canada, qui constitue une évolution très sérieuse. Lorsque le projet de loi C-24 a été déposé, la conseillère juridique d'Élections Canada, Diane Davidson, a fait la déclaration suivante:
Le législateur doit s'attendre à ce que les partis et les candidats s'efforcent de contourner les limites et les exigences de divulgation.
Autrement dit, nous sommes tous suspects d'agissements criminels. Le projet de loi sur la responsabilité renforce cette impression. Il pose le problème auquel nous sommes confrontés au Canada en affirmant que le processus politique est en panne et qu'il n'offre pas à la population de mécanismes de reddition de comptes relevant de la loi et de l'ordre. De l'aveu du premier ministre Harper, il faut renforcer la législation.
On prétend qu'en recrutant davantage de comptables, de vérificateurs, en nommant un directeur des poursuites publiques et en multipliant les contrôles policiers quotidiens, on va résoudre le problème. À notre avis, on va en réalité créer un état d'esprit très néfaste en refusant d'offrir les mécanismes qui permettraient aux Canadiens d'obliger la classe politique à rendre des comptes et de se convaincre que la situation a véritablement changé au Canada. Une telle conviction ne pourrait résulter que d'un véritable débat sur ce qui nous est proposé. Or, ce débat n'a pas lieu. J'espère que le Sénat prendra le soin d'étudier ce projet de loi pour voir s'il répond effectivement aux graves préoccupations des Canadiens concernant la politique qui échappent à tout contrôle.
Le président: Merci pour cette introduction. Vous avez soulevé de nombreuses questions sur lesquelles les sénateurs aimeraient intervenir.
Marvin Glass, représentant, Parti communiste du Canada: J'aimerais apporter un rectificatif à votre présentation. Je ne suis pas le chef du Parti communiste du Canada. Si je l'étais, serait-ce un bienfait ou une malédiction? Je ne suis qu'un simple mortel autorisé par le parti à comparaître aujourd'hui devant le comité.
Le projet de loi nous cause plusieurs préoccupations sérieuses. J'aimerais vous lire notre exposé. J'espère que les sénateurs en ont reçu copie.
Notre préoccupation principale concerne l'imposition de nouvelles limites rigoureuses aux contributions financières annuelles des particuliers aux partis politiques, aux associations, aux candidats et aux courses à la direction des partis, qui va avoir pour effet d'éloigner le financement des partis politiques enregistrés des dons des simples particuliers pour l'assujettir davantage au soutien de l'État par l'intermédiaire d'un financement accordé en fonction du nombre de voix obtenues.
Par ailleurs le projet de loi C-2 élimine totalement toute contribution provenant des syndicats, ce qui aura pour effet de déséquilibrer les règles du jeu au détriment de la classe ouvrière et des partis politiques progressistes qui sont déjà sérieusement défavorisés au plan financier.
Par ailleurs, le projet de loi C-2 contredit le jugement dans l'arrêt Figueroa. Il se trouve que Miguel Figueroa est notre chef de parti. Dans cette affaire, intentée par le Parti communiste du Canada en 1993 pour contester les articles antidémocratiques de la Loi électorale du Canada, deux tribunaux ont reconnu que la loi doit permettre l'activité politique à tous les partis, y compris aux plus petits qui ne sont pas représentés au Parlement, ainsi qu'à tous les électeurs qui ont le droit d'adhérer au parti de leur choix, de faire campagne pour ce parti et de voter pour lui.
Or, avec le projet de loi C-2, les partis non représentés actuellement au Parlement vont avoir encore plus de difficulté — je répète, encore plus de difficulté — à se faire voir et à se faire entendre entre les élections et pendant les campagnes électorales; c'est un recul par rapport aux droits démocratiques affirmés et confirmés dans l'arrêt Figueroa.
Le projet de loi C-2 confirme une mesure antérieure qui a considérablement réduit les contributions des syndicats et des sociétés privées aux partis enregistrés et qui a prévu le versement de fonds publics aux partis politiques qui obtiennent plus de 2 p. 100 des voix. Actuellement, cinq partis touchent plus de 1,75 $ par voix. Ce sont des partis actuellement représentés au Parlement canadien, ainsi que le Parti vert du Canada, qui a dû se battre avec acharnement pour surmonter ce seuil discriminatoire et antidémocratique avant de se heurter à la Loi sur la télédiffusion, qui ne garantit pas aux petits partis ou même aux partis d'importance moyenne comme le Parti vert l'accès aux médias et à l'électorat. À l'exception du Parti vert du Canada, tous les autres partis enregistrés, c'est-à-dire plus de la moitié des partis enregistrés, ne reçoivent aucun financement en vertu de ce seuil de 2 p. 100. Ainsi, les partis politiques qui ont assuré l'adoption de la loi en sont les principaux bénéficiaires — d'où le cynisme évoqué par Mme Dicarlo — ce qui leur confère un avantage financier considérable et injuste par rapport à leurs concurrents, et qui fait pencher davantage la balance au détriment de la majorité des partis enregistrés, qui n'obtiennent aucun avantage financier.
Pour l'essentiel, cette proposition condamne les petits partis à rester petits.
Par ailleurs, l'intérêt public est également bafoué par les énormes avantages financiers versés annuellement sous forme de transferts de fonds publics aux cinq principaux partis politiques, qui mettent à l'écart les votes et l'appui accordés par tous les électeurs à l'un des partis enregistrés qui ont obtenu moins de 2 p. 100 des voix. C'est ce qui a provoqué l'actuelle contestation judiciaire du seuil des 2 p. 100 intentée par le Parti communiste et d'autres partis enregistrés.
Comme la mesure législative précédente, le projet de loi C-2 vise à rendre la loi électorale et les activités des partis politiques plus transparentes et plus démocratiques, mais en faisant passer la contribution annuelle des particuliers de 5 000 à 1 000 $ et en éliminant totalement les dons des syndicats et des sociétés privées, la nouvelle loi va faire une fois de plus pencher la balance au détriment des partis qui ne sont pas représentés à la Chambre des communes et en faveur de ceux qui y sont déjà. Autrement dit, les modifications garantissent aux quatre partis présents à la Chambre qu'ils recevront chaque année des millions de dollars de fonds publics sans avoir à solliciter le moindre don de leurs partisans, et elles empêcheront leurs concurrents et leurs détracteurs de recevoir le moindre montant de fonds publics grâce à l'imposition de la règle du seuil des 2 p. 100.
Le président: Monsieur Glass, vous allez un peu trop vite. Vos propos sont interprétés. Nous n'allons pas vous couper la parole, mais nous avons votre document et nous avons eu l'occasion d'en prendre connaissance. Si vous voulez bien le résumer, nous passerons aux questions des sénateurs.
M. Glass: Excusez-moi. Comme vous l'avez dit, vous avez notre mémoire. Nos sept arguments principaux y sont résumés à la dernière page. J'aimerais insister sur ces arguments, quitte à inviter les membres du comité à se reporter aux explications les concernant qui figurent dans le corps de notre mémoire.
Tout d'abord, nous joignons notre voix à celle de la plupart des petits partis politiques pour demander avant tout la suppression du seuil de 2 p. 100 pour le financement public, ce qui assurerait l'égalité de tous les concurrents lors des élections. Cette suppression ne pénalise pas les partis qui obtiennent moins de voix que les autres. Elle prévoit seulement qu'en cas d'élection, tout le monde sera à égalité et chacun obtiendra 1,75 $ ou quelque autre somme pour chaque voix obtenue.
Deuxièmement, nous contestons particulièrement la proposition qui interdit aux syndicats de verser des contributions aux partis politiques. Nous souhaitons que cette disposition soit modifiée.
Troisièmement, nous souhaitons que l'on réduise considérablement les limites des dépenses des partis et des candidats en campagne électorale et entre les élections.
Quatrièmement, nous souhaitons que l'on modifie la Loi sur la télédiffusion de façon à garantir à tous les partis politiques un accès égal au temps d'antenne gratuit et le paiement des messages politiques et de la publicité, pour que les débats des chefs regroupent les chefs de tous les partis politiques et pour que toutes les réunions de candidats en campagne électorale réunissent obligatoirement tous les candidats.
Je me suis présenté à quatre élections provinciales et à quatre élections fédérales. À plusieurs reprises — trop souvent, je dois le dire — j'ai dû appeler les organisateurs de réunions publiques destinées à tous les candidats pour leur demander si je pouvais m'y adresser à l'électorat. On me répondait: « Nous avons déjà trop de candidats, monsieur Glass, et nous n'invitons que les quatre principaux ». Je répondais: « Mais vous nous privez de la possibilité de devenir l'un des cinq ou six principaux candidats. Vous nous condamnez à rester marginaux ». Les autres arguments que nous abordons ici sont du même ordre. J'obtiens toujours de sincères excuses, mais bien sûr, un refus.
Il en va de même pour notre chef. Nous avons un programme politique bien particulier. Personne ne nous a jamais accusés de reprendre la plate-forme électorale du NPD, du Parti libéral ou du Parti conservateur du Canada. Je n'hésite pas à le dire, notre chef est aussi éloquent, sinon plus, que les autres chefs politiques canadiens. Il mérite de pouvoir comparaître devant les médias lors des débats des chefs. Peut-être faudrait-il prévoir trois ou quatre débats des chefs pour donner la parole à tous les partis politiques et pourquoi pas?
Cinquièmement, nous voulons que le comité envisage sérieusement de recommander le passage à la représentation proportionnelle. Nous considérons que le scrutin uninominal qui nous est imposé depuis des années est devenu un dinosaure du monde politique. Les autres pays sont de plus en plus nombreux à instaurer la représentation proportionnelle. On pourrait concevoir qu'au Canada, un parti qui obtient 51 p. 100 des votes dans toutes les circonscriptions soit le seul parti présent à la Chambre des communes en vertu du scrutin uninominal et donc, théoriquement, 49 p. 100 de la population canadienne se trouverait exclue de la Chambre des communes en vertu du système électoral actuel.
Enfin, il semble que depuis cinq ou dix ans, le changement d'allégeance soit devenu l'activité la plus courante de nos hommes politiques. Évidemment, ils en ont le droit. Nous ne prétendons pas qu'il soit inconcevable qu'un élu se sente contraint, en conscience, de siéger en tant qu'indépendant ou d'adhérer à un autre parti politique, mais nous nous préoccupons de l'avis des électeurs. Nous voudrions que la loi oblige les députés qui changent d'allégeance à se présenter à une élection complémentaire.
Le président: Je pense que vous avez renoncé à votre sixième argument. Voulez-vous dire quelques mots d'une mesure législative qui reconnaîtrait le droit de rappel?
M. Glass: C'est ce qu'ont demandé plusieurs autres partis politiques et nous joignons notre voix à ceux qui considèrent que lorsque l'électorat d'une circonscription estime que son député s'est écarté de la plate-forme qu'il a défendue ou qu'il s'est déshonoré, les électeurs devraient avoir le droit de rappeler ce député. Il faudrait prévoir un nombre de signatures représentatif. Il n'est pas anodin de rappeler un élu, mais nous pensons que l'électorat devrait en avoir le droit.
Le président: Il s'agit de la législation sur le droit de rappel. Voulez-vous parler de la « législation » ou « du législateur »?
M. Glass: De la législation.
Le président: Plusieurs sénateurs ont des questions à propos de vos quatre excellents exposés.
Le sénateur Zimmer: Lors des exposés des principaux partis, j'ai trouvé que ce que leurs représentants avaient à dire était assez prévisible, mais les trois derniers témoins et vous-mêmes avez exprimé des idées nouvelles et très rafraîchissantes, et je vous en remercie.
J'aimerais aborder trois ou quatre des principaux thèmes qui sont apparus dans les exposés. Tout d'abord, la date d'entrée en vigueur du projet de loi. Elle risque d'avoir de lourdes conséquences pour les auteurs de dons, car si les dispositions entrent en vigueur immédiatement après l'adoption du projet de loi, certains dons pourraient devoir être restitués, ce qui risque de provoquer un véritable cauchemar administratif. Je vous pose donc la question suivante: à votre avis, quand ces mesures devraient-elles entrer en vigueur?
M. Gray: Je suis d'accord avec les trois représentants de partis qui ont parlé avant nous, et qui estiment que le 1er janvier 2008 serait une date bien préférable à celle qui figure dans le projet de loi. Si des modifications sont adoptées, c'est à nous qu'incombera le fardeau d'en informer nos partisans et nos adhérents avant qu'ils ne fassent un don que nous serions obligés de restituer. Les communications avec nos adhérents nous coûtent très cher.
Le président: Certains des témoins qui vous ont précédés ont parlé non pas du 1er janvier 2008, mais du 1er janvier 2007, et seul l'un des derniers témoins a parlé de 2008.
M. Gray: Je suis en faveur du 1er janvier 2008. L'obligation de communiquer et d'informer nos adhérents de cette nouvelle structure et de constituer une liste d'expédition spécifique constituerait pour nous un fardeau, car nous ne bénéficions pas de fonds publics.
M. Brisson: Vous me demandez, je suppose, si je préfère qu'on m'abatte tout de suite ou plus tard. Le plus tard sera le mieux. Comme vient de le dire M. Gray, nous sollicitons actuellement des fonds et si des dons nous parviennent alors que nous sommes assujettis au nouveau projet de loi, ce sera catastrophique pour nous, car nous n'avons pas les mêmes ressources que les grands partis. Si le projet de loi n'est pas adopté, ce n'en sera que mieux.
Mme Dicarlo: Même si nous sommes un petit parti, nous devons planifier nos activités. De telles mesures font l'effet d'un coup de pied dans l'estomac lorsqu'on planifie une levée de fonds. Actuellement, notre message à nos adhérents est en suspens. Dans notre parti, nous demandons aux gens de faire régulièrement une contribution mensuelle en fonction de leur situation financière. Nous avons dû interrompre ce message dans l'attente de ce qu'il va advenir de ce projet de loi.
Comme nous l'avons dit, nous n'acceptons pas ces limitations. En vertu du projet de loi C-24, les partis sont déjà contraints de revenir sur leurs responsabilités administratives et cela ne concerne pas uniquement les petits partis. Au comité consultatif, on entend dire qu'il est de plus en plus difficile, en particulier pour les grands partis, de trouver des bénévoles prêts à assumer les responsabilités exigées d'un agent principal.
Nous n'aurions pas assez de la journée pour vous raconter les cauchemars que représentent nos rapports avec Élections Canada sur les questions les plus insignifiantes, et dans notre cas, il n'est question que d'un montant très modeste.
Nous préférerions que ce projet de loi ne soit pas adopté. S'il l'est, nous aimerions qu'il entre en vigueur le plus tard possible.
M. Glass: La date de 2008 me semble acceptable, mais elle n'est pas idéale. Ce que nous craignons, comme l'a bien dit Mme Dicarlo, c'est que la plupart des électeurs ne sachent pas que ces audiences se tiennent actuellement sur le projet de loi C-2. Les médias semblent considérer qu'ils ont des sujets plus importants à traiter.
Nous souhaitons que l'on tienne des audiences publiques dans l'ensemble du pays comme l'a fait la Commission Romanow. Il s'agit là d'un sujet important pour l'électorat canadien, et les électeurs devraient pouvoir se renseigner sur les questions soulevées et les différentes options proposées. Cette possibilité devrait être offerte aux simples citoyens, et non pas uniquement aux dirigeants des partis politiques. Il faudrait prendre le temps d'organiser ces audiences et de les annoncer. Pour cette raison et pour les autres motifs que nous avons évoqués, nous ne souhaitons pas que ces mesures entrent en vigueur avant 2008.
Le sénateur Zimmer: D'autres témoins ont soulevé la question des frais d'inscription à un congrès politique. Une proposition intéressante faite par un témoin était d'établir une limite. Qu'en pensez-vous?
M. Gray: J'aimerais rappeler au sénateur que jusqu'à notre dernier congrès, les frais d'inscription à un congrès étaient autorisés en tant que déductions d'impôt, en tant que dons versés au parti. Cela nous est désormais refusé et a sérieusement nui à la participation de nos membres au congrès. J'aimerais que cette exemption soit rétablie.
M. Brisson: Je suis tout à fait d'accord avec M. Gray. Une fois de plus, on modifie constamment la loi pour entraver ou handicaper les petits partis. Pour nous, le congrès est l'occasion de recruter de nouveaux membres. Nous aurons un congrès l'année prochaine. Déjà certaines personnes ont manifesté leur intérêt à y participer, mais lorsqu'elles apprendront que les frais d'inscription sont exclus en tant que dons exemptés d'impôt, nous les perdrons. On interprète constamment la loi de façon à réprimer l'essor des petits partis.
Mme Dicarlo: Nous avons abordé cet aspect dans notre mémoire. Cela traduit le problème que nous avons soulevé concernant la réglementation des élections par rapport à la réglementation des partis politiques.
Personne n'arrivera à me convaincre que des fonds recueillis à l'occasion d'un congrès où des gens se réunissent pour délibérer de politique ont quoi que ce soit à voir avec des élections ou avec le fait de tenir les politiciens responsables et de ne pas les considérer comme des gens corrompus. Un parti politique devrait pouvoir tenir son congrès, et s'il veut imposer des frais de 10 000 $, il devrait pouvoir le faire. D'une certaine façon, on s'est mis à établir un lien entre la question des frais d'inscription à un congrès et la tenue d'élections libres et justes. Qu'est-ce que ces deux questions ont à voir l'une avec l'autre?
Lorsque M. Baird s'est mis à table, si on peut dire, le directeur général des élections, M. Kingsley, a indiqué que la loi est très claire et a immédiatement demandé qu'on lui remette les livres. Cela nous a beaucoup inquiétés parce que c'est un autre cas de réglementation interne accrue des partis politiques.
M. Kingsley a indiqué que la loi est très claire, ce qui signifie que les conservateurs auraient dû rapporter ces frais en tant que contributions, ce qu'ils n'ont pas fait. Cependant, au cours des délibérations qui ont eu lieu au Parlement, on a indiqué que ces frais ne constituent pas des contributions. Le fait qu'une loi puisse se prêter à ce point à l'interprétation est en soi une source de préoccupation pour nous. N'importe qui peut devenir un criminel n'importe quand en fonction de la façon dont on interprète la loi.
C'est un problème auquel nous nous heurtons souvent avec Élections Canada en ce qui concerne les formulaires à remplir pour les déclarations et ainsi de suite. On pense avoir adopté la bonne méthode puis on constate que ce n'est pas le cas.
Ce qui nous inquiète également, c'est le souhait de M. Kingsley d'élargir ses pouvoirs d'application de la loi. Il a profité de la question des frais d'inscription à un congrès pour dire que cela appuyait son argument selon lequel il devrait détenir des pouvoirs de perquisition et de saisie. C'est ainsi qu'on s'achemine vers un État policier, sans même y réfléchir. Les pays ne décident pas du jour au lendemain de devenir des États policiers. C'est plutôt le résultat de l'adoption de lois à tort et à travers qui fait en sorte que tout à coup nous nous trouvons dans une situation inextricable dans laquelle il est impossible de faire quoi que ce soit sans être soupçonné d'être un criminel.
Aucun membre du Parti conservateur n'a la moindre intention d'enfreindre la loi lorsqu'il s'inscrit à un congrès, pas plus, à mon avis, que les conservateurs qui ont recueilli ces frais, mais on débat aujourd'hui de cette question comme s'ils étaient des criminels en puissance. Nous considérons que c'est une tendance de plus en plus marquée que présente le projet de loi sur la responsabilité.
M. Glass: Je suppose que je vais me démarquer. En ce qui concerne le troisième point de notre recommandation en sept points, nous demandons des limites de dépenses pour les partis et les candidats au cours des élections et entre les élections. Cela inclurait des limites en ce qui concerne les frais d'inscription à des congrès. Les grands partis, presque par définition, disposent de plus de ressources pour la tenue de congrès et sont donc plus susceptibles d'attirer les médias grand public. Nous considérons que les congrès et les élections ne consistent pas à présenter à la télévision de Radio-Canada ou à d'autres journalistes les largesses dont on dispose, c'est pourquoi nous aurions proposé des limites aux dépenses relatives à un congrès.
Le sénateur Zimmer: Monsieur le président, j'ai une question à propos du commentaire fait par Mme Dicarlo à propos de la méfiance et de la transparence, mais j'attendrai le deuxième tour.
Le sénateur Stratton: J'aimerais revenir à la question des petits partis; fondamentalement il s'agit d'un problème. Avez-vous une idée du nombre de petits partis?
Mme Dicarlo: Il existe en tout 12 partis politiques enregistrés.
Le sénateur Stratton: Y en a-t-il d'autres?
Mme Dicarlo: Il y en a trois dont la demande d'enregistrement a été approuvée et de nombreuses organisations politiques au Canada s'efforcent de devenir des partis politiques mais ne participent pas forcément aux élections. Ces organisations ne seraient pas visées par le système d'enregistrement.
Le sénateur Stratton: D'après ce que je crois comprendre, le Parti Vert est en train de contester devant les tribunaux le seuil de 2 p. 100?
Mme Dicarlo: En fait, nous sommes le seul petit parti qui ne participe pas à cette contestation. Nous nous sommes retirés, mais tous les autres y participent.
Le sénateur Stratton: J'étais à la République démocratique du Congo en juillet pour leurs premières élections en plus de 40 ans. Il y avait 33 candidats à la présidence. Dans une circonscription, il y avait 250 candidats pour la Chambre des représentants. Monsieur Glass, vous dites que chaque parti politique devrait être présent à chaque réunion générale des candidats, mais vous savez ce qui peut en résulter. Vous pouvez constater les possibilités qu'offre le processus démocratique à la République démocratique du Congo. Les observateurs canadiens dont nous faisions partie en ont conclu qu'il s'agissait d'un vote libre et ouvert. On dit que lors d'élections futures, le nombre de candidats à la présidence diminuera de même que le nombre de partis qui fusionneront pour obtenir le pouvoir.
Quoi qu'il en soit, il y avait 250 candidats, certains indépendants, certains représentant des partis. Ma préoccupation est la suivante: Si on supprime le seuil de 2 p. 100, qu'arrivera-t-il au nombre de partis politiques? Par ailleurs, comment compose-t-on avec les exigences de chaque candidat qui veut participer à tous les débats télévisés et être présent à toutes les réunions générales de candidats? Vous pouvez devinez ce qui se passera. Je vous soumets donc l'argument opposé.
M. Gray: Sénateur Stratton, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que le nombre de candidats serait effectivement intimidant. Cependant, je vous renvoie au rapport de mars 2004 de la Commission du droit du Canada dans laquelle elle recommande une représentation proportionnelle mixte pour le Canada. Dans cette recommandation, elle traite de ce qu'on a appelé le « Parlement pizza ». La Commission a fait remarquer que même si ceux qui s'opposent à la représentation proportionnelle donnent souvent l'exemple de pays comme Israël ou l'Italie où la situation est si complexe qu'elle en est pratiquement ingérable, les examens de la part de la Commission du droit du Canada et d'autres spécialistes ont constaté que les facteurs en jeu étaient davantage culturels que politiques.
Comme vous l'avez dit vous-même, pendant 40 ans il n'y a pas eu d'action démocratique là-bas; soudainement, on déclenche des élections et, sans l'expérience de la coalition, les candidats se précipitent. Le seuil de 2 p. 100, tel qu'il nous a été présenté dans le projet de loi C-24, ne restreint aucunement ce type de comportement. Il ne fait qu'imposer un obstacle qui empêche la participation des petits partis.
Je ne suis pas d'accord avec M. Glass lorsqu'il réclame la suppression du seuil de 2 p. 100. Le problème, ce n'est pas le seuil de 2 p. 100. Le problème, c'est l'accent que l'on met sur le financement des partis à même les fonds publics plutôt que le financement de l'accès, par l'électorat, à des renseignements adéquats sur les options qui s'offrent à lui.
Le processus d'enregistrement en vigueur a réduit le nombre de partis sans l'existence d'un seuil. Depuis les cinq dernières années environ, nous avons 12 à 15 partis politiques enregistrés. De nouveaux partis sont créés, d'autres disparaissent. Nous avons perdu le Parti de la loi naturelle et assisté à la création du Animal Activist Party. Leur nombre s'est stabilisé. Cela correspond à notre culture politique. Il existe environ 12 à 15 grands secteurs d'opinion politique qui cherchent à s'exprimer.
La représentation proportionnelle recommandée par la Commission du droit du Canada, qui indiquait que nous devrions avoir une représentation proportionnelle mixte comme celle qui existe en Écosse et en Allemagne, réglerait en partie ces problèmes parce que les partis obtiendraient une représentation en fonction de l'appui public, ce qui encouragerait les coalitions au sein du Parlement, comme c'est le cas dans pratiquement tous les autres parlements du monde. Il n'y a que trois pays au monde ayant une population de plus de huit millions d'habitants qui n'ont pas adopté une forme quelconque de représentation proportionnelle, et nous sommes l'un d'eux.
M. Glass: Tout d'abord, je tiens à dire que je suis d'accord avec M. Gray. Dans l'abstrait, la perspective d'avoir 250 candidats est effectivement intimidante.
Le sénateur Stratton: Le bulletin de vote comporterait de nombreuses pages. Il faudrait plus d'une heure pour qu'une personne décide pour qui voter. D'autres personnes ont éprouvé des difficultés semblables. Il s'agissait d'un nombre stupéfiant de candidats.
M. Glass: L'argument présenté par M. Gray est important. Cela n'a jamais fait partie de la culture canadienne. Notre culture consiste à avoir environ 10 à 15 partis politiques. Il n'y a aucune preuve selon laquelle le nombre de partis augmente de façon démesurée. Si c'était le cas, je partagerais peut-être votre préoccupation.
Les partis vont et viennent. Le Parti communiste du Canada existe depuis 1920 environ. Nous continuerons d'exister; nous ne disparaîtrons pas. D'autres partis, comme le Parti marijuana et le Parti de la loi naturelle vont et viennent. Le nombre de partis est gérable.
Habituellement, je suis candidat dans Ottawa-Centre, qui compte plus de candidats que d'autres circonscriptions — 12, 13 ou 14 candidats. Vous pouvez compter sur la présence de mon copain John Turmel, si ce nom vous dit quelque chose. J'ai demandé à prendre la parole dans le cadre de la campagne électorale et on m'a répondu, « Si nous accordons à chaque candidat cinq minutes pour s'exprimer et qu'il y a des questions, nous serons ici jusqu'à demain matin ».
J'ai proposé que nous mettions les noms de tous les candidats dans un chapeau et que nous en tirions six chaque soir. Cette proposition a été rejetée. Le compromis qui a été proposé consistait à réunir tous les principaux partis un soir, lorsque 98 p. 100 de l'électorat serait présent, puis mon parti, le Parti marijuana et le Parti rhinocéros le deuxième soir. J'ai dit que c'était injuste.
La même chose vaut pour le débat des chefs. Pendant deux soirs de débat, on met les noms des chefs dans un chapeau, on en tire six chaque soir et ils débattent deux soirs, un soir en anglais et un soir en français. Cela tient compte de la réalité de la culture canadienne et satisfait les petits partis en leur offrant des conditions égales à celles dont bénéficient les principaux partis.
On ne peut pas dire qu'il est impossible que 250 partis existent au Canada. Lorsque la situation deviendra imminente, il me semble qu'il serait temps de procéder à une réforme électorale quelconque, mais honnêtement, je ne crois pas que cela se produira dans les décennies à venir.
M. Gray: Lorsque j'ai dit que je n'étais pas d'accord avec M. Glass qui voulait supprimer le seuil de 2 p. 100, j'aimerais préciser ce que je voulais dire. Ce n'est pas que je ne suis pas d'accord avec l'élimination du seuil de 2 p. 100. Je ne suis pas d'accord avec la déclaration qu'il a faite selon laquelle cette mesure en soi permettrait d'égaliser les règles du jeu. L'idée d'accorder environ 1,80 $ par année par vote obtenu au cours des dernières élections est rétrospective. C'est une formule pour préserver le statu quo. Bien sûr, nous devrions abolir le seuil de 2 p. 100 mais cela en soi n'égalisera pas les règles du jeu.
Le sénateur Stratton: Je suis favorable à la représentation proportionnelle mais pas de la façon dont vous la décrivez. Je préfère le système australien.
Le sénateur Milne: Comme je l'ai fait dans le cas des derniers témoins, j'aimerais revenir aux particularités du projet de loi dont nous sommes saisis. Nous nous sommes penchés sur la question de la date d'entrée en vigueur de la loi, une fois que le projet de loi sera adopté, ce qui se fera. Qu'en est-il de la réduction des contributions individuelles à votre parti qui passeraient de 5 000 $ à 1 000 $? Quelles en seront les conséquences pour votre parti?
M. Gray: Comme je l'ai dit, nous avons toujours eu une limite de 5 000 $. Réduire davantage la limite au moment même où les partis à la Chambre se sont votés un budget de 30 millions de dollars par année provenant de l'argent du contribuable pour financer leur campagne de réélection est une mesure de toute évidence injuste. Je dirais simplement que l'on maintienne la limite de 5 000 $.
M. Brisson: Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, les règles du jeu ne sont pas égales pour les partis parce qu'ils se financent eux-mêmes à même l'argent du contribuable. Faisons en sorte que les règles soient égales pour tous. Éliminez le financement accordé à tous les partis politiques qui atteignent un certain seuil. Faites en sorte que nous soyons tous sur le même pied d'égalité. Comme je l'ai déjà dit, permettez-nous de recueillir des fonds de ceux qui souhaitent appuyer le parti. Si vous continuez à imposer restrictions après restrictions, vous finirez par n'avoir plus que quatre partis. Les partis politiques existent pour permettre à la population d'exprimer son point de vue. Si seulement 50 personnes au pays veulent appuyer un parti politique en particulier, il faut qu'ils aient la possibilité de s'exprimer. Les notions dont ils font la promotion pourraient donner de bonnes idées à l'un des principaux partis.
La politique n'est pas réservée aux politiciens mais appartient à la population. C'est ce qu'a déclaré l'arrêt Figueroa. J'ai fait la même observation devant un comité en 1999. Si nous disons à la population que nous restreindrons la façon dont elle peut appuyer un parti, alors la politique est à nouveau réservée aux politiciens.
Toute restriction financière qui cause du tort à un parti va à l'encontre de cette déclaration du juge. Si la limite en vigueur est de 5 000 $, laissons-la telle quelle. À un certain moment, les partis politiques seront obligés de faire preuve de créativité et de recourir à la ruse pour recueillir des fonds, mais c'est là où cela devient de la corruption. Si vous blessez un animal et l'acculez contre un mur, il se défendra. La plupart des gens ont une opinion politique qu'ils voudront promouvoir. Si vous commencez à restreindre l'expression d'opinions politiques, c'est le résultat que vous obtiendrez.
Le sénateur Milne: Madame Dicarlo, vous avez dit que vous étiez contre toute restriction quelle qu'elle soit en matière de collecte de fonds; est-ce exact?
Mme Dicarlo: Nous nous y opposons en principe. En ce qui concerne la façon dont la restriction proposée nous toucherait, notre soutien provient essentiellement de petits donateurs; par conséquent cette restriction n'aurait pas pour nous de graves conséquences. Cependant, elle nuirait à divers projets que nous avons l'intention de mettre sur pied.
M. Glass: Nous nous opposons à la restriction qui passerait de 5 000 $ à 1 000 $. Si cela se produit parallèlement à l'élimination des contributions de la part des sociétés et des syndicats, nous considérons que cela fait pencher encore davantage la balance en faveur de ceux qui sont déjà représentés à la Chambre des communes. Nous appuyons effectivement l'établissement d'une certaine limite en ce qui concerne les contributions individuelles, mais nous ne croyons pas que le fait de faire passer cette limite de 5 000 $ à 1 000 $ soit avantageux pour le processus et pour les petits partis en particulier.
Le sénateur Milne: Lorsque mon mari s'était porté candidat plusieurs fois à un siège à la Chambre des communes, je crois qu'il y avait 13 candidats. Ils étaient tous réunis pour la présentation de leur programme électoral, y compris le Parti Marxiste-Léniniste. C'était à chaque fois une femme qui représentait ce parti. Il y avait le Parti de la méditation transcendantale et aussi le Parti rhinocéros. C'était vraiment la mêlée générale.
Le sénateur Joyal: Si les citoyens canadiens ont l'occasion d'entendre les témoignages que nous avons entendus cet après-midi de la part des petits partis comme on les appelle, ils seront très impressionnés par les arguments que vous avez présentés cet après-midi de même que par la teneur de vos mémoires. Cela reflète la dynamique de la vie publique au Canada. Si tous les candidats étaient autorisés au cours d'une élection à débattre librement avec d'autres chefs des soi-disant partis nationaux, cela permettrait d'enrichir le débat public. Je le mentionne parce que je crois que tous ceux d'entre nous assis autour de la table, indépendamment de notre préférence personnelle, seraient du même avis.
Je tiens à revenir à la question des droits démocratiques que vous avez tous abordés directement ou indirectement dans vos présentations. Je crois comprendre que le Parti de l'action canadienne, le Parti de l'Héritage Chrétien du Canada, le Parti communiste, le Parti Vert, le Parti Marijuana que nous n'avons pas entendu, de même que le Parti Marxiste-Léniniste et d'autres partis ont uni leurs efforts pour contester la question du seuil figurant dans le projet de loi C-24. Comme le sénateur Milne a mentionné, le Parti Marxiste-Léniniste s'est retiré de cette contestation dès le 18 février 2006.
Le point de vue exprimé ici cet après-midi par M. Stephen Best, du parti de la défense des animaux, vous amène-t-il à conclure que cette réduction et les contraintes supplémentaires prévues dans le projet de loi C-2 feraient en sorte que votre parti serait moins libre d'exercer ses droits démocratiques? Pensez-vous que vous auriez des raisons de contester devant les tribunaux les répercussions du projet de loi sur vos activités?
Je m'adresse, bien sûr, à M. Glass en premier, puisque M. Figueroa, en sa qualité de chef du Parti communiste, a tellement bien réussi à établir les droits des petits partis que nous avons déjà une bonne idée de son engagement. D'après vous, le projet de loi C-2 ferait-il autant de tort aux petits partis que le projet de loi C-4, si bien que vous auriez matière à le contester devant les tribunaux?
M. Glass: Certainement. C'est pour nous un cas où le remède proposé est pire que la maladie. Les contraintes seraient tellement onéreuses à notre avis que notre situation serait encore pire qu'avant. Les dispositions législatives déjà prévues étaient inacceptables à notre avis, et c'est pourquoi nous les avions contestées devant les tribunaux, mais les nouvelles dispositions visant à ramener le plafond de 5 000 $ à 1 000 $, à interdire les contributions de la part des syndicats, et cetera, augmenteraient encore davantage le fardeau et les difficultés pour les petits partis. Certains d'entre eux — pas le nôtre, mais certains d'entre eux — pourraient en fait disparaître en raison des nouvelles dispositions. Nous considérons donc qu'il s'agit d'une mesure rétrograde, et nous la contesterions.
Le sénateur Joyal: Je pose la même question à M. Gray, puisque vous figurez toujours au nombre des partis, si je ne m'abuse, à la contestation du projet de loi C-4.
M. Gray: Nous avons participé à cette contestation, ou nous avons tout le moins participé à son financement. Cependant, les limites que l'on veut maintenant imposer au financement des partis feront en sorte que nous pourrons plus difficilement aller devant les tribunaux le cas échéant. Je vous donne un exemple. Nous avons un candidat en Colombie-Britannique qui a été puni par son employeur — celui-ci l'a suspendu sans traitement pendant un mois — lorsqu'il s'est mis à organiser une association de circonscription et à présenter le programme politique de notre parti.
Je suis allé rencontrer M. Kingsley, à Élections Canada, pour lui demander s'il ne voudrait pas lancer une contestation en vertu de la Charte, intenter une poursuite contre l'employeur, car j'estimais que si un employeur canadien peut ainsi punir un citoyen qui exerce les droits qui lui sont garantis par l'article 3 de la Charte, nous sommes privés de ces droits par le fait même. M. Kingsley m'a toutefois indiqué qu'il n'était pas habilité à prendre quelque mesure que ce soit en vertu de la Charte, qu'il ne pouvait intervenir qu'en vertu de la Loi électorale. C'est donc à nous qu'il incombe de défendre le droit de ce candidat d'exercer les libertés qui lui sont garanties par l'article 3 de la Charte, mais nous devons recueillir des fonds pour pouvoir aller défendre ainsi ses droits devant les tribunaux. Cela coûtera sans doute 250 000 $.
Tous les fonds que nous recueillerons seront soumis aux limites que l'on veut maintenant nous imposer et ne pourront donc pas servir à financer notre participation à des campagnes futures. Le projet de loi nous prendra à la gorge et nous empêchera de protéger les droits qu'ont les citoyens en vertu de la Charte, puisque nous n'avons droit à aucun financement pour lancer une contestation fondée sur la Charte. Seuls ceux qui s'en prennent aux valeurs morales de notre société ont droit à ce financement. Les limites imposées sont très sévères. Nous allons défendre les droits de tout citoyen canadien tels qu'ils sont énoncés à l'article 3 de la Charte, mais nous ne pouvons pas le faire à cause des règles prévues dans cette loi qui limitent notre liberté d'action.
Mme Dicarlo: Je voudrais intervenir ici, mais pas pour vous parler des conséquences qu'il y aurait pour nous. C'est là un des maux qui affligent notre société: chacun demande « qu'est-ce que cela va me rapporter, quelles seront les conséquences pour moi? » Je parle ici des nouvelles limites, et même lorsque le projet de loi C-24 a été déposé, j'ai aussitôt pensé au Parti réformiste et aux sommes considérables qui ont été sollicitées pour sa création — il en a sans doute été de même lors de la fondation de tous les partis. Dans le cas du Parti réformiste, le secteur pétrolier de l'Alberta a joué un rôle clé pour ce qui est de lui assurer les fonds de démarrage nécessaires à sa fondation. J'ai du mal à imaginer qu'un parti politique, même s'il avait l'appui de la majorité au Canada, de l'establishment canadien, que quelqu'un qui dirait que les libéraux, les conservateurs et les néo-démocrates ont si mal fait les choses qu'il faudrait qu'un nouveau parti prenne les rênes au Parlement, puisse créer ce nouveau parti.
On tue dans l'œuf toute velléité de créer un nouveau parti politique, ce qui a un effet sur les partis existants, qui jouent le jeu depuis longtemps en faisant face au soleil. Quand je parle de libertés politiques et de droits démocratiques, je ne le fais pas uniquement à partir de notre point de vue à nous. Je pense aux répercussions pour la politique tout entière. Je pense aux conséquences pour le droit d'assemblée politique des citoyens.
[Français]
M. Brisson: C'est la première fois que j'entends parler qu'il existe une association de partis politiques qui conteste ce projet de loi.
J'imagine qu'en voyant l'argent qu'on faisait, ils trouvaient que cela ne valait pas la peine de nous approcher. Le parti n'a pas été sollicité dans tout cela. C'est la première fois que j'en entends parler.
[Traduction]
Le sénateur Joyal: J'ai une autre question qui concerne une des conséquences involontaires de la réglementation ou de la surréglementation des partis par voie législative. Le processus finit par devenir tellement bureaucratisé que les partis ne sont ni plus ni moins qu'une prolongation de la Loi électorale du Canada. Autrement dit, plus on assure le financement des partis politiques à même les deniers publics ou l'argent des contribuables, plus on ouvre la porte à l'ingérence dans les affaires des partis et au contrôle de leurs activités. Si on se met à réglementer les congrès politiques, à réglementer les assemblées de mise en candidature, à tout réglementer, les partis politiques n'auront plus qu'un pouvoir discrétionnaire minime dans la conduite de leurs affaires.
Toute mesure législative, si bien intentionnée soit-elle, pourrait avoir des conséquences qu'il convient d'évaluer. Or, il est parfois difficile d'évaluer ces conséquences au moment où la mesure est proposée, parce qu'on ne peut pas voir toutes les répercussions qu'elle va déclencher au fur et à mesure de son application. Avec le temps, la vie démocratique au Canada pourrait ne plus être ce que nous voudrions qu'elle soit. Ainsi, dans nos efforts pour remédier aux lacunes que présente le régime actuel, et nous sommes tous d'accord pour dire qu'il faut faire quelque chose, nous risquons de nous retrouver avec un remède qui serait pire que la maladie. Nous devrions être conscients de ce problème.
J'aimerais que vous nous disiez quelles seraient d'après vous les répercussions du projet de loi sur vos activités quotidiennes et que vous nous expliquiez comment vous pensez pouvoir continuer à prendre de l'ampleur dans les limites fixées par le projet de loi.
Mme Dicarlo: Je peux vous donner un exemple concret de quelque chose qui nous inquiète. Nous faisons beaucoup de travail de mobilisation auprès des jeunes Canadiens. Pour notre parti, il n'y a rien de plus important que d'amener les jeunes à jouer un rôle actif, de leur apprendre à s'organiser sur le plan politique. D'ores et déjà, le projet de loi C-2 pose un problème pour les étudiants d'université qui pourraient bien vouloir faire une contribution de 20 $ à un parti politique. Le projet de loi les obligera à faire un chèque alors que tout ce qu'ils veulent, c'est de poser un geste politique des plus anodins. Ils devront maintenant composer avec cette règle. S'ils veulent agir au sein d'un club politique, tout sera tellement réglementé que ce sera un véritable cauchemar pour eux de s'assurer que leurs activités sont légitimes, qu'ils ne violent pas la loi canadienne. Voilà ce qui nous pend au bout du nez.
Voilà quelles seront les conséquences pour nous au quotidien. Chaque fois que nous aurons à remplir un bout de papier, nous devrons nous poser des questions. Les sommes en cause ne sont pas très importantes dans le cas de notre parti et je ne peux même pas imaginer les difficultés qui se poseront pour les grands partis.
Je ne me suis pas lancée en politique pour faire ce genre de chose. Je ne veux pas être obligée de me transformer en bureaucrate et de m'inquiéter de savoir si je viole la loi parce que j'ai accepté une contribution qui dépasse de 1 $ ou de 20 $ la limite acceptable.
M. Gray: La seule et unique disposition du projet de loi qui recueille mon appui est celle qui interdit les contributions des syndicats et des sociétés cotées en bourse. J'invoque ici la maxime de Jefferson qui qualifiait de tyrannique le fait d'obliger les gens à payer pour quelque chose avec lequel ils ne sont pas d'accord. L'argent que les dirigeants des syndicats et des sociétés cotées en bourse versent à des partis politiques ne leur appartient pas; il appartient aux membres ou aux actionnaires. Aucune autre restriction applicable aux activités de financement des partis politiques ne serait justifiable à mes yeux. Si une personne souhaite répondre à l'appel de fonds lancé par un parti politique en vue d'assurer la promotion ou la diffusion de ses politiques, elle a parfaitement le droit de le faire. La seule restriction que j'admettrais est celle que je viens d'invoquer. Tout le reste n'est que bureaucratie. J'y vois en fait une façon pour les quatre partis qui sont représentés à la Chambre de remonter le pont levis après leur passage et d'écarter les idées nouvelles.
Le président: Sénateur Joyal, cela suffit-il?
M. Glass: Je suis d'accord avec ce qu'ont dit les autres avant moi. Je tiens surtout à faire comprendre que les petits partis, de par leur nature même, ont plus de difficultés que les grands partis. Cette panoplie de nouvelles règles nous obligera à dépenser plus d'argent qu'auparavant pour les services de comptables et d'avocats. Le fait que nous aurons ainsi moins d'argent pour les campagnes électorales sera un problème plus important pour nous que pour les partis qui ont des centaines de milliers, voire des millions, de dollars dans leurs coffres. Que ce soit voulu ou non — certains donnent à entendre qu'il s'agit de quelque chose de délibéré —, le nouveau régime, qui vise soi-disant à renforcer et à étendre la démocratie, sert en fait l'intérêt des partis dominants à la Chambre des communes, d'après nous.
M. Brisson: Nous avions un parti fort et dynamique jusqu'en 1997, année où nous avons perdu le statut de parti enregistré parce que nous n'avons pas pu présenter 50 candidats. Nous avons disparu de la carte politique. Beaucoup de défenseurs des libertés civiles en ont été déçus. Le parti est ressuscité après l'arrêt Figueroa. D'ailleurs, beaucoup de partis politiques ont ainsi pu renaître.
Cependant, nous sommes maintenant soumis à de nombreuses restrictions en matière de comptabilité et de documentation. Comme l'a dit Mme Dicarlo, je ne me suis pas lancé en politique pour me transformer en bureaucrate; je voulais faire avancer une idée politique. Chaque fois que je me retourne, je me trouve face à un nouveau document, une nouvelle obligation, une nouvelle restriction. Quand je discute avec des bénévoles ou avec des personnes qui pourraient devenir des bénévoles, la paperasserie les décourage. Nous avons besoin de personnel à plein temps pour s'occuper de toute la paperasserie. Ça en est décourageant. On en vient à se demander si cela vaut vraiment la peine de proposer une idée politique. Toute cette paperasserie nous amène à en douter.
C'est comme si on voulait en quelque sorte nous contraindre — et c'est quelque chose que j'ai entendu à maintes reprises — à nous joindre aux grands partis. Je veux bien, mais je n'aurais alors plus de voix. Je ne pourrais pas m'exprimer, car si je ne me range pas derrière la ligne du parti, je ne pourrai jamais me faire entendre. C'est pour cette raison que nous sommes là. Nous voulons avoir la possibilité de nous exprimer.
La Loi électorale du Canada, au fur et à mesure qu'on la modifie, devient de plus en plus complexe, alambiquée et décourageante. Il y a toujours un nouvel obstacle que nous devons surmonter; que pouvons-nous faire? Je suis venu ici en 1999, et j'ai dit une chose. J'ai vu certains changements, mais dès qu'on réussit à faire tomber une barrière, il y en a 10 autres qui sont érigées. Je ne sais pas où tout cela va nous mener.
Mme Dicarlo: J'estime qu'il est important d'essayer de comprendre l'objet du projet de loi. J'ai été incapable de trouver quelque argument que ce soit qui explique la raison derrière tout cela. On dit vouloir permettre aux partis politiques d'être plus présents auprès de l'électorat, mais cela n'a aucun sens à mon avis. On dit que le projet de loi mettrait tous ceux qui font des contributions politiques sur un pied d'égalité, alors que ce n'est pas tout le monde qui pourrait donner 5 000 $. Je crains que le projet de loi à l'étude ne soit adopté sans même que nous ayons entendu un seul argument cohérent pour en expliquer la nécessité. Le fait de ramener le montant des contributions de 5 000 $ à 1 000 $ n'aura absolument pas pour effet d'éliminer l'influence dans la sphère politique. Ce n'est absolument pas logique. Nous savons que l'influence de la richesse s'exerce non pas seulement par les contributions. Ce serait bien s'il en était ainsi, mais ce n'est pas le cas.
Il est important de pouvoir déterminer dans le cadre de vos délibérations si la mesure législative proposée sera efficace ou si ce ne sera que de la frime et si elle ne fera que causer une multitude de problèmes.
Le président: Je vous remercie.
Le sénateur Campbell: Je n'ai pas dit grand-chose jusqu'à maintenant. Je me rends compte que je reviens ici en quelque sorte à mes racines, comme M. Gray le sait sûrement. Je n'ai jamais été membre d'un parti politique avant l'âge de 53 ans. Parmi ceux qui ont été élus en même temps que moi et qui faisaient partie de la même formation politique, on retrouvait des communistes, des marxistes-léninistes et un libertarien — je ne sais pas trop pourquoi, mais nous avons écarté les maoïstes. Cette expérience m'a permis de me frotter à des idées différentes que je n'aurais jamais même pris la peine d'écouter auparavant, pour tout vous dire. Tout comme le sénateur Stratton, je souscris à la représentation proportionnelle, chose que je n'aurais jamais envisagée auparavant. Cela fait maintenant un peu plus d'un an seulement que je suis membre d'un parti politique fédéral. J'ai appuyé une multitude de partis politiques au fil des ans — parfois à cause d'une idée simplement.
Quand je me suis présenté comme maire de Vancouver, nous étions entre 15 et 20 candidats, y compris un représentant du Nude Garden Party, ce qui aurait certainement rendu la soirée bien plus intéressante si toutefois la personne n'avait pas eu 58 ans et si elle avait été un peu plus en forme. Tous ces candidats offraient quelque chose d'intéressant, une idée qui, si le moment avait été opportun, aurait pu être retenue. Quand une idée est bonne, je ne me soucie pas de savoir d'où elle vient. Elle devrait pouvoir se défendre toute seule, d'où qu'elle vienne.
Ce matin, nous avons entendu les deux principaux partis politiques, et la séance a duré trois heures. Cet après-midi, nous accueillons ce que l'on pourrait appeler les partis politiques mineurs, et la séance dure depuis quatre heures.
Ce qui me préoccupe le plus, c'est de savoir quel sera l'effet du projet de loi sur la démocratie au Canada. Je ne fais que répéter ce que vous avez déjà dit, mais le projet de loi va-t-il vous obliger à fermer boutique? J'aimerais vous entendre tous et chacun là-dessus. Monsieur Gray?
M. Gray: Dieu nous en préserve. Je dois dire à M. Glass que la seule fois où j'ai prié pour le Parti communiste, c'est lors de l'affaire Figueroa.
Le sénateur Campbell: Tout n'est pas perdu.
Le sénateur Joyal: Le précepte de base du christianisme est d'aimer son prochain, qui qu'il soit.
M. Gray: J'aime mon prochain, mais c'est la seule fois où j'ai prié pour qu'il réussisse.
Nous avons l'intention de continuer à essayer d'offrir cette option aussi longtemps que Dieu nous permettra de poursuivre nos activités. Nous avions perdu notre statut de parti enregistré, tout comme les libertariens, et c'est grâce à l'arrêt Figueroa que nous avons pu revenir sur la scène. Nous allons poursuivre nos efforts. Nous avons quelque chose à dire. Ce n'est pas tout le monde qui est d'accord avec nous. À l'encontre de certains des grands partis, nous n'insistons pas pour que tous les Canadiens soient d'accord avec nous. Nous voulons simplement avoir la possibilité de dire les choses qu'il est important à notre avis de dire dans l'arène publique, et nous allons poursuivre nos efforts en ce sens.
Je tiens à vous rappeler ce qu'a dit John F. Kennedy. Il a dit que ceux qui rendent le changement pacifique impossible rendent le changement violent inévitable. Si le Parlement du Canada persiste à étouffer la démocratie, il va mourir. Aucun de nous ne voudrait voir ce qui se passerait ensuite.
M. Brisson: Si les impôts augmentaient de 10, 20 ou 30 p. 100 demain, l'activité économique serait contrainte à s'exercer dans la clandestinité. Si les partis politiques sont soumis à un fardeau financier trop important, nous chercherons des moyens de nous financer sans vous faire savoir comment nous allons nous y prendre. Les bénévoles répondront à l'appel. Ils nous aideront. Nous omettrons tout simplement de dire qu'ils travaillent pour nous en tant que bénévoles. C'est une astuce. Ils pourront aller frapper aux portes. Ils pourront recueillir des fonds et payer des petites factures qui ne se retrouveront jamais dans les rapports présentés à Élections Canada. Vous nous contraignez à faire preuve d'imagination pour pouvoir survivre. S'il faut avoir recours à la supercherie — et je parle bien à dessein de supercherie —, soit. Comme je l'ai déjà dit, si vous nous acculez au pied du mur, pour reprendre les propos de M. Gray, nous allons survivre. Comment? Nous ne le savons pas, parce que nous ne savons pas quelles seront les conséquences du projet de loi s'il est adopté, mais nous allons trouver les moyens voulus au fur et à mesure que nous avancerons. L'économie survit parce qu'elle devient clandestine. Les partis politiques survivront parce que nous aurons peut-être à faire la même chose.
Mme Dicarlo: Je ne crois pas que notre fonctionnement en serait touché de la même façon. Non, il n'y aura aucune incidence sur notre façon de fonctionner. Cependant, la situation qui résultera du projet de loi donnera certainement lieu à des efforts pour contourner la loi. Je ne pensais pas vraiment aux petits partis comme aux grands partis, pour tout vous dire. Nous avons déjà pu constater que depuis le projet de loi C-24, on a trouvé des moyens très novateurs de contourner la limite de 5 000 $. Dans certains cas, les gens se sont fait prendre et ont dû rembourser l'argent.
J'aimerais revenir au point de départ. Ce projet de loi est censé rétablir la responsabilisation. Les petits partis politiques du Canada n'ont absolument aucun problème à ce niveau. Les choses vont très bien. Les gens qui nous connaissent savent que nous sommes très honnêtes. Nous n'avons pas eu de gros scandale. Le problème de la responsabilisation concerne les grands partis représentés à la Chambre des communes. Ce projet de loi ne règlera pas ce problème. C'est ce qui me préoccupe le plus.
Si j'ai voulu comparaître devant votre comité aujourd'hui ce n'était pas pour dire que ce projet de loi allait nous nuire. Nous disons qu'il portera atteinte à la politique, qu'il nuira à la démocratie dans son sens le plus large. Ce projet de loi ne convaincra personne que les choses vont changer. Ce qu'il nous faut au Canada c'est la conviction que les choses sont en train de changer.
M. Glass: Il ne nous mettrait pas hors de combat, mais il serait certainement une entrave. Il est déjà difficile de diffuser notre message en raison des contraintes financières et autres. Nous avons été déclarés illégaux au Canada. Nous n'avons pas subi de répression bureaucratique ou financière mais une répression politique. Nous avons toujours été présents depuis 1921 et nous continuerons à exister même si ce projet de loi est adopté, mais il nuirait à tous les petits partis et du même fait, à la démocratie, comme Mme Dicarlo le disait. Il nous forcerait à agir d'une manière que nous n'avons jamais agi, c'est-à-dire d'avoir recours à la tricherie et d'imaginer des moyens astucieux de contourner la loi.
Nous ne recevons pas des sacs d'argent livrés dans des restaurants. Si le projet de loi vise à empêcher de tels agissements, très bien. Cependant, nous n'aurions pas dû être obligés de venir vous dire que le projet de loi devrait être rejeté car il nous nuirait sérieusement sans rien faire pour les sacs d'argent. Il nous nuirait, mais ne nous serait pas fatal.
Le sénateur Campbell: Enfin, je ne crois pas qu'il devrait y avoir de seuil. Je trouve que ce n'est pas démocratique. Cela laisse entendre que l'avis des gens n'est pas important et que nous pouvons ignorer les gens et ignorer les idées.
Je vous remercie tous d'être venus aujourd'hui. En début d'après-midi, je me méfiais un peu. Je suis de Vancouver et vous savez comment les choses peuvent se passer dans nos conseils municipaux. J'ai appris beaucoup de choses. Vous avez l'esprit ouvert, et je pense que vous nous avez donné ample matière à réflexion pour nos délibérations sur le sort à réserver à ce projet de loi.
Le sénateur Day: Comme mes collègues, je vous remercie d'être venus et d'avoir été francs et directs dans vos réponses à nos questions. Cela nous aide beaucoup. Vous nous avez aidés à nous faire une idée d'ensemble de la situation, notamment en ce qui concerne la Loi électorale du Canada, à laquelle nous allons vouloir réfléchir. En ce qui concerne le projet de loi C-2, le projet de loi sur la responsabilité, et les dispositions qui modifient la Loi électorale du Canada, sur laquelle nous concentrons nos efforts pour le moment, vous nous avez dressé un tableau d'ensemble qui nous sera très utile.
Premièrement, pourriez-vous me dire si vous avez comparu devant le comité de la Chambre des communes qui a étudié le projet de loi C-2?
M. Gray: Non. J'ai été invité à comparaître devant des comités parlementaires trois fois: deux fois par des comités sénatoriaux, et j'ai été entendu ces deux fois; et une fois par un comité de la Chambre des communes qui a été annulé. Mais il ne s'agissait pas du projet de loi C-2. Je n'ai pas été invité à faire d'observations sur ce projet de loi.
Le sénateur Day: Est-ce qu'il y en a parmi vous qui ont été consultés au sujet du projet de loi C-2 par le comité de la Chambre des communes?
M. Langlois: Non, pas moi.
Mme Dicarlo: Non.
M. Glass: Non.
Le sénateur Day: Je ne vous demanderai donc pas combien de temps le comité de la Chambre vous a accordé, puisqu'il ne vous a pas entendus.
Monsieur Glass, je vous remercie de votre mémoire. Nous prenons tous des notes, mais c'est utile d'avoir un texte auquel nous pouvons nous reporter par la suite. À la page 5, au troisième point, vous dites: « Réduire considérablement les plafonds de dépenses des partis et des candidats pendant et entre les élections ». Les dépenses des partis politiques et des candidats membres de ces partis et celles des autres candidats sont plafonnées pendant une campagne électorale, mais je ne crois pas qu'il y ait de limite à ce qu'un parti politique peut dépenser entre les élections. Proposez-vous qu'il y ait de tels plafonds entre les campagnes électorales?
M. Glass: La politique est une activité qui se pratique 365 jours par année, ou à peu près. Ce qu'on fait pendant la campagne électorale a autant d'impact sur le résultat des élections que ce qu'on fait pendant les 30 jours de la campagne. Les idées des petits partis risquent de tomber sur un sol encore moins fertile que d'habitude si d'autres groupes et partis politiques sont autorisés à dépenser d'énormes sommes d'argent entre les élections, ce qui fait qu'au moment des élections, nos idées sont déjà pratiquement enterrées.
En un mot, oui, je pense qu'un plafond des dépenses pendant les élections et entre les élections contribue à démocratiser la politique.
Le sénateur Day: D'un point de vue philosophique, vous croyez qu'il serait raisonnable de plafonner les dépenses des partis politiques de manière générale.
M. Glass: Je ne pense pas que mes collègues soient d'accord. C'est notre opinion.
M. Gray: Je suis contre les plafonds. Je rappelle à M. Glass que nous faisons de la politique seulement 213 jours par année, puisqu'il y a 52 jours pendant lesquels nous ne faisons pas campagne.
Le sénateur Day: Tous les dimanches.
Mme Dicarlo: Je viens tout juste de la comprendre.
Le sénateur Campbell: J'aime de plus en plus votre parti.
M. Gray: C'est très reposant.
Le sénateur Day: Madame Dicarlo, avez-vous des observations à faire sur le plafonnement des dépenses? Certains disent que si nous voulons limiter les contributions il faut plafonner les dépenses, que l'un ne va pas sans l'autre.
Mme Dicarlo: C'est ainsi que les choses seraient censées fonctionner. Or, nous pensons que c'est devenu une vraie farce au Canada. Les campagnes durent toute l'année. La semaine avant le déclenchement d'une élection, j'ai l'impression que les partis politiques qui ont beaucoup d'argent publient leurs documents et font campagne mais, comme c'est en dehors de la période de 36 jours, ces dépenses ne seront pas considérées comme des dépenses électorales.
Le président: Il s'agit de dépenses préélectorales.
Mme Dicarlo: Oui, on appelle ça des dépenses préélectorales.
D'après notre analyse de la situation, la Loi électorale est devenue complètement incohérente. Prenons l'exemple des dépenses de congrès qui est très révélateur. La décision selon laquelle la part des frais d'organisation d'une activité de financement affectés aux repas et à l'hébergement, et cetera — tel qu'Élections Canada l'interprète — doit être déduite me semble parfaitement raisonnable. Cela veut dire que 11 personnes ne peuvent pas se réunir, commander un repas de steak de 200 $ et une bouteille de vin de 50 $ et obtenir une déduction d'impôt en prétendant qu'il s'agit d'une contribution politique. Cette règle a été adoptée lorsqu'il n'y avait aucun plafond aux contributions. C'était un moyen de protéger le contribuable.
Cependant, on essaie d'appliquer la même disposition aux contributions et on essaie d'y comprendre quelque chose. Ça n'a aucun sens car cette disposition a été adoptée avant qu'il y ait des contributions. Il y a de nombreuses dispositions de la Loi électorale qui tombent dans cette catégorie. Il n'y a plus du tout de cohérence. À mon avis, le plafonnement des dépenses électorales en est un exemple. Cela ne nous met pas à l'abri d'une distribution inégale de la richesse.
Le président: Sénateur Day, je vous rappelle qu'à la page 5 du mémoire que Mme Dicarlo a présenté au comité, elle répond directement à la question que vous avez posée au sujet du plafond des dépenses. Je la cite:
Le régime est rendu chaotique et incompatible avec la liberté politique parce que: (1) les campagnes électorales n'ont plus ni début ni fin; (2) les sommes d'argent qu'il faut avoir pour se lancer dans une campagne électorale, même avec des « plafonds des dépenses », étant hors de portée de quiconque n'a pas de fortune personnelle [...]
Voilà sa réponse. Tout à l'heure, elle a dit que l'ensemble du processus politique devrait être financé afin d'assurer l'égalité.
Le sénateur Day: J'apprécie cette mise au point.
Ce que vous venez tout juste de dire au sujet des dépenses de congrès m'amène à ma prochaine question.
M. Gray, puis M. Brisson, nous ont dit qu'il n'est plus permis d'émettre des reçus aux fins de l'impôt pour des dépenses de congrès.
Il me semble que c'est le contraire. Il semble y avoir une divergence de vue entre le Parti conservateur et le Parti libéral, comme nous l'avons entendu ce matin, et ce que M. Baird a dit à ce sujet en juin. Je crois savoir que le commissaire aux élections rendra une décision à ce sujet, ce qui devrait nous éclairer.
Cependant, il n'y a rien dans ce projet de loi, du moins pour le moment, qui a trait à la déduction des dépenses électorales de l'impôt sur le revenu. Si cette déduction existait, ce projet de loi ne l'abroge pas. Les deux partis s'entendent pour dire que cette déduction a déjà existé: le Parti libéral estime qu'elle s'applique dans tous les cas alors que le Parti conservateur croit qu'elle s'applique uniquement lorsqu'il y a un bénéfice. C'est la question à trancher et on aura une réponse. Nous devrons peut-être proposer un amendement à ce projet de loi afin d'éclaircir la question si M. Landry, le commissaire aux élections, détermine qu'il n'y a pas de réponse claire.
M. Gray: Avant notre dernier congrès en octobre dernier, Élections Canada nous a dit que nous ne pouvions pas émettre de reçus pour les frais de congrès, soit le prix de l'hébergement et de l'inscription. Il y a des divergences entre l'interprétation d'Élections Canada et celle des deux principaux partis.
Le sénateur Day: Vous voulez dire l'hébergement des participants?
M. Gray: Oui.
Le sénateur Day: Cette dépense a toujours été exclue.
M. Gray: Il y a aussi les frais d'inscription.
Le sénateur Day: Qu'est-ce qui est inclus dans les frais d'inscription? Cela a toujours été la question.
M. Gray: Cela inclut la participation à la réunion, et cetera
Le sénateur Day: On peut émettre des reçus pour la location de la salle de réunion, des écrans, des micros et des systèmes audio. On peut aussi émettre un reçu pour les frais d'inscription.
M. Gray: On nous a dit le contraire.
Le sénateur Day: C'est intéressant. Il faudrait éclaircir cette question.
M. Gray: Dans ce cas, vous avez tout à fait raison. Il serait bon que vous proposiez d'éclaircir cette question.
Le sénateur Day: Absolument, on l'éclaircira. Merci. J'ai pris note de votre observation au sujet de l'importance des congrès pour bâtir vos partis et vos équipes et pour élaborer vos politiques. Donc, il faudrait examiner cette question.
Si on nous informe que ces dépenses constituent des dons politiques légitimes pour lesquels on peut recevoir un reçu, est-ce que le plafond actuel qui sera réduit de 5000 $ à 1 000 $ devrait s'appliquer à ces dépenses? Est-ce que les frais de congrès devraient être inclus dans le montant du don annuel admissible à un parti ou devraient-ils être traités à part?
M. Gray: Si le projet de loi C-2 est adopté dans sa forme actuelle et que le plafond est ramené à 1 000 $ par année, cela veut dire que l'année d'un congrès, ce sera le seul don possible, puisqu'il en coûte 1 000 $ pour participer à un congrès, à moins qu'il y ait une exemption particulière. C'est pourquoi je vous supplie de ne pas permettre que cette réduction soit adoptée. Ce serait un fardeau intolérable pour nous alors même que les partis déjà représentés à la Chambre se sont accordé 30 millions de dollars par année de l'argent des contribuables. C'est inadmissible.
M. Brisson: Je suis entièrement d'accord avec M. Gray. Je ne sais pas si cela représente 30 millions de dollars, mais il parle de la somme 1,79 $ par électeur.
Le sénateur Stratton: C'est 1,75 $.
Le président: C'est ce que vous voulez dire lorsque vous parlez de 30 millions de dollars?
M. Gray: C'est indexé. C'est maintenant 1,80 $.
M. Brisson: C'est cela qu'il veut dire. Si les dés sont pipés d'avance, adopter le projet de loi C-2, comme nous le répétons depuis deux heures, c'est vouloir notre mort. Ils se donnent un avantage en s'accordant un financement en fonction du nombre de votes qu'ils reçoivent. Si la limite de 5 000 $ est ramenée à 1 000 $, autant supprimer le seuil, ce qui aurait au moins pour effet de traiter tout le monde de la même manière. Si le seuil est maintenu, vous verrez que ma prédiction se réalisera.
Le sénateur Day: Merci. L'un de vous a-t-il quelque chose à ajouter?
M. Glass: Non, je suis entièrement d'accord.
Mme Dicarlo: J'ai du mal à comprendre cette disposition puisqu'un congrès est une activité politique comme tant d'autres. Si on faisait la différence strictement entre les dépenses effectuées pendant une campagne électorale et toutes les autres activités politiques, il y aurait une certaine logique puisqu'il s'agirait de contrôler le discours électoral. On pourrait toujours séparer ces dépenses de toutes les autres, je suppose, mais ce serait créer un véritable bourbier. Je ne comprends pas du tout pourquoi on traiterait les congrès de cette façon.
Le sénateur Day: Je vous demandais de supposer que les dépenses de congrès constituent une contribution politique. Cette contribution doit-elle être incluse dans le montant total qu'une personne peut donner à un parti politique pendant une année ou devrait-elle être traitée séparément?
Mme Dicarlo: Je suppose qu'il serait logique de traiter cette contribution séparément. J'ai du mal à y voir clair, car cette question a été soulevée parce que le Parti libéral s'inquiète de son congrès. Maintenant on essaie d'en faire un problème pour l'ensemble de la politique.
Ce n'en est pas un. Il n'y a que pour les libéraux que cela poserait un problème si le projet de loi était adopté avant leur congrès. Si j'ai bien compris, c'est ça le problème.
Le sénateur Day: Cela aide à faire la lumière sur ce problème. Vous avez tout à fait raison.
M. Glass: Nous invitons les gens que nous rencontrons à venir à un congrès afin qu'ils puissent voir un groupe représentatif des membres de notre parti provenant des différentes provinces et de différents milieux professionnels. Dans bien des cas, ils ne considèrent pas les 50 $ ou 100 $ qu'ils versent pour assister en observateur à notre congrès comme étant une contribution. Nous avons besoin de cet argent. Comme nous serons plus nombreux, il nous faudra une salle plus grande. Nombre d'entre eux n'y verraient pas une contribution. En fait, ceux qui viennent et qui ne sont pas d'accord avec ce qu'ils entendent n'y verraient certainement pas une contribution. Ils ne voudraient pas une déduction. Ils diraient peut-être: « Je n'aime pas le Parti communiste ». Ils diraient peut-être: « J'ai assisté au congrès du Parti de l'Héritage Chrétien et je n'aime pas ces gens, alors je vais donner mon argent à quelqu'un d'autre ». Ils ne considèreraient pas cela comme une contribution. Ils s'intéressent un peu à ce qui se passe, c'est pourquoi ils paient pour venir observer, mais ce serait une erreur d'y voir une contribution politique.
Je ne vois pas en quoi le fait qu'un observateur paie des droits d'inscription aide le parti. Ça ne nous aide pas particulièrement. Je pense surtout que c'est une catégorie de contribution inhabituelle. Bien sûr, pour les délégués, les membres du parti, c'est en quelque sorte une contribution, mais pour les observateurs, je n'inclurais pas ce qu'ils versent à ce titre dans le montant des contributions permises.
Le sénateur Day: Vous excluez les observateurs, mais pour les membres du parti qui participent au congrès, est-ce que vous considérez qu'il s'agit d'une contribution politique?
M. Glass: Je ne vois pas comment on pourrait l'exclure. Bien sûr, il s'agit d'une contribution au congrès. Il faut faire une exemption pour les observateurs et les invités spéciaux qui paient pour être présents mais pour qui ce n'est pas une contribution à un parti.
Mme Dicarlo: Supposons que nous organisions un congrès national. Si nous appliquons la loi à la lettre, le prix du billet d'avion pour se rendre au congrès doit être inclus dans les dépenses politiques. Pour certains, dépendant de leur mode de transport, il suffirait d'un déplacement pour atteindre la limite de leurs contributions politiques. Certains ne pourraient se rendre au congrès sans enfreindre la loi.
On ne tiendrait pas compte de ces frais parce que dans la loi il n'y a rien qui se rapporte au coût d'un billet d'avion pour se rendre à une réunion. Ça n'a aucune espèce de bon sens. Selon moi, c'est ridicule. Nous nous demandons si les frais pour se rendre à un congrès sont une contribution tandis que le grand public se demande « Qui sont ces politiciens et que font-ils? » Vous êtes bien au courant de tous les commentaires que nous entendons. Comment en sommes-nous arrivés là, lorsque nous nous intéressons d'abord à la reddition de comptes, aux opinions des Canadiens à l'endroit de ceux qu'ils ont élus, et la possibilité de contrôler ce qu'ils font? Je ne prends pas la question à la légère; c'est une préoccupation tout à fait légitime. Cependant, ce n'est pas notre problème au Canada. Pour la population canadienne, ce n'est pas très impressionnant de constater que nos débats sur la responsabilisation comprennent ce genre de détails.
Le sénateur Day: Il ne faut pas oublier qu'on nous a confié ce document. Si nous ne nous occupons pas de faire ce qu'il faut pour le Canada, le document deviendra loi. C'est pour cette raison que nous avons demandé vos conseils.
Mme Dicarlo: Vous avez raison, mais comment cette question de frais de congrès a-t-elle pu prendre toute cette ampleur? Il faut comprendre le contexte, il faut se demander pourquoi on est en train de réglementer les partis politiques; sinon, nous n'arriverons jamais à comprendre. C'est ce que j'essaie de vous expliquer. Quelqu'un a dit qu'il fallait peut-être écarter les programmes des partis de la catégorie de contribution politique.
M. Gray: Je veux revenir sur le commentaire du sénateur Day. Les honorables sénateurs nous ont invités à participer à la discussion sur le projet de loi qui vous a été renvoyé. La Chambre des communes n'a pas cherché à obtenir l'opinion de ces partis. C'est la raison pour laquelle nous sommes reconnaissants envers le Sénat qui a accepté d'en faire un second examen objectif et qui nous a invités à y participer. Pour nous, c'est d'une importance primordiale. Très souvent, c'est au Sénat plutôt qu'à la Chambre des communes que nous avons la possibilité de contribuer à l'élaboration de politiques gouvernementales.
Le président: Vous n'êtes pas le seul à le dire.
Le sénateur Zimmer: Monsieur le président, permettez-moi de remercier les témoins, non seulement pour les opinions très claires qu'ils ont exprimées mais aussi pour leurs idées nouvelles et originales. Les partis les plus importants nous ont fait des exposés ennuyeux, tandis que les vôtres étaient passionnants.
Le président: Chers témoins, je ne saurais m'exprimer encore mieux que mon distingué collègue le sénateur Zimmer. Au nom de tous les membres du comité, je tiens à vous remercier sincèrement de votre participation aujourd'hui et des explications que vous nous avez fournies et qui serviront à nous aider à mieux comprendre les aspects complexes de ce projet de loi important.
La séance est levée.